Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-1967

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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hellrick
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-1969

Message par hellrick »

Jeremy Fox a écrit : texas nous voilà

Je crois avoir vu là l'un des 5 films les plus nuls, les plus cons et les moins drôles de ma vie. La chronique va être vite torchée. :twisted:
Je l'ai non seulement acheté mais en plus quelqu'un a eu la bonne idée de me l'offrir, je l'ai donc en double :mrgreen:
Me reste plus qu'à le visionner :fiou:
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Alexandre Angel
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-1969

Message par Alexandre Angel »

hellrick a écrit : Je l'ai non seulement acheté mais en plus quelqu'un a eu la bonne idée de me l'offrir, je l'ai donc en double :mrgreen:
Me reste plus qu'à le visionner :fiou:
..puis à en refourguer au moins un :mrgreen:
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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-1969

Message par Jeremy Fox »

hellrick a écrit : mais en plus quelqu'un a eu la bonne idée de me l'offrir
Tu devrais t'en méfier ; un ennemi qui dort :mrgreen:
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tindersticks
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-1969

Message par tindersticks »

hellrick a écrit :
Jeremy Fox a écrit : texas nous voilà

Je crois avoir vu là l'un des 5 films les plus nuls, les plus cons et les moins drôles de ma vie. La chronique va être vite torchée. :twisted:
Je l'ai non seulement acheté mais en plus quelqu'un a eu la bonne idée de me l'offrir, je l'ai donc en double :mrgreen:
Me reste plus qu'à le visionner :fiou:
Je l'avais vu sur un marché aux puces à 2€, j'avais bien fait de pas le prendre. :D
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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-1969

Message par Jeremy Fox »

Attention quand même ; quand vous allez lire les commentaires sur IMDB, la plupart on trouvé le film hilarant. Même phénomène que pour Cat Ballou en fait. Bref, ne vous fiez pas forcément à mon avis (qui arrive cette après midi en principe)
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Jeremy Fox
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Texas Across the River

Message par Jeremy Fox »

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Texas nous voilà (Texas across the River - 1966) de Michael Gordon
UNIVERSAL


Avec Alain Delon, Dean Martin, Rosemary Forsyth, Joey Bishop
Scénario : Wells Root, Harold Greene, John Gay & Ben Starr
Musique : Frank de Vol
Photographie : Russell Metty (Technicolor 2.35)
Un film produit par Harry Keller pour la Universal


Sortie USA : 26 octobre 1966


Louisiane. Le mariage qui doit avoir lieu entre la belle sudiste Phoebe Ann Taylor et le noble Don Andrea Baldasar (Alain Delon) est brusquement interrompu par l’arrivée d’un cavalier de l’US Army qui estime s’être fait flouer par le gentleman espagnol qu’il accuse de tous les maux dont celui de lui avoir subtilisé sa promise. Alors qu’on tente de l’arrêter, Don Andrea tue accidentellement un soldat. Poursuivi par la cavalerie, il doit fuir jusqu’au Texas où sa fiancée a promis de le rejoindre. Là-bas, il rencontre Sam Hollis (Dean Martin) et son bras droit indien, Kronk (Joey Bishop), qui cherchaient justement une fine gâchette pour leur donner un coup de main à combattre les Comanches et mener à bien un dangereux convoyage d’armes…

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Comme Cat Ballou, le premier film de Elliot Silverstein qui s’était vu placé 10ème meilleur western de tous les temps (sic) par le très sérieux American Film Institute, Texas nous voilà semble avoir autant fait rire les américains au vu des avis de la plupart des internautes et notamment ceux lus sur imdb. De quoi disserter à nouveau pendant des heures sur la différence de réception de l’humour en fonction des pays et des cultures, voire même entre chacun d'entre nous. Il y a en effet pour les détracteurs de quoi tomber des nues ! Une telle ‘indulgence’ aurait à la rigueur pu se comprendre s’il s’était agit de la première parodie westernienne ; ce qui est loin d’être le cas. Souvenons-nous au moins des réussites, nettement plus amusantes à mon humble avis, que furent Le Grand Bill (Along Came Jones) de Stuart Heisler avec Gary Cooper, La Belle du Far-West (Calamity Jane) de David Butler avec Doris Day ou encore La Vallée de la poudre (The Sheepman) de George Marshall avec le couple délicieux constitué par Glenn Ford et Shirley MacLaine. Même les plus récents Quatre du Texas (Four from Texas) de Robert Aldrich, McLintock! d’Andrew McLaglen ou les deux John Sturges que sont Les Trois Sergents (3 Sergeants) et Sur la piste de la grande caravane (The Hallelujah Trail), pourtant pas spécialement réputés pour leur délicatesse de ton, arrivaient à faire mieux fonctionner nos (mes) zygomatiques ; ce qui n’est pas peu dire !

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Des films pour la plupart certes frivoles, improbables patchworks d'action et d'humour, mais qui s’avéraient néanmoins bien divertissants à défaut d'autre chose. Ce qui à mes yeux n’est pas le cas de cette navrante comédie signée Michael Gordon, réalisateur qui nous avait pourtant joliment surpris en 1951 avec l’intéressant L’Enigme du lac noir (The Secret of Convict Lake) avec Glenn Ford et Gene Tierney, un curieux film faisant la part belle aux personnages féminins, mélange de western, de drame psychologique, de suspense et de film noir. Ce furent ensuite quelques excellentes comédies dont la plus célèbre demeure la première confrontation entre Doris Day et Rock Hudson, le délicieux Confidences sur l’oreiller (Pillow Talk) devenu à juste titre un classique du genre. Texas nous voilà est loin d’être aussi drôle ; me concernant il n’est même pas arrivé une seule fois à me faire décocher un sourire tellement le résultat m’a semblé affligeant de bout en bout. S’il ne s’agissait que de l'impressionnante bêtise du scénario (écrit quand même à 4 mains), ça aurait encore pu passer ; mais l’indigence de la mise en scène est telle (revoyez notamment les hideux détourages des deux stars qui ont parfois tournés devant d’improbables transparences – on est loin du temps où Universal avait en quelque sorte banni ce procédé peu esthétique, privilégiant au maximum le tournage en extérieurs) qu’il m’a été un véritable calvaire de suivre le film jusqu’au bout d’autant plus que la musique de Frank DeVol est franchement insupportable tout comme le cabotinage éhonté d’Alain Delon, alors qu’au contraire Dean Martin semble totalement absent, paraissant se demander ce qu’il est venu faire dans cette galère. Même Joey Bishop fut bien plus drôle dans les autres westerns comiques du Rat Pack et notamment en souffre-douleur ahuri des Sergeants 3.

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Vous l’aurez compris, rien à sauver me concernant, pas même les comédiennes (Tina Aumont, la fille de Jean-Pierre, est vraiment mauvaise en jeune indienne). Un western idiot, pachydermique, interminable et sans aucun sens du rythme ni même de l’espace (l’utilisation du cinémascope est exécrable). Une pantalonnade ridicule en pilotage automatique que d’autres que moi trouvent au contraire amusante voire hilarante. Ne prétendant détenir la moindre vérité, reste à vous faire votre propre opinion ; mais au moins vous aurez été prévenu !
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-1969

Message par hellrick »

Je viens de consulter l'encyclopédie du western de Herb Fagen:

"pure fun and frolic heightened by some hilariously romantic and convoluted twists and turns. A well-crafted spoof helmed by former stage actor Michael Gordon, Texas Across the Border garnered good reviews. Variety calls it “. . . a rootin’, tootin’ comedy western with no holds barred . . . a gag man’s dream, with a choice assemblage of laughs, many of the belly genre.”

:mrgreen:
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-1969

Message par Jeremy Fox »

Oui c'est ce que je disais, comme Cat Ballou, le western de Gordon est presque adulé aux USA. :o
Heureusement Phil Hardy dans sa bible du genre se place plutôt de mon côté :mrgreen:
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Jeremy Fox
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The Professionals

Message par Jeremy Fox »

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Les Professionnels (The Professionals - 1966) de Richard Brooks
COLUMBIA


Avec Burt Lancaster, Lee Marvin, Robert Ryan, Claudia Cardinale
Scénario : Richard Brooks d’après Frank O’Rourke
Musique : Maurice Jarre
Photographie : Conrad J. Hall (Technicolor 2.35)
Un film produit par Richard Brooks pour la Columbia


Sortie USA : 02 novembre 1966


1917. Henry Fardan (Lee Marvin), un mercenaire qui a autrefois combattu au Mexique aux côtés de Pancho Villa, est recruté par J.W. Grant (Ralph Bellamy), un riche magnat du pétrole texan, afin de retrouver et ramener son épouse Maria (Claudia Cardinale) qui aurait été enlevée par un bandit mexicain du nom de Jesus Raza (Jack Palance) ; en échange, Fardan touchera une récompense alléchante, pas moins de 100.000 dollars. Pour l’aider dans sa mission, il recrute trois autres aventuriers, son ami Bill (Burt Lancaster), incorrigible coureur de jupons et expert en explosifs avec qui il s’est battu lors de la révolution mexicaine -durant laquelle ils ont même côtoyés Raza-, Jake (Woody Strode), un noir à la musculature imposante, tireur à l’arc émérite, ainsi que le peu loquace Hans (Robert Ryan), ex-maquignon qui aura pour tâche de s’occuper de leurs montures. Les voilà partis pour le campement de Raza dans une région désertique du Mexique où règne une chaleur étouffante. Après avoir échappés à plusieurs bandits prêts à les faire passer de vie à trépas, ils arrivent à bon port. Maria Grant est bien présente ; il n’y a plus qu’à la délivrer en faisant diversion car à 4 contre 150 les chances sont bien minces de s’en sortir vivants. L’audace de ces ‘professionnels va payer … mais pour quel résultat… ?!

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...Concernant l’intrigue je ne vous en dévoilerais pas plus, car si vous pensiez tomber sur un ersatz des Sept mercenaires auquel il fait au départ très logiquement penser, il n’en est rien sur le fond et, contrairement au scénario conventionnel et ronronnant du film de John Sturges, ici les surprises et retournements de situation sont non seulement de taille mais s’avèrent ne pas uniquement être de simples ‘twists’, amenant au contraire des réflexions politiques et morales assez passionnantes ! Que ceux qui ne connaitraient pas encore Les Professionnels évitent de lire ce texte puisqu’il est difficile de parler du film sans évoquer ces ‘spoilers’ qui pour certains, très lucides, sont à l'origine d'une allégorie sur l’engagement des États-Unis au Vietnam et qui font aujourd'hui de ce western une œuvre toujours autant d’actualité dans son 'message'… Pour ceux-là donc, rendez-vous directement à la conclusion qui évitera de revenir sur ces aspects surprenants tout en résumant tout le bien que je pense de ce deuxième des trois westerns réalisés par le talentueux Richard Brooks, bien plus riche et complexe qu’il le laissait présager durant les premières minutes ; complexité parfaitement bien résumée par cette réplique à la fois simple et vertigineuse : "Maybe there's only one revolution, since the beginning, the good guys against the bad guys. Question is, who are the good guys?"

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Le premier western de Brooks avait été réalisé 10 ans auparavant ; il s’agissait de La Dernière chasse (The Last Hunt), impitoyable réquisitoire contre les génocides quels qu’ils soient et miroir peu reluisant de l'Amérique de l’époque. Réputé pour son progressisme et son goût pour les sujets qui fâchent, ancien journaliste, scénariste et romancier, Brooks a toujours été un libéral rempli de bonnes intentions et de concepts généreux ; il va passer une bonne partie de sa carrière à traiter avec talent, force et conviction de sujets à caractères sociaux ou politiques et à dénoncer les abus et idées qui le font s'indigner, en scénarisant lui-même la plupart de ses propres films (ce qui était encore extrêmement rare à Hollywood dans les années 50/60). Auteur complet, il fut réhabilité en France grâce à Patrick Brion, la majorité de la critique ayant jusque là été toujours assez frileuse à son encontre ; on avait un peu de mal dans notre pays avec les réalisateurs qui se mouillaient politiquement et socialement parlant, les accusant souvent -pas toujours à bon escient- de manquer de subtilité, de s'avancer avec de gros sabots, etc. A priori, contrairement au déroutant La Dernière chasse, au vu du pitch et des premières séquences, Les Professionnels ressemblait plutôt à ces nouveaux ‘blockbusters westerniens’ du début des 60's initiés par Les Sept mercenaires (The Magnificent Seven), des films à grand spectacle aux scénarios assez basiques et avant tout destinés à mettre en scène des personnages monolithiques et des séquences mouvementés et spectaculaires (et pourquoi pas d'ailleurs ; je ne crache pas du tout sur de tels divertissements). Il y a certes peut-être un peu de cela dans le western de Richard Brooks, des ‘mercenaires’ rassemblés pour mener à bien une mission-suicide ‘humanitaire’ en plein Mexique… mais le film est beaucoup plus riche et mature, amenant -comme dit juste avant- plusieurs captivantes pistes de réflexions, les dilemmes moraux se posant aux différents protagonistes aboutissant à des questionnements sur les valeurs révolutionnaires, l’idéalisme, les notions d'honneur, les mutations de l’époque...

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Ce western qui ne manque pas de panache est construit en à peu près en trois parties d’égales longueurs encadrées par de 'lapidaires' prologue et épilogue sans aucune graisse inutile. Outre sa ressemblance de prime abord avec le film le plus connu de Sturges -et non le meilleur-, il possède donc également pas mal de points communs avec un autre classique du western, Le Jardin du diable (Garden of Evil) de Henry Hathaway, justement de par sa construction d'ensemble jusqu’à cette dernière partie au cours de laquelle un volontaire doit rester en arrière pour empêcher les poursuivants de rattraper le reste du groupe. La plus grosse différence entre les deux films sera néanmoins l’optimisme jubilatoire du final de Richard Brooks qui contraste énormément avec le ‘romantisme nihiliste’ de celui de Hathaway. Mais revenons-en tout d'abord au point de départ ! Le prologue se déroule alors même que défile le générique sur la musique vigoureuse et très vite entêtante de Maurice Jarre ; il s’agit tout simplement de la présentation des quatre ‘professionnels’ par l’intermédiaire de quatre vignettes successives vite expédiées et assez basiques, chacun de ces mercenaires étant dépeints par un seul trait de caractère, l’homme à femmes (Lancaster), l’amoureux des animaux (Ryan), le soldat pur et dur (Marvin) ainsi que l’homme à la forte musculature qui ne s’en laisse pas compter (Strode). C’est vif et enlevé mais ça ne donne pas forcément une bonne opinion de ce western qui semble ainsi devoir être simpliste et manichéen ; un à priori vite pulvérisé après que les quatre aventuriers se soient retrouvés et que leur mission leur ait été dictée. Ils devront trouver et ramener la femme d’un rancher millionnaire qui aurait été kidnappée par un dangereux révolutionnaire mexicain, Jesus Raza. Seulement des failles et interrogations se révèlent immédiatement ; Marvin et Lancaster qui ont participé à la révolution mexicaine à ses côtés n'imaginent pas Raza avoir commis ce genre d’exactions pour de l’argent.

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Après ce prologue ultra-rapide et des questionnements qui se font jour d’emblée, la première partie peut débuter, celle qui narre le ‘voyage’ de ces quatre hommes vers le domaine du ‘kidnappeur’ en plein désert mexicain. On s’aperçoit immédiatement de l’immense talent du cinéaste dans sa gestion de l’espace et au travers l’astucieuse utilisation des décors naturels, capable de toujours trouver l’angle le plus efficace pour le placement de sa caméra, le bon axe en rapport au positionnement des rochers, de leurs moindres anfractuosités et originalités… Cinématographiquement, il est difficile de prendre le film en défaut ; la construction du récit accolée à la qualité de la mise en scène feront que, malgré ses quelques défauts, il restera jubilatoire de bout en bout. Puisque nous venons de pointer des faiblesses, il faut savoir que nous avons droit lors de ce premier tiers à des caricatures de mexicains (tous alors de fieffés imbéciles ou de sadiques assassins aux rires tonitruants) dont on pensait s’être débarrassé après l'élément 'péniblement perturbateur' du pourtant superbe Rio Bravo de Hawks, à savoir Pedro Gonzales-Gonzales ; et on se rend également compte de la manière dont sont sous-employés les pourtant excellents Woody Strode et surtout Robert Ryan quasiment réduits ici à faire de la figuration ; tout comme Claudia Cardinale -quelle belle figuration néanmoins!-, le film tenant quasiment sur les seules épaules – mais quelles épaules !- des impériaux Lee Marvin et Burt Lancaster, le premier préfigurant son rôle dans Les Douze salopards (Dirty Dozen) de Robert Aldrich, le second semblant sortir tout droit de Vera Cruz -du même Aldrich- mais avec plus de maturité et de ce fait plus d’humanité. Après avoir appris à mieux connaitre ces personnages qui nous apparaissent cependant toujours assez monolithiques, le film nous fait parvenir au domaine du kidnappeur où débute la seconde partie consacrée au plan mis en place pour délivrer la belle ; segment ‘sauvetage’ qui fait le plus penser aux films de commandos initiés par l'immense Hit de John Sturges et qui se poursuivra pendant dix bonnes années à partir des Douze salopards évoqués ci-dessus.

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Si ce deuxième tiers apparait toujours assez conventionnel (préparation, suspense, exécution, action avec moult explosions), c’est cependant à ce moment là que l’on s’aperçoit que la mission a quelque chose de grippée. En effet la femme à délivrer se révèle avoir rejoint les rangs des révolutionnaires mexicains de son plein gré pour aller retrouver son 'ravisseur' qui est tout simplement son amour de jeunesse. Elle n’a en fait jamais été kidnappée mais a fui expressément son mari, ce qui confirme les doutes émis d’emblée par Bill qui avait du mal à croire au fait que Raza ait pu commettre un tel acte. Quoiqu’il en soit, nos professionnels comptent bien mener leur mission à bien -la récompense n'étant pas négligeable- et repartent en une trépidante chevauchée pour une troisième partie qui prend de la hauteur qualitativement à tous les niveaux. Les personnages ont évolué, se sont dévoilés - et notamment leur part d’humanité-, le suspense va crescendo, le petit groupe de cinq étant alors poursuivi sur le chemin du retour par toute une horde de mexicains à leurs trousses conduite par l'à priori sanguinaire Raza (on l'a vu auparavant massacrer des soldats mexicains). Alors que Bill a décidé de se porter volontaire pour retenir les poursuivants le temps que le reste du groupe prenne le large, il se retrouve à devoir se confronter au fameux bandit qui délivre -alors que l’on ne s’y attendait absolument pas- le plus beau discours du film, d’un lyrisme échevelé : "La Revolucion is like a great love affair. In the beginning, she is a goddess. A holy cause. But... every love affair has a terrible enemy: time. We see her as she is. La Revolucion is not a goddess but a whore. She was never pure, never saintly, never perfect. And we run away, find another lover, another cause. Quick, sordid affairs. Lust, but no love. Passion, but no compassion. Without love, without a cause, we are... nothing! We stay because we believe. We leave because we are disillusioned. We come back because we are lost. We die because we are committed." Superbe envolée dont je souhaitais vous faire partager en son entier, magnifique séquence entre Burt Lancaster et Jack Palance, ce dernier dévoilant alors son véritable visage, celui d’un révolutionnaire romantique qui veut encore sincèrement croire en son combat malgré les innombrables désillusions qui ont jonchées son parcours. La mort dans les bras de Burt Lancaster de la jeune femme-soldat -sorte de bras droit du chef mexicain- est un autre très grand moment du film de Richard Brooks.

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Le réjouissant épilogue nous donne à voir un dernier et brusque revirement qui nous laisse le sourire aux lèvres, Brooks finissant par un pied de nez qui lui ressemble bien, remettant les valeurs d’honneur, de pureté et d’idéal sur le devant de la scène, et, comme ses protagonistes, ne cachant pas son admiration pour ces indomptables révolutionnaires. Il décrivait d’ailleurs ainsi son film et son final : "Dans les limites de leur action présente, ces professionnels possèdent toujours les mêmes critères moraux et ne veulent pas les changer. Bien qu'ils n'aient plus été enrôlés dans la révolution, ils ont taché de conserver ses valeurs de pureté, d'idéal même dans leur métier de mercenaires. Ils pouvaient être 'loués’ mais ils devaient connaitre le but de leurs actions. Si c'était valable ils étaient même prêts à perdre leur vie. Si c'était un mensonge, ils se retiraient, se retourneraient même, comme cela se passe à la dernière minute. Ils préfèrent ne pas être payés que de trahir ce pourquoi ils se sont battus." Lee Marvin est parfait dans la peau du chef de groupe, charismatique, amer et brutal mais droit, sachant prendre les bonnes décisions et, malgré ses désillusions, non dépourvu d’idéalisme. Burt Lancaster –qui avait en 1960 gagné un Oscar grâce à Richard Brooks pour son interprétation dans Elmer Gantry- est jubilatoire en mercenaire cynique, jovial, roublard et paillard n’arrêtant pas de se retrouver sans pantalons, néanmoins loin du clown qu’on aurait pu imaginer au vu de cette description, sachant retrouver son sérieux quant il le faut et même capable d’une grande humanité. Des hommes ayant perdus beaucoup de leurs illusions de jeunesse, qui ne sont pas de héros, qui se battent d'ailleurs désormais pour de l’argent et accomplissent des missions pas spécialement glorieuses mais dans le cœur desquels il reste une étincelle de pureté et où il n’y a aucune place pour la lâcheté. Enfin, Ralph Bellamy pourrait être une sorte de symbole représentant une Amérique entre les mains de politiciens flouant les citoyens en leur racontant des mensonges pour faire passer la pilule de leurs douteuses actions entreprises (d’où le rapport à cette époque avec l’engagement par Lyndon B. Johnson de son pays dans le conflit vietnamien).

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Deux personnages principaux marqués par leur passé révolutionnaire, établissant d’intéressants rapports entre eux et dont les comportements évoluent au fur et à mesure de l’avancée de l’intrigue, une situation initiale qui finit par s’inverser pour notre plus grand bonheur, une splendide utilisation des extérieurs (dont ceux de Death Valley), une photographie somptueuse en scope-technicolor de Conrad J. Hall, une musique trépidante de Maurice jarre, des répliques savoureuses qui fusent et crépitent, des scènes d’action d’une redoutable efficacité… Dommage que certains personnages aient été à ce point sacrifiés et que le film -malgré l’indéniable savoir-faire de son réalisateur- paraisse parfois un peu guindé et mécanique, auquel cas contraire nous n’étions guère éloigné du chef-d’œuvre. Néanmoins un grand spectacle adulte, intelligent, souvent passionnant par ses enjeux dramatiques et tout à fait recommandable aussi par le fait de prôner entre autres valeurs l’amitié, la loyauté et l’engagement. Un des meilleurs ‘westerns d’aventure’ qui soit, à la fois musclé, spectaculaire et haut en couleurs, cependant non dénué de vertus morales, philosophiques et politiques. Grandeur de sentiments, profondeur, humanisme et foi en l’homme au travers un grand film de divertissement : en quelque sorte du Richard Brooks parfaitement résumé !
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Re: The Professionals

Message par Alexandre Angel »

Jeremy Fox a écrit :Néanmoins un grand spectacle adulte, intelligent, souvent passionnant par ses enjeux dramatiques et tout à fait recommandable aussi par le fait de prôner entre autres valeurs l’amitié, la loyauté et l’engagement. Un des meilleurs ‘westerns d’aventure’ qui soit, à la fois musclé, spectaculaire et haut en couleurs, cependant non dénué de vertus morales, philosophiques et politiques. Grandeur de sentiments, profondeur, humanisme et foi en l’homme au travers un grand film de divertissement
Absolument. Qualités que l'on retrouvera au mot près dans le plus inégal mais néanmoins beau Bite the Bullet.
Dernière modification par Alexandre Angel le 17 nov. 16, 16:04, modifié 1 fois.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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The Ballad of Josie

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Le Ranch de l’injustice (The Ballad of Josie - 1966) de Andrew V. McLaglen
UNIVERSAL


Avec Doris Day, Peter Graves, George Kennedy, Andy Devine
Scénario : Harold Swanton
Musique : Frank De Vol
Photographie : Milton R. Krasner (Technicolor 2.35)
Un film produit par Norman McDonnell pour la Universal


Sortie USA : 01 février 1967


1890. Josie Minick (Doris Day) vient de tuer accidentellement son mari rentré chez lui ivre mort. La jeune femme passe en procès ; elle évite l'emprisonnement mais à son grand désespoir l’on prend la décision de mettre son fils âgé de 8 ans en tutelle chez son grand-père paternel. Arch Ogden (George Kennedy), l’éleveur qui fut le juré le plus acharné à vouloir mettre Josie en prison, veut se racheter en lui proposant d’acheter le lopin de terre dont elle vient d’hériter et sur lequel se trouve un ranch abandonné. Josie refuse et pense même habiter en ces lieux. Finalement découragé par tout le travail à accomplir, elle préfère revenir en ville trouver un emploi. Ses différents essais ne sont guère concluants et elle a désormais pour idée de faire de l’élevage de mouton sans l’aide d’aucun homme ; ce qui bien évidemment met le feu aux poudres dans une région qui ne jure que par les bovins. Arch se prépare à combattre la femme qui s’avère aussi têtue que lui. Elle va recevoir de l’aide de Jason Meredith (Peter Graves) qui n’est pas insensible aux charmes de la jolie veuve. Vient se greffer sur cette guerre des éleveurs une volonté de la part du Wyoming d’intégrer les États-Unis ; ce qui ne pourra pas se faire sans le vote des femmes qu’il va falloir se mettre dans la poche. Le combat de Josie vient bouleverser tous ces plans…

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The Ballad of Josie -totalement méconnu en notre contrée- est le cinquième western de Andrew V. McLaglen, le précédent étant Rancho Bravo (The Rare Breed), marivaudage laborieux avec James Stewart et Maureen O’Hara et premier ratage du cinéaste dans le genre après nous avoir offert de prometteurs Gun the Man Down, Le Grand McLintock (McLintock!) et surtout le très beau et très fordien Shenandoah (Les Prairies de l’honneur). Avec The Ballad of Josie, on arrive à trois westerns humoristiques sur cinq, seul McLintock! réussissant ce difficile mélange comédie et western grâce notamment à un scénariste beaucoup plus chevronné que les deux suivants -issus de la TV-, l’immense James Edward Grant, éternel complice de John Wayne. Concernant le film dont il est question ici, le Duke avait d’ailleurs été pressenti pour donner la réplique à Doris Day qui arrivait alors sans encore le savoir à la fin de sa carrière cinématographique, seuls deux autres longs métrages allant suivre. Malheureusement -et pour nous spectateurs aussi- la rencontre ne s’est pas faite malgré une forte envie de part et d’autre.

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A la place de John Wayne, un Peter Graves -le Jim Phelps de la série Mission impossible- finalement très convaincant, tout comme George Kennedy qui interprète l’autre personnage masculin principal. C’est d’ailleurs grâce aux comédiens qui l’ont entourés sur le plateau que Doris Day gardera un très bon souvenir du tournage, elle qui n’était pas du tout enchantée de faire ce film mais qui accepta de s'y engager pour son époux et producteur Martin Melcher qui avait estimé que ce serait bien pour sa carrière et qui avait déjà signé le contrat. Comme à son habitude, elle entrera dans le rôle avec un grand professionnalisme même s’il lui manque cette étincelle qui faisait tout le sel de sa prestation inoubliable de Calamity Jane (La Belle du Far-West) quatorze ans plus tôt. Dans ce western humoristique elle tenait déjà le rôle d’une femme forte et indépendante dans l’Ouest sauvage. En 1958, George Marshall réalisait un western rythmé, détendu et plein de fantaisie avec pour toile de fond la guerre entre éleveurs d’ovins et de bovins, le très sympathique La Vallée de la poudre (The Sheepman) avec Glenn Ford et Shirley MacLaine. Le Ranch de l’injustice reprend un peu de ces deux films, mélange de western féministe –avec cette femme indépendante décidant de prendre en charge son destin sans quelconque aide masculine- et d’intrigue sur fond de discordes entre éleveurs de boeufs et de moutons. Sauf que contrairement au premier il ne s’agit cette fois pas d’un western musical -faute de goût et déception au bout du compte pour les fans, même la chanson-titre du générique n’est pas interprétée par Doris Day mais par Ronnie Dante- et qu’à l’inverse du second, l’ensemble se révèle plus laborieux que savoureux.

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Certes, Le Grand McLintock n’était pas d'une grande subtilité, et pourtant il se suivait avec un constant sourire aux lèvres tellement l’entourage de John Wayne et l'équipe dans son ensemble paraissaient s'être pris au jeu, les acteurs semblant s'être amusés comme des petits fous, leur bonne humeur s'étant avéré vite communicative. Quant au cinéaste, il filmait le tout avec efficacité et vitalité. Ce n’était plus du tout le cas concernant Rancho Bravo, le divertissement ne se révélant plus vraiment amusant mais au contraire assez sinistre ; si The Ballad of Josie l’est un peu moins c’est surtout grâce à un casting de premier ordre. Mais là -McLintock!- où l'on s’amusait, emportés par la vitalité de l’ensemble, on se prend au contraire ici à trouver le temps long faute à un scénario guère captivant -l’auteur n’ayant quasiment travaillé que pour la télévision, le format court étant certainement plus compatible avec ses possibilités- et à une mise en scène assez indigente excepté à deux trois occasions au cours desquelles McLaglen retrouve le lyrisme qui prévalait souvent dans Shenandoah et notamment lorsqu’il se met à filmer en extérieurs dans les paysages vallonnés et verdoyants où va se dérouler le conflit entre les deux éleveurs que sont George Kennedy et Doris Day.

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On peut également trouver un certain intérêt dans la sous intrigue politique qui narre la tentative de l’état du Wyoming d’intégrer les USA ainsi que par son côté western féministe défendant les droits de la femme, même si la dernière image vient brutalement balayer ces bonnes intentions, Josie jetant ses jeans dans le feu de cheminée comme pour dire qu’une femme devrait se trouver un époux, rester derrière ses fourneaux et ne pas se mêler du travail des hommes. Autre côté sympathique du film outre ses comédiens –en plus des trois têtes d'affiche on a le plaisir de retrouver non moins que des dizaines de 'célèbres' seconds rôles tels Andy Devine pour sa dernière apparition à l’écran, mais aussi William Talman, David Hartman, Elizabeth Fraser, Paul Fix, Don Stroud, Harry Carey Jr- le fait qu’il n’y ait aucun mort hormis le mari volage au tout début (une mort très ‘splastickienne’ d’ailleurs) ni quasiment aucune violence, le personnage de Josie préférant arrêter le combat lorsqu'elle s'aperçoit qu'il pourrait causer morts, destructions et empêchement pour le Wyoming de faire partie des États-Unis.

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Un western gentillet et très anachronique en ce début d’année 1967 -il n’est d’ailleurs sorti qu’en double-programme avec La Symphonie des héros (Counterpoint) de Ralph Nelson-, aux effets comiques un peu lourds et ne bénéficiant pas d’un scénario spécialement passionnant malgré quelques bonnes idées et intentions. ‘Le cul entre deux chaises’, ayant du mal à louvoyer entre burlesque et grand sérieux, The Ballad of Josie est un film très bancal qui, même s’il pourra faire passer un agréable moment grâce aux acteurs et à de beaux paysages, s’avère objectivement bien médiocre. Doris Day le décrivait d’ailleurs de la sorte : "Nothing more than a second-rate television western that required me to get up at four-thirty every morning."
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Jeremy Fox
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Hombre

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Hombre (Hombre - 1975) de Martin Ritt
20TH CENTURY FOX


Avec Paul Newman, Richard Boone, Diane Cilento, Fredric March
Scénario : Irving Ravetch & Harriet Frank Jr. d'après un roman de Elmore Leonard
Musique : David Rose
Photographie : James Wong Howe (DeLuxe 2.35)
Un film produit par Irving Ravetch pour la 20th century Fox


Sortie USA : 21 mars 1967


1884. Alors que la plupart de ses congénères Apaches sont parqués dans les réserves de l’Arizona, John Russell -surnommé Hombre (Paul Newman)-, un homme taciturne élevé par la tribu durant sa tendre enfance, apprend qu’il vient d’hériter du tuteur qu’il eut à l’adolescence ; il pourra désormais être propriétaire d’un hôtel actuellement gérée par Jessie (Diane Cilento). Mais, ayant subi toutes sortes d’humiliations alors qu’il vivait dans la réserve de San Carlos avec les indiens, méprisant désormais les hommes blancs, il ne souhaite pas rester vivre parmi eux et décide de se lancer dans l’élevage en échangeant la propriété contre un troupeau de chevaux. Une fois la transaction terminée, il quitte la ville par une diligence affrétée expressément par Favor (Fredric March), un agent aux affaires indiennes qui souhaite quitter la région au plus tôt. Se joignent à eux l'épouse de l'agent, la gérante de l’hôtel qui n’a désormais plus de travail, son fils et sa bru, ainsi qu’un homme rustre et arrogant, Cicero Grimes (Richard Boone). Ayant pris connaissance de ses ‘origines’ indiennes’, les passagers obligent John à poursuivre le voyage aux côtés du conducteur. La diligence va avoir du mal à arriver à destination puisque quatre bandits lui tendent une embuscade pour s’emparer d’un des sacs de voyage de Favor qui s’avère contenir une coquette somme qu’il a détourné de l’administration des affaires indiennes à son profit…

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Martin Ritt est un réalisateur venu de la télévision au milieu des années 50 en compagnie d'autres cinéastes de sa génération issus du même vivier : Delbert Mann, Daniel Mann, Sidney Lumet ou Arthur Penn. Claude Chabrol dans les Cahiers du Cinéma écrivait à propos de la filmographie du réalisateur : "Tout dans cette œuvre n'est que petitesse, grisaille et médiocrité." Il est possible que ce soit le cas pour le remake qu'il fit en 1964 du Rashomon d’Akira Kurosawa avec The Outrage qui fait vraiment l'unanimité contre lui, mais des films comme Paris Blues, Hud (Le Plus sauvage d'entre tous), L'Espion qui venait du froid, The Front (Le Prête nom) ou Norma Rae, tous excellents, ne méritent vraiment pas d'être traités de la sorte tandis que The Molly Maguires (Traître sur commande), son chef-d'œuvre, est même digne de tous les éloges. Sa seule véritable incursion dans le western sera cet Hombre, un grand classique des rediffusions télévisuelles dans les années 70/80 et du coup l'un de ses films les plus connus dans l'Hexagone.

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Toujours entouré de son duo de scénaristes habituels, Martin Ritt adapte cette fois le grand romancier Elmore Leonard, auteur entre autres des livres ayant servis de base aux films très différents mais tout aussi splendides que sont 3.10 pour Yuma de Delmer Daves ou Jackie Brown de Quentin Tarantino. Cinéaste engagé et progressiste ayant fait partie de la tristement fameuse liste noire du sénateur Joseph McCarthy, Martin Ritt a dénoncé sa carrière durant toutes sortes d’injustices mais également l’intolérance, le racisme ou l’individualisme. L’énorme succès de Hud, western mélodramatique contemporain déjà interprété par Paul Newman, pousse les auteurs à écrire Hombre, western se déroulant cette fois au 19ème siècle, au milieu des années 1880 durant lesquelles les Apaches avaient été presque tous parqués dans des réserves aux conditions de vie très difficiles dont celle de San Carlos (pour ceux qui aimeraient en savoir plus sur cette réserve spécifique, il existe un beau western de Jesse Hibbs avec Audie Murphy s'y déroulant, L’Homme de San Carlos – Walk the Proud Land). Malgré ses réelles qualités – dont l’intelligence de son propos et l’absence de tout manichéisme-, Hombre ne rencontrera pas le même enthousiasme auprès des critiques que Hud faute à la froideur de l’ensemble, à des personnages moins attachants, à une gestion moyenne du rythme et à une intrigue guère captivante, sorte de mélange entre La Chevauchée fantastique (Stagecoach), Le Relais de l’or maudit (Hangman's Knot) et Le Survivant des monts lointains (Night Passage), la diligence où se retrouve un panel représentatif de la société de l’époque pour le premier, le blocus par des bandits d’un groupe obligé de rester caché dans un endroit confiné pour le deuxième, le décor de la mine à ciel ouvert et ses baraquements pour le troisième.

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Attention, spoilers à venir ! Après une belle séquence de capture de chevaux qui démontre d’emblée non seulement la beauté de la photographie de James Wong Howe, un thème musical doux et entêtant écrit par David Rose, mais également la qualité de la mise en scène d’un Martin Ritt sachant parfaitement bien appréhender la gestion de l’espace ainsi que l’utilisation du scope, Hombre se poursuit en traditionnel western pro-indien avec ces séquences maintes fois vues pour évoquer le racisme ordinaire de 'natives' moqués puis provoqués dans les saloons où ils se rendent pour boire tranquillement, scènes qui se terminent souvent avec violence comme c'est à nouveau le cas ici. Puis l'originalité du film montre le bout de son nez, celle qui consiste à faire de son personnage principal censé symboliser le porte-parole de la nation indienne un homme blanc, qui plus est taciturne et de prime abord égoïste et antipathique. Ce sera la principale force et témérité du film de mettre en avant un message de tolérance anti individualiste et antiraciste à travers de tels protagonistes puisque seront réunis dans la diligence, outre cet Hombre mi-blanc -par la naissance- mi indien -par la culture et les traditions dans lesquelles il a été élevé- d’une grande sécheresse de caractère et pas spécialement aimable, des représentants peu glorieux des WASP de l’époque dont entre autres un couple véreux d’agents aux affaires indiennes s’étant enfui avec de l’argent détourné de leur administration, une jeune femme mal mariée qui va tenter de tromper son ennui en draguant d'autres hommes sous les yeux de son époux et de sa belle-mère, ainsi qu’un homme arrogant et inquiétant qui s’avèrera être à la tête d’un quatuor de bandits au sein duquel s'invite un shérif ayant pourtant servi la loi depuis des dizaines d’années.

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A propos du shérif, dommage que ce personnage d’homme de loi interprété par Cameron Mitchell n’ait pas bénéficié d’une plus grande importance au sein de l’intrigue puisqu’en plus d’être intéressant il est au centre de l’une des plus belles séquences du film, celle où il refuse la proposition de la tenancière d’hôtel de l’épouser malgré le fait qu'il partage son lit depuis des mois, en lui expliquant qu'il n'est pas fait pour elle et en évoquant sa vie d’une redoutable monotonie : "I been working since I was ten years old, Jessie, cleaning spittoons at a dime a day. It's now thirty years later, and all I can see out the window here is a dirt road going nowhere. The only thing that changes the view is the spotted dog lifting his leg against the wall over there. Saturday nights, I haul out the town drunks. I get their 25-cent dinners and their rotgut liquor heaved up over the front of my one good shirt. I wear three pounds of iron strapped to my leg. That makes me fair game for any punk cowboy who's had one too many. No, Jess, I don't need a wife. I need out.” Rarement le métier de shérif aura été décrit avec autant de lucidité, d’amertume et d’anti-héroïsme ! Cette séquence toute à la fois désabusée et mélancolique donne assez bien le ton de la première partie très réussie de ce western très classique dans sa mise en scène mais assez moderne dans son écriture. Hombre compte également dénoncer les conditions de vie intolérables des Apaches parqués dans les réserves de l’Arizona, situation explicitée par le personnage de John ‘Hombre’ qui à cette occasion aura rarement été aussi volubile. Mais c’est suite à ces explications que les autres passagers -autant par mauvaise conscience que par dégoût des indiens- demanderont à ce que cet homme élevé par 'les sauvages' quitte l’intérieur de la diligence pour continuer le voyage auprès du conducteur. Évincé de cette petite communauté, il sera cependant celui sur lequel on comptera pour se sortir du guêpier dans lesquels ils vont tomber, non par le fait de quelques faméliques indiens mais bel et bien par un quatuor d’hommes blancs prêts à tout pour s’accaparer à leur tour l’argent qui aurait du servir à améliorer les conditions de ‘détention’ des Apaches et qu’avait détourné le principal gérant de la réserve.

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On peut constater à la lecture de ces lignes que la thématique pro-indienne ainsi que le racisme ambiant sont abordés sous un angle assez original et surtout tout à fait nouveau, sans aucun sentimentalisme ni manichéisme puisque Hombre ne fait rien pour aider ses compagnons de voyage sauf lorsqu’il y est forcé : au tout début du film, il ne bougera pas le petit doigt pour défendre son prochain et laissera le grossier personnage campé par Richard Boone terroriser un soldat jusqu’à ce dernier lui donne son billet de diligence : cette attitude totalement individualiste –et même si elle peut être assez compréhensible au vu de ce que les hommes blancs lui ont fait subir ainsi qu’à ses confrères indiens- s'avère du coup être à peu près la même que celles de ces blancs qu’il vilipende. Pour atténuer ce portrait sans complaisance des américains de l'époque, heureusement que l’on trouve un peu d’humanité, de dignité et d’altruisme au travers le personnage de femme courageuse et déterminée jouée avec talent par Diane Cilento, seule du lot à s’indigner sur l’absence de solidarité de ses compagnons de fortune, de leur manque d’empathie, de l’indifférence au sort de leurs semblables, estimant que chacun a le droit à une quelconque aide quelles qu’aient été ses actions passées. Une éthique et une générosité qu’elle est la seule à posséder et qui seront probablement à l’origine de la réaction finale totalement imprévisible de Hombre ; devant ce courage désintéressé, il sortira de son individualisme et de sa misanthropie pour aller se sacrifier dans le but de mettre fin à la dangereuse situation dans laquelle se trouve le groupe. Un geste christique qui fait se terminer le film sur une note certes assez sombre mais néanmoins porteuse d'espoir en l'être humain, typique de ce trio d'auteurs.

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Un western lent et austère portant un regard novateur sur des thématiques rebattues ; une œuvre intelligente mais manquant singulièrement de tension dans le long huis-clos final malgré aussi une interprétation d’ensemble de haut niveau, que ce soit un Paul Newman charismatique, un Richard Boone à la fois truculent et effrayant -qui vole toutes les séquences où il apparait-, une Diane Cilento superbe dans la peau du personnage le plus intéressant du film ou encore Fredric March dans l’une de ses dernières apparitions à l’écran. Idées politiques généreuses mais portraits sans concessions, scénario rigoureux et sans aucun sentimentalisme pour un western sombre et lucide sur l’inhumanité d’une grande partie de ceux qui ont forgé les USA. Dommage qu'au final le film ait été inégal, qu'il ait manqué de puissance et que certains effets –exclusivement lors des rares séquences violentes- soient aujourd’hui complètement dépassés. Un western néanmoins tout à fait honorable de la part d’un des réalisateurs les plus attachants du cinéma hollywoodien.
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-1969

Message par ithaque »

Hombre m'avait bien plu avec des personnages bien développés.
Bande annonce du prochain film chroniqué : welcome to the hard times. Belle distribution mais l'histoire me semble faible.
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Jeremy Fox
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40 guns to Apache Pass

Message par Jeremy Fox »

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40 fusils manquent à l'appel (40 Guns to Apache Pass - 1966) de William Witney
COLUMBIA


Avec Audie Murphy, Michael Burns, Kenneth Tobey, Laraine Stephens
Scénario :  Mary Willingham & Willard W. Willingham
Musique : Richard LaSalle
Photographie : Jacques R. Marquette (1.37 Pathecolor)
Un film produit par Grant Whytock pour la Columbia


Sortie USA : 01 mai 1967

En 1868, peu après la fin de la Guerre de Sécession, Cochise reprend le sentier de la guerre, prêt à massacrer tous les hommes blancs installés en Arizona. Le danger guettant tous les colons alentours, le Capitaine Bruce Coburn (Audie Murphy) est chargé de les prévenir et de les convoyer jusqu'à Apache Wells où ils seront plus en sécurité. Mais les soldats de ce fortin n'ont pas les moyens de se défendre et attendent un chargement de 40 fusils à répétition qui tarde à venir. Coburn repart donc en mission pour intercepter la cargaison au plus vite, avant l'attaque imminente des 'peaux rouges'. Il emmène avec lui une petite escouade composée entre autres des deux frères de sa fiancée (Laraine Stephens) ainsi que d'une tête brûlée avec qui il a toujours été en conflit, le Caporal Bodine (Kenneth Tobey). Mais le détachement va rapidement tomber dans un guet-apens...

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Même si Audie Murphy avait eu l’occasion de jouer dans de bien meilleurs westerns lorsqu’il était lié par contrat avec Universal, La Fureur des Apaches (Apache Rifles), déjà réalisé par le vétéran du serial William Witney en 1964, restait un film de fin de carrière tout à fait honorable, une série B certes mineure, prévisible, un peu trop sage et quelque peu en décalage si l’on prenait en compte l’évolution du genre à l'époque du tournage, mais qui s’avérait décemment construite, correctement réalisée et constamment agréable à suivre. Il n’en allait malheureusement pas de même l'année suivante avec Représailles en Arizona (Arizona Raiders), le deuxième western de la collaboration William Witney/Audie Murphy qui se révélait au contraire bien médiocre ! Il était donc tant cette association prenne fin puisqu'en 1966 40 Guns to Apache Pass est encore bien plus mauvais ; et c'est d'autant plus dommage qu'il marque à la fois la fin de carrière westernienne du cinéaste ainsi que le dernier rôle principal d'un comédien qui nous aura été 15 ans durant très attachant et dont la filmographie dans le genre aura constitué un corpus tout ce qu'il y a de plus honorable.

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On préférera donc passer assez vite sur ce western militaire qui ne fait pas honneur ni au réalisateur ni au comédien, ce dernier paraissant non seulement très fatigué mais également absolument plus du tout dans le coup ; il faut dire qu'il n'a aucun répondant face à lui, le reste du casting se révélant tout aussi exécrable que le scénario du couple Wilingham qui nous replongeait pourtant à nouveau après Apache Rifles dans l’intéressante réalité historique concernant les relations difficiles en Arizona entre Blancs et Indiens. Sauf que contrairement à celui de Charles B, Smith, leur script est sacrément gratiné qui fait croire d'emblée qu'en cette année 1868, les colons étaient en quelque sorte d'héroïques résistants très peu nombreux face aux maléfiques indiens de Cochise qui n'avaient qu'une seule idée en tête, faire table rase des hommes blancs. Après une dizaine d'années de westerns pro-indiens -pour certains d'entre eux de véritables chefs d’œuvres qui ne manquaient pas de courage- on croit rêver en lisant d'emblée de telles inepties ! Une autre idée qui n'aide pas à avoir quelque indulgence pour ce film, celle de la voix-off qui prend tout simplement les spectateurs que nous sommes pour des idiots en décrivant ce dont nous sommes visuellement témoins comme si ce qui se déroulait sous nos yeux n'était pas déjà clair comme de l'eau de roche ou comme si la psychologie des personnages était bien trop complexe pour notre petite cervelle  ; je pense n'avoir jamais vu auparavant une utilisation de la voix off aussi redondante, agaçante et inutile !

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Sinon cette banale histoire de mission pour aller récupérer des fusils en territoire indien est dans l'ensemble non seulement inintéressante mais également dépourvue de tensions, l'intrigue est totalement prévisible et sans aucune surprises, les personnages n'ont aucune substance, la musique est extrêmement médiocre, la mise en scène n'est pas spécialement marquante, pas plus que l'interprétation, la plupart des comédiens, s'ils ne sont pas amorphes, s’avèrent extrêmement mauvais, Kenneth Tobey en tête, qui en fait des tonnes ; ce qui prouve une direction d'acteurs totalement relâchée. Reste le beau visage de Laraine Stephens, de superbes paysages naturels et quelques séquences qui nous rappellent que Witney avait autrefois été un spécialiste en la matière. C'est bien peu et c'est surtout triste de voir une aussi belle carrière que celle d'Audie Murphy se terminer de la sorte dans des films aux budgets aussi resserrés sans que les auteurs possèdent assez de talents pour rebondir, être créatifs et s'en sortir la tête haute. On préférera donc ne pas s'y appesantir plus longuement et vite l'oublier.
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