Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-1967

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-19

Message par Jeremy Fox »

Supfiction a écrit : Moi en tous cas, je n'ai jamais compris qu'on puisse faire incarner de façon crédible un chef indien par un blanc (ou un noir), qu'il s'agisse de Jeff Chandler, Henry Brandon ou Woody Strode.

Ca par contre je m'en fiche un peu ; les plus beaux personnages d'indiens au sein du genre ont été interprétés selon moi par Robert Taylor et Burt Lancaster, Debra Paget et Jean Peters.
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Rick Blaine
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Message par Rick Blaine »

Jeremy Fox a écrit :
Supfiction a écrit : Moi en tous cas, je n'ai jamais compris qu'on puisse faire incarner de façon crédible un chef indien par un blanc (ou un noir), qu'il s'agisse de Jeff Chandler, Henry Brandon ou Woody Strode.

Ca par contre je m'en fiche un peu ; les plus beaux personnages d'indiens au sein du genre ont été interprétés selon moi par Robert Taylor et Burt Lancaster, Debra Paget et Jean Peters.
Nous sommes entièrement d'accord. D'ailleurs, j'ajouterais Chandler à la liste puisqu'il est cité initialement et que je l'ai toujours trouvé très juste dans ce rôle.
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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-19

Message par Jeremy Fox »

Rick Blaine a écrit :
Nous sommes entièrement d'accord. D'ailleurs, j'ajouterais Chandler à la liste puisqu'il est cité initialement et que je l'ai toujours trouvé très juste dans ce rôle.

Et il l'a d'ailleurs été à plusieurs reprises, chez Daves et George Sherman.
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Rick Blaine
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-19

Message par Rick Blaine »

Jeremy Fox a écrit :
Rick Blaine a écrit :
Nous sommes entièrement d'accord. D'ailleurs, j'ajouterais Chandler à la liste puisqu'il est cité initialement et que je l'ai toujours trouvé très juste dans ce rôle.

Et il l'a d'ailleurs été à plusieurs reprises, chez Daves et George Sherman.
Et chez Sirk toujours en Cochise. Mais là le film est mauvais, pour d'autres raisons.
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Supfiction
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Message par Supfiction »

Jeremy Fox a écrit :
Supfiction a écrit : car je doute que beaucoup de gens aient compris (ou comprennent) cette subtilité.
Normal puisqu'il n'y a aucune subtilité. Ford s'étant fichu du film (tous les participants l'ont dit, pas seulement lui : la mort de Ward Bond l'a totalement démoralisé ; il a passé son temps à boire et à ne pas s'occuper sérieusement de son tournage), il a tout bâclé ; pour moi ce n'est rien plus que ça.
Ok, mais dans ce cas, comment interpréter le fait que déjà dans La prisonnière du désert, Scar était déjà incarné par ce bon vieux Heinrich Von Kleinbach ?
Pas de je m'en foutisme pour le coup mais la même facilité et une erreur récurrente (le même jouera l'indien chez George Sherman d'ailleurs).
Pour moi, aussi bon que puisse être un Robert Taylor dans La porte du diable par exemple, faire jouer un indien à un blanc reste une erreur de casting préjudiciable.
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Jeremy Fox
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Message par Jeremy Fox »

Supfiction a écrit :
Jeremy Fox a écrit :
Normal puisqu'il n'y a aucune subtilité. Ford s'étant fichu du film (tous les participants l'ont dit, pas seulement lui : la mort de Ward Bond l'a totalement démoralisé ; il a passé son temps à boire et à ne pas s'occuper sérieusement de son tournage), il a tout bâclé ; pour moi ce n'est rien plus que ça.
Ok, mais dans ce cas, comment interpréter le fait que déjà dans La prisonnière du désert, Scar était déjà incarné par ce bon vieux Heinrich Von Kleinbach ?
Pas de je m'en foutisme pour le coup mais la même facilité et une erreur récurrente (le même jouera l'indien chez George Sherman d'ailleurs).
Pour moi, aussi bon que puisse être un Robert Taylor dans La porte du diable par exemple, faire jouer un indien à un blanc reste une erreur de casting préjudiciable.
Je ne comprends pas ta question ? Dans The Searchers, aucune faute de goût de la sorte il me semble. Ce n'est pas le fait de faire interpréter les indiens par les blancs qui me gêne ; c'est la manière de les avoir filmés cette fois ci. Ce n'est pas Woody Stroode qui me gêne mais ce qu'on lui a donné à faire.
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Jeremy Fox
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Message par Jeremy Fox »

Supfiction a écrit : Pour moi, aussi bon que puisse être un Robert Taylor dans La porte du diable par exemple, faire jouer un indien à un blanc reste une erreur de casting préjudiciable.
C'est Hollywood quoi ; c'est la magie du cinéma aussi, tout simplement. Je ne vois pas en quoi c'est préjudiciable ; c'est une manière de faire de l'époque. Et parfois les vrais indiens interprétant des rôles principaux dans des westerns ont été bien moins crédibles que des blancs, car moins bons comédiens.
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Message par Strum »

Jeremy Fox a écrit :Ce n'est pas si annexe que ça puisqu'une partie de ceux qui défendent le film le font avec, entre autre, cet argument qui pour moi n'est guère valable. Repense aussi à L'homme de l'Ouest de Mann.
La noirceur et le réalisme dans le western, ça a commencé dès les années 57, 58. C'est relativement nouveau pour Ford (quoique, The Searchers, Fort Apache...) mais pas pour le genre.

Donc argument invalide :mrgreen:
Je te rejoins pour dire que la noirceur ou le réalisme ne sont pas des gages de qualité, et ce n'est pas cela que je cherchais à mettre en exergue. :wink: Je disais que Ford étant considéré par l'industrie et ses pairs à l'époque (et encore aujourd'hui) comme le cinéaste emblématique du western, au sens où il est un de ceux qui en ont créé, selon une vision volontairement mythique et nostalgique, les personnages archétypaux (soldat, shérif, cowboy, indiens), les idéaux-types en fait, il est particulièrement significatif pour le genre dans son entier que lui-même (avec d'autres certes, mais les autres ne représentaient pas ce que Ford représentait à l'époque) ait ensuite déconstruit ces figures archétypales, dans une veine désenchantée où il interrogeait les mythes de l'histoire des Etats-Unis, qui est allée de Fort Apache aux Cheyennes, en passant par les Deux Cavaliers (et bien sûr, Liberty Valance que tu chroniqueras prochainement).

C'est la même chose dans l'histoire de la littérature, que je connais mieux que l'histoire du cinéma. Il y a des "petits" romanciers qui ont abordé certains thèmes ou personnages avant les grands romanciers - l'histoire a naturellement retenu les livres de ces derniers en les estimant plus significatifs et portés par un talent supérieur.
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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-19

Message par Jeremy Fox »

Démonstration valide : là-dessus je suis assez d'accord :wink:
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Message par Frank 'Spig' Wead »

Supfiction a écrit :faire jouer un indien à un blanc reste une erreur de casting préjudiciable.
Question sans malice, es-tu gêné lorsque James Mason ou Rex Harrison incarnent des Romains de l'antiquité, ou lorsque Charlton Heston, un beau mâle anglo-saxon, incarne Moïse.
Au-delà du problème de trouver des acteurs indiens, et de permettre une identification, la convention est peut-être né de la facilité d'employer des blancs.
Que penser quand un Navajo (le cas dans la plupart des Ford à partir de la Chevauchée fantastique) incarne un Comanche ou un Cheyenne. En parlant toujours l'algonquin, son propre dialecte.
Hitchcock, en revanche, a utilisé des indiens pour figurer des Marocains dans l'Homme qui en savait trop, et a reconnu que c'était une erreur.
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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-19

Message par Jeremy Fox »

Frank 'Spig' Wead a écrit :
Supfiction a écrit :faire jouer un indien à un blanc reste une erreur de casting préjudiciable.
Question sans malice, es-tu gêné lorsque James Mason ou Rex Harrison incarnent des Romains de l'antiquité, ou lorsque Charlton Heston, un beau mâle anglo-saxon, incarne Moïse.
Au-delà du problème de trouver des acteurs indiens, et de permettre une identification, la convention est peut-être né de la facilité d'employer des blancs.
Que penser quand un Navajo (le cas dans la plupart des Ford à partir de la Chevauchée fantastique) incarne un Comanche ou un Cheyenne. En parlant toujours l'algonquin, son propre dialecte.
Merci ; je cherchais justement ce genre d'exemples que l'on pourrait décliner à l'infini. :wink:
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Message par Supfiction »

Jeremy Fox a écrit :
Supfiction a écrit : Pour moi, aussi bon que puisse être un Robert Taylor dans La porte du diable par exemple, faire jouer un indien à un blanc reste une erreur de casting préjudiciable.
C'est Hollywood quoi ; c'est la magie du cinéma aussi, tout simplement. Je ne vois pas en quoi c'est préjudiciable ; c'est une manière de faire de l'époque. Et parfois les vrais indiens interprétant des rôles principaux dans des westerns ont été bien moins crédibles que des blancs, car moins bons comédiens.
Oui, c'est "Hollywood" et une manière de faire de l'époque. Le fait que ce fusse une pratique répandue ne change en rien le fait que ce soit une erreur. Sans doute pas aux yeux des spectateurs de l'époque, mais cela décrédibilise quelque-peu les films aux yeux des spectateurs éclairés (j'allais dire ultérieurs mais c'est trop facile en fait, car même à l'époque, j'imagine qu'il y a des gens qui devaient être gênés par cette pratique).
Cela dit Hollywood continue de temps en temps à se permettre de telles facilités (en témoigne Mémoires d'une geisha avec des actrices chinoises, chose qui n'a sans doute pas choqué dans le monde occidental mais qui a fait polémique au Japon comme on peut facilement le comprendre). On a bien progressé tout de même dans le western en tous cas, et ce n'est pas Wes Studi qui s'en plaindra.

Pour moi, faire du spectacle ou du cinéma de genre n'est jamais une excuse pour prendre des libertés excessives et faciles avec la vérité (faut pas être pointilleux non plus hein). "Un film ne doit pas nécessairement être le reflet exact d’une quelconque réalité pour pouvoir prétendre à la réussite" mais il y a des limites quand même pour ma part.

Chacun pose une limite selon sa sensibilité. Car effectivement je ne vais pas chipoter si un navajo incarne un Comanche ou un Cheyenne pour te répondre Frank 'Spig' Wead. Mais j'imagine que si j'avais du sang cheyenne, ça pourrait m'agacer !
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-19

Message par Jeremy Fox »

Mouais. Et les conventions théâtrales d'une certaine époque, d'un certain pays, qui faisaient interpréter les femmes par des hommes ? Je trouve dommage d'en arriver à s'agacer pour si peu alors que c'est justement la magie de l'art du jeu de pouvoir se permettre de telles choses. Quand Caubère est seul sur scène pendant 4 heures, qu'il interprète tous les personnages de la troupe du soleil sans artifice de costumes et qu'on a quand même l'impression d'avoir vu réellement une trentaine de personnages, pour moi ça participe de la même chose, de la magie de cet art. A la fin de mon visionnage de la porte du diable, j'avais vraiment eu l'impression que Robert Taylor fut un indien.

Après c'est vrai ; chacun sa sensibilité face à ça.
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-19

Message par Supfiction »

Jeremy Fox a écrit :Mouais. Et les conventions théâtrales d'une certaine époque, d'un certain pays, qui faisaient interpréter les femmes par des hommes ? Je trouve dommage d'en arriver à s'agacer pour si peu alors que c'est justement la magie de l'art du jeu de pouvoir se permettre de telles choses. Quand Caubère est seul sur scène pendant 4 heures, qu'il interprète tous les personnages de la troupe du soleil sans artifice de costumes et qu'on a quand même l'impression d'avoir vu réellement une trentaine de personnages, pour moi ça participe de la même chose, de la magie de cet art. A la fin de mon visionnage de la porte du diable, j'avais vraiment eu l'impression que Robert Taylor fut un indien.

Après c'est vrai ; chacun sa sensibilité face à ça.
Je dirai que La porte du diable est bon en dépit du fait que Robert Taylor ne soit pas un indien (ou ne ressemble pas à un indien). S'il l'avait été ça n'aurait été que mieux.
Mais bon, il ne faut pas caricaturer mes propos, je suis beaucoup moins ennuyé par les histoires de race que par l’interprétation des acteurs et surtout par les faits relatés (cf. nos échanges sur le dernier Robin des bois.. et pourtant il s'agit juste d'une légende! :lol: ).
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Two Rode Together

Message par Jeremy Fox »

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Les Deux cavaliers (Two Rode Together - 1961) de John Ford
COLUMBIA


Avec James Stewart, Richard Widmark, Shirley Jones, John McIntire, Linda Cristal
Scénario : Frank Nugent d'après un roman de Will Cook
Musique : George Duning
Photographie : Charles Lawton Jr. (Technicolor 1.85)
Un film produit par Stanley Shpetner & John Ford pour la Columbia



Sortie USA : 26 juillet 1961


Années 1880. Guthrie McCabe (James Stewart), l’égoïste et cynique shérif de Tascosa, vit dans le luxe grâce au pourcentage qu’il perçoit sur toutes les transactions effectuées dans son comté. Il est dérangé dans sa tranquillité par l’arrivée en ville d’un détachement de cavalerie conduit par le Lieutenant Jim Gary (Richard Widmark). Les soldats sont venus le chercher car le commandant de Fort Grant, le Major Frazer (John McIntire), souhaite lui confier une mission : on le charge d’accompagner Jim chez les Comanches afin de négocier la restitution des prisonniers blancs qu’ils ont capturé au cours de ces dix dernières années. Le campement de la cavalerie est d’ailleurs entouré par les familles des disparus qui attendent avec impatience le résultat de ces tractations. McCabe accepte un peu à contre cœur mais pour fuir le harcèlement de la tenancière de saloon qui cherche à lui mettre le grappin dessus, et à condition de recevoir 500 dollars pour chaque prisonnier qu’il réussira à ‘tirer des griffes’ des indiens. Arrivés dans le camp de Quanah Parker (Henry Brandon), les deux hommes découvrent quelques blancs ayant survécus dont une vieille femme, l’épouse d’un redoutable guerrier, Elena (Linda Cristal), ainsi qu’un jeune adolescent qui refuse de quitter la tribu et qui sera ramené de force. Le retour au bercail de ces blancs devenus des ‘parias’ ne se déroulera pas sans drames, soulevant même de graves polémiques…

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Entre le très beau Sergeant Rutledge (Le Sergent noir) et le magnifique L’Homme qui tua Liberty Valance, John Ford accepta de réaliser Two Rode Together avant tout pour l’argent et surtout pour faire plaisir au patron de la Columbia, Harry Cohn. L’histoire et les thématiques étaient assez semblables à celles de La Prisonnière du désert (The Searchers) : des hommes à la recherche de captifs des Indiens, le drame de ces prisonniers que l’on accepte avec difficulté une fois rentrés au bercail puisque ayant frayés (et plus si affinités) avec des sauvages ; mais le ton devait être bien plus désabusé, cynique et désenchanté. Le scénario de départ d’après un roman de Will Cook (Comanche Captive) ne lui convenant pas, il le fit réécrire par Franck Nugent ; le résultat ne le satisfit guère plus. Richard Widmark pensait qu’il était trop âgé pour le rôle mais accepta pour le plaisir de tourner avec John Ford. James Stewart était lui aussi ravi de pouvoir jouer sous la direction d’un des autres plus grands du western avec Anthony Mann. L’ambiance semblait être au beau fixe, Richard Widmark affirmant par la suite qu’il ne s’était jamais autant amusé sur un plateau. Mais John Ford n’était pas très motivé par le script qu'il avait à disposition, laissait ses comédiens en roue libre, négligeait les décors et la photographie ; un drame allait complètement le détourner du film : la mort de son grand ami Ward Bond. Aux dires de tous les participants, dès ce moment il déprima, se jeta sur la bouteille et se désintéressa totalement de son film et de ce qui se passait sur son plateau au point d’écourter son tournage pour se réfugier à bord de son bateau. Et même sans l’avoir su lors de sa découverte, sans avoir été malgré moi influencé par la connaissance de ces à-côtés, ce manque total de motivation, ce relâchement complet, je les ai malheureusement ressentis à l’écran du début à la fin et en ai été le premier peiné. John Ford ne se cachera pas de cet échec artistique puisqu’il dira plus tard que Les Deux cavaliers était "the Worst Crap I've ever made since 20 Years (la pire merde que je n'ai jamais tournée depuis 20 ans)"...

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Ca n’a pas été l’avis ni le ressenti de tout le monde puisqu’une bonne partie de la critique française le porta même au pinacle durant les années 70/80 : parmi ses admirateurs ne tarissant pas d’éloges à son propos, et pas des moindres, Jean-Luc Godard ou le présentateur de la première version du ciné-club d’Antenne 2, Claude-Jean Philippe. La plupart de ceux-ci, pour le défendre becs et ongles, mettront entre autre en avant l'argument de la savoureuse nonchalance. Parmi mes films fétiches on peut citer Mais qui a tué Harry (The Trouble with Harry) d'Alfred Hitchcock, The Big Sky (La Captive aux yeux clairs) ou Hatari de Howard Hawks, Wagonmaster (Le Convoi des braves) ou Mogambo de John Ford, et parmi mes héros on peut compter le roi de l’indolence policière, le détective Tony Rome interprété par Frank Sinatra. N’étant donc pas du tout hermétique à la nonchalance, bien au contraire, ça ne m’aurait pas dérangé que le western de Ford prenne ces chemins de traverse. Cependant je n’ai rien ressenti de tel à sa vision mais plutôt une paresse cinématographique à tous les niveaux. C'est d'ailleurs un mauvais début de décennie pour la plupart des plus grands du genre qui ont du mal à prendre le tournant du western contemporain, que ce soit Anthony Mann (La Ruée vers l’Ouest - Cimarron), John Sturges (Les Sept mercenaires – The Magnificent Seven), George Sherman (Le Diable dans la peau – Hell Bent for Leather) ou Gordon Douglas (Le Trésor des sept collines – Gold of the Seven Saints) ; cette période marquera également les laborieux débuts de carrière pour l’un des futurs plus grands, Sam Peckinpah (New Mexico). Ce que nous offre John Ford ici est encore plus décevant, d’autant plus lorsque l’on est un inconditionnel du cinéaste qui nous a apporté tant de bonheur les années précédentes, notamment dans le domaine du western. Un faux pas pour lequel je n’aurais ici aucune indulgence mais dont cependant je ne lui tiendrais pas rigueur au vu de la beauté de son opus suivant.

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Et pourtant le film débutait plutôt bien, nous prenant en quelque sorte par surprise et à contre-pied, ne nous attendant pas à de telles scènes de la part de John Ford. Le premier plan du film rappelle expressément celui célèbre qui voyait Wyatt Earp/Henry Fonda prendre l’air sur sa terrasse dans La Poursuite infernale (My Darling Clementine) ; même tenue, même gestuelle, même pose les pieds appuyés sur le haut de la barrière et s'en servant pour se balancer. Cependant, le shérif Guthrie McCabe n’est pas un être probe mais un homme cynique, égoïste et vénal à qui ça ne pose aucun problème de conscience de s’accaparer un pourcentage de toutes les transactions se concluant dans sa contrée. Il est également assez amusant de le voir fuir le harcèlement de la tenancière de saloon qui aimerait bien lui mettre le grappin dessus. Puis, quelques minutes plus tard, nous nous trouvons devant la fameuse scène au bord de la rivière pour laquelle le film est surtout connu, un plan séquence fixe de 3’45 (à l’époque beaucoup exagéraient sacrément, parlant d’une durée de plus de 10 minutes) au cours duquel les deux stars du film se mettent à deviser (en improvisant dans les grandes largeurs) sur la vie, l’amour, l’argent. On a beaucoup glosé sur cette scène ; elle n’a pourtant d’intérêt que d’un point de vue historique, aucun western n'ayant encore utilisé cette figure de style aussi longuement, une scène sans effets de montage ni mouvements de caméra. Car en ce qui concerne le dialogue qui a lieu, il n’est certes pas désagréable mais on ne peut pas dire non plus qu’il soit inoubliable, loin de là. Pour des scènes similaires (dialogues sans intensité dramatique, ne servant pas à faire avancer l’action mais à s’attacher un peu plus aux personnages), pour ne prendre qu’un seul exemple, Burt Kennedy et Budd Boetticher ont fait vraiment beaucoup mieux dans des westerns d’un tout autre niveau tels Comanche Station ou La Chevauchée de la vengeance (Ride Lonesome).

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Puis ensuite viennent une succession de séquences sans grand liant, l’histoire s’enlise très vite et l’ennui vient nous prendre subrepticement pour ne plus jamais nous lâcher hormis lors de quelques très beaux plans sur les visages de femmes comme John Ford en avait le secret, notamment sur Linda Cristal qui incarne ici le seul personnage auquel on arrive à éprouver de l’empathie, de loin le plus intéressant, le plus émouvant. Après avoir rejoint les siens (les blancs), elle se rend compte qu’elle était finalement moins mal traitée par les indiens. Il y avait là une thématique très intéressante à fouiller ; ce qui n’a pas été fait, probablement par manque de conviction. Concernant l'interprétation des deux personnages principaux, nous avons d'un côté un James Stewart qui en fait beaucoup trop dans le cabotinage éhonté alors que Richard Widmark parait éteint, peu à l'aise et semblant s'ennuyer. Strictement aucune idée de mise en scène, une réalisation sans vigueur, une forme d’une platitude désespérante (un comble pour ce formaliste qui nous a souvent ébloui dans ce domaine ; revoyez La Charge héroïque - She Wore a Yellow Ribbon pour n’en citer qu’un), une extrême pauvreté des décors (les séquences nocturnes en studio font vraiment fauchées, pas même rehaussées par la photographie elle aussi assez terne), un scénario insipide et mal construit, un rythme mollasson, aucun souffle, aucune progression dramatique, de nombreuses invraisemblances narratives, une succession de gags de mauvais goût (on est vraiment gêné pour Harry Carey Jr, Andy Devine ou Ken Curtis à qui on a rarement dû confier de séquences plus ridicules qu'ici)… rien n’est épargné à ce film. Mais le plus impardonnable est peut-être la représentation des indiens s’avérant ici étonnamment et rudement caricaturale, ce qui étonne de la part d’un des plus grands chantres des natives ; Henry Brandon et Woody Strode ne sont d'ailleurs guère mieux servis que les comédiens interprétant les blancs. Pour résumer, situations comme interprétation, tout semble forcé et outrancier, le cabotinage de la moitié de la distribution (James Stewart en tête) se révélant vite pénible même si pour la plupart il s’agit de comédiens issus de la famille fordienne que l’on a connu beaucoup plus convaincants.

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Les Deux cavaliers est un western sans action (il est important de le préciser pour ceux qui n'apprécient que les westerns mouvementés) qui aurait pu être l’occasion pour John Ford de tisser des liens passionnants avec The Searchers, d’effectuer des variations autour du même thème sur un ton plus provocateur. Certes le film propose effectivement un constat amer et une une vision totalement désenchantée de cette Amérique puritaine où les prisonniers blancs préfèrent encore leur condition d’esclaves des indiens plutôt que de devoir subir le mépris et les sarcasmes de leur semblables pour avoir couchés avec des ‘sauvages’ (car c'est bien de sexe qu'il s'agit avant tout ; ce dont il faut le reconnaitre, le scénariste s’acquitte avec audace) ; certes le sujet valait la peine et les thématiques autour du déracinement, du choc des cultures, de la difficile réintégration des 'disparus' dans la société, auraient facilement pu être captivantes ; ce qui est d’autant plus original et intéressant que tout ceci émanait de John Ford, le cinéaste ayant jusqu'ici forgé une vision plus glorieuse et chaleureuse de son pays ; seulement les bonnes intentions, le culot, la remise en question et les bonnes idées ne font pas forcément les bons films. Le fait d’avoir souhaité faire un western plus noir, plus désenchanté, plus cynique que les précédents ne change en rien le ratage ; le sujet est grave mais très mal développé, ce qui donne au final une tragédie sans aucune puissance ! D’ailleurs, le lucide couperet critique et public fut sans appel : peu de monde a semblé vouloir soutenir le film raté d’un grand réalisateur. La plupart des adorateurs de John Ford parmi les historiens du cinéma ne dérogèrent pas à la règle, se lamentant d’un tel naufrage. Et moi-même, si j'ai été aussi intransigeant, je peux vous assurer que ce n'est pas de gaité de cœur, ayant au contraire tant voulu aimer cet opus !

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Je ne me permettrais très certainement pas de remettre en doute les goûts de quiconque mais je soupçonne néanmoins qu’une bonne moitié de l’indulgence envers ce film soit issue de la mauvaise foi (c'est de bonne guerre ; on l'a tous fait pour défendre avec passion ses chouchous) et (ou) une conséquence de la fameuse politique des auteurs initiée par les Cahiers du cinéma. Histoire lâchement de ne pas me sentir trop seul au sein de cette page, je laisse la conclusion au dernier biographe de John Ford, Joseph McBride, qui écrivait ceci dans son passionnant ouvrage sur le cinéaste : "L'histoire s'apparente à un remake de The Searchers en plus cynique mais l'attitude de Ford à l'égard de l'entreprise semble si méprisante et indifférente qu'il est difficile de ne pas y réagir de la même façon : style visuel bâclé, interprétation cartoonesque, indiens grossièrement caricaturaux, traitement désinvolte de thèmes sérieux […] Les Deux Cavaliers représente avec Dieu est mort et What Price Glory l'un des pires moments de la carrière de Ford." Alors désinvolture voulu ou j’menfoutisme difficilement défendable ; je vous laisse vous faire votre propre opinion !
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