Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-1967

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Tommy Udo
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-19

Message par Tommy Udo »

Flavia a écrit :Quel travail dantesque, un grand bravo et c'est un vrai plaisir de lire tes textes.
+1 :wink:
Je ne comprends toujours pas comment tu as pu maintenir une telle cadence. Bravo, mr Fox !
someone1600
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-19

Message par someone1600 »

Un grand merci et des félicitations toujours renouvellees pour ce fantastique parcours ! :-)
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Jeremy Fox
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Hell Bent for Leather

Message par Jeremy Fox »

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Le Diable dans la peau (Hell Bent for Leather - 1960) de George Sherman
UNIVERSAL



Avec Audie Murphy, Stephen McNally, Felicia Farr, Robert Middleton
Scénario : Christopher Knopf
Musique : William Lava & Irving Gertz sous la direction de Joseph Gershenson
Photographie : Clifford Stine (Eastmancolor 2.35)
Un film produit Gordon Kay pour la Universal


Sortie USA : 01 février 1960


Le maquignon Clay Santell (Audie Murphy) se rend à Sutterville pour y acheter des chevaux. Ayant fait une halte avant d’atteindre la ville, il voit arriver un homme blessé à qui il propose de partager son repas ; faisant semblant d’accepter, le ‘faux’ blessé frappe son hôte, lui vole sa monture et s’enfuit à vive allure. Clay a néanmoins eu le temps de lui tirer dessus, le touchant à l’épaule, et de récupérer le fusil de son agresseur. Arrivé en ville à pied, il constate qu’on le regarde d’une drôle de façon ; en effet, à la vue du fusil qu’il s’est procuré, les habitants le prennent pour le meurtrier de deux de leurs concitoyens qu’on est justement en train de mettre en terre. C’est ainsi que, malgré ses dénégations, on pense qu’il s’agit de Travers (Jan Merlin), criminel recherché et poursuivi depuis un certain temps par le Marshall Deckett (Stephen McNally). Ce dernier arrive justement et, seul à connaître le visage du hors-la-loi, profite de la confusion pour confirmer les soupçons des villageois. Las de poursuivre Travers et avide de toucher la prime promise, il ne fait effectivement rien pour les détromper ; il compte même le ramener dans sa ville de Denver et l’y faire pendre à la place du véritable assassin, en retirant ainsi une gloire plus rapide que s’il avait dû poursuivre son épuisante chasse à l’homme. Mais en cours de route Clay réussit à fausser compagnie à l’opportuniste homme de loi. Pour sauver sa peau, il prend en otage Janet (Felicia Farr), l’institutrice locale qui, convaincue de son innocence, va tout faire pour le tirer de ce guêpier…

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Même si le postulat de départ pouvait sembler captivant, une petite déception est au rendez-vous. Force est à nouveau de constater qu’après la période faste du cinéaste, soit entre 1948 et 1952, la plupart des westerns de George Sherman furent bien moins enthousiasmants que les précédents, ceux majoritairement tournés pour la compagnie Universal, un studio pour lequel ce fut également une période glorieuse concernant le genre. Après Les Rebelles (Border River) et Le Trésor de Pancho Villa, on aurait pu se dire que le Mexique ne semblait pas avoir grandement inspiré le réalisateur ; mais ses derniers westerns pro-Indiens - Le Grand chef (Chief Crazy Horse) et Comanche - n’étaient guère meilleurs, voire même pires.

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Une confusion d’identité amenant à faire prendre un innocent pour un meurtrier que l’on poursuit dans le but de le lyncher. Une jeune femme prise en otage par cet homme pour garantir sa survie, d’abord effrayée puis devenant sa "complice" au fur et à mesure de leur périple. Un homme de loi sachant pertinemment que l’homme traqué n’est pas le coupable mais qui le pourchasse cependant sans relâche pour s'approprier plus rapidement la gloire et la prime promises pour sa capture... Voilà des personnages et un postulat de départ a priori très séduisants sur le papier, même si pas spécialement originaux. Quoi qu’il en soit, que les divers éléments de l’intrigue soient conventionnels ou non, on sait très bien que ce n’est jamais un gage de réussite ou de l’échec d’un film ; tout dépend de ce qu’en font leurs auteurs. En l’occurrence, avec ces bases, des cinéastes comme Budd Boetticher ou Anthony Mann, des scénaristes tels Borden Chase ou Burt Kennedy auraient facilement pu accoucher d’un chef-d’œuvre. Malheureusement, que ce soit George Sherman ou son scénariste Christopher Knopf (un homme ayant presque exclusivement travaillé pour la petite lucarne), tous les deux loupent un peu le coche. Et pourtant le début de leur western promettait d’être captivant ; la rencontre initiale de Clay et de l’homme avec qui il va être confondu faisait entrer d'emblée le spectateur au cœur de l’action ; l’arrivée de Clay à pied dans un village semblant mort et perché sur le flanc d’une colline se révélait elle aussi assez intrigante, ces décors naturels étant assez insolites. La tension montait ; on comprenait alors que le personnage joué par Audie Murphy n'allait pas tarder à se mettre dans une situation inextricable, lui qui ne venait ici que dans l'intention d'acheter des chevaux.

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Puis, on comprend très vite la globalité des enjeux dramatiques avec l’arrivée du marshall expliquant d’emblée à son "prisonnier" qu’il sait très bien qu’il n’est pas l’homme qu’il recherche mais qu’il fera tout comme, lassé de poursuivre le vrai coupable qu’il aurait de toute manière bien plus de mal à appréhender et à ramener. Clay réussit à s’enfuir, va tenter de sauver sa peau en prenant en otage une jeune institutrice, et tous deux vont essayer d’échapper aux poursuites de l'homme de loi et du posse qu'il a levé. A partir de ce moment, alors qu’on aurait pu s’attendre à une course poursuite haletante, faute à une écriture très lâche, à une mise en scène moyennement inspirée et à une interprétation sans grandes nuances, on se prend parfois à regarder sa montre. Même la séquence de l’apparition de l’inquiétant Robert Middleton dans la cabane, qui semble vouloir créer une forte tension, est plombée par un bavardage intempestif. Un problème de rythmique que n’arrangent guère de très grosses incohérences comme celle du passage du col. Il s'agit d'une ascension que l’on dit très difficile, que seul un homme a réussie jusqu'à maintenant, mais que nos deux fugitifs terminent en un coup de cuiller à pot comme s’ils n’avaient grimpé que deux étages. Alors que, dans le même temps, les poursuivants, plus nombreux et à cheval, les talonnant pourtant d'assez près, décident de les rattraper en faisant un contournement de la montagne qui durera cinq heures ! La suspension d’incrédulité a beau être largement à ma portée, il existe des invraisemblances tellement grosses qu’elles nous font néanmoins sortir du film. On pourrait citer d’autres exemples de ce style qui démontreraient le manque de rigueur du scénario ; un scénario souvent incohérent, aggravé par une description des personnages sans grand intérêt psychologique et des dialogues manquant de punch.

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Fatigué, les traits tirés, Audie Murphy déçoit un peu ici, n’apportant aucun relief à un personnage qui en était au départ dépourvu. On aurait aimé voir l’acteur plus convaincant dans le rôle de cet homme simple et honnête, auquel il aurait été très facile de s’identifier et qui, suite à une confusion d’identité, se retrouve victime de circonstances qui vont l’entrainer dans une cavale éperdue, poursuivi par une population vengeresse et un marshall opportuniste et malsain qui n’hésite pas à faire tuer des innocents ou à pratiquer le passage à tabac. Ce dernier, c’est Stephen McNally, le héros d'Apache Drums (Quand les tambours s’arrêteront) de Hugo Fregonese ; bien dirigé, il peut faire illusion mais au vu de son cabotinage parfois un peu pénible ici, on se rend compte que nous n’avons pas à faire à un immense comédien. On imagine aisément comment un tel personnage aurait pu faire gagner en intensité le film s’il avait eu pour interprète Richard Widmark ou Dan Duryea. Huit ans auparavant, Audie Murphy et Stephen McNally s’était déjà retrouvés tous deux à l’affiche d’un western autrement plus enthousiasmant dans lequel ils étaient du même côté de la loi, Duel at Silver Creek (Duel sans merci) de Don Siegel. Heureusement, Felicia Farr, la comédienne fétiche de Delmer Daves (inoubliable dans La Dernière Caravane, Jubal, 3.10 pour Yuma), s’en tire en revanche plutôt bien, le protagoniste qu’elle eut ici à interpréter s’avérant du coup le plus intéressant de l'intrigue. Heureusement le réalisateur s'avère toujours aussi doué dans son appréhension de l’espace, son sens du cadrage que dans l’utilisation des paysages à sa disposition (le fameux Lone Pine en l’occurrence, au sein duquel Boetticher a filmé un grand nombre de ses chefs-d’œuvre).

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Une série B assez conventionnelle mais plaisante, néanmoins affublée d’une musique stridente, bruyante et assez vite pénible. L’abondance de cuivres se révèle peu en phase avec ce qui se passe à l’écran, aucune mélodie n’étant mémorisable, pas plus le thème romantique ; nous sommes cent coudées au-dessous des compositions pour le studio signées Hans J. Salter ou Herman Stein. Hell Bent for Leather est un western pas désagréable mais qui ne décolle donc jamais vraiment et dont la conclusion parait trop hâtive. Entretemps, nous aurons néanmoins pu apprécier une assez belle photographie, quelques séquences sortant un peu du lot (notamment les dix premières minutes) ou des décors insolites comme celui de la petite ville de Paradise qui anticipe celles que l'on trouvera dans les westerns de Clint Eastwood.
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-19

Message par Chip »

J'aime beaucoup " Hell bent for leather", que je classe parmi les trois meilleurs westerns de Murphy, juste après " Seven ways from sundown", " no name on the bullet" et juste devant " Posse from hell", je ne compte pas les 2 Huston," red badge..." qui n'est pas vraiment un western et "the unforgiven" où Murphy n'a pas la vedette. C'est juste sur Western movies, on aime le film, je suis en désaccord total avec cette critique , désolé je n'ai aucune envie de tartiner pour m'en expliquer, mais tous les avis sont respectables, s'ils sont sincères.
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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-19

Message par Jeremy Fox »

Effectivement en total désaccord y compris sur les meilleurs Audie Murphy. Si l'on enlève les deux huston, voici les cinq que je préfère :

A feu et à sang (Boetticher)
Duel sans merci (Siegel)
Qui est le traitre (Juran)
Le tueur du Montana (Juran)
Chevauchée avec le diable (Hibbs)
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hellrick
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-19

Message par hellrick »

Pour ma part j'aime bien aussi Le diable dans la peau, découvert l'été dernier avec pas mal de film de l'acteur...
même si je ne le mettrais pas dans mon top sur Murphy je lui donne volontiers un 7/10
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-19

Message par tracy spencer »

il manque le GRAND PASSAGE AVEC SPENCER SINON BRAVO
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-19

Message par tindersticks »

tracy spencer a écrit :il manque le GRAND PASSAGE AVEC SPENCER SINON BRAVO
Il date de 1940.
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-19

Message par Chip »

Mes 5 Murphy :
- Les 7 chemins du couchant
- une balle signée X
- le diable dans la peau
- les cavaliers de l'enfer
- qui est le traitre?

-
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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-19

Message par Jeremy Fox »

tindersticks a écrit :
tracy spencer a écrit :il manque le GRAND PASSAGE AVEC SPENCER SINON BRAVO
Il date de 1940.

Ben oui : et il est bien ; par contre tu risques d'être déçu par mon avis car je ne l'apprécie que moyennement. :wink:
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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-19

Message par Jeremy Fox »

Chip a écrit : - qui est le traitre?

-
Un en commun, c'est déjà pas mal :wink:
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-19

Message par Chip »

Ce que je puis dire, c'est qu'aucun western de Murphy ne m'a ennuyé, pourtant en leur temps, ils furent ô combien ! décriés par la critique française.
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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-19

Message par Jeremy Fox »

Chip a écrit : pourtant en leur temps, ils furent ô combien ! décriés par la critique française.

Et là dessus aussi nous sommes bien d'accord : ce fût loin d'être un mauvais comédien et nombre des westerns dans lesquels il a joué furent très agréables, voire excellents.
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-19

Message par Duke »

Très bon travail ! Félicitations !
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Guns of the Timberland

Message par Jeremy Fox »

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Tonnerre sur Timberland (Guns of the Timberland - 1960) de Robert D. Webb
WARNER



Avec Alan Ladd, Jeanne Crain, Gilbert Roland, Lyle Bettger, Frankie Avalon
Scénario : Joseph Petraca & Aaron Spelling d'après Louis L'Amour
Musique : David Buttolph
Photographie : John F. Seitz (Technicolor 1.85)
Un film produit par Aaron Spelling pour la Jaguar/Warner


Sortie USA : 01 février 1960


Jim Hadley (Alan Ladd) et son partenaire Monty Welker (Gilbert Roland) arrivent avec leur imposante équipe de bûcherons dans la petite bourgade de Deep Well. Ils sont là pour procéder à la déforestation de la parcelle que le gouvernement leur a accordé. Mais les habitants de la région ne voient pas cette intrusion d’un très bon œil. En effet, comme c’est arrivé à une ville voisine, leur cité risque de devenir une ville-fantôme si la destruction de la forêt vient à faire disparaitre la couche arable des terres alentours, les pluies apportant alors presque assurément des torrents de boue qui, sans la protection naturelle que constitue la forêt, détruiraient tout sur leur passage, tout autant les cultures que les prairies d’herbe grasse pour le bétail. On refuse donc logiquement aux bûcherons toute aide ; seul le jeune Bert Harvey (Frankie Avalon) propose à Jim de le conduire jusqu’au ranch où il travaille, pensant que sa patronne, Laura Riley (Jeanne Crain), leur louera des chevaux pour le débardage. Seulement Laura refuse tout autant que ses concitoyens alors que son contremaitre (Lyle Betger) le chasse carrément de la propriété. Quoiqu’il en soit, les bûcherons s’attellent à la tache d’autant qu’ils ne disposent que de deux mois pour accomplir le travail. Alors qu’un samedi soir ils se rendent au bal, une forte détonation se fait entendre ; le chemin par lequel les travailleurs devaient descendre les arbres est désormais impraticable, des tonnes de rochers s’étant mis en travers. Non seulement suite à ce sabotage les conflits entre ranchers et bûcherons vont s’amplifier, mais au sein même du campement de ces derniers, Jim et Monty vont se quereller quant à la façon d’agir, l’un prônant la diplomatie, l’autre la violence…

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Un début d’années 60 assez décevant pour quelques amoureux du western, deux de leurs poulains se retrouvant simultanément dans deux de leurs moins bons films, leurs interprétations respectives n’arrangeant rien à la chose, bien au contraire ! Après Audie Murphy assez transparent dans Le Diable dans la peau (Hell Bent for Leather) de George Sherman, c’est donc au tour d’Alan Ladd de nous désappointer alors que jusqu’à présent j’avais souvent loué sa filmographie comme étant l’une des plus (positivement) régulières à l’intérieur du genre, l’une des plus riches en terme de nombres de réussites ; pour résumer, un choix de carrière qui fut dans l’ensemble tout à fait cohérent et honorable. Dans L’Or du Hollandais (The Badlanders) de Delmer Daves, le comédien était déjà moins convaincant ; mais là, le visage bouffi, ravagé par l’alcool, Alan Ladd n’est plus que l’ombre de lui-même, aussi terne que la réputation qui lui a souvent été faite (à tort de mon point de vue), désormais dépourvu du moindre charme et de tout talent dramatique, semblant être totalement ailleurs (dans les limbes des effluves d’alcool ?) Un mauvais film pour autant ? Je n’irais pas jusque là, mais disons un western familial pas très reluisant pouvant éventuellement se regarder sans trop d'ennui par un après midi pluvieux. En tout cas, une grosse déception en regard de ce à quoi Robert D. Webb lui aussi, cinéaste souvent très respectueux de son public, nous avait habitué auparavant ; à savoir un joli western pro-indien, La Plume blanche (White Feather) avec Robert Wagner, et surtout un excellent western urbain, Le Shérif (The Proud Ones) avec un Robert Ryan impérial. Il y eut aussi entre les deux le plus faible mais plus célèbre Love me Tender (Le Cavalier du crépuscule), premier film avec Elvis Prelsey pour lequel l’efficacité de la mise en scène n’était pas à remettre en cause, preuve en étaient les énergiques séquences tourmentées ou encore les amples mouvements de caméra lors des chevauchées superbement cadrées en Cinémascope.

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Avant de passer derrière la caméra, le peu connu Robert D. Webb fut un réalisateur de seconde équipe réputé, notamment sur les films de Henry King avec Tyrone Power comme Capitaine de Castille ou Echec à Borgia (Prince of Foxes). En tant que cinéaste, sans génie dans ses mises en scène, il fit néanmoins du bon travail d’artisan consciencieux et sa technique fut quasiment irréprochable (même s’il fut parfois capable du pire avec par exemple le pénible et laborieux film d'aventure Tempête sous la mer - Beneath the 12-Mile Reef) ! Tonnerre sur Timberland lui doit donc encore beaucoup, les séquences les plus marquantes étant celles de l’abattage des arbres et de la mise en place du campement des bûcherons. Peu aidé par le background de la Warner qui ne s’embarrasse guère d’esthétique ni de bonne musique (David Buttolph restera décidément médiocre jusqu'au bout), la spectaculaire séquence finale de l’incendie ne sombre pas dans le ridicule une fois encore grâce Webb qui arrive à faire passer la pilule des hideuses transparences grâce à son sens du rythme, du mouvement et du cadrage. Mais, contrairement à ce qu’aurait pu nous laisser croire le titre, le western de Robert D. Webb demeure avare en action et en coups de feu, la seule autre séquence mouvementée étant la titanesque bagarre générale sombrant très vite dans la pantalonnade et la gaudriole. Une fois encore, ce sont plus les auteurs, producteurs et interprètes qui doivent être principalement mis en cause dans l’échec de ce Tonnerre sur Timberland plutôt que le réalisateur qui, même s’il semble avoir souvent été en meilleure forme, arrive à nous maintenir éveillé grâce à son professionnalisme.

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Pour le reste, l’intrigue de ce western forestier rappelle étrangement celle de La Vallée des géants (The Big Trees) de Felix Feist avec Kirk Douglas ; le film (déjà distribué par la Warner) n’était guère meilleur mais la qualité de l’interprétation de la star montante arrivait à porter le film plus haut que celui de Robert D. Webb. Dans chacun d'entre eux, nous assistons à des scènes ‘documentaires’ mettant en avant le spectaculaire travail d’abattage des arbres, à un conflit entre les bûcherons et les habitants de la région, à un début de romance entre l’opportuniste chef des travailleurs avec un membre féminin de la communauté spoliée, ainsi qu’à une querelle qui se déclenche entre les deux principaux associés suite à la prise de conscience d’un d'entre eux. Seule change la raison de la rivalité initiale, dans le western de Feist, des Quakers ne voulant pas que l’on abatte des séquoias centenaires, dans celui de Webb, plus pragmatique, les citoyens ayant peur (avec raison) que la déforestation n’entraine une catastrophe écologique. Dans Tonnerre sur Timberland, les scénaristes paraissent ne pas arriver à choisir leur camp ; et du coup, au lieu d’être captivante par le fait de mettre en avant les arguments de chaque camp, l’histoire fait vite du sur-place et devient rapidement inconsistante à l’image de ses personnages dont aucun n’arrive vraiment à se sortir du lot. Comme si le travail du talentueux Joseph Petraca (Le Fier Rebelle de Michael Curtiz ou bien Le Shérif – The Proud Ones de Robert D. Webb) avait été affadi par son coscénariste, le comédien Aaron Spelling qui à l’occasion produisait également son premier film. Il sera ensuite réputé pour avoir été le producteur le plus rentable de la télévision avec à son actif des séries aussi populaires que La Croisière s’amuse, Dynastie ou Beverly Hills 90210. Un scénario assez mièvre aggravé par de mauvais dialogues et de catastrophiques prestations d’Alana, la propre fille d’Alan Ladd, ainsi que du chanteur Frankie Avalon dont c’était la première apparition dans un film de fiction (il sera à nouveau cette même année à l’affiche d’Alamo de John Wayne, film d’une toute autre envergure). Pour le mettre en avant et dans l’espoir d’attirer une clientèle jeune, nous assistons même à une séquence de rockabilly. Nous ne sommes plus à un anachronisme près s'agissant d’Hollywood mais, si ça n'aurait pas été gênant au sein d'une comédie musicale, l’invraisemblance de cette scène fait vraiment tache au sein d’un film censé être sérieux. Quant à la sous-utilisation de comédiens aussi talentueux que Lyle Bettger, ça n’aide pas à être plus tolérant envers un film de divertissement traité avec autant de désinvolture.

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En conclusion, les bûcherons n’auront pas vraiment porté chance aux stars hollywoodiennes ; il faudra attendre Paul Newman et son Clan des irréductibles au début des années 70 pour remonter la pente. Adapté d’un roman de Louis L’Amour (Hondo ; Quatre tueurs et une fille ; Stranger on Horseback…), Tonnerre sur Timberland est un western familial routinier et peu mémorable mais reste cependant un film bon enfant et pas forcément désagréable grâce surtout au métier du cinéaste, à l’interprétation assez savoureuse de Gilbert Roland et au joli minois de Jeanne Crain. Dommage qu’il n’ait pas été constamment du niveau de la séquence de la découverte de la ville-fantôme, Jeanne Crain s’inquiétant du sort qui les attend si la déforestation se poursuit. Bref, tout n’est pas à jeter mais il serait sacrément osé de conseiller ce film au plus grand nombre ; il n'en vaut pas vraiment la peine !
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