Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-1967

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Geoffrey Carter
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-19

Message par Geoffrey Carter »

Effectivement, je voulais enchaîner là-dessus car je trouve que c'est un acteur qu'on ne met que trop rarement en valeur.
kiemavel
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-19

Message par kiemavel »

Geoffrey Carter a écrit :Effectivement, je voulais enchaîner là-dessus car je trouve que c'est un acteur qu'on ne met que trop rarement en valeur.
On, peut-être mais j'apporte ma contribution :wink: . Dans un autre topic consacré au western, depuis 2 mois, j'ai évoqué 6 westerns avec Joel McCrea mais je suis d'accord avec le constat, tous les films évoqués sont au mieux moyens.
Geoffrey Carter
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-19

Message par Geoffrey Carter »

kiemavel a écrit :
Geoffrey Carter a écrit :Effectivement, je voulais enchaîner là-dessus car je trouve que c'est un acteur qu'on ne met que trop rarement en valeur.
On, peut-être mais j'apporte ma contribution :wink: . Dans un autre topic consacré au western, depuis 2 mois, j'ai évoqué 6 westerns avec Joel McCrea
Bien sûr, et c'est tout à fait louable ! ;)
kiemavel
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-19

Message par kiemavel »

Geoffrey Carter a écrit :
kiemavel a écrit : On, peut-être mais j'apporte ma contribution :wink: . Dans un autre topic consacré au western, depuis 2 mois, j'ai évoqué 6 westerns avec Joel McCrea
Bien sûr, et c'est tout à fait louable ! ;)
Je ne te l'aurais pas fait dire :wink: …et je vais poursuivre avec au moins 4 autres westerns peu connus avec cet acteur.
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Jeremy Fox
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Six Black Horses

Message par Jeremy Fox »

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Six Chevaux dans la plaine (Six Black Horses - 1962) de Harry Keller
UNIVERSAL


Avec Audie Murphy, Dan Duryea, Joan O’Brien, George Wallace
Scénario : Burt Kennedy
Musique : sous la direction de Joseph Gershenson
Photographie : Maury Gerstman (Eastmancolor 1.85)
Un film produit par Gordon Kay pour la Universal



Sortie USA : 24 avril 1962


Ayant perdu sa monture, Ben Lane (Audie Murphy) erre à pied dans une région désertique. Par chance, il tombe sur un groupe de mustangs sauvages. Il arrive à en capturer un mais malheureusement il s’avère que les bêtes avaient un propriétaire ; lui et ses hommes de main décident de le lyncher pour vol de chevaux. Ben est sauvé in-extremis par Frank Jesse (Dan Duryea), un tueur à gages qui, caché, a tout entendu et croit en son innocence. Malgré des caractères antinomiques (un cowboy taciturne et probe face à un Gunslinger extraverti et sans scrupules), les deux hommes se prennent d’amitié et font alors route ensemble jusqu’à Perdido. En sortant de la cantina où ils se sont rassasiés, ils sont pris sous le feu nourri de deux agresseurs inconnus qui finissent par mordre la poussière. Peu après avoir échappé à ce guet-apens qu’ils ne comprennent pas, une belle blonde, Kelly (Joan O’Brien), les embauche ; elle souhaite se faire escorter afin de rejoindre son mari à Del Cobre. Les deux hommes hésitent puisque le parcours de quatre jours de cheval n’est pas sans danger, leur chemin devant traverser les territoires des redoutables et sanguinaires indiens Coyoteros alors sur le sentier de la guerre. Au vu de la récompense promise (1000 dollars chacun) et du charme de leur ‘employeur’, ils décident néanmoins de se lancer à l’aventure. Un périple qui ne sera évidemment pas de tout repos…

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Après avoir été un monteur prolifique durant les années 40 - notamment sur le très attachant L'Ange et le mauvais garçon (Angel and the Badman) de James Edward Grant avec John Wayne et Gail Russell - Harry Keller continua à oeuvrer à de nombreuses reprises pour le genre, mettant en scène une dizaine d’obscurs westerns de série B (voire Z) pour la Republic, films de courte durée (souvent moins d’une heure) qui ne sont d’ailleurs jamais sortis dans notre contrée. Quantez fut le premier d’une série de quatre westerns à budgets plus importants réalisés pour la compagnie Universal. Les deux derniers, les plus connus, ont tous deux Audie Murphy pour acteur principal, le premier étant Les sept Chemins du couchant (Seven Ways from Sundown) avec Barry Sullivan, le second (et ultime long métrage du cinéaste) ce Six chevaux dans la plaine (Six Black Horses) en 1962. Fred MacMurray joue en revanche dans les deux autres, Quantez ainsi que La Journée des violents (Day of the Badman). Alors qu’aux États-Unis, ils demeurent plus ou moins cantonnés dans les fonds de tiroir, les deux films d’Harry Keller avec Audie Murphy bénéficient au contraire d’une belle cote d’amour auprès des aficionados français du genre. Que ce soit d’un côté comme de l’autre, il y a à mon avis exagération. S’ils ne méritent pas d’être ostracisés puisque tout à faits plaisants, il serait tout aussi faux, malgré à l’écriture des scénaristes aussi réputés que Clair Huffaker et surtout Burt Kennedy, d’en faire des westerns aussi importants et réussis que ceux de Budd Boetticher auxquels ils ressemblent néanmoins étrangement, plus encore celui qui nous intéresse ici.

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La réunion de trois personnages aux caractères opposés et aux motivations mystérieuses qui se déplacent dans un paysage désertique et une région dangereuse, poursuivis par quelques autres groupes faméliques ; des indiens souhaitant échanger un de leurs chevaux contre une femme blonde ; une attaque indienne dans une habitation désaffectée en plein milieu du désert... On croirait évoquer ici La Chevauchée de la vengeance (Ride Lonesome), le chef d'œuvre de Budd Boetticher, d'autant plus que l'actrice de Six Black Horses arbore la même tenue que Karen Steele. Du chef d’œuvre de Budd Boetticher Six chevaux dans la plaine reprend en effet non seulement la situation favorite de Burt Kennedy -à savoir un groupe de protagonistes réunis par la force des choses qui parcourt des étendues quasi désertiques à la recherche de tierces personnes, le tout se déroulant presque exclusivement en extérieurs au sein de paysages rocheux- mais également certaines réparties strictement identiques ainsi que des séquences entières comme celle de l’échange femme/cheval qui doit avoir lieu avec les indiens. Il faut dire qu’au départ Six Black Horses devait être le huitième film de la collaboration entre Budd Boetticher et son acteur fétiche Randolph Scott. Une fois le projet atterri entre les mains d’Harry Keller, Burt Kennedy pensa même à Richard Widmark pour faire face à Dan Duryea avant qu’Audie Murphy ne soit de la partie, s’étant très bien entendu avec son metteur en scène sur Seven Ways from Sundown. J’ai beau avoir dit tout le bien que je pensais en tant qu’acteur du plus grand héros de la Seconde Guerre Mondiale, voir se confronter au sein d’un western écrit par Burt Kennedy ces immenses comédiens que sont Richard Widmark et Dan Duryea m’aurait grandement plu même si le film aurait probablement eu un tout autre ton, l’intérêt du tandem ici en présence étant leur différence de tempérament, faisant s’opposer un homme taciturne d’une grande probité à un exubérant tueur à gages sans scrupules mais qui force néanmoins la sympathie par sa gouaille et sa roublardise. Les deux comédiens s’étaient d’ailleurs déjà affrontés avec efficacité dans les très plaisants Chevauchée avec le diable (Ride Clear of Diablo) de Jesse Hibbs ainsi que, aux côtés de James Stewart, dans Le Survivant des monts lointains (Night Passage) de James Neilson.

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Puisque nous évoquons ci-dessus Audie Murphy et Jesse Hibbs, l’un de ses réalisateurs fétiches, je viens de tomber sur un avis sur le comédien et ses réalisateurs de prédilection signé Pierre Domeyne dans un ouvrage sur le western paru dans la collection 10/18 éditée par Gallimard. Une notule d’une hargne qui n’a d’égale que sa bêtise. Il est néanmoins intéressant de la remettre en avant pour faire voir à quel point la critique française avait pu se tromper, ou tout du moins avait pu être impitoyable à l’encontre d’un acteur qui, sans évidemment égaler les plus grands, n’en demeure pas moins immensément sympathique et attachant, et surtout extrêmement à l’aise dans le genre. Bertrand Tavernier qui avait lui aussi participé à cet ouvrage a depuis grandement révalué le comédien et nombreux de ses films. Mais voilà l'objet du délit : "Un minus aux yeux glauques et aux joues pendantes, qui nous inflige depuis 15 ans des interprétations lymphatiques […] Il a écumé d'innombrables westerns, sans grande valeur, signés par ses cireurs de bottes favoris, Jesse Hibbs, Nathan Juran, George Marshall […] depuis l’on attend que la balle signée X atteigne enfin son but et nous débarrasse de cet ersatz de la dévirilisation du héros de western." Comme le dit l’expression un peu retouchée, mieux vaut lire ça qu’être aveugle ; ceci étant dit, ce petit texte prouve bien l’emportement imbécile de certains qui n’ont décidément pas aidé à ce qu’Audie Murphy soit mieux considéré déjà à l’époque. Cette parenthèse effectuée, revenons-en à ces Six Chevaux dans la plaine et son titre traduit une fois encore avec une grande fantaisie, en total contre sens par rapport à l’original ; en effet les six chevaux noirs du titre américain n’étaient absolument pas ceux que Ben Lane rencontre au début du film et à cause de qui il va passer à deux doigts de finir la corde au cou mais, bien plus poétiquement, ceux dont le personnage interprété par Dan Duryea rêve qu’ils tirent son corbillard une fois qu’il sera passé de vie à trépas.

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Sinon, parmi les autres ressemblances avec les films Budd Boetticher, souvenons nous que Ben Lane fut le nom du personnage interprété par Randolph Scott dans Comanche Station et que le début du western de Harry Keller fait énormément penser à celui de L’homme de l’Arizona (The Tall T), les protagonistes principaux des deux films sillonnant en marchant des paysages désertiques avec leur selle sur le dos, s’arrêtant pour se déchausser afin de soulager leurs pieds endoloris… Sans évidemment atteindre les sommets cités ci-dessus, Six Chevaux dans la plaine, tout comme Les Sept chemins du couchant précédemment, n’en est pas moins une belle réussite de la série B. Alors que Quantez se révélait sur le fond artificiel, pompeux et pénible par trop de redites, ce n’est pas le cas de l’ultime western de Harry Keller notamment grâce à un scénario très bien écrit par Burt Kennedy. En revanche le cinéaste s’en sortait déjà plutôt bien dans sa mise en scène durant les quelques séquences mouvementés des dernières minutes et c’est encore le cas ici ; les scènes d’action s’avèrent à nouveau bien filmées, bien montées, correctement réalisées, et pour tout dire assez efficaces ; tout comme celle à suspense où Audie Murphy 'joue à cache-cache' avec les indiens parmi des escarpements rocheux. [Attention Spoiler à partir de maintenant] Et tout comme son western précédent avec Audie Murphy, il s’agit d’un film tout autant sympathique qu’insolite, laissant même un arrière-goût amer dans la bouche tout comme dans celle du personnage joué par le comédien au visage poupin lorsqu’il se rend compte à la fin que ne pas dévier de sa ligne de conduite et de son sens de l’éthique n’est pas toujours très agréable. En effet, Ben Lane, c’est le cowboy naïf et droit dans ses bottes qui croyait fortement en l’amitié ; devoir mettre fin aux jours de Frank, quoique nécessaire, lui aura été assez pénible. S'il a accepté la mission, c'était à condition qu’elle n'aille pas à l'encontre de ses valeurs morales ; devoir tuer ne le laissera probablement pas intact. Les autres agréables surprises scénaristiques du film proviennent des véritables motivations de la femme quant à la mission confiée aux deux hommes ainsi que des relations qui se tissent entre les trois principaux protagonistes suite à ces louvoiements.

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Jugez plutôt de la malice du scénario (à condition d’avoir vu le film si vous aimez les surprises) ! Déjà, le guet-apens dont Ben et Frank furent les cibles n’avait pas été ‘revendiqué’ et, comme nos deux ‘héros’, le spectateur se posait des questions quant à savoir qui avait bien pu vouloir tuer ce tandem s’étant constitué juste quelques heures auparavant puisque les deux tueurs ne faisaient pas partie du groupe de lyncheurs rencontré au début. On apprendra donc seulement à mi-parcours, sans que nous n'ayons jamais mis en doute sa bonne foi au départ, que Kelly en était à l’origine. Effectivement Frank est le tueur à gages auteur du ‘contrat’ sur son époux et la jeune femme (qui s’est prostituée pour se constituer le magot destiné à la récompense octroyée pour venger son mari) espère le faire tuer à son tour durant le périple ; pour se faire elle tente de faire miroiter l’intégralité de la prime à Ben mais, malheureusement pour elle, la probité de ce dernier fera obstacle à ses dessins machiavéliques au point plus tard d’essayer elle-même de commettre le meurtre pour lequel elle avait ourdi tout ce plan. Si le scénario de Burt Kennedy tient parfaitement bien la route et qu’il ménage un joli suspense, il n’est cependant pas aussi riche que ceux qu'il a auparavant écrits pour Boetticher, le personnage de Ben par exemple étant bien plus lisse et bien moins ambigu que ceux interprétés par Randolph Scott. L'ensemble manque donc un peu d’éclat et de culot surtout au vu d'une intrigue dont on attendait plus d’étincelles et qui aurait mérité d’être plus développée. Le duo Murphy/Duryea fonctionne en revanche à merveille. On s’attache même encore plus à Frank Jesse (nom au passif très chargé puisque sont accolés les prénoms des frères James ; comme ces légendes de l’Ouest, Frank suscite malgré ses mauvais côtés compassion et admiration) qui s’humanise et qui n’hésite pas à plusieurs reprises à faire un bilan très lucide sur sa sombre vie, expliquant ses motivations pas franchement très morales avec une grande franchise ("I got myself a policy : never do an honest days work unless it's absolutely necessary.") Le duel final le gêne car ce serait la première fois qu’il tuerait une connaissance, qui plus est un ami. Dernier revirement surprenant : les soi-disant sanguinaires Coyoteros traquaient en fait des chasseurs de scalps bien plus monstrueux et qui décimaient leur tribu depuis un certain temps. Audie Murphy, mine de rien, aura contribué à maintes reprises à la réhabilitation des Indiens dans le western.

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En définitive, un bien plaisant spectacle : la réalisation est plus qu’honnête à défaut d’être brillante, le scénario, malgré son minimalisme, n’en est pour autant pas avare de surprises ni de péripéties, les cascadeurs sont chevronnés (la production n'a pas jugé bon d'utiliser de transparences), Joseph Gershenson a parfaitement bien supervisé un ensemble musical très agréable, Dan Duryea crève l’écran, Joan O’Brien est craquante et Audie Murphy est égal à lui-même, non dépourvu d'un certain charisme qui lui est propre. Pour un western réalisé en à peine un mois dans la région de Las Vegas au sein de très beaux paysages naturels, le résultat est probant ; une solide série B sortie du studio maître en la matière, la Universal.
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-19

Message par Chip »

Widmark et Duryea étaient à mon avis trop semblables, tous les deux excellaient dans les rôles de " méchants" , et leur ricanement renforçait cette ressemblance, et aussi même blondeur, même visage buriné, même minceur. Si Burt Kennedy écrivit le scénario de " Six black horses " pour Widmark, le studio n'eut peut-être pas tort d'imposer Murphy, le tandem Murphy- Duryea ayant plutôt bien fonctionné dans le passé. En ce qui concerne Widmark, je le préfère dans des rôles plus ambigus, comme dans " le trésor du pendu", alors dans le personnage tenu par Murphy.... au fait qui Kennedy envisagé face à lui ? il serait intéressant de le savoir, je ne pense pas que ce soit Duryea.
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Jeremy Fox
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Geronimo

Message par Jeremy Fox »

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Geronimo (Geronimo - 1962) d’Arnold Laven
UNITED ARTISTS


Avec Chuck Connors, Kamala Devi, Pat Conway, Adam West
Scénario : Pat Fielder
Musique : Hugo Friedhofer
Photographie : Alex Phillips (Technicolor 2.35)
Un film produit par Arnold Laven pour la United Artists


Sortie USA : 01 mai 1962


1883. Après s’être battu pendant des années contre les armées des Etats-Unis et du Mexique, Geronimo (Chuck Connors), le grand chef Apache Chiricahuas, accepte enfin de cesser le combat et d’être conduit avec ses quelques guerriers rebelles jusqu’en Arizona où le gouvernement américain lui promet des terres pour son peuple. Arrivé à destination, Geronimo se rend compte avoir été floué puisqu’ils sont ‘parqués’ avec d’ex-membres de sa tribu dans la Réserve de San Carlos où le responsable aux affaires indiennes (John Anderson) leur dit de ne pas trop se plaindre puisqu’ils seront nourris et soignés gratuitement par le gouvernement et qu’ils pourront cultiver quelques hectares de terrain mis à leur disposition. Quoiqu’il en soit c’est une humiliation pour les Apaches puisque leur marge de liberté est réduite à portion congrue. Lorsque Geronimo apprend que des hommes d’affaires corrompus vont acheter les quelques lopins de terre qui leur appartiennent afin de faire brouter des troupeaux, il décide avec une cinquantaine d’hommes de fuir la réserve et de se battre désormais sans discontinuer ; décision prise malgré les conseils de Teela (Kamala Devi), l’institutrice Apache, qui souhaitait le faire entrer dans le rang des hommes 'civilisés'. En entamant ce nouvel affrontement, par leur courage et leur détermination, Geronimo et ses guerriers espèrent faire se lever un vent d’enthousiasme et de soutien pour leur cause auprès de l’opinion publique…

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1962. Depuis plus d’une décennie, d’innombrables westerns fortement pro-indiens étaient déjà passés par là quand Arnold Laven décida de produire et réaliser un film mettant en vedette le célèbre Geronimo, chef des Apaches Chiricahuas. Laven et ses collaborateurs Jules Levy et Arthur Gardner avaient déjà produits depuis 10 ans une multitude de westerns y compris dans le domaine de la série télévisée ; dans l’une d’elle, The Rifleman, la vedette n’était autre que Chuck Connors qui incarne dans Geronimo le rôle titre. Depuis 1848, ce fameux et intrépide guerrier avait donné du fil à retordre à la cavalerie américaine et même avant ça à l’armée mexicaine en représailles de l’assassinat de sa mère, de son épouse et de ses trois enfants par les soldats de ce pays. Le plus célèbre des chefs indiens (avec Cochise) avait déjà été personnifié à multiples reprises sur grand écran et notamment plusieurs fois par Chief Thundercloud, Michael Pate et surtout Jay Silverheels - ce dernier dans les meilleurs westerns où le chef Chiricahuas apparaissait, signés George Sherman (Au mépris des lois – The Battle of Apache Pass), Delmer Daves (La Flèche brisée – Broken Arrow) ou Jesse Hibbs (L’homme de San Carlos – Walk the proud Land)- mais jamais encore un film ne lui avait été entièrement consacré si ce n’est en 1939 avec Geronimo le peau rouge de Paul Sloane. Le western d’Arnold Laven n’est cependant pas une biographie au sens restreint du terme puisque le film ne se déroule que sur un laps de temps très court, de sa première reddition en 1883 jusqu’à la deuxième trois ans plus tard.

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L’on sait parfaitement bien que Hollywood ne s’est que rarement soucié de la véracité historique, et là encore, sans que ça ne pose à priori de soucis, les approximations sont nombreuses. Ce ne serait pas du tout gênant si le film avait été intéressant ; ce qui n’est malheureusement pas le cas malgré les nobles intentions de départ ; celles consistant à se placer du côté des Apaches pour tracer le portrait d’un homme déterminé à sauver son honneur et ses libertés et, dans le même temps, à pointer du doigt les conditions de vie misérables dans les réserves, l’obligation qu’avaient les indiens de se convertir au christianisme, la tentative par les blancs d’annihiler la culture et le mode des vie des natives... Mais le total manque de rigueur de l’écriture fait malheureusement se succéder situations et dialogues souvent proches du ridicule à commencer par la première séquence où Geronimo se fait attendre lors d'une importante rencontre avec les Tuniques bleues pour avoir eu auparavant, comme un homme d'affaires très occupé, "quelque chose à terminer" (et je ne vous dis même pas quoi tellement c'est risible) ; mentions spéciales également aux paroles sentencieuses sortant de la bouche de l’actrice Kamala Devi, personnage horripilant à force d’être moralisateur, poussant sans arrêt avec insistance Geronimo à rentrer dans le rang. Paradoxal d’ailleurs qu’un film prenant fait et cause pour les Indiens (quasiment tous les hommes blancs sont des salauds ou des égoïstes) mette en scène un protagoniste aussi bêtement pragmatique, pas crédible une seule seconde. Tout autant difficile à concevoir -au sein du film- que Geronimo ait pu voulu la prendre pour épouse dans ces conditions.

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Mais le script manque tellement d’inspiration, l’ensemble est tellement peu captivant que l’on finit par ne plus en tenir compte. Et il faut avoir vu cette séquence autre totalement improbable -et à la limite de la parodie- au cours de laquelle Geronimo et ses hommes se cachent dans la grange d’une maison où vivent une femme et son enfant d’à peine une dizaine d’années. Tombant nez à nez avec les indiens, la femme les invite à sa table partager le poulet qu’elle a préparé ; comme par enchantement, alors qu’ils étaient censés n’être que deux, on se retrouve avec quasiment une carcasse par personne, soit environ une dizaine d’hôtes non prévus. Un exemple du manque de rigueur du scénario qui, au lieu de nous séduire, finit par grandement nous ennuyer. D’autant que l’interprétation n’est pas là pour sauver les meubles, notamment les rôles principaux tenus par un Chuck Connors au regard bleu-acier mais mono-expressif, un Ross Martin (futur Artemus Gordon dans la série Les Mystères de l’Ouest) ridicule avec son toupet d’indien et pénible de cabotinage, ou encore une Kamala Devi rien de plus qu'agréable à regarder (et qui pour l’anecdote deviendra après le tournage la deuxième épouse de Chuck Connors).

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Dommage car l’exécution était plutôt honnête, Arnold Laven prouvant qu’il savait correctement filmer une chevauchée, assez bien rythmer une séquence mouvementée et même savamment cadrer de somptueux paysages (notamment celui au sein duquel les indiens s'installent un temps après avoir fui la réserve). Mais tant de manichéisme, de schématisme et d’absence de nuances dans les situations et la description des personnages nous font malheureusement capituler rapidement, le final niais et bien-pensant ne faisant pas se terminer le film sur une note plus positive. On pouvait attendre mieux d’un film narrant le parcours d’un chef de guerre refusant d’être privé de ses libertés ; les spectateurs eurent le nez creux puisque Geronimo fera un flop au box-office. Walter Hill aura peut-être mieux réussi son coup en 1993 avec Wes Studi en lieu et place de Chuck Connors. Me reste plus qu’à le voir à l'occasion pour confirmer ou infirmer.
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Jeremy Fox
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Ride the High Country

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Coups de feu dans la Sierra (Ride the High Country - 1962) de Sam Peckinpah
METRO GOLDWIN MAYER


Avec Randolph Scott, Joel McCrea, Mariette Hartley, James Drury
Scénario : N.B. Stone Jr
Musique : George Bassman
Photographie : Lucine Ballard (Metrocolor 2.35)
Un film produit par Richard E. Lyons pour la MGM


Sortie USA : 24 juin 1962


L’aube du XXème siècle. Steve Judd (Joel McCrea), la soixantaine bien tassée, ancien aventurier et ex-shérif, arrive dans la petite ville de Hornitos où la fête bat son plein. Il a accepté une dangereuse mission qui consiste à convoyer un chargement d’or de la petite ville minière de Coarse Gold située dans les "High Country" jusqu’à la banque de Hornitos ; il se rend justement chez son employeur pour signer le contrat et prendre les directives. D’abord réticent en raison de l’âge avancé de Steve Judd, le banquier finit par accepter ne trouvant personne d’autre pour mener à bien ce travail, les six essais précédents s’étant soldés par la volatilisation de l’argent et le trépas de ceux chargés de le transporter. A Hornitos, Steve retrouve Gil Westrum (Randolph Scott), un vieil ami avec qui il a bourlingué dans ses vertes années et qui s’est désormais reconverti en pitoyable forain attifé en Buffalo Bill d’opérette, tenancier d’un stand de tir. Steve lui propose de l’accompagner. Gil accepte, entraînant avec lui son partenaire, le jeune Heck Longtree (Ron Starr) ; végétant depuis des années dans une semi misère, ils ont tout deux l’intention de s’emparer de l’or pour pouvoir enfin vivre décemment. En cours de route, les trois hommes font halte dans la ferme de Joshua Knudsen (R.G. Armstrong), puritain répressif, tenant sous sa coupe stricte et sévère sa fille Elsa (Mariette Hartley). Heck n’est pas insensible au charme de cette dernière mais elle s’est promise à un mineur, Billy Hammond (James Drury). Elsa finit par fausser compagnie à son père et rejoindre nos trois aventuriers repartis pour le camp minier ; elle souhaite y retrouver Billy afin de l’épouser comme ils se l’étaient promis...

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"Quand on dirait encore tout le charme que dégage ce film, dans lequel les amis du western lisent à livre ouvert, l’on n’aurait rien dit qui puisse dispenser de revoir dix fois Coups de feu dans la Sierra" écrivait Jean-Louis Rieupeyrout en 1964 dans son passionnant ouvrage La Grande aventure du western. Mais que cela ne nous empêche pas d’ajouter néanmoins une modeste pierre à cet édifice déjà bien élevé ! En effet, dès la fin du générique, nous sommes déjà acquis à la cause de ce joyau qui marque - en même temps que cet autre grand film qu’est L’Homme qui tua Liberty Valance de John Ford - la véritable frontière temporelle entre la fin du western classique et l’avènement du western moderne. Après que le lion de la MGM ait rugi, s’élèvent les premières notes du très beau thème musical serein et émouvant de George Bassman alors que la caméra de Peckinpah effectue d’amples et majestueux mouvements nous faisant découvrir avec lenteur de grandioses paysages automnaux, ceux que traverseront à l’aller et au retour les personnages principaux du film. Un générique où la nature immuable et apaisée tient la première place.

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Mais avant de parcourir ces somptueux paysages des 'High Country' magnifiés par le chef opérateur Lucien Ballard, nous voici dans une petite ville typique du Vieil Ouest telle que nous en avons déjà vu des milliers dans les innombrables westerns qui ont précédé celui-ci. De prime abord, rien n’a changé sous le soleil du Far West. Et pourtant de nombreux détails commencent, par touches successives, à nous rendre Hornitos plutôt 'exotique' ou dépaysante pour le genre. Un policier en uniforme, bâton de circulation en main ; des bicyclettes appuyées là où l’on attache habituellement les chevaux ; une automobile (symbole récurrent de la modernité dans ce qu’elle a de moins glorieux pour Peckinpah, Cable Hogue en faisant les frais dans ce très beau film que sera dix ans plus tard Un nommé Cable Hogue, cinquième western du réalisateur) coupant la route à des piétons ; et voici que déboulent dans la rue principale quelques chevaux que précède un chameau, tous lancés dans une course échevelée. Puis ce seront un marchand de glace avec son chariot roulant ou des paravents chinois au milieu du Saloon. Tavernier et Coursodon ont parfaitement bien exprimé ce qu’un aficionado du western a pu ressentir à la vision 'insolite' quoique réaliste de ce prologue tendant à montrer le modernisme pointant le bout de son nez dans cette ville de l’Ouest, l’esquisse du portrait sensible de la fin d’une époque : "Peu importe que ce baroquisme soit en fait d’un réalisme extrême ; l’univers évoqué, même s’il correspond à une réalité historique, reste insolite parce que cette réalité ne nous est pas familière et le dépaysement que nous éprouvons est bien l’effet recherché".

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Car si le western, hollywoodien et plutôt 'propre sur lui' d’avant les 60’s, nous était cher c’était, pour une bonne part, justement dû à son manque de réalisme dans la description des lieux et des protagonistes, élément typique de l’usine à rêves et sans quoi beaucoup de films nous auraient paru beaucoup moins agréables et inoubliables, le cinéma étant autant un vecteur de divertissement et de rêve que de réalisme et de réflexion (bien évidemment, quand tous ces paramètres se trouvent regroupés dans une même œuvre, nous atteignons une sorte d’idéal) ; bref, la légende nous était alors plus importante que la réalité ! Les cow-boys tirés à quatre épingles, rasés de près et bien peignés malgré toutes les péripéties endurées, les petites villes au charme certain, les rues et saloons grouillant de belles femmes plantureuses, nous y étions habitués et si, peu dupes, nous savions très bien que tout cela n’était que façade et poudre aux yeux, nous nous y complaisions avec délectation ; les artifices et le Technicolor flamboyant faisaient partie de la règle du jeu. Sur ces entrefaites, Sam Peckinpah débarque et signe avec son deuxième film une œuvre charnière, le premier vrai western dit 'crépusculaire', adjectif grandement galvaudé depuis. Mais que les amoureux du classicisme cinématographique ne prennent pas leurs jambes à leur cou, Ride the High Country en est encore un magnifique exemple et n’a que peu à voir stylistiquement avec son autre chef-d’œuvre que sera en 1969 le jusqu’au-boutiste La Horde sauvage (The Wild Bunch).

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Tourné en seulement vingt-six jours, Coups de feu dans la Sierra est le deuxième film de cinéma de Sam Peckinpah, alors surtout connu comme réalisateur de séries TV parmi lesquelles quasiment que des westerns : Gunsmoke, Broken Arrow ou The Rifleman. D’abord assistant de Don Siegel sur Invasion of the Body Snatchers (1956), il réalise en 1961 son premier long métrage, The Deadly Companions qu’il renie aussitôt s’étant très mal entendu avec l'actrice 'tyrannique' Maureen O’Hara et le frère de cette dernière alors producteur du film. Le réalisateur novice ne parvient pas à mener son projet comme il l’entend et déjà, on lui 'massacre' son premier-né au montage. Peckinpah eut beaucoup plus de chance avec le film qui nous intéresse ici grâce à l’indifférence du studio qui ne vit que convention dans le scénario et qui du coup ne se sentit pas la nécessité de le surveiller de trop près pour le faire entrer dans le moule et les standards MGM. La relative indifférence des producteurs lui permit donc de boucler son montage comme il le souhaitait sans qu’aucune coupure ne lui soit imposée même s’il n’obtint pas de pouvoir effectuer le travail de post-production lui-même ; ses techniciens s’efforcèrent de respecter ses vœux et le résultat convint parfaitement au réalisateur. Bien leur en a pris puisque ce sera un succès critique et public mondial qui aboutira à de multiples récompenses comme un prix au Festival de Cannes, le grand prix au Festival de Bruxelles, le prix du meilleur film étranger au Festival de Mexico…

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Sam Peckinpah pouvait être fier de lui surtout quant on sait à quel point il s’est investi dans son film, n’ayant pas seulement été un 'yes man' du studio sur ce projet mais prenant en charge plusieurs éléments autres que la pure mise en scène ; mais le mieux est de le laisser s’exprimer. "C’est le succès de mes séries TV qui a fait que la Metro m’a proposé ce film. Randolph Scott et Joel McCrea étaient déjà engagés -le second grâce au premier qui voulait absolument l’avoir pour partenaire- Cette fois j’ai pu écrire le scénario à ma guise car l’histoire était tout à fait conventionnelle, sans authenticité aucune, et je l’ai tirée vers quelque chose de plus baroque tout en apportant ces éléments réalistes dont j’avais eu connaissance dans ma jeunesse soit par les récits qui m’avaient été faits, soit par l’observation directe ; c’est ainsi que le camp de mineurs a été reconstitué à partir de choses vues. J’ai également rendu le dialogue plus nerveux, développé certaines scènes, interverti les rôles de Scott et McCrea et surtout, je crois, approfondi ce thème de la vieillesse qui me hante véritablement. Mais mon nom ne figure pas au générique pour ce travail sur le scénario. Les deux interprètes ont été d’une grande coopération, entrant de plain-pied dans l’histoire telle que je la voulais, étant parfaitement conscients et acceptant de démystifier l’Ouest, à corriger l’image fausse qu’en donnait souvent le cinéma" expliquera le cinéaste lors d’un entretien donné à Guy Braucourt pour la revue Cinéma 69 N°141.

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"C’est, en quelques mots, un film sur le rachat et la solitude. La solitude de ces deux légendaires officiers de paix oubliés par le pays qu’ils avaient pacifié et qui grandissait désormais sans eux" dira encore Peckinpah. Il est extrêmement émouvant pour un passionné du genre de voir deux des plus grandes icônes de la mythologie westernienne en bout de course se retrouver vieillissants, fatigués, les semelles de leurs bottes trouées pour une ultime et poignante chevauchée vers le crépuscule. Steve Judd et Gil Westrum ont fait les quatre cents coups ensemble, ont été tour à tour du bon et du mauvais côté de la loi et les aléas de la vie les ont séparés. Ils se redécouvrent le temps d’un voyage et, même si leurs buts sont totalement opposés, ils profitent cependant des quelques moments de répit qui les séparent de la fin de leur mission pour évoquer le 'bon vieux temps'. Ces scènes dialoguées sont admirables car d’une grande simplicité et surtout semblent improvisées tellement les deux acteurs sont en parfaite symbiose : leurs rires lors de la première halte à la belle étoile paraissent avoir été volés par le cinéaste hors tournage ; l’idée de les voir tous deux en pyjama évoquant une femme dont ils ont tous deux été amoureux est splendide. Steve, pour retrouver un peu de 'self respect', devient shérif et développe ensuite un sens de l’honneur et de l’honnêteté irréprochable. Il veut mourir sans honte et "la chose qui m’importe le plus est de pouvoir pénétrer dans ma maison la tête haute" (phrase écrite par Peckinpah lui-même se souvenant l’avoir entendue à maintes reprises de la bouche même de son paternel). Intègre jusqu’au bout des ongles, il se fond pourtant assez mal avec l’époque ; il semble démodé dans sa façon de s’habiller au tout début du film, est gêné de se sentir physiquement vieilli et amoindri (il se cache pour lire le contrat car, pour ce faire, il doit enfiler une paire de lunettes) et paraît constamment étonné du modernisme galopant. Au contraire, Gil, s’il a été autrefois son adjoint du temps ou son coéquipier était homme de loi, souhaite trouver enfin une certaine aisance matérielle qu’il n’a jamais connue, n’ayant jamais réussi à faire l’effort d’accepter un travail trop contraignant. Pour cela, avec l’appât de l’argent facile à portée de main qui le dédommagerait de toutes ces années de vaches maigres, il est prêt à trahir la confiance et l’amitié de Steve à la fin de leur mission. Et si l’on pouvait douter que Peckinpah fut un moraliste avant de sombrer dans le nihilisme, le rachat final de l’ami égaré finirait de nous détromper, l’honnêteté triomphant d’une admirable manière, aucunement mièvre rassurez-vous car, si la morale est certes positive, il aura fallu pour cela la mort de celui qui la délivre.

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Ces deux 'Old Timers' sont confrontés à la jeunesse en la personne du 'couple' constitué par Elsa et Heck. La naïveté d’Elsa est confondante mais totalement compréhensible puisque sa vie durant, elle a été coupée de presque tout contact humain, séquestrée par son puritain de père (premier fanatique religieux dans l’univers de Peckinpah, remarquable R.G.Armstrong) terrifié à l’idée qu’elle ne trouve pas un garçon aussi pur et honnête qu’il pense l’être lui-même. Il est donc logique qu’elle s’amourache du premier venu et la désillusion n’en sera que plus grande, vivant ce qu’elle pensait être le point d’orgue de sa vie de femme (son mariage) comme un véritable calvaire. Peckinpah réalise la séquence de la cérémonie nuptiale comme un cauchemar baroque, la première scène de sa filmographie absolument tétanisante dont on peut s’étonner qu’elle n’ait pas été censurée par les responsables du studio le plus pudibond d’Hollywood et qui annonce la révolution que le réalisateur va amener dans la description de la violence au cinéma. En dix minutes, le cinéaste filme le Saloon comme un véritable enfer, la bacchanale se terminant quasiment en orgie et viol collectif de la jeune vierge. "Père disait qu’il n’y avait sur terre que deux choses, le bien et le mal et rien d’autre entre les deux" dira Elsa à Steve après avoir échappé à l’emprise destructrice de son 'mari'. "Oui, ça paraît simple mais ça l’est beaucoup moins en réalité" lui rétorquera Steve, l’homme qui a vécu et qui est désormais un modèle d’éthique pour cette jeunesse inexpérimentée. Ces deux phrases paraissent conventionnelles au possible hors contexte mais résument assez bien le parcours de la jeune Elsa qui, après des années en couveuse fait enfin concrètement l’expérience de la vie en société et commence à voir s’écarquiller ses yeux innocents devant la complexité des hommes. C’est donc aussi à un parcours initiatique que nous assistons, non pas seulement pour Elsa mais aussi pour Heck, le jeune partenaire de Gil. Fougueux et inconscient, il est prêt à se battre pour des broutilles et à foncer tête baissée dans les problèmes sans se soucier pour sa vie. C’est d’ailleurs grâce à ce feu sacré de la jeunesse et, contradictoirement, avec l’aide du personnage à priori négatif du film (celui de Gil) qu’Elsa se verra tirée d’affaire. Mais avant cela, pour son comportement trop vigoureux envers sa compagne de voyage, il aura reçu des leçons de la part de ses deux aînés, ces derniers le remettant à sa place de la manière la plus frustre possible, un bon coup de poing dans la figure. Heck est étonné de la vigueur de ces 'vieux briscards' et apprend alors à les respecter. C’est l’éveil à la conscience d’un homme devant ses aînés.

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Avant d’affûter un style beaucoup plus radical, Sam Peckinpah nous dévoile donc ici une sensibilité qu’on ne lui soupçonnait pas, même si Serge Kaganski a très justement parlé du cinéaste comme étant un grand romantique (à l’instar d’un James Ellroy dans le domaine de la littérature si on arrive à passer outre les clichés colportés et à estimer que de la noirceur totale peut naître le romantisme le plus fou). Dès ce film, il entame sa saga des losers et se fait le chantre des désenchantés, des las et des vaincus. Leur description juste et poignante ne va pas sans une certaine ironie mais malgré ça, Peckinpah respecte et aime infiniment ses quatre héros, tour à tour extrêmement touchants. Le cinéaste mène son film avec une réelle maestria et une efficacité redoutable jusqu’à cet extraordinaire final, un gunfight d’anthologie, véritable baroud d’honneur orchestré avec génie pour ces deux immenses acteurs qu’étaient Randolph Scott et Joel McCrea, tous deux magnifiques dans ce film. Un gunfight 'Bigger than Life' filmé aussi bien en plongée du haut d’une grue en un immense plan d’ensemble qu’en contre-plongée serrant de très près nos deux acteurs se dirigeant vers l’ultime séquence de leur carrière (au moins en ce qui concerne Randolph Scott) : inoubliable et à marquer d’une pierre blanche. Face à ces deux routiers du genre, les trognes patibulaires consacrées des frères Hammond, personnages totalement dépravés, interprétés pour les plus connus par L.Q. Jones, Warren Oates (qui fait beaucoup d’effet avec son corbeau posé sur l’épaule) et James 'Le Virginien' Drury. Notons aussi une remarquable apparition d’Edgar Buchanan dans la peau du juge imbibé d’alcool et le très grand talent des deux jeunes recrues que sont Ron Starr et la jolie Mariette Hartley qui trouvait ici son premier rôle.

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Sam Peckinpah, à seulement 36 ans, possède déjà une belle maturité pour parler de la sorte de la difficulté de vieillir et de s’adapter à une époque rapidement changeante. Très attentif à la psychologie des personnages, truffé d’ellipses stupéfiantes (après l’épisode du mariage), de quelques détails pittoresques bien observés, doté d’un certain humour (le repas chez Joshua Knudsen) et même, déjà à l’époque, d’une réflexion sur l’écologie (Steve sermonnant Heck après que celui-ci ait jeté un papier à terre), Coups de feu dans la Sierra n’a pas fini de nous dévoiler toutes ses richesses. Point d’achèvement d’un genre parvenu aux cimes de son expression classique à la fin des années 50, il est aussi le point de départ d’une nouvelle forme voulant substituer à la vision mythique de l’Ouest une vision plus réaliste. Un chant du cygne de l’Old West, un western à la fois automnal et violent, nostalgique et tragique que traduisait bien son autre titre d’exploitation de l’époque : Guns in the Afternoon.

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"Faire un western sur la mort de l’Ouest, de ses mythes et de ses héros, signifie par là que le genre est devenu impossible, mais lui rendre vie par cette affirmation même, tel est le propos remarquablement moderne de Peckinpah dans Ride the High Country…Le modernisme de Peckinpah nous séduit, avec ses antihéros un peu gâteux, et ses dégénérés vaguement 'faulknérien', ses courses de chameaux et ses chinoiseries, ses Gunfighters devenus attractions foraines tandis que des automobiles déjà descendent la rue principale." Tavernier & Coursodon dans 50 ans de cinéma américain.
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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-19

Message par Jeremy Fox »

C'est un pur hasard mais le parcours a aujourd'hui pile 5 ans ; il finirait en beauté par le film de Peckinpah qui marque selon moi la parfaite frontière entre western classique et western moderne. Mais je poursuivrais néanmoins (à un rythme toujours moins soutenu) jusqu'au moins la fin de la décennie (j'avoue que je sature un tout petit peu quand même :wink: ). En revanche, au vu de ce qui arrive, il y a peu de chances pour que mon top 50 soit grandement modifié. Le voici donc peut-être pour l'une des dernières fois en sachant finalement que l'ordre importe peu (il pourrait être modifié selon les jours et l'humeur) mais qu'il s'agit d'une liste de mes westerns préférés.



Le Top 50

* 1- La Charge Héroïque (John Ford)
* 2- Les Affameurs (Anthony Mann)
* 3- Le Passage du Canyon (Jacques Tourneur)
* 4- Johnny Guitar (Nicholas Ray)
* 5- Decision at Sundown (Budd Boetticher)
* 6- Je suis un aventurier (Anthony Mann)
* 7- La Chevauchée de la vengeance (Budd Boetticher)
* 8- La Porte du Diable (Anthony Mann)
* 9- Le Massacre de Fort Apache (John Ford)
* 10- Au-Delà du Missouri (William Wellman)

* 11- 3.10 pour Yuma (Delmer Daves)
* 12- Sept hommes à abattre (Budd Boetticher)
* 13- Coups de feu dans la Sierra (Sam Peckinpah)
* 14- La Dernière caravane (Delmer Daves)
* 15- L'Homme de la Plaine (Anthony Mann)
* 16- Convoi de Femmes (William Wellman)
* 17- La Ville Abandonnée (William Wellman)
* 18- Fort Bravo (John Sturges)
* 19- Le Convoi des Braves (John Ford)
* 20- Alamo (John Wayne)
* 21- Le Traître du Texas (Budd Boetticher)
* 22- La Rivière de nos Amours (André de Toth)
* 23- Rio Grande (John Ford)
* 24- Règlement de comptes à OK Corral (John Sturges)
* 25- Sur la Piste des Mohawks (John Ford)
* 26- Une Aventure de Buffalo Bill (Cecil B. DeMille)
* 27- Winchester 73 (Anthony Mann)
* 28- La Prisonnière du désert (John Ford)
* 29- Le Dernier train de Gun Hill (John Sturges)
* 30- L'Homme de l'Arizona (Budd Boetticher)
* 31- Le Mariage est pour Demain (Allan Dwan)
* 32- La Charge Victorieuse (John Huston)
* 33- Tomahawk (George Sherman)
* 34- Quatre étranges cavaliers (Allan Dwan)
* 35- Victime du destin (Raoul Walsh)
* 36- Rio Bravo (Howard Hawks)
* 37- La Dernière chasse (Richard Brooks)
* 38- Smith le Taciturne (Leslie Fenton)
* 39- Un Jeu Risqué (Jacques Tourneur)
* 40- Comanche Station (Budd Boetticher)
* 41- Duel dans la boue (Richard Fleischer)
* 42- La Cible Humaine (Henry King)
* 43- La Rivière Rouge (Howard Hawks)
* 44- La Charge Fantastique (Raoul Walsh)
* 45- La Piste des Géants (Raoul Walsh)
* 46- La Caravane Héroïque (Michael Curtiz)
* 47- Le Relais de l'or maudit (Roy Huggins)
* 48- Joe Dakota (Richard Bartlett)
* 49- La Flèche brisée (Delmer Daves)
* 50- L'aventurier du Texas (Budd Boetticher)
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-19

Message par Hitchcock »

Très belle chronique pour mon Peckinpah préféré :)
Et une occasion encore une fois de féliciter et remercier Jeremy pour sa passion pour le genre et ce véritable travail titanesque, désormais indispensable à tous les amateurs de western.
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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-19

Message par Jeremy Fox »

Merci m'sieur :wink:
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-19

Message par someone1600 »

Un autre grand western qu'il faudra que je regarde un jour. Tout un tas de pépite encore a découvrir en fait, ce parcours est décidément fabuleux pour donner envie d'en voir plus. Merci Jérémy et ne lâche surtout pas même si le rythme ralentie on t'en tiendra pas rigueur ! ;-)
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-19

Message par Hitchcock »

Une petite question Jeremy : si tu devais faire un top des 10 ou 15 meilleurs réalisateurs de westerns en fonction de ton parcours, je serais curieux de savoir ce que ça donnerait :)
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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-19

Message par Jeremy Fox »

Hitchcock a écrit :Une petite question Jeremy : si tu devais faire un top des 10 ou 15 meilleurs réalisateurs de westerns en fonction de ton parcours, je serais curieux de savoir ce que ça donnerait :)
C'est assez facile en fonction de mon top 50 :wink:

Ca donnerait à peu près ça

1- Anthony Mann
2- Budd Boetticher
3- John Ford
4- Delmer Daves
5- William Wellman
6- John Sturges
7- Allan Dwan
8- Jacques Tourneur
9- Howard Hawks
10- Raoul Walsh
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-19

Message par Hitchcock »

Jeremy Fox a écrit : Ca donnerait à peu près ça

1- Anthony Mann
2- Budd Boetticher
3- John Ford
4- Delmer Daves
5- William Wellman
6- John Sturges
7- Allan Dwan
8- Jacques Tourneur
9- Raoul Walsh
10- André de Toth
Merci ;)

Pour ma part (nous avons le même tiercé) :

1. John Ford
2. Budd Boetticher
3. Anthony Mann
4. Howard Hawks
5. Delmer Daves
6. John Sturges
7. Jacques Tourneur
8. William Wellman
9. Robert Aldrich
10. Henry Hathaway

(les trois premiers sont quasiment interchangeables)
Dernière modification par Hitchcock le 9 mars 15, 12:12, modifié 1 fois.
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