Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-1967

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Jeremy Fox
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A Thunder of Drums

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Tonnerre Apache (A Thunder of Drums - 1961) de Joseph M. Newman
MGM


Avec Richard Boone, George Hamilton, Luana Patten, Arthur O'Connell
Scénario : James Warner Bellah
Musique : Harry Sukman
Photographie : William W. Spencer (Metrocolor 2.35)
Un film produit par Robert Anders pour la Metro Goldwin Mayer



Sortie USA : 26 septembre 1961


En Arizona, durant les guerres indiennes des années 1870, des familles entières de colons continuent à être massacrées. C’est suite à l’une de ces nombreuses exactions que l’on ramène à Fort Canby une petite fille traumatisée par le viol et l’assassinat de tous les membres de sa famille. C’est le Capitaine Stephen Maddocks qui commande ce poste reculé ; il a pour mission, avec les très faibles moyens du bord, de maintenir la paix dans la région. Son caractère rude et bien trempé s’avère nécessaire afin de maintenir dans le droit chemin des soldats ayant tendance à être indisciplinés, passant l’intégralité de leur paye dans l’alcool, n’ayant rien d’autre de mieux à faire dans un endroit aussi isolé. L’arrivée du jeune Lieutenant McQuade (George Hamilton), soldat inexpérimenté mais ambitieux, ne va pas être appréciée par grand monde ; et surtout pas par Maddocks puisque le père de McQuade, autrefois commandant du fort, fut à l’origine de sa ‘disgrâce’. De plus, McQuade vient semer la zizanie au sein des officiers par le fait d’avoir retrouvé son ancienne maîtresse, Tracey (Luana patten), aujourd’hui sur le point d’épouser le Lieutenant Gresham. Ayant surpris sa future épouse dans les bras de McQuade, pour oublier cette humiliation, Gresham se porte volontaire pour aller poursuivre les indiens belliqueux. Sa troupe ne faisant pas sa réapparition, McQuade et Maddocks partent tous deux à sa recherche à la tête d’un important détachement. Ils retrouvent l’escouade de Gresham décimée et décident de punir les ‘peaux rouges’ (Apaches ou Comanches, là est la question principale spoliée sans vergogne par le titre français) responsable de cette tuerie…

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En 1952, au vu du médiocre Pony Soldier (La Dernière flèche) avec Tyrone Power, on se demandait alors ce qu'il restait de positif du travail de Joseph M. Newman qui nous avait pourtant agréablement surpris quelques mois auparavant avec Les Bannis de la Sierra (The Outcasts of Poker Flat), huis clos westernien tendu et en noir et blanc avec Anne Baxter et Dale Robertson. Il faut dire que la qualité du scénario était pour beaucoup dans la réussite de ce dernier. Si le postulat de départ de Fort Massacre - avec Joel McCrea en tête d'affiche - était tout aussi captivant, le scénario l’était en revanche beaucoup moins, s’enlisant très vite dans la redite et l’insignifiant après nous avoir grandement alléché, nous mettant face à l'un des westerns les plus désenchantés qu’il nous ait été de voir jusqu’à cette date. Joseph Newman quant à lui s'en sortait avec les honneurs, nous offrant un travail soigné à défaut d'être inoubliable. Le Shérif aux mains rouges (The Gunfight at Dodge City), toujours avec Joel McCrea, sans être vraiment mauvais, ne nous offrait cette fois pas plus de scénario original que de mise en scène inventive. Les innombrables points communs qu’il partageait avec Un Jeu risqué (Wichita) de Jacques Tourneur démontraient à quel point la différence pouvait se faire sentir entre un tâcheron et un auteur. Nous sommes une fois encore obligés de faire le même constat face à Tonnerre Apache, écrit par le même auteur que celui qui fut à l’origine de l’inoubliable trilogie ‘cavalerie’ de John Ford. Le cinquième et dernier western de Joseph M. Newman ne nous apportera donc malheureusement guère plus de satisfaction que les précédents malgré des intentions et des idées alléchantes sur le papier dont surtout la volonté louable d’injecter une forte dose de réalisme dans la description de la vie quotidienne de soldats dans cet avant-poste sordide, s’apparentant par son ton à son précédant Fort Massacre. Beaucoup de déceptions au sein de la filmographie du cinéaste, d’où surnagera néanmoins, même s’il n’est pas non plus exempt de défauts, son grand classique de la science-fiction : Les Survivants de l'infini (This Island Earth).

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Concernant ce plutôt réputé A Thunder of Drums, il s’agit toujours du même problème : ce ne sont pas les bonnes idées et les bonnes intentions qui font nécessairement les bons films. Ici, les auteurs ont souhaité, époque aidant, décrire ce microcosme militaire avec le plus grand réalisme possible, ‘déromantisant’ intégralement celui qu’avait mis en place Sam Wood dans le très bon Embuscade (Ambush) mais surtout John Ford au sein de sa trilogie constituée des trois chefs-d’œuvre que sont Le Massacre de Fort Apache (Fort Apache), La Charge héroïque (She Wore a Yellow Ribbon) et enfin le mésestimé Rio Grande. Ford avait déjà dépeint des officiers pas spécialement sympathiques (nous pensons bien évidemment à celui interprété par Henry Fonda dans le premier film de la trilogie) mais James Warner Bellah ne nous brosse ici que des portraits de soldats et officiers peu fréquentables à l’exception du commandant de la place, le seul compétent, le Capitaine Maddocks superbement campé par Richard Boone (cependant tombé entre les mains d’un maquilleur pas spécialement compétent). Un officier rustre par obligation (car il dirige un régiment de fortes têtes), aigri par les injustices qu’il a subi durant sa vie (sa carrière brisée par une faute mineure ; sa famille décimée par la maladie…), sans illusions sur la nature humaine, mais cachant sous cet aspect bourru et rêche un cœur d’or. Il s’est fait une idée peu attractive de la carrière de militaire, estimant désormais que seuls les célibataires peuvent faire de bons soldats puisque n’ayant rien à perdre, et décrivant la manière d’aborder cette ‘vocation’ en ces lieux âpres en ces termes : "ici vous avez trois possibilités : soit vous saouler et devenir fou, soit vous faire égorger en courant les squaws, soit vous consacrer à la vie morne, presque monastique du soldat" ("There are three things a man can do to relieve the boredom of these lonely one troop posts : He can drink himself into a straight-jacket ; He can get his throat cut chasing squaws ; Or he can dedicate himself to the bleak monastic life of a soldier and become a great officer.") Malgré le fait qu’il soit attachant, Maddocks représente un type de protagoniste loin d’être original ni novateur au sein du genre.

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Au travers cette description de la vie de tous les jours dans un fort abritant une troupe de soldats de la cavalerie américaine, on se rend vite compte que nous sommes très éloignés de la communauté sympathique et fraternelle chère à John Ford. Effectivement, hormis le commandant qui tient la route et qui s’avère pleinement responsable, quasiment tous les autres résidents du fort sont en revanche soit des soudards (la paie passe intégralement dans les beuveries), soit des imbéciles soit des vaniteux ou encore des ambitieux aux dents longues ; un tableau guère reluisant de l’armée américaine mais manquant par trop de discernement et de finesse pour arriver à convaincre, la faute en incombant aussi aux interprètes, un tiers s’avérant terne (George Hamilton bien plus à son aise chez Minnelli, ou encore Richard Chamberlain, James Douglas, le rocker Duane Eddy qui nous gratifie heureusement de quelques uns de ses accords de guitare…), un autre sous-employé (Arthur O’Connell que l’on a connu également plus inspiré, Slim Pickens…), un dernier en faisant des tonnes (Charles Bronson entre autres, son personnage étant par ailleurs chargé de tous les défauts possibles et imaginables : grande gueule, méprisant, raciste, violeur, obsédé sexuel, tapageur, bagarreur, escroc…) L’unique protagoniste féminin important n’est guère mieux loti que ses partenaires masculins : si Luana Patten est charmante, elle fait un peu office de décoration et le couple qu’elle forme avec George Hamilton est dépourvu de l’alchimie qu’il faisait preuve dans Celui par qui le scandale arrive (Home from the Hill) de Vincente Minnelli. La MGM espérait faire décoller la carrière de ses deux jeunes comédiens à l’occasion de ce western : ce sera peine perdue puisque le film sera un énorme bide au box-office. Mais, outre une interprétation inégale, là où le bât blesse le plus, contrairement aux films de Ford, c’est dans l'écriture des personnages ; en effet la plupart des habitants du fortin ne semblent être que des pantins, la communauté semblant être privée de chaleur, d’âme et tout simplement de vie. Où l’on se rend compte qu’à thématiques et intrigues semblables (et en l’occurrence à scénariste égal) la vision et le talent d’un réalisateur peuvent faire une énorme différence !

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Pour oser se lancer dans la peinture d’un tableau aussi sombre, il aurait donc aussi fallu un réalisateur chevronné et ayant une vision bien précise de ce qu’il souhaitait montrer ; ce qui est loin d’être le cas ici. Nous nous trouvons donc à nouveau devant un film qui présageait du meilleur mais qui ne tient pas du tout ses promesses. Faute en incombant cette fois principalement à son metteur en scène ; il suffira de comparer ce médiocre Tonnerre Apache au puissant Fureur Apache (Ulzana’s raid) de Robert Aldrich pour s’en rendre compte. Dans l’un, aucune puissance d’évocation, aucune tension malgré la noirceur du tableau brossé ; dans l’autre, le spectateur sera au contraire constamment mal à l’aise car Aldrich posera lui aussi le doigt là où ça fait mal mais avec talent, intelligence et vigueur ; le film de Joseph M. Newman, comme c’était le cas pour Fort Massacre, est malheureusement dépourvu de toutes ces qualités. Après une heure de bavardage sans grand intérêt, la dernière demi-heure consacrée à l’action n’est guère plus satisfaisante, le manque de moyens de la production se faisant alors ressentir, les cascadeurs n’étant guère convaincants (nous ayant déjà auparavant montrés leur manque de motivation lors du ridicule combat à poings nus entre George Hamilton et Charles Bronson), les séquences mouvementés manquant singulièrement de robustesse et d’idées de mise en scène. Retenons malgré tout un prologue très efficace du massacre d’une famille de colons par les indiens ; tellement efficace que le film en sera purement et simplement amputé lors des ses quelques diffusions sur nos chaines hertziennes. Dommage que le reste n’ait pas été aussi puissant à l’exception aussi de ce mouvement de caméra ascendant découvrant d’un coup un charnier. Autre bonne idée cependant, cette manière d’insister sur les odeurs pestilentielles occasionnées par les cadavres en décomposition, plusieurs détails s’avérant assez justes à ce propos comme les soldats obligés de se couvrir le visage à l’aide de leurs foulards. Intéressante aussi la discussion pour essayer de déterminer les tribus coupables d’exactions par l’analyse du crottin de leurs chevaux ; enquête mise à mal par le titre français qui dévoile d’emblée de quels indiens il s’agit alors que c’est l’un des questionnements les plus intéressants des officiers du film, le fait de connaître la tribu coupable pouvant ensuite les aider à les piéger par les connaissances des us, coutumes et stratégies de chacune d'entre elles.

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Le titre anglais, s’il ne ‘spoile’ pas, n’est guère plus méritant puisqu’il s’avère mensonger ; en effet, nous n’entendrons de tambours à aucun moment, les indiens (dans ce western, ce sont uniquement des sauvages à détruire ; en aucun cas le film ne s’appesantit sur eux en tant qu’êtres humains) n’apparaissant que de manière très succinctes et sporadiques à l’écran. Une intrigue bavarde et sans grand intérêt, une mise en scène mollassonne et sans imagination, un casting assez décevant pour un western militaire qui ne nous fera oublier ni ceux de John Ford (on ne peut s’empêcher d’y penser d’autant plus que Maddocks reprend à deux reprises la célèbre phrase de John Wayne dans La Charge héroïque : "s'excuser est un signe de faiblesse") ni le splendide Fort Bravo (Escape from Fort Bravo) de John Sturges qui, à partir d’une construction ou d’éléments à peu près similaires (vie quotidienne du fort, triangle amoureux puis séquences d’action) le dépasse à tous les niveaux, interprétation, écriture et surtout réalisation d’une efficacité redoutable. Pour une peinture réaliste teintée d’un peu de vitriol d’une garnison de Tuniques Bleues, on se reportera plutôt vers La Charge de la 8ème brigade (A Distant Trumpet) de Raoul Walsh qui sortira sur les écrans trois ans plus tard.
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Jeremy Fox
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Re: A Thunder of Drums

Message par Jeremy Fox »

Jeremy Fox a écrit :
A suivre : Les Comancheros (The Comancheros) de Michael Curtiz avec John Wayne & Stuart Whitman
Avant de terminer l'année 1961 avec ce film (probablement pas avant 2015), il y aura une remontée de la troisième partie de parcours avec très prochainement Top Gun de Ray Nazarro (1955) ainsi que Valerie de Gerd Oswald (1957)
bogart
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Re: A Thunder of Drums

Message par bogart »

Jeremy Fox a écrit :
Jeremy Fox a écrit :
A suivre : Les Comancheros (The Comancheros) de Michael Curtiz avec John Wayne & Stuart Whitman
Avant de terminer l'année 1961 avec ce film (probablement pas avant 2015), il y aura une remontée de la troisième partie de parcours avec très prochainement Top Gun de Ray Nazarro (1955) ainsi que Valerie de Gerd Oswald (1957)
Deux très grands westerns avec un Sterling Hayden impérial. :mrgreen:
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Hitchcock
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Re: A Thunder of Drums

Message par Hitchcock »

Jeremy Fox a écrit :
Jeremy Fox a écrit :
A suivre : Les Comancheros (The Comancheros) de Michael Curtiz avec John Wayne & Stuart Whitman
Avant de terminer l'année 1961 avec ce film (probablement pas avant 2015), il y aura une remontée de la troisième partie de parcours avec très prochainement Top Gun de Ray Nazarro (1955) ainsi que Valerie de Gerd Oswald (1957)
Au fait comment fais-tu pour voir ces films si tu n'as pas TCM ? Sinon, sans trop m'avancer, je pense que tu risques d'être agréablement surpris par Valerie ;)
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Re: A Thunder of Drums

Message par Jeremy Fox »

Hitchcock a écrit : je pense que tu risques d'être agréablement surpris par Valerie ;)

J'ai effectivement un bon à priori dessus :wink:
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Re: A Thunder of Drums

Message par Jeremy Fox »

Jeremy Fox a écrit :
Hitchcock a écrit : je pense que tu risques d'être agréablement surpris par Valerie ;)

J'ai effectivement un bon à priori dessus :wink:

Tout faux ; j'ai trouvé ce western ultra mauvais. :oops:
Mon avis en fin de semaine prochaine.
Geoffrey Carter
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-19

Message par Geoffrey Carter »

Pareil. Le film exploite extrêmement mal sa structure intéressante, les acteurs sont mal dirigés, on s'ennuie de bout en bout et puis le tout est quand même sacrément mal fichu. Le pire, c'est le dénouement, vraiment consternant...
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-19

Message par Jeremy Fox »

Geoffrey Carter a écrit :Pareil. Le film exploite extrêmement mal sa structure intéressante, les acteurs sont mal dirigés, on s'ennuie de bout en bout et puis le tout est quand même sacrément mal fichu. Le pire, c'est le dénouement, vraiment consternant...

Tu as parfaitement résumé mon futur avis :wink:
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The Comancheros

Message par Jeremy Fox »

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Les Comancheros (The Comancheros - 1961) de Michael Curtiz
20TH CENTURY FOX


Avec John Wayne, Stuart Whitman, Nehemiah Persoff, Lee Marvin
Scénario : James Edward Grant & Clair Huffaker
Musique : Elmer Berstein
Photographie : William H. Clothier (Technicolor 2.35)
Un film produit par George Sherman pour la 20th Century Fox



Sortie USA : 30 octobre 1961

1843. En Louisiane, le joueur professionnel Paul Regret (Stuart Whitman) tue le fils d’un notable lors d’un duel illégal au pistolet. Il doit fuir pour sauver sa tête et se rend au Texas où il espère être vite oublié. C’est sans compter sur le Capitaine des Texas Rangers, Jake Cutter (John Wayne), qui l’arrête à Galveston à sa descente de bateau ; Jake a bien l’intention de le reconduire dans son État pour y être jugé et probablement pendu. Les deux hommes ont beau sympathiser en cours de route, Jack est trop à cheval sur la loi et la justice pour faire demi-tour. Paul n’a plus qu’une solution : s’évader. C’est ce qu’il réussit à faire après plusieurs tentatives infructueuses. Rentré à son quartier général sans prisonnier, Jake apprend que des Indiens sont sur le sentier de la guerre, incités par de redoutables renégats surnommés les Comancheros pour leur alliance avec les Comanches. Jake a pour mission, en se faisant passer pour un marchand d’armes, de s’infiltrer parmi eux afin de mieux pouvoir mettre fin à leurs agissements. Alors qu’il entame un rapprochement avec l’un de ses membres (Lee Marvin), attablé à une table de poker, il retrouve Paul qu’il fait de nouveau prisonnier avant d’en faire son allié dans la guerre qu’il a engagé contre les Comancheros…

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C’est un Michael Curtiz très affaibli qui met un terme à sa prolifique et passionnante carrière cinématographique avec Les Comancheros ; un western qui aura néanmoins été réalisé en partie par John Wayne qui, pour rendre hommage au cinéaste ayant succombé à un cancer peu de temps après la fin du tournage, refusa d’être crédité au générique pour sa contribution à la mise en scène. Maintenant que nous avons pu visionner la plupart des westerns d’importance de ce très grand cinéaste qu’était Michael Curtiz, nous devons nous rendre à l’évidence : il n’aura pas laissé une empreinte de grande importance dans le genre même s’il nous aura offert l’un de ses représentants les plus enlevés et colorés avec Les Conquérants (Dodge City) ainsi que l’une des œuvres les plus harmonieuses de sa filmographie avec La Caravane Héroïque (Virginia City), tous deux avec le bondissant Errol Flynn. S’il est manifeste que la plupart de ce qu’a réalisé le cinéaste d’origine hongroise durant les années 50/60 ne saurait rivaliser avec sa production des deux précédentes décennies, aucune honte à avoir cependant y compris dans le domaine qui nous préoccupe ici. Si L’Homme des plaines (The Boy from Oklahoma), était médiocre, Le Fier rebelle (Proud Rebel) et Le Bourreau du Nevada (The Hangman) furent loin d’être inintéressants ni même désagréables, bien au contraire.

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Avec Les Comancheros, Michael Curtiz appose donc un point final à son imposante filmographie avec un film assez brillant, finalement mis en chantier avec pour but principal d’être un nouveau ‘véhicule’ pour le Duke qui s’était moralement assez mal remis du relatif échec de son pourtant remarquable Alamo. Avec d’imposants moyens logistiques, The Comancheros représente une sorte de retour à un style de western qui sévissait dans les années 40, un pur divertissement pittoresque et mouvementé qui ne se prend jamais vraiment trop au sérieux ; ce qui n’est pas forcément déplaisant surtout lorsque c’est fait avec professionnalisme et efficacité ; ce qui est en l’occurrence le cas. Le projet de départ n’avait prévu ni Michael Curtiz à la réalisation ni John Wayne pour en être la tête d’affiche. Il est donc également fort probable que le scénariste attitré du Duke, l’excellent James Edward Grant, ait rejoint l’équipe après les multiples remaniements qui eurent lieu avant que le tournage ne débute. Le principal reproche fait au film lui serait donc imputable car une majorité regrette surtout que le postulat de départ, s’inspirant d’une situation historique encore peu (voire pas) évoquée, n’ait pas été plus approfondi. En effet, ceux que l’on a appelé les Comancheros n’avaient encore pas eu l’occasion de se voir dépeints au sein du genre. Il s’agissait de gens peu recommandables, des trafiquants (d’origine espagnole pour la plupart) s’étant installés au Nouveau Mexique et au Texas au début du 19ème siècle. Ils s’étaient enrichis en faisant du commerce avec les indiens des plaines et notamment les Comanches qui furent leurs meilleurs ‘clients’ (d’où le nom accolé à ces négociants peu scrupuleux leur vendant aussi bien de la nourriture et des vêtements que des armes ou des esclaves). En contrepartie, ces marchands se servirent d’eux pour leurs exactions, les poussant à attaquer et piller les colons, le gouvernement provincial mexicain de Santa Fe les laissant faire, les dégâts occasionnés arrangeant bien leurs affaires par le fait de déstabiliser l’équilibre géopolitique de la région. En effet, les mexicains estimaient que les Comanches représentaient un allié efficace pour empêcher les incursions américaines en territoire espagnol.

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Au grand dam des plus historiens des amateurs de western, le film ne nous fera pénétrer à l’intérieur du camp de ces vils marchands que durant la dernière demi-heure, sans que les deux scénaristes que sont James Edward Grant & Clair Huffaker ne viennent enrichir la réflexion à leur propos, sans qu’ils n’évoquent à aucun moment les implications historiques dues au rôle ambigu que jouèrent les Comancheros au travers de leur trafic d’armes avec les indiens, l’intrigue se limitant finalement à la remontée de la filière du trafic par un Texas Ranger chevronné et un Gentleman du Sud peu concerné et devant subir la situation. Pire encore pour les tenants du réalisme, les guerriers Comanches sont interprétés par des Apaches et les anachronismes sont légions à commencer par des Winchesters qui n’apparaitront sur le marché des armes que 23 ans plus tard ou encore, bien plus visible même des néophytes, des vêtements qui font bien plus penser à ceux de l’après guerre de Sécession qu’à ceux des années 1840. D’ailleurs John Wayne endossera quasiment la même chemise dans la plupart des westerns qu’il tournera par la suite, dont ceux se déroulant quelques quarante ans plus tard. Pour en revenir à la dernière partie, elle se sera donc avérée assez décevante, plus picaresque que ‘documentaire’ ou réellement violente malgré quelques images d’hommes ‘grillant’ en plein soleil pour des raisons bénignes, témoignant de la cruauté de ce groupe d’hommes plus proches de trafiquants et de bandits que de commerçants. Avant ça, nous aurons assisté à un western qui, même s’il ne possède pas l’ampleur attendue, aura néanmoins eu le temps et le mérite de forcer la sympathie. L’exposition s’avère d’ailleurs savoureuse, nous dépaysant grandement en nous faisant voyager de la Nouvelle Orléans au Texas, nous présentant tour à tour des personnages assez délectables tel ce joueur professionnel légèrement escroc sur les bords interprété par un Stuart Whitman très à l’aise, qui trouvait enfin un premier rôle de réelle importance après déjà dix ans d’une carrière bien remplie et qui arrive à faire jeu égal avec son prestigieux partenaire.

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Leur complicité à la ville se ressentant parfaitement à l’écran, Suart Whitman forme donc ici avec un John Wayne en pleine santé un duo assez réjouissant et, qui plus est, fonctionnant à merveille ; un duo assez cocasse préfigurant un peu ceux que l'on trouvera dans les 'Buddy Cop Movies' avec d’un côté l’homme de loi bourru, patriote, probe et respectueux de la loi, de l’autre l'escroc sympathique et roublard entrainé malgré lui dans une lutte qui ne le concerne pas. Après le semi-échec de Alamo, on redonna au Duke des rôles susceptibles de faire à nouveau de ses films des cartons au box office. Avant Les Comancheros, déjà à la Fox (la compagnie qui le fit débuter au début des années 30 avec notamment le spectaculaire La Piste des géants de Raoul Walsh), il y eut l’amusant North to Alaska (Le Grand Sam) de Henry Hathaway ; contrairement à ce dernier film, celui de Michael Curtiz ne fut pas cette fois une pure comédie mais un western désinvolte avec beaucoup d’humour et d’une tonalité plutôt bon enfant même si l’on aura cependant à faire à quelques très bonnes séquences dramatiques comme la découverte de la famille massacrée qui rappelle étrangement celle de The Searchers (La Prisonnière du désert) de John Ford d’autant qu’on y retrouve les paysages des contreforts de Monument Valley chers au plus célèbre borgne d'Hollywood, mais filmés sous un autre angle. Les décors traversés s’avèrent d’ailleurs aussi beaux que divers, permettant aux spectateurs un grand dépaysement. Le cinéaste les met parfaitement bien en valeur et en tire de très belles choses comme par exemple cet étonnant plan d’ensemble filmé en plongée du haut d’une montagne sur la carriole poursuivie par les indiens (indiens qui dans ce film politiquement incorrect sont non seulement faméliques mais tombent comme des mouches ; autre élément qui rappelle les westerns des années 40).

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Au menu parmi les ingrédients 'légers', un peu de nonchalance, beaucoup d’humour au travers des dialogues et situations (jamais ou rarement graveleux ni lourdingue comme ce sera le cas plus tard chez Andrew V. McLaglen) et pas mal de séquences picaresque par l’intermédiaire notamment du truculent personnage secondaire interprété avec gouaille par un Lee Marvin qui partageait pour la première fois l’affiche avec le Duke) au sein d’un western qui peut cependant se regarder avec le plus grand sérieux, le scénario étant parfaitement bien écrit, le film réussissant à rester fluide malgré les divers sentiers de traverse qu’il emprunte durant ses trois premiers quarts. L'intrigue semble effectivement partir un peu dans tous les sens et les changements de ton sont fréquents sans que jamais ça ne semble forcé grâce un sens solide de la narration que j’aurais tendance à attribuer à James Edward Grant plutôt qu’au médiocre Clair Huffaker. L’aficionado retrouvera également avec plaisir dans les seconds rôles des habitués du genre tels Bruce Cabot, Michael Ansara, Jack Elam, Edgar Buchanan, Patrick Wayne, ou encore Nehemiah Persoff (charismatique dans la peau du chef des Comancheros que l'on aurait aimé voir plus longtemps) et Guinn ‘Big Boy’ William dont ce sera la dernière apparition à l’écran après avoir hanté beaucoup des précédents westerns et films du cinéaste. Côté féminin, l'on trouve la très belle Joan O’Brien trop vite mise de côté après un semblant de romance avec John Wayne lors d'une belle séquence apaisée, ainsi que Ina Balin dans un rôle un peu plus important quoique également un peu sacrifié.

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Un western à gros budget tout ce qu’il y a de plus classique, parfois inégal et qui ne révolutionne en rien le genre, mais qui, grâce à une histoire bien écrite et une excellente interprétation d’ensemble, se suit avec un très grand plaisir d’autant qu’il faut encore en saluer un visuel très soigné grâce en premier lieu à une photographie somptueuse de William Clothier, ainsi qu'une superbe musique d'Elmer Bernstein qui ne manque ni d’ampleur ni de souffle ni de puissance (bien meilleure dans le même style que son célèbre score pour The Magnificent Seven - Les 7 mercenaires). Beaucoup de péripéties et de rebondissements pour un spectacle parfois trépidant, en tout cas hautement divertissant même si manquant un peu d'âme et de vitalité dans ses scènes d’action. Un baroud d’honneur finalement satisfaisant et tout à fait recommandable, rejoignant les belles réussites de fin de carrière de Michael Curtiz telles Le Bourreau du Nevada (The Hangman) ou Bagarres au King Creole, très certainement le meilleur film avec Elvis Presley.
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-19

Message par Jeremy Fox »

La production de western ayant considérablement diminuée dans les années 60, je ne ferais désormais plus de récapitulatif après chaque année bouclée. Il suffira de vous reporter au premier post de ce topic pour un résumé de ce qui a pu sortir pour chaque cuvée. Idem pour mon top 50 arrivé à cette date qui n'a pas été modifié malgré The Last Sunset de Robert Aldrich, mon western préféré de 1961, qui n'était pas loin de prétendre y accéder.

Pour l'instant, toujours aucun western historiquement important n'a encore été oublié concernant la période parlante jusqu'à cette année ; j'en suis assez content.

L'année 62 risque d'être vite expédié d'autant que j'ai tout en stock. En revanche, pour 1963, Cattle King (Les Ranchers du Wyoming) de Tay Garnett existe-t-il quelque part avec au moins les sous titres anglais ?
martinbrady
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-19

Message par martinbrady »

Jeremy Fox a écrit :La production de western ayant considérablement diminuée dans les années 60, je ne ferais désormais plus de récapitulatif après chaque année bouclée. Il suffira de vous reporter au premier post de ce topic pour un résumé de ce qui a pu sortir pour chaque cuvée. Idem pour mon top 50 arrivé à cette date qui n'a pas été modifié malgré The Last Sunset de Robert Aldrich, mon western préféré de 1961, qui n'était pas loin de prétendre y accéder.

Pour l'instant, toujours aucun western historiquement important n'a encore été oublié concernant la période parlante jusqu'à cette année ; j'en suis assez content.

L'année 62 risque d'être vite expédié d'autant que j'ai tout en stock. En revanche, pour 1963, Cattle King (Les Ranchers du Wyoming) de Tay Garnett existe-t-il quelque part avec au moins les sous titres anglais ?
Bonjour
Euh... en page 1 les liens de SHOOTING et OURAGAN DE LA VENGEANCE mènent à la critique du site de COCKFIGHTER par Olivier Bitoun, bonne journée!
"Lacrimas", horse called "Tears"...
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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-19

Message par Jeremy Fox »

Edité : merci :wink:
martinbrady
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-19

Message par martinbrady »

Jeremy Fox a écrit :Edité : merci :wink:
right! :wink:
"Lacrimas", horse called "Tears"...
kiemavel
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-19

Message par kiemavel »

Jeremy Fox a écrit : Cattle King (Les Ranchers du Wyoming) de Tay Garnett existe-t-il quelque part avec au moins les sous titres anglais ?
Non, je ne crois pas. Je connais seulement des sous titres espagnols. En revanche, même si ça ne t'aide pas beaucoup, je signale que le film a déjà été diffusé à la télévision chez nous, au moins en VF mais ça commence à dater.
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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-19

Message par Jeremy Fox »

Merci bien.
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