John Payne (1912-1989)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Supfiction
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John Payne (1912-1989)

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John Payne


Un acteur aux multiples talents (des musicals de Betty Grable aux noirs de Phil Karlson en passant pas les westerns d'Allan Dwan et même le cape et d'épée!), encore trop méconnu et qui mériterait que l'on en parle un peu sur ce forum...
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1936 : Dodsworth
1940 : Star Dust
1943 : Hello Frisco, Hello
1944 : Les Dolly Sisters
1946 : Le Fil du rasoir
1947 : Le Miracle de la 34ème rue
1949 : Le passé se venge / THE CROOKED WAY (1949, Robert Florey)
1950 : Dans les mers de Chine
1951 : Crosswinds
1952 : Le Quatrième homme "Kansas City Confidential"
1953 : L'Affaire de la 99e rue "99 River Street"
1954 : Quatre étranges cavaliers "Silver Lode"
1955 : Le Mariage est pour demain "Tennessee's Partner"
1956 : http://www.dvdclassik.com/critique/deux ... garre-dwan

Le film que j'aimerai voir en priorité pour le coup, c'est Star Dust (1940), avec une Linda Darnell absolument craquante, introuvable pour le moment, hormis cet extrait.
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Supfiction
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Re: John Payne (1912-1989)

Message par Supfiction »

A des années lumière de la brutalité des noirs de Phil Karlson, John Payne débuta dans les comédies musicales de Betty Grable et Alice Faye.

Et ça donnait ça :

Dans Tin Pan Alley (1940) :


Dans Footlight Serenade (1942) :


Dans Hello Frisco, Hello (1943) :


Dans The Dolly Sisters (1945) : dispo en dvd Z2
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Re: John Payne (1912-1989)

Message par kiemavel »

Brillant ! Magnifique ! Une excellente initiative par le grand spécialiste de John Payne !!! (C'est bien foutu leur truc :mrgreen: )

je suis sidéré que cette acteur n'avait pas encore de topic dédié…Avant tout, un acteur de série B. A son actif, surtout des westerns, films
d'aventure et des policiers.

A ceux que tu cites, il faut quand même ajouter d'autres bons westerns :
-L'aigle et le vautour (1950) Lewis R. Foster
-La caravane des évadés (1951) Lewis R. Foster
-Rebel in Town (1956). Alfred Werker (il y était remarquable et ce western méconnu est excellent)

Quelques films d'aventure :
-Tripoli (1950). Will Price (assez poilant celui là)
-Dans les mers de Chine (1950). Lewis R. Foster
-L'or de la Nouvelle-Guinée (1951). Lewis R. Foster
-Le trésor des Caraïbes (1952). Edward Ludwig
-Le pirate des 7 mers (1953). Sidney Salkow

Et quelques films noirs :
Larceny (1948) George Sherman. Le passé se venge (1949) Robert Florey. Hidden Fear (1957) Andre de Toth
Une liste a laquelle j'ajoute The Boss de Byron Haskin. Réputé et trouvé mais pas encore vu.

Par contre, je ne connais pratiquement aucun des films de son début de carrière, notamment ses films musicaux, à part "Week-End à la Havane" de Walter Lang. Un film dont j'ai gardé aucun souvenir.


NB : je ne sais pas ou tu es allé chercher que Star Dust était invisible. J'ai et en vost (diffusé sur le sat. Minimum 10 ou 15 ans)
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Jeremy Fox
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Re: John Payne (1912-1989)

Message par Jeremy Fox »

Comédien que j'aime beaucoup, autant dans les comédies musicales que dans le film noir ou le western. Je vais rapatrier au cours de la journée une dizaine de mes avis
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Jeremy Fox
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Re: John Payne (1912-1989)

Message par Jeremy Fox »

La Comédie musicale


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Tu seras mon mari : Sun Valley Serenade (1941) de Bruce Humberstone 20TH CENTURY FOX

Avec l'objectif de faire de la publicité à son groupe de swing, le pianiste a accepté de parrainer un réfugié européen. Croyant que ce dernier sera un enfant, quelle n'est pas sa surprise quand à sa place, il voit arriver une belle jeune norvégienne ! Dès leur rencontre, elle n'a plus qu'une idée en tête, se faire épouser de lui alors qu'il est déjà amoureux de la chanteuse du Band. Pensant s'en défaire en partant jouer dans une station de ski durant la saison d'hiver, il la retrouve pourtant sur les pistes continuant de plus belle à le harceler...
Ce Musical est avant tout un véritable festival Glenn Miller dont c'est le premier des deux films dans lesquels il jouera. Nous avons la chance de le voir diriger et jouer ses plus grands tubes de Moonlight Serenade à In the Mood en passant par Chattanooga Choo Choo au cours duquel Dorothy Dandridge et les étonnants Nicholas Brothers nous gratifient d'un spectaculaire et acrobatique numéro comme ils en ont le secret. Sinon, le reste de l'arrière fond musical instaure une ambiance swinguante et chaleureuse avec surtout le merveilleux It Happened In Sun Valley de Harry warren et Mack Gordon qui revient en leitmotiv. John Payne, dans un rôle à la Cary Grant, s'en sort plutôt bien et Milton Beerle est assez drôle. Alors après, quelle importance que Sonja Henie soit meilleure patineuse que comédienne, que les séquences à ski soient un peu longues et que l'intrigue soit loin d'être révolutionnaire ! Elle n'en demeure pas moins plaisante surtout qu'elle se déroule dans des endroits montagneux vraiment dépaysants et bien mis en valeur par Bruce Humberstone qui se régale l'oeil en en faisant un véritable décor de carte postale. Ca finit un peu abruptement mais c'est à cause d'un accident que la patineuse a eu lors de son dernier jour de tournage et qui l'a empêchée de finir son fameux numéro (réglé par Hermes Pan) sur de la glace noire. Bref encore une fois pas inoubliable mais fichtrement agréable.

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Ce que femme veut : Orchestra Wives (1942) de Archie Mayo 20TH CENTURY FOX

Second film avec Glenn Miller et son orchestre. Mais autant Sun Valley Serenade était sympathique, autant celui-ci est médiocre de bout en bout excepté un morceau du Band assez frénétique que l'on peut entendre au bout d'une demie heure (Bugle Call Rag) et l'apparition des Nicholas Brothers à la dernière minute. Le reste n'est qu'ennui, ridicule et nullité ! Que le scénario fasse préférer à notre séducteur de héros la pénible Ann Rutherford (à gifler tout du long) plutôt que Lynn Bari est dès le départ d'une totale ineptie. Mais finalement, on s'en fout un peu tellement notre bellâtre est fade et antipathique, comme quasiment tout le reste des acteurs et personnages. Bavard, inintéressant de bout en bout, le scénario n'est guère aidé par une mise en scène sans saveur d'Archie Mayo. Et musicalement, nous n'avons pas droit non plus à grand chose. Bref, à oublier le plus vite possible tellement tout ceci se révèle laborieux.

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The Dolly Sisters (1945) de Irving Cummings 20TH CENTURY FOX

Biographie romancée et très conventionnelle de deux soeurs hongroises qui devinrent vite vedettes de Music Hall au début du siècle après qu'Oscar Hammerstein les eut remarquées. Le plus difficile pour elles deux fut de devoir, à plusieurs reprises, faire un choix entre leur duo professionnel et l'amour. Conventionnel certes, sans vraiment forte progression dramatique, mais malgré tout un film musical très agréable et attachant grâce surtout à son charmant (et charmeur) trio de vedettes. John Payne confirme le bien que j'en pensais et il forme ici avec Betty Grable un fort beau couple, parfois assez poignant. Quand à June Haver, si elle s'en tire honnêtement, on regrette néanmoins que ce ne soit pas Alice Faye (comme il était prévu au départ), meilleure actrice, qui ait obtenu le rôle. Le duo Faye-Grable aurait certainement fait des étincelles. Sinon, un véritable hommage à la formidable sensualité des deux 'actrices-chanteuses' et des femmes en général grâce à un travail fabuleux sur les costumes, des décors somptueux, et un Technicolor qui en met plein la vue. D'entrainants numéros , dont l'un, sorte de défilé de mode, oscillant entre grotesque et génie (bref, délicieusement "kitchissime"), d'agréables chansons dont la fameuse "I've Always Chasing Rainbows" que Judy Garland chantait dans Ziegfeld Girls et quelques séquences dramatiques qui font leur effet. Aucun génie mais du bon professionnalisme. Très agréable surprise.

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Week-End in Havana (1941) de Walter Lang 20TH CENTURY FOX

A force d'en découvrir, je peux commencer à entrevoir que les Musicals Fox en couleur des années 40 peuvent se diviser en deux catégories ; les 'nostalgiques', celles qui tablent sur des intrigues se déroulant au début du 20ème siècle (Tin Pan Alley, Lillian Russell, The Dolly Sisters...) et les 'exotiques' avec des titres qui en disent long (That Night in Rio, Down Argentina Way, Moon Over Miami...). Aisé de deviner dans laquelle de ces deux catégories peut-être rangé le film de Walter Lang. Mais alors que That Night in Rio pouvait se targuer d'un scénario à quiproquos assez pétillant et que The Gang's all here bénéficiait de l'immense talent de Berkeley, ce week-end à Cuba, même si loin d'être désagréable, demeure assez quelconque faute à une histoire plutôt banale et à une mise en scène sans entrain d'un Walter Lang souvent plus inspiré, sa caméra étant ici le plus souvent assez statique. Sinon, c'est parfois drôle, les couleurs Fox sont toujours aussi saturées et irréalistes (pour le plus grand plaisir des amateurs de kitsch), et le duo John Payne / Alice Faye fonctionne assez bien même si l'un et l'autre ont déjà été bien plus convaincants dans d'autres 'Musicals' du studio. Cesar Romero a du mal à faire oublier Don Ameche et j'avoue commencer à apprécier Carmen Miranda et sa diction si particulière. A signaler pour les fans que le nombre de ses numéros et de séquences non chantées dans ce film sont peut-être plus nombreuses que dans n'importe quel autre de ses films (au moins dans ceux que j'ai pu voir) et que sa scène de 'séduction' avec John Payne est inénarrable. Niveau musical, rien de vraiment mémorable dans les mélodies d'Harry Warren et Mack Gordon mais rien de mauvais non plus et la voix chaude d'Alice Faye fait toujours son petit effet surtout dans la chanson 'Tropical Magic'


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The Great American Broadcast (1941) de Archie Mayo 20TH CENTURY FOX

Dans l'excellent Hollywood Cavalcade déjà avec Alice Faye (qui n’était absolument pas une comédie musicale), Irving Cummings narrait avec bonheur les débuts du cinéma muet. Ici, ce sont les prémices du "Wireless" (sans fil) et ainsi les premiers pas de la radio qui sont à l’honneur à travers l’histoire de 4 personnages venus de milieu différents (une chanteuse, un employé des télécom, un millionnaire et un ‘aventurier’) et qui se ‘réunirent’ pour faire naître et se développer ce nouveau média.

Une bien belle réussite que cette comédie musicale (pas non plus noyée sous les numéros et chansons pour ceux qui seraient allergiques au genre) qui se situe dans la lignée de Alexander’ Ragtime Band par le ton employé et l’excellence de son scénario aussi bien niveau développement et intérêt de l’intrigue que richesse des personnages tous autant attachants les uns que les autres malgré des caractères pas forcément faciles de prime abord. Niveau romance, nous assistons d’ailleurs, non pas à un triangle amoureux mais à un ‘rectangle’ puisque pas moins de 3 hommes soupirent après le personnage de la chanteuse interprétée par la délicieuse Alice Faye (et on les comprend). Ces hommes, ce sont Jack Oakie, César Romero et John Payne, un acteur qu’il serait urgent de réévaluer et de ne pas uniquement le compter comme étant le comédien de prédilection d’Allan Dwan pour ses fabuleux westerns. Il se révèle ici parfait dans la peau de cet aventurier bagarreur, égoïste et plaçant sa fierté un peu trop haut au risque de la faire plus compter que ses amours et amitiés. Beaucoup de séquences assez touchantes en découleront et ses relations avec les 3 autres personnages seront tous richement développées. Dommage d’ailleurs que ce beau film ne dépasse pas les 90 minutes ‘réglementaires’ car il y avait matière à le faire durer plus longtemps ; les spectateurs que nous sommes auraient été ravis de continuer à côtoyer un peu plus ce quatuor.

Sobre et honnête mise en scène de Archie Mayo et beau programme musical : outre Alice Faye susurrant quelques très belles mélodies, on y trouve entre autre les étonnants danseurs que sont les Nicholas Brothers, deux numéros musicaux comiques par les Wiere Brothers, la chanson titre par James Newill… Une jolie réussite qui finit d’entériner la très bonne qualité de ce deuxième coffret Alice Faye.

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Hello Frisco Hello de Bruce Humberstone (1943) 20TH CENTURY FOX

A la fin du 19ème siècle, à San Francisco, un groupe de saltimbanques monte rapidement les échelons de la gloire grâce à l'ambition de Johnny Cornell, le metteur en scène de l'équipe, des petits saloons de Barbary Coast aux salles plus prestigieuses de Nob Hill. Mais après l'ascension fulgurante, ce sera la décadence pour Johnny par la faute de s'être laissé séduire par une intrigante de la haute société de la ville...

Grandeur et décadence d'une monteur de revues, on l'a déjà vu et revu et c'est ici surtout un prétexte pour nous montrer un maximum de numéros musicaux, plus d'une vingtaine, ce qui représente sur le timing du film une bonne moitié des 98 minutes qu'il dure. Pas de savants mouvements de caméras car les séquences musicales sont la plupart du temps filmées frontalement comme si nous étions les quidams assis dans les salles de spectacle, pas de grande montée dramatique dans l'intrigue très conventionnelle mais de somptueux costumes et décors à foison ainsi qu'un Technicolor qui est un constant ravissement pour les yeux. Bref, ça rutile à l'écran, June Havoc est pétillante et le couple formé par John Payne et Alice Faye me plait toujours autant. Les fans de cette dernière devraient être aux anges puisqu'elle chante pas moins d'une dizaine de chansons de sa voix suave, douce et grave assez particulière et que la costumière l'a particulièrement gâtée. Son retour derrière les caméras après son arrêt de deux ans pour s'occuper de son bébé est particulièrement réussi ; si son rôle n'est pas aussi mémorable que celui qu'elle tenait dans Lilian Russell, les scénaristes lui ont quand même écrit un beau personnage. Sinon, excepté la sublime chanson écrite par Harry Warren et Mack Gordon exprès pour le film, 'you'll never know' (qui obtiendra un Oscar), il faut avouer que toutes les autres d'époques ont du mal à nous satisfaire pleinement aujourd'hui ; certes entraînantes, leurs mélodies a du mal à nous toucher.

Comédie musicale sans génie mais tellement exhubérante dans son flot de couleurs et de chansons qu'elle demeure très agréable d'autant plus que le charmant minois de Miss Faye est toujours aussi cinégénique. A signaler, comme pour le très beau Hollywood Calvalcade contenu dans le même coffret, que la copie est globalement superbe ; en revanche la traduction des sous titres a été faite au mot à mot ce qui donne parfois des résultats très curieux néanmoins compréhensibles.
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Jeremy Fox
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Re: John Payne (1912-1989)

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Le Western

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El Paso, ville sans loi (El Paso, 1949) de Lewis R. Foster
PARAMOUNT


Sortie USA : 05 août 1949


Après le nombre de westerns noirs et adultes sortis dans les mois précédents, à la vision d’El Paso, les spectateurs de l’époque ont du se croire revenu quelques années en arrière, ce film se révélant être délicieusement anachronique pour 1949, totalement désuet par son ton et son style malgré une histoire une nouvelle fois assez sombre. En effet, le film de Lewis R. Foster retrouve une naïveté qui avait un peu déserté le genre et fait bien plus penser à la vague des westerns de série du début des années 40 dans lesquels George Gabby Hayes faisait déjà office de faire valoir comique à ces stars montantes qu’étaient John Wayne ou Randolph Scott. Ici, il s’acoquine avec un nouveau venu dans le genre, John Payne, sans changer quoi que ce soit au personnage cocasse et pittoresque qu’il a toujours tenu. L’histoire proposant plusieurs pistes intéressantes n’allait pas tenir toutes ses promesses à l’écran mais le spectacle allait néanmoins se révéler agréable.

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La Guerre de Sécession vient de prendre fin. L’ex-officier confédéré Clay Fletcher (John Payne) reprend son métier d’avocat à Charleston. Il saute néanmoins sur la première occasion d’aller faire signer un document au juge Jeffers (Henry Hull) désormais installé à El Paso pour raison de santé, dans le but de lui demander la main de sa fille, Susan (Gail Russell). Ce qu’il découvre n’est pas bien reluisant : la ville texane est sous la coupe du tenancier d’un saloon, Bert Donner (Sterling Donner) dont le bras droit n’est autre que le shérif local, le véreux LaFarge (Dick Foran). Ils font régner la terreur, s’octroyant les terres des soldats partis au combat leurs épouses n’ayant pas pu s’acquitter à temps des impôts, faisant lyncher ceux qui font mine de se révolter, profitant de la faiblesse du juge déchu devenu alcoolique pour lui dicter des sentences impitoyables. Outré par les procès truqués, par le comportement des notables et par la violence qui règne en ville, il décide, en tant qu’homme de loi, de prendre légalement la défense des fermiers spoliés. Mais après que son futur beau-père se soit fait assassiner suite à un procès qui avait enfin fait innocenter un pauvre paysan tué à son tour, il se transforme en nettoyeur sans concession, faisant subir aux despotes le même traitement que ces derniers faisaient endurer aux pauvres bougres se mettant en travers de leur chemin. Les morts s’accumulent, ce qui n’est pas du goût de Susan qui fait venir le grand-père de Clay. Elle espère qu’il pourra faire entendre raison à son petit-fils d’autant qu’elle ne souhaite pas épouser un homme devenu meurtrier

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« Si vous voulez vivre, apprenez à tirer » dira-t-on à l’avocat venu à El Paso juste pour demander la main de la fille du juge. Au vu de ce conseil et à la lecture de l’histoire on constate à quel point le film pouvait sembler sombre ; mais comme dit précédemment, il ne se révèle qu’une petite série B sans conséquences dont le ton se révèle finalement assez décontracté. Il faut dire que Lewis R. Foster fut longtemps gagman pour les courts métrages burlesques de Hal Roach avant d’écrire des scénarios et de venir sur le tard à la mise en scène. Parmi ses écrits signalons surtout qu’il est à l’origine du sujet original d’un des chefs-d’œuvre de Frank Capra, le célèbre Monsieur Smith au Sénat (Mr Smith go to Washington) et qu’il fournira à René Clair l’idée de sa délectable comédie C’est arrivé demain (It Happened Tolmorrow). En tant que cinéaste, il se spécialisera dans le polar et le western de série B, El Paso étant son premier western et le premier de ses films produits par le duo William H. Pine et William C. Thomas. Leur compagnie distribuée par la Paramount produira la plupart des œuvres suivantes de Lewis R. Foster dont le genre de prédilection deviendra le film d’aventure exotique coloré, John Payne et Rhonda Fleming étant de presque toutes ces escapades. On prénommait Foster ‘le Cecil B. DeMille du budget minuscule’ et il eut pour autre partenaire d’élection, la douce et jolie Gail Russell qu’il se partageait avec l’autre réalisateur qui œuvrait à l’époque quasiment dans le même style de film, Edward Ludwig, auteur du magnifique Le Réveil de la Sorcière Rouge (Wake of the Red Witch). En tout cas, le cinéaste eut la cote auprès des cinéphiles français de l’époque, Tavernier et Coursodon écrivant même dans leur première édition sur 30 ans de cinéma américain "Heureux les cinéphiles qui ont connu Foster" !

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Dans El Paso, on voit apparaître pour une des premières fois celui qui sera une révélation l’année suivante dans la peau du gangster Dix Handley, celui de Quand la Ville Dort (Asphalt Jungle) de John Huston, le charismatique Sterling Hayden. Dans ce western, même s’il est le meneur des ‘Very Bad Guys’, on peut dire qu’il s’avère assez transparent, les scénaristes n’ayant pas eu l’air de s’intéresser plus que ça aux méchants du film, aucun d’eux ne nous laissant forte impression. A ses côtés, on retrouve donc Gail Russell, l’une des actrices les plus attachantes du moment, deux ans après son personnage inoubliable dans L’Ange et le Mauvais Garçon (The Angel and the Badman). C’est cette même année 1949 qu’on pouvait aussi la voir dans cette merveille méconnue signée Edward Ludwig dont je touchais deux mots le paragraphe juste au dessus. Dans El Paso, elle n’a pas grand-chose à faire mais arrive pourtant à nous attendrir. Son père, le juge fantoche qu’elle soutient par amour filial, est interprété par le sympathique Henry Hull, déjà de la distribution de Colorado Territory de Raoul Walsh, surtout connu dans le genre pour avoir été le major Rufus Cobb, journaliste teigneux et râleur dans le dytique Jesse James / The Return of Frank James. Si George Gabby Hayes interprète encore et toujours le rôle du vieux grincheux aux cheveux blancs, Mary Beth Hughes se voit octroyer un personnage secondaire tout à fait savoureux, celui d’une ‘voleuse de diligence’ d’un genre tout particulier : alors qu’elle fait route assise aux côtés de ses compagnons de voyage, elle leur propose de garder leur argent prétextant qu’il serait à l’abri en cas d’attaques par des bandits, ces derniers ne s’en prenant jamais aux femmes ; bien entendu, à l’arrivée, avant que les dupés pensent à lui redemander leurs biens, elle s’est éclipsée !

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Mais le héros du film est interprété par John Payne. Après avoir été l'un des jeunes premiers des comédies musicales de la Fox auprès de Betty Grable ou Alice Faye, avec El Paso il entre dans une seconde partie de carrière où, cette fois (le veinard) aux côtés de Rhonda Fleming, Gail Russel ou d'autres belles jeunes femmes, il tourne des dizaines de films d'aventures ou westerns de série B dont de nombreux sont réalisés par Lewis R. Foster et Edward Ludwig. L’acteur dont le nom ne dira pas grand-chose à beaucoup, aura pourtant toujours une place de choix dans le cœur des cinéphiles pour avoir été le comédien de prédilection d’Allan Dwan dans les années 50 dans les films qu’il tourna avec le producteur Benedict Bogeaus (nous les aborderons dès 1954). A cause d’un physique assez neutre et un visage quasiment immuable, beaucoup le jugeront fade mais, à l’instar de Randolph Scott, je lui trouve au contraire (dans El paso, son premier western et après aussi d’ailleurs) une certaine élégance de dandy et un jeu à la sobriété exemplaire, ne tablant jamais sur quelques mimiques ou grimaces que ce soit, ne cherchant jamais à trop en faire. Certains prendront cette forme ‘d'underplaying’ pour un manque de talent ; pour ma part, il me convient tout à fait. En tout cas, John Payne possède une belle prestance dans ce western où il incarne un personnage plutôt complexe tour à tour homme de loi nonchalant ou chef d’une milice n’hésitant pas une seconde à massacrer ses anciens ennemis. Bref, un nouveau venu dans le genre qui s’y coule parfaitement bien.

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Alors certes, le film est inégal, bien trop long (98 minutes là où un autre aurait pu le boucler en à peine 70 minutes) et survole de très loin un potentiel de départ qui semblait devoir être plus ambitieux mais son but n’était à priori que de divertir et, sans rien vouloir révolutionner, il le réussit parfois plutôt bien notamment dans la description de ce personnage principal tiraillé entre son éthique et sa soif de vengeance. Si de nombreux westerns avaient déjà évoqués l’après guerre civile, il me semble n’avoir encore jamais vu ces images de soldats disséminés sur la route, leur paquetage sur les épaules, en train de revenir dans leurs foyers ou ces femmes ayant été expulsées de leurs terres pour ne pas avoir pu payer assez vite leurs taxes, campant au bord de la route pour être certain de ne pas louper leur époux de retour des combats. D’autres images assez inédites et en Cinécolor, celle des pendus que l’on redescend de l’arbre en plein jour devant les citoyens vaquant à leurs occupations, ce curieux plan d’un cerf en contre-jour regardant la diligence traverser le paysage ou encore ces paysages calcaires au sein desquels a lieu une poursuite assez efficace au premier tiers du film. Enfin, Lewis R. Foster s’essaie à des trucs de mise en scène qui semblent parfois incongrus, comme le montage de la séquence d’apprentissage au tir au pistolet, mais qui peuvent s’avérer par la même occasion assez enthousiasmants par leur cocasserie même si ce n’était certainement pas le but poursuivi.

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De la même manière, le combat final qui se déroule dix minutes durant lors d’une tempête de vent et de sable, s’il s’avère dramatiquement peu efficace le spectateur n’arrivant pas à distinguer grand-chose, nous octroie quelques flagrances plastiques probablement involontaires mais bien présentes telles ces ombres apparaissant subrepticement le révolver au poing ou ces plans redoutablement énergiques de cavaliers en pleine course entourés par un nuage de poussière orangé. Quelques fulgurances, quelques images assez neuves, une histoire assez intéressante et quelques comédiens plutôt bien choisis pour un western de série un peu démodé qui ne devrait plaire qu’aux seuls aficionados.

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L’Aigle et le Vautour (The Eagle and the Hawk, 1950) de Lewis R. Foster
PARAMOUNT



Avec John Payne, Rhonda Fleming, Dennis O’Keefe, Thomas Gomez, Fred Clark, Frank Faylen, Eduardo Noriega, Walter Reed…
Scénario : Lewis R. Foster & Daniel Mainwaring
Musique : Rudy Schrager
Photographie : James Wong Howe (Technicolor)
Une production William H. Pine & William C. Thomas (Paramount)
Couleur - 97 mn - 1950


Sortie USA : 30 mai 1950


Notre parcours nous avait déjà fait croiser une fois la route de Lewis R. Foster alors que nous en étions à l’année 1949. Il nous présentait alors son premier western assez anachronique, le sympathique mais oubliable El Paso. A l’occasion nous avions rapidement abordé sa filmographie ; rappelons succinctement que parmi ses contributions célèbres, il fut à l’origine du sujet original de Monsieur Smith au Sénat (Mr Smith goes to Washington) de Frank Capra et que Tavernier et Coursodon dans la première édition de leur livre sur 30 ans de cinéma américain avaient écrit sur lui ce court mais surprenant éloge : ‘Heureux les cinéphiles qui ont connu Foster’ et à propos de ce deuxième western du cinéaste, ‘dont l’humour et la photo de James Wong Howe ne manquent pas d’agréments’. Bref, si le nom de ce cinéaste ne dira aujourd’hui certainement rien à une immense majorité, il serait convenable de ne pas complètement l’oublier. Il se rappelle à nous aujourd’hui avec son excellent deuxième essai dans le genre, L’Aigle et le Vautour ; à notre tour de le faire sortir de l’injuste oubli dans lequel il est tombé.
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En 1863, en plein milieu de la Guerre de Sécession, le Texas Ranger Todd Croyden (John Payne) délivre Whitney Randolph (Dennis O’Keefe) d’un camp de prisonniers confédérés. De retour au Texas, le gouverneur lui apprend que l’homme qu’il vient de sortir de cette mauvaise posture n’est autre qu’un espion à la solde des Nordistes. Todd n’en croit pas ses oreilles ; avoir risqué sa vie pour sauver un ennemi du Sud ! Et ce n’est pas fini puisqu’il est maintenant chargé de l’accompagner au Mexique. En effet, il semble se préparer dans ce pays un bien plus grand danger que les conflits civils qui gangrènent actuellement les Etats-Unis et contre lequel il convient de s’assembler pour lutter. On a cru comprendre que non loin de la frontière, le général mexicain Liguras surnommé ‘le vautour’ (Thomas Gomez) levait une armée dans le but d’envahir le Texas. Il faut aller s’en rendre compte sur place d’autant que le précédent agent secret envoyé en ces lieux est désormais porté disparu et que les armes que les américains font porter au président Juarez n’arrivent jamais à destination. En route, les deux hommes aident Madeline (Rhonda Fleming), une jolie demoiselle, à se sortir d’un mauvais pas, son chariot s’étant retrouvé coincé au milieu d’une rivière. En arrivant dans la première ville mexicaine, ils la retrouvent et apprennent qu’il s’agit de la fille de l’important Basil Danzeeger (Fred Clark) qui semble faire la pluie et le beau temps dans la région. Ils découvrent sans tarder que le prédécesseur de Whitney a été tué et que la situation est encore plus compliquée que ce qu’ils avaient suspecté…

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John Payne : “This spying business … wouldn’t be dangerous would it?”
Dennis O’Keefe “Little bit. Worse that can happen to you is you get killed.”

A postériori, ce western pourra peut-être sembler banal mais puisque nous avançons chronologiquement, nous ne pouvons que constater avec surprise que ce film pourrait tout simplement être l’un des premiers westerns d’espionnage et que c’est aussi l’une des premières fois que l’action se déroulait quasi intégralement sur le territoire mexicain et non plus en Amérique du Nord même si le tournage a eu lieu en Arizona. En tout cas, nous concernant, il s’agit de nouveautés d’où mon envie encore plus grande de vouloir défendre ce petit western méconnu mais qui aura innové sur plusieurs plans. Il est également intéressant de constater que les mexicains ne sont encore pas ici caricaturés comme ils le seront trop souvent par la suite y compris dans des chefs-d’œuvre du genre. Rendons grâce pour tout ceci au scénariste Daniel Mainwaring (déjà auteur non négligeable de petites pépites telles La Griffe du Passé – Out of the Past de Jacques Tourneur ou encore de Ca Commence à Vera Cruz – The Big Steal de Don Siegel) qui, en collaboration avec le réalisateur lui-même, a signé un scénario non seulement novateur mais intelligent, extrêmement bien écrit, plein d’humour et historiquement passionnant.

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Eduardo Noriega : “I see a army building in the mountains, I see peasants with silver in their pockets for joining that army, and I hear El Captain speak of leading an army into Tejas when word and arms come from Presidente Juarez.”

Alors que la Guerre de Sécession faisait rage, Napoléon III a voulu profiter de cette déstabilisation et vulnérabilité du pays pour installer à la tête du Mexique, Maximilien d’Autriche, trahissant ainsi le président légitime, Benito Juarez, alors ami du gouvernement américain. Le fait historique est bien réel mais, il serait dommage au détriment de l’intrigue, de dévoiler les rouages qui feront prendre conscience à nos héros de ce coup d’état qui se préparait en sourdine. Car l’imbroglio d’espionnage mis en place par les scénaristes, quoique très fluide et finalement assez attendu, n’en est pas moins captivant pour l’époque. Mais ce n’est pas le seul point positif de ce script ; en effet, le duo que Foster et Mainwaring a décrit, celui formé par un Texas Ranger et un agent secret du camp adverse, est bougrement attachant et leurs relations faites d’amitié, de connivence et d’ironie m’ont fortement fait penser à celles qui lieront plus tard les personnages interprétés par Roger Moore et Tony Curtis dans la série Amicalement Votre ; une sacrée belle descendance quand même ! Et vu que John Payne et Dennis O’Keefe sont parfaits dans la peau de leurs protagonistes respectifs, on se régale de leurs échanges divinement spirituels ; il faut dire que les dialogues concoctés pour ce film et dont j’ai parsemé ce texte de quelques exemples, s’avèrent brillants et savoureux. Attention, ne vous y trompez pas ; il ne s'agit aucunement d'une comédie mais d'un film bourré d'humour, nuance !

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John Payne à Rhonda Fleming : “I don't know anything about you, except you can tie a man's stomach in knots and make his tongue feel as thick as a saddle blanket.”

Pour compléter cette histoire d’espionnage et d’amitié, une romance se fait jour entre John Payne et Rhonda Fleming, un couple dont l’alchimie fonctionne à merveille et qui se reformera à de nombreuses reprises sous la direction du même Lewis R. Foster mais aussi sous celle plus prestigieuse d’Allan Dwan. Rien de naïf ni de mièvre dans cette histoire d’amour qui, sans en dire plus, a peut-être pu influencer Fritz Lang pour son Rancho Notorious ; en effet, elle possède de nombreux points communs avec celle liant Marlene Dietrich et Arthur Kennedy. Et les amateurs d’action là dedans ; entre délicates réparties humoristiques, running gag amusants (celui des bottes), imbroglio d’espionnage, mise en perspective historique et séquences romantiques, sont-ils oubliés pour autant ? Pas du tout car le film file à vive allure et n’est pas dénué de scènes mouvementées qui culminent avec celle au cours de laquelle John Payne est attaché entre deux mustangs lancés au grand galop dans le but de le faire mourir écartelé et dépecé. Dommage que le manque de moyens se fassent ressentir à ces moments cruciaux et que l’utilisation maladroite des transparences gâche un peu notre plaisir. Car oui, il s’agit malgré tout d’un petit film de série solidement réalisé par Lewis R. Foster, ce dernier ne s’avérant cependant pas assez doué pour constamment pallier à ce trop petit budget comme le seront par exemple André de Toth ou Budd Boetticher.

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Saluons aussi la photographie en Technicolor de James Wong Howe qui nous avait surtout habitué jusqu’à présent à manier le noir et blanc avec ‘dextérité’ et un casting parfaitement choisi. Si Rhonda Fleming n’est pas spécialement une grande actrice, cette sculpturale rousse en impose quand même sacrément, Fred Clark et Frank Faylen sont des ‘méchants’ que l’on aime haïr et nos deux compagnons de fortune sont superbement interprétés par Dennis O’Keefe, le bavard impénitent, et John Payne, bien moins loquace, préfigurant l’homme sans nom de Leone avec ses réparties cinglantes et non dénuées d’une forte dose d’ironie. Alors qu’on le critique souvent pour sa fadeur, je vous conseille de jeter un coup d’œil sur la prestation qu’il délivre dans ce film pour vous rendre compte qu’il n’en est rien. Un acteur à redécouvrir d’urgence et que nous n’avons pas fini de croiser, pour mon plus grand plaisir. Un scénario intelligent et bien ficelé, de l’humour à revendre, de la romance, de l’action, un arrière fond historique passionnant, une pointe d'émotion inattendue vers le final… il manque assurément un grand metteur en scène derrière la caméra mais n’accablons pas plus ce pauvre Lewis R. Foster car son travail de bon artisan nous aura fait passer un moment bougrement agréable.

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Pas de DVD pour ce film ; autant dire qu’il rentre directement dans mes souhaits les plus urgents pour pouvoir le revoir dans des conditions plus correctes, la copie sur laquelle j'ai pu le visionner étant celle avec le logo de la chaîne Action.

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Quatre étranges cavaliers (Silver Lode, 1954) de Allan Dwan
RKO


Avec John Payne, Lizabeth Scott, Dan Duryea, Dolores Moran, Emile Meyer, Robert Warwick, John Hudson, Harry Carey Jr., Alan Hale Jr., Stuart Whitman.
Scénario : Karen DeWolf
Musique : Louis Forbes
Photographie : John Alton (Technicolor)
Un film produit par Benedict Bogeaus pour la RKO


Sortie USA : 23 juillet 1954

Jusqu’à présent, à l’exception en 1939 de Frontier Marshall (L’aigle des frontières), bien terne version de l’histoire du shérif Wyatt Earp et de son amitié avec Doc Holiday dont John Ford fera un remake avec My Darling Clementine (La poursuite infernale), Allan Dwan nous aura déjà offert en ce début de décennie trois autres westerns on ne peut plus plaisants : La Belle du Montana (Belle Le Grand) et La Femme aux revolvers (Montana Belle), deux westerns mélodramatiques du plus bel effet, aussi charmants que désuets, ainsi que La Femme qui faillit être lynchée (Woman who almost Lynched) qui sortait un peu des sentiers battus, donnant tous les rôles principaux à des femmes au sein d’une intrigue d’une étonnante richesse. Silver Lode marque le début d’une fameuse collaboration avec le producteur Benedict Bogeaus et confirme que Dwan était non seulement un homme sensible mais également le cinéaste qui, dans le genre, s'intéressait le plus aux personnages féminins, leur donnant une étoffe, une éthique et une importance encore assez rares. Un western lorgnant du côté du film du film noir ; un des grands chef-d'oeuvre de la série B !

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Le jour de la fête nationale à Silver Lode, on s’apprête à célébrer le mariage de Dan Ballard (John Payne) avec Rose Evans (Lizabeth Scott), la fille du plus riche notable de la localité. La cérémonie se voit interrompue par l’arrivée inopinée de "quatre étranges cavaliers" dont le chef se dit être un Marshall (Dan Duryea) venu arrêter Ballard. Il l’accuse d’avoir, deux ans plus tôt, tué son frère d’une balle dans le dos et d’avoir dérobé 20 000 dollars. Il souhaite le ramener dans l’Etat où la tragédie s’est déroulée afin qu’il y soit jugé. Grâce à l’appui de ses concitoyens, Ballard obtient un sursis de deux heures afin de prouver son innocence. Le mystérieux Marshall, grâce à quelques malheureux concours de circonstances, va arriver à faire se retourner l’opinion publique en sa faveur, Ballard devenant ainsi la brebis galeuse et allant désormais devoir se défendre (presque) seul et contre tous. La tension est à son comble ; la violence ne va pas tarder à éclater et faire de nombreuses et innocentes victimes…

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En plus de marquer le début de l’association Dwan/Bogeaus, Silver Lode est la première rencontre entre le cinéaste et l’un de ses interprètes de prédilection, l’excellent et trop méconnu John Payne (déjà mémorable dans l'excellent mais trop ignoré L'aigle et le vautour (The Eagle and the Hawk de Lewis R. Foster). C’est également le plus réputé des dix films de la collaboration prolifique entre le réalisateur et le producteur, auxquels il faut ajouter le compositeur Louis Forbes, le monteur James Leicester et le chef opérateur John Alton qui l'accompagneront tout du long. Et non seulement il s’agit d’un magnifique et âpre western de série B mais aussi dans le même temps, après les célèbres High Noon (Le train sifflera trois fois) de Fred Zinnemann et Johnny Guitar de Nicholas Ray, d’une nouvelle charge féroce contre le maccarthysme qui venait de gangréner l’industrie du cinéma de l’époque. Dwan n’avait pas eu personnellement à souffrir de la "chasse aux sorcières", et disait toujours ne pas s’intéresser à la politique, mais il semblait pourtant en avoir gardé un sacré ressentiment qu’il exprime vigoureusement dans ce virulent pamphlet. Western urbain comme le fameux Train sifflera trois fois (High Noon), il s’en rapproche tout en allant bien plus loin et surtout plus frontalement. Il faut néanmoins savoir que cette hypothèse est venue de France, Dwan lui-même n’en ayant jamais fait cas dans ses interviews, ne semblant jamais avoir eu en tête une telle idée.

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Il faut pourtant se rendre à l’évidence ; cette théorie tient toujours remarquablement bien le coup ! Jugez plutôt en relisant l'intrigue sachant que, comme son illustre prédécesseur, sa structure dramatique respecte également l’unité théâtrale de lieu et de temps ! L’élément primordial qui n’avait pas encore été indiqué lors du résumé est que le nom de famille du Marshall (qui n’est autre que le "bad guy" de l’histoire, personne n’en doute, et ce dès sa première apparition) n’est rien d'autre que McCarty. Comme le sénateur du même nom (au moins phonétiquement), sans véritables preuves à l’appui, ce manipulateur va réussir à lui seul à gagner la confiance des habitants de la ville alors qu’ils étaient jusque-là entièrement dévoués à l’accusé (le « We are behind you ! » des concitoyens de Ballard ne fera pas long feu). La réputation d’un homme connu pour son intégrité morale va être entachée en quelques heures par une simple accusation venue d’on ne sait trop où. Après un temps de lucidité et de compréhension (« Admettons que Dan ait pu se tromper dans le passé. Qui d’entre nous est immaculé ? »), le venin de McCarty va vite se propager et le doute va s’installer bien ancré dans les esprits. Au final, les résidents de Silver Lode vont, sans trop de problèmes de conscience, retourner leurs vestes. On ne pouvait guère faire plus transparent de la part de la scénariste Karen DeWolf. Devant la tristement célèbre Commission des Activités Anti-américaines, les personnalités invitées à témoigner réussissaient à détruire la réputation de leurs collègues en guère plus de temps. Mettons que Dwan ne se soit pas rendu compte de 'la parabole' mais ça me semble assez peu probable !

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Mais ce n’est pas tout et, dans la lignée d’autres films délibérément libéraux tels que Fury de Fritz Lang ou, pour rester dans le domaine westernien, L’Etrange incident (The Ox-Bow Incident) de William Wellman et le sublime Johnny Guitar de Nicholas Ray, Silver Lode fustige la lâcheté collective tout en mettant le doigt sur la bêtise de la foule prise dans un engrenage de violence, et qui n’hésite pas à vouloir rendre la justice elle-même sans en passer par un procès équitable. Le film, d’une formidable dignité, se révèle aussi éprouvants que les trois titres cités ci-dessus ; la tension est souvent à son comble au milieu de ce brassage très efficace de thèmes sociaux et politiques pour le moins assez inhabituels dans le western. Mais Silver Lode n’est pas célèbre que pour son aspect extra-cinématographique (un manifeste libéral anti-maccarthiste), ni remarquable uniquement pour son sujet, mais se trouve être dans le même temps splendide sur le plan formel et de plus magnifiquement interprété et photographié.

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Silver Lode a bénéficié d’un budget plus conséquent que les films suivants de la série qu'Allan Dwan tournera avec Bogeaus, même si la somme (800 000 dollars) reste dérisoire en rapport avec les films des grands studios ; ce n’est pas pour autant que le réalisateur l’utilisera à mauvais escient, préférant en rester à un dépouillement en corrélation avec un sujet sombre et dramatique. Il semble d’ailleurs sur ce point avoir parfaitement maitrisé son sujet. Sa mise en scène ne déroge pas au classicisme traditionnel, cependant transfigurée par une sorte d’évidence dans le choix des cadrages et de la succession des plans (le découpage sec et épuré ménage une intensité grandissante et réellement prenante), en même temps que dynamitée par l’intrusion de plans séquences absolument fulgurants comme ce célèbre travelling exalté (loué par Martin Scorsese) qui suit Ballard traqué dans les rues de la ville décorée aux couleurs de la nation. Justement à propos de Ballard, l’un de ces laissés-pour-compte qui auront toujours l’affection du cinéaste, c’est John Payne qui l’interprète avec une sobriété exemplaire, gardant toujours un visage fermé et inquiet sans chercher à trop en faire (certains prendront cette forme "d'underplaying" pour un manque de talent mais il n’en est rien, bien au contraire). Son rival dans le film, c’était déjà celui de James Stewart dans Winchester 73 et plus récemment de Audie Murphy dans le très bon Chevauchée avec le diable (Ride Clear of Diablo) de Jesse Hibbs, l’inquiétant Dan Duryea, ici une nouvelle fois prodigieux avec sa voix haut perchée, sa mine défaite et son sourire cruel. Parmi les seconds rôles apparaissent beaucoup de visages connus, en tout cas plus que leurs noms, ceux de Robert Warwick, Hugh Sanders, John Hudson, Roy Gordon, Emile Meyer et bien d’autres.

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Ce casting quatre étoiles est entériné par Dolores Moran et Lizabeth Scott dans la peau des deux personnages féminins qui sont parmi les plus intéressants du film ; ce sont elles seules qui soutiendront jusqu’au bout l’accusé et qui viendront à son secours tout au long de son itinéraire tragique, compensant la noirceur du regard du cinéaste et de sa scénariste sur la société qu’ils décrivent sans complaisance. Deux femmes d’origines sociales et de caractères presque opposés, qui auraient pu être rivales (l’une est la riche future épouse de Ballard, l’autre son ex maîtresse, Dolly, une prostituée au grand cœur), mais qui préfèreront s’unir pour sauver l’homme traqué et lui faire retrouve sa respectabilité. Si la fiancée a pu douter un instant de son mari, Dolly lui a fait confiance à chaque seconde. Dolly, femme franche et obstinée, ne passe pas par quatre chemins pour balancer leurs quatre vérités aux membres de cette société puritaine et hypocrite qui abandonne l’un de ses siens par honte d’avoir accueilli en son sein un homme qui a pu être un aventurier en son temps. Dolly (dernier rôle de Dolores Moran qui était l’épouse du producteur Benedict Bogeaus) est un personnage que le réalisateur semble avoir beaucoup apprécié, au point de terminer son film par un plan qui la montre courir en fond de plan avec en main un télégraphe innocentant son ex amant.

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Pas plus de graisse dans ce final que dans tout ce qui aura précédé, Allan Dwan étant allé à l’essentiel avec un sérieux jamais pesant (cependant non dénué d’ironie, McCarty étant tué par le ricochet de sa balle sur la cloche de l’église). Il nous aura délivré au bout du compte une œuvre dure, digne et remarquable, stigmatisant les préjugés et l’absence de générosité morale dans une société qui n’hésite pas à piétiner ses propres croyances en allant jusqu’à envahir une église pour attraper le fugitif. Un des très grands westerns américains de l’histoire du cinéma, aussi bien sur le fond que sur la forme. Un western que l'on peut légitimement comparer et préférer au train sifflera trois fois. Dommage que le film de Dwan soit moins célébré que son prédecesseur.

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Sorti en zone 2 dans un coffret Allan Dwan édité par Carlotta.

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Le Mariage est pour Demain (Tennessee’s Partner - 1955) de Allan Dwan
RKO


Avec John Payne, Rhonda Fleming, Ronald Reagan, Coleen Gray, Anthony Caruso, Morris Ankrum, Leo Gordon
Scénario : D.D. Beauchamps, Milton Krims, C. Graham Baker & Teddi Sherman
Musique : Louis Forbes
Photographie : John Alton (Technicolor 2.00)
Un film produit par Benedict Bogeaus pour la Benedict Bogeaus Production


Sortie USA : 21 septembre 1955

Juste après que se soit bouclée la sublime collaboration westernienne entre Anthony Mann et James Stewart avec L’Homme de la Plaine (The Man from Laramie), voici qu’à son tour prenait fin non pas le corpus de westerns d’Allan Dwan dans son intégralité (puisqu’il en réalisera encore un en 1957, The Restless Breed) mais la très bonne série de westerns qu’il signa sous l’égide du producteur Benedict Bogeaus. Ce que le prolifique cinéaste avait jusqu’à présent réalisé dans le genre depuis le début des années 50 se sera révélé aussi discret que dispensateur de bonheur et de réjouissance. Aujourd’hui, tous ces films restent pour la plupart encore assez méconnus à l’exception de Silver Lode ; probablement à cause de leur trop grand classicisme et à leur absence totale d'ironie qui ne cadre plus bien avec l'époque actuelle. Il y eut tout d’abord sa série RKO/Républic qui ne manquait pas de charmes avec les plaisants La Belle du Montana (Belle Le grand), Montana Belle et, pour point d’orgue, l’excellent La Femme qui faillit être lynchée (Woman they almost Lynched) ; puis ce fut le début de sa collaboration avec le producteur sus-cité et le superbe et puissant Quatre Etranges Cavaliers (Silver Lode) suivi par Tornade (Passion), curieux mais pas totalement abouti, et enfin le séduisant et naïf La Reine de la Prairie (Cattle Queen of Montana). Rien ne nous préparait cependant à ce qui allait être son chef-d’œuvre, ce doux et splendide Tennessee’s Partner, d’autant plus qu’il faisait suite à deux films exotiques guère enthousiasmants : Les Rubis du Prince Birman (Escape to Burma) et La Perle du Pacifique (Pearl of the South Pacific). Un western unique dans son ton et d'autant plus précieux qu'il peut sembler anecdotique à la première vision tellement il se fait discret y compris dans sa mise en scène !

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A l’époque de la ruée vers l’or dans une petite ville californienne, on fréquente assidument l’accueillant saloon tenu par la sculpturale ‘Duchesse’ (Rhonda Fleming), elle-même entourée d’une kyrielle d’autres belles jeunes filles à marier. La maîtresse de maison est amoureuse de l’élégant Tennessee (John Payne), un joueur professionnel cynique qui ne veut pour l’instant pas entendre parler de mariage. Arrive Cowpoke (Ronald Reagan), un honnête cow-boy de passage venu attendre sa promise, qui sauve la vie de Tennessee en abattant un tueur à gage payé par un joueur rival pour l’assassiner. Une belle amitié se noue entre les deux hommes. Tennessee, en apprenant l’identité de la fiancée de son nouvel ami, Goldie (Coleen Gray), une aventurière cupide de sa connaissance, se doutant qu’elle n’en veut en fait qu’à son argent, fait tout son possible pour la faire repartir. Goldie s'étant exécutée, grassement payée pour le faire, les habitants de la ville ne se gênent plus pour accueillir Cowpoke avec moqueries et sarcasme. Ce dernier, se sentant ridiculisé, frappe violemment Tennessee avant de comprendre qu’il n’a agi que dans son intérêt. Mais leur amitié ainsi renforcée va buter contre la folie furieuse des mineurs quand ils apprennent que l'un d'entre eux, le vieux Grubstake (Chubby Johnson), a trouvé un filon dont il ne tient pas à révéler l'emplacement ; les conséquences seront dramatiques…

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Après deux incursions dans l'exostisme, avec Tennessee’s Partner Allan Dwan fait son retour dans l’Ouest américain du 19ème siècle réalisant du même coup peut-être son plus beau film, en tout cas également le préféré du cinéaste, un western tendre et mélancolique, plus préoccupé de s’appesantir sur les personnages et les relations qu’ils entretiennent entre eux que par l’intrigue, même si cette dernière est loin d’être inintéressante. En tout cas, le scénario est remarquablement bien construit et mené de main de maître. Nous sommes à l’époque de la ruée vers l’or dans une petite ville californienne dans laquelle l’établissement le plus assidument fréquenté est l’accueillant ‘Marriage Market’ tenu par ‘The Duchess’ (Rhonda Fleming), une rousse sculpturale entourée d’une kyrielle d’autres belles jeunes filles à marier. La maîtresse de maison est amoureuse de l’élégant Tennessee (John Payne), un joueur professionnel cynique possédant une bien piètre opinion de l’âme humaine. The Duchess et Tennessee, partenaires en amour mais aussi professionnellement, puisque non seulement le charme des filles aide à remplir les caisses mais en plus les gains récoltés grâce aux cartes viennent s’y ajouter. Une telle manne financière vient à faire naître des jalousies et beaucoup de joueurs cherchent ainsi à provoquer l’inébranlable Tennessee, le traitant de tricheur pour pouvoir s’en débarrasser en état de ‘légitime défense’. Mais intelligemment, ce dernier ne préfère pas faire attention aux provocations, au grand dam de ses adversaires qui repartent bredouilles. Certains notables détestant le joueur tentent alors d’employer les grands moyens en embauchant des tueurs à gage. Pas de chance pour ces derniers ; justement le jour où Tennessee est sur le point d’être abattu par l’un d’entre eux, entre en jeu Cowpoke (Ronald Reagan), un cow-boy de passage qui lui sauve la vie en abattant le tueur. C’est le début d’une grande amitié entre deux hommes de caractères, de moralités et de tempéraments totalement différents.

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Cowpoke est un homme foncièrement honnête, d’une naïveté confondante, ne disant jamais le moindre mal de quiconque et prêt à défendre le premier venu. Pour l’interpréter, nous trouvons un Ronald Reagan inattendu, certainement dans l’un des ses plus beaux rôles, celui d’un homme très attachant par sa candeur et sa gentillesse, un personnage qui tranche avec les héros habituels du western. Cowpoke est venu en ville attendre sa promise qui doit arriver par le River Boat. Tennessee, en apprenant l’identité de la fiancée de son nouvel ami, une aventurière cupide de sa connaissance (l'une de ses nombreuses anciennes amantes), se doutant qu’elle n’en veut en fait qu’à son argent (son prénom, Goldie, est loin d’être innocemment choisi), fait tout son possible pour la faire repartir. Il y réussit mais Cowpoke, se sentant ridiculisé, le maltraite violemment avant de se rendre compte que Tennessee n’a agit de la sorte que pour lui venir en aide. Le final sera tragique mais nous n’en dévoilerons pas ici la teneur ; il est là pour nous rappeler que, contrairement à ce que son titre français avait pu nous le faire croire, il ne s’agit pas d’un western humoristique même si le film possède beaucoup de caractéristiques de la comédie américaine au travers surtout de savoureux dialogues et de certaines situations. D'ailleurs le début du film aurait pu aussi nous induire en erreur : le générique se déroulait sur une chanson entraînante, la première séquence voyant Chubby Johnson tenter de faire se lever sa mule couchée au milieu de la rue se révélait cocasse tout comme la suivante montrant Rhonda Fleming donner des conseils de bienséance à ses filles (dont l’une d’elle, si vous faites très attention, n’est autre qu'Angie Dickinson), toutes légèrement vêtues de tenues affriolantes.

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Ce qui a immédiatement plu au réalisateur à la lecture de l’histoire originale de Bret Harte (auteur dont il collectionnait les livres) étaient les relations entre les deux hommes et l’atmosphère de mélancolie qui s’en dégageait, le tout au milieu d’un tableau brossant les effets de la fièvre de l’or en Californie. Ayant collaboré pour la première fois de très près à l’écriture, avec les nombreux scénaristes qui ont participé à son élaboration, Dwan a remarquablement bien retranscrit ces éléments et l’on peut dire qu’il a réussi un western au ton unique, à la fois doux et grave, léger et tragique. C’est aussi à partir de ce film qu’on a pu admirer la perfection plastique du travail de John Alton et de Van Nest Polglase ; si leur travail était déjà superbe au travers de quelques séquences dans les films précédents, il est ici constamment splendide et il aboutira à une sorte de perfection esthétique dans le suivant, Slightly Scarlet (Deux Rouquines dans la Bagarre). Le placement de bouquets de fleurs colorés au milieu des plans, l’harmonie des couleurs primaires et (ou) pastels dans les intérieurs, la profondeur des noirs, la douceur des travellings, la magnificence de la contre-plongée sur la table de jeu enfumé à côté de laquelle tranche la robe rose de Rhonda Fleming, la beauté des ombres et des clairs obscurs… tout cela donne une patine et une splendeur visuelle unique à cet intimiste Tennessee’s Partner qui culmine, esthétiquement parlant, dans ce plan final de sépulture crépusculaire en haut d’une colline.

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Attention cependant, cette beauté (toujours discrète) ne vient jamais perturber le spectateur qui continue à suivre l’intrigue et à s’attacher aux personnages avec la plus grande passion. Car outre Ronald Reagan (comédien pas si mauvais qu’on a voulu le faire croire), Rhonda Fleming et John Payne forment un duo absolument inoubliable. La rousse pulpeuse tient son rôle de femme de tête avec une belle détermination sans jamais pour autant nous la rendre froide ; son apparition de dos dans la baignoire est à l’origine de l'une des séquences les plus puissamment érotiques que l’on ait pu trouver dans un western de l’époque (si ce n’est celle équivalente avec Jeanne Crain dans la même situation dans L’homme qui n’a pas d’Etoiles de King Vidor). Son partenaire est interprété par un John Payne au sommet de son talent. Après avoir été le sympathique héros d’innombrables comédies musicales de la Fox dans les années 40 aux côtés de Betty Grable ou d'Alice Faye, il entre ici dans la peau de Tennessee avec une classe, un flegme et une élégance que rehausse sa fine moustache. Tout en finesse, sans jamais en faire de trop (de l’underplaying avant l’heure) Payne nous donne une interprétation de tout premier ordre. Par un simple regard, sa prise de conscience finale qu’une réelle amitié pouvait bel et bien exister dans un monde qu’il jugeait trop sévèrement est tout simplement déchirante : "Et dire que je ne connaissais même pas son nom !". Encore un comédien bien sous-estimée ! On peut regretter en revanche que les personnages secondaires soient un peu laissés de côté surtout quand ils sont interprétés par des habitués du genre comme Coleen Gray, Morris Ankrum, Leo Gordon ou Anthony Caruso. En voilà un western dont on aurait aimé que sa durée soit double afin de pallier à ces manques.

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Tennessee’s Partner est un western d’une poignante simplicité (à l’exemple des patronymes des protagonistes, tous appelés par leurs surnoms), d’une formidable élégance dans sa mise en scène, d’une belle originalité dans la description des rapports entre les personnages ; "une tragédie optimiste" comme l’a décrit Jacques Lourcelles. Peut-être aviez-vous découvert ce western à la télévision dans les années 70 puisqu’il a été diffusé sous le titre Le Mariage est pour demain mais aussi sous celui du Bagarreur du Tennessee, des titres qui n’entretiennent pas plus de rapport l’un que l’autre avec le film, et qui le font même passer pour ce qu’il n’est pas par leur total contresens. Laissons conclure Patrick Brion qui, dans son ouvrage sur le western, en écrivait une véritable déclaration d’amour : "Dire que Tennessee’s Partner est le plus chatoyant et le plus séduisant des westerns hollywoodiens est une évidence. La beauté des couleurs de la photographie de John Alton, le soin apporté aux décors et aux costumes et la présence de la voluptueuse Rhonda Fleming, dont les épaules sont déjà un enchantement, suffisent à rendre le film incomparable…" Un Far West qui aura rarement été aussi séduisant !

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Le film existe dans le coffret Alan Dwan sorti par Carlotta. Copie correcte même si décevante.

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Jeremy Fox
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Re: John Payne (1912-1989)

Message par Jeremy Fox »

Le film noir



Deux rouquines dans la bagarre (Slightly Scarlett, 1956)

"Slightly Scarlett" est tiré de Love's Lovely Counterfeit, un roman de James Cain paru en 1942, unanimement conspué, l’un de ses plus gros ratages selon les admirateurs de l’auteur de série noire. De ce mauvais livre, Allan Dwan et son scénariste Robert Blees réussissent à nous donner un superbe et sulfureux film noir en couleurs. Son scénario est d’une banalité confondante, l’habituelle description de la lutte de pouvoir que se livrent les notables, la corruption qui règne en maître, la mainmise qu’à eu l’empire du crime sur une ville américaine…Mais Allan Dwan et Robert Blees semblent se fiche comme d’une guigne des péripéties et d’une quelconque montée dramatique préférant se concentrer une fois encore sur leurs personnages et les décors opulent dans lesquels ils évoluent. Sans moyens financiers ni beaucoup de suspense, ils arrivent néanmoins à nous offrir une œuvre baroque et visuellement somptueuse, John Alton atteignant ici des sommets à l’égale de ses plus belles participations aux films de Vincente Minnelli, son utilisation du noir profond pour rehausser encore les couleurs flamboyantes ou rendre encore plus contrastés les clairs obscurs est tout simplement prodigieuse.

Bref, un film noir un peu filmé à la manière d’un mélodrame flamboyant ! Comme dans la plupart de ses derniers films, Dwan met encore en scène un trio, ici mené par un antihéros interprété avec toujours autant de classe par John Payne. Ce personnage remarquablement écrit est accompagné ici des deux merveilleuses rousses du titres français, aussi photogéniques et cinégéniques l’une que l’autre, rivalisant de beauté et d’érotisme, Arlene Dahl et Rhonda Fleming. Rien que les voir tous trois participer à ce jeu de dupes et de manipulation est une véritable délectation ; quant en plus on les admire évoluer dans de somptueux costumes à l’intérieur de brillants appartements confinés ou de luxueux bureaux, au milieu d’une cité balnéaire constamment ensoleillée, le régal pour les yeux est constant. Dommage que le film fut dès le début connoté série Z et que de ce fait ne fut quasiment projeté que dans les Drive In. Mais c’est peut-être aussi grâce à ce départ peu reluisant que le retournement de situation l’a fait devenir un film culte.

Ce statut provient avant tout du fait de la causticité des dialogues, de l’immoralité doublée de cupidité de l’ensemble des protagonistes et de la violente sensualité qui se dégage du tout, un érotisme troublant dont la censure n’a étonnamment pas cru bon de punir, pour notre plus grand bonheur ! Il faut avoir vu l’aguichante Arlene Dahl brûler la main de John Payne avec un briquet avant de lui susurrer qu’elle serait aussi capable de lui faire des choses bien plus douces ; il faut l’avoir vu se vautrer lascivement sur un canapé jouant avec ses bas, pas farouche pour deux ronds à l’arrivée d’un homme qu’elle n’a encore jamais vu et qu’elle invite pourtant immédiatement à venir se joindre à elle ; il faut avoir vu les shorts courts et moulants ainsi que les nuisettes plus que légères et suggestives élégamment portés par la capiteuse Rhonda Fleming… Les séquences de violence dispensées avec parcimonie n’en acquièrent que plus d’impact et finissent de faire de cette superbe série B un film noir unique et non dénué de lyrisme de par son esthétisme mélodramatique génialement outrancier !
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Jeremy Fox
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Re: John Payne (1912-1989)

Message par Jeremy Fox »

Et enfin, il était également très bien dans Miracle sur la 34ème rue de George Seaton.
kiemavel
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Re: John Payne (1912-1989)

Message par kiemavel »

Pareil : Récupérage, recyclage et améliorage...

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La caravane des évadés (Passage West)

1951
Scénario et Réalisation : Lewis R. Foster
D'après une histoire de Alvah Bessie
Image : Loyal Griggs
Musique : Mahlon Merrick
Produit par William H. Pine et William C. Thomas
Paramount

Durée : 80 min

Avec :
John Payne (Pete Black)
Dennis O'Keefe ( Le pasteur Jacob Karns)
Arleen Whelan (Rose Billings)
Frank Faylen (Curly)
Mary Anderson (Myhra)

6 évadés du pénitencier de Salt Lake s'imposent dans une caravane de pèlerins en route pour la Californie. Épuisés, Ils surgissent du néant au cours de la cérémonie d'enterrement d'un enfant, en hâtent la fin, s'emparent des armes du convoi et ordonnent le départ immédiat de la caravane car au loin on peut entendre les chiens de leurs poursuivants. La suite d'épreuves qu'ils traverseront dans la chaleur étouffante du désert : une tempête de sable, un violent orage qui provoquera une inondation, entrainant par la même des pertes humaines, dont celle d'un autre enfant, finiront par rapprocher les hommes…
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Au départ de l'action, tout oppose les 2 groupes. D'un coté, on a les pèlerins emmenés par le pasteur Karns. C'est un homme en apparence très soumis et résigné, très critiqué pour cette raison par la fougueuse Rose Billings, la fille d'un vieux pasteur qui devait initialement mener la caravane mais qui est décédé peu avant le départ. On apprend aussi à connaitre par petites touches d'autres personnages très attachants. Pour les principaux, on a : Un couple âgé qui possède les 2 seules vaches du convoi. Une jeune femme au passé de danseuse qui voyage dans le charriot de Rose Billings, qui elle, est en apparence à l'opposé de la mauvaise fille, c'est une bigote mais, à l'évidence, elle déborde de sensualité /// Et de l'autre, on a les 6 évadés dirigés par un John Payne remarquable, dur avec les pèlerins mais aussi avec ses hommes. La brutalité de la plupart de ces hommes n'est pas feinte et Black, leur chef, est le plus dur de tous.

Voilà pour la situation de départ...Reste les péripéties brièvement évoqués ci-dessus et surtout le chemin parcouru chez les êtres humains. Une histoire avec d'un coté des bigots et de l'autre des malfrats, çà peut mettre les foies et faire fuir le westernien mais ici c'est fait avec infiniment de finesse et de sensibilité. Le parcours entre le prêcheur (Karns) et le violent (Black) se terminera d'ailleurs d'une manière totalement inattendue et même chez les pèlerins, il y aura aussi du chemin de fait entre la fille en apparence facile (la danseuse) et la fille du vieux pasteur. D'autre part, les doutes et les interrogations surgiront des 2 cotés. Les pèlerins se demanderont le bien fondé de leur quête devant les difficultés traversées et la précarité d'une existence fragile les amèneront à se demander s'ils sont bien sous le regard de dieu. Les interrogations chez les affreux, on en aura un aperçu dans le regard intrigué de Black sur le forçat noir qui commencera un soir à chanter avec les pèlerins au cours d'un office. Mais c'est la mort d'un enfant surtout qui finira par rapprocher tout le monde...et l'attirance irrémédiable entre 2 des protagonistes cristalisera le conflit avant d'en sceller la fin.

Avant cela, la précarité de leurs situations donnera des scènes très fortes quand la perte d'une vache entrainera la mort d'un enfant. Cette mort aura des suites qui parsèment habilement le récit et relancent l'émotion et les interrogations. Quand le besoin se fait sentir d'abandonner une partie du chargement du convoi, le berceau est jeté au sol. Plus tard, le berceau ressurgit. C'est une petite fille qui l'a ramassé et y a mis une poupée. Plus tard, la mère inconsolable bercera le berceau en chantant. Pour autant, les regards portés sur cette femme et la façon de filmer de Foster ne nous donne pas à penser qu'elle a perdu la tête...Elle en a juste besoin...Cette série de scènes liés à l'enfant, ainsi que celles entre la "mauvaise fille" et "la bourgeoise" qui feront penser aux relations de Claire Trevor et de la femme de l'officier dans Stagecoach, ne sont pas indignes de Ford. Parmi tous les westerns et films d"'aventure de Lewis R. Foster, celui ci est mon préféré. On y perçoit une attention aux détails, une sensibilité qu'on aura du mal à retrouver ailleurs dans son travail. Non seulement le sujet qu'il a tourné ici est le plus fort de tous les films que j'ai vu de lui mais sa mise en scène est elle aussi assez remarquable, tout comme sa direction d'acteurs. J'ajoute qu'on peut y voir aussi une bagarre d'anthologie filmée de manière extraordinaire par Foster et pourtant ce genre de scène, ne constitue pas ordinairement mon dessert. Enfin, mention spéciale à Arleen Whelan, qui est loin d'être la plus connue des rousses volcaniques du grand Hollywood…et pourtant elle crève l'écran.
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Re: John Payne (1912-1989)

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çà en revanche, c'est tout frais, tout neuf. Pondu du jour.

Rebel in Town

1956
Réalisation : Alfred Werker
Scénario : Danny Arnold
Image : Gordon Avil
Musique : Les Baxter
Produit par Howard W. Koch et Aubrey Schenk
United Artists

Durée : 78 min

Avec :
John Payne (John Willoughby)
Ruth Roman (Nora Willoughby)
Ben Cooper (Gray Mason)
J. Carrol Naish (Bedloe Mason)
Ben Johnson (Frank Mason)
John Smith (Wesley Mason)
James Griffith (Le marshal Russell)

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Juste après la fin de la guerre de sécession, une famille d'anciens soldats sudistes originaire de l'Alabama, Bedloe Mason et ses 4 fils passe à proximité d'une petite localité de l'ouest. En fuite et survivant en pillant les banques, ils se tiennent éloignés des villes mais deux des fils décident de se rendre dans une petite ville pour y faire provision d'eau et pour repérer les lieux. Le très jeune fils d'un ancien officier nordiste, toujours impliqué dans la traque des rebelles, se trouve en ville pour y fêter son anniversaire. Le jeune garçon se voit offrir un revolver factice par une petite fille de son âge, s'en sert dans le dos des 2 fils Mason et est abattu par l'un d'eux avant qu'il n'ai eu le temps de se rendre compte de l'identité de l'agresseur. John, le père, rempli de haine, est bien décidé à traquer les assassins sans relâche...

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Sur un scénario assez simple, un western "psychologique" remarquable dont il est compliqué de parler sans livrer trop d'informations qui nuiraient à l'intérêt du film. C'était l'avant dernier réalisé par Alfred Werker et pour moi, à ce jour, c'est son meilleur et d'assez loin. Dès les scènes d'ouverture, on se rend compte que l'on ne se trouve pas dans un western "ordinaire". Devant la maison familiale, un enfant joue...Vêtu d'un uniforme nordiste, Il se lance au grand galop, brandit un sabre et décapite un mannequin de soldat disposé comme un épouvantail devant la ferme familiale ! Sa mère s'émeut d'ailleurs des jeux guerriers du petit mais le père -qui voue une haine farouche aux sudistes- l'encouragerait plutôt à endurcir le jeune garçon. On enchaine aussitôt avec le jour de l'anniversaire de l'enfant. Il accompagne sa mère en ville. On retrouve les amis. Les élégantes sont de sortie. L'amourette enfantine est charmante... et tout à coup, on bascule brutalement dans le drame. Quand par jeu, l'enfant sort son arme/jouet tout juste reçu de la petite fille dans le dos des 2 frères Mason qui viennent d'arriver en ville, en raison du cliquetis produit par l'arme, l'un des 2 frères, pris de panique, se retourne vivement et abat l'enfant qui est projeté plusieurs pas en arrière sous les yeux de la petite fille et de sa mère. La scène est stupéfiante de violence, admirablement filmée et osée pour l'époque tant les meurtres d'enfant son relativement rare dans le cinéma américain.

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La suite est à la hauteur. L'un des frères ayant été blessé dans des circonstances qu'il serait criminelle de dévoiler, il est recueilli à la ferme des Willoughby (On dirait un nom inventé par Preston Sturges) par Nora en l'absence de John parti à la chasse aux tueurs. Le jeune homme, grièvement atteint et en apparence inoffensif gagne la sympathie de Nora. Elle s'interroge sans doute sur l'identité du garçon qui reste évasif lorsqu'on le questionne sur les circonstances de sa blessure et sur son passé, mais Nora, la jeune mère qui vient de perdre son seul enfant, le soigne et le protège. John, qui bâtait la campagne à la recherche des meurtriers, rentre au domicile familial, commence lui aussi à interroger le jeune homme, mais de manière plus sournoise…Commence alors un quasi huit-clos passionnant entre le jeune homme ; Nora, qui en veut sans doute à son mari d'avoir éduqué son enfant dans la haine et un père qui s'interroge sans doute sur sa responsabilité dans la mort d'un fils qui lui vouait une admiration sans bornes.

Un huit-clos rompu tout de même par les agissements des autres membres du clan Mason, dont on connaitra surtout 3 des membres. Le père, qui n'a plus rien en dehors de ses fils n'a qu'une obsession, préserver sa famille sans laisser personne sur la route. C'est la raison qui le pousse, malgré sa droiture, a ordonner à toute la famille de fuir à la suite de la mort "accidentelle" de l'enfant, certain qu'il est que la haine des nordistes s'abattra forcément sans discernement sur eux quelque soit les circonstances de la mort du petit. Le poids de la grande histoire en quelque sorte....Cette même fatalité -les conséquences de la guerre- avait déjà fait d'eux des errants et des pilleurs de banque. Mais fondamentalement c'est un honnête homme. Malgré sa rudesse apparente et son autorité, toutes les décisions sont soumises aux votes et doivent être unanimes mais l'équilibre bien sur précaire est soudain rompu quant un des fils trahit les principes familiaux. Les 2 frères que l'on aura à connaitre sont interprétés par Ben Johnson, le mauvais fils et Ben Copper, le bon fils (attention, y'a surement un piège). Le rôle du patriarche est tenu par un J. Carrol Naish bien plus inspiré...que la plupart du temps. Ils sont tous excellents. Très bonne musique et très bonne chanson de générique "Rebel in Town" (mais dont le propos n'a rien à voir avec le film à venir). Pour le western de série B, une Rolls à tous points de vue : Scénario, photo en NetB, réalisation, interprétation. Incroyablement resté méconnu en France.
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Re: John Payne (1912-1989)

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John Payne voulant empêcher (définitivement) Carmen Miranda de chanter ? Non, c'est pas un Musicals, c'est toujours extrait de rebel in Town
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Re: John Payne (1912-1989)

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LE TRÉSOR DES CARAÏBES (Caribbean). Edward Ludwig. 1952

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Dick Lindsay (John Payne) occupé à chasser sur une ile des Caraïbes surprend le capitaine Barclay (Cedric hardwicke) et quelques uns de ses hommes en train de creuser le sable pour y enterrer un coffre. Il est vite repéré, attrapé et emmené à bord du navire du pirate qui lui propose un marché pour avoir la vie sauve. Lindsay devra changer d'identité et se faire passer pour Robert, le neveu d'Andrew MacAllister (Francis L. Sullivan) l'ennemi intime de Barclay. C'est l'homme qui lui a tout pris 20 ans auparavant : son bateau, sa liberté (Il l'avait vendu comme esclave) et sa fille Christine (Arlene Dahl) alors qu'elle n'était qu'une enfant. Il l'a même élevé depuis comme si elle était sa propre fille et Barclay de son coté ne l'a jamais revu. Il ne pense qu'à sa vengeance, prépare Lindsay à endosser l'identité de Robert MacAllister en commençant par lui faire sur la joue la même balafre que lui avait fait l'oncle de celui ci des années auparavant. Une fois reconnu par la famille, il devra espionner, évaluer les faiblesses dans les défenses de la ville et provoquer un soulèvement des habitants de la Jamaïque, le fief des MacAllister.

Peu de temps après, l'équipage du pirate vient à bout d'un navire de son ennemi. Les marins sont massacrés et Lindsay/MacAllister est mis sur un canot de sauvetage. Quelques jours plus tard, il accoste et grâce à sa cicatrice et aux faux papiers qu'il porte sur lui, il est identifié comme le neveu de la famille. Il fait la connaissance de son "oncle", un marchand d'esclaves et un monstre de froideur ; de Christine, la "fille" de celui ci, tout aussi cruelle que son père adoptif et de Shively (Willard Parker), l'homme de confiance et le contremaitre de MacAllister, lui même un ancien espion de Barclay "retourné" par son nouveau maitre et qui surveille du coin de l'oeil le soi disant neveu. Le soulèvement est prévu pour la grande vente des esclaves quelques semaines plus tard…

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C'est surement le moins bon des films d'aventure de Ludwig en raison d'un scénario bancal qui multiplie les ellipses de manière assez maladroite (on a l'impression qu'il y a des trous dans le scénario) et je pense que l'interprétation en partie défaillante des deux principaux comédiens vient partiellement de là. J'aime beaucoup Arlene Dahl et John Payne la plupart du temps mais ici le couple ne fonctionne pas, ni même leurs personnages respectifs et l'interprétation qu'ils en donnent. Elle, c'est une garce cruelle, superficielle et vénale qui presque sans transition se transformera par amour pour John. Enfin, la métamorphose ne sera pas totale puisque si elle jette son dévolu sur le "cousin" c'est surtout parce qu'elle n'en peut plus de la vie de plouc qu'elle mène sur son ile et rêve de villes animées, de bals et de parfums français. Elle joue çà vraiment sans beaucoup de convictions mais je crois surtout qu'elle bâcle en raison de la faiblesse du scénario et des dialogues. Même chose pour John. Plus grave chez lui, je pense qu'il était un peu limité dramatiquement pour endosser une double identité, pour jouer un double jeu. Il reste sur un seul registre, celui qu'on lui connait dans les films d'aventure mais sans même son énergie habituelle. En revanche, les deux méchants sont très savoureux, surtout le formidable Francis L. Sullivan dont la morgue, le jeu pince sans rire et l'accent british font merveille. Lui joue parfaitement en tenant compte des deux traits un peu saillants du film : L'humour, surtout l'humour noir et le sadisme.

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Quelques exemples pris en dehors de ce personnage et de son interprète. Quand le chirurgien s'apprêtera a faire sur Lindsay la même balafre que celle du neveu, on aura ce dialogue entre le doc (qui s'est préalablement saoulé...pour ne pas faillir) et Barclay.

-Le doc : "If my hand misses, I'd chop it off myself" (Si ma main rate, je me la trancherais moi-même)
-Barclay : "That might be difficult to do without a head." (çà va être dure à faire sans tête)

Dans la même scène, le chirurgien demande que l'on allonge le cadavre du vrai neveu a coté de Lindsay et il le fait poser comme un modèle pour réussir son entaille. Dans le sadisme qui accompagne la presque totalité du film, on peut voir également des bribes de causticité et une satire vacharde de l'époque coloniale. Dès que Lindsay/MacAllister arrive à la Jamaïque, il assiste à une flagellation ordonnée par Christine. Il défendra d'ailleurs cette esclave, gagnant ainsi l'appui discret et empreint malgré tout de méfiance des esclaves maltraités, s'attirant surtout, pour la même raison, la méfiance de toute la famille. Dès lors il sera sous surveillance, notamment sous celle du précédant espion envoyé par Barclay (un autre trait ironique). Testé et surveillé par le clan MacAllister et alors qu'il est enchainé torse nu à la roue d'un moulin dont il aide à la rotation (toujours le coté sado-maso), il se fera engueuler pour son manque de cruauté. "Vous ne punissez pas assez ces chiens". Le sommet du cynisme colonial sera atteint au moment de la grande vente annuelle des esclaves dans une longue scène assez amusante. Une scène de combat au couteau, prélude à la révolte, qui se déroule sous les yeux des colons européens, est particulièrement réussie. Même si on est plutôt dans du pur divertissement, le tout petit message du film est donc assez clair et rejoint le coté (gentiment) libertaire (c'est Hollywood quand même) d'un certain nombre de films du genre (Le corsaire rouge par exemple). Enfin, le coup de théatre final, totalement inattendu est lui aussi un modèle d'humour noir...

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Re: John Payne (1912-1989)

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TRIPOLI. Will Price. 1950

Le film porte un titre alternatif THE FIRST MARINES par lequel il est parfois encore reconnu peut être pour le distinguer de TO THE SHORES OF TRIPOLI avec également John Payne et Maureen O'Hara dans les rôles principaux.

Malgré le blocus exercé depuis 6 mois sur les principaux ports qu'ils tiennent, les États-Unis n'arrivent pas à venir à bout des pirates libyens qui rançonnent les bateaux de commerce traversant la Méditerranée. Le commandement militaire décide donc de tenter une manoeuvre audacieuse. Pendant qu'un détachement réduit commandé par le lieutenant O'Bannion (John Payne) arrivera par le désert, la flotte américaine sera chargé de bloquer la sortie des bateaux du port de Derna, situé à proximité de Tripoli, et bombardera la ville, empêchant toute fuite. O'Bannion et son détachement comportant en tout et pour tout 8 soldats doit d'abord rejoindre une oasis perdue du nord de l'Egypte dans laquelle a trouvé refuge Hamet, l'ancien pacha de Libye évincé par son frère. O'Bannion doit le convaincre de participer à l'expédition et de lui fournir des hommes ce qu'il accepte contre la promesse de retrouver le pouvoir. Le recrutement fonctionne, des mercenaires dont un groupe de guerriers chevronnés commandés par le capitaine Demetrios (Howard Da Silva) se joint notamment à la troupe. La longue traversée du désert qui doit les mener jusqu'à Derna commence…



Après le visionnage de ce film, je ne sais toujours pas ce que l'on doit attribuer à l'obscur Will Price, un cinéaste dont je ne sais rien à part qu'il était à l'époque du tournage l'époux de sa vedette féminine Maureen O'Hara. Il n'aura en tout cas réalisé que 3 films alors je prends le pari que celui ci, une fantaisie militaire historique absolument débridée mais basée sur des faits absolument authentiques doit bien une partie de sa réussite au savoir faire de quelques uns des prestigieux collaborateurs qui y ont participé. Je pense tout d'abord aux 2 producteurs, William H. Pine et William C. Thomas, les spécialistes attitrés du film d'aventure à la Paramount. Ils sont notamment derrière presque tous les films d'Edward Ludwig et de Lewis R. Foster, 2 des rois du cinéma d'aventure des années 50. Autre collaborateur de prestige, le directeur de la photo James Wong Howe. Il se sert admirablement du Technicolor et nous propose des images du désert superbement composées. La traversée du désert qui occupe la partie centrale du film est pourtant la moins intéressante, malgré tout JWH renouvelle sans cesse ses cadres, charge l'image de multiples mini évènements et soigne particulièrement quelques scènes remarquables, notamment une assez longue parenthèse autour d'un point d'eau longuement attendu dans un cadre idyllique cerné par le désert. Cela dit on a droit aussi aux incidents de parcours obligés, vues et revues, des traversées en milieu hostile. En revanche, cette caravane est bien plus hétéroclite et originale que ce que nous propose ordinairement le western ou le film d'aventure, à une exception près, l'amusante (ou navrante) odyssée des basques bondissants du film de Russell Rouse.

Après çà, on enchaine avec la bataille finale assez spectaculaire mais qui souffre tout de même d'un manque de moyens assez visible malgré une figuration conséquente. Les décors (et les maquettes) avec lesquelles le cinéaste et son chef opérateur font joujou sont notamment assez moches. Par contre, on retrouve dans ces séquences un peu de l'humour qui caractérisait la première partie du film. En effet, pour un film relatant des évènements politiques et militaires authentiques, on ne prend au sérieux ni les uns ni les autres. La hiérarchie militaire est constamment raillée et bousculée. A ce titre, l'amiral commandant la flotte américaine est particulièrement gâté. C'est un abruti pédant et incompétent qui sera joyeusement ridiculisé. Il ne supporte pas les suggestions de ses officiers subalternes alors même que ce sont bel et bien ceux là qui auront systématiquement raison. La vision de la diplomatie est aussi assez réjouissante. On pourrait résumer l'état (de mauvais) esprit du film en disant qu'il montre des personnages opportunistes et constamment prêt à se duper et à retourner leurs vestes. La plus douée dans ce registre, c'est l'atout féminin du film, la comtesse d'Arneau (Maureen O'Hara) qui joue la fille d'un exilé politique français, favorite du pacha écarté du pouvoir et exilée elle aussi dans son oasis au milieu du désert. Elle rêve de grande vie, de retrouver Paris et est prête à tout pour çà ; à épouser le pacha (mais elle se refuse à lui en attendant le mariage) et elle est par conséquent furieuse qu' O'Bannion parvienne à embarquer Hamet dans son aventure alors qu'elle intrigue de longue date pour se faire épouser. Maureen O'Hara joue çà dans son meilleur registre, celui de la fille exubérante, libre et farouche…et ajoute encore plus de distance ironique que d'habitude. Elle est aussi, de manière moins habituelle totalement vénale et superficielle (Ohhh ! Avec ce soleil, je vais être couverte de taches de rousseur).

Je termine par un aperçu de l'humour qui traverse le film.

Lorsqu'il apprend que les arabes recrutés s'engagent pour la plupart avec leurs femmes, le sergent recruteur dira "Mais c'est absurde alors que tant d'hommes s'engagent justement pour échapper à la leur".
Juste après, quand le capitaine Demetrios, un ancien officier de l'armée grecque campé par un hilarant Howard Da silva viendra pour s'engager lui aussi, il dira au Lt O'Bannion :

- A vos ordres mon général !
- Je ne suis que Lieutenant !
- Ah non ! Je ne peux pas obéir à un officier d'un rang inférieur
- Alors appelez moi mon colonel et vous n'avez qu'à appelez le Lt Tripp, mon amiral
- çà c'est acceptable mon colonel.
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Re: John Payne (1912-1989)

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Le passé se venge (The Crooked Way)

1949
Réalisation : Robert Florey
Scénario : Richard H. Landau d'après une pièce radiophonique de Robert Monroe.
Directeur de la photographie : John Alton
Musique : Louis Forbes
Production : Benedict Bogeaus
United Artists

Durée : 90 min

Avec :
John Payne (Eddie)
Ellen Drew (Nina Martin)
Sonny Tufts (Vince Alexander)
Rhys Williams (Lt Joe Williams)
John Doucette (Sgt. Barrett)
Percy Helton (Petey)

Fin de la 2ème guerre mondiale. A l'hôpital ou on le soignait, on apprend à Eddie Rice, qui avait reçu une grave blessure à la tête, que l'amnésie dont il souffre sera sans doute irrémédiable. La seule information dont on dispose sur son passé, c'est le lieu de son engagement, à Los Angeles. On lui conseille donc d'y retourner et de tenter d'y reconstituer son histoire. A peine descendu du train, il est abordé par 2 policiers qui le conduisent au commissariat auprès de l'officier de police qui jadis l'arrêta. On lui apprend son nom véritable, Eddie Riccardi. C'est en tout cas le nom sous lequel il est connu dans les services de police car Eddie a un long passé criminel. Son nom était notamment associé à celui d'un gangster bien connu, Vince Alexander. Eddie leur explique qu'il n'y comprend rien et leur apprend qu'il est devenu amnésique. Les flics n'en croient rien et décident de le filer. Alors qu'Eddie sort du commissariat, il est abordé par une femme qui elle aussi le reconnait. Il l'a ramène à son hôtel mais elle s'éclipse pour prévenir Vince Alexander, l'ancien complice, du retour d'Eddie à L.A. Ses hommes de main le lui amène. Il est tabassé. Vince croit en effet qu'Eddie l'a jadis donné à la police, lui faisant porter toute la responsabilité d'un ancien crime et qu'Eddie s'est engagé dans l'armée sous un faux nom pour échapper aux représailles…

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Voilà pour le premier quart d'heure...çà vous dit quelque chose ?..Ben si, Somewhere in the night/Quelque part dans la nuit de Mankiewicz. Les 2 films ont leurs mérites. La différence, c'est que ce n'est pas le meilleur Mankiewicz alors que c'est un des meilleurs de Florey. Disons que sur leur film "jumeau", l'effort du plus prestigieux des 2 metteurs en scène est constant alors que le film de notre français d'Hollywood est plus inégal mais ses points forts...sont plus forts que ceux de son concurrent. Très inspiré et ayant de la suite dans les idées, je commence par les points faibles. Sur un potentiel aussi intéressant, on aurait pu espérer des développements scénaristiques plus excitants. On a affaire à un scénariste paresseux et ceci dès le début du film puisqu'on assiste d'emblée à 2 heureux hasards même si ce point ne me trouble pas plus que çà...les développements faiblards de l'histoire un peu plus.

Ensuite l'interprétation. Les seconds rôles sont très bons. Ellen Drew est excellente. Elle a eu le premier rôle féminin dans peu de films (Le gros lot de Sturges ou Le baron de l'Arizona de Fuller...ainsi que, pas de bol, dans des films durs à voir mais réputés, le remarquable Andrew d'Heisler ou Johnny O'Clock de Rossen(X). Je lui trouve un petit coté Jane Greer (On se calme...mais c'est dur). Sonny Tufts est un affreux parfait, mais le meilleur de tous est sans doute Percy Helton qu'on connait sans le connaitre car il traverse, le plus souvent dans des rôles encore plus restreints que dans ce film une multitude de polars des années 40 et 50. Reste le cas John Payne. D'habitube, je l'aime beaucoup mais là, dans ce qui a été son premier film noir, je trouve que son jeu est aussi un des points faibles du film. Pas facile sans doute de jouer un type perdu, amnésique et de lui donner de la vie mais quand même. Il joue "en dessous", la paupière lourde et sa lassitude a quelque chose de contagieux. Y'avait que maitre Bob (Mitchum) pour rendre ce registre là imparable... Il aurait sans doute fallu un directeur d'acteurs plus habile car par la suite, dans le genre, Payne a donné beaucoup mieux.

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Un autre aspect du travail de Florey est beaucoup plus positif, c'est sa mise en scène et là on doit aussi parler du directeur de la photo, le grand John Alton. C'est le point (très) fort du film. La photographie du film et la vitalité de la mise en scène. Que doit-on à Alton ? Que doit-on a Florey ? Sans doute plus au premier qu'au second mais comme on a pas (plus) de témoins sous la main, je me contente de juger du résultat. La violence est permanente dans le film et la mise en scène y participe pleinement. Quant Payne est tabassé au début du film, il est balancé du haut de l'escalier de secours. Florey plante d'abord sa caméra a distance mais lors de la chute de Payne, il met sa caméra au ras du sol et il vient s'écraser juste devant, sa gueule écrabouillée occupant tout l'écran. J'ai souvent pensé aux premiers polars de Mann et je ne pense pas que ce nom là fait fuir l'amateur de "Noirs". Je n'irais pas jusqu'à parler de mise en scène brillante mais je la qualifierais de nerveuse et d'efficace.

Quant à la photographie d'Alton alors là Attention, c'est exceptionnel. De ce point de vue, il a sans doute fait aussi bien mais pas mieux. C'est d'une beauté incroyable. Sans tenir compte du reste, il faudrait le voir rien que pour çà. L'éclairage est sans cesse renouvelé et inventif. On a bien sûr le "coup" des ombres sur les murs mais ce n'est rien a coté des beautés qui parsèment le film et à tout moment l'image a une telle épaisseur qu'on a l'impression qu'on peut croquer dedans. Et l'invention d'Alton... A titre d'exemple, dans la scène de tabassage évoquée plus haut, on a différentes sources d'éclairage dont un néon qui clignote à l'extérieur du bâtiment. Cette lumière va et vient sur les visages mais ce n'est pas trop voyant, trop "voyez comme je me frise les moustaches", c'est discret et magnifique. Ensuite, il y a la manière dont il s'approche des visages, pour s'éloigner ensuite. A ce niveau là, la photo, c'est comme certains moments de grâce dans la mise en scène d'un Ford par exemple, c'est du grand art.

(X) Depuis, ces 2 films ont devenus visibles.
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Jeremy Fox
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Re: John Payne (1912-1989)

Message par Jeremy Fox »

J'ai terminé Tripoli en accéléré tellement je l'avais trouvé mauvais et ennuyeux.
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