Cornel Wilde (1912-1989)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky

Avatar de l’utilisateur
Père Jules
Quizz à nos dépendances
Messages : 16901
Inscription : 30 mars 09, 20:11
Localisation : Avec mes chats sur l'Atalante

Cornel Wilde (1912-1989)

Message par Père Jules »

Image

J'ai débuté mon mois de décembre par un film dont l'idée de départ (surpopulation, surproduction, famine...) me semblait particulièrement intéressante, j'ai nommé Terre brûlée de Cornel Wilde (No Blade of Grass en VO). Malheureusement, celle-ci est ruinée en l'espace de dix minutes par un scénario complètement con, des acteurs à la ramasse et une réalisation d'une platitude assez remarquable. Pendant un heure trente on est confronté à des situations parmi les plus crétines qu'il m'ait été donné de voir depuis un bout de temps. Aucun rythme, des personnages sans âme, des répliques grotesques, faites votre choix. Le point culminant de cette vaste fumisterie étant la scène où une ménagère de plus ou moins 50 ans va au devant d'une mort certaine pour ne pas abandonner... ses casseroles. On peut en rire, j'ai personnellement fait le choix d'être consterné. En un mot: nullissime.
Avatar de l’utilisateur
Profondo Rosso
Howard Hughes
Messages : 18522
Inscription : 13 avr. 06, 14:56

Re: Cornel Wilde (1912-1989)

Message par Profondo Rosso »

Aïe dommage il me tentait bien celui-là surtout après avoir découvert récemment La Proie nue qui m'a bien retourné et qui finira dans les grandes découvertes naphtas de 2013. Je remets mon avis là du coup

La Proie nue (1966)

Image

Après le massacre de plusieurs éléphants pour leur ivoire, des trafiquants s'imaginant à la tête d'un colossal trésor, vont essuyer la colère des indigènes.
En refusant d'acquitter un symbolique droit de passage sur les terres noires d'Afrique, les membres de l'expédition sont tour à tour torturés et exécutés. Le dernier survivant se lance nu et désarmé, à travers les paysages arides, poursuivi par la tribu dans une véritable chasse à l'homme. Il devient, la proie qu'il traquait jadis.


Désireux de trouver des rôles plus intéressants au sein de production plus audacieuses, l'acteur Cornel Wilde crée dès 1950 sa société de production dont l'excellent The Big Combo de Joseph Lewis (1955) sera une des grandes réussites. Wilde en profite également pour se lancer dans la réalisation avec son premier film Storm fear (1956). Ce n'est que l'âge mûr venu et une préoccupation moins grande pour son statut de star que la carrière de réalisateur de Wilde prend son envol au milieu des 60's avec ce que l'on peut considérer comme une trilogie sur la nature autodestructrice des hommes qu'il explore d'un point de vue primaire dans La Proie nue (1966), moderne dans le film de guerre Beach Red (1967) et alarmiste dans la science-fiction post apocalyptique de No Blade of Grass (1970). La Proie nue lance donc le cycle et s'avère un pur ovni. Si l'argument évoque évidemment Les Chasses du Comte Zaroff (1932) l'esthétique, la violence et l'atmosphère inédite annoncent surtout des chef d'œuvres à venir du survival que ce soit le Walkabout (1970) de Nicolas Roeg, Cannibal Holocaust (1980) de Ruggero Deotato, Predator de John McTiernan (1987) et surtout Apocalypto (2007) de Mel Gibson un quasi remake masqué.

ImageImageImage

Le film s'inspire de la réelle aventure vécue par John Colter (connu pour avoir participé à la mythique expédition de Lewis et Clark) trappeur capturé par la tribu indienne des Blackfoot. Après avoir tué son compagnon, les indiens le lâchèrent nu dans la forêt afin de le pourchasser et Colter, une semaine plus tard, harassé et après laissé le cadavre de bien des Blackfoot sur sa route parvenait à regagner la civilisation sain et sauf, la légende de son exploit pouvant alors se propager. Cornel Wilde reprend donc l'argument qu'il transpose en Afrique et plus précisément en Rhodésie (aujourd'hui Zimbabwe) à l'ère colonial. Cornel Wilde (dont on ne connaîtra jamais le nom) y guide un safari pour un riche amateur de chasse (Gert Van den Bergh) en quête d'ivoire. Dès le début le malaise s'installe avec l'attitude révoltante du chasseur. Tuant par simple plaisir sadique (un dialogue souligne qu'il abat les bêtes même non dotées d'ivoire) il s'avère également des plus méprisants envers les autochtones lorsqu'il refuse de céder au rituel d'offrande au chef d'une tribu alors qu'il traverse leur territoire, au grand désarroi du plus respectueux Cornel Wilde. Un terrible châtiment ne tarde pas à se manifester lorsque la tribu les capture et les emmène à leur village. Là sous nos yeux ébahis se déploie avec une stupéfiante barbarie presque 20 minutes de sacrifices et de tortures au sadisme raffiné où les occidentaux paierons chèrement leur mépris initial. Tous sauf Cornel Wilde auquel il est réservé un sort tout différent. Déshabillé et humilié, il est lâché nu dans la savane avec une horde de chasseur à ses trousses.

ImageImage

Cornel Wilde adopte un style naturaliste surprenant et novateur pour illustrer cette longue traque. Il évite dans un premier temps l'imagerie attendue en délaissant la jungle touffue pour une savane à ciel ouvert au soleil écrasant, où l'eau est aussi rare que les espaces pour se cacher. Les chasseurs peuvent ainsi longtemps laisser de l'avance à Wilde, n'ayant aucun mal à remonter sa piste quand ce dernier ne reste tout simplement pas bien en vue à l'horizon, aussi éloigné soit-il. On a ainsi une sensation de danger permanent à l'image de Wilde sur le qui-vive, un sentiment renforcé par l'absence de bande originale si ce n'est les chants et les rythmiques tribales parcourant tout le film et synonyme de menace approchante. Pour survivre à cette épreuve, Wilde devra intégrer et appliquer la seule loi qui compte en ces lieux : seuls les plus forts survivront. Les nombreux stock-shots montrent des affrontements animaliers à la brutalité saisissante appuyant ce fait par association d'idées notamment un rude combat en un guépard et un singe qui vendra chèrement sa peau.

ImageImageImage

La beauté de la nature n'a pas sa place ici où elle est avant tout hostile, Wilde brisant tout velléités contemplative comme lorsque la magnifique apparition d'une gazelle (on croirait du Miyazaki époque Princesse Mononoké) s'interrompt par un coup de lance mortel. Wilde s'aguerrit ainsi en respectant cette loi (lorsqu'un lion le devance pour s'emparer d'un gibier qu'il avait tué) et en l'appliquant pour survivre. La traque est haletante et avec son lot d'affrontements sanglants où le réalisateur ose toujours cette approche crue et décomplexée illustrant bien cette perte de d'humanité et cette dominante des bas-instincts. Ancien champion sportif (qui faillit participer au JO de 1936 en escrime avant de renoncer pour un rôle au théâtre), Cornel Wilde la cinquantaine bien entamée affiche un physique affuté, un jeu expressif et déterminé passant par toutes les émotions dans un film presque totalement dépourvu de dialogues.

Image

Cette loi du plus fort et la folie des hommes vont ressurgir dans la dernière partie avec l'apparition d'esclavagistes pour une nouvelle séquence crue et sauvage. Wilde laisse néanmoins une lueur d'espoir dans ce pic de violence par la relation tendre entre Wilde et une jeune indigène qu'il a sauvé qui laisse émerger une vraie chaleur humaine et des motifs de rapprochement entre les peuples. Jusque-là Wilde avait d'ailleurs totalement évité tout manichéisme en mettant le héros comme ses poursuivants dos à dos dans leurs instincts de survie. Seuls ceux n'ayant pas respectés les lois de la nature (les esclavagistes, le chasseur raciste) seront lourdement caractérisés quand pour les autres le film donne dans l'épure et les fait exister par leurs actions. Moins démonstratif que dans Zulu (1962) le respect mutuel des opposants se signale néanmoins dans un bref salut final, Cornel Wilde s'étant montré digne du défi. Un grand film d'aventures. 6/6
Avatar de l’utilisateur
Père Jules
Quizz à nos dépendances
Messages : 16901
Inscription : 30 mars 09, 20:11
Localisation : Avec mes chats sur l'Atalante

Re: Cornel Wilde (1912-1989)

Message par Père Jules »

Très chouette celui-là. Mettons tout de même de côté l'insupportable gamin qui est aux côtes du môme dans Shane dans le panthéon des mioches les plus têtes à claques de l'histoire du ciné :)
Avatar de l’utilisateur
Profondo Rosso
Howard Hughes
Messages : 18522
Inscription : 13 avr. 06, 14:56

Re: Cornel Wilde (1912-1989)

Message par Profondo Rosso »

C'est vrai mais bon un peu d'innocence après toutes les horreurs qui ont précédées (la scène de sacrifice rituel ça rest assez inouïe de barbarie) ça ne fait pas de mal :mrgreen:
Avatar de l’utilisateur
Jeremy Fox
Shérif adjoint
Messages : 99608
Inscription : 12 avr. 03, 22:22
Localisation : Contrebandier à Moonfleet

Re: Cornel Wilde (1912-1989)

Message par Jeremy Fox »

Mais vous allez arrêter de critiquer le très bon Brandon de Wilde :twisted:
Avatar de l’utilisateur
Rick Blaine
Charles Foster Kane
Messages : 24130
Inscription : 4 août 10, 13:53
Last.fm
Localisation : Paris

Re: Cornel Wilde (1912-1989)

Message par Rick Blaine »

Père Jules a écrit :Très chouette celui-là. Mettons tout de même de côté l'insupportable gamin qui est aux côtes du môme dans Shane dans le panthéon des mioches les plus têtes à claques de l'histoire du ciné :)
Un cran en dessous tout de même, Brandon de Wilde est intouchable dans cet exercice. :mrgreen:
Avatar de l’utilisateur
Père Jules
Quizz à nos dépendances
Messages : 16901
Inscription : 30 mars 09, 20:11
Localisation : Avec mes chats sur l'Atalante

Re: Cornel Wilde (1912-1989)

Message par Père Jules »

J'avais oublié jusqu'à son nom... merci les gars ! :mrgreen:
Pour en revenir à La proie nue, PR a parfaitement cerné le truc. Un survival assez remarquable qui installe dès les premières minutes une atmosphère suffocante. Les scènes de sacrifices humains sont d'une cruauté rare je pense pour l'époque. Et j'avance même l'hypothèse suivante: il PEUT plaire à Demi-Lune !

EDIT: du coup, profondo, tu m'as mis la puce à l'oreille concernant le film de Mel Gibson. Je ne sais pas pourquoi j'avais dans l'idée que c'était un vrai navet mais après avoir pioché quelques avis sur la toile, il semble mériter le coup d'œil ;)
Dernière modification par Père Jules le 4 déc. 13, 13:36, modifié 1 fois.
Avatar de l’utilisateur
Jeremy Fox
Shérif adjoint
Messages : 99608
Inscription : 12 avr. 03, 22:22
Localisation : Contrebandier à Moonfleet

Re: Cornel Wilde (1912-1989)

Message par Jeremy Fox »

Père Jules a écrit :Et j'avance même l'hypothèse suivante: il PEUT plaire à Demi-Lune !
Tu aimes vivre dangereusement :mrgreen:
Avatar de l’utilisateur
Père Jules
Quizz à nos dépendances
Messages : 16901
Inscription : 30 mars 09, 20:11
Localisation : Avec mes chats sur l'Atalante

Re: Cornel Wilde (1912-1989)

Message par Père Jules »

Je ne suis pas homme à laisser tomber facilement (même si après sa découverte de Slightly Scarlet, il est permis de douter de tout). Coucou Demi :mrgreen:
Avatar de l’utilisateur
Jeremy Fox
Shérif adjoint
Messages : 99608
Inscription : 12 avr. 03, 22:22
Localisation : Contrebandier à Moonfleet

Re: Cornel Wilde (1912-1989)

Message par Jeremy Fox »

Père Jules a écrit :Je ne suis pas homme à laisser tomber facilement (même si après sa découverte de Slightly Scarlet, il est permis de douter de tout). Coucou Demi :mrgreen:

J'avais vu ça ; croisons les doigts pour The Bullfighter and the Lady ou alors prions plutôt pour qu'il ne le voie jamais !
Avatar de l’utilisateur
Profondo Rosso
Howard Hughes
Messages : 18522
Inscription : 13 avr. 06, 14:56

Re: Cornel Wilde (1912-1989)

Message par Profondo Rosso »

Père Jules a écrit : EDIT: du coup, profondo, tu m'as mis la puce à l'oreille concernant le film de Mel Gibson. Je ne sais pas pourquoi j'avais dans l'idée que c'était un vrai navet mais après avoir pioché quelques avis sur la toile, il semble mériter le coup d'œil ;)
Ah oui une pépite à voir vraiment un des meilleurs survival/films d'aventures de ces dernières années sa plus grande réussite en tant que réalisateur saute dessus !
kiemavel
Assistant opérateur
Messages : 2231
Inscription : 13 avr. 13, 09:09

Re: Cornel Wilde (1912-1989)

Message par kiemavel »

Pas d'accord pour la remarque au sujet du gamin, mais passons…Pour le reste de son travail de metteur en scène, il y a du très bon La proie nue, du médiocre (Sharks, Terre brulée), et entre les deux :

-Storm Fear. 1955. Avec Jean Wallace et Dan Duryea. Un Film Noir qui a bonne réputation mais pas encore vu. Je viens de le chopper celui là.

-Le virage du diable (The Devil's Harpin). 1957. Un film sur l'univers des courses de bagnoles qui vaut ce que valent les films de l'époque classique d'Hollywood dans ce sous-genre du cinéma d'action et d'aventures. A l'exception de To please a lady de C. Brown, les autres (La foule en délire (The crowd roars). H. Hawks/Speed. Edwin L. Marin/Les bolides de l'enfer. G. Sherman….Liste non exhaustive) ne sont pas mauvais, mais pas bouleversants d'intérêt ou alors ce n'est pas pour moi.

-Tueurs de feu à Maracaibo (Maracaibo). 1958 Wilde y jouait les supers pompiers appelé à éteindre l'incendie d'un puit de pétrole mais la flamme était rallumée par cette allumeuse de Jean Wallace (mais y'a une morale, c'était sa femme dans la vie et la co-stars de tous ses films comme metteur en scène). Pas mal…mais pas plus.

- Lancelot, chevalier de la reine (Lancelot and Guinevere). 1963. Certains ne peuvent pas le piffer. Pour ma part, couleurs chatoyantes, action, humour et héros en collants verts :mrgreen: , moi, çà me suffit à passer une soirée sympa (mais faut savoir qu'il y en a pour 2 h :mrgreen: )

-Le sable était rouge (Beach Red). Alors là, c'est bizarre mais j'ai le DVD zone 1 depuis sa sortie et je ne l'ai toujours pas regardé.

Par contre, il vaut mieux jeter un voile pudique sur les 2 derniers (J'ai vu le 1er quart d'heure de Sharks, puis dodo). Par contre, je vais moi aussi ramener ma fraise au sujet de LA PROIE NUE. Je ne cherche pas la baston et -pas de bol- je passe derrière Profondo Rosso mais il faut oser (parait que c'est même à çà qu'on les reconnait)
kiemavel
Assistant opérateur
Messages : 2231
Inscription : 13 avr. 13, 09:09

Re: Cornel Wilde (1912-1989)

Message par kiemavel »

Image
LA PROIE NUE (The naked prey)
1966
Réalisateur : Cornel Wilde
Scénario : Clint Johnston et Don Peters

A la fin du 19ème siècle, un groupe d'européens chassent l'éléphant dans la savane africaine. Lorsqu'ils croisent une tribu indigène qui réclame des présents symboliques comme droit de passage pour les autoriser à poursuivre leur route, le commanditaire de l'expédition refuse catégoriquement, traitant par le mépris le chef de la tribu et provoquant ainsi leur indignation. Les indigènes massacrent les uns après les autres les membres de l'expédition. Un seul européen est laissé en vie, le guide du groupe. Il est dépouillé de ses vêtements et on lui laisse quelques minutes d'avance avant le départ des premiers guerriers. Une chasse à l'homme qui durera des jours commence alors…
Image
Si on en a pris plein les mirettes avec les derniers films du genre "Survival", il faut mieux sans doute passer son chemin mais si vos références cinématographiques sont plutôt "La chasse du comte Zaroff" ou " La course au soleil", cet ovni cinématographique de Cornel Wilde, encore plus dépouillé que les 2 films précédents, ne devrait pas vous troubler, bien au contraire. Les choix faits par les initiateurs du projet sont en effet assez radicaux pour un film américain de cette époque. On n'y entend pas de musique occidentale. Le film est uniquement rythmé par des percussions africaines du début à la fin. Il est pratiquement dépourvu de dialogues sauf quelques échanges entre les colons au tout début et quelques dialogues entre les membres de la tribu. A une exception près cependant, dans la seule scène de répit dans cette lutte impitoyable qui verra deux adversaires improbables se rencontrer fortuitement, un peu d'humanité apparaitra. Mis à par cette respiration très provisoire, le reste est une lutte impitoyable dans laquelle cependant le sang ne coule pas à flot, même s'il est assez violent, la plupart des mises à mort du film se déroulent hors champ.

Les seules scènes vraiment violentes et sanglantes sont évacuées dans le premier quart d'heure. Ces scènes montrant la cruauté des primitifs sont évacuées très vite. Pour ceux qui seraient passionnés par les curiosités culinaires, c'est le moment ou il faudra prendre des notes : Le sabayon de séminariste sur son coulis de Jésuite, le guide touristique à l'étouffé et l'émincé de chasseur de fauve sauce ravigote, etc…c'est seulement au début. Mais il faut dire que l'on est déjà presque dans du gore à la Cannibal Hollocost ou pas loin. Après çà, je pense que je ne trahis par un secret défense en révélant que Cornel Wilde se retrouve seul survivant parmi les européens et la chasse à l'homme commence.
Image
La portée symbolique enfonce des portes ouvertes. Le chasseur devenu gibier. L'instinct de survie de l'occidental, du citadin, qui se révèle au cours des épreuves. Etc…Mais cette lutte pour la survie, on en est le partenaire tant le processus d'identification est opérant dans cette lutte primale qui devient de plus en plus féroce à mesure que l'homme s'avère plus résistant qu'escompté. Il s'aguerrie au combat, retrouve des réflexes ancestraux qui le ramène à l'état de vulnérabilité des premiers hommes et réveille en lui dans ces épreuves des capacités insoupçonnées. On suivra cependant son épuisement progressif, on entendra sa respiration haletante, suivant au plus près les émotions, les peurs de cette homme dans un film qui offre par la même une expérience unique, tout au moins qui offrait à cette époque là (1966) une expérience cinématographique unique.

La lutte sera montrée dans tous ces aspects. La lutte des hommes entre eux, de l'homme contre l'animal et celles des animaux entre eux mais elle se déroule dans une nature sublimée par la caméra de Wilde. Ces paysages superbes de la savane africaine sont intégrés de manière dynamique à la course poursuite et aux différents combats. En effet, le terrain dépouillé, accidenté, aride, le soleil accablant, tout comme la végétation participe pleinement à l'action car les hommes s'auront se servir de manière très opportuniste de ce que leurs offre ou pas la nature. Cela dit, malgré la force indéniable de ce film, on peut déplorer néanmoins quelques maladresses de la part de Wilde. Certaines limites étaient inévitables sur un long métrage de 90 minutes. Le coté répétitif des enchainements était notamment prévisibles : Scènes d'action/scènes de nature (avec dans les scènes d'action en elle même les alternance décrites plus haut). En revanche, on peut déplorer un certain amateurisme dans la façon d'insérer les scènes documentaires dans la course poursuite. On ne distingue pas toujours les raccords alors je suppose que certains combats entre animaux ont du être tournés spécialement pour ce film mais une partie proviennent visiblement de stock shots qui ne sont pas toujours très bien insérées. Pour relativiser ces défauts, ils sont loin d'être une exception et j'ai déjà vu de bien plus laides insertions. On peut aussi sans doute trouver maladroite et molle la manière de filmer les scènes de combats mais en revanche si les scènes de mise à mort sont hors champ et si l'on peut trouver çà ringard, on peut au contraire en remercier le metteur en scène, c'est mon cas. Les obsessions du blood pour le blood à la Mel "If you want blood You've got it" Gibson, c'est sans moi.
Image
A voir avant tout safari africain ou avant toute sortie dans certaines villes de l'est parisien (gag). En tout cas, certains voudraient y voir des connotations racistes. Je ne veux pas développer pour ne pas donner trop d'éléments qui nuiraient à l'effet de surprise suscité par le film mais en réalité il renverrait plutôt dos à dos colons suffisants et grands massacreurs de la faune sauvage... et populations autochtones aux pratiques violentes et barbares.

The Naked Prey a été édité en zone 1 dans la collection Criterion. VO (avec sous-titres anglais optionnnels). Les passages en divers dialectes africains ne sont pas traduits.
Nestor Almendros
Déçu
Messages : 24377
Inscription : 12 oct. 04, 00:42
Localisation : dans les archives de Classik

Re: Cornel Wilde (1912-1989)

Message par Nestor Almendros »

+ 1 à tous les avis sur cet excellent film que je connaissais de réputation depuis que dvdbeaver avait testé l'édition Criterion. Très intéressante chronique de Profondo qui m'a bien motivé pour découvrir les deux autres volets de cette trilogie.

La proie nue est actuellement diffusé sur Paramount Channel, ne le manquez pas!
"Un film n'est pas une envie de faire pipi" (Cinéphage, août 2021)
Avatar de l’utilisateur
Rick Blaine
Charles Foster Kane
Messages : 24130
Inscription : 4 août 10, 13:53
Last.fm
Localisation : Paris

Re: Cornel Wilde (1912-1989)

Message par Rick Blaine »

Content qu'il plaise ce film. :D

Du coup je remets les quelques mots postés sur un topic de films du mois il y a quelques temps.

The Naked Prey (La Proie Nue, Cornel Wilde - 1965)

Afrique du sud, époque coloniale. Un homme (jamais nommé - Cornel Wilde) guide un riche trafiquant d'ivoire et son expédition dans un safari. Ils rencontrent une tribu a priori amicale, mais à laquelle le financier refuse d'offrir un traditionnel cadeau. La tribu encercle alors leur campement et les faits prisonniers. Après avoir cruellement exécuté tous les membres de l'expédition, le guide est dévêtu et se voit offrir une "chance" : il peut s'enfuir et ils le chasseront.
Image
Cornel Wilde, d'abord connu comme acteur dans les années 40 et 50, et que je connaissais surtout pour son rôle dans The Big Combo, l'excellent film noir de Joseph H. Lewis, s'est tourné vers la réalisation au milieu des années 50. Il dirigera 8 films, pour la plupart tombés dans l'oubli. Il semble toutefois que Beach Red soit un film de guerre intéressant. C'est au milieu de cette courte filmographie que l'on trouve cet atypique The Naked Prey, violente et intense histoire de chasse à l'homme
Cette variation sur le thème de la chasse du conte Zaroff semble en fait librement inspirée des aventures, fictives ou réelles, de l'explorateur John Colter qui vécut la même expérience au début du 19ème siècle avec les indiens Blackfoot. Cette aventure est transposée par les scénaristes Clint Johnston et Don Peters, ce qui leur valu d'être nommé pour l'oscar du meilleur scénario original.
Image
Le film est presque uniquement centré sur la chasse. Après quelque minute, la situation est exposée. Et la poursuite commence. On note déjà l'une des premières originalités du film, puisque à ce moment, l'essentiel du dialogue a été dit à quelque mot prêt. Il consistait en de cours échanges entre Wilde et le trafiquant d'ivoire. Le reste du dialogue se fera parmi les membres de la tribu, dans un langage que le spectateur ne peut comprendre. Cornel Wilde se centre sur l'étude des réactions primaires de son héros, face à la nature et aux éléments.
Image
Tout le reste du film est une lutte et une course. Constamment, Cornel Wilde, appelé "un homme dans le générique" ce qui nous le désigne comme un individu quelconque du genre humain, doit combattre pour sa survie. Il fuit ses poursuivants, les tue au passage, lutte contre la chaleur écrasante, contre les animaux sauvages, et doit apprendre à manger dans une nature hostile.
Image
Cette nature me semble être le point central du film, rarement elle aura été aussi dangereuse dans un film. Pouvant tuer à chaque instant, elle place l'homme, noir ou blanc, à l'état d'animal sauvage, ne pouvant que reproduire le comportement des animaux, même dans ce qui pourrait sembler le plus cruel, pour survivre, car seul le meilleur peut survivre.
L'image, très réaliste, rappelle le documentaire, elle nous fait percevoir les événements comme réels. D'ailleurs, l'essentiel de la bande sonore est fait de bruits et de chants tribaux, pour nous maintenir dans ce réalisme qui exacerbe l'hostilité d'un environnement dans lequel tout fait peur : les poursuivants bien sur, mais aussi la faune et la flore.
Image
Cornel Wilde mène la fuite à un train d'enfer. Sur ce fond darwinien, les événements se succède sans que l'ont puisse reprendre notre souffle, le film file à cent à l'heure, toujours en mouvement, l'action prenant presque de vitesse la caméra, le tout filmé dans de splendide décors, magnifiquement mis en valeur par le cadrage et surtout par la photographie de H.A.R. Thomson, qui travailla surtout comme cadreur dans de nombreux grand film et qui livre ici une ouvre magnifique.
Dans cette intensité, Wilde renvoie dos à dos esclavagistes blancs et noirs, comportement détestable du colonisateur et sauvage de certaines tribus mais n'oublie pas la dignité du héros et celle de ces poursuivants qui se respectent dans l'heure combat. Les scènes ou les poursuivants pleurent ceux qui meurent dans ce combat, soutenues par des chants tribaux, sont d'ailleurs parmi les plus magnifiques du film.
Image
The Naked Prey est un film d'aventure formidablement divertissant. C'est aussi une intéressante réflexion sur la nature de l'homme et sur son opposition au monde sauvage. Parfois touchant, parfois drôle aussi (par exemple la répétition des ratés de Wilde lorsqu'il cherche à se nourrir), il s'agit d'une production atypique, portée par un magnifique Cornel Wilde, charismatique à souhait et dont la condition physique fait des merveilles. Un film à découvrir, jusqu'à son plan final parfait de sobriété. Une grande découverte.
Image
Répondre