Violence et passion (Luchino Visconti - 1974)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Supfiction
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Violence et passion (Luchino Visconti - 1974)

Message par Supfiction »

"Les corbeaux volent toujours en bande. L'aigle lui, s'élève seul dans le ciel."
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J'ouvre ce topic après avoir vu Violence et passion pour pouvoir recueillir les avis des uns et des autres sur un film ovni, dont je ne sais encore exactement quoi penser entre la tension (volontairement agaçante) provoquée par le huis-clos et cette histoire de voisins encombrants (Silvana Mangano génialement insupportable), la splendeur des décors intérieurs et la profusion de thématiques effleurées, et puis le sentiment que Visconti veut dire beaucoup (trop?) de choses à la fois (la peur de faire son dernier film ?)..

J'ai trouvé l’interprétation de Burt Lancaster très touchante, celle d'un homme bousculé dans ces habitudes, rappelé tout d'un coup dans le monde contemporain par l'irruption de "cette famille" de nouveaux riches (et en particulier cette femme sans savoir-vivre qui installe son amant dans l'appartement du-dessus).

La peinture substitue à son regard un monde qui s’accorde à ses désirs aurait pu écrire Visconti en guise de préambule..

Il y a beaucoup du Guépard dans ce film, un guépard qui aurait survécu et vivrait encore "de nos jours", enfermé dans son appartement, effrayé par le monde moderne, endormi jusqu'à ce qu'une explosion retentisse..
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Quelques avis trouvés sur le site et ailleurs :
lesinrocks a écrit :Un magnifique testament moral et artistique. Un vieux professeur qui vit en autarcie dans sa maison romaine remplie de livres d’art, de tableaux et de souvenirs, est dérangé par l’intrusion d’une comtesse qui insiste pour louer le deuxième étage de sa demeure afin d’y loger sa fille, son ami ainsi que Konrad, un gigolo. Le professeur est ulcéré par la vulgarité de ce petit monde aristocratique en voied’embourgeoisement, sans aucune culture ni éducation. Mais il constate l’intelligence de Konrad, cachée sous son cynisme de prostitué, et se lie d’amitié avec le jeune homme, qui devient durant une courte période le fils qu’il n’a jamais eu. Les derniers films de Visconti, marqués par la maladie et le désespoir, souffrirent longtemps de la comparaison avec ses chefs-d’œuvre avant que ne resplendisse leur dimension funèbre. Le cloisonnement de l’action dans un appartement reconstitué en studio témoigne du mépris de Visconti pour le monde moderne mais s’explique aussi par sa paralysie qui l’empêchait de mettre en scène d’amples fresques. Violence et passion demeure, avant l’épure glaciale de L’Innocent, le somptueux testament moral et artistique du cinéaste, qui exacerbe son goût pour la tragédie et la décadence. Ce repli sur soi n’implique aucune forme de renoncement, politique ou esthétique. Visconti évoque dans ce film de chambre l’actualité la plus brûlante (les tentatives de complots ourdies par les grands patrons d’extrême droite), tout en s’enivrant une dernière fois des effluves du temps perdu.
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Extrait de l'ouvrage Le cinéma italien (1945-1979) par Freddy Buache a écrit :
Dans tous ses films, Visconti s'intéresse beaucoup plus aux rapports des individus entre eux ou avec les réalités de l'Histoire qu'aux drames psychologiques; les destinées personnelles constituent à ses yeux le milieu spectral au travers duquel se décompose, comme en un prisme, notre civilisation décadente; il en révèle ainsi la relativité des valeurs et ne manque jamais de montrer qu'au-delà de ses illusions de grandeur, de permanence ou de liberté, l'homme bute fatalement sur la mort: le corps est soumis à la dégradation; la jeunesse est passagère. On se souvient du tableau de Greuze figurant vers la fin du Guépard (l'agonie d'un vieillard) et les larmes du Prince après le bal. Ce thème de la vieillesse hantée par son propre anéantissement et fascinée par la beauté (de la jeunesse ou de l'art) sera repris sans cesse par l'auteur et court avec précision notamment de l'une à l'autre des œuvres qui forment la trilogie, majeure dans sa filmographie: Les Damnés (1960), Mort à Venise (1970) et Ludwig (1972).

Pendant le montage de ce film, Visconti fut atteint dans sa santé. L'attaque et le risque de rester paralysé n'ont pu que nourrir sa réflexion; il pousse donc plus loin que jamais sa méditation sur lui-même, sur sa classe et sur notre époque. De sa voiture d'infirme, absolument sûr de ses moyens, il a mis en scène un poème déchirant qui ne doit presque rien à l'autobiographie et qui, pourtant, est entièrement nourri de l'expérience intime du cinéaste. Bien que fondée à partir d'une dialectique articulée sur la confrontation de deux espaces (l'appartement labyrinthique du professeur et l'appartement rénové de l'étage au-dessus), sa puissance expressive ne s'explique ici que par l'ordre spirituel qui régit le jeu des intrigues. Par conséquent, le procès que divers analystes, en particulier révisionnistes, font au film (en Italie, L'Unità fut sévère) en y décelant un confusionnisme politique ne me paraît pas justifié. Car la gravité des questions qu'il pose dépasse de loin quelques notations comme l'appartenance de l'époux à un mouvement d'extrême droite ou le récent passé gauchiste de Konrad. Le mécontentement que suscite un tel film chez les progressistes triomphalistes soumis au culte de l'expansion (soi-disant socialiste) me semble témoigner plutôt en sa faveur: il crie à haute voix des vérités gênantes, masquées aujourd'hui par les états-majors de partis aussi bien que par la démagogie des publicistes.

Visconti précipite le réalisme critique au cœur d'une parabole pour livrer, du mal dont souffre la société capitaliste, un diagnostic pessimiste. Ce qui ne l'empêche pas, d'ailleurs, d'élargir le débat pour lancer, en même temps, un hymne à l'amour, un appel à la reconnaissance de soi par la reconnaissance des autres.

Le professeur et le groupe des intrus qui perturbent sa tranquillité de conscience ne sont que les deux faces de la bourgeoisie contemporaine, l'une (en voie de disparition) passéiste, rêveuse et solitaire, coupée du monde, nichée au creux du libéralisme douillet, satisfaite de son sentiment d'avoir lutté contre le fascisme pour la démocratie, et l'autre (envahissante) désireuse de connaître les plaisirs de la consommation, opportuniste et sans scrupule en se donnant l'alibi de la révolte. Contradictoires, ces deux conceptions de l'éthique et de la pratique se heurtent. Chaque spectateur s'efforcera d'en tirer la leçon, mais l'auteur n'apporte aucune conclusion; pas de prêche, ni de sentence; il désigne un chaos idéologique, des affectivités en ruine, une volonté de laisser à la vie sa chance de reprendre racine entre les constructions fonctionnelles de l'univers technologique à la manière des buissons qui poussent au fronton des temples abandonnés. Son unique affirmation clôt le récit; l'ultime visiteuse fait résonner son pas; impossible d'échapper à son verdict, qui est le même pour tous, qu'on l'accueille en joignant les mains ou à bras ouverts.

Le professeur en robe de chambre dans ses vastes salons remplis de livres empilés et d'objets d'art (il apprécie par-dessus tout ces compositions de la peinture anglaise du XVIII° siècle nommées "conversation pieces") représente le type de l'intellectuel humaniste; il déclare être d'une génération qui estimait logique et harmonieux le passage de la politique à la morale. Il a pu croire à la science, mais a déchanté lorsqu'il s'aperçut que sous le prétexte de libérer les hommes (en dominant la nature, selon le schéma des marxistes), elle contribue à les rendre esclaves. Il a fait la guerre, mais l'âge aidant, il s'est retiré derrière son rempart culturel, ajoutant à ses déclarations d'esthète le bonheur de la bonne chère, car il possède encore des terres d'où lui viennent les nourritures saines conservées dans un réduit et les vins de sa cave.

Brutalement, une étrange tribu pénètre chez lui, s'impose et obtient d'habiter, c'est-à-dire aussi de transformer, l'étage supérieur de sa maison. Il ressent la présence de ces gens comme une agression; tout, en eux, le choque ou le dégoûte, à commencer par la vulgarité de leur langage, leurs préoccupations futiles ou l'extravagance de leurs mœurs. Néanmoins quelques réactions inattendues le touchent. Il s'étonne d'entendre Konrad parler d'un tableau avec intelligence, croit que son interlocuteur a suivi, sur le sujet, des études sérieuses, et s'étonne plus encore en l'entendant avouer: "J'ai eu tout le loisir de l'étudier puisqu'il se trouve, chez des amis, suspendu près du téléphone!" Bref le professeur a horreur de ses locataires qui par instants, forcent néanmoins, imperceptiblement, sa sympathie. Un air de Mozart, un rire, un regard, une douleur vite escamotée par l'ironie ou la trivialité finissent par l'émouvoir, lui qui se revoit parlant de son grand-père à sa maman ou qui évoque avant de s'endormir l'échec de son mariage. A l'exaspération fera place, parfois, le dialogue; et le professeur comprendra ce qu'il a gagné sans le savoir, ce qu'il perd brusquement, quand il pénètre dans le décor moderne en portant le cadavre de Konrad, plan d'une beauté bouleversante qui précise d'un coup le sens de ce film admirable.

Visconti ne cède pas à la nostalgie et n'accuse pas l'avenir d'être menaçant, même s'il déclare par la bouche du professeur que le prix du progrès est la destruction. Il ne se veut pas sociologue ou délivreur de messages, et la signification centrale de ce nouveau chef-d'œuvre naît de ce que chacun des cinq personnages principaux peut apporter aux quatre autres, que ce soit par la confusion, le mensonge, la douceur involontaire, le besoin de tendresse ou le défi. Dans cette société qui ne permet pas que survive un idéalisme trompeur et qui se trouve en proie à la corruption galopante, il ne s'agit pas plus de vouloir demeurer pur que de se laisser mourir; il convient plutôt d'essayer de renouer la communication (autrement que par le téléphone!) en retrouvant au niveau de la petite cellule un geste juste, un mot vrai, la faculté d'écouter et de ne pas condamner, de rompre les vieux codes et surtout d'adapter ce que l'on pense à ce que l'on fait dans le quotidien, afin de regagner sur la veulerie du social une dignité du cœur et de l'esprit.

A cet égard, ce film au titre français stupide constitue une poignante méditation, un magnifique poème vraiment révolutionnaire.
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blaisdell a écrit :
Nicolas Brulebois a écrit :Je me rappelle d’une rétrospective, voici quelques années, à la Cinémathèque Française.

J’y ai découvert (extasié) La Terre Tremble, Senso, Ludwig, L’Innocent (à redécouvrir, celui-ci)…

Le programme (comme toujours dithyrambique) insinuait aussi que Violence et Passion était une grande œuvre injustement méconnue…
Je l’ai vu quelques années plus tard. Et je suis au regret de dire que ce film m’a paru calamiteux d’un bout à l’autre ! Lancaster incapable de la moindre nuance dans son rôle de pseudo misanthrope coupé du monde (en fait de misanthrope, il fait surtout penser à un gros nounours, le pauvre), et Helmut Berger condamné à rejouer son rôle de jeune homme ambigu, cette fois avec beaucoup moins de maestria.
Et puis, franchement… nous pondre cette histoire simpliste de voisinage bruyant et envahissant quand on a fait (quelques années plus tôt) La Terre Tremble… Non, décidément, cela n’est pas sérieux. :roll:
Quoi ??? Violence et Passion est un film bouleversant. Par cet autoportrait , Visconti a fait un film magnifique.
Visconti a tout transcendé et pourquoi n'aurait-il pas le droit de filmer une histoire de "voisinage" après avoir filmé un village de pêcheurs.

Par contre, je ne vois pas en quoi cette oeuvre est méconnue, on reconnaît (ici) souvent sa grande qualité... Moins peut-être que LE GUEPARD mais bon ...

Il se trouve que j'ai encore regardé ce film cet après-midi et je vais en faire bientôt une critique plus détaillée...

En revanche, je m'aperçois que je suis peut-être un peu virulent avec vous car il y a quand même UN seul Visconti que je n'aime pas: L'INNOCENT.
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Demi-Lune a écrit :Visconti est un de mes cinéastes favoris, mais je dois avouer avoir subi une belle déception avec Violence et passion (1974).
La réalisation n'est évidemment pas à mettre en cause. Visconti gère l'exercice du huis-clos avec une science de l'espace et de l'écran large qu'il n'a plus à démontrer, d'autant qu'avec l’appartement romain du Professeur (Burt Lancaster), on retrouve tout ce vieux monde aristocratique déchu qui le fascine tant. Beau tournage en studio, donc, grâce à une direction artistique solide.
Le casting a également de la gueule avec un Lancaster toujours impérial, renouant avec l'esprit du Prince Salina pour une réflexion plus intimiste autour de la vieillesse, de la solitude, du temps qui passe et de la mort approchante.
C'est, à vrai dire, le peu d'intérêt que je tire de cette œuvre testamentaire où Visconti, malade, se projette sur son personnage principal, vivant reclus dans ses souvenirs et ses tableaux et ayant fait le choix de la solitude pour ne plus à avoir à subir les déconvenues de l'attachement affectif. Lancaster, digne, mélancolique, porte le film sur ses épaules. Mais si son personnage émeut, ceux qui gravitent autour de lui (toute cette famille qui emménage au-dessus de son appartement et dont il va se prendre d'amitié et d'affection par substitution) me paraissent fort peu convaincants à cause d'une écriture confuse. Les caractères semblent forcés, les dialogues ampoulés, chacun surjoue son excentricité, sauf Helmut Berger. Le poids du secret et du tabou étant au centre des enjeux, l'aspect psychologiquement allusif du scénario nécessitait une vraie qualité d'écriture. Or je trouve ici Visconti exceptionnellement brouillon, ne provoquant guère d'empathie (chose paradoxale puisque Lancaster doit en éprouver) pour ce quatuor de voisins tapageurs et décadents. Même confusion au niveau du sous-texte politique : Visconti agite au travers de ses personnages le spectre du fascisme, du mouvement révolutionnaire de 68, mais sans que son propos soit très clair.
Au final, Violence et passion peut être vu comme une variation autour de Sandra : le palazzo dans lequel le temps semble s'être figé, la famille et ses tabous qui pourrissent tout, la même conclusion tragique... Claudia Cardinale fait d'ailleurs un caméo. Mais cet avant-dernier film de Visconti ne décolle jamais vraiment à mes yeux, contrairement à son ancêtre. Dommage.
Dernière modification par Supfiction le 2 oct. 13, 21:49, modifié 1 fois.
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Watkinssien
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Re: Violence et passion (Luchino Visconti - 1974)

Message par Watkinssien »

Je trouve également ce film comme une oeuvre testamentaire réussie, élégante et déconcertante.
Visconti y soigne une mise en scène inspirée et convaincante, et parvient à se concentrer sur plusieurs niveaux dramatiques, à la fois lyriques et grotesques.

De plus, les comédiens sont excellents.
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Demi-Lune
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Re: Violence et passion (Luchino Visconti - 1974)

Message par Demi-Lune »

Visconti est un de mes cinéastes favoris, mais je dois avouer avoir subi une belle déception avec Violence et passion.
La réalisation n'est évidemment pas à mettre en cause. Visconti gère l'exercice du huis-clos avec une science de l'espace et de l'écran large qu'il n'a plus à démontrer, d'autant qu'avec l’appartement romain du Professeur (Burt Lancaster), on retrouve tout ce vieux monde aristocratique déchu qui le fascine tant. Beau tournage en studio, donc, grâce à une direction artistique solide.
Le casting a également de la gueule avec un Lancaster toujours impérial, renouant avec l'esprit du Prince Salina pour une réflexion plus intimiste autour de la vieillesse, de la solitude, du temps qui passe et de la mort approchante.
C'est, à vrai dire, le peu d'intérêt que je tire de cette œuvre testamentaire où Visconti, malade, se projette sur son personnage principal, vivant reclus dans ses souvenirs et ses tableaux et ayant fait le choix de la solitude pour ne plus à avoir à subir les déconvenues de l'attachement affectif. Lancaster, digne, mélancolique, porte le film sur ses épaules. Mais si son personnage émeut, ceux qui gravitent autour de lui (toute cette famille qui emménage au-dessus de son appartement et dont il va se prendre d'amitié et d'affection par substitution) me paraissent fort peu convaincants à cause d'une écriture confuse. Les caractères semblent forcés, les dialogues ampoulés, chacun surjoue son excentricité, sauf Helmut Berger. Le poids du secret et du tabou étant au centre des enjeux, l'aspect psychologiquement allusif du scénario nécessitait une vraie qualité d'écriture. Or je trouve ici Visconti exceptionnellement brouillon, ne provoquant guère d'empathie (chose paradoxale puisque Lancaster doit en éprouver) pour ce quatuor de voisins tapageurs et décadents. Même confusion au niveau du sous-texte politique : Visconti agite au travers de ses personnages le spectre du fascisme, du mouvement révolutionnaire de 68, mais sans que son propos soit très clair.
Au final, Violence et passion peut être vu comme une variation autour de Sandra : le palazzo dans lequel le temps semble s'être figé, la famille et ses tabous qui pourrissent tout, la même conclusion tragique... Claudia Cardinale fait d'ailleurs un caméo. Mais cet avant-dernier film de Visconti ne décolle jamais vraiment à mes yeux, contrairement à son ancêtre. Dommage.
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Re: Violence et passion (Luchino Visconti - 1974)

Message par Lino »

Le modèle du vieux professeur (Burt Lancaster) c'est Mario Praz, un esthète et érudit , historien d'art dont on trouve quelques ouvrages traduits en français....
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Supfiction
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Re: Violence et passion (Luchino Visconti - 1974)

Message par Supfiction »

Demi-Lune a écrit :je trouve ici Visconti exceptionnellement brouillon, ne provoquant guère d'empathie (chose paradoxale puisque Lancaster doit en éprouver) pour ce quatuor de voisins tapageurs et décadents. Même confusion au niveau du sous-texte politique : Visconti agite au travers de ses personnages le spectre du fascisme, du mouvement révolutionnaire de 68, mais sans que son propos soit très clair.
On éprouve effectivement aucune empathie pour ces voisins insupportables, en revanche on en éprouve pour le vieux Lancaster sans cesse dérangé et sans cesse sur le point de se faire abuser (le personnage de Silvana Mangano avouant même à la fin qu'elle pensait finir par le contraindre à vendre un appartement qu'il n'avait à la base aucune volonté de ne serait-ce louer).
En ce qui concerne le spectre du complot fascisme, cela sonne effectivement plus comme un "fantasme" éculé, une vision un peu "années 30". Mais peut-être que je me trompe, ne prétendant pas connaître précisément la réalité politique italienne de cette époque précise.
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Re: Violence et passion (Luchino Visconti - 1974)

Message par Supfiction »

Lino a écrit :Le modèle du vieux professeur (Burt Lancaster) c'est Mario Praz, un esthète et érudit , historien d'art dont on trouve quelques ouvrages traduits en français....
Merci pour cette information.
Effectivement...

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Le célèbre écrivain anglophile et critique d’art et de littérature Mario Praz non seulement soufra des paroles empoisonnées de Cyril Connoly qui dit de la maison de la vie, cette étrange autobiographie de Praz à travers des objets de sa maison, que c’était un des livres les plus fades et ennuyeux qu’il n’avait jamais lu, il ajouta que le livre est tellement prodigieusement ennuyeux que lorsque l’on le lit on n’en croit pas ses propres yeux. Il soufra aussi d’une réputation bien mérité de porte la poisse. Il a donc été rendu responsable d’événements comme des accidents de bateaux et des accidents qui étaient fréquent quelque soit l’endroit où il se trouvait. Il est l’auteur de La Chair, la Mort et le Diable : le romantisme noir, une analyse très détaillé des principaux thèmes du romantisme littéraire, particulièrement le britannique, depuis son apparition jusqu’au début du 20ème siècle.

Praz est la quintessence de ce que l’on appelle un auteur de culte, donc ses admirateurs dévoués préfèrent voir le singulier écrivain romain, soi-disant investi de pouvoirs provenant directement de l’Averne, comme un tragique porteur d’infortunes, dénomination qui indiscutablement va beaucoup mieux avec son caractère.

La maison de Mario Praz à Rome est simplement l’un des plus magnifiques musées d’écrivains que l’on peut voir dans le monde. Quant à son livre La maison de la vie, dans lequel Praz raconte l’histoire de sa merveilleuse collection chambre par chambre et objet par objet comme si il s’agissait d’un roman, est bien loin d’être le livre rasoir dénigré sans clémence par Connolly. Pour moi une des livres les plus fascinants jamais écrit. Praz lui-même déclara au moins en une occasion, apparemment inspiré par une note trouvé en bas d’un portrait de James joyce, que ce qu’il prétendait au travers de sa collection c’était d’écrire le mystère de soi-même dans les meubles.

S’agissant de l’un des plus grands experts de l’œuvre du sculpteur Antonio Canova, en plus d’être l’auteur de livres très complets sur des thèmes comme l’emblématique baroque, le goût néoclassique et l’histoire de la décoration depuis les temps de Pompéi, inutile de dire que l’on ne parle pas de n’importe quels objets. Selon la propre confession de Luchino Visconti, tous ceux qui connaissent bien son magnifique et bouleversant film Gruppo di famiglia in un interno (1974) trouverons dans le personnage interprété par Burt Lancaster une copie convaincante de Mario Praz, isolé du bruit mondain de cette époque moderne qu’il détectait tant, ou au moins qu’il faisait semblant de ne pas comprendre, à l’intérieur de sa superbe tour d’ivoire.

De l’aire si particulier qui se respirait dans l’atmosphère de cet espace unique nous informe Praz lui-même, qui achetait les imposant miroirs style empire qui proliféraient dans la maison avec le verre d’un aquarium qui séparait le monde dans lequel nous habitons de celui des créatures silencieuses.
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Père Jules
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Re: Violence et passion (Luchino Visconti - 1974)

Message par Père Jules »



Passionnant avec de nombreuses références au Guépard.
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Re: Violence et passion (Luchino Visconti - 1974)

Message par Jeremy Fox »

La chronique de Pierre Jean ainsi que le test du Bluray par Ronny Chester.
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Re: Violence et passion (Luchino Visconti - 1974)

Message par someone1600 »

Et bien tous ces avis me donnent envie de voir ce film. :wink:
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