Luciano Emmer (1918-2009)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Saimo
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Luciano Emmer (1918-2009)

Message par Saimo »

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Parole dipinte. Films sur l'art de Luciano Emmer.
http://www.amazon.it/dipinte-sullarte-Luciano-italiana-francese/dp/8895862309/
http://www.cinetecadibologna.it/comprar ... le_dipinte

Les deux DVD de ce coffret présentent une riche sélection des 20 films sur l'art réalisés par Luciano Emmer (1918-2009), ici réunis pour la première fois. La caméra explore les univers figuratifs de Giotto, Bosch, Carpaccio, Léonard, Michel-Ange, Picasso. Grâce à leur refus de fournir une lecture académique de l'histoire de l'art ces expériences cinématographiques fascinantes sont aussi des introductions rares et insolites au monde des arts figuratifs.

Version italien avec sous-titres français et version française disponible pour "La Légende de Sainte Ursule" et "Venise et ses amants" (commentaire écrit et dit par Jean Cocteau) et "Le Drame du Christ raconté par Giotto".

Livre bilingue italien/français (52 p.)
Un essai inédit de Paola Scremin retrace la carrière de Luciano Emmer dans le cinéma sur l'art. Avec un texte d'Adriano Aprà.

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Jeremy Fox
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Re: Luciano Emmer (1918-2009)

Message par Jeremy Fox »

Dimanche d'août par Justin Kwedi ; le film vient de sortir en DVD chez SNC/M6 video.

Celui-ci, il me le faudra ; le texte m'a sacrément fait saliver.
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Commissaire Juve
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Re: Luciano Emmer (1918-2009)

Message par Commissaire Juve »

Jeremy Fox a écrit :Dimanche d'août par Justin Kwedi ; le film vient de sortir en DVD chez SNC/M6 video.

Celui-ci, il me le faudra ; le texte m'a sacrément fait saliver.
N'hésite pas. Moi qui ne raffole pas des films italiens, je me le suis repassé deux fois (rien que pour le plaisir d'aller à la plage).

Je l'ai même essayé en VF ; c'est dire (VF à papa très sympa, mais qui perd régulièrement les bruits de fond).

Justin aurait pu signaler que l'intervenant dans les suppléments finissait par se mélanger les pinceaux dans le récit du film (visiblement, le monsieur ne l'avait pas vu depuis 30 ans :mrgreen: ).
La vie de l'Homme oscille comme un pendule entre la douleur et l'ennui...
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Jeremy Fox
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Re: Luciano Emmer (1918-2009)

Message par Jeremy Fox »

Commissaire Juve a écrit :
Jeremy Fox a écrit :Dimanche d'août par Justin Kwedi ; le film vient de sortir en DVD chez SNC/M6 video.

Celui-ci, il me le faudra ; le texte m'a sacrément fait saliver.
N'hésite pas. Moi qui ne raffole pas des films italiens, je me le suis repassé deux fois (rien que pour le plaisir d'aller à la plage).
Et moi qui raffole du cinéma italien des années 50... ça devrait le faire :wink:
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Profondo Rosso
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Re: Luciano Emmer (1918-2009)

Message par Profondo Rosso »

Le Bigame (1956)

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Mario De Santis, un honnête représentant de commerce, voit sa vie bouleversée lorsqu’une femme qu’il ne connaît absolument pas l’accuse à tort d’être bigame. Il est défendu par un avocat très distrait.

Luciano Emmer signe une hilarante comédie avec Le Bigame où il retrouve Sergio Amidei secondé par le duo Age et Scarpelli et un débutant nommé Francesco Rosi), scénariste de son classique Dimanche d'aout. On est cependant loin du néoréalisme rose naissant pour plonger dans la franche comédie sociale dans une veine proche du Pigeon. Mario De Santis (Marcello Mastroianni) est un séduisant représentant de commerce et père de famille qui va voir son quotidien bouleversé lorsqu'une inconnue va l'accuser de bigamie pour un mariage contracté sept ans auparavant. Marcello Mastroianni tout au long de sa carrière se plaira à détruire l'image de séducteur que son physique avenant peut évoquer, Le Bel Antonio en tête. Ici tout le film tend à détruire justement cette facette en la mettant justement en valeur au départ où l'on est admiratif du bagout et du charme de Mario pour vendre des tubes de dentifrice aux (épouses des) commerçants qu'ils prospectent. Il en va de même dans son foyer où un baiser viril calme les ardeurs jalouse de son épouse Valeria (Giovanna Ralli).

Tout bascule donc lorsque la très lunaire Isolina (Franca Valeri) l'accuse de bigamie. Luciano Emmer manie à la fois la satire sociale et l'humour absurde pour dépeindre la déchéance du malheureux Mario. La morale inquisitrice teintée de religion instaure ainsi une vindicte qui ne laissera aucune chance à Mario, toujours plus coupable quoiqu'il dise ou fasse, que ce soit dans les situations dont l'interprétation est toujours à son désavantage (une rencontre secrète avec son épouse devenant une tentative d'enlèvement pour la police) ou le regard des autres avec une belle-famille et des voisins qui ont tôt fait de se retourner contre lui. Cela pourrait tout à fait être les éléments d'un drame pesant mais Emmer y ajoute une outrance toute italienne qui élève l'injustice à des proportions hilarante. Une longue scène de vaudeville voit par une suite de hasards malheureux s'empiler dans l'appartement du couple tous les protagonistes n'ayant aucun intérêt à se rencontrer (les deux épouses, leurs familles et avocats respectifs) et se conclut en bagarre générale. La respectabilité perdue expose à tous les malentendus mais aussi aux vautours en tout genre. Vittorio De Sica nous offre ainsi un grand numéro comique en avocat plus intéressé par les paillettes que la plaidoirie. Le ton se fait grinçant à travers ce personnage reflet de la corruption ordinaire avec des running gags tordants, entre les poses qu'il prend dès que passe un appareil photo ou des sentences fatales à tous ses clients ivres de vengeance. Partant du principe que son client est de toute façon coupable, inutile de s'informer de l'affaire en détail et autant compter sur une éloquence creuse pour le défendre. La plaidoirie finale est absolument hilarante, De Sica plus théâtral que jamais calomniant, jurant, pleurant et vociférant tout en citant des poèmes de Gabriele D'Annunzio, grand moment.

Là où l'on sent que nous ne sommes pas encore entré dans la comédie italienne cruelle des années à venir, c'est dans la caractérisation du/des couples. Mario et Valeria ne cessent jamais de s'aimer, le dépit de cette dernière repose plus sur un sincère désespoir que la crainte du regard des autres et plus que l'accusation, c'est bien l'influence néfaste de leur entourage qui les sépare. Franca Valeri aussi parvient à être étonnamment attachante malgré son rôle négatif puisque les indices du scénario et son jeu décalé ne laissent jamais planer le doute quant à son mensonge. La solitude de la vieille fille, étouffée par un père autoritaire émeuvent sous les rires et comme souvent dans le cinéma italien la dimension régionale constitue l'identité de manière sous-jacente. Les multiples allusions à ses origines de la petite ville de Forlimpopoli soulignent à la fois les mœurs sévères de la province du nord mais aussi une richesse qui permettra d'accuser et d'être crue plus facilement que le plus modeste Mario. Ces trois-là sont les seuls dont le film expose sincèrement les failles et les tourments quand tout le reste du casting est dans l'outrance et la caricature. On détache tout de même le truculent Memmo Carotenuto, grand second rôle italien de l'époque et excellent en acolyte de prison bienveillant. Il sera d'ailleurs récompensé d'un Ruban d'argent du SNGCI (Syndicat National des Journalistes du Cinéma Italien) pour son interprétation. Un très bon moment, plaisant de bout en bout. 4,5/6
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Profondo Rosso
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Re: Luciano Emmer (1918-2009)

Message par Profondo Rosso »

La Fille dans la vitrine (1961)

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Vincenzo, travailleur d'origine italienne, est employé dans une mine de charbon en Belgique. Après avoir survécu à un grave accident, il veut retourner dans son pays. Il fait un détour à Amsterdam en compagnie de son ami Federico. Là, il rencontre une prostituée d'une très grande beauté, Else, dont il tombe éperdument amoureux. Ses perspectives sont alors entièrement bouleversées...

La Fille dans la vitrine est une œuvre qui signe malheureusement le glas de la carrière de Luciano Emmer dans la fiction. Le sujet du film provoque les foudres du parti de la Démocratie chrétienne qui via la censure en imposera de larges coupes avant de lui accorder une sortie réservée aux adultes pour un évident échec commercial. Dégouté Luciano Emmer retournera donc à ses premières amours documentaires durant les 30 années suivantes (notamment pour la RAI) et ne reviendra à la fiction qu'en 2001 avec Une longue, longue, longue nuit d'amour. Rien de scabreux pourtant dans ce beau film où Luciano Emmer revisite avec brio le sujet de son film le plus connu, Dimanche d'août (1950). Dans ce dernier il évoquait à travers un récit choral les hauts et les bas d'un groupe de personnages durant le congé dominical et y observait donc une Italie à la croisée des chemins de la crise d'après-guerre et du boom économique à venir. Dix ans plus tard Luciano Emmer s'intéresse ainsi aux travailleurs émigrants italiens avec ces mineurs quittant le pays pour travailler en Belgique. On retrouve l'habile mélange du réalisateur en fiction et documentaire où il capture dans un même mouvement la camaraderie de ce groupe de travailleur mais aussi l'âpreté du travail à la mine. Après avoir introduit le jeune Vincenzo (Bernard Fresson) et ses compagnons, Emmer les fait disparaître en tant qu'individu. La descente à la mine symbolise un oubli du monde (ce zoom arrière voyant la lumière du jour s'éloigner brutalement) et de soi, réduisant chacun à un travailleur anonyme et interchangeable par son visage noir de suie, par son corps disparaissant dans les tunnels exigus, sombres et rocailleux. Ayant frôlé la mort et longuement agonisé après un éboulement, Vincenzo se laisse entraîner par Federico (Lino Ventura) un autre survivant, à un weekend de plaisir à Amsterdam.

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Les péripéties des protagonistes de Dimanche d'août étaient à la mesure de leur quotidien de travailleur, entre langueur à la plage ou solitude urbaine. L'oubli recherché par Vincenzo et Federico est donc aussi radical que la dureté de leur tâche en semaine, un weekend avec les prostituées posant en vitrine dans les rues d'Amsterdam. L'habitué Federico sert de guide à son compagnon et au spectateur quant aux codes de ce monde tandis que la caméra d'Emmer arpente crûment l'activité de ces rues des plaisirs et l'aguichage des belles d'âges, physiques et vitrines variées. Le récit prend son temps, nous faisant explorer les différents bars du quartier où grouille cette diaspora italienne travailleuse venue se relaxer et où le sexe (même celui non désiré hilarante scène ou Lino Ventura se trouve à son insu dans un bar gay) semble partout pouvoir se monnayer selon les finances et la capacité à communiquer. La réserve de Vincenzo est tout autant un obstacle que l'attitude balourde de Federico, mais si le second retrouve sa compagne habituelle Corrie (Magali Noël) le premier n'arrive pas à oublier la belle et mystérieuse Else (Marina Vlady) aperçu en voiture. Trouvant le courage de la solliciter il va passer la nuit puis le weekend avec elle. Bernard Fresson loin de certains rôles rustres qui le feront connaître par la suite est surprenant en jeune homme emprunté et amoureux. L'alchimie fonction à merveille avec une troublante Marina Vlady. Elle est d'abord vue comme une vamp distante et avide exprimant le détachement qu'exige ce métier de prostituée, Emmer capturant subtilement son trouble naissant face à l'innocence et au regard timide de ce garçon cherchant le courage de l'aborder et étonnement tendre au moment de "consommer".

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Le drame du film va naître de l'incapacité des hommes à reconnaître dans leur compagne des esclaves tout comme eux recherchant l'oubli dans leur bras. Magali Noël laisse ainsi peu à peu se fissurer son cynisme de façade, jalouse et colérique quand Federico sollicite d'autres femmes au détour du weekend. Lui ne semble voir en elle qu'un repos du guerrier après sa semaine à la mine. La douceur des regards et attitudes d’Else trahissent également d'autres sentiments auquel Vincenzo ne semble pouvoir répondre que par l'expression de son pressant désir physique. Luciano Emmer magnifie Marina Vlady lors de leurs retrouvailles sur les dunes surplombant la plage (également lors de la superbe scène de ballade en barque), délestant sa féminité de tous artifices séducteurs pour simplement capturer une beauté libre et désormais dénué de tout esprit de calcul. Le machisme italien ordinaire semble pourtant incapable d'entrevoir cette vérité, une situation ou un dialogue maladroit venant toujours rappeler aux femmes leur nature d'objet de consommation éphémère le temps de ce weekend - Vincenzo riant lorsque Else lui demande son avis sur le mariage. Tout le film navigue dans cet entre-deux incertain, mais lorsque les personnages sont à court de mots et se montre les plus empruntés (ce baiser furtif et maladroit de Else à la gare) on ressent comme cette relation pourrait être plus sincère. La belle fin ouverte laisse à l'interprétation la suite possible avec le retour inattendu aux mines. Les retrouvailles en fin de semaine augurent elles une romance (Vincenzo risquant à nouveau la mine pour la retrouver) ou une débauche ordinaire comme le suggère un dernier dialogue trivial ? Luciano Emmer laisse la réponse à la libre interprétation du cynisme et du côté fleur bleue du spectateur. 5/6

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Boubakar
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Re: Luciano Emmer (1918-2009)

Message par Boubakar »

Jeremy Fox a écrit :
Commissaire Juve a écrit : N'hésite pas. Moi qui ne raffole pas des films italiens, je me le suis repassé deux fois (rien que pour le plaisir d'aller à la plage).
Et moi qui raffole du cinéma italien des années 50... ça devrait le faire :wink:
Qu'est-ce que tu en as pensé alors ? Pour moi, ça a été un régal, avec ce côté presque sociologique de voir la vie italienne de 1949, avec ce dimanche comme seul jour de repos.
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Jeremy Fox
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Re: Luciano Emmer (1918-2009)

Message par Jeremy Fox »

Pas acheté :oops:
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