Viviane Romance (1912-1991)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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francesco
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Re: Viviane Romance (1912-1991)

Message par francesco »

D'accord avec Cathy : pour moi le cinéma américain laisse une très belle part au women's pictures jusqu'aux années 60 (avec la fin des studios). Il ne faut pas oublier que pendant la guerre, justement, une partie du cinéma est restée tournée du côté des femmes (parce qu'elle constituait un bon public évidemment) et qu'ensuite la ménagère dans la famille décidait assez souvent ce qu'on allait voir !!! La preuve, les carrières de Ross Hunter et de Jerry Walde se sont construites autour d'un public féminin qui venaient voir des mélodrames. Les années 50, ce sont quand même celles des succès Universal et de Douglas Sirk, entre autres.

Tout ça est extrêmement visible avec les oscars : jusqu'au début des années 60, l'Académie n'a aucun mal à distinguer des "véhicules" pour actrices, à partir d'un moment (et ça devient automatique en gros vers 65, 66) ils doivent se tourner vers des rôles étrangers, de nouvelles venues, des co-leads, voire des rôles quasiment secondaires artificiellement promus rôles principaux etc ... Et ça dure toujours aujourd'hui.

Quant au public français, il faut penser qu'il voyait autre chose que des films hexagonaux, pendant les années 40 et 50. Des films allemands, américains ou mexicains qui avaient beaucoup de succès et dans lesquelles les femmes avaient le beau rôle.

Le commissaire Juve n'aime pas les voix graves chez les femmes (il n'aime pas les voix de Feuillère, de Zarah Leander et de Marlène Diétrich), c'est ça qu'il veut dire par "voix de mémére", en fait ... du moins je crois (hein, je ne veux pas faire de l'interprétation de quelque chose que le commissaire nécessairement sait mieux que personne !!!).

Ava Gardner n'étant pas une actrice, je ne vois pas pourquoi il est question d'elle ici. :mrgreen:
Dernière modification par francesco le 30 août 15, 09:14, modifié 4 fois.
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Re: Viviane Romance (1912-1991)

Message par francesco »

Et pour revenir à Viviane Romance, je l'adore, mais je l'adore dans L'Affaire des Poisons où elle et Darrieux sont géniales (un film de femmes, notons le !!!!). J'aimerais bien voir Vénus aveugle du coup et certains films dont parle Musicman.
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Re: Viviane Romance (1912-1991)

Message par Commissaire Juve »

francesco a écrit :
Le commissaire Juve n'aime pas les voix graves chez les femmes (il n'aime pas les voix de Feuillère, de Zarah Leander et de Marlène Diétrich), c'est ça qu'il veut dire par "voix de mémére", en fait ... du moins je crois...
Oui... c'est à peu près ça.

Il y a un film -- dont j'ai oublié le titre -- où Jean-Claude Brialy, au cours d'une soirée, passe en revue toutes les filles invitées... La caméra passe d'un petit groupe à l'autre, et, à un moment, on entend Brialy prononcer le mot "mémères"... les filles sont jeunes pourtant... mais il considère que ce sont des "mémères" :lol: Bref : le mot a un champ sémantique large !
Ava Gardner n'étant pas une actrice, je ne vois pas pourquoi il est question d'elle ici. :mrgreen:
:uhuh:
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Re: Viviane Romance (1912-1991)

Message par Tutut »

Commissaire Juve a écrit :
francesco a écrit :
Le commissaire Juve n'aime pas les voix graves chez les femmes (il n'aime pas les voix de Feuillère, de Zarah Leander et de Marlène Diétrich), c'est ça qu'il veut dire par "voix de mémére", en fait ... du moins je crois...
Oui... c'est à peu près ça.
Je pensais que c'était du à une attitude, un comportement, un côté plan-plan quoi, là c'est de la ségrégation vocale. :twisted:
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Re: Viviane Romance (1912-1991)

Message par Commissaire Juve »

Tutut a écrit : Je pensais que c'était du à une attitude, un comportement, un côté plan-plan quoi, là c'est de la ségrégation vocale. :twisted:
Commissaire Juve a écrit : Bref : le mot a un champ sémantique large !
C'est un tout ! :mrgreen: (Gaby Morlay -- par exemple -- n'a pas vraiment une voix de déménageur... mais elle fait très "mémère").
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Le puritain (1938)

Message par Supfiction »

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Le Puritain (1938)
Réalisation : Jeff Musso
Avec : Jean-Louis Barrault, Viviane Romance, Pierre Fresnay
Scénario : d'après le roman de Liam O'Flaherty
Durée: 81'

Ferriter est un jeune journaliste puritain à l'extrême. Révolté par l'attitude d'une femme à la moralité douteuse, il la poignarde une nuit après s'être glissé dans sa chambre.
Le commissaire chargé de l'affaire est sur sa piste mais n'a aucune preuve contre lui. Un soir, le désespoir pousse Ferriter à déambuler dans les rues. Il y rencontre Molly, dont la beauté et l'immoralité lui inspire un mélange de fascination et de répulsion.


Jean-Louis Barrault (Ferriter) est de tous les plans dans ce drame/policier. Mais ce sont les deux seconds rôles principaux qui crèvent l'écran : Pierre Fresnay et une Viviane Romance qui fait des ravages lorsqu'elle apparait dans le rôle d'une fille des rues au bout de 3/4h et croise le chemin d'un Jean-Louis Barrault. On ne la verra que 20 minutes mais impossible de l'oublier.

Le film est un thriller à la Clouzot avant l'heure, mettant en scène, outre Barrault et Romance, un Pierre Fresnay savoureux déjà dans les habits du commissaire Wens qui feront sa gloire (Le dernier des six, L'assassin habite... au 21). Il s'appelle ici Commissaire Lavan, mais tout y est déjà. Clouzot n'a eu qu'à reprendre un personnage pratiquement clef en main.
L'atmosphère y est poisseuse et la présence au casting du visqueux Jean Tissier (que l'on retrouvera dans les deux Clouzot face à Fresnay) accroit encore plus cette impression. Fréhel est également de la partie.

Barrault porte le film sur ses épaules. Il en fait beaucoup (un peu trop à mon goût à vrai dire, mais c'est sans doute le genre de performance qui devait impressionner à l'époque) en fanatique intégriste catholique en proie à une descente aux enfers en plein Sodome.
Devenu aigri depuis qu'il crève de jalousie pour une voisine de palier, il dit, au cours de son duel psychologique avec Fresnay, avoir découvert l'hypocrisie de notables, "des canailles" "qui cachent leurs ambitions personnelles sous le masque de la morale et du patriotisme". Il y est vaguement question de société secrète (une allusion aux groupuscules d'extrême droite actifs dans les années 1930 ?). Comme ils ont refusé de soutenir sa plainte contre un fils de bonne famille aux mœurs légères, il agit cette fois de lui-même, persuadé de suivre des instructions divines..
Un sujet qui avait sans doute vieilli un temps mais qui sonne malheureusement d'actualité aujourd'hui.

Réalisé par Jeff Musso qui ne fera pas grand chose d'autre, excepté Dernière jeunesse avec Jacqueline Delubac, Pierre Brasseur et Raimu. Le film reçut le prix Louis Delluc en 1938.
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Re: Viviane Romance (1912-1991)

Message par Commissaire Juve »

Tiens, voilà un titre que j'aimerais bien voir.
La vie de l'Homme oscille comme un pendule entre la douleur et l'ennui...
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Venus Aveugle (1941)

Message par Supfiction »

Petit teasing made in Abel Gance en introduction de Venus Aveugle :
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Re: Viviane Romance (1912-1991)

Message par Tommy Udo »

Tu l'as regardé ? Bien aimé ?

Sinon, j'adore également cette actrice.
Et contrairement à un autre forumeur, je la trouve sexy et jamais vulgaire :)
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Re: Viviane Romance (1912-1991)

Message par Supfiction »

Tommy Udo a écrit :Tu l'as regardé ? Bien aimé ?

Sinon, j'adore également cette actrice.
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J'hésite d'ors et déjà à parler de petit chef-d’œuvre mélodramatique et lyrique.

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Re: Viviane Romance (1912-1991)

Message par Tommy Udo »

:mrgreen:
Supfiction a écrit :J'hésite d'ors et déjà à parler de petit chef-d’œuvre mélodramatique et lyrique.
Ah bon ? Et pourquoi ?
Je suis pourtant très intéressé par un petit commentaire de ta part :oops:
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Viviane Romance dans Venus Aveugle (1941) d'Abel Gance

Message par Supfiction »

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Venus Aveugle (1941)
Réalisation : Abel Gance, assisté de Edmond T. Gréville
Scénario : Abel Gance, Steve Passeur
Avec : Viviane Romance, Georges Flamant, Henri Guisol, Lucienne Le Marchand, Mary-Lou (Sylvie Gance)


A la vision de ce film, le spectateur moderne sera amené à choisir entre deux qualificatifs : mélo sublimement kitsch ou chef-d’œuvre expressionniste et lyrique. Les deux, mon maréchal serais-je tenter de dire. Une chose est sûre en revanche : Venus Aveugle est du Abel Gance pur jus.

L'argument :
Clarisse (Viviane Romance), une jeune femme qui a posé pour l'affiche et des cigarettes "Venus" et dont le visage est sur tous les paquets, apprend qu'elle est sur le point de devenir aveugle. Alors qu'elle vivait le parfait amour avec Madère (Georges Flamant, plutôt bon) à bord d'un bateau échoué, "Le Tapageur", elle confie alors à sa sœur Mireille sa volonté de ne pas vouloir devenir un fardeau pour son amant. Telle la dame aux camélias qui s'était retiré du monde avec son amant, elle renonce au parfait amour et lui fait croire l'avoir trompé. Il tombe dans le panneau et la quitte écœuré. Clarisse reprend son premier métier de chanteuse, au cabaret "Le Bouchon rouge", tenu par ses amis Indigo et Marceline.
Mais elle apprend alors qu'elle est enceinte et change d'intention. Sauf qu'entretemps, Madère est déjà parti sur un paquebot avec Gisèle (Lucienne Le Marchand), la rivale qui n'en espérait pas tant. Madère rentre au bout d'un an. Clarisse l'attend sur le quai mais...

Cette histoire mélodramatique est surtout un prétexte, Gance privilégiant l'esthétique au récit très classique et souvent elliptique.
Les images superbes ne manquent pas, et ce dès la première scène chez l’ophtalmologiste, propice aux (très) gros plans sur la star magnifiée par un éclairage travaillé et une mise en scène à l'expressionnisme exacerbé. Les éléments naturels (orage, mer agitée, tempête) et les décors sont également utilisés (le bateau est un personnage à part entière et même parle!) pour accroitre l’intensité dramatique et la quintessence des sentiments des personnages. De fait, le film semble être en partie resté à l'ère du muet et vouloir rivaliser avec les grands mélos de la fin des années 20 (comme ceux de Borzage).
Le résultat en est l'amplification à outrance du mélodrame et un lyrisme à toutes épreuves. C'est beau comme le désespoir.
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Cette image par exemple semble tout droit sortie de son célébrissime Napoléon, sauf que ce n'est pas Joséphine (dans les pensées de Napoléon) mais Clarisse/Viviane Romance démultipliée par l'image.

Le thème de l'aveugle était il faut croire dans l'air du temps en ces années marquées par l'horreur de la guerre, Sacha Guitry écrivant et réalisant Donne moi tes yeux qui sortit le même mois (en Novembre 1943) que Venus Aveugle en zone occupée (le film était sortit dès 1941 en zone libre). Sur un argument pratiquement identique, le personnage de Guitry, sachant qu'il perd la vue jour après jour, fait tout pour éloigner de lui sa jeune amante jouée par Geneviève Guitry.
Et puis tout simplement, c'est un artifice idéal pour le mélo (cf. Le Secret magnifique de Stahl puis Douglas Sirk).
Et le réalisateur y va à fond dans ce domaine puisque non seulement Clarisse devient peu à peu aveugle alors qu'elle est enceinte, puis élève seule son enfant et enfin le perd des suites de diphtérie. Cet excès mélodramatique pourra faire sourire les moins initiés mais pour peu que l'on passe outre, le film offrira des trésors visuels, Gance faisant une nouvelle fois preuve de son imagination à toutes épreuves.

Les adorateurs de Viviane Romance seront particulièrement gâtés : elle porte totalement le film et est filmée comme une venus, les gros plans somptueux se succédant tout au long d'un film qui s'étire sur 140 minutes. Comme cette scène dans laquelle Viviane Romance chante attachée à une roue avant de s’évanouir, tournant alors vers le sol, comme un symbole de son monde qui s'écroule. C'est à ce moment qu'elle apprend qu'elle attend un enfant.
Les éclairages très contrastés, entre ombre et lumière, appuyés par le maquillage et le jeu de l'actrice, donnent au film son esthétique expressionniste. On est pas si éloigné du réalisme poétique sévissant depuis la fin des années 30 en France (Quai des brumes de Carné/Prévert), chainon manquant entre expressionnisme allemand et films noirs américains à venir, à la différence que Gance s'inscrit davantage dans le surréalisme et la symbolique que dans la réalité qu'il cherche constamment à dépasser. L'époque veut ça aussi puisque en 1941 cinéastes comme spectateurs cherchaient à s'éloigner du réel. La séquence finale, est à ce titre un sommet de poésie, durant laquelle les amis de Clarisse simulent un voyage en mer à l'aide d'artifices divers (vapeur d'eau, ventilateur, bruits de haute mer). Cette séquence est l'illustration de la citation de Sénèque qui ouvre le film (accompagnée d'une dédicace à la "France de demain incarnée par le maréchal") :
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Grand amour, voyage en mer, cabarets et clown blanc (Henri Guisol parfait), le spectateur est transporté dans un autre monde, bien loin de la dure réalité de l'occupation. Quant aux scènes de cabaret, on pense à Sternberg et forcement à Marlène. Viviane Romance chantant elle-aussi, et à plusieurs reprises, notamment l'emblématique Je vous déteste, les hommes.

On a dit qu'elle ne s'entendit pas avec Gance et refusa même d'être dirigée par lui. Il y eu surtout querelle de femmes avec Mary-Lou, la propre femme de Gance qui jouait le rôle de la sœur.
Edmond T. Gréville, assistant de Gance (il a travaillé sur Napoléon et La Fin du monde) dirige alors Viviane Romance qui montre des dons dramatiques absolus et une photogénie hyper sensuelle. Gréville était réputé pour son style original souvent chargé d'érotisme. Gance ou Gréville, quoiqu'il en soit, la vedette est particulièrement mise en valeur par la mise en scène : caches pour centrer l'attention, gros plans pour sublimer ou exprimer les sentiments. L'un d'eux devait en être au moins un peu amoureux pour la filmer aussi bien.

Un mot sur Georges Flamant qui jouait une nouvelle fois avec Viviane Romance après Le puritain en 1937, Gibraltar, L’étrange Monsieur Victor, et Prison de femmes en 1938, Angélica et La tradition de minuit en 1939. Viviane Romance avec qui il était alors marié l'imposa encore par la suite à ses côtés dans Cartacalha, Feu sacré en 1942, et Une femme dans la nuit en 1943.
Il ne devait pas être aisé pour cet acteur d'être "Mr Romance" et souvent dénigré. Il avait pourtant commencé sa carrière sous la direction de Jean Renoir (dans La chienne en 1931, dans le rôle du voyou que reprendra si bien le grand Dan Duryea dans la version de Lang), et l’acheva sous celle de François Truffaut dans Les 400 coups en 1959. Pas mal quand même..

Le récit de Venus Aveugle est profondément allégorique : grâce au soutien, à la solidarité et à l'ingéniosité des siens usant de tous les artifices pour simuler le voyage à bord du "Tapageur", l'impossible devient possible dit Abel Gance aux spectateurs. Si Clarisse retrouve la vue par l'amour (les yeux du cœur) alors qu'elle était condamnée, si le bateau naufragé est remis en état de marche pour de bon et quitte finalement son port d'attache, le peuple français peut voir le bout du tunnel alors que tout espoir semble perdu en cette année 1941 (au cours de laquelle le tournage a lieu).

La citation de Sénèque appuie l'allégorie. Mais la dédicace au Maréchal Pétain a surement beaucoup nuit à la postérité du film, certains le jugeant pour ce qu'il n'est pas. Je ne vois pour ma part aucun maréchalisme ni pétainisme douteux.
Abel Gance n'était certes pas le plus clairvoyant vis à vis de la politique du maréchal mais comment blâmer son manque de perspicacité en cette année 41. Son pacifisme né du traumatisme de la précédente guerre, son patriotisme et surtout son attirance pour les hommes providentiels et les « bâtisseurs d’Histoire » l'ont comme beaucoup de français induit en erreur.
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Message par Supfiction »

Le 25 septembre 1991, il y a 24 ans disparaissait la déesse Viviane..
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Re: Viviane Romance dans : Naples au baiser de feu (1937)

Message par Supfiction »

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Naples au baiser de feu (1937)
Réalisation : Augusto Genina
Adaptation : Henri Jeanson, Marcel Achard, Ernesto Grassi.
Avec : Tino Rossi (Mario), Mireille Balin (Assunta), Michel Simon (Michel), Viviane Romance (Lolita), Marcel Dalio (Francesco)


Adaptation libre d'un roman d'Auguste Bailly, paru en 1924 et déjà adapté une première fois à l'écran en 1925 (un film de Serge Nadejdine), Naples au baiser de feu est un drame sentimental joué comme une comédie. Et c'est surtout un pur bonheur, une perle de film injustement oubliée.

Le film s'ouvre sur le personnage de Lolita (Viviane Romance) passagère clandestine d'un paquebot arrivant dans le port de Naples en provenance d’Amérique du Sud. On sait dès la première seconde le genre de "fille" auquel on a à faire : une "aventurière", une fille de petite vertu, prête à tous les mensonges et compromissions pour embobiner les hommes.
Apparaissant dos nu en train de s'habiller dans une cale de la salle des machines tandis que l'ouvrier (noir, détail probablement pas innocent pour l'époque) qui l'a hébergée et qui fut vraisemblablement son amant durant la traversée, vient la prévenir que le bateau est à quai.
Il cherche à la retenir mais elle n'a manifestement plus besoin de lui et s'en va déambuler dans les rues de Naples à la recherche d'un autre gogo. Ce ne sera pas dur, tous les hommes se retournant à son passage.

Il y a du Marilyn Monroe dans la façon de marcher et du Brigitte Bardot avant l'heure chez Viviane Romance. Elle connait son pouvoir de séduction et elle connait les hommes. Elle en joue et s'en amuse (son rire moqueur - toujours face aux hommes - est devenue un peu sa marque de fabrique).
Son personnage est dans la parfaite continuité de celui de la garce briseuse d'amitiés masculines de La belle équipe. En plus élaboré et plus sympathique aussi. L'actrice a cette fois l'occasion d'aller au delà du stéréotype et de développer un vrai personnage sans argent, papillonnant et passant d'homme en homme pour mener sa barque.

A son arrivée à Naples elle se rend à la cathédrale, lieu idéal pour trouver quelqu'un tout en se donnant des allures d'honnête fille. Michel Simon y est organiste et tombe immédiatement dans le panneau. Pris de pitié pour celle qu'il imagine être une honnête fille sans défense, il l'héberge dans l'appartement qu'il partage avec son ami Mario, playboy chanteur de restaurant (trattoria) et potentiellement gigolo pour lequel toutes les filles tombent en pâmoison.

Tourné en partie dans de véritables décors napolitains, le film a une petite touche d'authenticité et un charme pittoresque indéniable que la réalisation sage, même épurée de Genina n'aurait sans doute pas pu produire dans le cas contraire. Mais la réalisation est soignée : éclairages somptueux pour les scènes d'intérieur, musique de Vincent Scotto appuyée des classiques intemporels napolitains, et surtout des dialogues particulièrement bien écrits, souvent très drôles et vivants d'Henri Jeanson.

C'est d'autant plus vrai que le casting français se fond parfaitement dans le décor, en partie grâce à la présence du corse Tino Rossi jouant un personnage fait sur mesure pour lui de latin lover et de surcroit chanteur napolitain. Ce qui lui donne surtout l'occasion, comme fera plus tard Elvis Presley, d’interpréter ses succès franco-napolitains entre deux courtes scènes de comédie, heureusement pour lui : "Tarantelle D'Amour", "Santa Lucia", "Mia Piccolina", " Catari, Catari", "Rien qu'un chant d'amour", "Écoutez les mandolines" ou encore, moment savoureux, un "O Sole Mio" repris (saccagé en fait) par Michel Simon, c'est à voir!

Si le film met en avant la super vedette du music-hall (Tino Rossi est le seul nom à apparaître au générique avant le titre du film), Naples au baiser de feu est un vrai film et pas un simple prétexte pour exploiter sa popularité. Aussi le scénario ne tourne heureusement pas autour du fade Tino Rossi, beau gosse (à cette époque bien loin de l'image éternelle du pépé chantant Papa Noël), acteur très limité mais chanteur au succès démentiel (il est recordman des ventes de disques et le seul français à rivaliser avec Elvis, les Beatles ou Michael Jackson parmi les plus gros vendeurs mondiaux de disques toutes époques confondues).

Autour de lui c'est la fête avec quelques-uns des tout meilleurs acteurs de l'époque :

Michel Simon (qui tient ici un rôle proche de ce que pouvait faire Fernandel chez Pagnol -le film a d'ailleurs un côté Femme du Boulanger à l'envers, celui du bon gars brave et un peu naïf qui se fait avoir par les femmes), Dalio truculent en photographe aussi excité par sa voisine de balcon qui lui fait du gringue que pleutre et terrorisé par Tino/Mario lorsque ce dernier s'en rend compte, la délicate et classieuse Mireille Balin dans un rôle à contre-emploi puisqu'elle abandonne son personnage de femme fatale (éprouvé dans Gueule d'amour, Pépé le moko, et plus tard dans L'assassin a peur la nuit..) pour jouer la gentille fille face à la bombe sexuelle Viviane Romance qui crève l'écran et s'impose alors définitivement alors comme la superstar féminine de l'époque. Leur unique confrontation fait d'ailleurs immédiatement des étincelles, sage fiancée et fille de mauvaise vie se jaugeant au premier coup d’œil.

Mais tandis que Michel intercède auprès de la tante Thérésa (et accessoirement patronne du trattoria) afin de négocier la main et la dote d’Assunta/Mireille Balin pour lui, Mario cède peu à peu devant les avances et les charmes de Lolita. Le jour des noces, il disparait avec Lolita, brisant amour et amitié par la même occasion. Rapidement il comprend qu’il s’est trompé…

[quote]
Michel / Michel Simon : Comment la trouves tu ?
Mario / Tino Rossi : Et toi comment l'as tu trouvé ?
[/quote]
Image
Le personnage de Lolita "ne vit que pour être désirée" comme lui dit un Tino/Mario jaloux avant de tabasser un type parce qu'il la regarde de manière un peu trop insistante.

Le charme et la sensualité naturelle de l'ex Miss Paris font des étincelles dans un de ces personnages de garce allumeuse dont on lui avait fait une spécialité. Elle est délicieusement sexuelle : silhouette parfaite, poses suggestives, yeux aguicheurs, démarche et voix sexy, passant une nouvelle fois beaucoup de temps dans sa tenue favorite : sous-vêtements et porte-jarretelles légendaires (qui marquèrent à vie le jeune Gilles Jacob comme il le relata lui-même dans son livre «Les Pas perdus» ...c'est comme ça que naît la cinéphilie).

On aura jamais vu un tel érotisme dans le cinéma français de cette époque.
Viviane Romance s'installait alors comme la vamp française n°1, sans égale jusqu'à l'arrivée 20 ans après du phénomène Bardot, version femme enfant au corps parfait d'une même sexualité émancipée.


"Partout où j' allais ma présence créait des scandales" dira t-elle plus tard. Sa carrière qui était sur le point de franchir un nouveau cap en 1939 avec un Marcel Carné (Le Facteur sonne toujours deux fois) et un Renoir (La Tosca avec Michel Simon dont le tournage aurait du se faire en Italie) qui étaient prévus, subit un coup d’arrêt avec l'entrée en guerre.
C'est d'ailleurs Michel Simon qui exigea la présence de Viviane Romance dans la distribution du film, condition pour accepter d'être le partenaire de Tino Rossi dont il n'appréciait guère les qualités d'acteur. A la libération, sur la demande de Julien Duvivier, c'est elle cette fois-ci qui dût convaincre Michel Simon d'accepter d'être le Monsieur Hire de Panique. Les deux monstres sacrés avaient une admiration réciproque. Leur complicité est d'ailleurs évidente à l'écran, il fait le mariole (tours de passe-passe et massacre de O Sole et mio) et la fait rire. Quant à Dalio, il avoua dans ses mémoires qu'il désirait Miss Romance mais qu'elle avait une telle façon de lui dire "Non" qu'il lui était impossible de réitérer sa demande.

Tino Rossi et Mireille Balin entamèrent quant à eux une relation amoureuse lors du tournage. Mireille Balin signa à cette époque un contrat avec la MGM et partit pour les États-Unis. Malheureusement, elle ne s'entendit pas avec les producteurs américains et rentra rapidement en France avec Tino. On sait ce qu'il advint. Sa relation avec lui pris fin en 1941. Sa relation suivante avec Birl Desbok, officier viennois de la Wehrmacht lui sera fatale.

Un nouveau remake, Flame and the Flesh, fut produit, en 1954, par la MGM cette fois et avec une autre bombe sexuelle (vieillissante): Lana Turner, qui semblait destinée à récupérer les rôles tenus ou prévus pour Viviane Romance.
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