Our Dancing Daughters est le film pivot dans la filmographie muette de Joan Crawford. Avant ce film, l'actrice n'avait enchainé que des variations autour du rôle de "la fille", celle qui termine le film avec l'acteur principal (William Haines, John Gilbert, Ramon Novarro) et qui s'apparente donc plus à un but à atteindre pour ce dernier qu'à un réel personnage. Avec le film de Harry Beaumont, on passe à autre chose, on découvre la vraie Joan Crawford, celle qui a travaillé fort pour en arriver là, celle qui peut prétendre à tenir un film sur ses épaules, celle sur qui la MGM peut désormais compter. Joan Crawford trouve ici un rôle qui lui va à ravir, elle qui incarne pour la Major et pour beaucoup d'hommes, mais aussi de femmes, la jeunesse, la flapper girl. L'actrice, cheveux courts, dont le jazz et le charleston semblent couler dans ses veines, montre ici un tout autre visage, un jeu un peu plus complet, plus riche qui lui permet d'alterner les scènes de danse et de "party" arrosées avec des scènes plus intimes où son petit minois fait merveille.
Le film de Beaumont repose un scénario assez mince où les histoires de coeurs, les mensonges et les tromperies font l'essentiel du récit mais le plaisir n'est pas là, il est ailleurs...il vient se glisser sur les close-up d'une Joan Crawford toute jeune dont le visage n'a pas encore les traits durs que l'on connaitra par la suite, il est sur le côté Pre-Code dans lesquelles baignent certaines scènes - déshabillés légers, regards qui en disent long, sous-entendus coquins, amitié féminine très proche entre Crawford et Sebastian (on sent que la miss Joan aimerait croquer la Dorothy) -, il est sur la liberté de ton affichée par le film avec ses jeunes femmes qui profitent de ces soirées arrosées, de ces hommes disponibles et riches et qui cherchent le plaisir avant de devenir des femmes respectables, il est sur le casting féminin et masculin 100% MGM avec 2 acteurs assez solides, John Mack Brown très bon et Nils Asther plus sérieux et moins présent à l'image, et avec une Joan Crawford entourée d'une Anita Page très jeune et déjà très sensuelle et d'une Dorothy Sebastian réellement adorable (quel dommage que sa carrière à la MGM se soit si mal terminée). La confrontation entre le personnage de Diana (Crawford) et de Ann (Page) est d'ailleurs assez interessante car elle oppose 2 styles de femmes dont l'image renvoyée n'est pas forcément en corrélation avec leur état d'esprit. Crawford campe une flapper vivante, dynamique, mangeuse d'hommes mais qui ne cache rien et ne triche pas pour gagner un prétendant. De son coté, Page triche pour remporter le pactole - surtout si l'homme est riche - et elle applique la recette que sa mère lui a toujours enseignée "A rich man wants his money's worth - beauty and purity". Coincé entre ses 2 femmes, Ben (Mack Brown) va pencher pour Ann pensant trouver en elle une femme sérieuse, alors qu'il voit en Diana celle qui passe d'un homme à un autre tous les soirs...
Our Dancing Daughters n'est pas un chef d'oeuvre muet de la MGM mais il a son importance car il marque la mise sur orbite de l'étoile Crawford, il offre une liberté de ton propre à cette époque avec ce mélange de musique, de soirées et de flappers, le tout parfaitement guidé par le dynamisme du cinéma muet et par la qualité de production de la MGM (décors, costumes, photographie). C'est sans doute daté vu d'aujourd'hui mais coincé entre l'arrivée du parlant en 27 et le futur crash de 29, le film se déguste comme un instantanée de cette période et, avec un tel trio à l'affiche, ça ne se refuse pas.
Une jeune couturière (Marian Marsh) va tout faire pour trouver l'argent nécessaire afin d'aider sa soeur (Anita Page) à divorcer au point de demander à un riche producteur de Broadway (Warren William) moyennant certaines conditions. Avec un tel casting, une histoire aussi simple mais terriblement Pre-Code et un titre aussi intrigant, on pouvait s'attendre à un film piquant, dynamique, jouant avec le Code par le biais de thèmes comme les rapports riches/pauvres, le besoin d'argent, le remboursement "en nature" mais rien de tout ça malheureusement. Le film de Mayo s'avère être un film social avec des touches de film romantique et d'éléments Pre-Code mais ce n'est en rien un pur film Pre-Code comme Baby Face par exemple.
La mise en scène ou le jeu des acteurs ne posent aucun problème, ce qui pêche réellement c'est d'abord un scénario qui ne donne pas assez de corps à son personnage principal, le fait que la partie la plus interessante se retrouve sur les 20 dernières minutes du film et enfin que le twist final soit vraiment décevant voire ridicule. Une fois de plus le film se finit sur une scène plus classique, gommant les aspects Pre-Code au détriment d'un aspect romantique où le personnage principal finit avec celui qu'elle aime, oubliant ce qui vient de se passer. Ce besoin de finir le film sur une touche positive ne fait que grandir le sentiment de frustration que l'on ressent devant un tel gâchis (même si le mot est un peu fort). Marian Marsh est une actrice pétillante et réellement charmante mais c'est vraiment dommage que le scénario lui offre si peu pour s'exprimer, Anita Page est une actrice que je découvre petit à petit et qui brille par un jeu naturel et fort au point qu'elle eclipse le reste du casting lors de ses scènes (on en vient à regretter que son personnage soit si peu utilisé), et, enfin, Warren William est fidèle à lui même dans ce rôle de prédateur mais il est ici peu présent et il souffre d'une fin assez ridicule.
Le film se laisse néanmoins regarder par curiosité, pour sa description de la vie difficile des personnages de Margie et Sophie en totale opposition au Penthouse très Art-Deco de Raymond Harding et pour ses quelques notes Pre-Code (mais je soupçonne quand même la production d'avoir fait tomber pas mal de pellicule par terre à cause de scènes où l'avortement semble être la solution pour la grossesse du personnage de Sophie (Anita Page) mais le casting et le titre auraient pu (et du) donner beaucoup mieux.
Parfaitement anodin, le film souffre d'un scénario extrêmement faible, d'une fin vraiment convenue et la présence quasi-continue de Haines (il est de tous les plans) n'aide pas à remonter le niveau (on retrouve là une faiblesse déjà présente dans West Point) tant son jeu et ses pitreries paraissent bien lourdes et rendent son personnage parfois un peu trop ennuyeux (sa scène de drague avec Anita Page ou celle dans le restaurant en sont de bons exemples).
On peut également regretter la faible importance donnée au rôle tenu par Ernest Torrence et surtout le gaspillage réalisé par Beaumont vis-à-vis de l'actrice Anita Page. On est vraiment dans un film dédié à son acteur et on regrette que le réalisateur n'ait pas tourné plus de scènes avec l'actrice qui, de la même manière que Joan Crawford dans West Point, eclipse tout ce qui se trouve à l'écran quand elle apparait. Anita Page est réellement un visage de la MGM, une star des "late silents" et c'est réellement dommage qu'elle ne soit ici qu'un simple faire-valoir pour Haines car elle mérite bien plus. Il n'y a pas à réfléchir longtemps pour dire que c'est une superbe actrice, que son charme incroyable répond à un jeu naturel (sa présence dans Our Dancing Daughters apporte beaucoup au film) et que le trio de flappers MGM qu'elle forme avec Joan Crawford et Dorothy Sebastian est un plaisir pour les yeux pour tout ceux qui sont sensibles aux charmes des actrices de la fin des années 20
Une autre petite production MGM...