Deux cloches dans la cloche (Jean-Louis Guillermou - 1977)
Deux hommes en prison parlent (sans en parler) de deux nigauds à qui ils ont demander de transporter un certain type de marchandise de l'Italie à la France.
Je pensais commencer à avoir vu pas mal de nanars/navets improbables mais celui-ci dépasse allègrement les abysses de la nullité frénétique du
führer en Folie, la médiocrité des Max Pecas ou les projets atypiques tel
Cherchez l'erreur. Ici, c'est l'incompréhension la plus totale. On ne comprend non seulement rien à l'histoire (y-en a-t-il vraiment?) mais aussi rien au concept.
Le film est tellement nul qu'on aurait envie de dire qu'on se situe au delà même de la fumisterie et de la paresse et qu'on se trouve face à un happening avant-gardiste.
Pourquoi fumisterie et paresse ?
Parce qu'il s'agit d'une obscure co-production franco-italienne avec un duo de cabotins (Christian Marin et Bouboule) en roue-libre qui semblent improviser constamment (y compris les gags). On est souvent gêné pour eux tant ils semblent livrer à eux-mêmes, à devoir pathétiquement se rouler dans la neige pour faire croire qu'il s'agit d'une comédie. On trouve même Stéphane Collaro dans un second rôle, apparaissant 2 minutes comme vendeur de prêt-à-porter qui n'essaye même pas de faire rire. A côté de ça, la narration est absolument « relâchée » ; sans parler de longues séquences sportives bouche-trous à base de ski ou deltaplane qui n'ont absolument aucun rapport avec les pérégrinations des deux zozos qui parlent sans cesse de destinations à atteindre. Dans ces moments là,
Deux cloches dans la neige ressemblent à un "deux en un" entre le film de vacances des deux neuneus et les films institutionnels de mairie d'Avoriaz, le tout raccordé avec la voix-off des 2 mecs en prisons.
Pourquoi happening avant-gardiste ?
Et bien, parce que cette fameuse nullité ne peut pas être uniquement accidentelle. Il y a quelqu'un qui devait forcément savoir ce qu'il faisait ou qui a volontairement détourné les images pour le tirer vers la performance cinématographiquee. Personnellement, je pense à un (jeune?) monteur (fraîchement sorti d'une école?) qui aurait cherché à reproduire l'atmosphère nébuleuse, flottante d'un Alain Resnais. On trouve des raccords sonores vraiment curieux qui anticipent certains travaux de
Mon oncle d'Amérique par exemple. Des trucs totalement gratuits mais qui « lient » l'impossible. Sans parler de cette narration qui ne raconte rien, ne pose aucun enjeu, ne développe personnage, n'amène nulle part. C'est du cinéma non-narratif dans toute sa splendeur surréaliste. C'est simple, les acteurs ne parlent véritablement (et je ne caricature pas) que des lieux dont ils viennent et ceux où ils doivent aller. Ca donne des échange interminables sur le train machin ou le bus bidule. Tout celà m'a rappeler le sketch des Monty Python sur un meurtre autour d'un horaire de train... mais plat, creux et jamais drôle.
Devant ça, on passe par tous les états : l'abattement, la décomposition et la décrépitude, se tenant les tête en hurlant « pourquoi... Mais pourquoi ? ».
Si ça se trouve dans 40 ans, le film sera redécouvert et sera considéré comme un chef d'oeuvre de modernité. Le réalisateur , toujours vivant, expliquera dans depuis sa chambre à l'hospice que
Deux cloches dans la neige était une œuvre trop en avance pour son temps et qu'il était sûr qu'il allait être considéré à sa juste valeur un jour.
Mais bon, on n'en est pas là et on ne peut qualifier cette anomalie que d'une monstrueuse curiosité innommable (et sans doute du film raté le plus ahurissant que j'ai jamais vu).