Archie Mayo (1891-1968)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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feb
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Re: Archie Mayo (1891-1968)

Message par feb »

Julien Léonard
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Re: Archie Mayo (1891-1968)

Message par Julien Léonard »

El Dadal a écrit :Après révision de la superbe Forêt pétrifiée sur le non moins superbe blouré Warner, je m'aperçois avec effroi qu'il s'agit du seul film de Mayo que je connais à ce jour: je note donc pour Black Legion et Mayor of Hell, qui me pousseront à enfin acquérir le coffret gangsters vol.3. Quant à Illicit, It's Love I'm After et Ever in my Heart sont-ils facilement disponibles?
Black legion et The mayor of hell ont par contre été terminés par Michael Curtiz. Honnêtement, cela se sent à plusieurs reprises... :wink:

Illicit, c'est très bien (un pre-code tout à fait intéressant, un de plus).
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El Dadal
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Re: Archie Mayo (1891-1968)

Message par El Dadal »

Chouette pour Illicit! Vu que j'utilise principalement mamazon comme "moteur de recherche", je ne risquais pas de le trouver. La fnac, faut que je prenne le pli. Pour It's Love I'm After, je vois que le Warner archive z1 part pour mucho $. Il n'est pas prévu de par chez nous à tout hasard? :fiou:
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Re: Archie Mayo (1891-1968)

Message par El Dadal »

Suite à vos avis, et en attendant de recevoir le coffret gangsters vol.3, j'ai donc foncé sur Illicit.
Si techniquement, on sent le film quelque peu balbutiant (montage et rythme incertains, photo dans l'ensemble réussie, mais toutefois hétérogène) et narrativement éparpillé (volonté de découper le récit en grands blocs, mais sans rigueur puisque des saynètes se faufilent dans les interstices), il n'en reste pas moins un numéro d'acteurs fabuleux et une grande audace de ton au service d'idées d'une modernité et d'une ouverture d'esprit particulièrement réjouissants. Un vrai plaisir de voir que si jeune Barbara Stanwyck était déjà aussi talentueuse et caméléon, s'épanouissant aussi bien dans le mélo que dans le marivaudage ou la comédie. Une mention pour ma part à cet acteur, Charles Buttersworth, que j'ai l'impression d'avoir vu sans savoir où, et qui dans le rôle de Georgie, l'ami des deux tourtereaux débridé et porté à la fois sur la boisson et les bons mots est lui aussi merveilleux.
Une très belle découverte donc, qui interroge quant au fait qu'une institution aussi passéiste que le mariage puisse perdurer, tout en donnant un semblant de réponse, Anna acceptant résignée les valeurs traditionnelles de sa belle-famille dans une pirouette finale que j'ai du mal à croire totalement honnête.
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Re: Archie Mayo (1891-1968)

Message par bruce randylan »

Profondo Rosso a écrit :Un peu de recyclage pour contribuer :mrgreen: le seul que je connais de ce réal d'ailleurs mais ça donne envie de poursuivre

L'Aventure de minuit (1937)

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Un acteur vaniteux, Basil Underwood (Leslie Howard), est l'éternel fiancé de sa partenaire Joyce Harden (Bette Davis) à qui il promet toujours le mariage. Une spectatrice emballée, Marcia (Olivia de Havilland), vient faire une déclaration d'amour à l'artiste. Basil est sollicité par Henry Grant (Patric Knowles) fiancé de la jeune femme et fils d'un vieil ami afin de se rendre détestable auprès d'elle et stopper cette passion. Souhaitant se laver de ses fautes passé avant son mariage, Basil accepte et s'invite dans la famille pour le weekend...

Une merveille de screwball comedy digne des grands classiques du genre et assez inexplicablement méconnue, sans doute à cause de son casting qui aura peu eu l'occasion de déployer ses talents comique avec ce trio Leslie Howard (qui confirmera l'année suivante dans l'irrésistible Pygmalion d'Anthony Asquith), Bette Davis et Olivia de Havilland. L'histoire nous plonge dans le quotidien orageux du couple d'acteur shakespearien formé par Basil Underwood (Leslie Howard) et Joyce Harden (Bette Davis). Ces deux-là ne fonctionnent que dans le conflit permanent, l'égo surdimensionné de Basil n'ayant d'égal que le tempérament volcanique et la jalousie (justifiée) de Joyce. La mémorable scène d'ouverture les voyant interpréter sur scène le dernier acte de Roméo et Juliette donne le ton avec notre couple échangeant phrases assassines en douce et se déstabilisant mutuellement afin d'être l'attraction principale. Pourtant dans le public, une spectatrice vit le moment intensément tant elle est folle d'amour pour Basil, c'est la jeune Marcia (Olivia de Havilland) qui ira même lui déclarer sa flamme en coulisse. Tout cela au grand désarroi de son fiancé Henry qui va solliciter Basil afin qu'il dégoute Marcia de ses charmes. Ne reculant jamais devant la performance et souhaitant s'absoudre de ses infidélités passée avant une énième demande en mariage à Joyce, Basil accepte le défi et s'invite pour le weekend dans la richissime famille de Marcia.

Le potentiel de ce pitch prometteur sera génialement exploité grâce à l'abattage des acteurs du scénario à rebondissement de Casey Robinson et du rythme effréné qu'instaure Archie Mayo. Leslie Howard jusque-là cantonné aux rôles de dandy romantique et d'intellectuel délivre là une prestation comique de haut vol. Il incarne là l'acteur narcissique dans toute sa splendeur, soliloquant du Shakespeare à toute occasion et en recherche constante de l'attention générale. On peut d'ailleurs y voir un second degré réjouissant sur lui-même puisqu'il jouait l'année précédente dans une adaptation de Roméo et Juliette signée George Cukor au côté de Norma Shearer. Le voir ainsi tirer vers l'exagération ridicule les poses de héros romantique torturé est donc d'autant plus savoureux. Il retrouve ici Bette Davis avec laquelle il tourna L'Emprise (1934) et La Forêt pétrifiée (1936). Réticente au départ et n'ayant accepter que sur l'insistance du producteur Hal B. Wallis, cette dernière rayonne en actrice versatile,féroce puis radieuse, capricieuse puis jalouse et offre un répondant intense à Howard toutes leurs scènes communes étant chargée d'électricité. Enfin Olivia de Havilland en ingénue se pâmant d'amour est parfaite, maniant la niaiserie de son personnage juste ce qu'il faut pour le rendre drôle sans le ridiculiser. Tous trois sont au diapason en poussant loin la caricature mais réussissant à rester attachant (notamment la faiblesse toute masculine d'Howard sous l'arrogance) et maintenir l'intérêt pour les enjeux.

Rien ne se passe ainsi comme prévu, Howard malgré ses bonnes intentions n'étant pas insensible au charme d'une Olivia de Havilland (les deux se retrouveront bien sûr en Ashley et Mélanie dans Autant en emporte le vent) à croquer de charme sous l'œil courroucé du fiancé (Patric Knowles un peu transparent au sein de la folie ambiante). On rit franchement plus d'une fois devant les attitudes odieuses de goujateries d'Howard en roue libre (l'arrivée nocturne bruyante dans la maison, le petit déjeuner épique) et une De Havilland énamourée qui lui pardonne tout à son plus grand désespoir. Le meilleur moment reste lorsqu'il s'introduit dans la chambre de la jeune femme et qu'il se montre très entreprenant afin de l'effrayer et qu'au contraire elle s'avère encore plus pressante que lui :lol: . Mayo s'avère particulièrement inventif pour tirer ses situations loufoques dans leurs derniers retranchement notamment grâce au majordome déjanté de Basil génialement joué par Eric Blore tel cette scène où il imite sans succès tous les champs d'oiseaux possible pour prévenir son maître en fâcheuse posture (pas de chance une voilière se trouve juste à côté) de l'arrivée de Bette Davis. Porte qui claquent, quiproquos en pagaille et gags s'enchaînent donc joyeusement jusqu'à un final où la morale bien malmenée jusque-là (De Havilland attendant Howard dans sa chambre d'hôtel) sera finalement sauve. Basil jamais aussi charmant que face à une partenaire le malmenant peut retrouver Joyce tandis que Marcia semble enfin avoir ouvert les yeux sur la mentalité des "acteurs". Et cette réplique de nous achever définitivement, Marcia s'avérant guérie de son amour pour Basile et lui un peu moins de son amour pour lui-même.

Marsha : '' I was in love with Clark Gable last year. If I can get over him, I can certainly get over you !''
Basil : ''Who's Clark Gable?



Tordant ! 5,5/6
Je partage les superlatifs de Profondo Rosso à 85% :D
Les 15% en moins proviennent de la mise en scène qui reste tout de même assez statique, manquant parfois de dynamisme avec un découpage plan-plan et donc l'ajout de gros plans pour souligner un gag casse la fluidité de quelques scènes.
Pour le reste, je souscris tout à fait, les comédiens sont géniaux, le scénario parvient à tenir son postulat jusqu'au bout avec des situations qui relancent toujours la machine tout en restant dans la même canevas, le rythme est soutenu et les dialogues savoureux.
Le film possède d'ailleurs quelques sous-entendus homosexuels assez délirant avec la relation entre Leslie Howard et l'excellent Eric Blore. Ca donne ce moment sacrément osé où la jeune sœur d'Olivia de Havilland évoque qu'elle a regardé dans la chambre des hommes par le trou de la serrure... Elle marque une pose dans son discours avant de rajouter "j'ai vu des choses qu'on est pas sensé voir" avant de croquer dans une banane !


Du même Archie Mayo et toujours avec Bette Davis, j'ai également découvert Ville frontière (bordertown - 1935) dans le cadre d'un hommage à l'actrice de la cinémathèque.

L'Hispano américain Johnny Ramirez, après avoir vécu dans la petite criminalité finit des études de droits. A cause de son inexpérience (et d'un certain mépris du juge), son premier procès se solde par une violente humiliation. Il décide alors de tout quitter pour gagner de l'argent facile en devenant videur dans un casino près de la frontière mexicaine. Il gravit petit à petit les échelons et suscite le désir de l'épouse du patron qui est devenu son ami.

Assez moyen celui-ci. La première raison tient à un scénario mal fichu qui est découpé en différents actes qui se répondent très mal. La première partie (ses débuts dans le barreau) n'est pas loin du mélodrame insupportable avec une relation mère - fils horripilante qui sur-abuse du pathos et des sentiments dégoulinants.
Le reste est moins agaçant mais peine à passionner à cause d'une mise en scène trop sage (à quelques moments près comme le grand mouvement de caméra qui traverse une ruelle très animée pour arriver au casino) et ne permet pas à la tension dramatique d'être vraiment exploiter.
Il faut cependant admettre que toute cette partie a été remaké dans la deuxième moitié de They drive by night de Raoul Walsh que j'avais justement découvert 1 mois avant : le patron est quelqu'un de vulgaire qui agace son épouse, autrement plus sophistiquée. Malgré ses avances répétées, Ramirez la repousse. Elle assassine alors son mari en l'asphyxiant avec le pot d'échappement de sa voiture en l'enfermant dans son garage via un système de porte automatique. Ramirez hérite de la société, continue de la repousser tandis que la veuve sombre dans la culpabilité puis la folie.

Il y a quelques scènes qui sont reproduits quasiment au plan près mais Walsh y insuffle plus de vie et de force, avec de surcroit une interprétation plus subtile. Mais cette version Mayo se révèle cependant honorable bien qu'il soit difficile d'être objectif tant l'impression de déjà vu est importante. Mais Ville frontière manque quoiqu'il en soit d'équilibre et de cohérence dans sa construction dramatique, d'autant que la conclusion est trop précipitée et que l'histoire d'amour n'est pas très fine.
Reste un casting qui fait très bien son travail même si l''ensemble reste un peu daté
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Re: Archie Mayo (1891-1968)

Message par Profondo Rosso »

Illicit (1931)

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Après le divorce de ses parents, Anne ne croit pas au mariage et refuse fermement de se marier avec son amant. Pourtant, la jeune femme, follement amoureuse, finit par céder. Mais lorsque l'union est célébrée, la routine et l'usure font leurs apparitions...

Une œuvre Pré Code fort audacieuse pour l'époque puisque remettant en cause la sacro-sainte institution du mariage. C'est cette question de mariage qui agite le couple illégitime que forment Anne Vincent (Barbara Stanwyck) et Richard Ives (James Rennie). Ils ne semblent pourtant pas si malheureux que cela lors de la joyeuse scène d'ouverture remarquable de concision où l'on comprend qu'ils ont passés la nuit ensemble (les vêtements masculins et féminins entremêlés dès la première image), qu'ils se dissimulent (les appels téléphoniques dans le vide du père de Richard) et donc pas mariés.

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Le ton badin, la complicité et les jeux amoureux nous laissent comprendre parfaitement le sentiment intense qui lien les deux amants avec une Barbara Stanwyck merveilleuse de langueur et de sensualité et James Rennie séducteur et malicieux. Richard aimerait concrétiser cette relation par l'issue "logique" du mariage mais Anne craint que cette officialisation ne tue leur relation. Dès cette même scène d'ouverture, les obstacles à cet amour libre se manifestent pourtant, en deux temps avec l'arrivée d'un ami rapportant les rumeurs les concernant puis du propre père de Richard les mettant en garde à son tour. Le mariage est donc ainsi présenté plus comme un aboutissement à la pression sociale et familiale plutôt que de l'amour, et l'esprit d'indépendance d'Anne comme la bienveillance de Richard devront pourtant s'y plier.

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Archie Mayo inverse complètement le dispositif de cette première scène lorsque l'on retrouvera notre couple désormais marié un an plus tard. Le cocon fusionnel de leur nid d'amour originel est remplacé par l'immensité de leurs luxueux appartements, les courses et jeux amoureux par les gestes répétitifs du quotidien et les joyeux échanges verbaux par des phrases anodines bercés de ce quotidien sans éclats qu'ils partagent. Tout cela est symbole du fossé qui les séparent désormais et rendent tout promiscuité insupportable pour eux et nourrissant une hypocrisie absente à l'époque où ils étaient "libres". Le mariage semble alors exacerber les caractères la nature profonde de chacun et les opposer l'un à l'autre, l'indépendance d'Anne étant d'autant plus vivace face au besoin de "normalité" de Richard. Le script scrute surtout bien à quelle point l'institution fige leur caractère et les fait jouer un rôle loin de la fantaisie dont ils faisaient preuve au départ.

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C'est d'ailleurs là le vrai thème du film, le problème n'étant pas le mariage mais la manière dont les couples semblent se renier pour s'y soumettre. Ici nos héros expérimenteront avec la même faillite la vie domestique puis un retour artificiel à leur ancienne union libre. Dans les deux cas en forçant le statut d'époux modèle puis celui d'amants détachés ils se perdront car perdant de leur sincérité dans ces deux carcans qu'ils s'imposent. Le film est un peu plus attendu quand il instaure un climat de jalousie avec les amants et prétendants divers venant s'immiscer dans le couple mais ce ne sont pas les moments les plus intéressants. C'est surtout quand il se focalise sur les personnages que le film captive, en sachant lire sous leurs masques.

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James Rennie dans un registre plus contenu (cette scène où à son club il décide de rejoindre Anne) exprime subtilement les attentes de son personnages tandis que Barbara Stanwyck dissimule toujours son mal être dans une ironie de façade. C'est donc tout naturellement que la magnifique dernière scène joue de cela pour les réunir, Richard par ses actes et Anne par l'émotion qu'elle laisse enfin déborder. Barbara Stanwyck est fabuleuse dans ce dernier instant dans le sentiment inverse à sa tirade cynique (ça annonce un peu la Audrey Hepburn du final de Ariane) qui ne rend ce moment que plus touchant. 5/6

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Jeremy Fox
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Re: Archie Mayo (1891-1968)

Message par Jeremy Fox »

Une de mes plus belles découvertes dans le domaine du pre-code
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onvaalapub
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Re: Archie Mayo (1891-1968)

Message par onvaalapub »

Vous ne m'aidez pas à attendre la nouvelle promo fnac là... :evil:
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feb
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Re: Archie Mayo (1891-1968)

Message par feb »

Profondo Rosso a écrit :Image
(...)
Rien à rajouter à la critique de Profondo (à part peut être une mise en scène un peu plan-plan), le film de Mayo est franchement agréable, De Havilland et Davis sont excellentes et Eric Blore est :mrgreen:
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Re: Archie Mayo (1891-1968)

Message par Federico »

feb a écrit :et Eric Blore est :mrgreen:
Je ne connais pas le film de Mayo mais Blore, c'est tout un poème. Je l'ai revu dernièrement dans Shanghai gesture, quel cabot !
Comme il se doit, il a eu droit à son nodule dans le bouquin Caractères de Philippe Garnier, au chapitre intitulé La confrérie de la redingote. :)
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Re: Archie Mayo (1891-1968)

Message par Profondo Rosso »

feb a écrit :
Profondo Rosso a écrit :Image
(...)
Rien à rajouter à la critique de Profondo (à part peut être une mise en scène un peu plan-plan), le film de Mayo est franchement agréable, De Havilland et Davis sont excellentes et Eric Blore est :mrgreen:
Eric Blore la scène du chant d'oiseaux, c'est du grand art :mrgreen:
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Re: Archie Mayo (1891-1968)

Message par Profondo Rosso »

Le Bataillon des sans-amours (1933)

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Des politiciens véreux récompensent le gangster Patsy Gargan (James Cagney) en le nommant au poste d’inspecteur général d’une déplorable maison de correction pour garçons fugueurs. Un job tranquille, où il ne devrait pas rencontrer de problèmes. D’abord indifférent à la condition de ces enfants, Patsy retrouve progressivement en eux une part de lui-même et de sa propre enfance dans les bas-quartiers. Il décide alors de défier tout le monde, et de réformer l’institution pour offrir à ces gamins les opportunités qu’il n’a jamais eues. Pourtant, toute sa bonne volonté pourrait souffrir des conséquences de sa vie criminelle…

The Mayor of Hell offre une rencontre étonnante entre le drame adolescent sur fond de délinquance juvénile et le film de gangster alors en vogue en ce début des années 30. Le second aspect est uniquement représenté par le personnage de James Cagney qui offre ici un visage humain et une sorte de rédemption à ses rôles de durs à cuire. Le film débute dans le drame urbain où l'on découvrira les méfaits d'une féroce bande de voyou en herbe mené par le teigneux Jimmy (Frankie Darro). Intimidant et violent, ils nous apparaissent là comme de véritables fauves en liberté dont les actes révolteront à l'image de ce vol d'épicerie où ils brutalisent le commerçant. Rapidement capturés par la police, la raison de leurs comportements s'expliquera bientôt de manière drôle et pathétique. Le défilé des parents devant le juge représentent un panorama des défaillances qui auront amenés ses jeunes à être livrés à eux même : alcoolisme, illettrisme, travail harassant... Seule solution pour la plupart de la bande, un envoi en maison de redressement où le traitement à la dure les rendra pire encore qu'avant leur séjour. Un élément perturbateur va pourtant venir troubler cette tragédie ordinaire annoncée. Le gangster Patsy Gargan, nommé à un poste fictif de recteur de la maison de correction va ainsi s'intéresser au destin de ces laissés pour compte. Tout comme dans leurs familles dysfonctionnelles, les travers des adultes les poussent dans une spirale destructrice avec un directeur adepte du châtiment corporel et s'enrichissant en sous-alimentant les détenus.

Gargan par attirance pour l'infirmière idéaliste Dorothy (Madge Evans) mais aussi se reconnaissant en ces jeunes révoltés va tenter de changer les choses. Le regard est aussi utopique, idéalisé et positif dans l'approche plus humaine et pédagogique qu'il va loin dans la noirceur lorsque la méthode n'est que répressive. A travers un fonctionnement en autogestion et une sorte de république organisée des adolescents et supervisée par Gargan, les délinquants vont ainsi se responsabiliser et montrer un visage bien plus attachant. Le film manque un peu de finesse en étant excessif dans les deux approches (toute trace d'autorité disparaissant totalement dans l'approche de Gargan et aucune humanité ne s'exprimant dans le côté plus cadré), la maison de correction passant du vrai pénitencier au monde parfait, certains rapport entre personnage faisant preuve d'une même simplicité (Madge Evans craquant pour Cagney dès qu'il adopte ses idées). Cependant la conviction de Cagney fait mouche, déployant l'énergie et le charisme de ses rôles de gangster sous un jour plus lumineux (même si un écart de violence viendra montrer le monde d'où il vient) compréhensif et psychologue sous son ton gouailleur. Le final offre le même grand écart avec une conclusion apocalyptique contrebalancée par une résolution à la naïveté confondante où la bonne volonté et la compréhension peuvent résoudre tous les obstacles de la société. 4,5/6
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Re: Archie Mayo (1891-1968)

Message par Profondo Rosso »

The Doorway to hell (1930)

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Louie Ricarno, un jeune chef de gang à Chicago, devient le patron des bas-fonds de la ville. Il tombe amoureux de Doris, sans savoir qu'elle est en fait avec son second, Steve Mileaway. Lorsque Doris accepte de l'épouser, Louie décide de tout quitter et de partir pour la Floride. En chemin vers le sud, il s'arrange pour que Doris rencontre son jeune frère Jackie, qui est dans une école militaire sous un faux nom. Une fois en Floride, Doris s'ennuie, Chicago lui manque. Pendant ce temps, Mileaway est incapable de mettre fin à une guerre des gangs qui s'est déclenchée à Chicago, il demande à Louie de rentrer pour reprendre les choses en main.

The Doorway to hell est une œuvre fondamentale pour la Warner et plus globalement le cinéma américain puisqu'il lance la grande vague du film de gangster des années 30. Même s'il sera supplanté par des successeurs plus célèbre désormais (L'Ennemi public de Wellman, Le Petit César de Mervyn LeRoy ou Scarface de Howard Hawks) le film d'Archie Mayo possède ses propres qualités et instaure même quelques standards du genre. On n’a pas encore ici la caractérisation outrancière, violente et tourmentée de la figure du gangster avec le chef de gang Louis Ricarno (Lew Ayres). Jeune, avenant et séduisant, c'est précisément lorsqu'il fait passer un nuage de violence dans son regard, quand il durcit soudainement ses traits juvéniles qu'il s'avère terriblement intimidant. C'est cette capacité qui lui aura permis d'avoir la mainmise sur la pègre de Chicago comme le montre une superbe ouverture où il met au pas les trognes patibulaires qui l'entoure. Seulement Louis désormais richissime et amoureux songe à se retirer au sommet de sa gloire et bien vivant de ce monde du crime mais le destin va le rattraper.

On retrouve de manière plus subtile que dans d'autres films de gangsters à venir cette notion de fatalité finissant par perdre le criminel. Si cette idée sera plus guidée par l'application du Code Hays par la suite (le final ajouté de Scarface notamment), ici elle s'instaure avec une logique implacable au récit. L'appartenance aux bas-fonds (la scène où Louis parcoure les rues de son enfance avant de quitter la ville) est un marqueur dont l'argent ne nous débarrasse pas, la guerre des gangs explosant dès son départ forçant ses acolytes à exiger son retour. Sa nouvelle vie est d'ailleurs viciée avant même son début puisque son épouse (Dorothy Mathews) est l'amante de son bras droit Mileaway (James Cagney) et se languira vite de leur ancienne vie plus excitante que la tranquilité de Floride. La vision des gangsters oscillent d'ailleurs entre la dualité suave et brutale qui définit Louis, leurs méfaits se voyant dépeint à la fois par des gros titres à sensation dans les journaux et la vision des règlements de comptes brutaux et cruels dont une action tragique forcera le retour de Louis. L'appât du gain justifiera cette schizophrénie, Louis gardant une certaine naïveté sous sa nature criminelle avec cette croyance que le dieu dollar mettra fin à tous ses problèmes mais sa richesse n'aura aucun effet sur l'incorruptible O'Grady (Robert Elliott ) et n'empêchera pas la tournure dramatique des évènements.

Lew Ayres offre une prestation assez fascinante notamment dans la dernière partie où brisé il devient un être opaque et violent, délesté du masque séduisant en perdant les idéaux auxquels sa réussite lui avait fait croire. L'issue implacable offrira à notre héros une sortie flamboyante et lucide mais l'on aurait aimé que le parallèle à Napoléon son plus fouillé ce qui aurait donné une plus grande force encore. Reste une œuvre efficace posant les jalons du genre dans son esthétique mais aussi ses figures de proues puisque James Cagney qui en impose déjà dans un second rôle sera repéré ici par Wellman qui en fera son mythique Ennemi Public. 4,5/6
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Kevin95
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Re: Archie Mayo (1891-1968)

Message par Kevin95 »

GAMBLING LADY - Archie Mayo (1934) découverte

Pré-code - comme souvent - très court réalisé par Archie Mayo... enfin en principe car il parait évident que Barbara Stanwyck en est la vraie auteur. Tout Gambling Lady tient sur ses épaules, sur son aisance, sur franc-parler et ses manières de cow-boy. La vie est un jeu et le film en est son illustration, on va jusqu'à décider d'un mariage en coupant les cartes. Barbara veut venger son mentor est déplumant de riches mâles mais pas que puisqu'une dinde se collant un peu trop près de son homme Joel McCrea (période petit kéké) va devoir se désaper si elle veut continuer la partie. Le jeu n'est pas condamné mais que les cul-bénits se rassurent, ce n'est que pour venter les mérites de l'amouuuuur. Net et au galop, Gambling Lady est plus qu'une simple prod de plus mais une petite réussite, attachante et recommandable.
Les deux fléaux qui menacent l'humanité sont le désordre et l'ordre. La corruption me dégoûte, la vertu me donne le frisson. (Michel Audiard)
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Re: Archie Mayo (1891-1968)

Message par Profondo Rosso »

La Forêt pétrifiée (1936)

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Dans la région désertique du Parc national de Petrified Forest, l'écrivain-voyageur Alan Squier fait une halte pour se restaurer dans la petite station-service tenue par trois générations de Maple, dont la jeune et jolie Gabrielle, qui rêve de partir en France rejoindre sa mère à Bourges pour étudier l'art. Celle-ci lui lit son poème préféré de François Villon, lui montre ses dessins. L'affinité se crée entre les deux âmes cherchant à fuir. Car l'écrivain est sans œuvres et erre sans le sou. Le soupirant du coin interrompt leurs adieux qui seront bientôt rendus provisoires par l'irruption d'un gangster sans foi ni loi...

On retient aujourd'hui The Petrified Forest pour être le film qui fit de Humphrey Bogart une star. A l'origine il y une pièce éponyme de Robert E. Sherwood jouée à Broadway en 1935 avec Leslie Howard en vedette, et qui offre son premier grand rôle scénique à Humphrey Bogart. Malheureusement quand Warner envisage d'adapter la pièce au cinéma, la priorité est d'engager la star Edward G. Robinson dans le rôle interprété au théâtre par Bogart. Leslie Howard qui avait par contrat un droit de regard, fait jouer sa participation au fait que Humphrey Bogart soit engagé. La Warner se soumet et Humphrey Bogart aura une reconnaissance éternelle envers Howard dont le geste à fait basculer son destin, notamment en nommant Leslie Howard Bogart la fille qu'il aura en 1952 de son union avec Lauren Bacall.

Le film est au carrefour de plusieurs genres qui s'équilibrent de façon harmonieuse. Chaque facette est liée à un personnage, le récit d'apprentissage à Gabrielle Maple (Bette Davis) et ses rêves d'ailleurs, le film de gangster par la menace que représente Duke Mantee (Humphrey Bogart) et ses sbires, et l'errance existentielle qu'incarne le mélancolique Alan Squier (Leslie Howard). Pour chacun d'eux ce cadre désertique du Parc national de Petrified Forest constitue un lieu dont ils veulent s'échapper (Gabrielle), d'oubli (Alan Squier) ou encore se tapir (Duke Mantee). La stylisation du décor studio censé représenter ce cadre se déleste de toute volonté réaliste, prolongeant par une approche cinématographique l'artificialité assumée du théâtre et faisant de Petrified Forest un espace mental, un révélateur pour les personnages. Les espoirs, les penchants morbides, les souvenirs douloureux, tout cela est ravivé par le vide de ces lieux qui place les personnages face à eux-mêmes. Il permet aussi de rapprocher leurs maux pour leur offrir une échappatoire salvatrice. C'est ce que laisse entrevoir la belle première partie voyant le rapprochement entre Gabrielle et Alan. Pour elle, il représente l'attrait, le romantisme et la dimension intellectuelle de cette Europe qu'elle rêve d'explorer et qui se rattache aussi au souvenir de sa mère absente. Pour lui, Gabrielle est l'espoir de tout l'accomplissement artistique où il a échoué, la candeur qu'il a perdu au profit d'une résignation dépressive. Leur échange est stimulant dans son aspect romantique, intellectuel et spirituel, l'alchimie des acteurs et l'atmosphère intimiste installée par Archie Mayo en faisant une capsule intime ignorant le monde extérieur. Le charme s'interrompt quand cet extérieur les rattrape concrètement (l'irruption du balourd Boze (Dick Foran)) et psychologiquement. Gabrielle trop empressée se déclare et propose de s'enfuir avec Alan, faisant ressurgir les démons et penchants autodestructeurs de ce dernier qui préfère partir.

L'irruption du gangster en cavale Duke Mantee rabat les cartes en forçant un huis-clos inattendu. L'aspect vide et hors du temps de Petrified Forest qui entoure les personnages brasse une dimension mythologique et contemporaine de l'Amérique, questionne de grands mots existentiels en écho de maux plus intimes. Le grand-père (Charley Grapewin) fait montre d'une constante nostalgie de l'ère des pionniers en évoquant l'installation des premiers câbles télégraphiques à laquelle il a contribué, sa supposée rencontre avec Billy the kid qui lui aurait tiré dessus mais l'aurait raté car il était saoul. Se confronter à Duke Montee est donc davantage source d'excitation que de frayeur pour lui. Mantee représente justement cette tradition fantasmée du hors-la-loi, mais également un mal contemporain avec le gangstérisme, lui-même conséquence du contexte de la Grande Dépression. L'interprétation d'Humphrey Bogart est à la croisée de tout cela. Lorsqu'il jouait le personnage sur scène, Bogart s'était inspiré des bobines existantes de "l'ennemi public numéro 1" John Dillinger (abattu un an avant la pièce) et en repris les manières de fauve aux aguets, tout en apportant une forme d'humanité et de lassitude à Mantee qui rend paradoxalement le personnage assez touchant. S'il ravive les glorieux souvenirs de certains et expose un douloureux présent à d'autres, Mantee représente chez certain la fin du voyage ou son début. Alan pense aller au bout de sa marche vers l'oubli et ouvrir le chemin à Gabrielle par un sacrifice/suicide mais celle-ci saura peut-être lui intimer la volonté de vivre à ses côtés. Archie Mayo gère très bien toutes ces ruptures de ton, ces changements d'atmosphères oscillant entre le trivial et le torturé, à l'image de l'instabilité et indécision des personnages. En définitive, c'est la peur de la solitude qui les guide tous. L'irruption de Mantee est un bon prétexte de revenir sur ses pas pour Alan, Mantee prend le risque d'être repris par la police en attendant l'arrivée de son amante. Le trio d'acteur est parfait, tant le duo Leslie Howard/Bette Davis (dont l'alchimie a été testée dans l'oppressant L'Emprise de John Cromwell (1934) puis plus tard dans l'hilarant L'Aventure de minuit du même Archie Mayo (1937)) que Humphrey Bogard qui amène une profondeur qui transcende l'emploi de gros bras anonyme auquel il était cantonné jusque-là. 5/6
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