Pinku Eiga et cinéma érotique nippon (Flower & snake, etc.)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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bruce randylan
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Re: Pinku Eiga et cinéma érotique nippon (Flower & snake, etc.)

Message par bruce randylan »

Le FFF (Festival du Film de Fesse) qui se déroulait le WE dernier a programmé une dizaine de Pinku Eiga (dans le cadre de l'année France-Japon) avec notamment un focus sur Tatsumi Kumashiro.

J'en ai pas vu autant que je pensais mais de toute façon, 4 jours de Pinku eiga, c'est pas non plus la meilleure idée. Un de temps en temps, c'est sympa mais c'est loin d'être mon genre de prédilection.

Rue de la joie (Tatsumi Kumashiro - 1974)

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En 1958, quelques temps avant la loi interdisant les maisons closes, la journée de 5 prostituées, agrémentée de quelques souvenirs.

Sans aucun doute l'un des films les plus connus du cinéaste, qui eut sa petite heure de gloire en France à l'époque, et qui était devenu invisible depuis pas mal d'années.
C'est en effet un bon manifeste des thèmes et l'univers de Kumashiro : ancrage assez contemporain, approche naturaliste et documentariste, construction chorale, personnages féminins haut en couleur qui mènent le jeu et décident de ce qu'elles envie ou non, y compris quand elles sont prostituées. Formellement aussi, le film est représentatif de son style : long-plans séquences,souvent improvisés, filmés caméra à l'épaule qui permettent de donner le ton de sa philosophie et de sa vision de la société japonaise. La longueur, ou ses ruptures fugaces, lui donne aussi l'occasion de donner quelques moments décalés ou atypiques à l'instar des petits intermèdes dessinés du mangaka Yu Takita qui supervisa le décor, ayant grandi dans le quartier très populaire évoqué dans le film.
Le film oscille ainsi entre graveleux et mélancolie, sans jugement sur ses personnages qui se complètent bien : la prostituée qui cherche à battre un record de clients, celle mariée mais qui ne s'entend pas avec son mari et garde une nostalgie de l'ambiance de son ancien établissement, celle qui voudrait changer de vie, celle qui débute et qui fut violer pour sa première fois...
Ce qui surprend est vraiment la liberté de ton très cru, sans être vulgaire, car on y sent le côté grotesque du vécu (les préliminaires, se mettre à califourchon au dessus de braises pour pré-chauffer le "terrain" pour les clients, la tentative de suicide par pendaison, les différents clients ou habitués...). Les plans séquences sont souvent bien gérés et se font parfois complétement oubliés durant de longues minutes. De la même manière, on se rend pas toujours compte que Kumashiro change de format durant les scènes de sexe pour passer en 1.33 afin de se recentrer sur le visage de ses comédiennes (et il semblerait que c'était aussi une manière de se moquer de la censure qui voulait masquer les parties génitales). C'est habile, bien utilisé et ça crée vraiment une proximité inconsciente chez le spectateur.

Malgré toutes ses qualités, je suis à moitié emballé. J'avoue que les procédés de réalisation virent un peu au systématisme, n'évitant pas toujours la répétition et que j'ai trouvé la narration confuse avec des flash-backs qu'on a du mal à toujours clairement identifier, ce qui m'a fait souvent sortir du film en essayant de comprendre où je me situais tout à coup.


Désirs humides – 21 ouvreuses en scène (Tatsumi Kumashiro - 1974)

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Tatsumi Kumashiro est sans doute un auteur mais un auteur qui creuse un peu trop le même sillon et j'ai ressenti une réelle lassitude devant ce film qui ressemble beaucoup à Sayuri strip-teaseuse qui annonce aussi la femme aux cheveux rouges tout en partageant des fortes similitudes à la Rue de la joie, avec un peu moins de caméra à l'épaule. Pour le reste, c'est très proche avec le même univers, le même genre de narration (flash-back inclus), le même genre de personnages et le même recours aux long plans. Certains sont cependant vraiment bien conçu et réjouissant tel ces couples vivant dans la promiscuité d'un même pièce et dont les ébats des premiers donnent des idées à leur voisins ainsi qu'à un troisième mâle qui préfère se tourner vers une autre voisine plutôt que son épouse ; tandis qu'un enfant en bas âge se ballade au milieu de ces copulations (sous couettes).
Le film décrit ainsi des personnages masculins particulièrement veules, lâches et immatures, capables d'abandonner dans un bar un enfant qu'on leur a confié pour espionner et suivre à distance une inconnue, pratiquement à l'autre bout du japon. D'ailleurs, certains personnages féminins finissent par sentir qu'elles devennient lesbiennes et pourraient très bien devenir leur propre manager.

L'autre point que j'ai trouvé intéressant est le travail sonore quasi godardien avec là aussi beaucoup de rupture et de collage, notamment une utilisation des chansons folkoriques, traditionnelles ou pop (dont « urami bushi » de meiko kaji qui revient très souvent et donc le contenu féministe a toute sa place ici – parfois ironiquement). Autre approche avant-gardiste, les intermèdes avec un duo d'artistes de rue qui se livrent à des performances en pleine rue (sans doute en caméras cachés), assez amusant même si j'ai pas toujours suivi la finalité.

Mais dans l'ensemble, ca reste un film très répétitif avec des scènes qui se recyclent pour une narration qui avance par à-coup seulement.

Pour conclure Kumashiro, c'est pas mal mais mieux vaut espacer les séances de visionnages. Par contre, j'ai du mal à être d'accord avec bon nombres de critiques qui le citent comme le meilleur cinéaste de Roman Porno de la Nikkatsu. Je préfère de loin Noboru Tanaka.

Gushing prayer (Masao Adachi – 1971)

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Des lycéens voulant échapper à une société qu'ils jugent aliénantes cherchent à détruire le sexe. Parmi eux, une adolescente de 15 ans multiplie les expériences sexuelles, y compris la prostitution, espérant détruire toute sensation rattachée aux sexes et donc la libido.

Oulalala, le film relou. Du pur Adachi, cérébral et beaucoup trop conceptuel dans ses personnages abscons, stridents et uniquement théoriques. J'ai copieusement détesté au point de rapidement souffrir et trouver le temps atrocement long durant les 74 minutes qui passent d'autant plus longuement que la musique se limite à deux morceaux folk qui tournent en boucle.
J'ai eu autant de difficulté de m'attacher et m'intéresser aux dilemmes de l'héroïne que le type « non-binaire » qui s'offusque qu'on l'appelle Monsieur. :mrgreen:

Je n'ai même pas réussi à profiter de la mise en scène d'Adachi qui utilise le quota de minutes en couleurs (exigé par le distributeurs) au milieu d'un film en noir des blanc pour aller vers l'expérimentation et l'avant-garde, surtout vers la fin qui a aussi recours à différents filtres.
Dernière modification par bruce randylan le 21 sept. 19, 10:01, modifié 1 fois.
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hellrick
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Re: Pinku Eiga et cinéma érotique nippon (Flower & snake, etc.)

Message par hellrick »

bruce randylan a écrit :4 jours de Pinku eiga, c'est pas non plus la meilleure idée. Un de temps en temps, c'est sympa mais c'est loin d'être mon genre de prédilection.
Oui, c'est clair :D
Je préfère le pinku quand il ajoute à la fesse des scènes de violences avec tortures, viols et humiliations, ça remonte un peu le côté trash de films sinon souvent trop timorés pour convaincre...vu l'absence de nudité full il me faut de la perversion pour que je trouve ça intéressant :wink:
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bruce randylan
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Re: Pinku Eiga et cinéma érotique nippon (Flower & snake, etc.)

Message par bruce randylan »

Ah pour le coup les humiliations/tortures, c'est pas trop mon délire ça. Encore que quand Teruo Ishii va dans le délire baroque coloré, ça peut devenir fascinant. Ou le glauque de Assault Jack the Ripper qui met vraiment mal à l'aise dans le bon sens du titre. Ou le bien nommé Bondage de Tanaka.
Par contre les Konuma façon Une femme à sacrifier, j'avais trouvé ça détestable au plus haut point ; pareil pour la femme aux seins percés à un moindre niveau.
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