Phil Karlson (1908-1985)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Pat Wheeler
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Phil Karlson (1908-1985)

Message par Pat Wheeler »

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Prolifique réalisateur de série B que j'affectionne autant qu'un Fuller ou un Siegel dont il partage le style sec et violent. Une filmo plus riche et variée qu'on pourrait le croire avec des bas, certes, mais aussi des hauts et même des très hauts.


Ceux que j'ai vus jusqu'à présent:

Thunderhoof (1948)
La quintessence du western fauché mais inventif. Un passionnant road movie avec en tout et pour tout trois acteurs, quelques chevaux et les infinies contrées arides de l'Ouest. C'est beau, c'est puissant, c'est lyrique.

L'Inexorable Enquête (Scandal Sheet - 1952)
Scénarisé par Fuller, un excellent suspense avec une inteprétation remarquable de Broderick Crawford. On ne s'ennuie pas une seconde dans ce film noir sans fioritures et parfaitement agencé.

Le Quatrième Homme (Kansas City Confidential - 1952)
Alors là, c'est l'extase ! Une ambiance tendue comme un string, un scénario impeccablement huilé, les trognes pas possibles de Preston Foster, Neville Brand, Jack Elam et Lee Van Cleef, que demande le peuple ? Peut-être son meilleur film.

L'Affaire de la 99ème Rue (99 River Street - 1953)
Dans la lignée du précédent en un peu plus mineur, avec dans les moments forts cette tension, cette fulgurance, ces éclats de brutalité qui nous scotchent à notre fauteuil.

Coincée (Tight Spot - 1955)
Thriller en huis-clos quelque peu bavard et statique où Ginger Rogers en fait des tonnes. Il y a bien une ou deux scènes intenses où l'on reconnaît la patte de Karlson (vers la fin notamment) mais pas de quoi se relever la nuit.

The Phenix City Story (1955)
Un des tout grands opus du monsieur. La sécheresse et la cruauté habituelle de Karlson se doublent ici d'un terrifiant portrait de notables corrompus dans une petite ville du Sud. Un film vraiment en avance sur son temps, que ce soit dans son esthétique quasi-documentaire ou dans sa surprenante liberté de ton (pas vu grand chose de plus violent datant de cette époque). Dense et marquant.

Le Salaire de la Violence (Gunman's Walk - 1958)
Contrairement à d'aucuns, je n'irais pas jusqu'à porter aux nues ce sur-western mais ça reste de la belle ouvrage. Mise en scène ample et soignée, scénario solide et adulte, brillant numéro de Van Heflin en patriarche dépassé par les événements. On pourra regretter quelques longueurs et le choix de Tab Hunter pour incarner le fils rebelle, lequel n'arrive pas à se dépêtrer de sa transparence, tout bien écrit que soit son rôle.

Saïpan (Hell To Eternity - 1960)
Curieux film de guerre avec un attachant Jeffrey Hunter, qui aurait l'étoffe d'une belle réussite s'il ne souffrait pas d'une première heure incroyablement niaise et languissante avec démonstration anti-raciste aussi grosse qu'une enclume et scènes de danses lascives filmées ad nauseam. Heureusement, Karlson se ratrappe par la suite en signant des séquences de bataille réalistes et immersives qui figurent parmi les plus éprouvantes tournées dans ces années-là.

La Poursuite des Tuniques Bleues (A Time for Killing - 1967)
Officieusement co-réalisé par Roger Corman, un western de cavalerie poisseux et déglamourisé (Peckinpah et Leone sont passés par là) qui tient en haleine du début à la fin. Très bonne utilisation du format scope, violence physique et psychologique omniprésente et une terrifiante composition de George Hamilton en officier sudiste psychopathe sur les bords. Un bon cru.

Justice Sauvage (Walking Tall - 1973)
Sans doute la réalisation la plus connue du cinéaste, du moins aux Etats-Unis où ce vigilante movie basé sur des faits réels rencontra un grand succès à sa sortie. Ce n'est pas de la plus grande finesse, surtout au niveau du fond un brin réac, mais on aime la bouille de grosse brute au coeur tendre de Joe Don Baker, le réalisme et la brutalité incroyable des bagarres ainsi que cette ambiance du Sud profond qui rappelle celle de Phenix City Story.

La Trahison se Paie Cash (Framed - 1974)
À voir avant tout pour quelques scènes d'une hallucinante violence (une obsession chez Karlson, décidément), avec en tête une longue baston à mort où les coups font franchement mal et une oreille flinguée à bout portant par l'aimable Joe Don Baker. Le reste est une classique histoire de vengeance, correctement écrite et filmée mais sans grandes étincelles.


Les prochains sur ma liste: Adventures in Silverado (1948), The Big Cat (1949), The Iroquois Trail (1950) et The Texas Rangers (1951), tous quatre bénéficiant d'une bonne réputation mais assez difficiles à se procurer.


Filmographie:

1944 : A Wave, a WAC and a Marine
1945 : There Goes Kelly
1945 : G.I. Honeymoon
1945 : Le Cobra de Shanghaï (The Shanghai Cobra)
1946 : Live Wires
1946 : Swing Parade of 1946
1946 : Dark Alibi
1946 : Behind the Mask
1946 : Bowery Bombshell
1946 : The Missing Lady
1946 : Wife Wanted
1947 : Kilroy Was Here
1947 : Black Gold
1947 : Louisiana
1948 : Rocky
1948 : Adventures in Silverado
1948 : Thunderhoof
1948 : Les Reines du music-hall (Ladies of the Chorus)
1949 : Le Chat sauvage (The Big Cat)
1949 : Down Memory Lane
1950 : The Iroquois Trail
1951 : Les Maudits du château-fort (Lorna Doone)
1951 : The Texas Rangers
1951 : L'Épée de Monte-Cristo (Mask of the Avenger)
1952 : L'Inexorable Enquête (Scandal Sheet)
1952 : The Brigand
1952 : Assignment: Paris
1952 : Le Quatrième homme (Kansas City Confidential)
1953 : L'Affaire de la 99ème rue (99 River Street)
1954 : They Rode West
1955 : Coincée (Tight spot)
1955 : Les Îles de l'enfer (Hell's Island)
1955 : On ne joue pas avec le crime (5 Against the House)
1955 : The Phenix City Story
1957 : Les Frères Rico (The Brothers Rico)
1958 : Le Salaire de la Violence (Gunman's Walk)
1959 : Les Incorruptibles défient Al Capone (The Scarface Mob) (TV)
1960 : Saïpan (Hell to Eternity)
1960 : Key Witness
1961 : Le Dernier passage (The Secret Ways)
1961 : Les Blouses blanches (The Young Doctors)
1962 : Un direct au cœur (Kid Galahad)
1963 : Massacre pour un fauve (Rampage)
1966 : Matt Helm, agent très spécial (The Silencers)
1967 : La Poursuite des tuniques bleues (A Time for Killing)
1968 : Alexander the Great (TV)
1969 : Matt Helm règle ses comptes (The Wrecking Crew)
1970 : L'Assaut des jeunes loups (Hornets' Nest)
1972 : Ben
1973 : Justice sauvage (Walking Tall)
1974 : La Trahison se paie cash (Framed)
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Jeremy Fox
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Re: Phil Karlson (1908 - 1985)

Message par Jeremy Fox »

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Le Salaire de la violence (Gunman’s Walk - 1958) de Phil Karlson
COLUMBIA


Avec Van Heflin, Tab Hunter, James Darren, Ray Teal, Kathryn Grant
Scénario : Frank Nugent
Musique : George Duning
Photographie : Charles Lawton Jr. (Technicolor 2.35)
Un film produit par Fred Kohlmar pour la Columbia


Sortie USA : Juillet 1958


Lee Hackett (Van Heflin), un important éleveur de chevaux, n’est plus très en phase avec son époque de plus en plus soucieuse de justice et de paix. La loi du plus fort et celle des armes ont tendance à disparaître alors que Lee a construit son 'Empire' en se basant essentiellement dessus. Veuf, il a élevé seul ses deux fils selon ses valeurs viriles, sans se soucier du changement de la société ni des conséquences sur deux caractères aussi différents. Ils vont finalement chacun d’eux lui poser des problèmes et ‘lui faire honte’ : le plus jeune, Davy (James Darren), décidant de s’affranchir de sa tutelle en refusant la violence et, comble du déshonneur, tombant amoureux de Clee (Kathryn Grant), une métisse ; l’aîné, Ed (Tab Hunter), en s’enfonçant au contraire dans la violence la plus débridée sans arriver à se contrôler, cherchant à égaler voir dépasser son père-mentor sans comprendre qu’il s’en éloigne encore plus. La confrontation entre les trois hommes tourne à la tragédie familiale à partir du jour où Ed, encouragé à la compétition par son père qui voulait savoir qui était le meilleur cavalier, lors d’une chasse au mustang, pousse de sang froid son rival indien (le frère de Clee) dans un ravin où il trouve la mort. Jugé pour ce meurtre, Ed est relaxé suite au faux témoignage d’un maquignon véreux (Ray Teal) qui, en échange de ce parjure, se fait donner quelques chevaux par Lee qui lui est reconnaissant d’avoir sauvé la vie et la réputation de son fils. Mais à son tour, ce sale type se fait descendre par Ed pour qui la spirale de la violence semble ne plus vouloir s’arrêter…

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En mai 2011, Antoine Royer dans sa critique de Le 4ème homme (Kansas City Confidential) me prenait à partie en écrivant : "Si Phil Karlson a également officié dans le western - notre émérite spécialiste local pourrait par exemple venir dire le bien qu’il pense du sympathique Gunman’s Walk (Le Salaire de la violence)…" Mieux vaut tard que jamais et, près de trois ans plus tard, ma réponse est désormais portée à votre connaissance sous la forme d’un avis sur ce film encore très peu connu voici encore quelques années en arrière, et qui commence à peine à sortir de l’oubli où il fut laissé. Quoiqu’il en soit, Antoine ne croyait pas si bien dire puisque je ne vais écrire quasiment que du bien sur ce Gunman's Walk qui est par contre bien plus que sympathique, s’agissant tout simplement de l’un des plus beaux westerns psychologiques des années 50. Si Phil Karlson (dont le nom ne parlera encore aujourd’hui qu’à un cercle restreint de cinéphiles malgré sa soixantaine de films au compteur) fut surtout associé au film noir et policier, genres aux seins desquels il œuvra majoritairement, il réalisa également cinq ou six westerns de série B depuis 1947, quasiment tous inconnus au bataillon, avant ce Gunman’s Walk qui sortit à la sauvette en France, qui fut accueilli très tièdement par la critique et qui resta aux abonnés absents de quasiment toutes les bonnes anthologies du genre. C’est assez récemment que sa cote de popularité commença à remonter, et ce regain d’intérêt n’est qu’amplement mérité au vu des très grandes qualités que cette œuvre recèle à quelque niveau que ce soit, aussi bien dans la mise en scène que le scénario, la musique que la photographie ainsi que l’interprétation d’ensemble. Un western dont Karlson était fier (d’autant qu’il avait réussi à arracher quelques larmes au pourtant peu sensible Harry Cohn, patron de la Columbia), et qu’il s’agit de réhabiliter et de réévaluer de toute urgence, ce que l’indispensable éditeur Sidonis nous permet aujourd’hui de pouvoir faire.

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Un western en tout cas très représentatif de la seconde moitié des années 50, période au cours de laquelle la psychologie s’est fortement incrustée à l’intérieur du genre. Il y eut certes bien quelques tentatives dans les années 40 comme Pursued (La Vallée de la peur) de Raoul Walsh, mais à quelques autres exceptions comme déjà en 1951 une histoire d’antagonisme entre deux frères dans La Vallée de la Vengeance (Vengeance Valley) de Richard Thorpe, c’est surtout John Sturges qui avait généralisé l’hybridation à partir de Coups de Fouet en Retour (Backlash). La deuxième moitié de la décennie a vu également se multiplier les westerns mettant en scène de tragiques drames familiaux comme par exemple The Furies d’Anthony Mann, La Lance brisée (The Broken Arrow) d’Edward Dmytryk ou encore Le Souffle de la violence (The Violent Men) de Rudolph Maté, ce dernier réalisateur ayant d’ailleurs été pressenti pour mettre en scène Le Salaire de la violence ; mais le film de Phil Karlson leur est supérieur et pourrait même être l’un des plus beaux fleurons de ces deux courants, psychologique et familial, bien plus convaincant aussi par exemple que le tout récent et assez similaire Libre comme le vent (Saddle the Wind) de Robert Parrish. Gunman’s Walk (titre original bien plus ‘poétique’ que le rude titre français qui représente pourtant mieux la gravité du film) est pour commencer un western très intéressant sur une civilisation changeante et la difficulté pour certains de s’adapter à une telle société tendant à l’apaisement, les éleveurs étant toujours prêts à tout pour défendre leurs acquis les armes à la main alors que les citoyens en viennent désormais à plus accorder leur confiance aux hommes de loi et de justice qui refusent au contraire de plus en plus que l’on soit armé ; tout ceci amène aussi une réflexion sur la violence (qui ne peut mener qu’au malheur), les armes, la loi, la justice et les préjugés raciaux au quotidien puisque les massacres dus aux guerres indiennes n’ont toujours pas été oubliés par les pionniers. Tout ceci vu au travers d’un déchirement familial et d’un conflit intergénérationnel ; désir de s’affranchir du modèle paternel pour l’un, aspiration d’au moins l’égaler pour l’autre, les deux situations amenant la rivalité et parfois même la confrontation physique, y compris d’ailleurs entre les deux frères malgré le fait qu’ils fassent tout pour essayer de s’entendre (on comprend ceci dès la première séquence, la tension étant déjà prégnante malgré une certaine bonhomie d’apparence).

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Presque aucun schématisme dans les différents portraits tracés que ce soit pour les protagonistes principaux ou les seconds rôles, tous aussi richement dessinés par le talentueux scénariste Frank S. Nugent (partenaire privilégié de John Ford pour qui il écrira parmi ses plus beaux films comme, excusez du peu, Fort Apache, La Charge Héroïque, L’Homme Tranquille, La Prisonnière du Désert…) Aucune sensiblerie, aucune mièvrerie, aucun sentimentalisme, aucun manichéisme au sein de son formidable scénario qui pourra même paraître froid de prime abord pour cause de difficulté à éprouver de l’empathie pour les deux personnages principaux, respectivement interprétés par un Van Heflin toujours aussi impérial et un Tab Hunter qui nous aura ici grandement étonné. Il était assez culotté et très moderne de la part des auteurs d’avoir mis sur le devant de la scène deux protagonistes aussi peu aimables. Mais, avant de revenir sur leurs performances d’acteur et la richesse de leurs personnages, disons tout le bien qu’il faut penser du reste de la distribution à commencer par James Darren sur qui à peu près tout le monde est tombé dessus comme à chaque fois que nous avons à faire à un personnage qui est là pour servir de faire-valoir au charismatique ‘Bad Guy’. En effet, pourquoi critiquer la fadeur de l’acteur alors que c’est son personnage qui semble l’être en comparaison de son rival de frère ? Davy est un garçon doux et rêveur qui abhorre la violence et qui reste très discret ; le jeu de Darren s’accorde donc parfaitement avec son personnage qui aime se mettre en retrait ; il me semble donc totalement injuste de l’avoir à ce point vilipendé surtout qu’il s’en sort au contraire très bien, y compris lors des rares très belles séquences romantiques du film où il se retrouve avec la future miss Bing Crosby à la ville, à l’affiche de nombreux films noirs de Phil Karlson, la douce et très charmante Kathryn Grant (très beau protagoniste que celui de cette noble métisse) ; le couple qu’ils forment se révèle même très convaincant, très attachant, symbole de la société plus démocratique se mettant alors en place, intégrant les différentes races, acceptant la mixité, délaissant la loi des armes et du plus fort pour plus de justice et de paix.

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Société représentée ici avant tout par le shérif, son adjoint, l’agent aux affaires indiennes et le juge, personnages tout aussi bien croqués et intelligemment décrits par Frank S. Nugent que les trois protagonistes principaux, respectivement tenus par Robert F. Simon, Mickey Shaughnessy, Edward Platt et Will Wright, tous quatre parfaits, le second déjà inoubliable en boxeur l’année précédente dans le jubilatoire La Femme modèle (Designing Woman) de Vincente Minnelli. Le shérif tente par tous les moyens de faire respecter la loi sans qu’il y ait effusion de violence, devant néanmoins sans cesse louvoyer entre son estime pour les Hackett et la tranquillité de sa cité ; son adjoint est un ex-boxeur qui fait des efforts et prend sans arrêt sur lui pour essayer de remettre la jeune tête brulée sur le droit chemin ; quant au représentant aux affaires indiennes, nous en avons pour une fois un portrait lui aussi très nuancé, celui d’un homme noble et prenant fait et cause pour les Natives qu’il a en charge : c’est bien une des rares fois où ce personnage n’est pas dépeint comme un margoulin et un salopard. Le docteur et le juge, malgré un faible temps de présence, sont tout aussi bien dépeints, eux aussi avec nuance. Enfin, Nugent nous présente l’un des rapaces à la fois les plus mielleux et les plus haïssables qu’il nous ait été donné de voir en la personne du maquignon, superbement interprété par Ray Teal. Mais revenons en au duo tête d’affiche. Le frère de Davy, Ed, est celui par qui le scandale arrive ; la géniale idée de ce casting est de l’avoir confié à total contre-emploi à Tab Hunter, idole d’une certaine jeunesse sage de l’époque, et dont les rôles habituellement dévolu étaient ceux de jeunes premiers un peu ternes comme dans Collines brulantes (The Burning Hills) de Stuart Heisler dans lequel il ne faisait pas vraiment le poids face à une toute jeune Natalie Wood. Le comédien dira toujours que Phil Karlson lui aura donné ici son plus beau rôle. Son visage de beau gosse fait ici merveille d’autant qu’il incarne le mal ; un mauvais garçon cependant capable de nous émouvoir lorsque nous comprenons qu'il l'est devenu par la faute d’un amour trop exclusif pour son père qu’il a toujours pris pour héros et modèle ; le contraste entre la beauté physique du comédien et la violence de son personnage rend le film encore plus passionnant/ambigu d’autant que Tab Hunter se révèle tout à fait convaincant. Ed, c’est le jeune homme qui, à l’image de son père, ne supporte pas que l’on soit meilleur que lui ; ce perpétuel désir de compétition se retournera à la fin contre celui qui le lui a inculqué, le fait de porter encore des armes alors que la période préconise de s’en séparer transformant la rivalité en drame à la brutalité exacerbée.

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Pressentie dès le début du film, la confrontation entre ces trois figures archétypales tournera donc à la tragédie familiale suivie d’une prise de conscience salvatrice qui donnera à son final une puissance émotionnelle insoupçonnée jusque là, le film de Phil Karlson ayant été au contraire plutôt froid dans l’ensemble. Le troisième principal protagoniste est donc le père, magistralement incarné par un acteur sur lequel on ne cesse de s’extasier, tout dernièrement absolument inoubliable dans le chef-d’œuvre de Delmer Daves, 3.10 pour Yuma. Il incarne un rancher aux valeurs désuètes, ne voulant surtout pas voir que la société qui l’entoure subit une importante mutation. Il s’agit d’un homme qui, certain d’être à l’origine de la prospérité de sa cité, se croit encore tout permis, faisant ses entrées en ville d’une manière fracassante et inélégantes, estimant avoir presque tous les droits ; ses concitoyens n’osent d’ailleurs pas lui dire grand-chose, les règles semblant être édictées pour tout le monde sauf pour lui, toujours un peu considéré comme le 'tyran local'. Où l’on se rend compte que malgré les évolutions positives de la société et de ses règles, les grands propriétaires terriens paraissent toujours avoir des passe-droits. Malgré les aspects ‘m’as-tu-vu’ déplaisants du personnage, on se prend à le trouver attachant lorsqu’on se rend compte qu’il est vite dépassé par les comportements rebelles de ses deux fils aux caractères portant antinomiques, lorsque ses certitudes sur la vie commencent à se fissurer au point de le faire littéralement s’effondrer lors de ce magnifique final, l’un des plus mémorables de l’histoire du western, du niveau de celui de Comanche Station de Budd Boetticher.

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Non content dans le fond de brasser une multitude de thèmes habituels du western avec intelligence et modernité, d’intégrer en plus de tout ça une belle réflexion sur l’éducation machiste et ses conséquences, le film bénéficie également d’une belle et ample mise en scène, Phil Karlson semblant manier le cinémascope avec dextérité, certains travellings latéraux lors des ‘poursuites’ à cheval étant franchement impressionnants. La photographie de Charles Lawton est très réussie ainsi que la musique raffinée et sensible de George Duning, compositeur à redécouvrir d’urgence, déjà ‘responsable’ l’année précédente du score inoubliable du 3h10 pour Yuma de Delmer Daves. Un film dense et superbement écrit au cours duquel, outre narrer une poignante tragédie familiale, le cinéaste parvient en peu de temps et de moyens à brosser un portrait assez juste du Far-West de cette fin de 19ème siècle. A découvrir ou redécouvrir d'urgence !

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Re: Phil Karlson (1908 - 1985)

Message par Rick Blaine »

Je n'ai vu que trois films de Karlson. 5 Against the House est un noir très oubliable à cause d'un scénario très moyen, par contre je tiens Gunman's Walk pour un petit sommet du western, superbement écrit et interprété. De même je classe très haut The Brothers Rico dans le genre noir, un film qui crée une ambiance très réussie et qui est porté par un excellent Richard Conte.
Du coup j'attends beaucoup de certain de ses films qui me restent à découvrir, notamment Phenix City Story, Kansas City Confidential ou Tight Spot.
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Re: Phil Karlson (1908 - 1985)

Message par Pat Wheeler »

Jeremy Fox a écrit :Je n'ai pas accroché à Kansas City Confidential :oops:
Un de mes thrillers préférés des 50's... :cry:

Pour Rick, tu devrais être (très) agréablement surpris avec les deux premiers, par contre Tight Spot c'est quand même beaucoup moins palpitant, une déception pour moi.
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Re: Phil Karlson (1908 - 1985)

Message par Rick Blaine »

Pat Wheeler a écrit :par contre Tight Spot c'est quand même beaucoup moins palpitant, une déception pour moi.
La présence de Edward G. Robinson me donnait plein d'espoir. On verra bien!
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Re: Phil Karlson (1908 - 1985)

Message par André Jurieux »

Pratiquement d'accord à 100 % avec les remarques de Pat Wheeler sauf que je serais un peu plus sévère sur les 3 derniers, surtout sur les polars des 70th que je n'aime pas beaucoup....
globalement d'ailleurs, pas seulement ceux de Karlson (Il y a bien sûr des exceptions).

De ceux que tu cites, je ne connais pas Thunderhoof. Il est passé à la TV chez nous ?


Pour le reste, j'ajoute :

LE COBRA DE SHANGHAI. Pas mal mais il faut être client de cette série qui mélange les genres. Aventures exotiques et comédies policières mais intrigue de "vrai" polar.

LES ILES DE L'ENFER avec John Payne est décevant . C'est pour moi l'un de ses plus mauvais films.

ON NE JOUE PAS AVEC LE CRIME est un assez bon polar au sujet intéressant. Brian Keith entraine un groupe d'étudiant a cambrioler un casino au système de surveillance réputé inviolable.
Juste par défit. Le film est plombé tout de même par quelques interprètes incompétants, à commencer par Kim Novak et Guy Madison.

LES FRERES RICO. Très bon polar. Richard Conte et son frère (Et la Mama) au prise avec un parrain de la mafia glacial, hypocrite et sans scrupules.

LE TUEUR DE CHICAGO. L'épisode rallongé du pilote des "Incorruptibles". Bof...

KEY WITNESS avec Jeffrey Hunter et Dennis Hopper. Pas vu depuis longtemps. Une histoire de témoin a protéger si ma mémoire est bonne

LE DERNIER PASSAGE avec Richard Widmark. Assez médiocre film d'aventure. On a beau aimer Widmark c'est loin d'être un grand Karlson. Uniquement pour les amoureux de Santa Berger :oops:

MASSACRE POUR UN FAUVE. Celui ci a encore plus d'amateur mais pas moi malgré le grand Bob (Mitchum) ....et Elsa Martinelli (Re... :oops: ). Ennuyeux safari avec Jack Hawkins.

Enfin, THEY RODE WEST. Un autre western est loin d'être extraordinaire.

Je ne vais pas tarder à découvrir "L'épée de Monte-Cristo" sur lequel je fonde quelques espoirs.

J'ajoute que la plupart des films cités ont été diffusés à la TV chez nous. LES ILES DE L'ENFER a priori uniquement en VF.
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Re: Phil Karlson (1908 - 1985)

Message par Pat Wheeler »

André Jurieux a écrit :De ceux que tu cites, je ne connais pas Thunderhoof. Il est passé à la TV chez nous ?
Non je ne crois pas. La copie que j'ai semble provenir d'un transfert 16 mm, l'image est sale mais assez bien définie sinon. Il me semble d'ailleurs que c'est le seul moyen de se le procurer pour le moment.

Sinon c'est vrai que je suis un peu indulgent avec les deux derniers mais j'aime bien JD Baker et le côté crapoteux des ces deux films. Je ne suis moi-même pas un grand inconditionnel des polars 70's malgré quelques exceptions comme tu dis (en vrac je pense à l'excellent Tuez Charley Varrick)... en fait j'irais jusqu'à dire que je ne suis pas un fan de cinéma 70's en général. :oops:
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Re: Phil Karlson (1908 - 1985)

Message par AtCloseRange »

Voilà un cinéaste que j'aime bien. Vu 3 films pour l'instant: le très bon Phenix City Story, polar brillant au ton doumentaire, Gunman's Walk, belle réflexion sur l'héritage de la violence et le plus discutable (mais néanmoins efficace) Walking Tall.
André Jurieux
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Re: Phil Karlson (1908 - 1985)

Message par André Jurieux »

Même si c'est toujours casse gueule et évidement totalement subjectif :

Les indispensables :

Le Quatrième Homme (Kansas City Confidential )
L'Affaire de la 99ème Rue (99 River Street )
The Phenix City Story

Les très bons films :
L'Inexorable Enquête (Scandal Sheet)
Les frères Rico
Le Salaire de la Violence (Gunman's Walk)

Les facultatifs, mais les pourquoi pas :

Saipan. Pour la seconde partie vantée par Pat et l'interprétation de Jeffrey Hunter
On ne joue pas avec le crime. Pour l'interprétation de Brian Keith, le jeune homme au rêve de démesure guetté par la folie.
Pour les amateurs de néo polars violents des 70th, ses 2 derniers polars.

A revoir :
Key Witness

A découvrir :
L'épée de Monte-Cristo, avec John Derek, qui était déjà le jeune reporter de L'Inexorable enquête.


Merci Pat pour les renseignements sur Thunderhoof. Par contre audio ? VO non sous-titré si j'ai bien compris.
Pour le reste, à mon avis ceux que tu recherches vont être difficiles à trouver. Moi, çà ne me dit rien. Je pense ne les avoir jamais vu
sur aucune liste. çà concerne : Adventures in Silverado (1948), The Big Cat (1949), The Iroquois Trail (1950) et The Texas Rangers (1951)
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Re: Phil Karlson (1908 - 1985)

Message par Pat Wheeler »

André Jurieux a écrit :Merci Pat pour les renseignements sur Thunderhoof. Par contre audio ? VO non sous-titré si j'ai bien compris.
Exact. Mais même pour un non anglophone le film n'est pas trop difficile à comprendre.
Pour le reste, à mon avis ceux que tu recherches vont être difficiles à trouver. Moi, çà ne me dit rien. Je pense ne les avoir jamais vu
sur aucune liste. çà concerne : Adventures in Silverado (1948), The Big Cat (1949), The Iroquois Trail (1950) et The Texas Rangers (1951)
En fait j'ai réussi à tous les trouver sous des supports plus ou moins différents mais c'est vrai qu'ils ne courent pas les rues, que ce soit dans les DVD ou les diffusions TV.
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André Jurieux
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Re: Phil Karlson (1908 - 1985)

Message par André Jurieux »

Pat Wheeler a écrit :
André Jurieux a écrit :Merci Pat pour les renseignements sur Thunderhoof. Par contre audio ? VO non sous-titré si j'ai bien compris.
Exact. Mais même pour un non anglophone le film n'est pas trop difficile à comprendre.
Pour le reste, à mon avis ceux que tu recherches vont être difficiles à trouver. Moi, çà ne me dit rien. Je pense ne les avoir jamais vu
sur aucune liste. çà concerne : Adventures in Silverado (1948), The Big Cat (1949), The Iroquois Trail (1950) et The Texas Rangers (1951)
En fait j'ai réussi à tous les trouver sous des supports plus ou moins différents mais c'est vrai qu'ils ne courent pas les rues, que ce soit dans les DVD ou les diffusions TV.
Intéressant...Il fut un temps ou je t'aurais déjà contacté en MP. Où ? Comment ? Par qui ? C'était l'époque ou j'ai voulu tout voir de certains metteurs en scène qui m'avaient particulièrement
tapé dans l'oeil. Karlson en faisait partie, de même que Siegel que tu citais dans ton premier post...ainsi que Fuller, mais ce dernier n'appartient pas tout à fait à la même catégorie car pour
moi il a beaucoup plus d'indispensables dans sa filmographie. Un Joseph H. lewis serait en revanche de la même famille....et il y en a eu bien d'autres.

Aujourd'hui, je vais mieux (merci doc !). Je ne vais plus systématiquement à la chasse aux raretés comme un affamé. Mais j'ai tout gardé, même les daubes...
Par contre, quand tu auras vu ces 4 raretés de Karlson, çà serait bien que tu nous fasses un petit compte rendu...Il y a peut-être une ou deux perles à dénicher.
Pat Wheeler
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Re: Phil Karlson (1908 - 1985)

Message par Pat Wheeler »

Où ? Comment ? Par qui ?
Adventures in Silverado: http://www.lovingtheclassics.com/new-re ... -1948.html
The Big Cat: http://www.amazon.com/DVD-Forrest-Tucke ... B0009ETJEA ou plus directement http://www.youtube.com/watch?v=PecbZsk4prE
The Iroquois Trail: http://www.ebay.co.uk/itm/THE-IROQUOIS- ... 1147402798
The Texas Rangers: http://scootermoviesshop.com/cubecart/w ... _8354.html
Aujourd'hui, je vais mieux (merci doc !). Je ne vais plus systématiquement à la chasse aux raretés comme un affamé.
Ah, moi je n'en suis pas encore tout à fait sorti... :oops:
...ainsi que Fuller, mais ce dernier n'appartient pas tout à fait à la même catégorie car pour
moi il a beaucoup plus d'indispensables dans sa filmographie. Un Joseph H. lewis serait en revanche de la même famille....et il y en a eu bien d'autres.
C'est vrai que Fuller a plus régulièrement vogué entre la "série A" et B et possède davantage de titres majeurs dans sa filmo, mais je le comparais surtout à Karlson pour la sécheresse de son style, ce goût pour les brusques irruptions de violence (qu'elle soit physique ou psychologique) et ce sens de l'efficacité à toute épreuve. On pourrait également citer Anthony Mann et Richard Fleischer pour leurs réalisations fin 40's / début 50's, notamment leurs films noirs où on retrouve souvent cette même brutalité. Gordon Douglas me vient en tête également: il y a presque toujours une petite place pour un ou deux moments bien sadiques dans ses films. :lol:
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André Jurieux
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Re: Phil Karlson (1908 - 1985)

Message par André Jurieux »

Merci pour tes liens.

Pour le reste encore une fois pas grand chose à ajouter. Le rapprochement entre les polars, et plus largement le style de Karlson, avec celui des débuts de
Fleischer ou de Mann est pertinent. Cependant ces deux là sont assez rapidement passés à autre chose et dans la catégorie "supérieure" alors qu'un demi
mystère entoure la stagnation voir la régression de certains metteurs en scène qui avaient réussis parfois à prouver leurs savoir faire et même souvent mieux
que çà, sans pour autant être capable de se maintenir à ce niveau élevé. Je pense là à Joseph H. Lewis, à Karlson...et à quelques autres dont les meilleurs
oeuvres valent bien celles de metteurs en scène plus prestigieux.
Pat Wheeler
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Re: Phil Karlson (1908 - 1985)

Message par Pat Wheeler »

Adventures in Silverado
Une fort jolie surprise que ce petit western de série troussé avec vigueur et professionnalisme par l'ami Karlson. Une intrigue simpliste mais bien huilée, des personnages sympathiques et intéressants, juste ce qu'il faut de chevauchées, de coups fourrés, de bastons et de touches d'humour pour agrémenter la sauce, une photo plus soignée et dynamique que la moyenne, bref on passe un très agréable moment.
Vu dans une copie acceptable, quoiqu'un peu sombre durant les scènes nocturnes. On fait avec ce qu'on a.
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Link Jones
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Re: Phil Karlson (1908 - 1985)

Message par Link Jones »

Pat Wheeler a écrit : La Poursuite des Tuniques Bleues (A Time for Killing - 1967)
Officieusement co-réalisé par Roger Corman, un western de cavalerie poisseux et déglamourisé (Peckinpah et Leone sont passés par là) qui tient en haleine du début à la fin. Très bonne utilisation du format scope, violence physique et psychologique omniprésente et une terrifiante composition de George Hamilton en officier sudiste psychopathe sur les bords. Un bon cru.
Je suis d'accord avec la description de western de cavalerie poisseux et déglamourisé mais je n'ai pas été très enthousiasme sur ce film, sur le fond ni sur la forme au moins dans la première moitié, où je n'ai pas compris ces mouvements de caméra rapides et un peu instables, des cadrages curieux avec des têtes coupées ? il me semble :roll: Cette poursuite des sudistes évadés par une patrouille de tuniques bleues avec à leur tête Glenn Ford, tourne à la vengeance personnelle des 2 chefs, tout les soldats y passent ou presque. La musique m'a semblé pénible, notamment avec ces scènes de galop dans des paysages désolés, c'est assez pesant surtout que le réalisateur les enchaine un peu trop souvent. J'en suis sorti un peu déprimé. Je vais retourner aux années 50 :wink:
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