László Benedek (1905-1992)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky

Répondre
Pat Wheeler
Assistant(e) machine à café
Messages : 241
Inscription : 6 janv. 13, 12:54

László Benedek (1905-1992)

Message par Pat Wheeler »

Un des nombreux expatriés d'Hollywood, recruté par la MGM dans les années 40. Deux films vus seulement pour ma part, mais parmi les plus connus qu'il a réalisés: Mort d'un Commis Voyageur (Death of a Salesman - 1951), adaptation de la pièce d'Arthur Miller, et L'Equipée Sauvage (The Wild One - 1953) avec un Marlon Brando encore pas sec derrière les oreilles. Tandis que ce dernier n'a pas très bien vieilli, au même titre qu'un Graine de Violence sur un sujet similaire, Mort d'un Commis Voyageur m'a beaucoup plu par la force de son interprétation (Fredric March et Kevin McCarthy y sont extraordinaires) et l'intensité de la mise en scène lorsqu'il s'agit de filmer les crises de folie du personnage principal. Certaines scènes de dialogue sont un peu trop étirées et volubiles, trahissant les origines théâtrales du scénario, mais dans l'ensemble on a affaire à une oeuvre dense et concernée, empreinte d'une profonde mélancolie.


Filmo sélective:

1948 : Le Brigand amoureux (The Kissing Bandit)
1951 : Mort d'un commis voyageur (Death of a Salesman)
1953 : L'Équipée sauvage (The Wild One)
1954 : La Révolte des Cipayes (Bengal Brigade)
1957 : Affair in Havana
1960 : Recours en grâce
1971 : The Night Visitor
Image
Avatar de l’utilisateur
Jeremy Fox
Shérif adjoint
Messages : 99494
Inscription : 12 avr. 03, 22:22
Localisation : Contrebandier à Moonfleet

Re: László Benedek (1905-1992)

Message par Jeremy Fox »

Image

C'est l'histoire de Ricardo (Frank Sinatra), un étudiant bostonien en hôtellerie qui revient succéder à son père défunt pour tenir l'auberge familiale ; mais ce qu'il ignorait c'est que ce travail ne représentait qu’un à-côté pour son père, qui était surtout réputé pour être dans le même temps un bandit de grand chemin, "The Kissing Bandit". Et ici, en Californie, on attend surtout Ricardo dans ce rôle, Chico (J. Carrol Naish) se débrouillant très bien tout seul avec la clientèle de la taverne. Gauche et timide, notre jeune homme d'abord réticent accepte de remplacer son célèbre paternel dans le but de ravir aux jeunes filles tous les baisers qu'il pourra puisque, comme son pseudonyme l’indique, la signature du hors-la-loi consistait à ne pas quitter les lieux de ses méfaits sans s’être rassasié aux lèvres de la gent féminine présente sur place. Mais Ricardo, n’ayant aucune expérience des femmes, tombera amoureux de la première rencontrée, Teresa (Kathryn Grayson), la fille de Don Jose (Mikhail Rasumny), le gouverneur de la province. Après l’avoir sauvée de la mort alors que la diligence s’était mise à caracoler dangereusement, Ricardo, au grand dam de la demoiselle, n’ose même pas l’embrasser. Alors que toutes ses demoiselles de compagnie se vantent d’avoir subi l’outrage suprême et délicieux, elle enrage de n’avoir pas pu goûter aux délices du desperado, autant redouté par les maris qu’ardemment attendu par leurs épouses ! Quant au père, il est soulagé qu’il ne se soit rien passé et il est bien décidé à mettre fin aux agissements de ce goujat...

Image

La réputation de ce film est franchement exécrable, Sinatra lui-même s’étant fait le porte-parole de cette désastreuse notoriété quant il s’amusait à dire qu’il s’agissait du pire film du monde. Peut-être en avait-il assez d’endosser toujours les mêmes rôles, ceux de personnages naïfs, benêts et timides avec les femmes ? La goutte qui a fait déborder le vase ? Même si Jean-Louis Rieupeyrout dans La Grande aventure du western parle à son propos du « film le plus ambitieux de cette catégorie des "Musical Westerns" » (sic), The Kissing Bandit est donc au contraire réputé comme excessivement médiocre faute à la "bêtise du scénario". Tout cela est évidemment très excessif car la comédie musicale n’a pas été spécialement avare d'intrigues idiotes, et celle qu’Isobel Lennart (auteur par la suite des scénarios plus qu’estimables de Ville Haute, Ville Basse - East Side, West Side de Mervyn LeRoy ou des Pièges de la passion - Love Me or Leave Me de Charles Vidor) a écrite pour ce film ne l’est pas plus qu’une multitude d’autres. Il se révèle même parfois assez réjouissant si l'on veut bien considérer d’emblée qu’il s’agit avant tout d’une bouffonnerie qui se veut comme telle de bout en bout ; il n’y a qu’à voir le maquillage très clownesque de Carrol J. Naish, méconnaissable affublé d’un énorme pif, pour en être presque certain. Alors ne cherchons pas midi à quatorze heures, nous ne sommes là que pour de la détente pure et dure !

Image

Eh bien la surprise est bien agréable. Car, pour prendre un exemple parmi tant d'autres, il me semble assez injuste de trouver des circonstances atténuantes (le ridicule volontaire et assumé) à The Emperor Waltz sous prétexte que Billy Wilder est incapable de réaliser de mauvais films alors, qu'outre un scénario bien plus ridicule, le film n'est jamais drôle quand la même année celui de Laslo Benedek se révèle franchement assez amusant. Mais enfin, les goûts et les couleurs... Alors oui, il n'y a rien de très intelligent ni de très léger dans ce sujet (et l'acteur Carrol J. Naish ne fait pas non plus dans la sobriété) mais ce n'est pas très grave puisque le spectacle se suit avec beaucoup plaisir et d'amusement. La gaucherie de Frank Sinatra (dans son éternel rôle de timide puceau) est source de séquences assez cocasses ; mettons que vous trouviez le film complètement crétin (ce qui est loin d’être impossible), je vous mets néanmoins au défi de ne pas rire lors de la première apparition du comédien. Alors qu’on le voit venir de très loin, galopant avec élégance sur un magnifique destrier blanc, on ne s’attend vraiment pas à son vol plané à l’arrivée devant sa haie d’honneur. Rien que pour cette séquence, le film ne peut pas être considéré comme entièrement mauvais. De plus, l’acteur chante toujours aussi bien et des chansons comme What’s Wrong with Me confèrent encore un attrait supplémentaire au film.

Image

On ne s'ennuie donc quasiment pas une seule seconde mais il faut dire aussi que le Technicolor flamboie comme il se doit, que les quelques extérieurs sont splendides et que la couleur des costumes éclabousse littéralement l'écran. L’atout numéro un de cet agréable "Musical" est néanmoins la délicieuse Kathryn Grayson, qui avait déjà été la partenaire de Frank Sinatra à deux reprises et qui a rarement été aussi belle et si somptueusement vêtue qu’ici (ah, ces robes vertes et jaunes !). La caméra est amoureuse de son joli visage et la voix de soprano de l'actrice fait une fois encore quelques miracles ; elle l’utilise divinement surtout dans la chanson la plus connue du film, Love is Where You Find It qui sera chantée la même année par l’autre soprano hollywoodienne, Jane Powell. Autre raison de se réjouir, la toujours amusante Mildred Natwick dans le rôle du chaperon qui était prête à "se sacrifier" pour éviter que sa protégée se fasse embrasser par ce fringant Zorro de pacotille. Et puis mentionnons encore un autre excellent numéro musical, filmé par Stanley Donen, et qui n’a pas grand-chose à voir avec le reste de l’intrigue sans que cela n'ait d'importance, celui voyant Cyd Charisse et Ann Miller entamer un "duel dansé" pour les beaux yeux de Ricardo Montalban ; tous les trois se livrent à une chorégraphie espagnole enfiévrée, Dance Fury.

Image

Si la mise en scène purement fonctionnelle et les quelques séquences d’action d’une mollesse assez étonnante - entérinant le fait que les amateurs de westerns purs et durs ne devraient trouver absolument rien à grignoter dans ce Kissing Bandit - nous nous trouvons néanmoins devant un "western musical" sympathique qui pourra évidemment plaire et trouver preneur auprès des mordus du genre musical même si dans le même style, ils pourront préférer de très loin le magnifique The Pirate de Vincente Minnelli avec qui il possède quelques éléments en commun. En tout cas, ce film est loin d'être aussi mauvais que sa réputation le laissait entendre à condition de savoir ce qui nous attend et de ne pas être allergique ni aux grimaces, ni aux cabotinages excessifs et autres éléments kitchissimes. Bref, malgré le plaisir pris à sa vision, je ne le conseillerais pas vraiment de peur de me brouiller avec certains. Concernant le cinéaste Laslo Benedek, il ne restera ensuite dans les annales cinématographiques que pour son adaptation d'Arthur Miller (Mort d’un Commis Voyageur - Death of a Salesman avec Fredric March) et surtout pour ce film devenu culte qu’est L’Equipée sauvage (The Wild One) avec Marlon Brando en motard blouson noir.
Pat Wheeler
Assistant(e) machine à café
Messages : 241
Inscription : 6 janv. 13, 12:54

Re: László Benedek (1905-1992)

Message par Pat Wheeler »

Merci pour cette critique Jeremy ! Ca m'a l'air d'être une sympathique oeuvrette, je vais peut-être m'y risquer à l'occase d'autant que je ne déteste pas le western musical (vu Les Sept Femmes de Barberousse l'autre jour, c'était charmant comme tout).
Image
Avatar de l’utilisateur
onvaalapub
Machino
Messages : 1373
Inscription : 28 mars 11, 18:02
Localisation : Monument Valley

Re: László Benedek (1905-1992)

Message par onvaalapub »

Moi je te soutiens sur ce coup-là :wink: . J'ai d'ailleurs repenser à ce film en regardant les amours de Carmen sur TCM et en me disant que les producteurs/réalisateurs d'Hollywood aimait faire porter des costumes "mexicains" très kitchs à leurs acteurs :uhuh:
Image
Avatar de l’utilisateur
Kevin95
Footix Ier
Messages : 18364
Inscription : 24 oct. 04, 16:51
Localisation : Devine !

Re: László Benedek (1905-1992)

Message par Kevin95 »

Image

RECOURS EN GRÂCE (Laslo Benedek, 1960) découverte

Film noir tragique qui espère retrouver l'esprit du romantisme poétique d'avant guerre par un réalisateur américain paumé en France. Raf Vollone interprète un rôle à la Gabin première main, entre le déserteur du Quai des brumes et le poissard d'Au-delà des grilles, qui voit son existence prendre un sens interdit jusqu'au cul-de-sac. La tentative est louable, si elle ne vient pas après des dizaines et des dizaines de films français qui depuis le milieu des années 40 essaye d'invoquer le dieu Prevert pour donner un peu de crédit à leur drame dépressif. Faut dire que Recours en grâce n'est pas aidé non plus par une mise en scène impliquée, Benedek est mollasson et ne semble pas biter grand chose à ce qu'il se passe devant sa caméra. Cf. l'évasion de prison filmée et découpée comme si le personnage allait chercher le pain. Heureusement que le scénario n'est pas écrit de la main gauche et que les comédiens sont convaincants. Je ne parle pas de Vallone qui a le pas lourd (mais on est habitué) mais d'Annie Girardot qui passe en copine dans le rôle d'une prostituée mal-aimée (1960 est un peu son année blues trottoirs puisqu'elle interprète quasiment le même rôle dans Rocco e i suoi fratelli) et d'Emmanuelle Riva toujours aussi fragile, sur les cotés et fascinante. Sa relation avec la gamine ou sa haine du mensonge aurait mérité d'être au cœur du film plutôt que la ballade de Raf. La vie est dure et le film se termine dans un cimetière avec une pointe d'ironie lorsque les flics consolent une veuve après avoir employé la mitraillette contre le mari. Gentillet, un peu gauche visuellement et par moment très littéraire, Recours en grâce n'est pas si vilain quand on y repense. On verra dans quelques jours si le film reste en tête.
Les deux fléaux qui menacent l'humanité sont le désordre et l'ordre. La corruption me dégoûte, la vertu me donne le frisson. (Michel Audiard)
Répondre