Alberto Lattuada (1914-2005)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Jeremy Fox
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Re: Alberto Lattuada (1914-2005)

Message par Jeremy Fox »

Quelques jours avant l'édition DVD proposée à partir du 5 février, Tamasa nous propose de découvrir ou redécouvrir en salle Venez donc prendre le café... chez nous !, succès public majeur d'Alberto Lattuada. Une chronique signée Philippe Paul.
bruce randylan
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Re: Alberto Lattuada (1914-2005)

Message par bruce randylan »

Début de la rétro à la cinémathèque :


La mandragore (1965)
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Au moyen-âge, un jeune homme rêve de passer une nuit avec l'épouse d'un notaire qui n'arrive pas avoir d'enfant. Un conseiller de ce dernier, conscient des bénéfices monétaires qu'il peut tirer de la situation, le contact et met en place un stratagème pour se rapprocher de la belle en le faisant passer par un médecin.

Une honorable comédie de mœurs, immorale et anti-cléricale (tirée d'une pièce de Machiavel), tout en manquant un peu de virulence et de peps.
La raison principale est celle d'un casting malheureux pour les deux rôles principaux : Philippe Leroy dans le héros qui n'est pas à l'aise dans la comédie pour un jeu qui manque de truculence et Rosanna Schiaffino qui cristallise tous les désirs, certes jolie à regarder, mais totalement transparente et sans la moindre présence à l'écran, en plus d'être très peu développé au scénario.
Pour compenser, on trouve en revanche des seconds rôles plus savoureux comme Jean-Claude Brialy (même doublé) et Toto en guest-star le temps de 2-3 scènes.
Le scénario manque aussi de concision et de rigueur. On se demande quel est l'intérêt de la séquence (quasi fantastique et par ailleurs très graphique) où les 2 compères ramasse la fameuse mandragore si elle ne sert à rien au final puisque c'est un placebo qui sera utilisé. La mise en scène de Lattuada est dans la même lignée, plus à l'aise dans sa dimension épicurienne et sensuelle, avec une reconstitution qui tient la route, que dans la recherche du tempo et la causticité, affaiblissant les coups portés à l'aristocratie, sa bien-séance, sa crédibilité et son hypocrisie. Ca donne un rythme en dent de scie où de nombreuses séquences ont l'air plus longues que nécessaires.
Ca reste malgré tout plaisant, bien structuré et avec ses bons moments, notamment les dernières minutes où Lattuada semble enfin trouver comment traiter son sujet.
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Profondo Rosso
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Re: Alberto Lattuada (1914-2005)

Message par Profondo Rosso »

La Louve de Calabre (1953)

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Dans un village reculé de l'Italie du Sud, La Lupa (« La Louve »), une femme à l'attitude et aux mœurs libres, fascine et attire maris et fils qui ne peuvent lui résister. Pourtant, elle s'éprend tout particulièrement de Nanni qui cultive l'olivier et qui souhaite plutôt épouser la fille de celle-ci, Maricchia. Sur les instances de sa mère, Maricchia se marie avec Nanni. Mais, « la Louve » rôde toujours autour de ce dernier, au grand désespoir de Maricchia, sa fille.

Alberto Lattuada signe avec La Louve de Calabre l’adaptation d’une nouvelle de Giovanni Verga où il trouvera matière au pan le plus charnel de son œuvre. Les terres d’un village reculé du sud de l’Italie (l’austérité du cadre laisse supposer sans la nommer que l’on se trouve en Sicile) révèlent ainsi drame tournant autour d’un désir à la fois coupable et libéré. « La Louve » (Kerima) est une femme mûre dont la soif de liberté se conjugue à l’assouvissement de ses désirs charnels. Cette indépendance repose sur le pouvoir que lui confère ses charmes sur les hommes du village et dont elle use plus qu’à son tour.

La Louve par son allure languide et provocante est ainsi une figure émancipée et moderne en décalage avec les environnements et mœurs moyenâgeuses, provoquant la jalousie et la malveillance des autres femmes. Le problème surviendra par l’habitude d’user de ces charmes comme instrument de pouvoir à des fins viles et narcissiques le plus souvent, notamment quand elle met à rude épreuve les sens de don Pietro (Mario Passante) patron de l’usine du village. La Louve ne se résume plus ainsi qu’à cette présence tentatrice (il est largement supposé que nombres d’hommes du village ont cédés en échange de divers services) et à une toute puissance ne pouvant être contrariée. Le drame se noue ainsi lorsque sa fille Maricchia (May Britt) tombe amoureuse du même homme que sa mère avec le viril Nanni (Ettore Manni). La présence virginale, innocente et juvénile de Maricchia s’oppose ainsi à la présence provocante de sa mère dans un triangle amoureux en huis-clos particulièrement tendu.

Lattuada sait capturer les jeux de regards et de corps assurés et tentateur de la Louve, happant l’attention d’un Nanni soumis à ses pulsions charnelles. Le réalisateur fustige par le comportement de la Louve non pas pour sa liberté de mœurs mais par sa malveillance morale et égoïste. La satisfaction ne repose pas sur le rapprochement, mais sur la domination et supériorité que sa sensualité lui confère par rapport aux autres. Sans égale face aux autres femmes du village, la blessure est narcissique pour la Louve quand on lui préfère une rivale qui s’avère être sa fille. May Britt s’avère un peu trop pleurnicharde pour constituer une antagoniste intéressante et c’est bien la présence sulfureuse de Kerima qui fascine, ses formes se confondant au panorama montagnard dans les compositions de Lattuada. A la fois humaine dans l’affichage sans fard de ses charmes et détestable par l’usage qu’elle en fait, c’est une figure tragique ne pouvant survivre dans ce cadre binaire. Les montées de chaleurs charnelles parsemant le film trouvent ainsi leurs réponses dans un final apocalyptique où leur désir interdit peut se consumer, littéralement. 4,5/6
bruce randylan
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Re: Alberto Lattuada (1914-2005)

Message par bruce randylan »

La cigala (1979)

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Une ancienne vedette de la chanson accepte la proposition de mariage d'un homme qui vient de racheter un relai pour routiers. Avec sa meilleure amie, une jeune femme libérée et naïve qui ne supportait plus le puritanisme de sa ville natale, elle ne tarde pas à fidéliser une clientèle nombreuse, davantage attirée par leurs formes plantureuses que par les services de l'établissement.

La fin de carrière de Lattuada n'est pas réputée pour briller par sa subtilité et ce n'est pas la Cigala qui se poserait en contre-exemple avec une vulgarité dénuée de finesse : le duo (bientôt un trio) féminin sont des nymphomanes exhibant leur chair sans gêne, les camionneurs sont forcément tous obsédés et lubriques, les femmes ne tardent pas à rivaliser dans les jeux de séduction, y compris entre mère et fille... Le voyeurisme et le racolage ne sont vraiment pas loin et le style très télévisuel de l'ensemble comme l’interprétation ne font que renforcer le manque de sobriété et une écriture aux gros sabots. Le dernier acte est particulièrement décevant et n'évite pas le ridicule au lieu de la tragédie grecque voulue (l'époux a pour surnom Ulysse et le sous-texte freudien est évident). Si la relation triangulaire entre la mère, sa fille-adoptive et sa vraie fille ne manque pas d'intérêt sur le papier, le traitement laisse franchement à désirer.
En revanche, Lattuada est comme souvent plus à l'aise quant il s'attarde surtout sur un personnage féminin et enregistre ses fragilités et ses doutes. Ici, c'est Virna Lisi dans le rôle de la chanteuse déchue qui donne ses meilleurs moments à la Cigala. Rôle très courageux, qu'on s'imagine presque auto-biographique, que celui de cette ancienne gloire qui semble n'exister que pour perpétuer les fantasmes qu'elle pouvait créer quelques années plus tôt. Elle apparait cernée, ridée, le visage bouffi, les traits fatigués, se sentant obligée d'alimenter son image sexuée pour mieux se rassurer.
Les séquences mélancoliques et amères où Verni est confrontée aux affres du temps distillent un malaise et et un vrai sentiment de voyeurisme autrement plus pertinent que les corps à demi-dénudés de ses 2 jeunes actrices.
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Re: Alberto Lattuada (1914-2005)

Message par bruce randylan »

Sans pitié (Senza pietà - 1948)

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A la fin de la guerre, une jeune femme quitte le village de ses parents pour aller rejoindre son père. Sur la route, elle aide un soldat américain noir blessé et rencontre, sans le savoir, le chef d'un réseau de contre-bande.

Dans la lignée du bandit tourné deux ans plus tôt, Lattuada mélange le film noir et le néo-réalisme, reprenant par exemple le militaire afro-américain de Païsa. C'est un cran en deçà du premier cité à cause d'un manque de rythme et de nervosité ainsi que certaines touches trop cinématographiques pour correspondre aux intentions de départ tel Carla Del Poggio toujours trop bien maquillée et coiffée, le fait que tous les soldats US parlent un italien sans encombre ou le méchant dont le style vestimentaire en fait un stéréotypes sur pied.
Pour autant le scénario est riche et les éléments néo-réalistes sont bien intégrés au récit et à la mise en scène : la contrebande sur les docks, les squats dans les immeubles à moitié détruits, les camps de détentions pour les GI's, la prostitution, les espoirs d'échapper à la misère en épousant un américain ainsi que le racisme qui, s'il n'est pas directement évoqué, se ressent clairement.
La relation entre les deux héros est suffisamment touchante et bien structurée pour qu'on croit à cette histoire même si l’interprétation manque d'unité. On se doute de la conclusion mais ça n'empêche pas de s'émouvoir de la conclusion qui ne manque pas de lyrisme.

PS : on retrouve au scénario Fellini (également réalisateur de seconde équipe), Giulietta Masina dans son premier rôle et Nino Rota à musique.


Les adolescentes (I dolci inganni - 1960)

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Une adolescente de 17 ans commence à découvrir sa sexualité après avoir rêvé d'un ami de sa famille, 20 ans plus vieux qu'elle.

Un des titres emblématiques du cinéaste qui s'attarde pour la seconde fois de sa carrière au portrait d'une adolescente. L'ouverture (en plan-séquence) donne le ton avec la jeune Catherine Spaak en chemise de nuit, en proie à un sommeil agité pour se réveiller troublée et fiévreuse, saisissant sa poitrine comme pour se confirmer l'effet que son rêve a eu sur elle. Durant ce temps, la caméra glisse sensuellement sur son corps, dans un geste dont la dimension fantasmée et voyeuriste n'est pas à négliger. Mais un voyeurisme aussi troublé et intimidé que l'émoi de l'héroïne, découvrant qu'il enregistre une pureté virginale. Celle-ci n'est pas encore pleinement consciente de ses désirs, mêlant le jeu, la provocation et d'authentiques pulsions. Le cinéaste cherchait alors à capter ce moment où une jeune fille se mue en femme et il y parvient en captant les émotions et les états d'âmes qui traversent le regard et les gestes de Catherine Spaak.
Fort heureusement, et contrairement à ce que laissait supposer le premier plan, Lattuada n'essaie pas de choquer ou de flatter les bas instincts du public masculin. Le film ne semble même pas percevoir les tabous qu'il transgresse (sexualité des adolescents, homosexualité, gigolo ou même relation quasi incestueuse entre Spaak et son frère) et préfère les traiter avec naturel et honnêteté, sans s'attarder sur leur dimension immorale et transgressive... avec le risque d'être parfois inconsistant dans son traitement. Mais je préfère voir que le scénario se positionne au niveau de son héroïne, d'autant que l'histoire se déroule sur 24h. Et il n'empêche pas que son dernier acte est d'une lucide gravité lorsque la jeune femme découvre qu'elle vient de tourner une page décisive de sa vie et qu'il lui sera impossible de revenir en arrière.

La réalisation de Lattuada est entièrement consacrée à mettre en valeur les émotions complexes et contradictoires de son héroïne avec une très belle photographie en noir et blanc scope dont la gestion des contrastes évoluent durant le film, passant d'un blanc aveuglant à une obscurité audacieuse durant son face à face avec son premier amant. Ce n'est pas expérimental et aussi tranchée que dans le cinéma japonais de la même époque mais elle traduit une attention rare.

Le film a été restauré en 4k par TF1, annonçant une ressortie salle et plus tard en DVD à priori
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bruce randylan
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Re: Alberto Lattuada (1914-2005)

Message par bruce randylan »

Classe élémentaire (1954)

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Un professeur célibataire approchant la cinquantaine vient à Milan pour retrouver un ami, surveillant dans une école élémentaire qui lui a trouvé un poste dans son établissement.

Une petite comédie où Lattuada fait preuve de chaleur, d'humanisme et d'un peu d'humour, posant même certains éléments de la future comédie italienne dans le dernier acte du film qui se mue en satire caustique et grinçante du monde publicitaire et du capitalisme.
Ça vise plutôt juste mais on se demande un peu quel est le rapport avec ce qui précédait. Son film manque ainsi d'unité et s'éparpille, sans parvenir à suivre tous ces enjeux. On a l'impression que les scénaristes n'osent pas approfondir chaque sujets et restent en surface. Il y a pourtant des thèmes passionnants comme une approche progressiste et compréhensive de l'éducation qui ne doit pas broyait les élèves. Lattuada parvient également bien à capter la ville de Milan avec son architecture, ses mutations et ses immenses galeries. Il y aussi un portrait touchant du modeste professeur, de sa solitude et ses aspiration romantiques, tout en étant conscient qu'il n'a pas un physique de jeune premier.
Le sentiment d'inachevé donne en revanche plus de poids à certains seconds rôles ou sous-intrigues tel le garçon orphelin que l'instituteur veut aider mais qu'il néglige rapidement quand surgissent ses histoires de cœurs. J'ai trouvé là, en quelques plans, une honnêteté et une lucidité remarquable dans son traitement, à la hauteur de son héros dont les bonnes volontés disparaissent derrière ses intérêts. La caméra n'appuie jamais, ne le critique pas mais n'oublie pas l'invisibilité qui relaie dans l'ombre son élève.
Le film est peut-être coincé dans son époque : trop tard pour du néo-réalisme à la De Sica, trop tôt pour de la comédie italienne. Et si Lattuada n'a pas la justesse sur l'enfance d'un Comencini, cette classe élémentaire possède une modestie et une sobriété qui collent bien à son sujet.

L'amie / L'amica (1969)

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Après des années de mariage, une femme à l'approche de la quarantaine et issue d'un milieu aisé découvre que son mari a une maîtresse. Sa meilleure amie qui multiplie les expériences extra-conjugales la pousse à prendre à son tour un amant mais avec un tempérament conservateur, elle éprouve des scrupules à passer à l'acte et s'invente une liaison avec un séducteur connu, sans savoir que ce dernier a une aventure avec sa confidente.

Une formidable réussite pour Lattuada qui signe ce drame (psychologique) sous la forme d'un portrait féminin écrit avec intelligence. Parmi ses nombreuses qualités, il y a d'abord sa construction dramatique qui joue des clichés romantiques (à l'imagerie digne des mauvais romans de gare) et des fantasmes qui s'inscrivent dans le quotidien de l'héroïne sans qu'ils soient surlignés, seulement différenciés par des angles de prises de vue un peu moins naturels. Une manière habile de confronter la frustration, la crise existentielle et les désirs de Lisa Gastoni face à une société de plus en plus libérée sexuellement, bien qu'hypocrite. Elle commence donc à multiplier les conquêtes tant par provocation envers son mari, par défi envers sa meilleure amie et dans le besoin de se rassurer, de se prouver quelque chose. Elle n'agit ainsi jamais par calcul, manipulation ou méchanceté et c'est naturellement qu'elle se trouve acculée, sans se rendre compte des conséquences qui vont inévitablement arriver.
L'autre qualité de L'amica est de ne pas se reposer sur les dialogues pour expliciter les états d'âmes et l'évolution de Gastoni. Les confrontations sont finalement assez rares, par contre la comédienne est pour ainsi dire de tous les plans et déploie un malaise intérieur qui se distille d'une scène à l'autre. Elle porte le film sur ses épaules et irradie l'écran avec un spleen et une sensualité mal canalisée. C'est un vraie révélation pour moi (même si je dois reconnaître qu'elle est moins à l'aise quand elle doit extérioriser ses émotions comme quand elle se met à pleurer dans sa chambre).
Pour autant la mise en scène de Lattuada ne se repose pas seulement sur elle et s'avère précise où les scènes clés sont dénuées de paroles (les retrouvailles entre le père et le fils à la fils). Il pourrait jouer la facilité, chercher la provocation, appuyer les effets, tomber dans la mélodrame mais son film est toujours juste, y compris dans son approche de la nudité, ni puritaine ni complaisante. Il parvient ainsi à humaniser et à étoffer chacun de ses personnages avec peu de scènes pour mieux sortir des simples stéréotypes.
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Re: Alberto Lattuada (1914-2005)

Message par bruce randylan »

La grosse tête / Sono stato io (1972)

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Un modeste laveur de vitres ne supporte plus sa vie et son anonymat. A force de travailleur seul et d'être exposé à la réussite des autres, il commence à s'imaginer des doubles vies et rêve de voir son nom à la une des journaux. Alors, quand une chanteuse d'opéra est assassinée par un inconnu, il fait tout pour apparaitre comme le coupable idéal.

Célébrant le fameux 1/4 d'heure de célébrité d'Andy Warhol, Lattuada signe une inattendue et brillante satire qui est peut-être encore plus d'actualité aujourd'hui que lors de sa sortie (aliénation de la société de consommation, burn-out, désir d'être sous les projecteurs, égocentrisme anticipant les réseaux sociaux, sentiment de déclassement, besoin de trouver un coupable à sa situation...).
Le scénario est mené tambour battant avec une réelle acuité dans les monologues et l'évolution du personnage parfaitement incarné par Giancarlo Giannini qui traîne sa rancœur dépressive à l'écran avec juste ce qu'il faut de folie et de pathétisme. Lattuada nous plonge directement dans sa peau et ses pensées en optant pour une voix-off jamais envahissante et surtout pour un montage soutenu avec des plans assez courts qui sont un reflet de l'instabilité de son protagoniste.
Ca s'accélère encore quand Giannini improvise les indices l'incriminant dans une séquence géniale et alerte avant que ce dernier ne cherche à attirer l'attention sur lui en passant pour un suspect maniaque et fétichiste. Bref, durant une bonne heure, nous sommes face à une comédie endiablée, diablement construite et aux rouages impeccables.
Le dernier tiers, sans être décevant, ne parvient toutefois par à conserver cette qualité dans des séquences trop longues, trop prévisibles qui perdent en mordant, sans doute car cette fois Giancarlo Giannini est davantage passif. L'escapade en Suisse, la traque dans la casse de voitures ou le procès final ne fonctionne ainsi par autant qu'on aurait pu l'espérer. Peut-être aurait-il fallut couper quelques péripéties pour ne pas baisser le rythme.

Je pinaille car en l'état, c'est un petit joyau méconnu à redécouvrir.
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Re: Alberto Lattuada (1914-2005)

Message par bruce randylan »

Parce que tout n'est pas toujours bon avec Lattuada :

Anna (1951)

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Une nonne travaillant dans un hôpital s'occuper avec passion de son métier et de ses patients. Mais un jour, une ambulance emmène un homme blessé lors d'un accident de la route et qui fut son ancien amant.

Techniquement, il n'y a pas grand chose à reprocher, le noir et blanc est très classe avec des contrastes très prononcés, proche du film noir par moment et l'introduction qui présente le quotidien dans l’hôpital mélange agréablement le ton entre documentaire, des drames personnels et quelques touches humoristiques (dûes à Rodolfo Sonego et Dino Risi qu'on trouve comme co-scénaristes ?).
Mais quand surgit l'ex-fiancé, on bascule dans le mélodrame conventionnel et usant, plus proche de Matarazzo que Cottafavi malgré quelques séquences assez pessimistes. Mais Vittorio Gassman est ridicule en méchant tandis que Raf Vallone n'est pas vraiment convaincant.
Le plus horripilant est que Lattuada est incapable de tenir son récit très mal construit entre les 20 premières minutes qui posent un univers en prenant bien son temps, les longs flash-backs et un final proprement interminable. Ca dure pratiquement 30 minutes alors que ça pourrait tenir en 2 minutes. L'émotion et le lyrisme sont complétement noyés dans ces circonvolutions inutiles.
Ca sent vraiment trop le véhicule pour Silvana Mangano qui joue au final presque 3-4 rôles différents entre la nonne, l'amoureuse blessée, la victime tragique ou l’hôtesse de cabaret (dont la chanson "El negro zumbon" fut un gros carton).


Coeur de chien / Cuore di cane (1976)

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Lors du pouvoir communiste sous Lénine, un scientifique met au point des expériences pour faire muter des êtres vivants. Il transforme ainsi un chien en un homme doué de paroles.

Lapin Compris. :|

Pas compris ce que le film voulait dire, ce qu'il avait à raconter et sa finalité. Si ce n'est sa morale : les hommes sont moins humains que les chiens (humanisés).
Ca pourrait être une fable brillante mettant en parallèle les contradictions de la politique et de la science face à des questions morales et existentielles dans l'univers bureaucratique soviétique mais le scénario ne fait rien de son postulat et des rares idées qui pourraient intervenir.
Absolument rien n'est exploité, même ses possibilités burlesques ou iconoclastes. A part ça, l'homme-chien va danser dans des cabarets, mange du dentifrice, renverse du parfum, s'amourache de sa servante et trouve un boulot pour attraper des chats. Rien à sauver non plus des comédiens, Max Von Sydow en tête.
Une misère de vacuité et de vide.
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Re: Alberto Lattuada (1914-2005)

Message par Alexandre Angel »

bruce randylan a écrit :Lapin Compris. :|
:mrgreen:
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

m. Envoyé Spécial à Cannes pour l'Echo Républicain
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Re: Alberto Lattuada (1914-2005)

Message par bianca »

J'ai beaucoup aimé aussi cette Louve de Calabre, mélange de tragédie et de chronique néo-réaliste de la vie dans ce village . Le titre français parle de la Calabre, mais rien dans le film n'indique précisément cet endroit (des noms de lieu, peut-être). Le film est adapté d''une nouvelle de Giovanni Verga située en Sicile à la fin du XIXème siècle (c'était aussi le cas pour Duel en Sicile de Gallone, sorti la même année, avec le même trio d'acteurs principaux-plus Anthony Quinn- qui gardait l'époque d'origine du récit), et il a été tourné à Matera dans les Pouilles (c'est indiqué sur le générique final) . C' est assez reconnaissable lors de certains plans (vue d'ensemble du village, les ruelles), et la ville est connue pour son habitat troglodyte (comme la maison des personnages principaux).
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Re: Alberto Lattuada (1914-2005)

Message par bruce randylan »

J'suis grave à la bourre. Heureusement, la rétro finit aujourd'hui :P

Le moulin du Pô (1949)

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En 1880, alors que des meuniers, et leur moulin flottant, subissent des taxes écrasantes du gouvernement, des paysans voisins commencent à adhérer à des thèses socialistes quand leur propriétaire foncier entend moderniser les techniques agricoles pour réduire la main d’œuvre.

Du bon et du moins bon dans ce drame sous grosse influence de la Terre tremble que je voulais voir depuis pas mal d'années, notamment pour la présence de Fellini au scénario.
Premier gros point noir : l’interprétation est pénible de vociférations, de cabotinages et de gesticulations outrancières. Ca en devient strident dès que la famille des meunier est à l'image, surtout le fiston avec son jeu sous amphétamine grimaçant.
Ensuite, contrairement au film de Visconti, le scénario est loin d'avoir la même justesse, la même intégrité et sincérité. Son ancrage social semble presque être un argument publicitaire. D'ailleurs, la dimension néo-réaliste disparait tout simplement du dernier acte qui n'est plus qu'une histoire de vengeance mélodramatique.
De quoi gâcher un postulat assez riche qui brassait beaucoup de sujets et devait permettre de dresser un portrait nuancé et non manichéen de l'époque entre injustice sociale, début des luttes politiques, conservatisme (pour ne pas dire obscurantisme), manque de mixité entre les différentes corps de métiers, place de l'église, première "suffragette" etc...

C'est d'autant plus rageant que visuellement, Lattuada se surpasse et offre une succession de plans tous plus inspirés les uns que les autres avec une photographie de toute beauté. Certains moments sont d'une beauté quasi Fordienne quand d'autres sont d'une force picturale remarquable comme lorsque les femmes font face aux soldats venus faucher les blés à la place des grévistes.
Mais on ne ressent que très rarement une adéquation entre le fond et la forme qui sont traités comme deux choses distinctes.

La steppe (1962)

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A la mort de sa grand-père, un orphelin est envoyé chez une tante qu'il n'a jamais vu pour un long voyage où il est accompagné d'adultes qui lui sont inconnus.

Une ambitieuse adaptation de Tchekhov dont la copie présentée à la cinémathèque ne lui rendait pas honneur : couleurs un peu virées, état endommagé, et plusieurs passages manquants avec une dizaine de minutes en moins à priori. Pas toujours facile de savoir si la narration est parfois bancale à cause de ces trous involontaires ou à cause du cinéaste, ce qui ne serait qu'à moitié surprenant venant de Lattuada.
On trouve donc autant de bonnes choses que des maladresses gênantes. Le principal regret que j'aurais est que le film n'est pas entièrement focalisé sur le garçon, avec pas mal de séquences où ce dernier est absent. C'est pourtant lui qui est au cœur de l'histoire pour un périple initiatique qui annonce la fin de son enfance et de son innocence.
Les meilleures séquence sont celles où il reste témoin de la vie de la nature et sa population pour une mise en scène attentive au rythme et à une certaine exaltation, mêlant inquiétude et curiosité.
Et formellement, c'est souvent un régal avec un scope qui impressionne dès les premiers plans à capturer jusqu'à la texture même du mobilier et des paysages. Le film a beau avoir été filmé en Yougoslavie, Lattuada est pleinement imprégné de l'esprit Russe.

Je rêve désormais de le voir dans de meilleure conditions, un p'tit blu-ray tiré d'un master 4k par exemple. Mais quelque chose me dit que c'est pas pour tout de suite. :(
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Re: Alberto Lattuada (1914-2005)

Message par bruce randylan »

L'imprévu / L'imprevisto (1961)

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Un professeur d'anglais a monté un plan pour kidnapper le futur enfant d'un riche industriel de sa ville qu'il connaît pour donner des cours particuliers à ses filles. Pour cela, il fait croire que son épouse (stérile) est enceinte et accouchera dans la même période.

Un honnête petit thriller plutôt bien construit avec un scénario bien ficelé malgré quelques invraisemblances obligatoires (il suffirait que la police se renseigne sur la fiche d'état civil du bébé du prof d'anglais). C'est en tout cas prenant, régulièrement astucieux avec toujours ce plan parfait à priori qui se trouve confronter à un rouage défectueux. Ici, il se devine assez rapidement avec l'inéluctable sentiment de maternité que la "fausse mère" développe. Ça permet quelques moments de pur misanthropie par le personnage du kidnappeur campé par un Thomas Milian dans l'un de ses premiers rôles au point d'être méconnaissable. C'est un pur calculateur, froid et dénué de la moindre empathie qui donne un peu plus de contenu au film. Il n'est pas déshumanisé pour autant et on finirait presque par le prendre en pitié dans le dernier tiers.
Par contre une fois de plus, Lattuada manque de nervosité et de punch pour styliser et dynamiser le récit qui avance assez pépère quand même, même si la photographie est de qualité.
L'humour noir, l'ironie mordante et surtout son casting permettent de compenser une partie de ce défaut avec quand même Thomas Milian, Anouk Aimée et Raymond Pellegrin excellent dans le rôle de l'industriel ; sachant que les seconds rôles ne sont pas en reste.

Et sans être pleinement personnel, on retrouve régulièrement les thèmes du cinéastes : le rapport à la sexualité ou le un rejet du conformisme.
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Re: Alberto Lattuada (1914-2005)

Message par Telmo »

Christophe Colomb (1985)

Quand la télé éducative bat à plates coutures le cinéma... Une mini-série qui compte parmi les meilleures du genre.
À titre de curiosité, Lorimar co-produit, plus connu pour ses feuilletons. Co-production italo-franco-germano-étasunienne pour faire court.

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https://www.imdb.com/title/tt0088916

Distribution de luxe avec Max von Sydow, Gabriel Byrne, Faye Dunaway, Oliver Reed, Eli Wallach, Hal Yamanouchi (un poil bis) et Patrick Bauchau dans un petit rôle. Fait rare, un scénario qui respecte l'Histoire, plutôt fidèle même.
Placido Domingo aussi, au chant pour le thème de la BO.

Revu à la Cinémathèque dans un montage italien bizarre, pas génial du point de vue qualité vidéo, de 3h20 avec pas mal de coupes, à voir dans le format prévu en quatre épisodes de durée variable, environ 4 heures et demie, du moins pour la version disponible en DVD en France.
bruce randylan
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Re: Alberto Lattuada (1914-2005)

Message par bruce randylan »

Telmo a écrit :Christophe Colomb (1985)
Sa note élevée sur imdb m'avait deja intrigué. J'en ai profité pour le commander :oops:

Oh, Sérafina ! (1976)

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Le fils d'un industriel hérite de la gestion des affaires familiales après le suicide de son père, excédé par le caractère de son épouse. Mais son tempérament assez lunaire ne fait pas l'unanimité d'autant qu'il consacre son temps à parler aux oiseaux. Une employée profite de sa candeur (et de ses pulsions) pour le séduire et parvient à l'épouser.

Bordélique, brouillon, vulgaire, fétichiste, voyeuriste, libidineux... On retrouve beaucoup des défauts du cinéaste qui n'était alors pas vraiment dans sa meilleure période. Pour autant, c'est un film indéniablement personnel pour Lattuada qui intègre beaucoup de ses thèmes et de sa sensibilité qui ne se limitent pas qu'aux histoire de fesses puisqu'il y a également tout un discours anticonformiste, anti-capitaliste et même écolo qui font aussi parti des figures récurrentes du cinéaste.
Oh Sérafina a beau multiplier les maladresses et les lacunes, il n'en conserve pas moins une dimension par moment originale voire touchante dans plusieurs scènes, y compris dans les passages plus graveleux qui sont sans conteste sincère pour le cinéaste dans leur ode à la chaire.
Il y a des germes d'un film important dans sa carrière, malheureusement le scénario est très mal construit et structuré, mettant trop de temps à faire intervenir Sérafina dans son récit, délaissant trop l'enfant de héros et ne pouvant s'empêcher de virer dans l'érotisme (soft) de mauvais goût ou le mysticisme orientale boiteux. La dimension "fable" ne tient pas toutes ses promesses et n'arrive que dans sa seconde moitié après une première heure, davantage versée sur la comédie satirique.
Cela dit, ça fait parti de ces films dont les défauts participent à l'attachement, plus qu'à l'adhésion soyons honnêtes. Mais à l'image d'un casting qui ne cherche pas un comédien fédérateur ou "bankable", le film a l'air conscient - et d'assumer - ses faiblesses.
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
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Re: Alberto Lattuada (1914-2005)

Message par bruce randylan »

Profondo Rosso a écrit :La Louve de Calabre (1953)

Alberto Lattuada signe avec La Louve de Calabre l’adaptation d’une nouvelle de Giovanni Verga où il trouvera matière au pan le plus charnel de son œuvre. Les terres d’un village reculé du sud de l’Italie (l’austérité du cadre laisse supposer sans la nommer que l’on se trouve en Sicile) révèlent ainsi drame tournant autour d’un désir à la fois coupable et libéré. « La Louve » (Kerima) est une femme mûre dont la soif de liberté se conjugue à l’assouvissement de ses désirs charnels. Cette indépendance repose sur le pouvoir que lui confère ses charmes sur les hommes du village et dont elle use plus qu’à son tour.

La Louve par son allure languide et provocante est ainsi une figure émancipée et moderne en décalage avec les environnements et mœurs moyenâgeuses, provoquant la jalousie et la malveillance des autres femmes. Le problème surviendra par l’habitude d’user de ces charmes comme instrument de pouvoir à des fins viles et narcissiques le plus souvent, notamment quand elle met à rude épreuve les sens de don Pietro (Mario Passante) patron de l’usine du village. La Louve ne se résume plus ainsi qu’à cette présence tentatrice (il est largement supposé que nombres d’hommes du village ont cédés en échange de divers services) et à une toute puissance ne pouvant être contrariée. Le drame se noue ainsi lorsque sa fille Maricchia (May Britt) tombe amoureuse du même homme que sa mère avec le viril Nanni (Ettore Manni). La présence virginale, innocente et juvénile de Maricchia s’oppose ainsi à la présence provocante de sa mère dans un triangle amoureux en huis-clos particulièrement tendu.

Lattuada sait capturer les jeux de regards et de corps assurés et tentateur de la Louve, happant l’attention d’un Nanni soumis à ses pulsions charnelles. Le réalisateur fustige par le comportement de la Louve non pas pour sa liberté de mœurs mais par sa malveillance morale et égoïste. La satisfaction ne repose pas sur le rapprochement, mais sur la domination et supériorité que sa sensualité lui confère par rapport aux autres. Sans égale face aux autres femmes du village, la blessure est narcissique pour la Louve quand on lui préfère une rivale qui s’avère être sa fille. May Britt s’avère un peu trop pleurnicharde pour constituer une antagoniste intéressante et c’est bien la présence sulfureuse de Kerima qui fascine, ses formes se confondant au panorama montagnard dans les compositions de Lattuada. A la fois humaine dans l’affichage sans fard de ses charmes et détestable par l’usage qu’elle en fait, c’est une figure tragique ne pouvant survivre dans ce cadre binaire. Les montées de chaleurs charnelles parsemant le film trouvent ainsi leurs réponses dans un final apocalyptique où leur désir interdit peut se consumer, littéralement. 4,5/6
Signe qui ne trompe pas : à la sortie de la séance, j'étais persuadé que le film avait presque 10 ans de moins que son âge.
C'est dire qu'il tient encore très bien la route et son traitement a dû faire grincer pas mal de dents chez la censure italienne dans une histoire de rivalité entre femmes qui ne sont autres qu'une mère et sa fille. Sachant que la mère est une nymphomane notoire qui continue de séduire son ancien amant, même après qu'il soit devenu son beau-fils légitime.
La morale et les bonnes moeurs chrétiennes en prennent un sacré coup, délivré par un Lattuada en bonne forme qui tire un excellent parti de la géographie particulière de la région et de l'habitat troglodyte. Ca alimente ainsi un arrière-fond social très bien intégré qui prend de plus en plus d'importance jusqu'au dernier acte qui mêle le drame et la révolte sociale avec réussite.
Le début m'avait laissé un peu septique par une écriture plutôt caricaturale et à l’interprétation sans finesse mais le cinéaste, son script et ses comédiens vont tellement à fond, sans la moindre retenue, dans cette outrance perverse, où le désir et la sensualité laminent tout sur leur passage, que La louve de Calabre finit par déployer un tourbillon charnel irrésistible qui dépasse le simple cadre mélodramatique. L'intensité devient électrique et ne pouvait mener que jusqu'au court-circuit et les flammes.

Et pour finir cette rétrospective :

Don Giovanni in Sicilia (1966)

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Étouffé par ses 3 soeurs célibataires qui ne vivent que pour lui, un silicien cache sa timidité avec les femmes derrière des jeux de séductions maladroits. Mais il finit contre toute attente par épouser une ravissante femme.

Ce film fait malheureusement parti des opus du cinéaste qui ne sait après quels lièvres courir. Entre la première moitié et la seconde, on l'a l'impression d'être devant deux films différents. D'ailleurs l'ellipse qui lie les deux est assez violente et il faut un moment pour se replonger dans l'histoire.
Après tout pourquoi pas et la rupture pourrait tout à fait présenter avec brio le changement de mentalité et de style de vie de ce Giovanni. Sauf que Lattuada a bien du mal à trouver quoi raconter dans cette seconde moitié et a l'air plus motivé par filmer ses jeunes actrices/figurantes en petite tenue ou en maillot de bain.
Si la première moitié était encore sympathique et rafraichissante (les trois soeurs, la drague devant les gares en se faisant passer pour des taxis, une amie qui le mène par le bout du nez), la suite n'a provoqué pour moi qu'un vague ennui et un totalement détachement pour ce personnage où seule une séquence surnage un peu (la présentation d'un projet alors que sa future maîtresse se languit de sa présence dans une chambre du même hôtel). Et encore le cynisme est grossier.


Une épine dans le coeur (1986)

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Amoureux - et amant - d'une jeune femme mystérieuse qui sort d'une liaison avec un motard suicidaire, Guido essaie de mieux la comprendre en se renseignant sur son passé.

Oulalalala, le malaise. :?
Cette fois Lattuada n'essaie même pas de construire une histoire et bricole une histoire proprement incompréhensible, vaguement influencé par le film noir, dont la seule motivation est de dessaper Sophie Duez dans pratiquement chaque scène. Rien de plus. Ca devient très rapidement gênant tant le duo Anthony Delon/Sophie Duez est amorphe et que la réalisation se contre-fout de tout.
1h30 pénible qui se terminent dans le foutage de gueule totale quand Lattuada se rappelle 10 minutes avant la fin qu'il y avait une lointaine histoire policière à raconter. Même Tf1 n'en aurait pas voulu à l'époque des Hollywood night.
Pour le coup, il n'y a rien à sauver (sauf si vous fantasmez sur Sophie Duez).
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
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