Il s'agit du premier hommage consacré à un réalisateur qui n'est connu (et encore) que pour Passions Juvéniles défendu en son temps par François Truffaut.
L'occasion de découvrir donc une bonne moitié de sa filmographie qui compte aussi quelques réalisations pour la Shaw Brothers ainsi que la série d'exploitation Rica.
Frankie le laitier (1956)
Tourné donc la même année que Passions Juvéniles, voilà un film qui surprend venant d'un auteur plutôt connu pour ses drames psychologiques ou ses portraits sur la jeunesse. C'est une comédie bien populaire avec Frankie Sakai alors au début de sa carrière. C'est un pur véhicule pour la vedette comique qui ne maîtrise pas encore tout à fait son personnage, manquant ainsi du charme, de la bonhomie et du cabotinage dont je suis plutôt friand d'habitude.
Dans l'ensemble les gags sont plutôt basiques, reposant sur des poncifs éculés avec chutes en tout genre, grimaces, images accélérées et gesticulations avec un balourd au coeur tendre. Quelques idées sont amusantes mais souvent expédiées assez rapidement ou maladroitement comme le tournage d'un western qui arrive vraiment comme un cheveux au milieu de la soupe et n'aboutit sur rien. D'un pur point de vue humoristique, Frankie le laitier s'avère décevant avec une dimension parodique qui aurait pu être beaucoup plus drôle, inspirée et mordante.
La mise en scène est un peu mieux et on devine que Nakahira n'est pas trop à l'aise et préfère laisser ses acteurs en roues libres. Il se rattrape donc sur quelques pures effets de mise en scène comme des axes de prises de vues étonnantes lors des scènes en vélo (caméra suspendue sur l'armature), des effets de transition aux forme originales (voiture, tâche, bouteille de lait... qui correspondent aux situation), une stupéfiante scène de rêve assez graphique ainsi que quelques passages tournées en pleine rue et dans des semi bidonvilles.
Mais, la bonne humeur, l'absence de prétention font qu'on ne s'ennuie pas trop (mais un peu quand même) et on sourit plus de la médiocrité des gags que des gags eux-mêmes.
Vertu chancelante (1957)
Une femme mariée et maman croise par hasard le premier homme à l'avoir embrassée. Elle commence à fantasmer sur lui avant que le destin les fasse se rencontrer à nouveau.
D'après un scénario de Yukio Mishima et écrit pour le cinéma par Kaneto Shindo. Et ces 2 noms prestigieux ne trompent pas car on est devant un scénario extrêment intelligent, bien écrit avec un personnage central passionnant et complexe. On regrettera juste que le scénario tourne un peu en rond par moment. Mais on ne peut pas faire un film sur la frustration et le fantasme sans passer par ce genre de sentiment.
Ces quelques redondances ne sont pas trop gênantes vus la qualité d'écriture, d’interprétation et de mise en scène. Car ce n'est en rien un film de scénariste, c'est aussi l'oeuvre d'un jeune cinéaste en plein possession de ces moyens. Nakahira est bien décidé à utiliser tous les moyens de la mise en scène pour appuyer le trouble émotionnel de son héroïne : visage(s) ou partie du décor plongé dans l'obscurité, musique classique, décadrages, caméra souvent en mouvement qui captent les sentiments, gros plans extrêmement sensuels, variété des plans au découpages, noir et blanc ciselé.
De l'excellent travail qui traduit admirablement bien les questionnements de cette femme coincée entre son éducation rigide, ses pulsions érotiques, sa vie d'épouse et de mère et ses devoirs envers son père. Ca donne une oeuvre qui évite le discours moralisateur (qu'il côtoie tout de même via le personnage libertin de sa meilleure amie) pour privilégier une noirceur et une cruauté jamais surlignée mais pourtant terriblement présente.
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