Ko Nakahira (1926-1978)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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bruce randylan
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Ko Nakahira (1926-1978)

Message par bruce randylan »

Dans le cadre de leur 15ème anniversaire la Maison de la Culture du Japon a Paris organise une rétrospective sur Ko Nakahira, présenté comme le 3ème homme de la nouvelle vague (après Oshima et Imamura je présume). Une rétrospective en 2 temps : à partir d'aujourd'hui jusqu'à mi décembre avec une dizaine de films puis en janvier avec une douzaine de titres (cette fois dans le cadre du festival Kinotayo).
Il s'agit du premier hommage consacré à un réalisateur qui n'est connu (et encore) que pour Passions Juvéniles défendu en son temps par François Truffaut.

L'occasion de découvrir donc une bonne moitié de sa filmographie qui compte aussi quelques réalisations pour la Shaw Brothers ainsi que la série d'exploitation Rica.

Frankie le laitier (1956)

Tourné donc la même année que Passions Juvéniles, voilà un film qui surprend venant d'un auteur plutôt connu pour ses drames psychologiques ou ses portraits sur la jeunesse. C'est une comédie bien populaire avec Frankie Sakai alors au début de sa carrière. C'est un pur véhicule pour la vedette comique qui ne maîtrise pas encore tout à fait son personnage, manquant ainsi du charme, de la bonhomie et du cabotinage dont je suis plutôt friand d'habitude.
Dans l'ensemble les gags sont plutôt basiques, reposant sur des poncifs éculés avec chutes en tout genre, grimaces, images accélérées et gesticulations avec un balourd au coeur tendre. Quelques idées sont amusantes mais souvent expédiées assez rapidement ou maladroitement comme le tournage d'un western qui arrive vraiment comme un cheveux au milieu de la soupe et n'aboutit sur rien. D'un pur point de vue humoristique, Frankie le laitier s'avère décevant avec une dimension parodique qui aurait pu être beaucoup plus drôle, inspirée et mordante.
La mise en scène est un peu mieux et on devine que Nakahira n'est pas trop à l'aise et préfère laisser ses acteurs en roues libres. Il se rattrape donc sur quelques pures effets de mise en scène comme des axes de prises de vues étonnantes lors des scènes en vélo (caméra suspendue sur l'armature), des effets de transition aux forme originales (voiture, tâche, bouteille de lait... qui correspondent aux situation), une stupéfiante scène de rêve assez graphique ainsi que quelques passages tournées en pleine rue et dans des semi bidonvilles.

Mais, la bonne humeur, l'absence de prétention font qu'on ne s'ennuie pas trop (mais un peu quand même) et on sourit plus de la médiocrité des gags que des gags eux-mêmes.


Vertu chancelante (1957)

Une femme mariée et maman croise par hasard le premier homme à l'avoir embrassée. Elle commence à fantasmer sur lui avant que le destin les fasse se rencontrer à nouveau.

D'après un scénario de Yukio Mishima et écrit pour le cinéma par Kaneto Shindo. Et ces 2 noms prestigieux ne trompent pas car on est devant un scénario extrêment intelligent, bien écrit avec un personnage central passionnant et complexe. On regrettera juste que le scénario tourne un peu en rond par moment. Mais on ne peut pas faire un film sur la frustration et le fantasme sans passer par ce genre de sentiment.
Ces quelques redondances ne sont pas trop gênantes vus la qualité d'écriture, d’interprétation et de mise en scène. Car ce n'est en rien un film de scénariste, c'est aussi l'oeuvre d'un jeune cinéaste en plein possession de ces moyens. Nakahira est bien décidé à utiliser tous les moyens de la mise en scène pour appuyer le trouble émotionnel de son héroïne : visage(s) ou partie du décor plongé dans l'obscurité, musique classique, décadrages, caméra souvent en mouvement qui captent les sentiments, gros plans extrêmement sensuels, variété des plans au découpages, noir et blanc ciselé.
De l'excellent travail qui traduit admirablement bien les questionnements de cette femme coincée entre son éducation rigide, ses pulsions érotiques, sa vie d'épouse et de mère et ses devoirs envers son père. Ca donne une oeuvre qui évite le discours moralisateur (qu'il côtoie tout de même via le personnage libertin de sa meilleure amie) pour privilégier une noirceur et une cruauté jamais surlignée mais pourtant terriblement présente.
Spoiler (cliquez pour afficher)
L'héroïne préfère taire sa grossesse et avorter plutôt que de laisser croire à son mari que cet enfant pourrait être issu d'un adultère alors qu'elle ne l'a jamais trompé - physiquement .
Un excellent film qui dépasse largement le simple cadre du mélodrame pour dessiner quelque chose de beaucoup plus ambitieux avec une lyrisme psychologique d'une grande richesse. C'est aussi un formidable portrait féminin. Les derniers instants ne sont pas sans évoquer ce que Douglas Sirk a pu faire de plus cinglant et critique envers le cynisme de la société.
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Re: Ko Nakahira (1926 - 1978)

Message par bruce randylan »

Désirer en tout saison (1958)

Un écrivain est marié avec une top-model mais, pour leurs carrières, leur union reste secrète. Celle-ci ne supporte plus les intrusions de sa belle-mère, veuve qui entretient une liaison avec un autre homme âgé. Comme sa fille d'ailleurs qui est la maîtresse d'un industriel. Quant à son autre fille, elle rêve de mettre ensemble sa meilleure amie et son frère, l'écrivain donc (pour ceux qui suivre).

Un film pas mauvais. Ni bon d'ailleurs. Juste anecdotique et finalement creux. On suit ça sans ennui mais sans intérêt, seulement détacher des différents personnages aux quels on s'attache bien peu. Comme ce critère est pour moi essentiel, je ne suis donc que très rarement "rentré" dans le film. Pourtant les personnages ne sont pas insignifiants, agaçants ou méprisables. Quant aux acteurs, ils font leur boulot correctement. C'est seulement que ces personnages manquent de vie et de profondeur. Ca vient aussi de la mise en scène qui reste souvent assez sage, loin du travail formel de Vertu chancelante et de l'énergie de Passions Juvéniles. D'ailleurs, c'est quand Nakahira s'en donne la peine que son film décolle enfin et devient touchant : la mère errant seule et hébétée dans la rue après avoir été quitté par son amant, le trouble érotique d'une serveuse à qui on vient de masser le pied, la torture psychologique de la grande soeur qui doit entendre l'homme qu'elle aime faire l'amour à une autre femme dans une chambre voisine tandis que les phares de camions rythment l'obscurité, un mari pardonnant l'adultère de son épouse en la conviant simplement à s'allonger près de lui, une longue scène dans un restaurant chinois où tous les protagonistes se croisent dans une tension sourde et le final assez ironique sur le quai d'une gare.

Ca fait donc quelques moments non négligeables mais pas suffisant pour croire aux personnages durant les autres moments du film, avec une mise en scène trop appliquée. Il faut dire aussi que le thème de l'amour sans entraves que souligne le film ne choc plus comme il pouvait le faire à l'époque même si j'ai apprécié l'absence de jugement des personnages et leur modes de vies surtout la mère (encore que la top model ou l'industrielle manquent véritablement de finesse).
On sent en fait que le film est un peu prisonnier de son temps : trop moderne par rapport aux conventions des années 50 mais trop en retard par rapport à l’émergence de la nouvelle vague.


Et j'en profite pour remonter les avis de 2 Nakahira découverts précédemment à la cinémathèque

Chimimoryo une âme au diable (1971) non repris dans cette rétrospective
bruce randylan a écrit : Le portrait d'un peintre anto-conformiste du 19ème siècle

Et voilà, fin de la saison 2010-2011 à la cinémathèque avec ce drame passionnant sur un peintre ayant vraiment existé, Hirose Kinzo. Je ne connais rien du bonhomme mais le film en fait un homme très complexe, autodestructeur au possible qui a sacrifié sa situation sociale, ses amis (et ses amours) ainsi que son art afin d'aller à l'encontre des normes et du conformisme pour se renfermer dans une logique où on ne l'attend pas. Il crée volontairement le scandale et la provocation, ment sur ses origines, pousse sa mère au suicide, vole la femme de son meilleur ami, n'exécute pas les commandes du gouvernement etc...

Un personnage d'une richesse étonnante qui est la preuve que Kanedo Shindo était un scénariste talentueux qui savait contourné les clichés et les structure classique pour imposer une forme plus libre où les repères (temporels et moraux) sont brouillés. Cet artiste au coeur de l'histoire est un anti-héros absolu et un individualiste forcené mais reste une figure fascinante sans rien avoir de sympathique ou d'attachant.
Tout le film comme la narration est centré sur ce peintre avec la volonté farouche de ne pas juger ce personnage mais à décrire seulement un comportement tellement amoral qu'il semble échapper à tout esprit critique.

Le cinéaste Ko Nakahira suit cette proximité avec ce caractère dérangeant dans une mise en scène qui ne s'écarte jamais de son acteur principal. Belle photo pour un film qui tend de plus en plus vers une certaine abstraction au fur et à mesure que l'artiste radicalise sa démarche.

Depuis sa sélection en 1971 au festival de Cannes, le film a l'air d'être devenu très rare. C'est vraiment dommage.

Vous pouvez voir ici quelques oeuvres de ce peintre
http://japanblog.bloguez.com/japanblog/ ... 1876-EKIN-

Passions juvéniles (1956) Présent ce cycle et disponible chez Criterion sous le titre Crazy Fruits
bruce randylan a écrit : Un film qui, avec ceux de Kawashima, annonce fortement la nouvelle vague qui va arriver quelques années après.

C'est un drame sur la rivalité entre deux frères amoureux de la même femme. L'un est réservé et mal dans sa peau tandis que le plus âgé est un coureur de jupon insouciant et égoïste. Il est dommage que l'histoire subisse des ralentissements et des répétitions dans son tiers central qui fait retomber la tension dramatique comme il est décevant que le personnage féminin soit si passive et manque cruellement de caractère.
Pour le reste, la mise en scène est excellente avec un découpage très moderne et un excellente photographie. Dans sa première et dernière partie on sent une tension écrasante qui explose littéralement dans une conclusion mémorable et sauvage. Une séquence d'autant plus marquante qu'elle est quasi muette.
C'est aussi l'un des rare films sur la jeunesse où la musique est exploitée intelligemment, loin d'être un simple argument commercial.
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Re: Ko Nakahira (1926 - 1978)

Message par bruce randylan »

L'homme à abattre (1956)

Dans une ruelle de Ginza, une coiffeuse est assassinée dans son salon. La police enquête mais aucun suspect n'est trouvé. Les soupçons des habitants se reportent sur un jeune repris de justice, fraîchement sorti de prison après une peine pour assassinat.

Encore un scénario de Kaneto Shindo mais qui s'avère cette fois décevant dans le sens où l'on reste sur des personnages stéréotypes du film noir/policier et qui ne sont guère approfondis. Ils restent réduits à leur simple fonction narrative : la soeur de..., la fille de..., le policier en imperméable, l'ancien détenu plein de bonne volonté, le méchant prêt aux meurtres pour s'en sortir. Quant aux péripéties, elles sont tout aussi désarmante de candeur (un oeil de verre, un tueur qui porte - par chance - des gants, des rencontres fortuites au bon moment etc...)

En revanche le travail de réalisation est excellent, surtout quand on sait qu'il s'agit du premier film de Nakahira (même si sorti après passions juvéniles). Il n'hésite pas à jouer la carte du film du genre (et de ses codes) à plusieurs reprises particulièrement excitantes et inspirées. On notera ainsi le court flash-back (un affrontement de gangs dans un décor en ruine et aux travellings décadrés, baignant dans un noir et blanc aiguisé comme du rasoir) ou une stupéfiante agression dans une étroite ruelle étouffante avec un découpage virtuose alternant les prises de vues radicalement opposées.
Et il y a surtout tout le dernier quart d'heure particulièrement nerveux et violent avec une réalisation admirable jouant de la profondeur de champ (l'observation de ce qui se déroule dans un appartement voisin), du montage ou des axes de prises de vue. On trouve aussi un mini-plan séquence audacieux où la caméra suit le héros descendre plusieurs étages (hors-champ), traverser la rue avant de remonter la façade sur 2 étages, le tout en suivant un autre personnage pour mieux entretenir le suspens et le mystère. Et de manière générale, la sécheresse, la tension et la dureté évoquent souvent les maîtres de la série B américaine tel Aldrich, Mann ou Fuller.
De plus la conclusion est assez soudaine (on pourrait dire "précipitée") et osée, évitant ainsi le happy-end de rigueur dans un dénouement sombre et pessimiste.

Entre ses moments brillants, le film est un peu plus classique mais jamais ennuyant d'autant que ça dure à peine 1h08. On sent tout de même que Nakahira se plait vraiment à filmer cette vie de quartier et ses commerçants. Il n'a pas l'ambition de faire du néo-réalisme ou du documentaire mais on sent un enracinent dans une certaine réalité (factice) qui explique aussi pourquoi les personnages restent au final dédramatisés avec une psychologie réduite au strict minimum. Il y a presque quelque chose du pastiche.
La encore, on voit comment Nakahira essaye de tirer les petites chroniques sociales traditionnelles vers quelque chose de plus moderne et de non-conventionnelles. D'ailleurs l'épilogue assez décalé (reprenant la scène d'ouverture) confirme bien la dimension ludique de sa réalisation. Une histoire pas vraiment crédible qui lui permet de signer un excellent exercice de style.
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Re: Ko Nakahira (1926 - 1978)

Message par bruce randylan »

Le journal d'un prédateur (1964)

Un homme multiplie les aventures qu'il note avec assiduité dans un cahier de bord. Quand l'une de ses conquêtes se suicide après avoir découvert qu'elle était enceinte, d'autres de ses maîtresses décèdent mystérieusement.

Curieux film que voilà. C'est en réalité un "2 en 1" : 1 heure par partie/genre, qui change également de narrateur.

La première heure est un chef d'oeuvre.
On y suit donc ce prédateur sexuel, ses chasses, sa manière de séduire ses proies, son rapport avec son épouse, son trauma avec un bébé mal-formé etc... avant de virer dans le thriller quand il découvrir que la mort le suit de près et qu'il sent qu'on cherche à le piéger.
Le traitement, comme le sujet d'ailleurs, est vraiment original avec une atmosphère de plus en plus oppressante, poisseuse et torturée. Ce qui est étonnant c'est que provient avant tout de la mise en scène et non du personnage central. Si prédateur il est, il n'a rien d'un pervers ou d'un détraqué, il est même assez touchant dans ses techniques de dragues à se faire passer pour un japonais d’origine de l'Afrique du Nord. Bien sûr, c'est un collectionneur mais on ne le sent pas malsain. D'ailleurs, les femmes qu'ils côtoient ont le plus souvent la même liberté sexuelle que lui (thème central chez Nakahira)
La tenue de son journal intime est l'occasion d'utiliser la voix off avec assez de talent même si elle est parfois redondante par rapport aux images qui se suffisent à elle-même. Mais dans l'ensemble l'immersion dans sa psychologie est vraiment réussie et on le suit dans sa descente au enfer paranoïaque qui vire au cauchemar (le balai avec des lames de rasoirs :o ) parfois teintés d'humour ironique (la disparition des chaussures). La narration est un modèle du genre en ce qu'elle parvient à rendre attachant un personnage qui nous est montré comme particulièrement cruel dans la scène d'introduction puis dans les minutes suivantes où il écrit cliniquement ses diverses liaisons. Cette manière de nous faire rentrer dans ses pensées est assez culottée mais s'avère payante (une influence pour Schizophrenia ? :idea: ).

C'est pourquoi quand la première heure devenue désormais haletante se termine sur un rebondissement vraiment étonnant, on se demande rapidement comment va évoluer l'histoire... et bien, elle n'évoluera tout simplement plus... :?
On suit alors un avocat qui essaye de reconstituer les fils de l'histoire, il retourne donc parler aux différents personnages qu'on a déjà vus raconter des trucs qu'on sait déjà... C'est vraiment curieux ce changement de style et je ne comprends absolument pas en quoi cela enrichit l'histoire ou le personnage. Ce n'est pas forcément nul, mal écrit ou mal rythmé, c'est seulement sans intérêt dramatique ou psychologique.
Au bout de 40 minutes, un nouvel éléments façon twist vient quand même relancer la machine (en corrigeant habilement certaines incohérences qui flottaient jusque là) et en renouant un peu avec l'ambiance torturée du début mais c'est trop tard et maladroit.

Je suis donc bien gêné par ce film. D'un côté, je trouve la première partie véritablement époustouflante et virtuose (excellente utilisation de brefs arrêts sur images par exemple) mais la seconde heure est totalement anti-cinématographique. Je devine qu'il fallait un contre-point extérieur aux évènements mais cette idée est déplorable même si encore une fois, cette enquête est loin d'être désastreuse en temps que tel.

Je suis donc vraiment curieux de découvrir le remake qu'en a fait Nakahira lui même à la Shaw Brothers sous le pseudonyme de Yeung Shu Hei (d'autant que cette version chinoise dure 30 minutes de moins) et qui a pour titre Diary of a Lady-Killer
Dernière modification par bruce randylan le 25 juil. 13, 23:42, modifié 1 fois.
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Re: Ko Nakahira (1926 - 1978)

Message par bruce randylan »

Une jeunesse moderne (1963)

Un agent de police meurt écrasé par un chauffard. Face à des problèmes d'argent, sa famille doivent déménager chez le frère du défunt avant de devoir vivre séparément.

Film très curieux qui commence comme une comédie enlevée et inventive (les préparatifs pour aller à l'école avec les "citations" suspendus au dessus de la porte") avant de virer dans le drame mais sans pour autant se défaire de sa légèreté : les 3 enfants préconisent le système D pour payer les funérailles de leur père et font la promesse de ne pas pleurer au risque de payer une amende. Prières enregistrées sur bande audio, nom du père écrit avec les lettres du club de sport du lycée et quand l'émotion se fait trop forte ils courent chercher leur argent de poche pour pouvoir pleurer librement etc...
Ce mélange tragi-comique est suffisant décalé et original tout étant assez juste et touchant pour éviter les clichés et pour échapper à l'exercice de style. Il y a donc régulièrement des scènes vraiment étonnantes qui se contre-fichent du politiquement correct. On imagine mal aujourd'hui la scène où les garçons de l'école décident de mettre en place (avec la bénédiction du professeur) un boursicotage autour de la popularité des filles ré-actualisé tous les matins. :o :mrgreen:
Même chose pour la scène où un couple d'amoureux désirent faire une soirée romantique sur le pont d'une péniche tandis qu'un adolescent est sur le point de faire ses besoins sur le bord du navire.
Cette liberté du traitement se retrouve dans la caractérisation de plusieurs second rôle comme la voisine très libérée qui cherche à attirer l'attention d'un des garçons ou le professeur qui utilise les rédactions de ses élèves pour être publier dans la presse.

Malheureusement le dernier tiers perd en fraîcheur avec un virage dans le drame beaucoup plus prononcé. La comédie reste toujours présente (la tentative de chantage) mais la multitude de scénettes plus ou moins indépendantes disparait au profit d'un axe narratif plus construit. Cependant les nouveaux enjeux sur le vieux qui ne supportent pas d'être à la retraite sont moins passionnants et prenant. Et surtout, certaines sous-intrigues sont tout simplement laissés de côté quand arrive la conclusion (la voisine, l'histoire d'amour de la sœur avec ses économies pour son voyage scolaire).

Une jeunesse moderne est dans l'ensemble un bon film - excellent par moment même - mais qui laisse un gout d'inachevé.
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Re: Ko Nakahira (1926 - 1978)

Message par bruce randylan »

Tourbillon charnel (1964)

Un traducteur qui se concentre trop sur son métier et la littérature délaisse son épouse qui s'ennuie et ne tarde pas à entretenir des liaisons avec les clients de son bar.

Avec les nombreuses questions sur la sexualité, la liberté, le couple en crise, les intellectuels en marge de la société, on pensait avoir une œuvre majeur de Ko Nakahara. C'est malheureusement un drame atrocement bavard et rapidement ennuyeux avec un personnage masculin dont les sempiternels atermoiement sur son épouse fatiguent au bout d'une demi-heure. Le portrait de l'épouse est déjà beaucoup plus réussi entre l'envie d'émancipation, la frustration, l'ambition sociale et la culpabilité. Malheureusement son personnage est beaucoup trop en retrait par rapport à celui du mari qui monopolise bien trop l'écran.
C'est d'autant plus regrettable car que comme dans le journal d'un prédateur la voix-off change de narrateur au bout d'une heure de film. Du commentaire du mari, on passe à celui de la femme. Sauf que le contre-point est mal équilibré et de courte durée car la mari reprend une nouvelle fois le devant, suivi très (trop) brièvement d'une assistante du mari. Un autre personnage intéressant et touchant mais pas forcément bien intégré au récit.
La fin rattrape un peu le tout avec l'épouse cherchant à mettre fin à ses jours alors que son jeune voisin tente de la séduire.

Par ailleurs, la mise en scène est bien trop académique et statique. Nakahira réussit tout de même quelques passages qui montre les frontières physique (le cadenas mis sur une porte), spatiale (l'écrivain dans sa chambre écoutant les rires de sa femme) que culturelle (l'épouse ne parvenant pas à suivre un débat politique).
Enfin le film a aussi le défaut de vouloir aborder trop de chose dont une vision particulièrement pessimiste du Japon de l'après-guerre. Cela dit, ce sont ces séquences qui sont les plus stupéfiantes : l'assistante qui saute les repas et refuse la pitié, la voisine qui se prostitue, l'oncle libidineux, l'adolescente qui n'a aucun scrupule à envoyer sa sœur sur le trottoir et qui se sert de l'église pour trouver un rang social...
Le problème c'est que cette peinture du Japon et le portrait du couple sont loin de se compléter (si ce n'est donc lors du dernier quart)
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Re: Ko Nakahira (1926 - 1978)

Message par bruce randylan »

Vous me dites si je soliloque les gars ! :mrgreen:



La ville oubliée
(1960)

Dans un bidon ville en périphérie de Tokyo, le projet immobilier d'un vaste complexe commercial menace d'expulsion les habitants sans dédommagement. L'entrepreneur chargé du dossier est un homme corrompu aux méthodes mafieuses et dont les employés viennent de violer la sœur de l'assistant du médecin de ce quartier défavorisé.

Une belle réussite où Nakahira délaisse les films sur la passion pour une veine plus sociale sans pour autant complétement tourner le dos à la sexualité qui tient tout de même une place conséquente ici (viol, maitresse par intérêt, égoïsme etc...).
C'est une nouvelle fois une peinture très pessimiste du Japon avec cet hommes d'affaire capitaliste sans pitié assimilé immédiatement à des yakuzas et qui travaille en plus sous les ordres de politiques qui tirent les ficelles dans l'ombre (évoqué en une ligne de dialogue glaçante). Évidement, la peinture n'est vraiment pas subtile avec ce business man qui suinte le mépris et le cynisme par tous les pores. Son activité préférée est par exemple de tirer sur un chat avec un pistolet à plomb (outre humilier les gens bien-sûr). Ce portrait aurait mérité sans doute plus de nuance car on est parfois vraiment pas loin de la caricature ridicule.

Mais le reste du film est beaucoup mieux écrit avec des personnages aux bords du désespoir qui se retrouvent face à un mur d'incompréhension et qui ne sont même pas aidé par les pouvoirs publics. Ils n'ont donc que l'entraide - qui ne suffit d'ailleurs même à faire face aux menaces, aux pressions voir tout simplement les passages à tabac. Ils ne leur restent donc eux aussi que la violence. Ca donne une dernière partie surprenante avec un cadavre sur les bras, de nombreux coupables hypothétiques mais aucune vrai meurtrier. Une sorte de cauchemar éveillé qui ne manque pas d'une ironie mordante, pas si éloigné de Kafka par moment. Cette impasse, qui aurait peut-être mérité à ne pas être résolu, questionne en tout cas directement l'engagement civique et la responsabilité de chacun dans la situation que traverse le pays.

Souvent passionnant mais pas toujours pertinent sur le traitement avec quelques sursaut déprimant de lucidité comme ces journalistes qui ré-écrivent la vérité pour qu'elle sonne plus vendeuse sans pour autant fâcher les autorités. Sinon la structure en flashbacks avec des transitions par de longs volets au noir est assez judicieuse.
Et puis la mise en scène est très inspirée avec une noir et blanc bien oppressant, un sens de cadre souvent claustrophobe en étant bouché ou obstrué. L'ouverture est à ce titre exemplaire avec un ample mouvement de grue qui descend d'un plan large pour se rapprocher de plus en plus du sol, des maisons sordides et des détritus avant qu'une série de travellings sinueux parcoure les ruelles de ce bidon-ville.
La fin d'ailleurs lui répond avec 2 très longs travellings qui avancent vers un service funéraire qui se fait lui dans l'ordre d'une respectabilité exagérée.

J'ai aussi vu les nuits faciles mais comme c'est un chef d’œuvre époustouflant, j'en ferais une critique 1kult :wink:
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Re: Ko Nakahira (1926 - 1978)

Message par Commissaire Juve »

bruce randylan a écrit :Vous me dites si je soliloque les gars ! :mrgreen:
Nan, nan... je regarde (c'est un peu comme le cinéma nordique, hein :mrgreen: ).

EDIT : cela dit, dans ce genre de topic, ce qui me manque c'est une info sur le support... "vu comment ?" Au ciné, à la télé, sur Youtube, en DVD ?
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Re: Ko Nakahira (1926 - 1978)

Message par bruce randylan »

Commissaire Juve a écrit :
bruce randylan a écrit :Vous me dites si je soliloque les gars ! :mrgreen:
Nan, nan... je regarde (c'est un peu comme le cinéma nordique, hein :mrgreen: ).

EDIT : cela dit, dans ce genre de topic, ce qui me manque c'est une info sur le support... "vu comment ?" Au ciné, à la télé, sur Youtube, en DVD ?
J'en parle en tout début de topic :wink:
Dans le cadre de leur 15ème anniversaire la Maison de la Culture du Japon a Paris organise une rétrospective sur Ko Nakahira, présenté comme le 3ème homme de la nouvelle vague (après Oshima et Imamura je présume). Une rétrospective en 2 temps : à partir d'aujourd'hui jusqu'à mi décembre avec une dizaine de films puis en janvier avec une douzaine de titres (cette fois dans le cadre du festival Kinotayo).
De tous ceux-là seul Passions juvéniles est sorti en zone 1.

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Re: Ko Nakahira (1926 - 1978)

Message par Commissaire Juve »

bruce randylan a écrit :
J'en parle en tout début de topic :wink:
Hep hep hep hep hep ! je l'avais bien vu* :mrgreen: ... mais je parlais "en général". C'est pareil pour beaucoup de films dont nous parle Music Man. On ne sait pas toujours où il a pu les trouver.


* avant de poster, j'avais même scanné la page pour voir s'il y avait le mot DVD.
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Re: Ko Nakahira (1926 - 1978)

Message par bruce randylan »

Commissaire Juve a écrit :
bruce randylan a écrit : C'est pareil pour beaucoup de films dont nous parle Music Man.
Tu m'étonnes ! Mais je suis sûr qu'il nous mystifie. Il doit inventer lui-même des films improbables avec un visuel tiré d'un Nous Deux argentin trouvé en Bavière et hop, tout le monde y crois.
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Re: Ko Nakahira (1926 - 1978)

Message par bruce randylan »

Rendez-vous secret (1964)

Une femme mariée et un étudiant de 10 ans plus jeune entretiennent une liaison. Ils sont témoin d'un assassinat qui s'avère bientôt non élucidé par la police. Le jeune homme envisage de tout raconter à la police mais sa maitresse a peur du scandale que cela créerait.


Un film très court d'à peine 70 minutes. Ca ne l'empêche pas d'avoir quelques longueurs dans son milieu quand les personnages restent un peu trop longtemps campés sur leurs positions : pour elle la culpabilité d'avoir trompé son mari qui bénéficie d'un haut rang social et pour lui la culpabilité (et le remord) de devoir taire la vérité, ce qui le rend irascible et asocial. Il y avait pourtant de quoi développer certaines choses comment plusieurs seconds rôles (la sœur, la servante, la voisine qui devine que la femme ne doit plus partager grand chose avec son époux et lui conseille d'aller voir "ailleurs"). D'ailleurs quand Nakahira prend ce temps, ça donne de belles séquences comme le mari gêné qui vient dans la chambre de sa femme pour une raison futile, espérant partager la nuit avec elle. Mais dans l'ensemble le développement du scénario reste assez superficiel. Reste une scène finale à la fois terriblement logique, brutale et violente qui ne manque d'une ironie tragique. Un geste impulsif et irréfléchi qui ne pouvait que se retourner de cette manière.

par contre, la mise en scène est souvent de qualité avec notamment l'ouverture en plan-séquence qui montre le couple adultère allongé dans les herbes en contre-bas d'une route et que la caméra vient caresser dans plusieurs travellings qui viennent se rapprocher d'eux, de la complicité et de leurs tendresse. Un joli moment que l'arriver d'une voiture vient brusquement brisée.
Dans l'ensemble, le sens de l'espace est très travaillé pour mettre en avant la solitude et l'isolement psychologique des protagonistes. Yôko Katsuragi campe un magnifique portrait féminin, déchiré entre sa responsabilité d'épouse et son amour (immoral) pour un étudiant.

D'excellentes choses donc mais je lui trouve un sentiment un peu incomplet qui lui empêche de rendre ce drame et ces questionnements vraiment poignants.

Voilà, ce film clos la première partie de ce cycle. La seconde moitié se déroulera début janvier où je devrais enchainer les 13 films en 5 jours. :o
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Re: Ko Nakahira (1926 - 1978)

Message par giftongue »

bruce randylan a écrit : La seconde moitié se déroulera début janvier où je devrais enchainer les 13 films en 5 jours. :o
Et de même pour moi! Je n'avais pas vu ce topic très détaillé! Bravo! :D ( mais je n'ai pas encore tout lu j'y reviendrai...)
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Re: Ko Nakahira (1926 - 1978)

Message par bruce randylan »

Je vous avais manqué ? :D

qui est le véritable assassin ? (1957)

Un homme agê, re-marié, est une vendeur de voiture proche de l'alcoolisme. il vit très mal l'arrivisme de ses jeunes collègues qui n'hésitent pas lui voler des clients. Quant à ses relation avec ses 2 enfants, elles sont très distantes

Un nouveau scénario signé Kaneto Shino qui porte un regard assez sombre d'un Japon qui passe le cap du boom économique avec beaucoup de dommages collatéraux.
Ko Nakahira est en osmose avec cette histoire et l'inscrit dans la continuité du néo-réalisme en tournant en extérieur et dans des vrais maison/bars qui ne sont jamais en studio. Rien de figé pourtant car tout le film est presque entièrement tourné à la grue pour beaucoup de mouvements de caméra qui refusent la facilité. Il évite l’exercice de style car sa technique sert à s'enraciner dans la rue tout en étant purement cinématographique. Les deux univers se complètent avec brio comme par exemple dans un brillant travelling circulaire de 720° (qui s'élève à la fin du plan) en plein milieu d'un carrefour où des jeunes tentent de convaincre des automobilistes de les laisser laver leur voitures.

Il y a plusieurs moments où le documentaire et la fiction se télescopent subtilement (on voit même une figurante seins nus traverser une ruelle pour rentrer son linge le plus naturellement du monde sans que la caméra ne s'attarde sur ce détail). La dimension sociale est vraiment une composante majeure du film entre le vieux vendeur qui n'arrive pas s'adapter aux nouveaux critères commerciaux, la fille qui devient hôtesse sans scrupule pour payer son loyer, les arnaques à l'assurance où l'on risque sa vie pour une bouchée de pain, les salles de billards sordides, les bars miteux qui sentent la crasse (peinture stupéfiantes où l'on croise araignées, cafards, souris et pièges à mouches).

Nakahira est à l'aise à chaque moments et son style de réalisation, à la fois très stylisée et réaliste, fonctionne vraiment admirablement, réussissant à rendre des parties de billard palpitantes (avec un travail sur le son intelligent), à rendre touchant tous ses personnages par touches de nuances (joli portrait tout en discrétion de la nouvelle compagne du vieux vendeur). On sent qu'il développe l'approche qu'il avait initié dans l'homme à abattre (et qu'il semble avoir arrêté après ce film).

Il dessine une tableau vraiment noir et fataliste qui éclate dans les deux scènes d'accidents en voiture pour flouer l'assurance. Des séquences longues, aux amples mouvements de grues qui n'en finissent pas de s'élever, de redescendre, de scruter les distances et les silhouettes lointaines. On se doute que l'issue sera tragique et on est pas tromper sur la marchandise (ah ce long travelling arrière sous la pluie qui réunit tous les personnages).
A noter une séquence de conclusion étonnante qui nous fait sortir de la ville mais qui reste toujours aussi impitoyable (Le passage au noir apparaît comme une guillotine).

Une très grande réussite qui parvient à échapper à une écriture et un style artificiels. Un dernier mot pour souligner l’interprétation générale de haut vol.


Tempête d'été (1956)

Taeko présente à sa famille son futur mari. Cependant sa sœur, Ryoko, l'a croisé par hasard un an plus tôt lors d'une rencontre passionnel mais qui est resté platonique.

L'année de ses débuts en tant que réalisateur Nakahira a signé pas moins de 4 films. :o
Et celui-ci est encore vraiment épatant après Passions juvéniles et l'homme à abattre... Et en plus son style n'a rien à voir avec les précédents. C'est un travail très formaliste sur le noir et blanc, les ombres, l'atmosphère. Certaines séquences semblent presque sortir d'un rêve comme la rencontre au bord d'un ruisseau que l'héroïne traverse telle un fantôme.
On peut d'ailleurs presque avancer que Ryoko est une personnage de mort vivant. Depuis que sa mère l'a abandonnée, elle traîne une frustration affective qui en a fait un caractère extrêmement détaché, coupé du monde. Elle traîne un mal-être existentielle d'une profonde désespérance. Elle se lance donc à vouloir gagner l'amour du fiancé de sa sœur à tout prix.
Son mal-être est toujours bien traduit visuellement par Nakahira par un jeu sur la profondeur de champ, le clair-obscur, les focales, les perspectives. Et c'est plutôt assez subtile. Ce sont bien sûr des effets un peu appuyés mais ce n'est pas trop démonstratif et ça ne nuit surtout pas à l'émotion... même si on est plus dans l'intellect' que dans le lyrisme.

D'ailleurs, et c'est l'un des défauts du film deTempête d'été que d'être un peu trop verbal et littéraire. Les dialogues ne sonnent pas toujours naturels. Pour ça, ce n'était pas trop évident à suivre (la copie de la MCJP est VOSTA). par ailleurs certains événements sont un peu maladroits pour ne pas dire brouillon.

Nakahira livre en tout cas un film personnel avec une nouvelle fois ses thèmes de l'amour/passion hors norme et échappant aux conventions. Le film évoque même d'inceste entre un frère et sa sœur (même s'ils n'ont pas les mêmes parents).
Par son côté assez torturé et introspectif, ce n'est pas le titre le plus abordable de Ko Nakahira mais ça reste un titre souvent très bon même si on sent qu'il s'agit d'une œuvre de jeunesse qui manque un peu de maturité sans son traitement. Mais sa maîtrise visuelle est impressionnante d'autant qu'il y a des séquences assez fortes comme la conclusion qui est à la fois tragique et presque "optimiste"
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une relecture du double suicide où les amants se noient ensemble dans une mer déchaînée
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Re: Ko Nakahira (1926 - 1978)

Message par bruce randylan »

Le mur du silence (1959)

Un employé traverse une partie du Japon dans la voiture qu'il vient d'acheter pour aller retrouver sa fiancée. Alors qu'il sort d'un petit village en plein nuit, il est arrêté et est accusé d'un meurtre violent.

Le moins intéressant/original des films écrits par Kaneto Shindo pour Ko Nakahira.
Le sujet de critiquer un système policier superficiel qui n'accepte pas l'auto-critique est plutôt courageux (bien qu'il arrive 2 ans après Ombre en plein jour de Tadashi Imai qui provoqua un véritable seisme au sein même de la justice) mais le traitement reste assez sage avec des facilités vraiment grossières comme des hasards vraiment heureux (le policier qui tombe sur le vrai coupable avec une veine impossible).

La partie purement "contre-enquête" est assez décevante de ce point de vue là. Ce n'est pas très palpitant ni même réaliste. Celà dit la scène de la reconstitution du crime est brillante et se pose même en abîme d'un tournage de cinéma.
Les qualités viennent plutôt de sa dimension humaine avec des personnages assez justes bien qu'un peu trop lisses et manquant de nuances pour le couple d'amoureux. Mais certains seconds rôles sont plus réussis car porteur d'un vrai discours social glissé en peu en contre-bande (la veuve chassée de sa belle-famille ; les ouvriers saisonniers). Parfois ce sont juste quelques secondes, un plan sur un figurant où l' on sent une vraie honnêteté dans la description de cette vie rurale (la mère du policier qui veut le marier, les habitants empruntant les transports en public, un règlement de compte pour des dettes etc...).

C'est vraiment dans la peinture du quotidien que le film marque des points comme toute la première partie où l'on suit le trajet motorisé du fiancé où en même temps que la pénombre s'installe, on sent monter une tension invisible et menaçante.
La conclusion et également très belle avec le parallèle avec la voiture abandonnée sous la pluie dont les pneus se re-gonflent avant de traverser le petit village en klaxonnant. Pour les coup, c'est une scène très belle et émouvante.

La mise en scène, si elle reste tout a fait honnête est tout de même un peu trop illustrative, loin de l'inspiration que Nakahira pouvait avoir à l'époque. Du travail bien fait mais dans l'ensemble sans éclat.

Mais on trouve suffisant de bons points pour s'y pencher avec intérêt.


Tempête sur l'Arabie (1961)

Le jeune et impulsif héritier d'une grosse multinationale décide de se rendre en Egypte sur les conseil laissés par son grand-père dans son testament. il se trouve mêler malgré lui à une histoire d'espionnage périlleuse.

En voilà un drôle de film. Il a été en effet produit par la compagnie Pan American Airways :o
C'est donc un film qui donne envie d'emprunter leurs vols pour aller visiter le monde... ici l'Egypte donc. Ainsi à chaque fois que le héros se trouve dans un lieu touristique, un sous-titres viennent indiquer son nom... même dans les scènes à "suspens" ou d'action... :lol:
C'est très particulier et on est clairement dans la brochure touristique. C'est donc une pure commande pour Ko Nakahira qui s'acquitte de sa tâche avec un professionnalisme dénué de zèle. C'est correctement mis en image et il y a du rythme... Et c'est tout.

Le scénario est proprement ahurissant d'invraisemblances et de facilités. Au moins autant que dans Prometheus et Dark Knight Rises mais l'avantage c'est que le film ne se prend jamais au sérieux, au contraire. On a même le sentiment que tout est fait pour surligner chaque énormité... Et il y en a : entre les personnages qui passent leurs temps à se croiser par hasard aux 4 coins de la ville, des intrigues à tiroirs improbables (la japonaise à la recherche de son papa), des rebondissements permanents... Au bout d'un moment, c'est tellement exagéré que ça en devient presque jubilatoire. En tout cas si on est d'humeur, il y a moyen de bien rire : microfilm dans un pendentif au coeur d'une guerre entre "impérialistes" et "révolutionnaires" patriotique (c'est tout ce qu'on connaîtra de leurs motivations), course pour escalader une pyramide, séquence de danse dans un cabaret, pierre tombale japonaise en plein milieu du désert, avion traquant le héros au pied d'un site historique, kidnapping, meurtre, médecin japonais, arnaque... Ca n'arrête jamais ! :mrgreen:
Il faut voir Yujiro Ishihara chevauchant un mulet, chantant en arabe et déguisé en nomade sous les yeux de l'armée d'impérialistes sur-armés. Vraiment n'importe quoi mais ça devient un plaisir coupable sur la longueur. D'ailleurs le casting joue vraiment bien le jeu. (elle est vraiment mimi cette Izumi Ashikawa :oops: )

Mais c'est quand même très dispensable et anodin si on reste sur la notion "d'auteur" dans la carrière de Ko Nakahira.

Détail curieux, le film a bien était tourné en japonais, anglais et arabe mais les dialogues anglais et arabes sont souvent re-doublés par dessus les voix d'origines. C'est parfois déstabilisant.
Dernière modification par bruce randylan le 18 juil. 14, 11:20, modifié 3 fois.
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