Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méconnus

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky

Répondre
kiemavel
Assistant opérateur
Messages : 2231
Inscription : 13 avr. 13, 09:09

Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par kiemavel »

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

THE LAST MILE. LA RAFALE DE LA DERNIERE CHANCE. Howard W. Koch. 1959

Image

Production : Max J. Rosenberg et Milton Subotsky pour Vanguard productions
Scénario : Milton Subotsky et Seton I. Miller
Dir. de la photographie : Joseph Brun
Musique : Van Alexander

Avec Mickey Rooney, Michael Constantine, Clifford David, Don "Red" Barry et Frank Overton

Image

Le couloir de la mort d'une prison américaine.
Un nouvel arrivant prend place auprès des autres détenus qui attendent leurs exécutions. Un premier prisonnier est rapidement mené à la chaise électrique
et un second se prépare à l'être quand, alors qu'un surveillant prend note d'une lettre à remettre à ses proches, son voisin de cellule "Killer" Mears parvient
à étrangler le surveillant. Il s'empare des clés et libère les autres prisonniers. Ils attaquent par surprise le poste de surveillance. Un des détenus est abattu
mais les hommes s'emparent des armes des surveillants et enferment ceux-ci ainsi que l'aumônier de la prison dans une cellule.
A l'extérieur du carré des condamnés à mort, les autorités carcérales se rendent compte de la mutinerie et assiègent l'unité. Mears exige pour lui et ses
hommes un véhicule pour s'échapper et menace d'exécuter les surveillants les uns après les autres s'il n'est pas entendu...

Image


Ce film est le remake de THE LAST MILE. REVOLTE A SING-SING de 1932, mais sorti en France après la seconde guerre mondiale. C'est Preston Foster
qui tenait le rôle de Mickey Rooney. Je n'ai pas vu ce film qui n'est pas, semble t'il, invisible. Il y aurait une différence notable avec le remake. Dans le
premier film, le jeune homme qui arrive dans le couloir de la mort, qui attend désespérément un sursis et dont l'exécution est imminente, est présenté
comme innocent alors que dans le remake, il affirme juste au confesseur qui vient le visiter qu'il est innocent. Il devait donc y avoir une dimension
militante plus affichée dans le film des années 30.

La première partie du film prend le temps de nous présenter les détenus. Une petite dizaine. Leurs angoisses, leurs derniers rêves. Certains évoquent des
souvenirs...qu'ils ont parfois en commun. L'un des condamnés, devenu fou ou qui simule la folie, tient des propos poético-dingo, cite des passages de
"Le morte d'Arthur", repris par plusieurs co-détenus qui se remémorent des souvenirs d'école...puis vient le moment critique de la confession, le dernier repas
et la marche vers la salle ou l'on exécute.

Les gardiens, tout au moins les 2 principaux, Drake et Callahan, font preuve d'un grand sadisme. Ils ne cessent de provoquer les détenus. C'est d'ailleurs une
provocation qui est à l'origine de la révolte. Le jeune détenu qui sera le prochain a être exécuté réclame de pouvoir dicter une lettre à ses proches. Le gardien
commence à prendre note d'un texte du genre "Je vais mourir et à cet instant je ne pense qu'à vous" puis s'approche de la cellule et murmure au jeune homme
- You want me to send it by singing telegram ? Une sorte d'équivalent à "Tu veux que leur chante la nouvelle au téléphone ?"

Image

Un film de prison extrêmement violent pour l'époque. Les rictus d'angoisse sont vraisemblables. On y vomit de terreur. On gueule...
Certains effets de mise en scène sont bien vus. La lumière qui flanche au moment des exécutions, etc...D'une manière générale, elle est très fluide et se joue assez
facilement de la contrainte de l'espace exigüe. Elle n'est en rien statique.

L'interprétation est excellent et est dominé par celle de Mickey Rooney qui nous resservira plusieurs fois le même plat (Il l'avait inauguré avec Baby Face Nelson).

Enfin, la violence va crescendo...Un seul répit, le geste humain de Mears qui acceptera de libérer un des surveillants.


Je ne vais pas le vendre comme un chef d'oeuvre du film de prison, ce n'est pas "Je suis un évadé" ou "Le trou" mais c'est presque du niveau des "démons de la liberté"
de Dassin et même supérieur selon moi à certains films des années 30, type Big house ou au "Révoltés de la cellule 11" de Siegel.


Pour finir, une remarque sur le Cas ROONEY. Il est né en 1920, a débuté au cinéma en 1926. Mon arrière-grand-père faisait cette année là l'acquisition d'une Citroën B12
et le cinéma était encore muet. La B12 est déglinguée depuis les années 4O alors que Mickey court toujours.

En 2012, il continue de jouer, de produire. Il s'est marié 8 fois, a eu 9 enfants et a joué dans + de 300 films...
Il a chanté et dansé avec Judy Garland. Tourné quelques petits films noirs passionnants. A été très bon dans la comédie, etc...

Pour finir sur son cas, j'ajoute qu'il mesure 1M12 et qu'il a plus de charisme que Dolph Lundgren ! comment çà, c'est pas un bon exemple...Je dis Dolph Lundgren comme j'aurais dit Chuck Norris !

Le film est passé à la TV chez nous. DVD ? Je l'ignore...
Dernière modification par André Jurieux le 9 oct. 12, 10:27, modifié 2 fois.
kiemavel
Assistant opérateur
Messages : 2231
Inscription : 13 avr. 13, 09:09

Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par kiemavel »

------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
SHIELD FOR MURDER. LE BOUCLIER DU CRIME. Edmond O'Brien et Howard W. Koch. 1954

Image

Aubrey Schenck Productions

Avec Edmond O'Brien, John Agar, Marla English, Carolyn Jones et Claude Akins.

Image

L'histoire d'un flic qui tourne mal. O'Brien joue un flic désabusé, entre 2 âges, qui rêve d'acheter un pavillon pour y vivre tranquille avec sa petite amie. Il prémédite l'assassinat d'un bookmaker pour lui dérober la forte somme, 25 000 dollars, qu'il porte sur lui.
Mais çà on le sait après car en fait le film démarre brutalement. Directement par le meurtre. Une ville, la nuit. O'Brien marche rapidement sur le trottoir, voit l'homme qu'il va voler récupérer de l'argent à la portière d'un véhicule, celui ci redémarre. O Brien
s'arrête et fixe un silencieux sur son révolver. Il s'approche de l'homme et lui plante le révolver dans le dos. Un dialogue commence. Les 2 hommes se connaissent. L'homme marchande sa tranquillité et propose 100 dollars, 200 ? Mais le flic veut tout. O' Brien
abat le bookmaker d'une balle dans le dos, le fouille pour récupérer l'argent et rejoue ensuite une scène pour faire croire à la fuite de l'homme et justifier ainsi son meurtre. Mais un homme dans l'immeuble en face a vu toute la scène. La police arrive, dont le
collègue d'O'Brien qui rapidement le soupçonne sans savoir exactement comment se sont dérouler les évènements. Le soir suivant O' Brien fait visiter le pavillon de ses rêves à sa petite amie et y dissimule l'argent.

Image

Je m'arrête là. Quelques ingrédients supplémentaires pour montrer qu'après cette entrée en matière prometteuse, le film tient bien le coup jusqu'au bout. L'argent n'appartenait pas vraiment au book si bien qu'un chef mafieux local veut récupérer l'argent.
Le témoin du meurtre est un très vieil homme sourd et muet, isolé et effacé qui semble vouloir demeurer en dehors de l'affaire.

D'emblée, je précise que j'adore ce petit film. çà a manifestement été tourné avec un budget réduit. Je sens bien le tournage bouclé en 2 semaines (Quoi ?! Rétorque Edgar Ulmer mais pour ce prix là, je vous en fait 2) et pourtant c'est excellent. O'Brien est
remarquable dans ce rôle ingrat, tour à tour écoeurant puis pathétique. Le flic qu'il incarne était déjà un peu pourri mais cette fois il est allé trop loin. La violence ne fera que s'amplifier au fil du récit.

Quelques scènes sont inoubliables et méritent de figurer dans une anthologie du film noir. O'Brien agresse un homme dans un restaurant. Un témoin qui était en train de déguster des spaghettis assiste à la fois fasciné et effrayé à l'agression. Au départ attablé,
il se redresse progressivement sur sa chaise, comme s'il cherchait à s'écarter de la scène. Il se retrouve dos au mur mais pendant toute cette scène il continue d'ingurgiter frénétiquement ses spaghettis. Saisissant !

Howard W. Koch, qui était surtout producteur, a réalisé un autre film potentiellement intéressant :

-Big house, USA. Avec B. Crawford, R. Meeker et W. Talman, qui est réputé mais que je n'ai toujours pas vu

LE BOUCLIER DU CRIME a été diffusé sur le sat. mais pas hier. La dernière diffusion doit dater d'une dizaine ou une quinzaine d'années.
kiemavel
Assistant opérateur
Messages : 2231
Inscription : 13 avr. 13, 09:09

Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par kiemavel »

------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

EDGE OF ETERNITY. LE SECRET DU GRAND CANYON. Don Siegel. 1959

Production : K. Sweet pour Columbia
Scénario : K. Swenson et R. Collins
Photographie : Burnett Guffey

Avec Cornel Wilde (Leslie Marin), Victoria Shaw (Janice Kendon), Edgar Buchanan (Le shérif), Jack Elam (Bill Ward), Mickey Shaughnessy (Scotty O'Brien)

Image

Un homme arrête son véhicule au bord du précipice du grand canyon. Il scrute l'horizon avec des jumelles semblant chercher quelque chose ou quelqu'un. Un homme surgit alors derrière lui, débloque le
frein à main et précipite la voiture vers l'homme qui surplombe le vide. Celui ci évite la chute de justesse et dans la lutte qui suit, l'agresseur est projeté dans le vide.
Très rapidement l'homme est cependant retrouvé pendu dans le chalet d'accueil d'une mine d'or désaffectée. On lui a lié les mains dans le dos, puis le contremaitre d'une unité d'extraction de guano qui
travaille dans le canyon déclare la disparition d'un employé.

Pour le shérif adjoint l'enquête commence. Il s'agit d'abord d'identifier l'inconnu, l'étranger retrouvé pendu...

Image

Les lieux de l'action :

Les paysages semi-désertiques de l'Arizona. Ses routes poussiéreuses.
Celui très spectaculaire du grand canyon bien mis en valeur par la photo qui a du accentuer les ocres et les rouges.
La ville minière abandonnée, la mine elle-même et son bureau d'accueil dans lequel le premier meurtre sera commis.
Le site de l'exploitation de guano qui surplombe le canyon.
La résidence des Kendon, propriétaires des mines d'or du secteur.
Très peu de scènes urbaines, en dehors de celles se déroulant dans le bar de la ville.

Image

Les différents protagonistes :

Leslie Martin (Cornel Wilde) : Le shérif adjoint du comté. C'est lui qui mène l'enquête. Il a fait des études juridiques, aurait voulu être procureur mais devenu veuf très jeune, il a sombré. C'est un
homme en difficulté dont on a mis en cause l'efficacité du travail dans son poste précédant et la encore le procureur qui veut se débarrasser de son supérieur hiérarchique, le vieux shérif incarné par
Edgar Buchanan met en cause son travail lors de l'enquête qui s'avère complexe.

Scotty O'Brien (Mickey Shaughnessy) : Il tient un bar dans la ville principale du secteur. Personnage jovial et blagueur. C'est chez lui que vient boire le fils désoeuvré de la famille Kendon.

Bill Ward (Jack Elam) : Le contremaitre de la société d'extraction de guano. L'entreprise utilise un téléphérique pour traverser le canyon, Siegel saura s'en servir. Par ailleurs, l'entreprise était l'employeur
d'un homme qui disparait soudainement et qui est recherché.

Le clan Kendon :
Le père Jim, propriétaire des mines désaffectées.
Le fils Bobby, jeune homme oisif qui passe son temps à picoler.
La fille Janice, qui a fait des études loin de l'Arizona, et qui revient le temps d'un été.

Image

De tous les polars de Siegel, c'est sans doute celui ci que j'aime le moins. Je dis bien polar ou thriller. On entend parfois que ce film serait à cheval entre le policier et le western...Ben non, ou alors
c'est qu'à chaque fois qu'au cinéma on nous promène dans un site naturel spectaculaire, on est dans un western. Certes y'a aussi un shérif, des meurtres, des affreux et une sorte de règlement de compte
final mais c'est bien un polar.
Le site du grand canyon est bien utilisé par Siegel. Dans la séquence d'ouverture, une tentative de meurtre. Ensuite par 2 fois lorsque pour les besoins de l'enquête le shérif joué par Cornell Wilde utilise
un avion pour survoler le site et enfin dans la spectaculaire scène finale.

Les autres atouts du film :
Cornel Wilde. Je l'aime bien le Cornel. Qu'il porte le costard dans des polars en noir et blanc, sa tenue de camouflage "spécial forêt" avec ses collants verts ou qu'il court à poil dans la savane, je l'aime
toujours.

Victoria Shaw. Une beauté remarquable, un sourire éclatant -il y a des gens comme çà, hommes ou femmes, qui semblent avoir des dents surnuméraires...- et bien sûr du talent. Elle aura eu une carrière
rachitique avant de mourir bien jeune, conséquence d'un asthme sévère. On l'aura vu dans des rôles secondaires dans Alvarez Kelly et Mondwest. Dans un rôle un peu plus important dans "Tu seras un homme
mon fils" et surtout dans l'excellent CRIMSON KIMONO de Fuller. Le témoin a protéger qui hésite entre les 2 amis inspecteurs de police, c'est elle.
C'est une des quelques filles au sujet desquelles je me suis dit en les découvrant pour la première fois sur un écran "Elle aurait pu être une star". Y'en a comme çà quelques unes. J'en nomme une autre encore
plus obscure, Faye Marlowe, la jeune pianiste du HANGOVER SQUARE de John Brahm.

Jack Elam. Par contraste, une de mes sales trognes préférées. Mais attention, c'est pas parce que Jack est au générique d'un film que fatalement c'est le plus dégueulasse de l'histoire, parfois y'a un piège...

Le film est passé à la TV chez nous. Je ne le connais qu'en VF. Y faut supporter Martine Sarcey et MIchel Roux mais c'est le prix à payer pour découvrir ce film car j'ai vainement recherché une vost, or y'a pas ...
André Jurieux
Assistant(e) machine à café
Messages : 262
Inscription : 13 mai 11, 20:43

Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par André Jurieux »

A chaque fois que je tombe sur le nom de Joseph Pevney sur ce forum, on peut lire en général un commentaire dépité sur son travail de metteur en scène. La plupart
des films sont éreintés mais je remarque que çà ne concerne que les 5 ou 6 même films toujours cités en exemple pour tenter de prouver la nullité de ce bon Joe.

On est d'accord, La légion du Sahara, Intrigue au Congo, Istanbul, La muraille d'or, Brisants humains, etc...çà vaut pas tripette...Mais il a aussi réalisé quelques bons polars
or je viens de m'apercevoir qu'aucun de ces films n'a été critiqués jusque là sur le forum. Je vais donc consacrer quelques lignes aux films suivants :

-La police était au rendez-vous
-Flesh and fury
-Portrait of a mobster
-Rendez-vous avec une ombre
-La maison sur la plage

Par contre, je n'ai jamais vu un autre polar de Pevney, SHAKEDOWN. Quelqu'un sait-il si le film a été diffusé en France ?
bruce randylan
Mogul
Messages : 11658
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par bruce randylan »

André Jurieux a écrit : Par contre, je n'ai jamais vu un autre polar de Pevney, SHAKEDOWN. Quelqu'un sait-il si le film a été diffusé en France ?
Il était programmé l'an dernier à la cinémathèque dans leurs cycle "perles noires" (où il n'y avait pas que des perle) malheureusement il fait parti des quelque uns que j'ai raté.


Par contre, la cinémathèque a fait aussi un cycle autour des films noirs à l'italienne. :)
On pouvait y voir Rapt à Venise (Mario Soldati - 1954)

Il s'agissait d'une co-production avec l’Angleterre avec Trevor Howard au casting et s'inspirant d'un roman de Graham Greene. On y suit les déambulations d'un petit garçon à Venise dont le père vient d'être kidnappé.

C'est une œuvre correct mais qui manque un peu rythme et d'intensité. C'est plutôt plat et le scénario qui s'annonçait prometteur peine à décoller avec un enquête assez molle et des facilités un peu gênantes. Le casting est également assez inégale et manque d'implication.
Dommage car Soldati parvient de temps en temps à instaurer une certaine mélancolie avec cet enfant perdu dans cette ville labyrinthique à la recherche de son papa. Le cinéaste est surtout à l'aise dans l'atmosphère qu'il fait naître, la manière d'intégrer la ville à l'histoire, dans son sens de l'espace. Il y a quelques plans ainsi très bien conçus ou éclairés. Il y a talent sous-jacent qui explose dans la dernière séquence avec un combat dans un bateau qui parvient à rendre poignant le sort qui attend le "méchant" pour un lyrisme tragique. La mise en scène y est inspirée avec des mouvements de caméra précis, des gros plans soignés, une situation cruelle , un sens des détails peaufiné etc...
On aurait voulu que ce talent soit présent du début à la fin car le film se regarde tout de même avec détachement.


Brigade volante (Fernando Cerchio -1951)
Après la guerre, un criminel rejoint la police pour aider ses complices de l'intérieur à obtenir des informations sur des transferts d'argent
je ne connaissais pas du tout le cinéaste mais c'est une bonne surprise. Pas un grand film mais une histoire solide (bien que prévisible), prenante, des personnages attachants et réalistes, une mise en scène sans fioriture qui ne perd pas de temps.
Les dilemmes moraux du "héros" sont bien retranscrits sans tomber dans des bons sentiments larmoyants tandis que les soupçons de son supérieur sont l'occasion de pencher plus vers le drame sobre et touchant plutôt que le suspens artificiel.
C'est cette part d'humanité qui rend recommandable ce petit film humble, campé par d'excellents acteurs, avec en premier lieux un Charles Vanel toujours aussi impeccable.
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
kiemavel
Assistant opérateur
Messages : 2231
Inscription : 13 avr. 13, 09:09

Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par kiemavel »

------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

SUSPENSE. FATALITE. Frank Tuttle. 1946

Production : King Brothers pour Monogram
Scénario : Philip Yordan
Photographie : Karl Struss

Avec Barry Sullivan (Joe Morgan), Belita (Roberta Elva), Albert Dekker (Frank Leonard), Eugene Pallette (Harry) et Bonita Granville (Ronnie)

Image

Joe Morgan, qui a presque une allure de clochard, arrive dans une ville nouvelle sans un sou en poche. Au culot, il réussi à se faire embaucher comme vendeur de confiseries dans la salle
de spectacle dirigé par Frank Leonard qui propose des numéros de danse sur glace. La patineuse vedette n'est autre sa femme, Roberta.
Un jour lors d'une répétition auquel il assiste, Morgan propose une idée pour améliorer l'exhibition et celle ci jugée inventive est retenue. Frank Leonard le nomme alors directeur artistique
puis très rapidement lui offre la direction de l'établissement le temps qu'il règle l'ouverture d'une autre salle de spectacle à Chicago.

Image

Pendant son absence, Morgan tente de séduire Roberta qui semble d'abord répondre à ses avances mais qui le repousse lorsque le mari fait son retour. Celui ci pour fêter les retrouvailles avec
sa femme et sentant sans doute l'attirance que semble éprouver cette dernière pour son collaborateur, propose qu'ils prennent un peu de repos dans leur chalet de montagne.
Morgan trouve alors un prétexte pour les rejoindre. Le soir venu, après une conversation seul à seul, Roberta et Morgan tombent dans les bras l'un de l'autre. Le mari a tout entendu.
Le lendemain, les deux amants partent en montagne et alors que Belita patine sur un lac gelé, le mari posté dans la montagne et armé d'une carabine tente d'abattre Morgan mais le rate. Le
coup de feu déclenche une avalanche et le mari est enseveli sous la neige. Les recherches pour le retrouver ne donnent rien...

Image

Quelques unes des singularités du film :
C'est à partir du moment ou tout semble devoir se dérouler pour le mieux que les choses se compliquent pour le nouveau couple. Belita après la disparition de son mari s'isole et refuse de
revoir Morgan, sincèrement atteinte par la disparition de l'homme a qui elle doit le succès.

Celui ci a aussi un problème avec son ex-petite amie Ronnie qui débarque dans sa vie et veut à tout prix renouer avec lui allant jusqu'à la menace car elle semble détenir des informations
compromettantes sur son passé. Le rôle est remarquablement tenu par Bonita Granville.

Enfin une atmosphère onirique commence à baigner le film car tout deux se sentent épiés et surveillés...


J'ajoute, que dans nombre de Films Noirs, on a une danseuse ou une chanteuse qui nous gratifie de son (ou de ces) numéro. Ici, point de chansons mais des ballets sur glace. 3 assez longs
numéros pour mettre en valeur la beauté de Belita. Habituellement, je trouve le patinage artistique plutôt assommant mais curieusement quand c'est Belita qui patine, çà m'intéresse...

Image

Enfin un mot sur la production du film, très inhabituellement luxueuse pour un film Monogram. Les frères King réputés pour leurs pingreries -mais aussi connu pour avoir fait travailler de
nombreux artistes black listés- auraient investi un million de dollars dans la production de ce film et à tous les postes clés ils ont embauché des pointures. Tout d'abord Frank Tuttle le
réalisateur qui sortait de productions infiniment plus prestigieuses pour la Fox ou la Paramount. Peut-être commençait-il a avoir des ennuis avec la commission des activités anti-américaines ?

Ensuite le dir. de la photo, Karl Struss, qui travailla avec Murnau (sur l'Aurore), avec Chaplin (plusieurs fois), etc...Enfin, le scénariste Philip Yordan qui écrivit pour ne citer que les polars,
Dillinger, L'évadée, La maison des étrangers, Plus dure sera la chute, Association criminelle, etc...

Par contre, ils ont osé miser sur un couple vedette neuf. C'était le premier rôle en vedette pour Barry Sullivan qui deviendra au cours des années suivantes un des piliers du Film Noir de série B.
De 1946 à 1954, on le vera tenir les premiers rôles dans une bonne douzaine de polars intéressants, chronologiquement : Traquée (47), Le gangster (47) dont j'ai déjà parlé dans ce sujet et qui
le vera à nouveau uni à Belita un an après le film de Tuttle, J'ai épousé un hors-la-loi (49), Tension (49), Jour de terreur (51), Discrétion assurée (51), The unkown man (51), La plage déserte
(53), Le mystère des bayous (53) et Dangereuse enquête (54).

Quant à Belita, c'était le premier film dans lequel on lui demandait véritablement une performance dramatique et c'est plutôt réussi. Elle était jusque là surtout connu comme patineuse sur
glace. Elle aurait même participé aux Jeux Olympiques de Berlin. En 1946, elle avait déjà tourné plusieurs films mettant en valeur ses talents de patineuse et aurait pu remplacer Sonja Henie
mais je pense que ce genre de films devait être passé de mode à l'arrivée de Belita dans la carrière.

Le film est passé à la TV chez nous. Sinon DVD zone 1 mais uniquement vo.
Dernière modification par André Jurieux le 2 oct. 12, 15:16, modifié 1 fois.
André Jurieux
Assistant(e) machine à café
Messages : 262
Inscription : 13 mai 11, 20:43

Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par André Jurieux »

bruce randylan a écrit :
André Jurieux a écrit : Par contre, je n'ai jamais vu un autre polar de Pevney, SHAKEDOWN. Quelqu'un sait-il si le film a été diffusé en France ?
Il était programmé l'an dernier à la cinémathèque dans leurs cycle "perles noires" (où il n'y avait pas que des perle) malheureusement il fait parti des quelque uns que j'ai raté.


Par contre, la cinémathèque a fait aussi un cycle autour des films noirs à l'italienne. :)
On pouvait y voir Rapt à Venise (Mario Soldati - 1954)

Il s'agissait d'une co-production avec l’Angleterre avec Trevor Howard au casting et s'inspirant d'un roman de Graham Greene. On y suit les déambulations d'un petit garçon à Venise dont le père vient d'être kidnappé.

C'est une œuvre correct mais qui manque un peu rythme et d'intensité. C'est plutôt plat et le scénario qui s'annonçait prometteur peine à décoller avec un enquête assez molle et des facilités un peu gênantes. Le casting est également assez inégale et manque d'implication.
Dommage car Soldati parvient de temps en temps à instaurer une certaine mélancolie avec cet enfant perdu dans cette ville labyrinthique à la recherche de son papa. Le cinéaste est surtout à l'aise dans l'atmosphère qu'il fait naître, la manière d'intégrer la ville à l'histoire, dans son sens de l'espace. Il y a quelques plans ainsi très bien conçus ou éclairés. Il y a talent sous-jacent qui explose dans la dernière séquence avec un combat dans un bateau qui parvient à rendre poignant le sort qui attend le "méchant" pour un lyrisme tragique. La mise en scène y est inspirée avec des mouvements de caméra précis, des gros plans soignés, une situation cruelle , un sens des détails peaufiné etc...
On aurait voulu que ce talent soit présent du début à la fin car le film se regarde tout de même avec détachement.


Brigade volante (Fernando Cerchio -1951)
Après la guerre, un criminel rejoint la police pour aider ses complices de l'intérieur à obtenir des informations sur des transferts d'argent
je ne connaissais pas du tout le cinéaste mais c'est une bonne surprise. Pas un grand film mais une histoire solide (bien que prévisible), prenante, des personnages attachants et réalistes, une mise en scène sans fioriture qui ne perd pas de temps.
Les dilemmes moraux du "héros" sont bien retranscrits sans tomber dans des bons sentiments larmoyants tandis que les soupçons de son supérieur sont l'occasion de pencher plus vers le drame sobre et touchant plutôt que le suspens artificiel.
C'est cette part d'humanité qui rend recommandable ce petit film humble, campé par d'excellents acteurs, avec en premier lieux un Charles Vanel toujours aussi impeccable.
Merci pour ta contribution. Je n'ai pas vu les 2 films italiens que tu mentionnes. Il y a déjà beaucoup à faire avec le cinéma américain mais évidemment le Film Noir US a essaimé un peu partout, en France, en Italie, au Japon, etc...

Au sujet du film de Pevney, ben c'est pas de bol car çà faisait un bon moment que je ne suivais plus l'actualité de la cinémathèque et des autres salles parisiennes lorsque ces raretés du Film Noir sont passés l'an dernier. Pour une fois, je me serais sans aucun
doute déplacé. C'est même je pense par toi, en lisant tes commentaires sur les films programmées dans ce cycle, que j'ai su ce que j'avais raté...Tu précises qu'il n'y avait pas que des perles mais pour ma part j'avais surtout retenu les commentaires plutôt
positifs.
Jullien Robert
Assistant(e) machine à café
Messages : 184
Inscription : 16 mai 05, 13:36

Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par Jullien Robert »

Je voudrais poser une question à André Jurieux, à propos
du film " les bas-fonds de Chicago" ( the human jungle) 1954,
où peut-on se procurer ce film ? Merci pour ta réponse,
amicalement, Robert.
kiemavel
Assistant opérateur
Messages : 2231
Inscription : 13 avr. 13, 09:09

Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par kiemavel »

ONE-WAY STREET. L'IMPASSE MAUDITE. Hugo Fregonese. 1950

Production : Leonard Goldstein pour Universal
Scénario : Lawrence Kimble
Phot. : Maury Gertsman
Musique : Frank Skinner

Avec James Mason (Doc. Frank Matson), Marta Toren (Laura), Dan Duryea (Wheeler), William Conrad (Ollie),
Basil Ruysdael (Le père Moreno) et dans des petits rôles : Jack Elam, Rodolfo Acosta, Rock Hudson et James Best.

Une nuit à Los Angeles, les sirènes de la police hurlent. Des hommes jouent tranquillement aux cartes. Ils viennent de commettre un casse et passent le temps avant de se partager le butin. L'un des hommes, Ollie ayant pris une balle dans le bras, Wheeler, le chef de la bande, envoie Laura, sa petite amie, chercher Frank Matson un médecin travaillant pour la pègre, qui se reposait dans une chambre voisine. Il soigne l'homme et fait prendre un cachet à Wheeler qui se plaignait d'un mal de tête. Peu après, il s'empare du butin et s'apprête à partir avec la petite amie de Wheeler à son bras. La bande s'interpose mais Matson leur fait croire qu'en fait de médicament il a fait prendre un poison mortel à Wheeler et qu'il lui communiquera l'antidote une heure plus tard au téléphone.

Les deux amants prennent la fuite en voiture mais Arnie (Jack Elam), un autre membre du gang, dissimulé à l'arrière tente de les doubler à son tour. Matson est contraint de le tuer. Arrivés à la frontière Mexicaine, ils prennent un avion de tourisme qui doit les emmener à Mexico mais l'avion connait une avarie qui l'oblige à se poser en pleine campagne. Un prêtre les mène jusqu'au village le plus proche. Matson ne pense d'abord qu'à fuir au plus vite cet endroit isolé et misérable voulant profiter de l'argent volé contrairement à Laura qui souhaite rester auprès de cette communauté ou elle espère retrouver une certaine quiétude et oublier le passé. Matson au dernier moment renonce à laisser Laura et commence a rendre des services comme médecin. Mais leurs anciens complices les recherchent....

Image

Un premier problème vient peut-être du casting. Dan Duryea, William Conrad, Jack Elam et même Marta Toren sont à leurs places mais peut-être que Mason ne convenait pas tout à fait pour un tel rôle. Je dis çà alors que je suis un grand admirateur de cet acteur. Pour montrer une réhabilitation, il faut déjà au préalable avoir fait sentir une certaine déchéance, or pour montrer la déchéance de Mason, il aura fallu le modifier génétiquement tant cet homme véhicule de dignité. Il y est certes parvenu, et comment !.. chez Cukor mais sa soûlographie était alors celle d'une High Society, étrangère au Film Noir, en tout cas étrangère au film de Fregonese.

Il aurait fallu un acteur de film noir, crédible en médecin, mais qui sentirait tout de même un peu le caniveau. Suffisamment sensible toutefois pour faire sentir cette métamorphose opéré au contact de cette communauté de gens simples auprès desquels il réapprend à vivre en exerçant à nouveau dignement son métier. A l'arrivée du couple au village, Mason est simplement désabusé et n'a aucunement l'intention de s'intéresser à la population et à ses problèmes. Par la suite, c'est par son activité de médecin que passera cette fois la réhabilitation, pas par la femme, en tout cas pas principalement par la femme.

J'en vois un qui aurait été capable de montrer toutes les nuances d'un tel rôle, c'est Widmark. Vraisemblable en médecin. Suffisamment crédible en Tough guy (au début et à la fin du film) et qui aurait pu mettre un peu plus de sensibilité au centre du film, notamment au moment de la crise du couple qui manque de se séparer. Il aurait fallu sans doute un type un peu plus instable et vacillant. Encore une fois, la dignité et la distinction qui sont l'ordinaire de Mason sont ici un (léger) handicap qui ôte au film un peu de sa vibration.

Ceci dit le principal responsable des (relatives) faiblesses du film, c'est Fregonese, le scénariste, le producteur ou les trois à la fois. Avec entre les mains ce scénario insolite pour un film noir ou durant 45 min au coeur du film il fallait faire vivre ce couple au sein d'une petite communauté paysanne qui vit, qui travaille, qui meurt, ils ont du avoir peur de faire fuir les spectateurs. La campagne, la poussière, le soleil. Un salopard qui devient le bienfaiteur de cul-terreux porteurs de sombreros, ce n'est pas vraiment l'ordinaire du genre....Alors ils comblent un peu le récit de 2 façons :

-Par des évènements sans intérêt mais qui passent le temps. On a droit aux bandits mexicains. Puis à la "cavalerie". Un gros général à cigare. Pour résumer : du folklore et du "couleurs locales".

et surtout :

-Par le style...En l'occurrence par l'humour que met Fregonese dans son récit. Je prends le risque d'en rendre responsable le metteur en scène en constatant que c'est une des caractéristiques de quelques autres films de lui que j'ai vu. L'humour est également très présent, et dans le même esprit, dans SADDLE TRAMP par exemple. Je suppose qu'on est pas obligé de voir cette aspect là du film. On peut, je crois, le prendre très "à coeur", très 1er degré, et pourquoi pas...Cependant, les éléments ricanants du récit ne manquent pas.

Quand le doc. se décide à porter le vêtement local, Fregonese en joue et insiste pour montrer l'incongruité de Mason avec un sombrero sur le crâne. D'ailleurs on ne le voit ainsi qu'une fois. Plus tard, quand le couple manque de se séparer, une conversation de Mason avec un enfant mexicain est sarcastiquement misogyne. On a ensuite un personnage de guérisseuse, aux allures de sorcière, qui s'oppose à la médecine moderne de Matson. Quand pour la première fois, le médecin est appelé au chevet d'un enfant malade, c'est encore le "mauvais homme" qui se déplace. Il y va à reculons et l'enfant meurt. La guérisseuse vitupère "Ben, je vous l'avais bien dit". Très vite, c'est un autre paysan qui réclame ses soins. Un cheval est malade. Une piqure et le cheval aussitôt galope comme à Vincennes. Il est comme çà James, il préfère les canassons aux enfants !

On retrouvera à plusieurs reprises la guérisseuse et il y a encore une dernière allusion à son influence sur la population au moment ou le couple quitte le village. Le docteur demande à celle qui les a hébergé ce qu'ils lui doivent pour le séjour prolongé du couple à son domicile…et elle demande : "De l'aspirine" . "Pardon ?" . Alors la femme ouvre une sacoche en peau qu'elle porte autour du cou, montre les diverses amulettes qu'elle contient et demande en rigolant "Mais j'aimerais bien qu'en même que vous me donniez quelques cachets d'aspirine !"

En conclusion, je trouve que ces péripéties nuisent un peu à l'unité d'ensemble et que l'atmosphère plutôt douce et délicate -que l'on doit aussi à Fregonese- est parfois un peu rompue par ces éléments parasites. Cette construction insolite qui nous fait passer de l'enfer urbain à une longue période paradisiaque pour un retour en enfer qui conclut le film était intéressante et même potentiellement passionnante à condition de conserver au récit une constante gravité. Or, les ruptures de ton évoquées plus haut m'ont un peu troublé. Celà dit...et malgré les apparences, c'est un film a voir. Si je suis un peu sévère c'est que regrettablement on a failli, seulement failli, avoir un chef d'oeuvre.

Une dernière remarque à propos de l'interprétation :

Celle de Basil Ruysdael en père Moreno est remarquable. Il tient dans cette histoire un rôle important. Un prêtre dans une histoire de rédemption, çà peut faire peur et ben pas du tout. Pas de prêchi-prêcha mais de l'intelligence, de la compréhension et de l'humour. Encore une fois, on a la aussi douceur et délicatesse qui sont un peu la marque de fabrique de Fregonese dans ses meilleurs jours. Par contre, c'était encore l'époque ou Jack Elam voyait pas la fin du film...Là, il se fait zigouiller à la fin du 1er quart d'heure. Poor Jack !
Dernière modification par kiemavel le 4 janv. 15, 20:30, modifié 4 fois.
André Jurieux
Assistant(e) machine à café
Messages : 262
Inscription : 13 mai 11, 20:43

Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par André Jurieux »

Jullien Robert a écrit :Je voudrais poser une question à André Jurieux, à propos
du film " les bas-fonds de Chicago" ( the human jungle) 1954,
où peut-on se procurer ce film ? Merci pour ta réponse,
amicalement, Robert.
Je t'envoie un MP robert
Federico
Producteur
Messages : 9462
Inscription : 9 mai 09, 12:14
Localisation : Comme Mary Henry : au fond du lac

Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par Federico »

Découvrant à l'instant ce topic, j'en profite pour copier/coller un commentaire que j'avais placé en Découvertes naphta 2011. Le film est selon toute apparence à très petit budget et le cinéaste méconnu... comme cinéaste seulement :wink: :

///////////////////////////////////////////////////

Cette semaine sur la Rai Tre, j'ai découvert un polar très rare dont je n'avais que vaguement entendu parler : Gangster story réalisé et interprété par le grand Walther Matthau en 1960. C'est une série B sans prétention et comme la copie proposée était assez médiocre et que j'avais du sommeil en retard, j'ai un peu piqué du nez malgré sa courte durée (65').
En tout cas, la mise en bouche est plaisante avec Matthau réalisant un braquage de banque très original, seul, au su et vu de tous y compris de flics qu'il a même le culot de convoquer sur place avec un flegme et un sang-froid estomaquants. Je n'expliquerai pas les détails pour ceux qui voudraient le découvrir mais rien que cette entrée en matière très inventive vaut le coup d'oeil. De toute façon, Matthau est un acteur qui peut rarement laisser indifférent, avec lequel on ne sait jamais trop sur quel pied danser avec son jeu inquiétant, ce mélange de bonhommie et de méchanceté, de comédie et de vacherie (que j'ai souvent cru retrouver chez Philippe Noiret).
Ensuite, comme je l'ai expliqué, j'ai un peu perdu le fil. Les truands locaux agacés par ses méfaits en solo veulent sa peau, Matthau flirte avec une jeune bibliothécaire (comme il se doit affublée de grosses lunettes) interprétée par Carol Grace, alias Mme Matthau* et ça finit mal.
Je n'ai pas été époustouflé par la mise en scène qui m'a semblé un peu aléatoire et sent le film tourné avec de très petits moyens et probablement dans l'urgence (impression confirmée à la lecture de sa fiche IMDB). Bref, à revoir dans une copie correcte (si elle existe) comme un des multiples et souvent intéressants exemples du passage de grands acteurs américains derrière la caméra.
Image

En recherchant des images du film, je suis tombé sur cette autre affiche euh... anachronicoportnawakesque... :shock:

Image

(*) Elle avait auparavant été l'épouse de l'écrivain William Saroyan et (si j'en crois IMDB) aurait servi de modèle à Truman Capote pour le personnage de Holly Golighly de Diamants sur canapé.
The difference between life and the movies is that a script has to make sense, and life doesn't.
Joseph L. Mankiewicz
André Jurieux
Assistant(e) machine à café
Messages : 262
Inscription : 13 mai 11, 20:43

Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par André Jurieux »

Merci pour ta contribution Federico.

Celui là je ne l'ai pas vu et je n'en avais même jamais entendu parler. La note sur IMDB effectivement n'est pas brillante et confirme ce que tu en dis, surtout qu'il y a plus de 2OO votants,
c'est déjà pas mal et signifie que le film est assez bien connu aux USA. Pour certains polars réputés mais difficiles à voir, il y a souvent encore moins de votants que çà.

Je découvre aussi que c'est l'unique film réalisé par Matthau. Dans la famille des grands acteurs qui n'auront mis en scène qu'un seul film, il y a le plus doué, Laughton et les autres...

Il y a d'autres bizarreries dans l'histoire du polar. Je pense à un autre film unique "Les tueurs de la lune de miel" qui aura été le seul de son auteur et réalisateur, Leonard Kastle.

Pour l'affiche du film, comment dire :D ....Si tu mets la tête de Charles Bronson, fait l'expérience, çà fonctionne mieux...

Prochain film sur lequel je vais écrire quelques lignes : DRIVE A CROOKED ROAD de Richard Quine.
Ce sera peut-être le dernier.
daniel gregg
Producteur Exécutif
Messages : 7030
Inscription : 23 févr. 04, 23:31

Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par daniel gregg »

André Jurieux a écrit :----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

ONE-WAY STREET. L'IMPASSE MAUDITE. Hugo Fregonese. 1950

Production : Leonard Goldstein pour Universal
Scénario : Lawrence Kimble
Phot. : Maury Gertsman
Musique : Frank Skinner

Avec James Mason (Doc. Frank Matson), Marta Toren (Laura), Dan Duryea (Wheeler), William Conrad (Ollie),
Basil Ruysdael (Le père Moreno) et dans des petits rôles : Jack Elam, Rodolfo Acosta, Rock Hudson et James Best.
Spoiler (cliquez pour afficher)
Une nuit à Los Angeles, les sirènes de la police hurlent. Des hommes jouent tranquillement aux cartes. Ils viennent de commettre un casse et passe le temps avant de se partager le butin.
L'un des hommes, Ollie ayant pris une balle dans le bras, Wheeler, le chef de la bande, envoie Laura, sa petite amie, chercher Frank Matson un médecin travaillant pour la pègre, qui se
reposait dans une chambre voisine. Il soigne l'homme et fait prendre un cachet à Wheeler qui se plaignait d'un mal de tête. Peu après, il s'empare du butin et s'apprête à partir avec la petite
amie de Wheeler à son bras. La bande s'interpose mais Matson leur fait croire qu'en fait de médicament il a fait prendre un poison mortel à Wheeler et qu'il lui communiquera l'antidote une
heure plus tard au téléphone.

Les deux amants prennent la fuite en voiture mais Arnie (Jack Elam), un autre membre du gang, dissimulé à l'arrière tente de les doubler à son tour. Matson est contraint de le tuer. Arrivés à
la frontière Mexicaine, ils prennent un avion de tourisme qui doit les emmener à Mexico mais l'avion connait une avarie qui l'oblige à se poser en pleine campagne.
Un prêtre les mène jusqu'au village le plus proche. Matson ne pense d'abord qu'à fuir au plus vite cet endroit isolé et misérable voulant profiter de l'argent volé contrairement à Laura qui souhaite
rester auprès de cette communauté ou elle espère retrouver une certaine quiétude et oublier le passé. Matson au dernier moment renonce à laisser Laura et commence a rendre des services
comme médecin.
Mais leurs anciens complices les recherchent....

Image

Un premier problème vient peut-être du casting. Dan Duryea, William Conrad, Jack Elam et même Marta Toren sont à leurs places mais peut-être que Mason ne convenait pas tout à fait pour un tel
rôle. Je dis çà alors que je suis un grand admirateur de cet acteur. Pour montrer une réhabilitation, il faut déjà au préalable avoir fait sentir une certaine déchéance, or pour montrer la déchéance
de Mason, il aura fallu le modifier génétiquement tant cet homme véhicule de dignité. Il y est certes parvenu, et comment !, chez Cukor mais sa soûlographie était alors celle d'une High Society,
étrangère au Film Noir, en tout cas étrangère au film de Fregonese.

Il aurait fallu un acteur de Film Noir, crédible en médecin, mais qui sentirait tout de même un peu le caniveau. Suffisamment sensible toutefois pour faire sentir cette métamorphose opéré au contact
de cette communauté de gens simples auprès desquels il réapprend à vivre en exerçant à nouveau dignement son métier. A l'arrivée du couple au village, Mason est simplement désabusé et n'a aucunement
l'intention de s'intéresser à la population et à ses problèmes. Par la suite, c'est par son activité de médecin que passera cette fois la réhabilitation, pas par la femme, en tout cas pas principalement par la
femme.

J'en vois un qui aurait été capable de montrer toutes les nuances d'un tel rôle, c'est Widmark. Vraisemblable en médecin. Suffisamment crédible en Tough guy (au début et à la fin du film) et qui aurait
pu mettre un peu plus de sensibilité au centre du film, notamment au moment de la crise du couple qui manque de se séparer. Il aurait fallu sans doute un type un peu plus instable et vacillant. Encore une
fois, la dignité et la distinction qui sont l'ordinaire de Mason sont ici un (léger) handicap qui ôte au film un peu de sa vibration.



Ceci dit le principal responsable des (relatives) faiblesses du film, c'est Fregonese, le scénariste, le producteur ou les trois à la fois.

Avec entre les mains ce scénario insolite pour un Film Noir ou durant 45 min au coeur du film il fallait faire vivre ce couple au sein d'une petite communauté paysanne qui vit, qui travaille, qui meurt, ils
ont du avoir peur de faire fuir les spectateurs. La campagne, la poussière, le soleil. Un salopard qui devient le bienfaiteur de cul-terreux porteurs de sombreros, ce n'est pas vraiment l'ordinaire du genre....
Alors ils comblent un peu le récit de 2 façons.

-Par des évènements sans intérêt mais qui passent le temps. On a droit aux bandits mexicains. Puis à la "cavalerie". Un gros général à cigare. Pour résumer : du folklore et du couleur locale.

et surtout :

-Par le style...En l'occurrence par l'humour que met Fregonese dans son récit. Je prends le risque d'en rendre responsable le metteur en scène en constatant que c'est une des caractéristiques de quelques
autres films de lui que j'ai vu. L'humour est également très présent, et dans le même esprit, dans SADDLE TRAMP par exemple.

Je suppose qu'on est pas obligé de voir cette aspect là du film. On peut, je crois, le prendre très "à coeur", très 1er degré, et pourquoi pas...Cependant, les éléments ricanants du récit ne manquent pas.

Quand le doc. se décide à porter le vêtement local, Fregonese en joue et insiste pour montrer l'incongruité de Mason avec un sombrero sur le crâne. D'ailleurs on ne le voit ainsi qu'une fois.

Plus tard, quand le couple manque de se séparer une conversation de Mason avec un enfant mexicain est sarcastiquement misogyne.

On a ensuite ce personnage de guérisseuse, aux allures de sorcière, qui s'oppose à la médecine moderne de Matson. Quand pour la première fois, le médecin est appelé au chevet d'un enfant malade, c'est
encore le "mauvais homme" qui se déplace. Il y va à reculons et l'enfant meurt. La guérisseuse vitupère "Ben, je vous l'avais bien dit". Très vite, c'est un autre paysan qui réclame ses soins. Un cheval est malade.
Une piqure et le cheval aussitôt galope comme à Vincennes. Il est comme çà James, il préfère les canassons aux enfants !

On retrouvera à plusieurs reprises la guérisseuse et il y a encore une dernière allusion à son influence sur la population au moment ou le couple quitte le village. Le docteur demande à celle qui les a hébergé ce
qu'ils lui doivent. "De l'aspirine" . "Pardon ?" . Alors la femme ouvre une sacoche en peau qu'elle porte autour du cou, montre les diverses amulettes qu'elle contient et demande en rigolant "Mais j'aimerais bien
qu'en même que vous me donniez quelques cachets d'aspirine !"

En conclusion, je trouve que ces péripéties nuisent un peu à l'unité d'ensemble et que l'atmosphère plutôt douce et délicate -que l'on doit aussi à Fregonese- est parfois un peu rompue par ces éléments parasites.
Cette construction insolite qui nous fait passer de l'enfer urbain à une longue période paradisiaque pour un retour en enfer qui conclut le film était intéressante et même potentiellement passionnante à condition
de conserver au récit une constante gravité. Or, les ruptures de ton évoquées plus haut m'ont un peu troublé.

Celà dit...et malgré les apparences, c'est un film a voir. Si je suis un peu sévère c'est que regrettablement on a failli, seulement failli, avoir un chef d'oeuvre.

Une dernière remarque à propos de l'interprétation :

Celle de Basil Ruysdael en père Moreno est remarquable. Il tient dans cette histoire un rôle important. Un prêtre dans une histoire de rédemption, çà peut faire peur et ben pas du tout. Pas de prêchi-prêcha mais
de l'intelligence, de la compréhension et de l'humour. Encore une fois, on a la aussi douceur et délicatesse qui sont un peu la marque de fabrique de Fregonese dans ses meilleurs jours. Par contre, c'était encore
l'époque ou Jack Elam voyait pas la fin du film...Là, il se fait zigouiller à la fin du 1er quart d'heure. Poor Jack !
Tiens ?! Tu l'as vu comment ce film ?
André Jurieux
Assistant(e) machine à café
Messages : 262
Inscription : 13 mai 11, 20:43

Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par André Jurieux »

daniel gregg a écrit :
Tiens ?! Tu l'as vu comment ce film ?
Je fais un peu semblant de ne pas comprendre ta question...car la formulation est ambigüe surtout après notre récente altercation ...

La question, c'est où ? comment ? par qui ? :wink: ...ou bien veux-tu connaitre la version audio ?

Bon sans rire grinçant cette fois, je parie sur le meilleur et te réponds sur le second point.

Je l'ai en VO non sous-titré. A ma connaissance le film n'est jamais passé sur une chaine française mais il a peut-être été projeté dans
des festivals de cinéma ou à la cinémathèque. Je serais étonné du contraire.

Je sais qu'à Beaubourg ont été projeté certains films rares de Fregonese, notamment certains de ses films argentins. C'est très ancien et
j'ignore si One-way street était passé à cette occasion.
Avatar de l’utilisateur
Jack Carter
Certains l'aiment (So)chaud
Messages : 30344
Inscription : 31 déc. 04, 14:17
Localisation : En pause

Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par Jack Carter »

Il y a eu une retro Fregonese à la Cinematheque Française en 2003, peut-etre est-il passé à cette occasion.
Image
The Life and Death of Colonel Blimp (Michael Powell & Emeric Pressburger, 1943)
Répondre