Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méconnus

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky

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kiemavel
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Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par kiemavel »

Federico a écrit :
kiemavel a écrit :
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Ah evidemment si tu convoques du vrai velu. Fais gaffe quand meme, va pas poster une photo de Raymond Burr alonge au bord du grand bassin :idea:
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Kwaaa ?

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...:lol: :lol: :lol: Je m'etais pourtant dis "...ca, y va jamais trouver "
kiemavel
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Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par kiemavel »

Poursuite du topic après...Trop de boulot, longues vacances puis vendanges. Début d'une nouvelle série avec :

JOHNNY STOOL PIGEON qui vaut surtout pour son casting de feu :

Howard Duff, Dan Duryea, Shelley Winters, John McIntire et Tony Curtis


Ensuite, retour sur des cinéastes déjà évoqués au cours des derniers mois...
kiemavel
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Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par kiemavel »

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JOHNNY STOOL PIGEON. William Castle. 1949

Avec Howard Duff (George Morton), Dan Duryea (Johnny Evans), Shelley Winters (Terry), Barry Kelley (McCandles), John McIntire (Nick Avery), Tony Curtis (Joey Hyatt)

Le port de San Francisco, la nuit. Deux agents des stupéfiants guettent le débarquement d'un marin. Les policiers souhaitent l'interpeler et avec lui l'homme venu à sa rencontre mais au moment ou ils se manifestent, le jeune marin est abattu par son contact qui parvient à s'enfuir. Sur le jeune homme, les inspecteurs retrouvent l'héroïne qu'il transportait. Ayant identifié l'assassin, la police se lance à sa recherche mais juste avant leur arrivée à son domicile, l'homme est à son tour abattu par un tueur qui a le temps de voir les inspecteurs avant de s'enfuir. Leur seule piste pour identifier les membres de l'important réseau de trafiquants internationaux qu'ils traquent en vain depuis des années s'arrêtant après la mort de ces rares témoins, en désespoir de cause Morton propose d'essayer de convaincre un homme qu'il avait fait condamner à perpétuité, qui connait parfaitement le milieu, de collaborer avec la police et d'aider Morton a infiltrer la filière. Il fait donc sortir de prison Johnny Evans et après un périple qui leur permet d'identifier différents membres du réseau, il parviennent jusqu'à Tucson et découvre qu'une livraison de drogue va prochainement passer la frontière avec le Mexique…

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Les agents fédéraux qui risquent leur peau en infiltrant des organisations criminelles, c'est une trame de base qui a beaucoup servi. On l'a vu chez les inspecteurs des postes (Echec au hold-up/Appointment with Danger) dans lequel Alan Ladd était recruté par une bande préparant le braquage d'un fourgon postal (Page 19 du topic). Dans La brigade du suicide/T-Men, c'était des agents du trésor qui infiltrait un réseau de fabricants de fausse monnaie. Dans un autre film d'Anthony Mann, Incident de frontières/Border Incident, l'action se situait dans le milieu des travailleurs clandestins exploités et assassinés par des passeurs, sans parler des multiples films mettant en scène les G-men, dont le prototype ou le modèle reste sans doute le bien nommé G-Men/Guerre au crime de Wiliam Keighley. Ici, il s'agit donc d'agents des " Narcotics " qui infiltrent un réseau international de trafiquants de drogue. On voyage donc beaucoup, de San Francisco à Vancouver, puis on rejoint Tucson et le Mexique.

Cela dit, même si les péripéties ne manquent pas, ce n'est pas tellement son scénario finalement très conventionnel qui fait l'intérêt du film, son point (très) fort c'est son casting d'enfer. L'histoire est racontée en voix off par l'inspecteur Morton (Howard Duff), dont l'interprétation solide et comme d'habitude sans éclat -voir même le coté froid et raide- sert parfaitement ce personnage de flic antipathique introduit dans le milieu des trafiquants par le véritable personnage central du film, ce Johnny Stool Pigeon (Johnny le mouchard), Johnny Evans (Dan Duryea) qui fut son ami d'enfance mais qui avait mal tourné et qu'il avait même contribué jadis à capturer. Condamné à la prison à vie à Alcatraz, Johnny Evans est rempli de haine pour Morton et pour tous les représentants de l'ordre. Lorsqu'on le découvre pâle et inquiétant sous la lumière brute d'un couloir d'Alcatraz, le commentaire en voix off nous dit : "He was a gangster and a hoodlum and he hated every cop that ever breathed/C'était un gangster et un voyou et il détestait tous les flics qui respirent". Il accepte malgré tout la proposition de Morton devant le cadavre de sa femme qui vient de mourir d'une overdose mais la tension est énorme entre les 2 hommes et elle amène une première dose de suspense. Cette histoire d'amitié trahie et le contraste entre ces 2 personnalités et leurs interprètes est très intéressante car le plus sympathique des 2 n'est pas forcement celui qu'on croit.

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Le "salopard" est d'ailleurs interprété par un formidable Dan Duryea qui offre une palette très variée. Plein de haine d'abord, rejetant violemment la proposition de son traitre à lui, l'ami d'enfance passé dans l'autre camp…puis on le verra anéanti, bouleversé par la mort de sa femme et rendu ainsi fragile alors que Morton tente de le persuader qu'il doit collaborer…Puis bientôt ricanant quand il jouera avec les nerfs de Morton lui promettant qu'il ne verra pas la fin de l'enquête. Il aide néanmoins Morton a endosser l'identité d'un trafiquant de drogue. Morton devient ainsi Doyle au curriculum vitae chargé. Il se fait même houspiller par Evans lorsqu'il manque de conviction dans ce nouveau rôle (çà aurait pu être d'ailleurs aussi l'acteur Duryea qui engueule Duff pour le même manque de conviction…). Cela dit, à sa façon de surveiller Morton du coin de l'oeil, semblant près à profiter du moindre faux pas, on est persuadé qu'à la première occasion il va tenter de se débiner, qu'il va même carrément descendre son ex-ami ou qu'il va le trahir auprès de la bande de trafiquants.

Pourtant, ce "violent" est aussi plus humain et sensible que Morton qui ne s'intéresse à rien en dehors de sa mission. Il ne prête par exemple nullement attention au 3ème personnage important de cette histoire,Terry, qui pourtant très attirée par lui, finira par se pendre au cou d'Evans. On la découvre à Vancouver ou les 2 faux trafiquants tentent d'infiltrer une entreprise d'import-Export dirigée par McCandles, le patron local du trafic. Méfiant, celui ci charge Terry, sa petite amie, de les surveiller mais elle profite de l'occasion pour prendre la fuite. Le personnage est interprété par une Shelley Winters, déjà rondouillarde et dans un registre qu'on lui connait : suppliante, geignarde…Touchante ou agaçante. Elle se pend au cou du premier venu, se dandine dans des robes trop serrées, porte des chouchous dans les cheveux, pouffe de rires à la lecture d'une bande dessinée. Elle a déjà bien vécu et dira à Evans qui hésite à la serrer de trop près : " Don’t be scared. I bruise easy but I won’t break/ N'ai pas peur. Je marque facilement mais ne casse pas ". Le modèle de ce type de personnage, bien que venant postérieurement, serait Ginnie, la petite prostituée interprétée par Shirley Maclaine dans le sublime "Some Came Running" de Minnelli.

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Un mot sur les seconds rôles dont certains sont formidables. Dans celui de McCandles, on retrouve un habitué du genre, Barry Kelley, qu'on a vu souvent en méchant à col blanc, dont 3 ou 4 fois en avocat véreux. Ici, il passe presque inaperçu contrairement à John McIntire, extraordinaire en chef mafieux qui n'en a pas l'air. C'est le riche propriétaire d'un ranch situé à proximité de Tucson, elle même opportunément proche de la frontière mexicaine. Il faut le voir affable, presque tout le temps hilare dans sa tenue de cow-boy d'opérette assez grotesque. A l'hôtel de Tucson, on re(croise) aussi le chemin de Joey (Tony Curtis), le tueur à gages muet de l'organisation. Il avait failli être surpris par les flics après l'exécution d'un témoin gênant et passe son temps à surveiller Morton se contentant de fronçer les sourcis dans un effort pour se rappeler ou il l'a vu auparavant. Pourtant sa présence silencieuse et inquiétante donne quelques bonnes scènes, parmi les plus intéressantes visuellement et celles qui amènent le plus de suspense.

Notamment une scène située dans le bar de l'hôtel ou sont descendu les 2 Stool Pigeon. Castle et son chef opérateur jouent de la profondeur de champ pour nous montrer tous les protagonistes importants dans toute l'ambiguité de la situation du moment car on est persuadé que Duryea est sur le point de trahir Duff, ce moment clé se déroulant sous les yeux de Curtis. Même si l'originalité de la mise en scène de castle est moins évidente que dans certains de ses films " d'Horreur " ou que dans d'autres films noirs, il montre tout son savoir faire au moins dans une autre scène, la 1ère dans laquelle on découvrait le tueur muet qui échappait de justesse aux enquêteurs de police se rendant chez un témoin clé. Le travail sur les images est lui assez anonyme, on est loin en tout cas des recherches visuelles de Étrange Vacance/When Strangers Marry (page 19 du topic) ou des vues superbes sur la ville de Chicago magnifiquement mise en valeur dans Une Balle dans le Dos/Undertow (également en page 19). En revanche, bonne direction d'acteurs car dans ce rôle qui pouvait entrainer quelques excès de la part de John McIntire, il en fait beaucoup mais pas trop…

NB : Pour l'anecdote, 3 ans plus tard, Tony Curtis se verra offrir un autre rôle de sourd muet dans le film " Flesh and Fury " de Joseph Pevney (Page du topic). Qu'est ce qu'il avait Tony, c'est son accent New-yorkais qui posait problème ?
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Message par Supfiction »

Dan Duryea ... j'adore ce gars ! King of the "salopards" ! :D
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Message par kiemavel »

Supfiction a écrit :Dan Duryea ... j'adore ce gars ! King of the "salopards" ! :D
Salut Stup...Oh pardon ! Sup :mrgreen: (running gag)...Et bien en voici un autre avec Dan Duryea, bien moins rare que le précédent :

Slaughter on Tenth Avenue avec un casting de bras cassés :fiou: :

Richard Egan, Jan Sterling, Dan Duryea, Julie Adams, Walter Matthau, Charles McGraw, Sam Levene et Mickey Shaughnessy
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Message par Supfiction »

kiemavel a écrit :
Supfiction a écrit :Dan Duryea ... j'adore ce gars ! King of the "salopards" ! :D
Salut Stup...Oh pardon ! Sup :mrgreen: (running gag)
Ah c'est malin..., André..pardon kiemavel!
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Message par kiemavel »

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MEURTRES SUR LA 10ème AVENUE (Slaughter on Tenth Avenue). Arnold Laven. 1957

Avec Richard Egan (Bill Keating), Jan Sterling (Madge Pitts), Sam Levene (Howard Rysdale), Dan Duryea (John Masters), Julie Adams (Dee Pauley), Walter Matthau (Al Dalhke), Mickey Shaughnessy (Solly Pitts), Charles McGraw (Lt. Tony Vosnick) et Nick Dennis (Docker), Joe Downing (Eddie "Cockeye" Cook), Mickey Hargitay (Big John)


Solly Pitts, un docker qui tentait de dénoncer le racket dont sont victimes les employés du port de New-York, est abattu alors qu'il sortait de chez lui. Très grièvement blessé, il révèle à sa femme le nom du commanditaire de la tentative de meurtre ainsi que celui de ses hommes de main, réitère ses accusations aux enquêteurs puis soudain se rétracte et refuse de les confirmer, se murant dans le silence et ordonnant à sa femme de se taire également, par crainte des représailles qui s'exerceraient sur elle car il pressent qu'il ne survivra pas à ses blessures. Sur la base des premières accusations portées par Solly qui accusait Cockeye Cook, un chef de gang et ses tueurs, Bill Keating, un jeune assistant du procureur qui avait été amené à se déplacer sur les lieux du crime pour y effectuer les premières constatations, est choisit contre toute attente pour constituer le dossier d'accusation et démasquer les gangsters qui rackettent le milieu des dockers. Il commence à mener l'enquête avec l'aide du Lt Vosnick et cherche à recueillir des témoignages malgré les tentatives d'intimidation voir la répression exercée par Al Dahlke, le relai de la mafia sur les docks...

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Un film policier plus qu'un film noir. Le scénario s'inspire de l'autobiographie de William Keating "The man Who Rock The Boat", qui racontait son expérience en tant qu'assistant du district Attorney de New-York dans les années 50. C'est un "Sur les quais" bis qui ne vaut pas son grand frère mais qui est néanmoins intéressant à plus d'un titre. D'abord, les personnages centraux ne sont pas les dockers mais les hommes de loi. On se situe du point de vue de l'assistant qui dans sa lutte contre la corruption et le racket sévissant sur les docks tentera de briser la loi du silence régnant dans le milieu. Il devra aussi se battre avec sa hiérarchie qui mettra longtemps en doute ses capacités, le jugeant incapable de constituer un dossier d'accusation solide. Tout cet aspect du film est d'ailleurs passionnant et montre de manière crédible et sérieuse les procédures judiciaires américaines, notamment tout ce qui concerne les préparatifs d'un procès et la complexité de se présenter avec des éléments suffisants pour espérer l'emporter…Puis il montre le procès lui-même, qui permet à de grands acteurs, notamment Dan Duryea et Charles McGraw, de faire admirer tout leur savoir faire.

C'est d'ailleurs le 1er point remarquable du film, son casting d'enfer qui épaule un Richard Egan bien souvent encore moins inspiré que l'était Howard Duff (voir film précédant) mais qui trouve là un de ses meilleurs rôles, sinon le rôle de sa vie. Il joue donc l'assistant de l'attorney. Né dans une ville ouvrière, c'est un fils d'un mineur, hésitant, inexpérimenté mais déterminé à réussir alors que l'on s'obstine à mettre en doute ses compétences, y compris l'assistant de l'attorney Howard Rysdale ( joué par un formidable Sam Levene ) qui avait confié l'affaire à Keating parce qu'il était persuadé qu'il lui serait impossible de confondre Cockeye Cook et ses complices. A chaque fois que Keating croira trouver des éléments à charge, Rysdale s'acharnera à les démonter. La leçon -passionnante à suivre- sera rude. Entre le vieux professionnel qui connait tous les rouages du système judiciaire américain et le jeune assistant, la lutte sera de tous les instants. La leçon portera ses fruits mais Keating devra prouver sa valeur…sans doute autant en raison de ses origines modestes qu'en raison de son inexpérience. Pendant une bonne partie du récit, la proximité du jeune homme avec son ainé sera même bien moins évidente que les relations courtoises et même complices existant entre le procureur et le représentant de la partie adverse, l'avocat de la mafia, lui même un ancien procureur et presque le modèle de Rysdale. Ils se connaissent parfaitement, leurs familles respectives se côtoient. Ils sont de la même famille ! Au moins une scène remarquable, un moment de détente entre les 3 principaux personnages montre parfaitement cette emprise du milieu social car Keating se rendra compte qu'il est l'intrus, l'élément incongru de la situation. Il observera et écoutera donc les 2 autres parler de leur travail comme une sorte de noble art réservé à une élite...Mais c'est aussi un monde impitoyable comme le montreront les scènes du tribunal dans lesquels le personnage interprété par Dan Duryea montrera son véritable visage...

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Malgré ce sentiment d'exclusion et l'isolement ressenti par Keating, la leçon donnée finira par porter ses fruits puisque, sous les yeux de son mentor, il finira par prouver qu'il a été à bonne école au cours d'une autre scène remarquable, l'interrogatoire de Madge Pitts, la femme de l'homme qui avait été abattu, dans laquelle il la poussera à bout pour s'assurer de la fiabilité de son témoignage et surtout pour savoir si elle tiendra sous la pression exercée par l'avocat des suspects au cours des audiences. C'est la transition entre la partie du film dominée par l'interprétation de Sam Levene et celle du procès qui fera la part belle à un formidable Dan Duryea qui mettra effectivement les témoins sous pressions, employant des méthodes bien plus rudes qu'escomptées. L'entreprise de dénigrement des témoins en recherchant dans leurs vies privées et professionnelles, ou dans leur passé les informations pouvant mettre un doute dans l'esprit des jurés sur la fiabilité de leurs témoignages ne doit pas être dans tous les manuels. Le 1ère a subir cette pression, c'est d'ailleurs Madge Pitts. Jan Sterling est donc ici une assez improbable femme de docker, à l'opposé du glamour et/ou de ses rôles de garces habituelles. Elle est l'épouse de Solly Pitts interprété par un Mickey Shaughnessy grimaçant et râlant…mais allez vous marrer avec 3 ou 4 balles dans le buffet même si Mickey est plutôt du genre courageux et solide.

Parmi les autres seconds rôles, je retiens aussi Charles McGraw qui interprète le flic bourru, obsédé par cette affaire et qui dans sa volonté de voir les racketeurs derrière les barreaux ne sera pas trop regardant sur les méthodes à employer. C'est celui qui sera à la suite de Madge mis sur le grill par Dan Duryea dans un autre grand moment du film. Julie Adams joue bien plus anonymement la petite amie de Keating…et elle est juste aussi jolie que d'habitude mais n'a rien d'autre à faire que de sourire…Un prêtre drolatique qui distribue des armes anti émeutes tout en demandant conseil à dieu est interprété par le vétéran Jack LaRue mais le dernier a vraiment crever l'écran, c'est Walter Matthau dans un de ses 1er rôle au cinéma. Il interprète un inquiétant Al Dahlke, l'intermédiare entre le grand patron Eddie "Cokeye" cook et les dockers. C'est celui qui fait régner l'ordre sur les quais. Il ordonne la répression contre les récalcitrants, "achète l'indulgence" de la police et tentera par tous les moyens d'arrêter les investigations de Keating : l'intimidation, les tentatives de corruption, les menaces directes.

La mise en scène de Laven qui en était en 1957 à son 4ème Film Noir est de loin la plus brillante de toute la série. Un exemple : dans une longue séquence filmée à la grue, le lendemain de la tentative d'assassinat sur Solly Pitts, Walter Matthau envoie ses hommes donner une leçon à une grande gueule, un docker interprété par Nick Dennis. Il refuse la loi du silence des dock et tente de convaincre les hommes de ne pas céder. L'homme est tabassé et jeté à l'eau sous les yeux impuissant de Richard Egan dans une longue séquence remarquable. Après WITHOUT WARNING ! (page 9 du topic) et VICE SQUAD (Investigations criminelles) à la page 23, de la famille polar, pour Arnold Laven il ne reste plus que DOWN THREE DARK STREET (L'assassin parmi eux) avec Broderick Crawford et Ruth Roman dont je n'ai pas encore parlé…mais il arrive.

Pour celui ci, le trio Duryea-Levene-Matthau rend à lui seul le visionnnage indispensable.
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Supfiction a écrit :
kiemavel a écrit :
Salut Stup...Oh pardon ! Sup :mrgreen: (running gag)
Ah c'est malin..., André..pardon kiemavel!
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Meurtres sur la dixième avenue a l'air sympa sinon.. Pas si bien moins rare que ça malheureusement.
Ne sors pas trop les vieux dossiers stp :mrgreen:

Et sinon :

Le premier est à ma connaissance inédit en France. Le second en revanche a déjà été diffusé à la télévision et il n'y a pas si longtemps. Par contre, comme pour le film de Laven critiqué précédemment, Vice Squad, je pense qu'il n'a été visible qu'en VF.
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FINGERS AT THE WINDOW. Charles Lederer. 1942

Avec Lew Ayres (Oliver Duffy), Laraine Day (Edwina Brown), Basil Rathbone (Cesar/Dr. Santelle), Walter Kingsford (Dr. Cromwall) et Miles Mander (Dr. Immelman)

La ville de Chicago est terrorisée par une série de 5 crimes commis par des tueurs armés de hache. Le soir ou un nouveau crime vient de se produire, Oliver Duffy, un acteur au chômage rentrant chez lui, est intrigué par le comportement d'un homme qui a l'air de suivre une jeune femme. Il le signale à un policier qui ne le prend pas au sérieux, pas plus qu'il n'est pris au sérieux par la jeune femme qu'il raccompagne néanmoins à son domicile. Persuadé qu'elle est surveillée par un tueur, Il revoie la jeune femme et s'assure de sa sécurité, et effectivement, au cours de la nuit suivante, un homme armé d'une hache s'introduit dans l'appartement d'Edwina mais il est maitrisé par le jeune acteur qui faisait le guet. Conduit au commissariat, le vieil homme, comme tous les autres fous capturés, demeure prostré et se révèle incapable de s'expliquer sur la tentative de meurtre. La police a l'air de croire à la fin de l'affaire mais accompagnant la jeune femme jusqu'à la chambre d'hôtel réservée par la police pour qu'elle y trouve un refuge provisoire, Duffy constate que la hache de secours du couloir de l'hôtel s'est volatilisée…et il a le temps de voir un autre homme prendre la fuite. Dès lors, il devient clair que c'est la charmante Edwina Brown qui est visée…

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Un tout petit film noir, en tout cas un film catalogué comme tel et dont l'intrigue aurait pu nous donner au moins un thriller très inquiétant à la Jack l'éventreur mais qui par son traitement offre un mélange des genres plutôt surprenant qui tient du film gothique (raté), du récit mystérieux…mais qui est surtout plaisant par le ton de comédie adopté dès ses prémisses. Ce n'est donc pas tout à fait le film que l'on attend mais le film possède néanmoins quelques attraits. Il démarre comme un film gothique. La nuit ; les rues désertes de Chicago ; une jeune femme rentre chez elle ; une silhouette menaçante se déplace ; son ombre se projète sur les murs de la ville…mais on pense plus à Tom, de Tom et Jerry, rasant les murs sur la pointe des pieds qu'aux étrangleurs ou éventreurs de New-York, de Londres ou d'ailleurs. Le tueur à la hache qui poursuivait la charmante Laraine Day est d'ailleurs très improbable. L'homme capturé par le jeune acteur au chômage est un brave petit vieux au regard halluciné bon pour la maison de retraite des dingos. Pour expliquer cette série de crimes, l'expert psychiatre de la police penche pour une forme d'hystérie collective et contagieuse mais spontanée et la police se range à cet avis. Or, il semble bien que loin d'être une victime choisie au hasard, la jeune Edwina Brown est en réalité la cible de plusieurs tueurs. N'étant absolument pas pris au sérieux par la police qui prétend avoir la situation en main, l'apprenti détective, l'acteur Oliver Duffy, cherche tant bien que mal à comprendre ce qui dans le passé de la jeune femme pourrait expliquer ces tentatives d'assassinat mais la jeune femme ne cesse de mentir et de dissimuler son passé…

La charmante Edwina Brown, une danseuse de cabaret, est d'ailleurs aussi ravissante qu'elle est idiote. Lorsqu'au commissariat, les enquêteurs lui demandent de raconter les évènements de la soirée, elle ne comprend rien de ce qu'on lui dit et à chaque fois qu'elle commence à s'exprimer, elle est aussitôt interrompue par l'acteur qui rejoue les situations, se mettant même dans la peau du tueur. Les flics ne pensent alors qu'à s'en débarrasser mais elle-même se révèle incapable de raconter simplement et clairement les faits. Plus tard, Il faut la voir bouche bée lorsque le jeune acteur tentera de lui expliquer la machination dont elle est l'objet, puis faire la coquette et mentir au jeune homme qui veut l'aider, uniquement par crainte de voir sa réputation ternie par les révélations sur sa vie "dissolue" à l'époque ou elle avait passé quelques années à Paris. De son coté, Lew Ayres est un des plus cools héros de film noir que j'ai vu. Cet acteur au chômage élégant, portant l'habit et le haut de forme est assez farfelu. il cite des poètes et les allusions littéraires sont assez nombreuses dans son dialogue. Il s'improvise garde du corps de la stupide et vulnérable Edwina et se révèle être un détective amateur perspicace et débrouillard. Ce couple vedette est un des attraits du film. J'ajoute que Laraine Day est absolument adorable mais ce n'est pas nouveau…

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Le film se moque aussi allègrement de la police et surtout de la psychiatrie. L'expert de la police est un psychiatre d'origine allemande qui multiplie les diagnostics aléatoires et mélange -à la suite du scénariste- à peu près tout : Paranoïa, schizophrénie, dédoublement de la personnalité et hystérie collective. Plus tard, il multipliera les analyses erronées. Pour les besoins de son enquête menée en marge de la police, Duffy se fera passer pour fou, réutilisant à son profit -pour faire diversion- l'obsession maniaque du rangement d'un des tueurs décrite plus tôt par le professeur. Dans une scène hilarante, alors que Duffy fouille un bureau -l'air de rien- toute l'action se passe sous les commentaires du psy qui analyse en direct pour les journalistes et les policiers présents le comportement de Duffy :

-Il arrive "…mais z'est drès rare gu'un malade s'inverse et que son obsession du rangement, du classement se transforme subitement et qu'il…"…Entendant çà Lew Ayres commence à saccager toute la pièce ayant l'intention de profiter de la confusion pour prendre la fuite, toute cette scène se passant sous les cris enthousiastes du psychiatre qui s'exclame : " Il z'inverze !!! Z'est zeulement la droisième fois que je vois za en 30 ans de garrière". Je sais, je fais vachement bien l'accent allemand. C'est d'autant plus fort que ce film je l'ai vu en VO ! Bref, on se marre un peu mais on fini par retomber un peu dans le programme initial. C'est en effet dans la dernière partie du film que l'on retrouve les scènes de suspense et d'angoisse, ce dernier 1/4 d'heure est même totalement sérieux. On a de très bonnes scènes dans un hôpital puis dans l'hôtel particulier du commanditaire des crimes…car aucune des victimes n'avaient été choisi par hasard. Le reste : Usurpation d'identité. Hypnose. Empoisonnement, c'est à dire la résolution de l'énigme, c'est intéressant et pas mal fichu mais l'intérêt de ce film est ailleurs. Un film sympathique mais facultatif…
Federico
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Message par Federico »

Chasse au gang (Crime wave - 1954 - André de Toth)

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"When I went to Jack [Warner]‘s office to talk about Crime Wave, he screamed, “What the hell are you thinking of? I offered you Bogart and Ava Gardner, the biggest names. You don’t want them?” I said, “No, thank you.” “All right, then,” he was through with me now: “Go ahead, Tex, and make the Goddamned picture with nobodies. Cut your own throat. But in that case, you’ll have to shoot it in 15 days. Go on, get out.” I was happy. I won. And I made the picture in 14 days."
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Quand je suis allé dans le bureau de Jack Warner pour lui parler de Chasse au gang, il a hurlé : "Mais qu'est-ce qui vous prend, nom de Dieu ? Je vous ai proposé Bogart et Ava Gardner, les plus grands noms. Et vous n'en voulez pas ?" Je lui ai dit : "Non, merci." "Alors entendu," il en avait fini avec moi : "Allez-y, Tex, faites votre putain de film avec des moins que rien. Tirez-vous une balle dans le pied. Mais je vous préviens que vous n'aurez que deux semaines pour le tourner. Maintenant barrez-vous." J'étais content. J'avais gagné. Et j'ai bouclé le film en 14 jours.
André de Toth (interviewé en 2001 par Alain Silver pour Film Noir Reader)


Ça faisait longtemps que je voulais découvrir ce film, précédé d'une aura flatteuse. Pas été déçu. A vrai dire, sur le papier, il y avait déjà de quoi se pourlécher les babines : Sterling Hayden, Ted de Corsia, Charles - pas encore - Bronson... ces sympathiques figures d'envoyés du Père Noël (ou Rois Mages du Noir) dirigés de plus par de Toth. Glop glop !
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Ce que ça donne ? Un régal de petit Film Noir plus serré qu'un ristretto, filmé à l'économie, brut de décoffrage, presque néo-réaliste voire Nouvelle Vague avant l'heure (éclairages naturels, caméra légère et mobile, extérieurs et décors sans apprêts). Par moments, on n'est pas loin de ce que proposeront quelques années plus tard Shirley Clarke et Cassavetes.
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Et c'est en prime formidablement interprété avec un Hayden en grande forme (bien plus que dans Naked alibi pour prendre un autre petit Noir débrouillard de l'époque) campant avec sa stature et sa voix impressionnantes un flic pas commode. Un de ceux qui (à l'image du Kirk Douglas de Detective story ou du chef de la police du Cercle rouge) sont convaincus qu'un voyou ne pourra jamais se ranger. Il passe son temps à mâchouiller un cure-dents parce que son médecin lui a interdit le tabac et bien entendu, sortira une clope à la toute fin du film. Ce dur de chez velu à qui on ne la fait pas aura finalement un beau geste mais on sent que ça lui fait un peu mal aux gencives.
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Admettez que Gene Nelson et Phyllis Kirk font un bien joli couple et qu'ils pourraient apparaître tels quels aujourd'hui sur un écran sans sembler revenir d'un trou spatio-temporel...

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...Yap ! Such sweet kids... N'empêche, qui va encore se farcir de la paperasse dans ce fuck*** precinct... :mrgreen:
L'ex-voyou en question (Gene Nelson, belle gueule sympathique à la Alan Ladd) est un ex-taulard qui mène la petite vie honnête d'un mécanicien d'aviation marié à la charmante Phyllis Kirk. Rattrapé par son passé, il voit successivement débarquer un de ses "potes" de cellule qui vient clamser chez lui après un minable braquage de station service, puis un toubib marron alcoolo et surtout les deux autres membres du gang (de Corsia et Buchinsky) qui vont le mouiller à fond en se servant de son épouse comme garantie.

Piégé des deux côtés (par Hayden et ses "potes"), le brave mécano va devoir faire le chauffeur pour un ultime hold-up, celui d'une banque qui évidemment tournera très mal.

Un scénario ultra-basique et avec quelques "trous"* dont de Toth tire le maximum possible par le réalisme des séquences (cf le début dans le minable commissariat où on s'y croirait, notamment par la prise de son réverbérée par la nudité des décors) et ces indispensables bonus associés au genre : les character actors. De Corsia est égal à lui-même (j'adore cette "gueule" mais je l'ai vu meilleur), compact, cinglant, vicieux. Buchinsky/Bronson est encore à l'état d'ébauche en bras droit brutal. Il y a le personnage sympa du responsable de conditionnelle, le seul à croire en la bonne foi du mécano. Et puis surtout le toubib marron (Jay Novello), lui aussi ex-taulard (pour les raisons habituelles : une patiente décédée lors d'une "intervention spéciale"), recyclé en vétérinaire et noyé dans la bibine. Un personnage de prime abord méprisable (il dépouille sans vergogne le cadavre du truand puis se casse pour le laisser sur les bras de Nelson) puis se révélant un pauvre type touchant, détaché du monde des humains et qui reporte tout ce qui lui reste d'empathie sur les malheureux toutous qu'on lui amène à euthanasier. Son meurtre par Buchinsky (très beau cadrage isolant à gauche et de dos la future victime dans un décor une nouvelle fois très dénudé) fait vraiment mal.
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Mais le pompon, une fois de plus, c'est Timothy Carey. On le voit quoi ? Deux minutes à peine et dans 2-3 séquences mais c'est plus fort que lui : il n'est même pas crédité au générique et en un rictus de cinglé il éclipse tout ce beau linge !
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Il y a même un moment où il est planqué tout au fond de la pièce, assis comme un ado contre la cloison et bien moins mis en valeur que ceux qui discutent au premier plan. Eh ben on ne voit que lui !!
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Ça devient furieux lorsque de Corsia a l'idée sadique de confier l'épouse du mécano à cet échappé de l'asile de près de deux mètres! Séquence que Philippe Garnier** résume comme revenant à "confier Titi à Gros Minet" !!! :uhuh: :uhuh: :uhuh:
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Et je veux bien passer un week-end dans une villa de Malibu hantée par le fantôme de Lawrence Tierney (seul character actor aussi frapadingue que Carey à la ville comme à l'écran) si Tarantino n'a pas "hommagé" ce moment dans Boulevard de la mort quand les nanas laissent la trop chouquette Mary Elizabeth Winstead en gage chez l'inquiétant redneck en salopette.

Petit bonus gouleyant : James Ellroy et Eddie Muller évoquant ce "plain nuts" de Tim Carey (désolé pour la mauvaise qualité du son).
(*) Il est surprenant qu'Hayden, surtout avec son a priori sur Nelson n'ait pas fait surveiller son appart' dans lequel viennent sans problème se planquer de Corsia et Buchinsky. Mais bon, le film se serait arrêté là (sauf à imaginer un Fort Chabrol avec fuite) et nous aurait privé du reste, ce qui aurait été fort regrettable. :roll:

(**) Dans Caractères : Moindres lumières à Hollywood, page 440.
L'avant-dernier chapitre, intitulé "L'ultime caractère" (en hommage à ses prestations chez Kubrick) est entièrement consacré à Timothy Carey. Et il le valait bien.
Garnier cite ensuite de Toth qui 40 ans plus tard déclarait à propos de Carey : "Il était bon mais il fallait le surveiller". Tu m'étonnes... Même engoncé dans la straight jacket d'Hannibal Lecter, il collerait plus les chocottes qu'Anthony Hopkins !! Quoi qu'il fasse, cet acteur hallucinant et surtout halluciné avait DANGER ! inscrit en grosses lettres rouges sur le front.
Il existe un fansite bourré de documents sur ce personnage hors-normes (dont les photos ci-dessus).
Dernière modification par Federico le 26 déc. 13, 00:21, modifié 1 fois.
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DARK WATERS. André De Toth. 1944

Avec Merle Oberon (Leslie Calvin), Franchot Tone (Le docteur Grover), Thomas Mitchell (Mr. Sydney), Elisha Cook Jr. (Cleeve), John Qualen (L'oncle), Fay Bainter (La tante), Rex Ingram (Pearson Jackson)

Leslie Calvin est une des rares rescapées du naufrage d'un navire coulé par les allemands dans lequel ses parents ont péri. Traumatisée par ce drame, assaillie de cauchemars, craignant même de perdre la raison, elle commence une correspondance avec sa tante qui lui propose de venir la rejoindre en Louisiane ou elle dirige avec son mari une plantation isolée. Leslie fait la connaissance de cette oncle et de cette tante dont parlaient sa mère mais qu'elle même n'avait jamais rencontré. Elle rencontre aussi Mr. Sydney, l'homme de confiance du couple qui semble prendre toutes les responsabilités et Cleeve, le contremaitre de la plantation. Dès son arrivée, elle fait aussi la connaissance du bienveillant docteur Grover…Bientôt des phénomènes inexpliqués se produisent dans la maison et elle commence à entendre des voix qui l'appelle...

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Mélange de film noir et de film gothique moyennement convaincant pour un Noir de André De Toth en raison notamment de la mollesse du couple vedette (Franchot Tone et Merle Oberon), de la modestie du budget qui a entrainé un tournage en studio alors qu'un tournage dans les bayous de Louisiane, dans des décors naturels s'imposaient. Ici, les "Dark Waters" sont manifestement reconstituées dans un coin de studio exigu, mais c'est surtout les faiblesses de son scénario qui handicapent le film par rapport aux meilleurs films montrant des "femmes en péril". Ce scénario, très fortement remanié par John Huston selon les dires de André De Toth, était du à Joan Harrison, notamment co-scénariste de Rebecca et de Suspicion, des parents assez proches du film du jour qui fera aussi bien évidemment penser à Gaslight, ou -pour revenir plus raisonnablement à la série B auquel appartient ce film- au moins prestigieux My Name is Julia Ross de Joseph H. Lewis (texte en page 10 du topic).

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Esthétiquement, le film de De Toth est au moins aussi réussi que celui de Lewis. La majestueuse maison de style colonial est aussi imposante que le manoir posé sur la falaise surplombant la mer de Julia Ross. La nature sauvage et hostile n'est plus ici la mer déchainée mais les eaux saumâtres des bayous qui entourent la maison mais malheureusement, à part dans le final ou cette environnement est très bien utilisé par De Toth, le reste du temps le metteur en scène s'efforce de réduire le cadre pour tenter de dissimuler la pauvreté du plateau. Les intérieurs sont en revanche très soignés. Le décor de la maison est assez riche et permet au directeur de la photo de repeindre les murs avec des ombres superbes dans de longues scènes nocturnes visuellement très réussies. Par exemple, les enchevêtrements de la vigne et les ombres des éléments en fer forgé de la décoration qui se projètent sur le sol du porche de la vaste demeure des Lamont sont autant d'effets visuels superbes paraphrasant l'enfermement de l'héroïne.

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Malheureusement, il aurait fallu que ce décor pouvant susciter l'angoisse et l'inquiétude serve un scénario solide, or ce n'est pas vraiment le cas. Ça commence plutôt pas mal. De Toth montre de manière assez habile le traumatisme de la jeune femme qui n'avait jamais connu jusque là la douleur : Une riche maison…De riches parents…mais à la disparition brutale de ceux ci, son monde s'écroule. Hantée par les images du drame, livrée à elle même et seule au monde, elle accueille comme une délivrance les lettres de cette tante qui lui propose de rejoindre sa famille installée en Louisiane. L'arrivée dans une gare vide ou personne ne l'attend réactive ses angoisses mais l'attente vaine d'un membre de sa famille lui permet de rencontrer le médecin du coin, un type serviable et sympathique qui perçoit immédiatement la fragilité mentale de la jeune femme. Rencontrés immédiatement après, Tonton-Tata ont plutôt l'air inoffensifs mais connaissant un peu par avance le programme, on se doute bien que…Surtout que l'entourage est un peu plus inquiétant. On a d'abord l'homme de confiance de la famille, celui qui a l'air de diriger tout son monde, c'est Mr. Sydney joué par le (presque toujours) excellent Thomas Mitchell et le contremaitre de la plantation, le sournois Cleeve, interprété par un autre excellent second rôle du Film Noir, Elisha Cook, Jr.

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Malheureusement on ne plonge jamais vraiment dans le bayou, ces Dark Waters, ces eaux profondes et sombres qui sont à la fois les eaux qui ont engloutis les parents de Leslie, une vision traumatisante et obsédante dans son esprit…et ses Dark Waters personnelles mais c'est aussi les dangers représentés par les marécages qui entourent la demeure des Lamont…et enfin c'est sans doute aussi les sombres intentions de cette famille, ces parfaits inconnus qui contrairement à ses attentes l'accueillent froidement dans leur vaste demeure dans laquelle très rapidement Leslie ne se sent pas en sécurité et dans laquelle elle commence à percevoir des phénomènes qu'elle seule semble percevoir ! Encore une fois, on est dans du classique…Folie ? Manipulation ? Et par qui ? Le problème, c'est que pas un seul instant on ne doute de la santé mentale de l'héroïne comme on ne doutait pas de celle de la Julia Ross du film de Lewis. En revanche, alors que dès les 1ères scènes, on découvrait que tous les "tortionnaires" de julia Ross -la mère, le fils, le majordome, les domestiques- étaient du "complot" pour la rendre marteau et que, dans le même film, le Zorro potentiel de l'histoire, le voisin de Julia et son seul ami à Londres…y restait et menait une enquête dont on ne savait rien, en revanche, dans le film de de Toth, on ne sait pas qui est qui avant le dernier tiers du film mais le scénario n'exploite pas tout le potentiel d'une situation complexe aux multiples personnages : Les époux Lamont, le majordome, le contremaître, le médecin….et les bayous tout proches.

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Le personnage le plus original de cette histoire est même un des rôles secondaires, celui d'un ex-employé de la plantation, un vieil homme noir qui discrètement viendra en aide à Leslie. Il lui parle en restant dissimulé dans les hautes herbes du parc et elle le rejoint de nuit dans le bayou car lui aussi entend les voix qui appellent Leslie certaine nuit. D'autres scènes distillant un certain humour noir sont intéressantes. Notamment une scène dans un cinéma dans laquelle Leslie se retrouve coincée entre Sydney et Cleeve et empêchée de sortir alors que les informations filmées proposent un reportage sur un navire coulé et relatant le sauvetage des rescapés. Juste avant, l'inquiétant Cleeve, qui semble vouloir séduire Leslie, ne trouve rien de mieux à faire que de lui proposer une balade en bateau pour tenter de lui plaire ! Enfin, 2 longues scènes, 2 longues récréations amusantes ne rompent pas vraiment le coté angoissant de l'intrigue puisque j'ai déjà dit que cette aspect du film était un peu raté. Le docteur emmene sa "patiente" chez de bienheureux habitants du bayou, la famille Boudreaux qui sont bien pittoresques, qui parlent français (…et le couple est joué par de vrais français de naissance : Eugene Borden, le papa Michaud d'un autre film de Joseph H. Lewis, So Dark The Night et Odette Myrtyl) et les invitent à un bal nocturne animé par des musiciens cajuns. Du dépaysement et du couleur locale…mais c'est amusant et sympathique.

Pour l'anecdote, De Toth affirmait dans son autobiographie que John Huston aurait réécrit une bonne partie du scénario. Autres collaborateurs prestigieux : Benedict Bogeaus, futur producteur privilégié de Alan Dwan dans les années 50 mas qui produisit aussi quelques films noirs comme Le passé se venge de Robert Florey (texte en page 5 du topic). Miklos Rozsa signe pour ce film une belle partition. Après les textes sur Pitfall (en page 17 du topic), Chasse au gang (par federico ci-dessus), au rayon polar, du même metteur en scène il reste encore Hidden Fear avec John Payne, un film dont j'essaierais de parler rapidement.
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FRAYEUR (Fear). Alfred Zeisler. 1946

Avec Peter Cookson (Lary Crain), Anne Gwynne (Eileen), Warren Williams (Le capitaine Burke), Nestor Paiva (Le détective Shaefer), Francis Pierlot (Le professeur Stanley)

Un jeune étudiant en médecine vivant dans une chambre misérable reçoit un courrier lui annonçant la suppression de sa bourse d'étude. Harcelé par sa logeuse, il se décide à se débarrasser de son dernier bien de valeur, une montre qu'il porte à un professeur, occasionnellement prêteur sur gages qui lui donne en échange une somme dérisoire, prélevant au passage sa commission. Larry a le temps de voir la boite débordant d'objets de valeur et de billets de banque que le professeur Stanley expose sans crainte à ses visiteurs. A nouveau harcelé par ses créanciers, quelques jours plus tard, prétextant un nouveau besoin d'argent, Larry retourne chez le vieil homme avec sans doute l'idée de le voler mais, pris de panique, il le tue. Surpris par l'irruption de visiteurs qui frappent à la porte de l'appartement, il repart précipitamment sans emporter l'argent. Vite soupçonné par la police en raison d'indices laissés sur place, un jeu du chat et de la souris commence entre le jeune homme et un détective qui ne lâche plus, tout comme le supérieur de celui ci, un capitaine qui semble l'avoir pris en sympathie...
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Une adaptation de Crime et Châtiment par la Monogram, çà fout un peu les chetons, un peu comme si la Producers Releasing Corp (PRC) avait produit Les misérables, en avait confié la réalisation à Sam Newfield avec Buster Crabbe dans le rôle de Jean Valjean, Lon Chaney Jr. dans celui de Javert et en choisissant Gavroche parmi les East Side Kids…Pourtant ce film -effectivement fauché et sans acteurs de premier plan- n'est pas si mal. Esthétiquement, c'est presque du très haut de gamme pour la Monogram. Les intérieurs sont aussi pauvres que les étudiants du film mais visuellement le film tient parfaitement ses promesses de film noir réalisé "dans les règles de l'art" et les personnages sont intéressants. Le jeune Larry ne semble pas éprouver de remords et le spectateur ne peut que lui conserver une certaine sympathie en raison de la personnalité de l'homme assassiné. Le professeur était semble t'il unanimement détesté par ses élèves car loin d'être un modèle de vertu et de sagesse, le vieil homme était surtout un vieil usurier qui semblait se servir de la détresse de ses étudiants pour s'enrichir. Ayant laissé des indices sur le lieu du crime, Larry est très vite suspecté et surveillé par la police mais assez ironiquement, aussitôt son forfait commis, l'horizon s'éclaircit soudain jour après jour pour le jeune homme. Il rencontre d'abord une jeune femme tout aussi fauchée que lui mais une idylle prometteuse commence entre eux. Puis, un nouveau courrier lui apprend qu'un article qu'il avait écrit a été retenu par un périodique et quelques centaines de $ tombe soudain du ciel. Plus tard, l'article remarqué par les responsables de l'université lui vaut de voir sa bourse renouvelée. Toujours ironiquement, c'est aussi le sujet de cet article qui éveille encore davantage les soupçons de la police...
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Les relations qu'entretient Larry avec la police sont d'ailleurs très intéressantes. Un détective le surveille en permanence, le harcèle littéralement…ce qui amènera Larry à s'en plaindre auprès du responsable de ce traitement de faveur, le supérieur de Shaefer, le capitaine Burke, un policier aimable, attentionné, en apparence compréhensif mais sournois et malin. Il interroge Larry au sujet du long article qu'il vient de publier dans lequel il expose une conception de la loi toute personnelle. Selon lui, la loi commune ne devrait pas s'appliquer aux hommes exceptionnels, aux esprits supérieurs qu'il semble considérer comme "au dessus des lois"...alors forcément Burke cherche à savoir si Larry n'a pas appliqué ce principe pour lui même.

En revanche, le personnage féminin du film n'est pas très bien dessiné même si elle sera plus efficace que la police pour faire prendre conscience de la gravité de ses actes à Larry quand elle doutera du jeune hommes. D'autre part, le film souffre un peu d'un manque de suspense et de scènes chocs peu marquantes. On éprouve point de Frayeur ou trop peu. Les mini suspenses disséminés dans le récit ne sont guère passionnants. Je peux citer notamment tout ce qui tourne autour d'un témoin gênant, un peintre en bâtiment…Puis, la veste tachée de peinture de Larry qui manque d'être découverte…Puis la reconstitution du crime sur les lieux ou il s'était produit, orchestrée de manière spectaculaire et brutale par Burke…Ensuite, lorsque ce dernier fait croire à Larry qu'il souhaite le faire assister à l'autopsie du vieux professeur en sa qualité d'étudiant en médecine…Et enfin dans une scène nocturne au cours de laquelle Larry est tout près de céder à des pulsions suicidaires.
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Final déroutant qui satisfera les amateurs de Happy End mais un crochet pareil, allant à l'encontre de la noirceur totale du récit çà s'appelle une queue de poisson et pour ma part, une arête est resté coincée…Cela dit, d'autres metteurs en scène plus prestigieux nous ont aussi fait exactement le même coup (Fritz Lang). Alfred Zeisler a eu une carrière plus modeste que son confrère tout comme lui originaire d'Allemagne. Il a produit des 2 coté de l'Atlantique, en Allemagne, en France puis aux USA. Il a fait un peu l'acteur, presque des figurations mais dans des films de Wise, Ford, Mankiewicz, etc…et aura réalisé 16 films…dont le moins "pas connu du tout" reste ce Fear qui mérite un petit détour…si on ne passe pas trop loin.
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LE MASQUE ARRACHÉ (SUDDEN FEAR). David Miller. 1952

Avec Joan Crawford (Myra Hudson), Jack Palance (Lester Blaine), Gloria Grahame (Irene Neves), Bruce Bennett (Steve Kierney) et Mike Connors (Junior Kierney)

A New-York, supervisant les auditions de sa prochaine pièce, la dramaturge Myra Hudson, rejète la candidature de Lester Blaine, un jeune acteur qui avait séduit les producteurs mais dont le physique ingrat lui semble inadapté pour le rôle auquel il postule. Plus tard elle le retrouve -comme par hasard-dans le train qui la ramène à San Francisco, en tombe amoureuse…et très rapidement l'épouse. Le couple semble filer le parfait amour mais bientôt Irene, l'ancienne petite amie de Blaine réapparait. Ils redeviennent amants et échafaudent ensemble le projet d'éliminer Myra…qui, ayant appris les projets criminels du couple, décide après une brève période d'abattement et de terreur d'organiser la riposte et planifie sa vengeance…

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Un thriller psychologique assez réussi dont toutes les scènes finales -visuellement sinon dramatiquement les plus réussies- appartiennent totalement au Film Noir, y compris plastiquement. Si la 1ère partie comporte des aspects très intéressants, on déplore malheureusement quelques ratés. L'interprétation de Joan Crawford est par exemple très inégale, par moment presque exaspérante mais géniale à d'autre, notamment dans l'épilogue. Le personnage qu'elle interprète est une riche héritière, doublée d'une dramaturge renommée, en apparence sûre d'elle-même mais qui est aussi une femme entre 2 âges, une vieille fille frustrée dont la vie sentimentale était sans doute inexistante avant l'irruption de Lester dans sa vie, en tout cas on n'en apprendra rien. Derrière une certaine attitude hautaine et une pose altière, derrière l'apparence froide de la femme d'affaires qui dirige avec fermeté son entourage, c'est une femme au fond très seule, méfiante et réservée. John Crawford joue çà de manière très sévère, avec un coté raide, des regards durs et les mâchoires crispés, tout ceci de manière selon moi déjà "sur-expressive" et Miller enregistre avec complaisance les grimaces de Joan Crawford qui appuie son interprétation de la vieille fille coincée.

Elle se métamorphose soudain lorsqu'elle rencontre Lester et elle se laisse aller sans arrières pensées dans une histoire d'amour que visiblement elle n'attendait plus. Dans cette seconde partie, l'actrice est en revanche remarquable. Elle semble avoir rajeunie de 20 ans…mais tout s'effondre quand un dictaphone resté branché enregistre une conversation entre Lester et sa maitresse ce qui lui permet de prendre conscience de la réalité des intentions de son entourage. Bafouée, stupéfaite de s'être fait ainsi dupée alors qu'elle est absolument persuadée d'avoir enfin trouver le grand amour, le choc pour elle est immense. Son traumatisme se traduit par des moments de prostration, par des cauchemars éveillés au cours desquelles elle visualise le sort funeste que lui réserve les amants criminels. Joan Crawford est là hors limite dans ce registre là ou elle joue l'effroi avec l'expressivité de l'actrice du muet qu'elle fut (et c'est ma limite à moi vis à vis de cette actrice). Assez vite, elle reprend toutefois le dessus et…Joan Crawford aussi. Elle commence alors à présenter un visage à 2 faces -un pour Lester quand elle lui fait face, un autre plus cynique dès qu'il a le dos tourné. Après cette période transitoire d'observation, c'est aussi cet imaginaire qui avait amplifie les dangers qui la guettaient qui permet à la romancière de planifier sa vengeance. Elle échafaude un traquenard complexe mais aussi douée soit elle, la romancière ne peut exercer aucun contrôle sur les êtres humains dont l'un des défauts est l'imprévisibilité…Le final est d'ailleurs remarquable. Malgré encore une fois quelques excès, LA Crawford a courageusement osé montrer sa vieillesse. Dans ce final, des gros plans sur son visage ravagé par la haine qu'elle éprouve pour les 2 amants et qui se reflètent dans un miroir sont parmi les plus beaux plans du film mais auparavant on a droit à un festival de mimiques et toute la panoplie de l'actrice qui veut montrer l'étendu du pouvoir expressif de son visage, et notamment de son regard…mais parfois il est utile qu'un metteur en scène soit aussi un directeur d'acteurs ! Cela dit, on se souvient forcément du (des) regard(s) de Crawford qui sont presque l'autre vedette du film !..mais je vais quand même dire un mot sur Palance.

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Même si, comme Myra l'avait observée, Lester Blaine n'a en rien un physique romantique de séducteur, de manière finalement ironique son numéro de charme fonctionne parfaitement sur la vieillissante Myra…et c'est très convaincant car derrière cette apparente dureté des traits, Palance campe de manière crédible un séducteur cultivé et raffiné qu'on lui a très rarement vu interpréter. On devine d'emblée que le personnage est plus complexe qu'il n'y parait mais on ne connaitra ses intentions véritables qu'après l'irruption de Gloria Grahame, dont le retour ne fait que hâter les évènements. Le personnage interprété par cette dernière est très caricatural. C'est une garce intégrale sans nuances. Le personnage du gigolo est en revanche admirablement interprété par Jack Palance dont le visage émacié et la laideur ont rarement été mis autant en "valeur" par un metteur en scène. Il a toutefois moins de gros plans que Joan Crawford mais dans son cas c'est pour le meilleur et pour le pire. Si LA Crawford a elle manifestement osé montrer sa vieillesse, Palance et son metteur en scène ont "osé" la laideur, selon moi la belle laideur de Palance, un acteur au jeu très typé comportant des tics mais qui fut souvent excellent notamment dans le thriller et le film noir. Je pense notamment aux rôles importants qu'il tenait dans Panique dans la rue, Le grand couteau ou La peur au ventre.

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Les autres talents…La mise en scène de Miller est parfois assez habile et le film est parfois visuellement splendide. On peut signaler notamment : la fausse fuite de Lester, toutes les séquences nocturnes dans San Francisco dans lesquelles on retrouve les 3 principaux protagonistes. Cela dit, ces images nocturnes font plus penser aux images léchées, à l'élégance de Siodmak qu'aux perspectives dynamiques d'un Fleischer ou d'un Dassin mais il faut dire que les vues panoramiques et les perspectives de cette ville évidemment photogénique sont très belles. En revanche, en dehors du fait qu'il a sans doute manqué de fermeté pour diriger Crawford, Miller commet aussi des fautes de gout dans sa mise en scène. Des gros plans insistants sur des objets "clés" du récit sont en trop. Je pense à ces papiers qui passent de main en main. Aux mots qui circulent entre les amants, à ceux qu'adressent Myra aux amants pour les piéger, celui sur lequel elle a planifié son plan de bataille, etc…Quant aux gros plans sur le visage de Crawford, j'ai déjà dit ce que j'en pensais. Pour finir, un mot sur tous ces talents plus ou moins bien récompensés. Nominations à l'oscar pour Joan Crawford, Jack Palance et pour Charles Lang pour sa photographie en noir et blanc…méritée au vue des somptueux éclairages des intérieurs et pour les superbes scènes nocturnes de la seconde partie du film. Musique remarquable d'Elmer Bernstein. Malgré quelques réserves, Sudden Fear est peut-être le meilleur film de David Miller que j'ai vu jusque là. Son Billy the Kid (Le réfractaire) avec Robert Taylor n'est guère excitant mais c'est surtout l'acteur qui n'était pas le personnage. FLYING TIGERS (Les tigres volants) avec John Wayne est comme CHINA (Le défilé de la mort) de John Farrow, un film de propagande qui montre les prémisses de la seconde guerre mondiale, coté Pacifique. LOVE HAPPY (La pêche au trésor), un des derniers Marx Brothers est pénible mais une scène entre Groucho et la (presque débutante) Marilyn Monroe est amusante. PIEGE A MINUIT (Midnight Lace), un thriller en couleurs avec Doris Day et Rex Harrison ne m'a laissé presque aucun souvenir, mauvais signe mais peut-être à revoir. Enfin sa version d'HISTOIRE D'UN AMOUR (Back Street), sans être déshonorante est tout de même la moins bonne. Je dois tout de même confesser que je ne suis guère fan de Susan Hayward, et comme celle ci venait après Irene Dunne (version 1932) et Margaret Sullavan (celle de 1941), 2 de mes actrices préférées… Ces films les plus célèbres restent toutefois Seuls sont les indomptés, Le combat du Capt. Newman et Executive Action, un bon thriller écrit par Dalton Trumbo évoquant l'assassinat de Kennedy.

Au moins un autre film montrant les desseins criminels d'une romancière à succès est à voir, c'est Another Man's Poison d'Irving Rapper avec Bette Davis et Mr. Davis
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LE PIEGE D'ACIER (The Steel Trap) 1952

Écrit et réalisé par Andrew L. Stone
Image : Ernest Laszlo
Musique : Dimitri Tiomkin
Produit par Bret Friedlob
20th Century Fox

Durée : 85 min

Avec :
Joseph Cotten (Jim Osborne)
Teresa Wright (Laurie Osborne)
Jonathan Hale (Tom Bowers)
Walter Sande (L'inspecteur des douanes)
Eddie Marr (Ken Woodley)

Jim Osborne, directeur adjoint dans une banque, qui a semble t'il mené une vie tout ce qu'il y a de plus honnête jusque là, se met à envisager de passer à la caisse pour de bon. C'est ainsi qu'on le découvre commencer à gamberger et à surveiller du coin de l'oeil les agissements des caissiers. Pensant avoir le plan infaillible qui lui permettra de vider le coffre fort principal de sa banque, il planifie le vol pour un vendredi soir après la fermeture de la banque. Il fait croire à sa femme qu'il vient de se voir proposer une mission de quelques jours au Brésil et lui demande de l'accompagner, le vol ne devant être découvert que le lundi suivant à la réouverture de la banque. Première étape, trouver un pays qui n'extrade pas les ressortissants américains. Mais le jour du casse venu, rien ne se passe comme prévu...

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Voilà un film sur lequel -une fois n'est pas coutume - j'aurais envie de céder à ma pulsion première, l'exécution sommaire…mais je vais quand même expliquer un peu pourquoi on peut passer son chemin. C'est un film dont je gardais plutôt un bon souvenir après une 1ère vision il y a une dizaine d'année mais c'est, après cette vision plus récente, la plus grande chute libre enregistrée ces derniers temps. Quand Cotten, placide cadre de banque entre deux âges commence à marmonner en lui même (et pour nous) ses observations sur la facilité qu'il y aurait pour un homme parvenu à ce poste là de filer avec la caisse, on se dit qu'il y a du potentiel. Les préparatifs d'un casse et sa réalisation, on connait. C'est certe plus intéressant s'il est planifié par une bande de malfrats mais soit…on attend la suite des évènements. Le problème c'est que Andrew L. Stone s'attache pendant 85 minutes à nous décrire les ratés et les incidents de parcours, tous ces évènements imprévus qui viennent les uns derrière les autres, avec un manque d'imagination consternant, perturber le projet initial... et on ne voit pas grand chose d'autre.

Avant même la réalisation du casse puis la fuite vers le Brésil, le film est déjà assommant dans ce qu'il montre des préparatifs. Cotten passe son temps dans les bibliothèques pour trouver un pays qui n'extrade pas les ressortissants américains. Ensuite on a un documentaire sur les "tracasseries administratives", le problème initial étant la problématique récupération des visas avant la fermeture du bureau le soir du casse. A la suite de quoi, le metteur en scène multiplie les bâtons dans les roues "inventés"…sans la moindre invention par Mr et Mme Stone pour agrémenter leur suspense. Mais tout du long, on en reste toujours au problème de timing, de bagnoles qui tombent en panne, de maman qui est en retard…Le film se résume à une longue course contre la montre semée d'embuches : pour obtenir un visa dans les délais, pour éviter de croiser un caissier resté plus longtemps que prévu dans la banque, pour attraper la correspondance d'un avion parce que le premier vol a pris du retard. Les retards s'accumulant, le problème pour Osborne devient que le couple risque de ne pas être arrivé au Brésil au moment de la réouverture de la banque. Or, ces péripéties déjà pas passionnantes en elles même sont racontées par le bon Andrew avec la verve du chef de gare qui nous raconterait dans le détail le pourquoi du retard du 3 : 10 pour Yuma de 1957 (quoi, c'est pas un bon exemple ?). Il en reste aux problèmes d'aiguillage…et je ne rentre même pas dans les détails de l'action car le réalisateur nous ressert les mêmes plats avec les retards en voiture, en train, en taxi, et en avion. Assommant d'ennui !

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Andrew L. Stone ne creuse presque pas un thème qui avait déjà fait ses preuves, montrer le désœuvrement de cette classe moyenne américaine qui possède tout ce que peut leur offrir une existence protégée dans une économie prospère. Ce couple est sans histoire. La paye relativement confortable tombe régulièrement. On a acheté un petit pavillon coquet. Une fille est arrivée...mais on s'emmerde ! Ce thème a même fourni une bonne base à de presque chef d'oeuvre, le Pitfall d'André de Toth par exemple. Mais ici l'immense lassitude que l'on ressent dans le couple, je me demande si ce n'est pas plutôt la lassitude et l'accablement des comédiens qui ont du avoir parfaitement conscience qu'ils n'avaient pas entre les mains un scénario comparable à celui de L'ombre d'un doute tourné 10 ans plus tôt. C'est d'ailleurs surtout Teresa qui est la moins bien servie. Elle joue une épouse modèle terne puis deviendra un brin geignarde quand elle commencera à douter des intentions de son mari. Cotten nous joue sa partition du cadre de banque austère, les paupières tombantes et les valoches pas seulement pour les vacances. Il embarque donc Teresa dans son périple mais les excuses successives trouvées par son banquier pour justifier son départ au Brésil sont assez grotesques. Elle est d'abord enthousiaste à l'idée de passer quelques vacances au Brésil, puis s'étonne que soudain son mari envisage sérieusement de s'installer durablement dans le pays mais c'est quand ils se font chopper par les douaniers avec une valise contenant 1 000 000 de $ qu'elle commence vraiment à porter un regard soupçonneux envers son mari qui poursuit néanmoins à tenter de mentir. Pourtant, tout au long du parcours, en raison de l'inquiétude vague de sa femme, il avait commencé à fournir des parcelles de vérité mais il s'empêtre dans ses mensonges craignant de perdre sa femme et remettant à plus tard…à trop tard, lorsque la restitution de l'argent sera impossible, les révélations sur la véritable raison d'être de ce voyage imprévu.

Bref, on peut éviter ce film. Andrew L. Stone n'a pas été toujours aussi mauvais dans ce registre là. A partir de 1950, année de tournage du Témoin de la dernière heure (Highway 301), un bon film noir, il a même été considéré comme un spécialiste du thriller. Il en a en effet réalisé beaucoup, le meilleur restant à mes yeux ce 1er film du genre dans lequel Steve Cochran était excellent. Il a aussi réalisé A Blueprint for Murder avec Joseph Cotten, Jean Peters et Garry Merril, puis Nuit de terreur (The Night Holds Terror qui démarque La maison des otages mais pour la bonne cause car le film est passionnant donnant l'occasion à John Cassavetes et à Vince Edwards de camper deux "beaux" méchants de polar. En revanche, on peut presque passer sous silence Le diabolique Mr. Benton (Julie) qui est médiocre malgré un casting réunissant Louis Jourdan, Doris Day, Barry Sullivan et Frank Lovejoy. Cri de terreur avec James Mason, Rod Steiger et Angie Dickinson n'est pas mal, mieux que son film suivant, The Decks Ran Red, à cheval sur plusieurs genres, qui réunissait cette fois à nouveau James Mason, Broderick Crawford et Dorothy Dandridge. Enfin, ces deux derniers films "à suspense", Panique à bord et Le cercle de feu, ne présentent pas beaucoup d'intérêts mais sont assez spectaculaires. Dans le premier, la belle Dorothy (Malone) restait coincée dans un paquebot en train de couler et Robert Stack son mari tentait de la sauver. Dans le second, c'est un incendie spectaculaire qui offrait un cadre parfois impressionnant à un thriller mollasson. 2 de ces films ont été édités en DVD, A Blueprint for Murder et Panique à bord (The Last Voyage), tous les deux en zone 1 avec vost. Les autres sont tous passés à la télévision chez nous.


Dans le final, qu'on peut trouver débile, Teresa donne à Joseph le choix, c'est soit :
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Soit :

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Qu'auriez-vous fait, fit ? qu'auriez-vous futes à la place de Joe ?
pak
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Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par pak »

:D :D :D

Bravo ! Bravo ! Bravo !


Mais pourquoi j'ai qu'une vie pour découvrir ces perles noires présentées par Kiemavel et revoir les westerns chroniqués par Jeremy ! ! ! :D
Le cinéma : "Il est probable que cette marotte disparaîtra dans les prochaines années."

Extrait d'un article paru dans The Independent (1910)

http://www.notrecinema.com/
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