Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méconnus

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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kiemavel
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Nightmare

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Nightmare - le cauchemar de Maxwell Shane (1956)
Avec Edward G. Robinson (René Bressard), Kevin McCarthy (Stan Grayson), Connie Russell (Gina), Virginia Christine (Sue Bressard), Rhys Williams (Torrence) et Gage Clarke ( Belknap alias Britten )

Remake, par son metteur en scène, d'un film de 1947 : Fear in the Night (Angoisse dans la nuit). Presque tout ce qui provient de la première version est repris quasiment à l'identique dans le remake alors je ne rend compte que des différences notables entre les 2 films et renvoie le lecteur au texte présentant la 1ère version. Donc, pour le résumé, voir à la page précédente.
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Tout d'abord, il est très visible à l'écran que le budget alloué pour réaliser Nightmare devait être assez sensiblement supérieur à celui qui avait permis de réaliser Fear...et c'est ce qui a du motiver ce remake par Maxwell Shane de son propre film. Mais je précise d'emblée que ce film, à nouveau une production Pine-Thomas (c'était d'ailleurs le dernier film produit par William Pine, décédé prématurément en 1955) ne vaut pas la première, mais la différence est selon moi tout de même moins grande que ce qu'ont pu dire un certain nombre de commentateurs des 2 films.
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Certaines différences et certains ajouts trahissent plus particulièrement cette hausse du budget. Le casting tout d'abord. Edward G. Robinson et Kevin McCarthy, c'est assez nettement mieux sur le papier que la distribution précédente. Sur le papier seulement car Robinson dans son dernier véritable film noir fournit son minimum. Il joue sagement son rôle de policier sérieux et méthodique à priori plutôt bienveillant à l'égard du frère de sa femme mais qui deviendra vite soupçonneux après que le beau frère lui ait raconté son invraisemblable histoire ; puis surtout quand les apparences sembleront démontrer sa culpabilité. Son partenaire, Kevin McCarthy, n'était pas du même calibre mais il n'égale même pas ici l'interprétation de DeForest Kelley dont l'imitation de Peter Lorre pouvait sembler "borderline" mais elle collait très bien -y compris dans ses excès voir sa maladresse- au délirant film low cost de 1947.
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Ensuite, concernant le plateau, les lieux de tournage et l'atmosphère ; sur tous ces points la différence est colossale. Sur le remake, il y avait même un chef décorateur, c'est pour dire … Cela dit, si ce remake se justifiait pour le coté bien plus soignée de sa production, il perd beaucoup de ce qui faisait le charme de son modèle et perd son originalité en semblant vouloir coller à l'air du temps. Pour des raisons qui n'apportent strictement rien à l'intrigue, le film a été délocalisé en Louisiane. On se balade donc dans La Nouvelle Orleans et la campagne environnante mais en exagérant à peine je dirais que c'est de l'argent gaspillé pour peu de choses car la délocalisation sert surtout de prétexte pour greffer sur la trame du film original des ingrédients de film noir...ou plutôt le décorum du genre car ce ne sont que des pièces rapportées afin de coller aux lieux communs du genre à cette époque là.
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Ainsi Grayson, la victime du cauchemar, n'est plus le petit caissier d'une banque de quartier mais un saxophoniste de jazz et sa petite amie Gina est devenu chanteuse dans le même orchestre. Encore une fois, ce n'est qu'un prétexte mais un prétexte un peu encombrant pour ajouter des morceaux musicaux et des chansons (Gina chante à plusieurs reprises). Avant même la première séquence qui montre cet environnement professionnel, on est frappé immédiatement par une bande son "Made in film noir" mais si cette musique jazzy est très agréable, elle est aussi trop omniprésente…En dehors de la bande son "de fond" et des parties musicales joués par les principaux protagonistes, cette volonté de meubler au maximum l'espace sonore peut être illustrée par quelques séquences prises dans leurs continuités. A un moment, Grayson rentre dans un bar et commence à converser avec une jeune femme. Des plans de coupe nous montre le pianiste d'ambiance du lieu qui se démène. Puis Grayson lève la fille et la ramène chez elle. Ils traversent un parc et parviennent jusqu'à l'appartement…Toute cette séquence est accompagnée par la voix d'une femme invisible qui chante le Bluuuues fenêtres ouvertes, en faisant ainsi bénéficier tout le voisinage. Juste après, Grayson fait la tournée des boites de jazz de la Nelle Orleans pour savoir si quelqu'un saurait identifier le lieu insolite qui peuplait son cauchemar (ce qui est totalement gratuit et même absurde)…Bref, sur cet aspect, le seul lien bien rattaché à l'intrigue, c'est qu'une hallucination sonore ou plutôt une étrange musique qui trotte dans la tête de Grayson jusqu'à l'obsession semble avoir un lien avec son cauchemar et/ou le crime qu'il pourrait avoir commis mais cela fait peu …
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Pour résumer mon point de vue de manière concise : 70 minutes pour Fear contre 90 pour le remake ! OK mais le rab, c'est surtout du remplissage. Quelques plans étranges, quelques recherches visuelles n'étaient toutefois pas présentes dans Fear. Alors que l'orchestre l'attend, Grayson traumatisé par les images de son cauchemar, reste cloitré chez lui. L'ombre d'un ventilateur tourne au plafond juste au dessus de sa tête. Il se déplace et s'approche du téléphone, l'ombre se déplace aussi et forme un bandeau qui masque son regard. Il fait alors un malaise et semble tout près de s'évanouir. La caméra se met alors à tournoyer, le flou se fait et on enchaine avec l'image du cornet du chef d'orchestre en train de répéter et sur le visage de la petite amie qui s'inquiète visiblement de son absence. Quelques minutes plus tard, rentrant dans un bar, il croira reconnaitre la jeune femme blonde de son cauchemar dans la silhouette qui est reflétée par le grand miroir du bar ; une scène renvoyant de manière peu subtile aux images de la pièce aux murs couverts de miroirs de son cauchemar. Cette jeune femme et les séquences qui la concerne appartiennent elles aussi aux lieux communs du film noir : c'est " the tramp " de nombreux films du genre ; la fille perdue qui ramasse de temps à autre les paumés qui rentrent dans "son" bar.
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Tout comme pour la musique d'ambiance labellisée "pur film noir", ce genre de séquences vues et revues pourront sans doute séduire une partie des amateurs du genre d'autant plus que cette seconde version bénéficiait de bien plus de moyens et cela se voit à l'écran. Il est globalement mieux joué sauf en ce qui concerne la victime/coupable et est esthétiquement plus sage que le film original. Personnellement, je préfère assez nettement le film de 1947 en raison de ses recherches visuelles originales, pour l'interprétation hallucinée de DeForest Kelley que je préfère à celle plus maitrisée de McCarthy (mais ce point, comme le reste, peut se discuter)…en d'autres termes pour ses bizarreries qui donnent au film sa force onirique. La plus grande maitrise du remake ôte au film ce qui faisait une partie de l'intérêt de la version initiale.
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The Naked Street ( Le roi du racket )

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The Naked Street - Le roi du racket de Maxwell Shane (1955)



Avec Anthony Quinn (Phil Regal), Farley Granger (Nicky Bradna), Anne Bancroft (Natalie), Peter Graves (Joe McFarland), Else neft (Mme Regal) et Whit Bissell (Dist. Attorney Blaker), Lee Van Cleef (Goldish), Jeanne Cooper (Evelyn)

Phil Regal, un chef de gang, découvre que sa jeune soeur est enceinte sans être mariée et que le père de l'enfant est Nicky Bradna, un jeune truand minable condamné à mort pour avoir tué le propriétaire d'un magasin d'alcools. Regal décide de le sortir de prison par tous les moyens. Il fait pression sur les témoins, en achète d'autres, recrute le meilleur avocat de la ville et fini par obtenir sa libération. Nicky pense qu'il va être employé par Phil à sa sortie mais il n'en est rien car ce dernier éprouve le plus grand mépris pour le jeune homme. Il lui trouve bien un emploi mais sous le prétexte de maintenir le mari de sa soeur en dehors de ses activités illégales, mais en réalité pour l'humilier, il lui offre un emploi médiocre et mal payé...mais honnête. Malgré tout, pour un temps Nicky s'en contente et prend vraiment gout à la vie simple et heureuse qu'il mène avec sa femme. Malgré ses efforts, quand l'enfant meurt lors de l'accouchement, Regal ne pense plus qu'à se débarrasser par tous les moyens de ce beau-frère qu'il déteste…et ce dernier ne s'aide pas beaucoup en délaissant sa femme, recommençant sa vie d'avant, multipliant les aventures féminines et commençant à monter des coups dans le dos de Regal...


Un film intéressant. Le scénario solide se développe de manière parfois inattendu et connait dans sa partie finale plusieurs rebondissements bienvenus. C'est le plus maitrisé de son metteur en scène Maxwell Shane mais ce n'est ni le plus personnel ni le plus original qu'il ait réalisé. On a d'abord le portrait d'un parrain. Son portrait privé car passé le premier 1/4 d'heure, on ne verra rien ou presque de ses activités professionnelles, tout l'aspect criminel du film concernant essentiellement des affaires privées impliquant le cercle familial. Phil Regal est un homme passionné, colérique, habitué à voir ses ordres exécutés par des subordonnés soumis à son autorité et qui ne supporte pas d'être en quelque sorte trahi moralement par sa famille…Bref c'est joué par Anthony Quinn, sans la moindre surprise mais c'est du solide. Ce bon Phil est un tyran domestique, un bon gros beauf pas trop regardant lorsqu'il s'agit de ses propres activités et de ses fréquentations mais intransigeant en ce qui concerne sa famille, son avenir et la réputation de celle ci. Phil, c'est le genre de gars qui ordonne que l'on butte un supposé mouchard et qu'on le brule nuitamment en pleine rue -c'est la scène d'ouverture du film- mais qui rend visite chaque dimanche à maman, déjeunant immuablement avec Mme Regal et sa jeune soeur dans leur modeste appartement.

Mais ici Maxwell Shane ne se penche pas trop sur les relations du criminel avec maman, il s'intéresse à celles du truand avec Natalie, la soeurette. Lors d'une de ces visites dominicales, après avoir rassuré le frangin en affirmant rentrer de l'église et après avoir évoqué ses études en cours, profitant que Phil ait la bouche pleine, elle finit par lâcher le morceau. Elle a découvert tout à fait par hasard une activité plus ludique et manque de bol, elle se retrouve avec un locataire. Fureur de Phil qui fulmine. Bon, appuyons sur pause. Shane, c'était un grand garçon pas né de la dernière pluie et on voit ou il veut en venir. Regan a une attitude assez ambiguë vis à vis de la soeurette qui se plaint amèrement qu'aucun homme qu'elle a pu fréquenter par le passé, tant bien que mal en raison de la surveillance exercée sur elle par le frangin ou par l'un ou l'autre de ses hommes, n'a jamais trouvé grâce à ses yeux. C'est le syndrome Scarface. Du moment que çà ne sort pas de la famille…Cette fois, si le désir incestueux est moins explicite que dans Scarface (même celui de Hawks), cette aspect est bien présent. Il n'en reste pas moins que pour le coup le frangin serait plutôt de bon conseil car le petit gars choisit par la donzelle est effectivement un minable. Quoique...


D'ailleurs, s'Il déplore que le bougre n'est pas un honnête homme, il est encore plus furieux d'apprendre qu'en plus d'être un truand, c'est un minable qui s'est fait prendre en tentant de dévaliser un vendeur d'alcools et qu'il était reparti les mains vides non sans avoir planté un couteau dans le dos du vieux propriétaires des lieux…Un mauvais donc, sauf en ce qui concerne…Mais passons. Terreur de Phil, donc, qui s'empresse de faire libérer le coupable du forfait et de lui faire épouser la soeurette. Faut comprendre que la réputation de la famille est en jeu ! Blagueur va ! Bon, faut dire aussi que la stigmatisation des filles mères et de leurs enfants était parait-il si peu enviable à cette époque que sa terreur est compréhensible (je n'ose même pas évoquer le sort d'un bâtard qui une fois adulte serait devenu communiste dans l'Amérique des années 50). Bref, le Phil, malgré les apparences, il est à cheval sur certains principes.

Le couple de tourtereaux -car ils seront pour un temps un couple réellement amoureux- est interprété par Anne Bancroft qui quelques mois auparavant était déjà apparu dans un film noir, New-York Confidential, dans lequel elle tenait un rôle proche et complémentaire de celui qu'elle tient dans le film de Maxwell Shane, elle jouait en effet la fille du parrain Broderick Crawford. Farley Granger, quant à lui, interprétait encore une fois un rôle de jeune homme torturé et peu sûr de lui, assez similaire à d'autres rôles de cette époque, y compris celui qu'il tenait la même année dans le beau film de Richard Fleischer, La fille sur la balançoire. Ici, il semble réellement vouloir s'assagir mais la haine que lui voue Regal ne l'aidera pas beaucoup…Un dernier personnage occupe une grande importance dans le récit, c'est le journaliste Joe McFarland interprété par un Peter Graves surprenant. Je trouve cet acteur habituellement insignifiant mais ici il est bien plus éveillé que d'habitude. Malheureusement, s'il tient un rôle important dans les ultimes péripéties du récit, quand le film redeviendra pleinement un polar dans ses 20 dernières minutes, les relations entre le journaliste et le parrain auraient méritées d'être un peu plus développées. Natif lui aussi de Brooklyn, fils d'un simple flic abattu dans l'exercice de ses fonctions, il décide par ses articles de dénoncer les activités de Regal mais avant de dévoiler ses intentions véritables, il aura eu le temps de l'amadouer après avoir réussit à s'introduire dans le cercle familial du parrain avec la complicité involontaire de Natalie qu'il avait connu sur les bans de l'école. Regal se fait d'abord rouler dans la farine par McFarland qui réussit à séduire le truand par son courage et son franc parler…Çà ne durera pas…6/10


3ème et dernier film de Maxwell Shane pour le moment. Je reviendrais plus tard sur ses 2 derniers polars : Graine de faubourg (City Across The River) et Les frontières de la vie (The Glass Wall). Je change d'air et je vais consacrer quelques lignes à nouveau à 3 films d'un même metteur en scène, cette fois ci c'est Michael Gordon, en commençant par Le droit de tuer (An Act of Murder) avec Fredric March et Edmond O'Brien. Mais comme je suis sur pas mal de titres en même temps, je vais sans doute intercaler quelques films imprévus.
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LE DROIT DE TUER (An Act of Murder). Michael Gordon. 1948

Avec Fredric March (Le juge Calvin Cooke), Florence Eldridge (Catherine Cooke), Edmond O'Brien (David Douglas), Geraldine Brooks (Ellie Cooke), John McIntire (Le juge Ogden) et Stanley Ridges (Le docteur Morrison)

Tout juste après un procès au cours duquel il avait fait preuve de son intransigeance coutumière, le juge Cooke découvre qu'Ellie, sa fille, a pour petit ami David Douglas, l'avocat libéral auquel il s'était opposé durant les audiences. Il désapprouve Ellie et s'oppose fermement à sa liaison. Bientôt, victime d'étourdissements, Catherine, la femme du juge, consulte un médecin et ami personnel du couple. A la suite de divers examens et après avoir consulté les plus grands spécialistes du pays, il ne peux que constater le caractère inéluctable de la maladie. Catherine, atteinte par un cancer du cerveau incurable n'en a plus pour très longtemps à vivre. Le médecin en informe le juge mais laisse la malade et sa fille dans l'ignorance. Alors que le mal progresse, le juge décide d'emmener sa femme pour une seconde lune de miel…

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Plus un drame qu'un film noir. An Act of Murder est un peu de la même famille que The Lady Gambles réalisé l'année suivante par Michael Gordon. Ce sont surtout des drames qui traitent de sujets graves sur un ton audacieux…pour l'époque. Dans Gambles, on assistait à la déchéance d'une femme en raison de son addiction au jeu, une addiction montrée de manière brutale et franche, apparentant souvent la maladie du personnage incarné par Barbara Stanwyck à l'alcoolisme. Ici il s'attaque à un sujet encore bien plus délicat à aborder : l'euthanasie, et d'une manière plutôt courageuse compte tenu du pays et de l'époque du tournage. Cela dit, toute la partie finale n'est pas sans ambiguïtés car bien qu'évoquant l'euthanasie, le scénario fait passer ce thème dangereux en prenant des détours, noyant le poisson en jouant sur l'ambiguité quant aux raisons réelles de la mort de Mme Cooke : Meurtre par amour ? Mort accidentelle ? Suicide ? (jamais nommé mais en filigrane dans le scénario) et au final, on peut tout de même déplorer un dernier rebondissement assez malhonnête pour justifier une fin positive.

Avant çà, Gordon nous dépeint le parcours moral d'un homme d'un certain âge, un inflexible juge que l'on découvre au cours d'un procès devant décider du sort d'un homme jugé pour assassinat, procès au cours duquel le juge refuse de tenir compte de circonstances atténuantes pour le client défendu par celui qui pourrait devenir son gendre…et qui au bout du parcours se retrouvera à la place de l'accusé...et défendu par Douglas, l'avocat jadis jugé trop libéral. La vision de la loi de l'homme de fer...sera alors devenu plus souple.

Pour pouvoir faire passer son message, Gordon a besoin de montrer les liens qui unissent le juge vieillissant et sa femme. Le film est donc très centré sur le couple formé -à la ville comme à l'écran- par Fredric March et Florence Eldridge. Cette dernière interprète la mère de famille bienveillante typique de ces années là alors que March est dans un registre plus large, proche de celui qu'il offrait dans "Les plus belles années de notre vie" sans que le couple n'ait le charme de celui du film de Wyler. March est un peu plus raide que dans ce film mais il offre une palette assez large car son personnage ne manque pas d'humour. Cela dit, évidemment, plus le film avance...

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Tout ce qui concerne le vieux couple reste intéressant, plutôt sérieux et émouvant sur la maladie et ses conséquences. Le juge, malgré son attachement pour sa femme et l'humour dont il fait encore preuve, semble perdu car la communication entre les vieux époux est faussée entre celui qui sait et celle qui ignore l'issue fatale de sa maladie et la séparation inéluctable qu'il anticipe alourdi leur relation. En revanche, Gordon n'est pas toujours très adroit et March non plus car certains contre champs en fin de séquence sur le visage dépité du juge sont en trop.

Plus largement, en terme de mise en scène, Michael Gordon se contente bien souvent d'enregistrer les sentiment exprimés par ses comédiens mais quelques séquences -dont on perçoit parfois la lointaine inspiration- sont habilement filmées, notamment une scène dans un parc d'attraction, plus précisément dans un labyrinthe de miroirs dans laquelle Michael Gordon et Florence Eldridge parviennent à montrer de manière brutale l'avancée de la maladie, les miroirs déformants se superposant aux troubles de la vision qui commence à apparaitre chez la malade. Les scènes de procès au début et à la fin du film durant lesquelles Gordon traduit "caméra en main" le parcours moral du juge sont elles aussi assez subtilement filmées. En revanche, le scénario aurait du mieux exploiter la présence au générique d'un très bon comédien, Edmond O'Brien et de sa compagne pour ce film, Géraldine Brooks.


La carrière de Michael Gordon est bizarre mais cela s'explique par le fait qu'il a été mis sur la liste noire et banni de Hollywood pendant presque 10 ans. Il fit son retour à la fin des années 50 avec Pillow Talk (Confidences sur l'oreiller) et réalisa jusqu'à la fin des années 60 presque exclusivement des comédies à succès avec Doris Day, Kim Novak, Rock Hudson, etc...mais de cette carrière scindée en deux, je préfère de beaucoup la première. Après des débuts très modestes entre 1941 et 1943, elle débuta vraiment en 1947 avec un (bon) film noir " The Web ", genre auquel appartient aussi totalement l'intéressant Woman In Hiding (L'araignée) et d'un peu plus loin The Lady Gambles et donc An Act of Murder.

De cette période, on peut aussi retenir un sage mais plutôt sympathique Cyrano de Bergerac (malheureusement en N&B...et paru en DVD zone 2) ; l'original western The Secret of Convict Lake (avec Glenn Ford et Gene Tierney) et le très intéressant Another Part of the Forrest dans lequel on retrouvait plusieurs des protagonistes du film d'aujourd'hui : Edmond O'Brien et le couple March/Eldredge + Dan Duryea, Ann Blyth et John Dall...Que des mauvais quoi...J'ai d'ailleurs assez longtemps cru qu'il s'agissait d'un autre Noir mais il n'en est rien. 6/10. Généreux mais l'audace paye.
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THE LADY GAMBLES. Michael Gordon. 1949

Ce film est sorti en Belgique sous le titre "Une femme joue son bonheur"

Avec Barbara Stanwyck (Joan Boothe), Robert Preston (David Boothe), Stephen McNally (Corrigan), Edith Barrett (Ruth) et dans des petits rôles Leif Erickson et Tony Curtis.

Une nuit à Chicago, assis par terre au fond d'une ruelle, des joueurs lancent les dés. Les billets sortent des poches…Un couple complice semble diriger les jeux. Tout à coup, alors que la femme s'apprête à les lancer, un homme inconnu ramasse les dés et montrent aux autres parieurs qu'ils sont truqués. L'homme parvient à fuir mais la femme est violemment tabassée et est conduite à l'hôpital dans un état comateux. Le médecin de garde ne semble pas prendre la gravité de son cas très au sérieux alors un homme se présentant comme son mari s'insurge et exige que l'on s'occupe de sa femme. Le médecin avec un certain cynisme sort alors la fiche de police de la jeune femme et lui égrène en prenant un air goguenard la liste des multiples délits dans lesquelles elle a été impliqué, sous entendant ainsi "Moi, c'est un cas qui ne me préoccupe pas". Le mari qui n'a pas vu sa femme depuis un an commence alors à raconter comment elle en est arrivée là…

Deux ans plus tôt, ils étaient partis pour des vacances studieuse à Las Vegas. Le mari journaliste devant écrire un article sur le barrage Hoover, sa femme avait décidé de faire de son coté un reportage photographique sur le monde du jeu et commença donc à arpenter les casinos de la ville. Très rapidement repérée par un surveillant et conduite chez Corrigan (Stephen McNally) le directeur d'un l'établissement, son appareil photo est confisqué mais, séduit par la jeune femme, Corrigan met à sa disposition pour quelques jours des piles de jeton afin de lui permettre de connaitre de l'intérieur le monde qu'elle prétendait vouloir décrire. Très vite, Joan à l'insu de son mari se met à parier avec son propre argent et commence véritablement à se "prendre au jeu"…

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Un film sérieux et honnête sur la description d'une déchéance en raison d'une addiction, ici le jeu, mais gâché par les explications psychologiques vaseuses situant l'origine du mal et les tendances autodestructrices de Joan dans un traumatisme familial jamais dominé et sans cesse réalimenté par une soeur "maléfique". Ce personnage est -il faut le dire- assez ridicule et totalement inutile. On le doit à un de ces scénaristes qui lisait Freud de la main gauche tout en consultant " le manuel du parfait bricoleur " de la main droite et c'est bien dommage car la grande Barbara est comme d'habitude absolument remarquable et donne 100 % de ses moyens dans ce rôle. Malheureusement elle n'est pas vraiment suivi par celui qui interprète son mari, le bien carré mais un brin lourdeau Robert Preston. As t'on vu couple plus dissemblable ? En revanche, le personnage du douteux propriétaire de casino, impliqué dans différentes affaires louches dans lesquels il entrainera Joan, est très intéressant. Ses motivations sont très ambiguës mais je n'en dit pas plus…

Malgré ses quelques défauts, l'étude de cette déchéance est très bien racontée car Joan, malgré l'emprise qu'à le jeu sur elle, est montrée comme une femme intelligente capable d'analyser son mal et les raisons apparentes de son attirance irrépressible. Les dialogues sont d'ailleurs assez brillants et multiplient les métaphores convaincantes sur l'addiction. D'autre part, elle décrit avec justesse les émotions ressenties par le joueur, ce mélange de griseries, d'excitation ou même de fortes pertes incitent à poursuivre pour espérer s'en sortir et se refaire. Ainsi même le désespoir crée en quelque sorte une dépendance. Au plus bas de cette déchéance, quelques scènes seront absolument saisissantes rapprochant l'addiction de Joan de l'alcoolisme.

La mise en scène de Gordon est parfois assez habile. Au début du récit, on passe assez brutalement d'une séquence d'ouverture très violente qui se déroule dans une impasse sordide de Chicago aux néons attirants et faussement rassurants de las Vegas. On mesure alors la déchéance de cette femme en découvrant son métier d'origine car peu auparavant le médecin dans son énumération des différents délits commis par Joan, commencera une phrase et s'arrêtera, regardant le mari et préfèrera lui tendre le document...Mais on comprend que Joan a été arrêté pour racolage et qu'elle s'est livrée à la prostitution pour trouver de l'argent pour jouer.

Ce film a mi chemin entre le drame et le film noir est à voir malgré un défaut majeur ( le personnage de la soeur) qui gâche un film par ailleurs plutôt réussi et qui aurait presque pu être un équivalent du "POISON" de Billy Wilder. J'ai bien dit "presque" car Je pense qu'on doit pouvoir trouver ce film pénible mais moi , dès que je vois Barbara sur un écran, la cote du film remonte automatiquement de quelques points. Pour l'anecdote, on aperçoit pendant 3 sec. 4/10ème Tony Curtis en groom. Il a une phrase de dialogue et a du ramasser 500 $. 6/10 (A ben oui forcement comme çà c'est facile...Du coup, il reste toujours 2 Michael Gordon à venir)
kiemavel
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THE WEB. Michael Gordon. 1947

Avec Edmond O'Brien (Bob Regan), Ella Raines (Noel Faraday), Vincent Price (Andrew Colby), William Bendix (Le lieutenant Damico) et John Abbot (Charles), Maria Palmer (Martha Kroner), Fritz Leiber (Leopold Kroner), Tito Vuolo (Emilio Canepa)

Le jeune avocat Bob Regan force la porte de l'homme d'affaires Andrew Colby qui tardait à répondre à sa demande de remboursement d'une somme dérisoire destinée à réparer les dégats causés à la charette d'un marchand de 4 saisons dont il défend les intérêts. Il s'attire d'abord les moqueries de toute la tablée d'hommes importants réunis autour de Colby, puis finit par s'attirer son respect en raison de sa détermination. Le soir même, il est invité à son domicile, y retrouve Noel sa jeune secrétaire et se voit proposer une mission pour quelques jours : devenir le garde du corps de Colby qui se prétend menacé par son ancien associé, un homme qui vient de purger une peine de 5 ans de prison pour avoir jadis détourné plusieurs millions de dollars. Reagan accepte cette rentrée d'argent inespérée et espère en profiter pour faire plus ample connaissance avec l'énigmatique secrétaire qui l'a séduit. Colby lui fournit un révolver et Regan obtient dès le lendemain un permis de port d'armes auprès du lieutenant Damico qui était un ami de son père. Le soir même, alors qu'il fait sa ronde au domicile de Colby, marchant ainsi sur les plates bandes de Charles, le mystérieux homme de confiance du maitre des lieux qui semble autant surveiller les agressions pouvant venir de l'extérieur que les faits et gestes de Regan, un coup de feu retenti. Regan se précipite à l'étage et trouve 2 hommes en train de lutter, un inconnu se retourne une arme à la main et Regan est contraint de l'abattre. Il apparait que Leopold Kroner, tout juste libéré, avait réussit à s'introduire au domicile de son ex-associé et avait été abattu alors qu'il le menaçait...

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Un pur film noir et sans doute le meilleur de Michael Gordon. Très peu d'action dans ce film et aussi très peu d'extérieurs. C'est un film centré sur ses 4 principaux personnages tous très intéressants et admirablement interprétés en premier lieu par Vincent Price et William Bendix qui trouvent tout deux un de leurs meilleurs rôles dans le polar. L'ambiguité et la confusion (organisée) sont partout dans cette histoire ou tout le monde manipule tout le monde. En premier lieu, Colby bien sûr, on l'aura compris, interprété donc par le meilleur Vincent Price : hautain, élégant, supérieur, en apparence sûr de lui et qui occupe l'écran avec un air souverain, affichant la supériorité et la maitrise de celui qui a réussi. Plus tard, on le verra aussi calme, précis, méthodique quand il faudra, avec Charles, son homme à tout faire, organiser la riposte pour faire face au danger qui se rapproche. Néanmoins, il finira par apparaitre plus vulnérable et blessé quand il se sentira trahi avant même que çà se produise réellement. Le sombre Charles (très bon John Abbot) lui dira d'ailleurs : "Vous vous attendiez à quoi avec une femme ? Il n'y a qu'à moi que vous pouvez faire confiance" (Et alors ?…Ou tu veux en venir Michael ?). Cela dit Colby, ce n'est pas le genre à pleurer longtemps. Il décide et il tranche vite. Il n'en est d'ailleurs pas à ses débuts, apparemment dans le monde des affaires, les siennes en tout cas, on ne prend pas de risques et on anticipe les problèmes. Un témoin possiblement gênant est recherché par la police et par Regan ? Colby, çà ne l'affole pas car le témoin n'est plus gênant depuis longtemps. Il faut l'entendre, hautain, répondre à Charles qui s'inquiétait : "Mais pour qui me prenez vous ?". C'est le moment ou il faudrait parler de la voix de Vincent Price…mais je suis déjà parti pour faire long…

Le second personnage, c'est donc Noel, la charmante secrétaire dont les relations avec les 2 hommes sont pour un temps au moins, assez floues. Même si ce n'est jamais dit, elle est à l'évidence la maitresse de Colby ou elle l'a été, et habituée à une vie luxueuse ou y aspirant, elle semble d'abord, malgré qu'il l'amuse par son culot, ne laisser aucune chance à Regan qui lui a été immédiatement séduit par la jeune femme. Noel sera véritablement au coeur de l'intrigue et manipulée par tous. Quant à Regan -interprété par un très bon Edmond O'Brien -mais que j'ai déjà vu jouer sur une palette encore plus étendue- c'est presque l'exact opposé de Colby. On le découvre en avocat prenant à coeur une affaire à 68 $ et 72 ct qui lui attire les rires de Colby et de ses associés, dont ses avocats présents dans la salle de conférence et qui selon lui "ne se déplaceraient pas pour un enjeu de moins de 100 000 $". C'est le brave type, le gars du peuple qui défend les siens mais il est opiniâtre, débrouillard, fonceur et aussi un peu rustre. Une personnalité et des manières qui tranchent nettement avec la tranquille assurance et l'allure raffinée de Colby. Provocateur et maladroit avec Noel…et surtout intimidé malgré les apparences, on se demande bien s'il va pouvoir rivaliser. Malgré son intérêt manifeste pour la jeune femme, ce n'est de toute façon pas sa préoccupation première même si on peut interpréter son acceptation de l'argent tombé du ciel proposé par Colby comme une réponse aux propos de Noel qui prétend (ironiquement) s'intéresser aux hommes à partir du moment ou il pèse 20 millions de $. Regan est de toute façon un personnage classique du film noir : le brave type qui a une certaine tendance à s'attirer les ennuis. Ici, le maitre d'oeuvre des problèmes, c'est Colby le sirupeux mais surtout Colby le sournois. Regan pressent pourtant l'entourloupe - il le dit d'ailleurs à Colby- mais accepte néanmoins sa proposition car il ne peux pas laisser passer l'occasion de ramasser ce qui est pour lui une fortune dans cette mission très éloignée de ses compétences mais qui doit durer seulement quelques jours.

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Il y en a un autre qui pressent l'embrouille, c'est l'inspecteur de police Damico interprété par un grand William Bendix. Il est lui aussi est persuadé que l'affaire est trop belle et le met en garde. Regan le traite comme s'il était un ami mais l'inverse n'est pas vrai. Après l'avoir mis en garde, il semble parfois se réjouir de voir Regan en difficulté, il le traite en coupable et alors que Regan semble commencer à dénouer les fils de l'histoire, il a tout l'air de vouloir le laisser se débrouiller seul, semblant satisfait de tenir son coupable et s'en contentant. C'est joué par Bendix avec un humour à froid qui fait merveille, et au delà de sa dureté apparente, il à surtout tout l'air de se foutre de la gueule de Regan et de se réjouir du pétrin dans lequel il s'est fourré. Pour finir, je ne m'étend pas sur les développements de l'intrigue, c'est du classique et sans grandes surprises. Je précise néanmoins que même entre gens de confiance, il y aura de la trahison et de la manipulation dans l'air et qu'un personnage secondaire dont je n'ai pas encore parlé aura une certaine importance, c'est Martha Kroner, la fille de l'homme abattu par Regan.

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Un mot sur la très jolie Ella Raines. Elle a tourné seulement dans 29 films...mais des pas mauvais. Après 2 films de guerre réussis, Corvette K-225 et surtout Cry 'Havoc' tournés à chaud durant la WWII, on l'a vu en vedette dans "L'amazone aux yeux verts" au coté de John Wayne puis dans Héros d'occasion dans lequel elle interprétait la fiancée d'Eddie Bracken, mais c'est surtout pour sa contribution au Film Noir, qu'on la connait le plus. Elle était la secrétaire qui menait l'enquête pour tenter de disculper son patron dans le médiocre Phantom Lady (Les mains qui tuent). Elle tenait un rôle un peu moins central dans le moyen The Strange Affair of Uncle Harry et enfin était parfaite au coté d'un grand Laughton dans le très bon thriller en costumes The Suspect, l'un des meilleurs films de la famille polar réalisé par Siodmak mais je dois dire que je dois être un des rares amateurs du genre a relativement peu aimer ce metteur en scène, ou tout au moins, à ne pas le mettre aussi haut que les autres metteurs en scène qui se sont beaucoup consacrer au genre…Or, lui en a vraiment fait beaucoup pour selon moi bien peu de grandes réussites.

Très bon film. Pas un mètre étalon du genre mais le parfait et pur petit film noir. 7/10

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Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par kiemavel »

Federico a écrit : Il y a quand même comme une revanche ironique dans son personnage de général parano qui voit des complots soviétiques jusque dans l'eau du robinet de Dr Folamour, non ?
Je n'avais pas tout à fait répondu sur ce point, en tout cas seulement partiellement. Ce que Sterling Hayden avait laissé entendre à plusieurs reprises, c'était qu'à la suite de son témoignage, un certain nombre de metteurs en scène l'avait zappé, une façon de lui faire payer le fait d'avoir causé...et que sa carrière avait plongé à partir de là -au moins pour un temps- pour cette raison. Or, si on regarde sa filmo, on ne constate pas de véritable rupture, avant/après en terme qualitatif.

Je viens de découvrir que les 2 livres écrits par Hayden ont été traduit en français. Je viens de les commander.

Son autobiographie (de 670 pages)......Et son roman

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Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par Federico »

kiemavel a écrit :Et enfin, cadeau. Un vieux marin.
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Exactement le look à la Captain Achab qu'il avait au début des années 80 lorsque je l'avais aperçu. Sacrément intimidant, le bonhomme...
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Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par kiemavel »

Federico a écrit :
kiemavel a écrit :Et enfin, cadeau. Un vieux marin.
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Spoiler (cliquez pour afficher)
Exactement le look à la Captain Achab qu'il avait au début des années 80 lorsque je l'avais aperçu. Sacrément intimidant, le bonhomme...
Tiens...Si ma mémoire est bonne c'est la 2ème fois que tu m'escagasses avec ce genre d'info. Alors forcément : Où, quand, comment ?...et surtout où peut-on encore le voir et est-il possible de se recommander de Federico ?

Tu l'as vu à la cinémathèque ? Invité d'un festival qui devait projeter "Quand la ville dort", le film a cassé et en remplacement on a diffusé "Le Faucon d'or" et Sterling, à l'issu de la projection a accepté de faire une déclaration : " Pure Bullshit ! "
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Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par Chip »

je viens de visionner le dvd vidéo, récemment paru de " Cry vengeance" (la vengeance de Scarface)(1954), la copie 16x9 est excellente tout comme le film, un perle noire à (re)découvrir.
Dave Bannion
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Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par Dave Bannion »

kiemavel a écrit :Image

THE WEB. Michael Gordon. 1947

Avec Edmond O'Brien (Bob Regan), Ella Raines (Noel Faraday), Vincent Price (Andrew Colby), William Bendix (Le lieutenant Damico) et John Abbot (Charles), Maria Palmer (Martha Kroner), Fritz Leiber (Leopold Kroner), Tito Vuolo (Emilio Canepa)

Le jeune avocat Bob Regan force la porte de l'homme d'affaires Andrew Colby qui tardait à répondre à sa demande de remboursement d'une somme dérisoire destinée à réparer les dégats causés à la charette d'un marchand de 4 saisons dont il défend les intérêts. Il s'attire d'abord les moqueries de toute la tablée d'hommes importants réunis autour de Colby, puis finit par s'attirer son respect en raison de sa détermination. Le soir même, il est invité à son domicile, y retrouve Noel sa jeune secrétaire et se voit proposer une mission pour quelques jours : devenir le garde du corps de Colby qui se prétend menacé par son ancien associé, un homme qui vient de purger une peine de 5 ans de prison pour avoir jadis détourné plusieurs millions de dollars. Reagan accepte cette rentrée d'argent inespérée et espère en profiter pour faire plus ample connaissance avec l'énigmatique secrétaire qui l'a séduit. Colby lui fournit un révolver et Regan obtient dès le lendemain un permis de port d'armes auprès du lieutenant Damico qui était un ami de son père. Le soir même, alors qu'il fait sa ronde au domicile de Colby, marchant ainsi sur les plates bandes de Charles, le mystérieux homme de confiance du maitre des lieux qui semble autant surveiller les agressions pouvant venir de l'extérieur que les faits et gestes de Regan, un coup de feu retenti. Regan se précipite à l'étage et trouve 2 hommes en train de lutter, un inconnu se retourne une arme à la main et Regan est contraint de l'abattre. Il apparait que Leopold Kroner, tout juste libéré, avait réussit à s'introduire au domicile de son ex-associé et avait été abattu alors qu'il le menaçait...

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Un pur film noir et sans doute le meilleur de Michael Gordon. Très peu d'action dans ce film et aussi très peu d'extérieurs. C'est un film centré sur ses 4 principaux personnages tous très intéressants et admirablement interprétés en premier lieu par Vincent Price et William Bendix qui trouvent tout deux un de leurs meilleurs rôles dans le polar. L'ambiguité et la confusion (organisée) sont partout dans cette histoire ou tout le monde manipule tout le monde. En premier lieu, Colby bien sûr, on l'aura compris, interprété donc par le meilleur Vincent Price : hautain, élégant, supérieur, en apparence sûr de lui et qui occupe l'écran avec un air souverain, affichant la supériorité et la maitrise de celui qui a réussi. Plus tard, on le verra aussi calme, précis, méthodique quand il faudra, avec Charles, son homme à tout faire, organiser la riposte pour faire face au danger qui se rapproche. Néanmoins, il finira par apparaitre plus vulnérable et blessé quand il se sentira trahi avant même que çà se produise réellement. Le sombre Charles (très bon John Abbot) lui dira d'ailleurs : "Vous vous attendiez à quoi avec une femme ? Il n'y a qu'à moi que vous pouvez faire confiance" (Et alors ?…Ou tu veux en venir Michael ?). Cela dit Colby, ce n'est pas le genre à pleurer longtemps. Il décide et il tranche vite. Il n'en est d'ailleurs pas à ses débuts, apparemment dans le monde des affaires, les siennes en tout cas, on ne prend pas de risques et on anticipe les problèmes. Un témoin possiblement gênant est recherché par la police et par Regan ? Colby, çà ne l'affole pas car le témoin n'est plus gênant depuis longtemps. Il faut l'entendre, hautain, répondre à Charles qui s'inquiétait : "Mais pour qui me prenez vous ?". C'est le moment ou il faudrait parler de la voix de Vincent Price…mais je suis déjà parti pour faire long…

Le second personnage, c'est donc Noel, la charmante secrétaire dont les relations avec les 2 hommes sont pour un temps au moins, assez floues. Même si ce n'est jamais dit, elle est à l'évidence la maitresse de Colby ou elle l'a été, et habituée à une vie luxueuse ou y aspirant, elle semble d'abord, malgré qu'il l'amuse par son culot, ne laisser aucune chance à Regan qui lui a été immédiatement séduit par la jeune femme. Noel sera véritablement au coeur de l'intrigue et manipulée par tous. Quant à Regan -interprété par un très bon Edmond O'Brien -mais que j'ai déjà vu jouer sur une palette encore plus étendue- c'est presque l'exact opposé de Colby. On le découvre en avocat prenant à coeur une affaire à 68 $ et 72 ct qui lui attire les rires de Colby et de ses associés, dont ses avocats présents dans la salle de conférence et qui selon lui "ne se déplaceraient pas pour un enjeu de moins de 100 000 $". C'est le brave type, le gars du peuple qui défend les siens mais il est opiniâtre, débrouillard, fonceur et aussi un peu rustre. Une personnalité et des manières qui tranchent nettement avec la tranquille assurance et l'allure raffinée de Colby. Provocateur et maladroit avec Noel…et surtout intimidé malgré les apparences, on se demande bien s'il va pouvoir rivaliser. Malgré son intérêt manifeste pour la jeune femme, ce n'est de toute façon pas sa préoccupation première même si on peut interpréter son acceptation de l'argent tombé du ciel proposé par Colby comme une réponse aux propos de Noel qui prétend (ironiquement) s'intéresser aux hommes à partir du moment ou il pèse 20 millions de $. Regan est de toute façon un personnage classique du film noir : le brave type qui a une certaine tendance à s'attirer les ennuis. Ici, le maitre d'oeuvre des problèmes, c'est Colby le sirupeux mais surtout Colby le sournois. Regan pressent pourtant l'entourloupe - il le dit d'ailleurs à Colby- mais accepte néanmoins sa proposition car il ne peux pas laisser passer l'occasion de ramasser ce qui est pour lui une fortune dans cette mission très éloignée de ses compétences mais qui doit durer seulement quelques jours.

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Il y en a un autre qui pressent l'embrouille, c'est l'inspecteur de police Damico interprété par un grand William Bendix. Il est lui aussi est persuadé que l'affaire est trop belle et le met en garde. Regan le traite comme s'il était un ami mais l'inverse n'est pas vrai. Après l'avoir mis en garde, il semble parfois se réjouir de voir Regan en difficulté, il le traite en coupable et alors que Regan semble commencer à dénouer les fils de l'histoire, il a tout l'air de vouloir le laisser se débrouiller seul, semblant satisfait de tenir son coupable et s'en contentant. C'est joué par Bendix avec un humour à froid qui fait merveille, et au delà de sa dureté apparente, il à surtout tout l'air de se foutre de la gueule de Regan et de se réjouir du pétrin dans lequel il s'est fourré. Pour finir, je ne m'étend pas sur les développements de l'intrigue, c'est du classique et sans grandes surprises. Je précise néanmoins que même entre gens de confiance, il y aura de la trahison et de la manipulation dans l'air et qu'un personnage secondaire dont je n'ai pas encore parlé aura une certaine importance, c'est Martha Kroner, la fille de l'homme abattu par Regan.

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Un mot sur la très jolie Ella Raines. Elle a tourné seulement dans 29 films...mais des pas mauvais. Après 2 films de guerre réussis, Corvette K-225 et surtout Cry 'Havoc' tournés à chaud durant la WWII, on l'a vu en vedette dans "L'amazone aux yeux verts" au coté de John Wayne puis dans Héros d'occasion dans lequel elle interprétait la fiancée d'Eddie Bracken, mais c'est surtout pour sa contribution au Film Noir, qu'on la connait le plus. Elle était la secrétaire qui menait l'enquête pour tenter de disculper son patron dans le médiocre Phantom Lady (Les mains qui tuent). Elle tenait un rôle un peu moins central dans le moyen The Strange Affair of Uncle Harry et enfin était parfaite au coté d'un grand Laughton dans le très bon thriller en costumes The Suspect, l'un des meilleurs films de la famille polar réalisé par Siodmak mais je dois dire que je dois être un des rares amateurs du genre a relativement peu aimer ce metteur en scène, ou tout au moins, à ne pas le mettre aussi haut que les autres metteurs en scène qui se sont beaucoup consacrer au genre…Or, lui en a vraiment fait beaucoup pour selon moi bien peu de grandes réussites.

Très bon film. Pas un mètre étalon du genre mais le parfait et pur petit film noir. 7/10

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Je commençais à perdre espoir de lire la suite de tes chroniques !!!!
Encore une fois.... (Ça va jaser !!!), je suis assez d'accord avec toi.
Meurtre à responsabilité limitée ; bien sans plus mais quelques belles séquences d'action
Angoisse ds la nuit ; le film m'a emballé malgré la vo nst et une copie pas top.
Cauchemar : sans doute plus indulgent que toi....et puis il y a E G Robinson...impérial !!!

Pour les M Gordon, je confondais the web et l'araignée (que j'ai et qui se regarde avec plaisir)
Je ne connais pas the web mais ta chronique (et E O'Brien !!) me font saliver.
The lady gambles ; pas vraiment un film noir mais sympa.
Je ne connais pas Act of Murder.
De Gordon au rayon noir, j'ai aussi Meurtre sans faire part, un de ses derniers films, avec A quinn et L Turner qui mérite le coup d'oeil et qui est plutôt bien fichu.
Dave Bannion
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Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par Dave Bannion »

Chip a écrit :je viens de visionner le dvd vidéo, récemment paru de " Cry vengeance" (la vengeance de Scarface)(1954), la copie 16x9 est excellente tout comme le film, un perle noire à (re)découvrir.
100% d'accord ; un très bon noir tout comme Timetable du même réalisateur presqu'aussi bon.
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Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par Federico »

kiemavel a écrit :
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Federico a écrit : Exactement le look à la Captain Achab qu'il avait au début des années 80 lorsque je l'avais aperçu. Sacrément intimidant, le bonhomme...
Tiens...Si ma mémoire est bonne c'est la 2ème fois que tu m'escagasses avec ce genre d'info. Alors forcément : Où, quand, comment ?...et surtout où peut-on encore le voir et est-il possible de se recommander de Federico ?

Tu l'as vu à la cinémathèque ? Invité d'un festival qui devait projeter "Quand la ville dort", le film a cassé et en remplacement on a diffusé "Le Faucon d'or" et Sterling, à l'issu de la projection a accepté de faire une déclaration : " Pure Bullshit ! "
Non, c'est beaucoup plus banal...
The difference between life and the movies is that a script has to make sense, and life doesn't.
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Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par kiemavel »

Dave Bannion a écrit :
Je commençais à perdre espoir de lire la suite de tes chroniques !!!!
Encore une fois.... (Ça va jaser !!!), je suis assez d'accord avec toi.
Meurtre à responsabilité limitée ; bien sans plus mais quelques belles séquences d'action
Angoisse ds la nuit ; le film m'a emballé malgré la vo nst et une copie pas top.
Cauchemar : sans doute plus indulgent que toi....et puis il y a E G Robinson...impérial !!!

Pour les M Gordon, je confondais the web et l'araignée (que j'ai et qui se regarde avec plaisir)
Je ne connais pas the web mais ta chronique (et E O'Brien !!) me font saliver.
The lady gambles ; pas vraiment un film noir mais sympa.
Je ne connais pas Act of Murder.
De Gordon au rayon noir, j'ai aussi Meurtre sans faire part, un de ses derniers films, avec A quinn et L Turner qui mérite le coup d'oeil et qui est plutôt bien fichu.
Merci Dave. Pour Angoisse dans la nuit, moi aussi le film m'a plu sans doute au delà de ce qui apparait dans le texte mais moi aussi je déplore la qualité de la copie que je connais...et je crois que pour ce genre de tout petit film noir sans stars on peut toujours rêver mais en vain d'une édition DVD digne de ce nom. A propos de Nightmare, ben je maintiens et au sujet de Robinson, ton enthousiasme est légitime car il est souvent excellentissime mais impérial, je réserve çà à ses grandes prestations. Coincidence, je ne vais pas tarder à poster une critique d'un film pas très connu dans lequel il tient le rôle principal et dans lequel il est génial. Lequel ? Ah non, je ne fais pas la bande annonce (trop tard). Quant aux autres polars de Michael Gordon, j'aime moyennement celui que tu cites, en revanche j'aime beaucoup L'araignée. La chronique aurait déjà du être postée....Elle était terminée mais une erreur de manip en faisant un copié/collé foireux et...plus de texte et pas eu la présence d'esprit :mrgreen: de sauvegarder au fur et à mesure mon texte. Je l'ai déjà dit mais y'a pas plus nul dans ce domaine :P Bilan de l'opération, faut tout recommencer et comme je suis pas mal vénère, je le réécrirais mais plus tard...

je passe à un autre cinéaste, pour 2 films tout neuf plus la réécriture d'un texte sur un autre de ses films dont j'avais déjà parlé dans les débuts de ce topic

Et enfin pour The Web...Y'en a qu'on du bol...Tu ne pourras que l'aimer celui la.
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Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par kiemavel »

Federico a écrit :
kiemavel a écrit :
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Tiens...Si ma mémoire est bonne c'est la 2ème fois que tu m'escagasses avec ce genre d'info. Alors forcément : Où, quand, comment ?...et surtout où peut-on encore le voir et est-il possible de se recommander de Federico ?

Tu l'as vu à la cinémathèque ? Invité d'un festival qui devait projeter "Quand la ville dort", le film a cassé et en remplacement on a diffusé "Le Faucon d'or" et Sterling, à l'issu de la projection a accepté de faire une déclaration : " Pure Bullshit ! "
Non, c'est beaucoup plus banal...
Effectivement anecdotique mais banal, non...Pour ma part, j'aurais sans doute été moins respectueux que toi, quoique tête en l'air et planant comme je suis, il aurait déjà fallu identifier comme le grand Sterling le grand clodo de 2 m que tu as croisé, car cette rencontre à Paris était tout de même très improbable. Heu, c'est pas une connerie mais il y a 12 ans, quai de Seine en face du mk2 j'ai un peu péter la gueule à un clodo (je n'ai pas eu le choix). Ah ben non, çà pouvait plus être lui et puis dans le cas contraire j'aurais surement simuler l'impotence pour dissimuler ma lacheté :mrgreen: Pour l'anecdote rapportée plus haut, c'est pas glorieux mais c'est mémorable dans le sens ou c'est la dernière fois ou j'ai eu à taper mon prochain...mais il m'avait interpellé dans un langage châtié qui donnait à peu près ceci : "Et toi le grand con !!! Moi les grands comme çà je les casse en deux !!! "...et il a tenté de le prouver de manière non scientifique...D'ou pétage de gueule (gentil le pétage de gueule, le genre qui peut te faire passer chez video gag plus que celui qui l'aurait obligé à passer une radio des nonosses )
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Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

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Dave Bannion a écrit :
Chip a écrit :je viens de visionner le dvd vidéo, récemment paru de " Cry vengeance" (la vengeance de Scarface)(1954), la copie 16x9 est excellente tout comme le film, un perle noire à (re)découvrir.
100% d'accord ; un très bon noir tout comme Timetable du même réalisateur presqu'aussi bon.
Moi je préfère presque le second mais les 2 sont assurément à voir et font regretter qu'il ait réalisé si peu de films...Tiens, çà me fait penser que je n'ai toujours pas vu Gun Fever, son western. Et sinon Chip, c'est moi ou à chaque fois que je te lis, il est question de Mark Stevens :mrgreen:

Je charrie car pour te lire sur le forum je sais que ce n'est pas le cas et puis de toute façon j'aime bien moi aussi cet acteur/réalisateur souvent sous estimé. Il l'était d'ailleurs aussi sans doute un peu en son temps car il y a des différences qualitatives énormes dans sa filmo, des trous, de nombreux films invisibles et bien souvent lorsqu'il a pu jouer dans des registres qui potentiellement pouvaient lui convenir et sous la direction de bons cinéastes, ce ne sont pas souvent leurs bons films, en tout cas c'est leur réputation car beaucoup de ces films là sont durs à voir. C'est peut-être même ces difficultés dans sa carrière d'acteur qui l'on amené à la mise en scène..car on est jamais mieux servi que par soi même ?

Et d'ailleurs, question bête, Chip, c'est pour "Fusillade à Tucson" ?
Dernière modification par kiemavel le 2 nov. 13, 10:03, modifié 1 fois.
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