Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méconnus

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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kiemavel
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joe-ernst a écrit :
kiemavel a écrit :
TWO OF A KIND. Henry Levin. 1951

Avec Edmond O'Brien (Michael Farrell), Lizabeth Scott ( Brandy Kirby), Terry Moore (Kathy McIntire) et Alexander Knox (Vincent Mailer)
Vu hier soir, et c'est assez plaisant. A ce que tu as écris. j'ajouterai encore l'humour, qui est omniprésent tout au long du film. Difficile cependant de le qualifier de film noir, tout en ne sachant d'ailleurs pas trop comment qualifier ce film...
Entièrement d'accord. C'est vrai que je n'ai pas trop insisté sur l'humour mais je parlais tout de même d'un film noir qui s'orientait assez rapidement vers une comédie sentimentale ou une comédie policière. Mais ce scénario de départ, c'est tout à fait une trame de pur film noir qui propose une sorte de variation sur le thème de l'être cher disparu et retrouvé qui était dans le roman de William Irish "J'ai épousé une ombre" adapté plusieurs fois au cinéma. Sauf qu'ici toutes les scènes d'émotion potentielles sont totalement absentes ou presque. On voit très peu les parents de l'enfant disparu par exemple et on s'oriente très rapidement vers un film noir cool et assez drôle.

Je me pose quelques questions sur ce film. Je me demande si pour une fois, Henry Levin n'a pas fait preuve d'un certain esprit d'initiative. J'ai l'intuition en tout cas que c'est à lui, au tournage puis au montage que l'on doit une partie des orientations prises. Un certain nombre de scènes montées différemment et placées à un autre moment aurait pu presque sans rien changer aux dialogues, orienter le film de manière totalement différente. Si tu prends une scène totalement décalée par rapport au genre, je veux parler de la 2ème rencontre entre les personnages interprétés par E. O'Brien et T. Moore. C'est une séquence nocturne. Il surprend T. Moore chez elle et elle fait semblant de prendre O'Brien pour un rôdeur. C'est une sorte de..."et si on jouait à se faire peur". La scène est drôle mais chargée aussi de tension érotique. Et bien, la même scène, filmée de la même façon et en conservant pratiquement les mêmes dialogues, qui aurait été choisis comme 1er contact entre les 2 personnages et non pas en 2ème rencontre, aurait pu être une vrai scène d'angoisse et de suspense. Je rêve peut être mais je pense que l'on doit au moins en partie la singularité de ce film, aux orientations prises par Levin au tournage et ceci peut-être en raison de la personnalité de Terry Moore...Mais ce n'est qu'une intuition pas plus étayée que çà.

Un autre film noir bourré d'humour et très underrated est à voir. C'est "Nocturne" d'Edwin L. Marin dont je parlais dans les premières pages de ce topic.
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UNE BALLE DANS LE DOS (Undertow). William Castle. 1949

Avec Scott Brady (Tony Reagan), John Russell (Danny Morgan), Peggy Dow (Ann McKnight), Dorothy Hart (Sally Lee), Bruce Bennett (Dét. Charles "Chuck" Reckling) et dans un petit rôle Rock Hudson.


Tony Reagan (Scott Brady), après avoir passé 7 ans dans l'armée, d'abord au cours la guerre du Pacifique puis dans les troupes d'occupation basées au Japon, revient à Reno ou il avait travaillé jadis dans le milieu des casinos. Il y retrouve le vendeur d'un hôtel qu'il vient d'acheter dans les montagnes au nord de la ville. C'est là qu'il rêve de reconstruire sa vie et de s'installer avec Sally (Dorothy Hart), sa petite amie de longue date et la nièce de son ancien patron, Big Jim, le propriétaire de nombreuses salles de jeu de Chicago et de Reno. Reagan retrouve par hasard Danny Morgan (John Russell), gérant une salle de jeu pour le grand patron. Ce vieil ami et ancien collègue tente bien de le persuader de reprendre son ancienne activité mais rien n'y fait, Reagan est bien décider à rompre avec son ancien milieu. Il prend l'avion pour rejoindre Chicago ou il doit retrouver sa petite amie qu'il n'a plus vu depuis des années et au cours du vol retrouve Ann McKnight (Peggy Dow), une jeune institutrice de Chicago qui était venue s'encanailler dans la ville du jeu. Sitôt débarqué de l'avion, il est interpellé par la police qui le soupçonne de vouloir régler de vieux comptes avec Big Jim et sa bande, pourtant Reagan ne souhaite qu'une chose en réalité, obtenir de Big Jim l'autorisation d'épouser Sally, mais quand plus tard dans la nuit il se rend à son domicile, il est enlevé, blessé par balle puis libéré et placé inconscient au volant d'une voiture. A son réveil, Reagan découvre qu'il est recherché par la police. Peu auparavant, Big Jim a été abattu et la police semble convaincu qu'il est le meurtrier...


On est dans une intrigue vue et revue : Un homme que tout accuse mène lui-même l'enquête pour tenter de se disculper. Sur cette base classique, le scénario n'apporte pas d'inovations très passionnantes. On voit en effet assez rapidement d'ou vient la manipulation. La répartition des principaux rôles est assez claire et attendue. On a deux filles, dont évidemment une garce qui n'en a pas l'air et une gentille qui le reste jusqu'au bout. En revanche, deux personnages, deux créations des scénaristes sont plus intéressants. Le premier est un détective incarné par Bruce Bennett. C'est un ami d'enfance de Reagan et le dilemme qu'il éprouve entre son devoir de policier et sa loyauté envers Reagan en raison de la vieille relation d'amitié avec ce suspect recherché pour meurtre sera bien utilisé par les scénaristes. Cette relation inspire particulièrement Castle dans une très bonne scène nocturne impliquant la femme et le fils de Reckling quand Reagan se rendra discrètement au domicile du policier. Le second personnage intéressant est le garde du corps de Big Jim, un géant afro-américain qui culpabilise de n'avoir pas pu protéger son patron et qui jouera un rôle capital à plusieurs moments clés du récit et notamment dans toute la partie finale.

Un mot aussi sur la "gentille" . C'est de tous les comédiens(es) principaux, celle qui se distingue le plus dans une distribution qui s'en sort honnêtement mais sans relief particulier. Peggy Dow qui avait des faux airs d'une autre "douceur" que j'aime bien, Cathy O'Donnell, aura connu une carrière encore plus courte que cette dernière mais aura vécu plus longtemps puisqu'elle est toujours de ce monde, contrairement à Cathy qui a disparue très jeune. Elle aura eu une carrière de 3 ans avant d'épouser un roi du pétrole et de filer inaugurer les orphelinats à Tulsa dans l'Oklahoma mais elle a eu le temps d'apparaitre dans quelques bons films dont d'autres bons polars : L'araignée de Michael Gordon, Shakedown de Joseph Pevney, The Sleeping City de George Sherman ainsi que dans 2 bons films de Mark Robson, Face à l'orage et La nouvelle aurore...mais aussi dans Harvey. Un mot enfin sur Rock Hudson dont c'était le second rôle au cinéma. Il joue un détective qui s'entretient avec Bruce Bennett dans une scène de remplissage de 5 min.

Mais la véritable vedette du film, et c'est surprenant, c'est la mise en scène de William Castle. Le roi du gimmick, des bizarreries plus ou moins gratuites et des trucs destinés à appâter le public, y compris dans les salles de projection, "le roi des farces et attrapes" ou le "Hitchcock du pauvre", comme l'appellent malicieusement Tavernier et Coursodon, était donc un vrai metteur en scène. Ça ne saute pas aux yeux dans les autres films que j'ai pu voir jusque là, notamment dans ses westerns, sauf peut-être dans le curieux "Etrange mariage" mais rien qui laissait prévoir l'habilité de Castle pour filmer les 2 villes du film, Reno et Chicago. Ici, Il profite pleinement du tournage en extérieur et intègre ses personnages en mouvement dans une ville vivante et active, et même au coeur de villes qui ont rarement été aussi bien intégrés dans les intrigues policières de cette époque là, mais sans atteindre non plus les sommets que constituent La cité sans voiles (The Naked City) et Les forbans de la nuit (Night and the City ), tout deux de Jules Dassin et 2 sommets du genre à ce titre...et 2 sommets du genre tout court. Mais tout de même, Castle fait preuve d'un grand sens de l'espace dans sa façon de filmer les déambulations de Scott Brady dans Reno puis dans Chicago. Il fait parfois un peu dans la facilité dans 2 scènes utilisant le site "touristique" de la fontaine Buckingham située au bord du lac Michigan, mais pour le reste, ses très beaux plans de "ville" sont discrets et très beaux. D'autres scènes nocturnes sont très bien mises en scène et admirablement découpées, tout comme une longue séquence dans une usine en fonctionnement mais désertée par le personnel, et enfin le dénouement qui se passe en partie dans les couloirs étroits du sous-sol d'un immeuble sont elles aussi très bien filmées.

Surement pas inoubliable mais un film noir solide, sans grandes surprises mais esthétiquement très réussi. Vu en VOST. Ce film est déjà passé sur une ou des chaines françaises.

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Alligator
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Message par Alligator »

Alphonse Tram a écrit :
Alligator a écrit :Jackson County Jail (La prison du viol) (Michael Miller, 1976)
J'ai relu ton topo, et je reste tout de même moins affirmatif que toi sur le fait qu'il s'agisse d'un vrai film noir.

C'est vrai, on retrouve ici plusieurs thèmes comme l'infidélité ou le crime, mais même en essayant d'oublier les images fondatrices du genre, pas sur que globalement il y ai une vraie filiation dans ce film (manipulations, trahisons, et surtout fatalisme, car tout de même la dernière image du film peut faire espérer que la fille s'en tire, si elle met tout sur le compte du truand).
Ce qui pour moi constitue le genre noir par excellence, ce n'est pas forcément l'infidélité, c'est le destin funeste du ou des héros, chemin déterministe, l'inéluctabilité de l'échec, la mouise qui colle aux baskets. Et ici quoiqu'elle et lui font, ça ne marche pas, ils s'enfoncent inexorablement vers l'échec. L'arrestation ou la mort, peu importe, ils n'arrivent pas à leur fin. Ils essaient d'échapper à leur sort, mais toujours en vain, quoiqu'ils fassent, ils y vont.
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Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

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ETRANGE MARIAGE (When Strangers Marry...puis Betrayed). William Castle. 1944

Le film a été distribué plus tard sous le titre " Betrayed ", lorsque Mitchum est devenu une star, puis plus tard diffusé avec ce titre à la télévision américaine.

Avec Robert Mitchum (Fred Graham), Kim Hunter (Mildred "Millie" Baxter), Dean Jagger (Paul Baxter) et Rhonda Fleming


La jeune et naïve Millie, toute droit venu de son Ohio natal, arrive à New-York pour y retrouver son mari épousé quelques semaines plus tôt. Elle travaillait comme serveuse dans un restaurant, avait été séduite par un représentant de commerce et après seulement 3 ou 4 brêves rencontres l'avait épousé. Arrivée à l'endroit convenu, un hôtel, son mari demeure pour un temps introuvable, elle signale donc sa disparition aux services de police. Au cours de leurs recherches, ceux ci en viennent à soupçonner Paul, son mari, d'être l'auteur d'un crime commis quelques jours plus tôt à Philadelphie. Millie n'en croit d'abord rien, puis fini par éprouver des doutes sur la véritable personnalité d'un homme qu'elle ne connait pas vraiment. Elle part à sa recherche, aidée par Fred Graham, un autre représentant de commerce et un ex petit ami de la jeune femme...

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Le scénario recycle dans le thriller un phénomène social bien réel et exploité plusieurs fois au cinéma, les mariages dans l'urgence, les mariages express en temps de guerre. On en aura aussi l'illustration notamment dans "Les plus belles années de notre vie" avec le mariage raté des personnages interprétés par Dana Andrews et Virginia Mayo. Ici, la douce Millie, interprétée par la "Girl Next Door" Kim Hunter qui est presque de toutes les scènes et est tout à fait crédible en provinciale un peu perdue dans New-York, découvre à sa grande frayeur qu'elle a peut-être épousé un assassin et elle est plongé dans un environnement urbain pour elle infernal, et en tout cas très loin de son environnement familier. Elle doit affronter cette situation presque seule et ce dépaysement, cette solitude et surtout ses angoisses intimes vont se traduire parfois de façon violente car l'homme qu'elle a épousée est réellement un "inconnu"...Elle est par exemple incapable de décrire au policier qui l'interroge si Paul a des défauts physiques et elle en est gênée.

Malheureusement Castle multiplie aussi, parfois artificiellement les motifs d'inquiétudes éprouvés par Millie au sujet de son mari. On ne comprend pas toujours les raisons qui poussent Paul à utiliser de fausses identités, à se confiner dans le noir, à fuir toutes relations sociales, etc...Plus largement, en terme de mise en scène, on est assez loin des qualités décrites pas plus tard qu'hier au sujet d'un film ultérieur, Une balle dans le dos (Undertow). On est ici dans l'ordinaire de ce que proposait bien souvent Castle. Il tente bien de faire preuve d'un peu d'imagination, d'ajouter des touches d'inattendus et d'incongruités. Il essaie d'orienter le public vers de fausses pistes mais bien souvent ses tentatives ressemblent à une façon artificielle d'assaisonner le suspense pour combler les insuffisances du scénario, et pourquoi pas d'ailleurs, mais ici certains effets tombent à plat ou retombent très vite et lorsqu'ils fonctionnent un peu, ressemblent plus à ces guignolades et ces bizarreries qui rendirent célèbres le metteur en scène. Il use en tout cas de tout un tas de trucs assez faciles mais cependant parfois un peu amusants.

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Le film s'ouvre par le meurtre. On entend les rugissements d'un lion (bien réels, mais c'est pas celui de la MGM...mais c'est presque pareil, c'est la Monogram ! ). C'est en effet un masque de lion que porte l'homme aviné qui participe à une convention de représentants à Philadelphie. Il rit aux éclats, tentent de blaguer, propose d'offrir un verre à toute l'assistance composée...d'un seul homme qu'on verra toujours de dos. Il sort une liasse de billets de banque sous son nez. Le lendemain matin, la femme de ménage commence son travail dans la chambre de cet homme. La radio diffuse un programme de remise en forme et tout en nettoyant la chambre, la femme s'adresse au cadavre assis sur un fauteuil. Elle ne parait nullement surprise que l'homme porte toujours sur la tête celle de lion qu'il portait lors de la fête de la nuit précédente. Mais ses questions restant sans réponses, elle soulève la tête de lion et s'aperçoit que le vieil homme est mort étranglé au cours de la nuit. Tout ceci est assez typique de Castle et il continue...Plus tard, quand Millie passe sa 1ère nuit à N-Y, incapable de dormir, sans nouvelles de son mari, une lumière crue et violente, la lumière brutale des néons d'une boite de nuit éclairera soudain son visage, accompagnée d'une musique assourdissante, ce qui viendra lui rappeler les réalités de la vie dans une grande ville. Un peu plus tard encore, Paul apparaitra à Millie, puis disparaitra derrière la vitrine d'un restaurant éclairée uniquement par la lumière clignotante d'un néon. Plus loin, c'est le mari Paul qui sera pris de frayeur et sursautera lorsque, alors que Millie est dans ses bras, il croiera que c'est elle qui évoquera le crime commis dans l'hôtel, alors qu'en réalité la voix qui raconte les faits sordides est celle d'un voisin en train de lire un journal fenêtres ouvertes. D'autres scènes assez brillantes en apparence participent au sentiment d'assister à une sorte de catalogues de scènes d'angoisse sans réelle unité et surtout mises bout à bout dans un scénario peu cohérent. Je peux citer en exemple une scène dans un taxi collectif ou le couple en fuite (composée de ???) se retrouvera sous les regards soupçonneux des co-voyageurs, provoquant la panique de l'homme et leur fuite. Une autre scène nocturne dans laquelle les images cauchemardesques, les personnages terrifiants viendront matérialiser les terreurs de Millie lorsqu'elle traversera un tunnel....et enfin, le final n'est pas non plus une grande réussite. On sent venir le dénouement de très loin et surtout le Climax est assez médiocrement amené, filmé et joué (Warning SPOILER...car Bob n'était pas encore tout à fait le grand Bob de Cape Fear ou de Night of the Hunter).

En revanche, d'autre moment sont plus heureux. On peut voir une allusion anti-raciste dans le fait que le couple en fuite, après avoir craint et évité tous les lieux publics, trouvera refuge dans une boite dont toute la clientèle est noire. Après un très bref silence et le coup d'oeil simultané de toute l'assistance lorsque le couple rentrera dans la boite, la soirée suivra son court comme si de rien n'était (A signaler l'excellente musique - de Tiomkin ?- dans cette scène). Et enfin, je pense qu'on doit à Yordan, l'exploitation d'une idée assez subtile et bien intégrée au scénario. Chez les 2 hommes de Millie si mystérieux et insaisissables, ce seront les traces écrites qu'ils ont laissés qui les menaceront...ainsi que les écrits que leurs actes entraineront. Yordan parsème son histoire de petites touches concernant l'écriture du meurtrier. Une lettre perdue puis retrouvée ; un papier glissé sous une porte (une fausse piste)...et les journaux relatant les faits auront aussi une certaine importance.

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Bref (çà c'est pas vrai), malgré mes (molles) critiques, Castle réussit en 67 minutes à caser plus d'idées que pas mal de metteurs en scène plus prestigieux en 90, le problème c'est qu'ici, bonnes idées et fausses bonnes idées se côtoient et nuisent à l'unité d'un film pourtant à voir pour sa singularité. Ce film fauché des Studio Monogram était produit par Frank et Maurice King, avec cette fois ci le 3ème frangin, Herman, un spécialiste des effets spéciaux et futur conseiller technique de mauvais Films Noirs (Pardon ?) : Dillinger, Fatalité (page 7 du topic), The Gangster (page 3) et Le démon des armes, tous produits par les frères. Comme autre futur talent, en dehors des comédiens en devenir, on peut aussi signaler qu'il s'agissait d'un des premiers scénario de Philip Yordan et que l'excellente musique originale était due à Dimitri Tiomkin.

Anecdotes :
C'était le premier rôle important pour Robert Mitchum qui avait multiplié les petites rôles depuis l'année précédente et qui dès l'année suivante, en 1945, passait dans la classe supérieure avec son premier rôle dans "Les forçats de la gloire" de Wellman. C'était aussi les débuts de Kim Hunter, son 3ème film après La 7ème victime de Robson et Tender Comrade de Dmytryk. Elle a eu une carrière bizarre, connaissant la gloire en participant à de grands films -Une question de vie ou de mort. Un tramway nommé désir (oscar). Bas les masques- mais passant très tôt principalement à la télévision. Une exception notable, L'héritage de la colère de Bartlett...mais en revanche, elle avait déjà terriblement (et prématurément) vieilli dans " La planète des singes ".

Une toute jeunette Rhonda Fleming apparait aussi dans la dernière séquence humoristique du film qui se passe à bord d'un train. Elle est introduite par manque de place dans le compartiment d'un couple qui voudrait rester seul et commence à raconter qu'elle prend ce train pour aller se marier. Cette séquence répond à une autre que nous avions vu au tout début du film mais c'était alors le personnage de Kim Hunter qui jouait l'intruse.

Vu en VOST. C'est un film qui est passé à la télévision française, mais pas hier. Peut-être dans une intégrale Robert Mitchum ? A moins qu'ils (une entité indéfinie et bizarre) ne préfèrent passer des raretés : Fini de rire, Racket, les indomptables, etc...
Dernière modification par kiemavel le 19 mai 13, 10:26, modifié 1 fois.
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Appointment with danger

Message par kiemavel »

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Échec au hold-up /Appointment with danger
de Lewis Allen (1951)
Avec Alan Ladd (Al Goddard), Phyllis Calvert (Soeur Augustine), Paul Stewart (Earl Boettiger), Jack Webb (Joe Regas), Jan Sterling (Dodie), Harry Morgan (George Soderquist) et Stacy Harris (Paul Farrar)

A Gary dans l'Indiana, Harry Gruber, un inspecteur des postes vient d'être assassiné et alors que les 2 meurtriers chargent le cadavre dans une voiture, ils sont surpris par une religieuse qui signale les suspects à un policier puis disparait. L'enquête sur ce meurtre mystérieux est confiée à Al Goddard, un enquêteur intransigeant qui après l'avoir retrouvé, réussi à convaincre la soeur de l'aider à identifier les 2 meurtriers mais l'un des deux tueurs la reconnait dans la rue et dès lors craignant d'être reconnu, il cherche à la supprimer. De son coté, Goddard cherche à comprendre pourquoi Gruber a été assassiné et il soupçonne que le braquage d'un fourgon postal se prépare et que c'est parce qu'il l'avait découvert que Gruber avait été tué. Goddard décide d'infiltrer le gang....
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Celui ci n'est pas un pur film noir mais c'est un bon policier classique très bien mené malgré une intrigue complexe qui pourra même paraitre trop embrouillée à certains. Pourtant, ce récit compliqué à tenir est de bout en bout absolument maitrisé par les scénaristes et par Lewis Allen et c'est même son principal mérite car le suspense est admirablement orchestré presque jusqu'à la fin. La situation de départ n'a pourtant rien de bien originale. On a un flic infiltré...et les gangsters en ont un aussi, un infiltré, puisque c'est un employé des postes qui les renseigne. Mais cet habile scénario multiplie les scènes dans lesquels la situation peut évoluer de façon radicalement différente d'un moment à l'autre et souvent c'est la situation de l'enquêteur qui pourra devenir dramatique. Il ne devra bien souvent la vie qu'à son sang froid et à sa grande capacité d'improvisation. D'autre part, l'intérêt vient aussi du fait que la division règne dans tous les camps. Chez les gangsters, à mesure que les enquêteurs remonteront la piste des meurtriers, la cohésion du groupe en pâtira. Un des membres du gang se trouvera même dans une position complexe, ne pouvant pas témoigner du piège tendu malgré sa loyauté à l'égard de ses complices. Mais chez les policiers aussi, la cohésion ne sera pas totale puisque Al Goddard s'il est un enquêteur respecté, est aussi un homme que ses collègues méprisent. C'est d'ailleurs la 3ème singularité de ce film, la complexité de certains personnages ou leur incongruité à l'intérieur du genre. Le premier c'est Al Goddard.
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C'est un inspecteur des postes, dur, cynique et froid que personne n'aime, pas même ses collègues mais c'est un grand enquêteur qui ne pense qu'à son travail. Le rôle est tenu par un Alan Ladd tel qu'on le connait dans ses meilleurs polars. Dur et froid mais avec un regard dans lequel se mêle de la malice, de l'ironie, parfois du mépris, mais aussi une certaine mélancolie. Ce rôle imposait aussi quelques prouesses physiques et de ce point de vue, en tant qu'ancien sportif de haut niveau, Ladd était convaincant. Même s'il n'en a pas l'air, comme James Stewart dans ses westerns, il est lui aussi capable de très inattendus accès de violence. Il n'y a qu'à voir la façon dont il envoie promener en 2 pichenettes le plus dur du gang interprété par Jack Webb. Il finira la scène en ramassant une BD qui trainait sur un fauteuil et en la lui lançant au visage, disant, s'adressant en même temps à Paul Stewart (son chef) : Amuse toi !..Et apprend lui à lire !!! ....Mais s'Il a l'air de mépriser tout et tout le monde, il s'intéressera au sort de la religieuse et finira par s'adoucir à son contact. C'est le personnage incongru de ce polar et ce dialogue du flic et de la bonne-soeur inspire au dialoguiste les échanges les mieux écrits et les plus amusants du film.
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Ainsi, alors que la religieuse avait déjà questionné Goddard sur ses croyances et pratiques religieuses, quand l'inspecteur tente de la persuader d'accepter une arme pour se défendre, lui en montre le fonctionnement mais que le pistolet s'enraye, on entend l'échange suivant :

- Souvenez vous que j'ai mon ange gardien...
- J'ai aussi le mien ! (désignant son arme)
- Mais le mien ne s'enraille jamais !

Le 3ème personnage intéressant, c'est la petite amie du chef de la bande interprétée par Jan Sterling, une habitué du genre mais elle aussi, pourtant abonnée au rôle de garce sans coeur, tient dans ce film un rôle bien plus complexe que ce qu'on lui offrait bien souvent mais je ne développe pas plus ce point là...Je mets juste un petit échange entre Goddard et Dodie (Jan Sterling)

Lorsqu'elle l'invite a partager son gout pour le jazz, ils échangent en gros ce dialogue à propos du Be-Bop.
- Vous avez vu ces nouveaux disques ? Vous aimez le Be-Bop ?
- Ah oui, cette musique ou chacun joue un air différent !
- Vous connaissez ce musicien ? C'est un virtuose, Il plie son instrument à volonté, il le fait tournoyer, il...
- Sait-il en jouer seulement !

Plus tard, proche du dénouement, on aura des dialogues plus rudes comme par exemple cet échange entre Jack Webb et Alan Ladd :
- Tu en fais une tête, on dirait que tu pleures ton meilleur ami
- Je suis mon meilleur ami !
- C'est ce que je disais !!!
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En dehors de Webb qu'on verra dans d'autres polars et qui finira même par en réaliser plusieurs, la bande de malfrats est composée de bons seconds rôles du cinéma américain. Ils sont menés par Paul Stewart, qui est donc secondé par Jack Webb, en dur d'école assez caricatural. Ils sont épaulés par Harry Morgan (George Soderquist) et Paul Farrar (Stacy Harris). Un mot pour finir sur le travail du metteur en scène Lewis Allen qui ne brille pas particulièrement mais son style nerveux accompagne de manière dynamique ce scénario touffu. Il ne perd pas de temps, il accélère même le récit contre un certain réalisme mais c'est dans l'intérêt du film et ce tempo soutenu fait que l'on suit sans ennui ce bon policier. Ce film a été diffusé en VF et en VOST sur des chaines françaises.

Lewis Allen peut être considéré comme un petit maitre du thriller, plus que du film noir car il n'a pas réalisé à proprement parlé de pur film noir en dehors de l'excellent Enquête à Chicago (Chicago Deadline), toujours avec Alan Ladd. Parmi ses principaux films criminels, je signale le thriller en couleurs La furie du désert. L'excellent thriller en costumes Une âme perdue (So evil my love) (un de ses meilleurs films). Puis il réalisa Je dois tuer (Suddenly) dans lequel un médiocre Frank Sinatra entrainait un groupe de gangsters à tenter d'assassiner le président des États-Unis. Un pruneau pour Joe (A Bullet for Joey) sur lequel je fondais pas mal d'espoir c'est avéré un peu décevant malgré des pointures du genre : Edward G. Robinson, George Raft et Audrey Totter ; enfin Le témoin à abattre (Illégal) reste plutôt un bon souvenir.
Dernière modification par kiemavel le 28 déc. 15, 21:26, modifié 2 fois.
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Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

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SO DARK THE NIGHT. Joseph H. Lewis. 1946

Je ne fais pas de résumé pour un tel film. Je préfère construire une sorte de puzzle et donner une idée parcellaire de ce que j'y ai vu.

Je dois commencer par dire que ce film a été une des très grandes déceptions de ces dernières années. On rêve parfois d'un film pendant longtemps et loin d'être un handicap ne permettant pas de l'apprécier à sa juste valeur, au contraire, çà n'estompe en rien le plaisir ressenti à sa vision. Je viens tout juste de l'éprouver avec la découverte de mon dernier Preston Sturges "Miracle au village" que je voulais voir sous-titré pour ne pas en manquer une miette. Comprendre 60 ou 70 % d'un tel film , c'était insuffisant et donc ce film était mon Sturges de réserve...à garder pour les jours de disette. Et bien, c'est un de ses chefs d'oeuvre ! Digression ?...Oui et non car la réputation de So dark the night est très grande et j'en attendais beaucoup. Je l'avais vu une première fois il y a 3 ou 4 ans et je viens de le revoir. La déception est toujours grande mais je l'a comprend mieux. Il n'en reste pas moins que ma critique va être assez atypique car Tavernier, Tulard, Lourcelles et Silver, entre autre, en disent le plus grand bien.

J'expose (courageusement) mes arguments :
Mon problème avec ce film, c'est que si j'en vois bien les nombreux aspects potentiellement passionnants, je (crois) voir aussi l'abime entre ses potentialités et le résultat visible à l'écran.

1er problème...Tout le monde parle de Film Noir or je ne vois pas un Film Noir. Le film, j'en parlerais plus loin, empreinte à plusieurs genres mais ce qui est à l'écran ce n'est pas un film noir. Le seul élément noir, il est en creux, dans le personnage principal, caché derrière celui qui est visible tout le long du récit...voir dans certains aspects de la mise en scène qui utilise les codes du genre Noir dans un récit qui n'en est pas un. En réalité, je dirais que çà commence comme "Les vacances de Maigret", çà se transforme en romance contrariée, ensuite on a un Whodunit...Et çà se termine au confins du cinéma fantastique...Le "héros" de ce film, Henri Cassin, est présenté comme le meilleur détective de France, le Maigret ou le Sherlock Holmes de la sureté de Paris. C'est donc une personnalité très célèbre, accueilli comme tel par les occupants de l'auberge flattés de le voir prendre ses vacances dans ce petit village. Mais ce héros, qui a dépassé la cinquantaine, est vieillissant, usé mentalement et physiquement. C'est un bourreau de travail qui n'a plus pris de vacances depuis 11 ans et on peux imaginer les pressions que subit cet homme pour rester à la hauteur de sa réputation. Mais ce n'est même pas lui qui prend l'initiative de souffler un peu, ce sont ses supérieurs qui l'y oblige. On le devine aussi sans vie personnelle. C'est d'ailleurs un vieux célibataire qui n'a jamais pensé qu'à son travail.

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Le problème à ce stade, c'est que ces informations sur la personnalité et la situation du détective passent essentiellement par le dialogue des tiers qui s'expriment à son sujet plus qu'à travers le jeu ou les paroles de cet homme. Les dialogues assez pauvres et le jeu de Steven Gerray, assez limité, modère l'impact du personnage. Néanmoins, ses bases d'informations anticipaient plutôt habilement sur la suite. Il arrive donc dans le petit village de St Margot et s'installe à l'auberge. Il est accueilli dans cette petite communauté rurale de laquelle on verra surtout le couple d'aubergiste et leur fille ainsi que la serveuse entre deux âges et veuve depuis peu. Immédiatement, Nanette, la fille des aubergistes tente de séduire le vieux célibataire. Sa mère l'encourage d'ailleurs dans ce sens alors que le père lui s'oppose à ses projets par loyauté à l'égard du petit ami de la jeune femme. Elle est en effet fiancée à Léon, un paysan pauvre du village. Les deux jeunes gens se sont même promis depuis l'enfance de se marier une fois adulte. Nanette voit régulièrement le détective mais elle semble plus intéressée par la vie parisienne qu'il (semble) lui décrire que par sa personnalité assez effacée et ses approches timides. J'ai écrit "semble" entre parenthèse car on n'a pas ces dialogues avec lesquels Cassin est censé séduire Nanette or ces dialogues entre la jeune fille et le détective auraient pu être intéressants. Ils auraient pu montrer l'ambiguité des sentiments de la jeune femme. On a donc des dialogues très rudimentaires entre les deux personnages principaux.

On sent tout de même un homme qui n'est pas en confiance avec les femmes. A plusieurs reprises, il est même tout près de s'effacer car le fiancé intervient également pour tenter de rompre l'idylle naissante mais on n'aura jamais de confrontations d'aucune sorte alors que Lewis aurait pu jouer du contraste physique entre les deux hommes. Le paysan pauvre, jeune et bien bâti et le parisien entre deux âges et vivant dans l'aisance....ainsi que la "balance" de Nanette entre les deux hommes. Encore une fois, si confrontation il y a, c'est uniquement par le commentaire des personnages secondaires à ce sujet. Les parents se disputent et dialoguent avec leur fille au sujet de la situation, ce qui fait qu'à ce stade du film, on est bien plus marqué (et atterré) par le pittoresque des personnages secondaires que par l'intérêt suscité par la situation des personnages principaux . Il faut ainsi supporter un nombre incalculable d'interventions sans intérêt de ces personnages évoluant en marge du semblant d'intrigue. A moins que Lewis n'ai voulu insister sur la trivialité de ses provinciaux, car c'est presque toujours de l'argent et de la notoriété de Cassin dont il est question. J'ajoute que ces Hongrois, ces Tchèques...et ces français parlant avec un accent français improbable et montrant une France rurale très fantaisiste sont difficilement supportables...mais passe encore car ce n'est pas le plus grave.

On a alors une première bascule dans le récit. En l'absence de Léon, des fiançailles sont organisés mais l'ex petit ami arrive au milieu de la fête, promet de ne jamais abandonner Nanette et de tout faire pour la reconquérir. Le soir même ils disparaissent tout deux. Cassin semble résigner à l'idée que les deux anciens amants ont pris la fuite. Au bout d'une semaine, le corps de Nanette est pourtant retrouvé dans la rivière. Cassin est tout de suite consulté par les villageois et constate qu'elle a sans doute été assassiné le soir des fiançailles. Tout de suite après, on retrouve le corps de Léon dans une dépendance de sa ferme. Au premier abord, il semble s'être suicidé mais Cassin comprend immédiatement qu'il s'agit d'un assassinat maquillé en suicide. A partir des maigres indices trouvés sur place, Cassin commence son enquête en tentant de dresser un portrait de l'assassin...C'est la que commence le Whodunit...et c'est totalement inintéressant...

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Enfin, une dernière bascule interviendra plus tard et fera basculer le film pratiquement dans le conte fantastique mais je n'en dirais rien. Le dernier quart d'heure de ce film très court, 70 min, est néanmoins remarquable et la dernière séquence est même sublime...mais çà vient trop tard. Cette idée de transposer une intrigue tortueuse dans un cadre champêtre aurait pu être intéressante mais le pittoresque de pacotille des protagonistes, un aspect qui pourraient paraître secondaire, gâche tout. Le psycho-mélo central est lui aussi rendu inintéressant par le coté superficiel des relations décrites, la faiblesse des dialogues et par la faiblesse de l'interprétation de Micheline Cheirel (qui est exécrable) et à un degré moindre par celle de Steven Gerray.
Pourtant, j'insiste sur ce point, ce portrait d'un effondrement, qui est avant tout un effondrement moral, aurait du être passionnant mais il aurait fallu un script, un dialoguiste et des interprètes compétents car on ne juge pas un film sur ses intentions. Le talent de Lewis comme metteur en scène est lui déjà évident. C'est brillant, bien qu'il ai recours à certains "trucs" répétitifs comme ces plans très nombreux filmés de l'extérieur de l'auberge et une utilisation un peu systématique et lourde des miroirs. A contrario, quelques idées de mise en scène sont simples mais très efficaces, lorsque Cassin arrive à l'auberge, Lewis montre l'attrait de Nanette pour le clinquant parisien par ses regards insistants sur les chromes brillants de la voiture luxueuse du détective. Il y aurait beaucoup de choses à dire sur la mise en scène mais j'ai déjà fait trop long...C'est Truffaut, l'un de mes grands amours de jeunesse, qui avait inventé cette notion de "grand film malade" et elle s'applique selon moi à ce film. Mais néanmoins d'autres amateurs de Noir et de très compétents y ont vu un grand film... Celui ci était le 2ème "Film Noir" de Lewis...Je vais prochainement écrire quelques mots sur le premier, tout aussi mythique et rare, My name is Julia Ross.

Vu en vost. SO DARK THE NIGHT est passé sur cinéfil en 1991 et semble t'il n'a plus été diffusé depuis. Quoique j'ai pu exprimer sur ce film, il est scandaleux qu'un film aussi réputé dont il existe une copie sous-titré reste ainsi dans les placards. On parle de plus d'un film d'un metteur en scène culte et pas d'un obscur homme à tout faire sans talent.

J'ai rapatrié ce texte qui figurait dans les premières pages de ce topic car la mise en page m'en était devenu insupportable alors que c'était le moindre de mes soucis à l'époque de son écriture. J'ai aussi ajouté des photos. Si un modérateur veut éliminer le premier post, ce ne sera pas plus mal...
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Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par kiemavel »

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MY NAME IS JULIA ROSS. Joseph H. Lewis. 1945

Avec Nina Foch (Julia Ross), Dame May Whitty (Mrs. Hughes), George Macready (Ralph Hughes)

Julia Ross vient d'arriver à Londres mais sans travail son installation s'avère difficile. Elle doit déjà de l'argent à sa logeuse. Elle répond donc à toutes les annonces possibles. Un soir, elle se rend à un entretien d'embauche et rencontre une riche famille Londonienne qui cherche une secrétaire. Seule obligation, elle doit vivre à plein temps chez ses nouveaux employeurs ce qui va l'obliger à moins fréquenter le jeune avocat, son ami qui vient au tout dernier moment de renoncer à son mariage sans doute par amour pour Julia. Elle accepte néanmoins ce travail et s'installe le soir même chez les Hughes. Mais alors que Julia est parti dormir, la famille et le majordome s'acharne à faire disparaitre tous les objets personnels de Julia, photos, papiers, vêtements, etc... Et elle se réveille le surlendemain dans un environnement totalement différent. La famille a abandonné sa maison de Londres pour gagner un manoir de Cornouailles. ...et au matin, la bonne qui lui apporte le petit déjeuné l'appelle Marion, tout comme la famille qui arrive peu après. Elle découvre ainsi que pour toutes ses personnes, elle est la femme du fils de la maison, Ralph. Sa femme Marion a eu des problèmes psychiatriques, a subit une longue hospitalisation mais vient tout juste de revenir à la maison. Julia/Marion nie en bloc être cette femme mais elle est séquestrée dans le manoir. Son ami avocat tente de la retrouver mais elle n'a laissé aucune trace...

1ère chose au sujet de ce film. Est-ce un film noir ? Pour moi, il l'est de manière très secondaire, presque uniquement par la mise en scène qui utilise certains codes du Film Noir. Pour le reste on est dans un thriller psychologique avec ambiance gothique plutôt que dans un Noir. Il peut faire penser à Rebecca, à Hantise voir de plus loin "Au secret derrière la porte", "House by the river" ou au "Chateau du dragon"...Sans jamais atteindre le niveau des films cités et loin s'en faut. Dans un film comme celui là, s'offre plusieurs possibilités aux scénaristes et au metteur en scène. On peut jouer sur l'ambiguité des personnages, de la situation et sur les angoisses et les interrogations qui vont en découler. 1er constat, à aucun moment on ne doute de l'identité de Julia Ross/Marion Hugues. On sait d'emblée qui elle est et aucun doute ne nous est permis même quand maladroitement Lewis fait intervenir les domestiques pour tenter de mener sur une fausse piste. Pourtant dans cette vaste demeure ancienne et luxueuse dans laquelle déambulent, les vrais méchants ( George Macready et sa mère ), celui qui les assiste ( le majordome ), la bonne et la gouvernante qu'on voit toujours ensemble...et un chat noir...il y avait moyen de créer des nuances dans l'attitude des principaux personnages et créer le flou et le doute. Et même sur le personnage interprété par Nina Foch, il y avait moyen de jouer...Mais je l'ai dit, il n'en est rien.

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Dans ce cas, s'il n'y a pas d'ambiguité sur l'identité de la séquestrée et si tous les "tortionnaires" jouent la même partition, alors on va pouvoir créer un climat horrifique autour de la victime désignée. Ils veulent la rendre folle ? voir pire ?..La aussi, le soufflé retombe vite et à vrai dire il ne monte jamais, principalement par la faute du scénario et de la direction d' acteurs. Les voici justement : Dame May Whitty, la mère. C'est elle qui organise tout, qui planifie les saloperies à venir, qui sermonne son fils... mais elle n'est pas dans une des toiles d'araignée plus ou moins ironiques tissées par Hitchcock. Elle sort de Soupçons et d'Une femme disparait telle quelle avec son petit chapeau et sa distinction britannique mais on lui fait faire et dire des choses choquantes pour elle (je blague...) alors qu'on dirait qu'on a affaire à Margaret Rutherford ou à une vieille dame anglaise très digne qui va déclarer "Le thé va être servi". On a en tout cas pas affaire à la maman de Claude Rains dans Notorious et à son équivalent pince-sans-rire qu'on voit encore plus souvent. Dans le film de Lewis, il n'y a même pas de distance ironique, juste quelqu'un qui n'est pas à sa place ou qu'on a mal dirigé.

Quant à George Macready, c'est encore pire. Dans la première scène, il laisse parler maman. Dans la seconde, quand après avoir drogué Julia/Marion, ils font disparaitre le contenu de ses valises et brulent ses vêtements, lui est montré en train de trancher au couteau les sous-vêtements de Julia et la maman de dire "Mais vas-tu arrêter !"Bon là, on devine que le gars est pas trop net et qu'il risque d'arriver des bricoles à la pauvre Julia. Pas net certes mais un peu obsédé (C'est pas incompatible) car régulièrement il tente de sauter sur Julia/Marion. Normal, après tout c'est sa femme..." Mais non, je ne suis pas votre femme et ne l'ai jamais été" rétorque la belle (au cerveau malade ?) qui trouverait n'importe quelle prétexte pour échapper au devoir conjugal avec Scarface. Bon, là je commence à m'égarer...Plus tard, se rappelant un forfait antérieur, et toujours armé de son nin-nin (mi couteau, mi scalpel) qui ne le quitte jamais, de rage il lardera de coups de couteau le sofa de maman qui lui fera les gros yeux. Lui, il ne revient pas sur les lieux de ses crimes, il prend pour cible un élément de mobilier et lui fait subir le même sort. Doit avoir des prix chez Conforama le gars...Honnêtement, je ne vois pas comment on pourrait ne pas rire à cette scène. Evidemment, il se trouve face à sa mère lorsqu'il tue le canapé mais évidemment c'est à sa mère qu' il jette des regards enragés. Le gars qui a écrit çà, il a du lire un paquet d'ouvrage sur la psychanalyse, ou au moins les têtes de chapitre...à moins que ce ne soit 'La psychanalyse pour les nuls" ? Bilan : Une interprétation et surtout un personnage au mieux inconsistant, au pire grotesque. Quant aux personnages secondaires, les 4 domestiques, Lewis n'en fait presque rien. La "cavalerie", incarnée par ce jeune ami avocat Londonien qui recherche Julia ?..On entend Julia /Marion l'évoquer mais on ne le voit presque jamais.

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Pas les personnages, mais alors, Film gothique...donc atmosphère. Bâtiments effrayants. Ombres sur les murs, vent, brouillard, orage et volets qui claquent... Ben non...La maison des Hughes est pourtant le prototype de la maison qui met les foies. C'est un immense manoir aux plafonds hauts, au décor assez luxueux. Il est situé au bord d'une falaise et surplombe la mer. Et la mer de Cornouailles çà fouette un peu plus le visage que la brise chaude de Bora Bora. En d'autres termes, y'a de quoi faire. Et ben, encore une fois, on voit pas grand chose. Lewis ne se sert pas de cet environnement pour créer une atmosphère sauf en 2 ou 3 occasions.

-La premier réveil de Julia/Marion est admirable. On l'avait quitté à Londres et on l'a retrouve encore endormi dans son lit, toujours sous l'effet du somnifère. Un plan à 360 % nous permet de découvrir son nouvel environnement. La chambre au décor rococo. La mer qu'on voit en contrebas. Elle se réveille et constate que ses objets familiers ont disparu remplacés par certains qui portent des initiales M-H qui ne lui disent rien. Alors survient la première domestique qui la première l'appelle Marion suivi rapidement par le reste de la famille.

-Ensuite, une scène nocturne. Julia/marion, qui ne dort pas, entend du bruit dans sa chambre et perçoit des ombres menaçantes. Elle hurle et la famille rapplique. C'était juste un chat qui s'était introduit on ne sait comment (On le découvrira plus tard). C'est certes du surgelé, décongelé et re-surgelé donc forcément un peu indigeste, et puis l'ombre gigantesque d'une main qui se dresse au dessus du lit, je n'appelle pas çà une ficelle, çà sert comme cordage de marine pour hisser la grand voile...

-Enfin, La seule scène ou on retrouve véritablement Macready et Nina Foch seuls à seuls est assez réussie. Ils sont face à l'océan sur une petite terrasse. Il commence à parler de manière un peu poétique et mystérieuse de la mer qui est le lieu du secret (çà rappellera quelque chose à ceux qui ont des réfs cinématographiques). Puis se rappelle un autre moment idyllique, leurs lunes de miel (imaginaire ?). Le visage de Nina Foch change alors radicalement. On voit ses yeux horrifiés coincés entre les épaules de Macready et derrière elle l'océan déchainé avec les vagues qui viennent s'écraser juste en arrière d'eux. Alors Macready force Nina Foch a l'embrasser. Elle s'écarte vivement, s'essuie la bouche avec un air de dégout et s'enfuit.

On a aussi encore une fois une multitude de plans filmés de derrière les vitres, principalement filmés de l'extérieur du bâtiment. C'est signifiant, certes mais répétitif. Pour finir sur la mise en scène, j'ajoute que l'ouverture est très belle. Elle rappelle d'ailleurs, l'ouverture sous la pluie de Gun crazy. La fin est encore meilleure mais c'est nettement insuffisant pour un film certes court, 64 min, mais qui trimbale une telle réputation. Bref (menteur)...Une autre déception par Joseph H Lewis. Une de plus. Je me dois de dire que la plupart des critiques que j'admire sont plutôt des défenseurs du film. Tavernier émet tout de même quelques réserves parlant de "facilités scénaristiques" et d "abérations " qui ne supportent pas l'analyse...Certes, c'est vrai. Je n'ai pas parlé de ces péripéties assez invraisemblables qu'on y voit effectivement parce que je trouve que ce n'est pas le plus grave. Le pire décalage, c'est avec Jacques Lourcelles que j'admire énormément. Son guide des films serait le meilleur outil du cinéphile...si pour lui le cinéma ne s'arrêtait pas pratiquement à la fin des années 50. Il a de nombreuses bêtes noires, La nouvelle vague, etc. En gros on pourrait dire qu'il est génial sur 50 % de l'histoire du cinéma, qu'il se désintéresse totalement de 30 % des oeuvres et qu'il excècre les 20 % restant. Mais pour le cinéma classique, d'ordinaire, je me retrouve presque totalement dans les choix de Lourcelles mais pour ce film encore plus que pour le film précédant "So dark..." le décalage est énorme car il délire littéralement sur ce film, parle de génie !..pour un film qui pour moi est au mieux un aimable exercice de style aux péripéties invraisemblables mais sympathiques, mais qui à d'autres moments ou par certains aspects est aussi à la limite du nanard. Bref que chacun se fasse son opinion...

Vu en vost. Ce film est inédit à la TV française mais il est passé à la cinémathèque et peut-être dans des festivals. Pour celui ci aussi il s'agit d'un ancien texte légèrement modifié et surtout remis en page et pour lequel j'ai rajouté des photos. Même motif, je viens d'avoir une révélation en jetant un oeil sur ces anciens textes à l'aspect très bordélique (il n'est jamais trop tard :mrgreen: )
Dave Bannion
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kiemavel a écrit :Image

ÉCHEC AU HOLD-UP (Appointment with danger). Lewis Allen. 1951

Avec Alan Ladd (Al Goddard), Phyllis Calvert (Soeur Augustine), Paul Stewart (Earl Boettiger), Jack Webb (Joe Regas), Jan Sterling (Dodie), Harry Morgan (George Soderquist) et Stacy Harris (Paul Farrar)


A Gary dans l'Indiana, Harry Gruber, un inspecteur des postes vient d'être assassiné et alors que les 2 meurtriers chargent le cadavre dans une voiture, ils sont surpris par une religieuse qui signale les suspects à un policier et disparait. L'enquête sur ce meurtre mystérieux est confiée à Al Goddard, un enquêteur intransigeant qui après l'avoir retrouvé réussit à convaincre la soeur de l'aider à identifier les 2 meurtriers mais l'un des deux tueurs la reconnait dans la rue et dès lors craignant d'être reconnu, il cherche à la supprimer. Goddard de son coté cherche à comprendre pourquoi Gruber a été supprimé et découvre qu'un important braquage de fourgon postal se prépare et que c'est parce qu'il l'avait découvert que Gruber avait été tué. Goddard décide d'infiltrer le gang....

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Ce n'est en rien un Film Noir mais c'est un bon policier classique très bien mené malgré une intrigue complexe qui pourra même paraitre trop embrouillée à certain. Pourtant ce récit compliqué à tenir est de bout en bout absolument maitrisé par les scénaristes et par lewis Allen et c'est même son principal mérite car le suspense est admirablement orchestré presque jusqu'à la fin. Cet habile scénario multiplie les scènes dans lesquels la situation peut évoluer de façon radicalement différente d'un moment à l'autre et souvent c'est la situation de l'enquêteur qui pourra devenir dramatique. Il ne devra bien souvent la vie qu'a son sang froid et à sa grande capacité d'improvisation. Pourtant la situation de départ n'a rien de bien originale. On a un flic infiltré, un complice dans les services postaux, etc...mais l'originalité de ce scénario est aussi qu'il montre la division dans tous les camps. Chez les truands, à mesure que les enquêteurs remonteront la piste des meurtriers, la cohésion du groupe en pâtira. Un des membres du gang se trouvera même dans une position complexe, ne pouvant pas témoigner du piège tendu malgré sa loyauté à l'égard de ses complices. Mais chez les policiers aussi, la cohésion ne sera pas totale puisque Al Goddard s'il est un enquêteur respecté, est aussi un homme que ses collègues méprisent. C'est d'ailleurs la 3ème singularité de ce film, la complexité de certains personnages ou leur incongruité à l'intérieur du genre. Le premier c'est Al Goddard.

C'est un inspecteur des postes, dur, cynique et froid que personne n'aime, pas même ses collègues mais c'est un grand enquêteur qui ne pense qu'à son travail. Le rôle est tenu par un Alan Ladd tel qu'on le connait dans ses meilleurs polars. Dur et froid mais avec un regard dans lequel se mêle de la malice, de l'ironie, parfois du mépris, mais aussi une certaine mélancolie et un homme dont le sourire étrange est presque triste. Ce rôle imposait aussi quelques prouesses physiques et de ce point de vue, en tant qu'ancien sportif de haut niveau, Ladd était convaincant. Même s'il n'en a pas l'air, comme James Stewart dans ses westerns, il est lui aussi capable de très inattendus accès de violence. Il n'y a qu'à voir la façon dont il envoie promener en 2 pichenettes le plus dur des truand interprété par Jack Webb. Il finira la scène en ramassant une BD qui trainait sur un fauteuil et en la lui lançant au visage, disant, s'adressant en même temps à Paul Stewart : " Amuse toi !..Et apprend lui à lire !!! "....Mais s'Il a l'air de mépriser tout et tout le monde, il s'intéressera au sort de la religieuse et finira par s'adoucir à son contact. C'est le personnage incongru de ce polar et ce dialogue du flic et de la bonne-soeur inspire au dialoguiste les échanges les mieux écrits et les plus amusants du film.

Goddard qui tentera de persuader la religieuse d'accepter une arme pour se défendre se lève pour lui en montrer le fonctionnement mais le pistolet s'enraille et alors qu'ils avaient déjà eu auparavant des échanges amusants sur dieu, sur la croyance religieuse, elle lui dira :
-Souvenez vous que j'ai mon ange gardien.
-J'ai aussi le mien (désignant son arme)
-Mais le mien ne s'enraille jamais !

Le 3ème personnage intéressant, c'est la petite amie du chef de la bande interprétée par Jan Sterling, une habitué du genre mais elle aussi, pourtant abonnée au rôle de garce sans coeur, tient dans ce film un rôle bien plus complexe que ce qu'on lui offrait bien souvent mais je ne développe pas plus ce point là...Je mets juste un petit échange entre Goddard et Dodie (Jan Sterling)

Lorsqu'elle l'invitera a partager son gout pour le jazz, ils échangeront en gros ce dialogue à propos du Be-Bop.
-Vous avez vu ces nouveaux disques ? Vous aimez le Be-Bop ?
-A oui, cette musique ou chacun joue un air différent !
-Vous connaissez ce musicien ? C'est un virtuose, Il plie son instrument à volonté, il le fait tournoyer, il...
-Sait-il en jouer seulement !

Plus tard, proche du dénouement, on aura des dialogues plus rudes comme par exemple cet échange entre Jack Webb et Alan Ladd :
-Tu en fais une tête, on dirait que tu pleures ton meilleur ami
-Je suis mon meilleur ami !
-C'est ce que je disais !!!

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En dehors de Webb qu'on verra dans d'autres polars et qui finira même par en réaliser plusieurs, la bande de malfrats est composée de bons seconds rôles du cinéma américain. Ils sont menés par Paul Stewart, qui est donc secondé par Jack Webb, en dur d'école assez caricatural, le tueur de la bande. Ils sont épaulés par George Soderquist (Harry Morgan) et Paul Farrar (Stacy Harris). Un mot pour finir sur le travail du metteur en scène Lewis Allen qui ne brille pas particulièrement mais son style nerveux accompagne de manière dynamique ce scénario touffu. Il ne pert pas de temps, il accélère même le récit contre un certain réalisme mais c'est dans l'intérêt du film et ce tempo soutenu fait que l'on suit ce policier sans ennui. Lewis Allen peut être considéré comme un petit maitre du thriller, plus que du film noir car il n'a pas réalisé à proprement parlé de pur Film Noir mais il aura réalisé beaucoup de films de la famille polar. Parmi les principaux, je peux citer le thriller en couleurs "La furie du désert". L'excellent thriller en costumes "Une âme perdue/So evil my love" (un de ses meilleurs films). Il avait déjà employé Alan Ladd dans l'assez moyen "Enquête à Chicago/Chicago Deadline". Puis il réalisa "Je dois tuer/Suddenly" dans lequel un médiocre Frank Sinatra entraine un groupe de gangsters a tenter d'assassiner le président des États-Unis. Un pruneau pour Joey/A Bullet for Joey sur lequel je fondait pas mal d'espoir c'est avéré un peu décevant malgré des pointures du genre, Edward G. Robinson, George Raft et Audrey Totter. Le témoin à abattre/Illégal est assez intéressant. Ce sont des films assez facilement visibles dont certains sont mêmes parus en DVD zone 1 ou 2 (Sans déconner ?...si, si, c'est vrai). Echec au hold-up ne fait pas parti de ceux là mais il a été diffusé à la télévision. Je ne le connais qu'en VF mais peut-être est-il visible en VOST.
Un des premiers films noirs que j'ai vu ; il m'a donné envie d'en découvrir d'autres.
Un bon souvenir ; bien fichu, bien rythmé. On ne s'ennuie pas et Alan Laddest assez convaincant.
Il faudrait que je le revoie !!!
Je l'ai comme toi en vf ; je ne l'ai jamais trouvé en vostf et ce n'est pas faute d'avoir cherché.

Je te trouve un peu dur avec Enquète à Chicago que j'avais pas mal aimé. Celui là, je l'ai en vo mais non sous titré.
Par contre comme toi, je trouve Je dois tuer surfait ; mou et lent avec un Sinatra qui se demande ce qu'il fait là.

Il faut que je regarde une Ame perdue qui traine sur mes étagères et que je n'ai jamais regardé. J'ai toujours eu un peu de mal avec les thrillers " en costumes "

J'attends tes prochaines chroniques !!!!
Bon courage.
Dave Bannion
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SO DARK THE NIGHT. Joseph H. Lewis. 1946

Je ne fais pas de résumé pour un tel film. Je préfère construire une sorte de puzzle et donner une idée parcellaire de ce que j'y ai vu.

Je dois commencer par dire que ce film a été une des très grandes déceptions de ces dernières années. On rêve parfois d'un film pendant longtemps et loin d'être un handicap ne permettant pas de l'apprécier à sa juste valeur, au contraire, çà n'estompe en rien le plaisir ressenti à sa vision. Je viens tout juste de l'éprouver avec la découverte de mon dernier Preston Sturges "Miracle au village" que je voulais voir sous-titré pour ne pas en manquer une miette. Comprendre 60 ou 70 % d'un tel film , c'était insuffisant et donc ce film était mon Sturges de réserve...à garder pour les jours de disette. Et bien, c'est un de ses chefs d'oeuvre ! Digression ?...Oui et non car la réputation de So dark the night est très grande et j'en attendais beaucoup. Je l'avais vu une première fois il y a 3 ou 4 ans et je viens de le revoir. La déception est toujours grande mais je l'a comprend mieux. Il n'en reste pas moins que ma critique va être assez atypique car Tavernier, Tulard, Lourcelles et Silver, entre autre, en disent le plus grand bien.

J'expose (courageusement) mes arguments :
Mon problème avec ce film, c'est que si j'en vois bien les nombreux aspects potentiellement passionnants, je (crois) voir aussi l'abime entre ses potentialités et le résultat visible à l'écran.

1er problème...Tout le monde parle de Film Noir or je ne vois pas un Film Noir. Le film, j'en parlerais plus loin, empreinte à plusieurs genres mais ce qui est à l'écran ce n'est pas un film noir. Le seul élément noir, il est en creux, dans le personnage principal, caché derrière celui qui est visible tout le long du récit...voir dans certains aspects de la mise en scène qui utilise les codes du genre Noir dans un récit qui n'en est pas un. En réalité, je dirais que çà commence comme "Les vacances de Maigret", çà se transforme en romance contrariée, ensuite on a un Whodunit...Et çà se termine au confins du cinéma fantastique...Le "héros" de ce film, Henri Cassin, est présenté comme le meilleur détective de France, le Maigret ou le Sherlock Holmes de la sureté de Paris. C'est donc une personnalité très célèbre, accueilli comme tel par les occupants de l'auberge flattés de le voir prendre ses vacances dans ce petit village. Mais ce héros, qui a dépassé la cinquantaine, est vieillissant, usé mentalement et physiquement. C'est un bourreau de travail qui n'a plus pris de vacances depuis 11 ans et on peux imaginer les pressions que subit cet homme pour rester à la hauteur de sa réputation. Mais ce n'est même pas lui qui prend l'initiative de souffler un peu, ce sont ses supérieurs qui l'y oblige. On le devine aussi sans vie personnelle. C'est d'ailleurs un vieux célibataire qui n'a jamais pensé qu'à son travail.

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Le problème à ce stade, c'est que ces informations sur la personnalité et la situation du détective passent essentiellement par le dialogue des tiers qui s'expriment à son sujet plus qu'à travers le jeu ou les paroles de cet homme. Les dialogues assez pauvres et le jeu de Steven Gerray, assez limité, modère l'impact du personnage. Néanmoins, ses bases d'informations anticipaient plutôt habilement sur la suite. Il arrive donc dans le petit village de St Margot et s'installe à l'auberge. Il est accueilli dans cette petite communauté rurale de laquelle on verra surtout le couple d'aubergiste et leur fille ainsi que la serveuse entre deux âges et veuve depuis peu. Immédiatement, Nanette, la fille des aubergistes tente de séduire le vieux célibataire. Sa mère l'encourage d'ailleurs dans ce sens alors que le père lui s'oppose à ses projets par loyauté à l'égard du petit ami de la jeune femme. Elle est en effet fiancée à Léon, un paysan pauvre du village. Les deux jeunes gens se sont même promis depuis l'enfance de se marier une fois adulte. Nanette voit régulièrement le détective mais elle semble plus intéressée par la vie parisienne qu'il (semble) lui décrire que par sa personnalité assez effacée et ses approches timides. J'ai écrit "semble" entre parenthèse car on n'a pas ces dialogues avec lesquels Cassin est censé séduire Nanette or ces dialogues entre la jeune fille et le détective auraient pu être intéressants. Ils auraient pu montrer l'ambiguité des sentiments de la jeune femme. On a donc des dialogues très rudimentaires entre les deux personnages principaux.

On sent tout de même un homme qui n'est pas en confiance avec les femmes. A plusieurs reprises, il est même tout près de s'effacer car le fiancé intervient également pour tenter de rompre l'idylle naissante mais on n'aura jamais de confrontations d'aucune sorte alors que Lewis aurait pu jouer du contraste physique entre les deux hommes. Le paysan pauvre, jeune et bien bâti et le parisien entre deux âges et vivant dans l'aisance....ainsi que la "balance" de Nanette entre les deux hommes. Encore une fois, si confrontation il y a, c'est uniquement par le commentaire des personnages secondaires à ce sujet. Les parents se disputent et dialoguent avec leur fille au sujet de la situation, ce qui fait qu'à ce stade du film, on est bien plus marqué (et atterré) par le pittoresque des personnages secondaires que par l'intérêt suscité par la situation des personnages principaux . Il faut ainsi supporter un nombre incalculable d'interventions sans intérêt de ces personnages évoluant en marge du semblant d'intrigue. A moins que Lewis n'ai voulu insister sur la trivialité de ses provinciaux, car c'est presque toujours de l'argent et de la notoriété de Cassin dont il est question. J'ajoute que ces Hongrois, ces Tchèques...et ces français parlant avec un accent français improbable et montrant une France rurale très fantaisiste sont difficilement supportables...mais passe encore car ce n'est pas le plus grave.

On a alors une première bascule dans le récit. En l'absence de Léon, des fiançailles sont organisés mais l'ex petit ami arrive au milieu de la fête, promet de ne jamais abandonner Nanette et de tout faire pour la reconquérir. Le soir même ils disparaissent tout deux. Cassin semble résigner à l'idée que les deux anciens amants ont pris la fuite. Au bout d'une semaine, le corps de Nanette est pourtant retrouvé dans la rivière. Cassin est tout de suite consulté par les villageois et constate qu'elle a sans doute été assassiné le soir des fiançailles. Tout de suite après, on retrouve le corps de Léon dans une dépendance de sa ferme. Au premier abord, il semble s'être suicidé mais Cassin comprend immédiatement qu'il s'agit d'un assassinat maquillé en suicide. A partir des maigres indices trouvés sur place, Cassin commence son enquête en tentant de dresser un portrait de l'assassin...C'est la que commence le Whodunit...et c'est totalement inintéressant...

ImageImage

Enfin, une dernière bascule interviendra plus tard et fera basculer le film pratiquement dans le conte fantastique mais je n'en dirais rien. Le dernier quart d'heure de ce film très court, 70 min, est néanmoins remarquable et la dernière séquence est même sublime...mais çà vient trop tard. Cette idée de transposer une intrigue tortueuse dans un cadre champêtre aurait pu être intéressante mais le pittoresque de pacotille des protagonistes, un aspect qui pourraient paraître secondaire, gâche tout. Le psycho-mélo central est lui aussi rendu inintéressant par le coté superficiel des relations décrites, la faiblesse des dialogues et par la faiblesse de l'interprétation de Micheline Cheirel (qui est exécrable) et à un degré moindre par celle de Steven Gerray.
Pourtant, j'insiste sur ce point, ce portrait d'un effondrement, qui est avant tout un effondrement moral, aurait du être passionnant mais il aurait fallu un script, un dialoguiste et des interprètes compétents car on ne juge pas un film sur ses intentions. Le talent de Lewis comme metteur en scène est lui déjà évident. C'est brillant, bien qu'il ai recours à certains "trucs" répétitifs comme ces plans très nombreux filmés de l'extérieur de l'auberge et une utilisation un peu systématique et lourde des miroirs. A contrario, quelques idées de mise en scène sont simples mais très efficaces, lorsque Cassin arrive à l'auberge, Lewis montre l'attrait de Nanette pour le clinquant parisien par ses regards insistants sur les chromes brillants de la voiture luxueuse du détective. Il y aurait beaucoup de choses à dire sur la mise en scène mais j'ai déjà fait trop long...C'est Truffaut, l'un de mes grands amours de jeunesse, qui avait inventé cette notion de "grand film malade" et elle s'applique selon moi à ce film. Mais néanmoins d'autres amateurs de Noir et de très compétents y ont vu un grand film... Celui ci était le 2ème "Film Noir" de Lewis...Je vais prochainement écrire quelques mots sur le premier, tout aussi mythique et rare, My name is Julia Ross.

Vu en vost. SO DARK THE NIGHT est passé sur cinéfil en 1991 et semble t'il n'a plus été diffusé depuis. Quoique j'ai pu exprimer sur ce film, il est scandaleux qu'un film aussi réputé dont il existe une copie sous-titré reste ainsi dans les placards. On parle de plus d'un film d'un metteur en scène culte et pas d'un obscur homme à tout faire sans talent.

J'ai rapatrié ce texte qui figurait dans les premières pages de ce topic car la mise en page m'en était devenu insupportable alors que c'était le moindre de mes soucis à l'époque de son écriture. J'ai aussi ajouté des photos. Si un modérateur veut éliminer le premier post, ce ne sera pas plus mal...
En plus du côté bancal du scénario, le film est bourré de cliché sur la France (classique pour un cinéaste Américain).
On ne croit pas à l'histoire et même la mise en scène de Lewis est peu inspirée.
Difficile d'imaginer que c'est le même qui a réalisé Association criminelle pour ne citer que celui là.
kiemavel
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Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par kiemavel »

Dave Bannion a écrit : Un des premiers films noirs que j'ai vu ; il m'a donné envie d'en découvrir d'autres.
Un bon souvenir ; bien fichu, bien rythmé. On ne s'ennuie pas et Alan Laddest assez convaincant.
Il faudrait que je le revoie !!!
Je l'ai comme toi en vf ; je ne l'ai jamais trouvé en vostf et ce n'est pas faute d'avoir cherché.

Je te trouve un peu dur avec Enquète à Chicago que j'avais pas mal aimé. Celui là, je l'ai en vo mais non sous titré.
Par contre comme toi, je trouve Je dois tuer surfait ; mou et lent avec un Sinatra qui se demande ce qu'il fait là.

Il faut que je regarde une Ame perdue qui traine sur mes étagères et que je n'ai jamais regardé. J'ai toujours eu un peu de mal avec les thrillers " en costumes "

J'attends tes prochaines chroniques !!!!
Bon courage.
Super ! y'en a au moins un :mrgreen:. Au sujet des thrillers d'Allen, moi non plus je ne suis pas trop fan des films en costumes. J'aime moyennement " Le crime de Mme Lexton " de Sam Wood ou " La rose du crime " de ratoff (malgré Peggy Cummins :oops: ) par exemple mais pour moi " So Evil my Love " est un des meilleurs avec " Des pas dans le brouillard " de Lubin + évidemment quelques autres films de metteurs en scène plus prestigieux.

Comme toi, et comme tout le monde je pense, j'ai Chicago Deadline en VO ce qui est assez frustrant quand comme moi on ne maitrise pas totalement la langue. J'avais écrit "assez moyen" mais peut-être à revoir. Quant à Alan Ladd, plus particulièrement dans le polar, je le trouve très convaincant. Je sais qu'il est encore très décrié par les uns, indéfectiblement admiré par d'autres (principalement because Shane ). De mon coté, je l'ai déjà dit, j'aime de plus en plus cet acteur. Il fait partie des quelques uns (avec Audie Murphy) que j'ai le plus réévalue avec le temps. On a souvent déploré son manque de présence, moi je lui trouve une présence très singulière et attachante.

Les prochains "noirs" vont venir très vite. 2 films d'Arnold Laven et un de Gordon Douglas seront ajoutés d'ici à la fin de la semaine.
pak
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Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par pak »

Tiens, l'a changé de pseudo André Jurieux ou bien ? :mrgreen:

Décidément, faut pas s'absenter quelques mois...

Bon, on perd pas au change, ce topic est toujours passionnant à lire. Bravo kiemavel, ça donne des envies de polars crapoteux tous ces avis !
Le cinéma : "Il est probable que cette marotte disparaîtra dans les prochaines années."

Extrait d'un article paru dans The Independent (1910)

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Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par Dave Bannion »

On est 2 maintenant à attendre tes prochaines chroniques......qui n'arrivent pas.
Au boulot Kiemavel !!!!
Chip
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Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par Chip »

CLASSICFLIX annonce pour le 30 juillet 2013 (aux USA), la sortie en dvd video et blu-ray de " Cry vengeance " (la vengeance de Scarface)(1954) de et avec Mark Stevens, S/t pas précisés, s'il y en a.
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Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par Rick Blaine »

Chip a écrit :CLASSICFLIX annonce pour le 30 juillet 2013 (aux USA), la sortie en dvd video et blu-ray de " Cry vengeance " (la vengeance de Scarface)(1954) de et avec Mark Stevens, S/t pas précisés, s'il y en a.

Chez Olive. Pas de sous-titres.
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Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par kiemavel »

Dave Bannion a écrit :On est 2 maintenant à attendre tes prochaines chroniques......qui n'arrivent pas.
Au boulot Kiemavel !!!!
J'aimerais bien que cesse ce harcèlement svp :mrgreen: Euh, cette fois çà arrive...ou plutôt çà revient. J'ai une nouvelle rafale de Noirs qui devrait rentrer dans le topic prochainement.
Dernière modification par kiemavel le 13 juin 13, 16:17, modifié 1 fois.
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