Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méconnus

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Supfiction
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Boys Town (1938)

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Boys Town (1938)
Réalisation : Norman Taurog
Avec: Spencer Tracy, Mickey Rooney, Henry Hull

Boys Town Gang

Après Les aventures de Tom Sawyer, Norman Taurog s'attaquait à la jeunesse délinquante avec Des hommes sont nés (Boys Town) puis Men of Boys Town avec Mickey Rooney et Spencer Tracy. Le film dramatise et exalte l'action du père Edward J. Flanagan (décédé en 1948), qui fonda dans les années 1920 un village autogéré pour les enfants abandonnés du Nebraska. Le film garde une excellente réputation aux États-Unis bien qu'on puisse légitimement le trouver sur-côté en raison de son sentimentalisme débordant. Bien que sa réalisation soit soignée, Norman Taurog use et abuse en effet des violons et de répliques larmoyantes ("Vous aviez dit que si on était gentils, tout le monde nous aiderait."). Cela en irritera plus d'un allergique aux bons sentiments typiquement américains.. Il parait que c'était l'un des films favoris de Louis B. Mayer. :lol:

Si Mickey Rooney est insupportable (on a régulièrement l'impression qu'il parodie James Cagney), en revanche Tracy est absolument parfait. Il gagna son second Oscar pour son incarnation sincère et humaine du père Edward J. Flanagan (à qui il rendit d'ailleurs hommage). Il est l'image idéale de l'homme d'église bon, humble et bienveillant (tout l'opposé, par exemple, de l'évêque de Fanny et Alexandre).
Durant toute sa carrière, Tracy fut prêtre à quatre reprises! La première fois, ce fut en 1936 dans le rôle du prêtre Tim Mullin, l'ami d'enfance de Blackie Norton alias Clark Gable dans San Francisco de Woody Van Dyke, puis Edward J. Flanagan dans Boys Town (1938) et sa suite Men of Boys Town (1941), et enfin Matthew Doonan dans The Devil at 4 O’Clock de Mervyn LeRoy, en 1961. Pourtant, il ne fut jamais à l'aise à l'idée d'incarner ce type de rôle, craignant de ne pas être pris aux suffisamment au sérieux par les catholiques. Il se devait d'être totalement convaincant.
Dans la biographie de l'acteur, il est dit que Flanagan écrivit lui-même à Spencer Tracy quand il apprit qu'il avait accepté de jouer son rôle : "Your name is written in gold in the heart of every homeless boy in Boys Town because of the anticipated picture you are going to make for us, and everybody here — and all of our alumni — are talking about you, thinking about you, and praying for you every day."

Tout compte fait, je laisse ce texte ici mais le film flirte tout juste avec le film criminel. On est très loin d'un Angels with Dirty Faces auquel je m'attendais et que j'aurai mieux fait de me repasser à la place..
Vous l'aurez compris, vous qui aimez le film noir, passez votre chemin.
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Cathy
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Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par Cathy »

Boys Town n'est aucunement un film noir, c'est une comédie dramatique sur ces fameuses maisons de redressement, comme il en existe beaucoup y compris en France ! Personnellement j'avais adoré ce film quand je l'avais vu. Mais bon j'ai remarqué que dans l'ensemble les films que Supfiction adore, je ne les aime pas et vice versa :uhuh: !
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Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par Supfiction »

Cathy a écrit :Boys Town n'est aucunement un film noir, c'est une comédie dramatique sur ces fameuses maisons de redressement, comme il en existe beaucoup y compris en France ! Personnellement j'avais adoré ce film quand je l'avais vu. Mais bon j'ai remarqué que dans l'ensemble les films que Supfiction adore, je ne les aime pas et vice versa :uhuh: !
Du coup, c'est utile et bien pratique, en me lisant tu peux facilement savoir si le film va te plaire!
Je te conseille donc Blonde Ice que tu devrais adorer, ainsi que les aventures trépidantes de The falcon. Je te déconseille Nobody Lives Forever avec les très mauvais John Garfield et Geraldine Fitzgerald, pour ne citer que les précédentes chroniques. :D :P

Et oui comme je l'ai dis, Mickey Rooney en singeant James Cagney m'a induit en erreur sur la nature du film qui flirte à peine avec le film criminel lors d'une ou deux scènes. Je m'attendais à un film vaguement du genre Angels with Dirty Faces, j'ai été bien déçu.

Plus sérieusement, quels sont tes petits noirs de prédilection ?
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Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par Cathy »

Supfiction a écrit :
Cathy a écrit :Boys Town n'est aucunement un film noir, c'est une comédie dramatique sur ces fameuses maisons de redressement, comme il en existe beaucoup y compris en France ! Personnellement j'avais adoré ce film quand je l'avais vu. Mais bon j'ai remarqué que dans l'ensemble les films que Supfiction adore, je ne les aime pas et vice versa :uhuh: !
Du coup, c'est utile et bien pratique, en me lisant tu peux facilement savoir si le film va te plaire!
Je te conseille donc Blonde Ice que tu devrais adorer, ainsi que les aventures trépidantes de The falcon. Je te déconseille Nobody Lives Forever avec les très mauvais John Garfield et Geraldine Fitzgerald, pour ne citer que les précédentes chroniques. :D :P

Et oui comme je l'ai dis, Mickey Rooney en singeant James Cagney m'a induit en erreur sur la nature du film qui flirte à peine avec le film criminel lors d'une ou deux scènes. Je m'attendais à un film vaguement du genre Angels with Dirty Faces, j'ai été bien déçu.

Plus sérieusement, quels sont tes petits noirs de prédilection ?
Je dois avouer ne pas trop apprécier John Garfield sinon j'avais trouvé que Mickey Rooney faisait du Mickey Rooney, il en a toujours fait des tonnes, y compris dans ses films avec Judy Garland. J'aime beaucoup de petits films noirs, et je lis attentivement tout ce que vous mettez. C'est vrai que vous donnez Kiemavel et toi envie de découvrir les films, mais c'est vrai aussi que je m'aperçois que j'ai souvent des goûts opposés aux tiens :D !Peut-être est-ce lié aux attentes du genre qui ne sont pas les mêmes de mon côté. Dernièrement j'ai découvert Blueprint for Murder avec Joseph Cotten que j'ai beaucoup aimé, notamment la scène finale. J'ai adoré le Mur des ténèbres, j'ai beaucoup aimé Dark Waters, j'ai bien aimé Strange impersonation et Strangers in the Night d'Anthony Mann, J'ai apprécié Oncle Harry, they won't believe me même si j'ai eu un petit problème avec la fin :) ! Je cherche le titre du film où Ray Milland joue une incarnation du diable, que j'ai aimé aussi :D !
Je pense que j'aime un côté romanesque dans le film noir...
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Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par Chip »

Mickey Rooney est plus qu'un bon acteur, ce petit bonhomme est pour moi génial, et s'il fallait définir Hollywood avec un seul nom d'acteur, je dirais son nom, sa carrière commencée à l'époque où le cinéma n'était pas encore parlant, est prodigieuse, pas que de bons films certes, mais le voir dépenser tant d'énergie et envahir l'écran avec son mètre cinquante sept, n'est pas rien, Rooney savait tout faire , danser , chanter, il formait avec Judy Garland, un couple inoubliable et, c'est juste, il avait un don pour imiter ses confrères, notamment Clark Gable et Cagney. Il était remarquable dans de nombreux films : " the bold and the brave", " baby face Nelson", "the last mile",etc... et je l'ai particulièrement apprécié dans " Drive a crooked road"(le destin est au tournant)(1954) excellent film noir de Richard Quine.
J'avais rencontré Rooney au festival du cinéma américain de Deauville en 2000, j'ai vu depuis beaucoup de comédiens à ce festival, mais aucune rencontre ne m'a plus ému que celle-ci. Son regard, dans un corps vieilli- il avait 80 ans- était toujours aussi malicieux que celui d'Andy Hardy.
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Ray Milland est le diable

Message par Supfiction »

Cathy a écrit :Je cherche le titre du film où Ray Milland joue une incarnation du diable, que j'ai aimé aussi :D !
C'est Alias Nick Beal.
Ce que j'en avais dit sur le topic :
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Alias Nick Beal / Un pacte avec le diable (1949)
Réalisation : John Farrow
Avec: Ray Milland, Audrey Totter, Thomas Mitchell
Scenario : Jonathan Latimer, Mindret Lord


Alias Nick Beal, un film de John Farrow de 1949 avec Ray Milland et Thomas Mitchell très peu évoqué ici, et pour cause seul Lord Henry semblait l'avoir vu et visiblement adoré. Ce qui n'a pas été mon cas malheureusement.

Il s'agit d'une nouvelle transposition du mythe de Faust dans l'univers du film noir mi-fantastique mi-satire politique. Dans le registre de la satire/parabole politique, on est quand même loin du Capra de référence de L'homme de la rue et Mr Smith au Senat. Le scénario m'a paru ultra-prévisible et lourd (voir les passages avec la bible, on se croirait dans Dracula). Je crois bien que les films mettant en scène le diable m'ennuient particulièrement (sauf si c'est dans le registre comique).

Mais le film est sauvé par l'interprétation très inspirée du britannique Ray Milland (dans le rôle casse-gueule du diable, à la fois charmant, mystérieux et inquiétant, froid et rusé) qui était certainement à cette époque dans la meilleure passe de sa carrière. Il a la quarantaine triomphante, beau et charmant alors.

Une décennie fantastique commence pour lui en 1939, lorsqu'il acquiert une notoriété définitive en partageant la vedette de Beau Geste, réalisé par William Wellman, avec Gary Cooper. Durant la seconde guerre mondiale, alors qu'il travaille comme instructeur dans l'armée de l'air, il continue pourtant de faire des films. Il tourna excusez du peu pour Cecil B. DeMille (Les naufrageurs des mers du sud, 1942), Frank Borzage (dans le splendide Till We Meet Again en 1944 que j'avais chroniqué ici), Mitchell Leisen trois fois (Arise, My Love en 1940 sur un scénario de Billy Wilder déjà, Les nuits ensorcelées en 1944 et Les anneaux d'or en 1947), Fritz Lang (Espions sur la Tamise, 1944), John Farrow trois fois (Californie terre promise en 1947, l'excellent noir La grande horloge en 1948 et un western raté en 1950, Terre Damnée).
Et surtout pour l'immense Billy Wilder également à deux reprises (le génial Uniformes et jupon court en 1942 puis bien sûr The Lost Weekend en 1945, drame sur l'alcoolisme qui lui vaut un Oscar et un prix d'interprétation à Cannes)!
Mitchell Leisen et John Farrow trois fois, Billy Wilder deux fois en à peine quelques années. On peut dire qu'il était apprécié par ceux pour qui il travaillait!
Alors qu'il avait débuté plutôt dans des rôles romantiques et des comédies légères, comme Le docteur se marie (de Alexander Hall, en 1940, dont vous trouverez la chronique ici), il incarna progressivement des rôles de plus en plus sombres dans lesquels il excellait, avec comme point d'orgue bien entendu le mari assassin dans Le crime était presque parfait d'Alfred Hitchcock. Par ses expressions du visage subtilement inquiétantes et son grand talent, son physique se prêtait aux personnages ambigus.

Dans Alias Nick Beal, il compose avec grand talent un personnage maléfique dont la seule présence, parfois en retrait en arrière plan suffit (pour mieux manipuler ses victimes avec qui il joue comme aux marionnettes). Son Nick Beal apparaît et disparaît sur un caprice. Sans besoin de beaucoup de mots, Milland lui donne le pouvoir à travers ses yeux et ses expressions : un demi-sourire narquois ou un regard qui tue.

Outre Milland, vous reconnaitrez le second rôle Roger Mitchell qui joue le politicien candidat au poste de gouverneur (contre un certain Kennedy!) et qui pactise peu à peu avec le diable. Personnellement, je le trouve trop léger pour être totalement crédible en homme politique d'envergure. En revanche, il joue toujours bien (souvenez vous de lui en oncle menant à la faillite dans It's a wonderfull world) les hommes indécis et faibles, se laissant facilement manipuler.

La présence magnétique d'Audrey Totter en revanche me comble de bonheur. C'est une actrice que je trouve toujours parfaite dans le film noir, qu'elle soit la mauvaise fille manipulatrice, vénéneuse à souhait, ou bien la gentille fille .. un peu manipulatrice quand même ou à l'insu de son plein gré comme ici où elle est également victime des manipulations du diable Ray Milland et de la tentation (un manteau de vison sur une femme est toujours imparable dans le noir!), se métamorphosant en quelques minutes de fille de rue en femme du monde. C'est probablement mon actrice de film noir favorite, en faisant abstraction des stars à l'incursion occasionnelle dans des films à plus gros budget (Gene Tierney, Barbara Stanwyck, Susan Hayward...).

Alias Nick Beal est un film tout à fait honorable que se laisse voir mais si l'on a déjà vu ce genre de film faustien (de Gérard Philippe à De Palma), on a une forte impression de déjà vu et de lassitude qui gâche un peu le plaisir.
Si ça vous intéresse, je suis tombé par hasard sur ce site référençant les films dans lesquels il est question du diable.

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I Love Trouble (1948)
Réalisation : S. Sylvan Simon
Scénario : Roy Huggins
Avec : Franchot Tone, John Ireland, Janet Blair, Janis Carter, Adele Jergens

C'est un scénario de l'excellent Roy Huggins, auteur notamment de Too Late for Tears / La tigresse (avec dieu Dan Duryea) et surtout de Pushover avec Kim Novak que l'on vous propose ici.

A l'origine, il s'agissait d'une nouvelle, The Double Take, publiée en magazine. La Columbia en acheta les droits en 1948 et Huggins signa un contrat avec le studio pour l'adapter et en faire un film qui s’appellera donc I Love Trouble, titre pas forcement meilleur d'ailleurs. A partir de là, Huggins entra dans l'industrie cinématographique en travaillant sous contrat en tant que scénariste pour Columbia et pour RKO Pictures. En 1952, il mis en scène lui-même son propre script Hangman's Knot / Le relais de l'or maudit, un western, plutôt faible de mémoire, avec Randolph Scott et Donna Reed (dvd dispo). Mais c'est pour la télévision que Roy Huggins fera son travail le plus illustre puisqu'il sera le créateur de la série Maverick (avec James Garner et dans lequel Louise Fletcher fit ses débuts) et surtout surtout du Fugitif, l'une des plus illustres séries de tous les temps dans lequel sont d'ailleurs combinés des éléments du film noir (un homme victime d'une machination et de circonstances qui le dépassent) et même un peu du western (l'errance d'un solitaire au cœur de l'Amérique).
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Mais revenons à I Love Trouble, une autre histoire de machination crapuleuse, d'ailleurs. Le film met en scène Franchot alias Tone Stuart Bailey, un détective de Los Angeles.
Petit aparté : le détective Stuart Bailey sera d'ailleurs repris dans Girl on the Run / Le témoin dangereux réalisé par Richard L. Bare en 1958 ainsi que dans la série TV 77 Sunset Strip, toujours d'après un scénario de Roy Huggins.

L'argument :
Un homme riche (le solide Tom Powers) engage Stuart Bailey, un détective privé, pour enquêter sur le passé de son épouse. Le détective découvre qu'elle a été danseuse et qu'elle a vécu dans sa ville natale avec un acteur. Ce dernier est tué avant d'avoir pu parler à Stuart mais, avec l'aide d'une danseuse, le détective apprend que l'épouse avait utilisé les papiers dérobés à une amie pour entrer à l'université après qu'elle a volé 40 000 $ dans le night club où elle travaillait. Stuart apprend par la suite que le mari a tué son épouse quand il a découvert son passé afin d'éviter un scandale et qu'il doit servir de bouc émissaire.

On est ici totalement dans l'esprit et la tradition de Raymond Chandler et ce film fera inévitablement penser à The big sleep / Le grand sommeil réalisé par Howard Hawks à peine deux ans auparavant ainsi qu'à Murder, My Sweet, l'autre Marlowe, avec Dick Powell. Même ambiance, même enquête d'un détective de L.A. qui se trouve tour à tour manipulé et aux prises avec de jolies filles. Et l'histoire est bien sûr bien alambiquée, l'essentiel étant dans l'ambiance.

Contrairement à ce que l'on pourrait penser, la comparaison entre Humphrey Bogart/Dick Powell/Philip Marlowe et Franchot Tone/Stuart Bailey n'est pas du tout en défaveur de Franchot Tone, bien au contraire. L'acteur y est extrêmement convaincant en détective privé, y compris avec toutes ces dames qu'il rencontre ou séduit au cours de l'enquête.
Tel Bogart avec Martha Vickers et Dorothy Malone, Franchot Tone passe de fille en fille, au point qu'on s'y perd un peu par moments : en premier lieu la très belle Janet Blair (My Sister Eileen) qui sort du lot, mais aussi Janis Carter (Framed avec Glenn Ford, chroniqué ici), Adèle Jergens (vue notamment aux côté de Marilyn dans Ladies of the Chorus), Lynn Merrick, Claire Carleton, Roseanne Murray (on s'y perd d'ailleurs un peu parmi toutes ces mauvaises filles plantureuses). Il y a aussi la piquante Glenda Farrell (Le Petit César, Lady for a Day) plutôt là pour apporter de la légèreté et son comique naturel au récit.

Franchot Tone se révèle franchement à son aise dans le noir, lui qu'on avait surtout vu dans des rôles romantiques et des comédies (il avait tout de même déjà officié dans le genre, dans Les mains qui tuent/Phantom Lady de Siodmak en 1944). Il use quand il faut de son air coquin ou bien fait des sous-entendus. Les dialogues sont gratinés, ce qui permet au film de ne jamais être pesant. D'autant plus qu'il n'est pas le seul. Il y a par exemple un passage surréaliste avec une serveuse loufoque (Roseanne Murray) ou encore cet échange entre Curtis pointaint un flingue vers Franchot Tone/Bailey et qui lui sort : “this is a gun in my hand” ce à quoi Bailey répond nonchalamment : “yeah, I’ve seen one before” (on se croirait dans La rivière rouge lors du concours de tir..).
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La réalisation de S. Sylvan Simon est inspirée et souvent audacieuse. Le réalisateur (mort prématurément trois ans plus tard après un nouveau film avec Janet Blair sur un nouveau scénario de Roy Huggins, The Fuller Brush Man) se montre très prometteur.
Outre le beau travail sur les ombres grâce à la photo travaillée de Charles Lawton Jr. (le visage d'une victime éclairée dans la nuit par les lueurs du quai, par exemple), on a droit successivement à des plans suggestifs (un meurtrier dont on ne voit que le revolver), de beaux split screens lors des appels téléphoniques, des mouvements de caméra et des panoramiques délicats.
De jolis plans aussi, comme ce moment où Franchot Tone se réveille sous un lit (où il s'était caché exténué) avec deux chaussures à talon de femmes sous le nez, superbe idée de mise en scène.
A noter également quelques effets "spéciaux" originaux, comme l'effet tourbillon de l'image pour renforcer l'étourdissement de Franchot Tone lorsqu'il est estourbi un John Ireland alias Reno assisté - excusez du peu - par Raymond Burr l'homme de fer en personne.. un peu too much pour le frêle Franchot Tone!

Le film n'est pas que léger loin de là et quand ça cogne, ça cogne dur. Comme dans les meilleurs noirs.

L'image est en triste état et je ne sais pas si on aura droit à un dvd restauré (je dis bien restauré) un jour. Mais c'est le cas de tellement d'autres, comme Pitfall (1948, de Toth avec Dick Powell et Lizabeth Scott), Fear in the Night (1947, dispo en DVD mais non restauré, Le Maître du gang / The Undercover Man (Glenn Ford, un dvd tout juste correct), Impact (1949, de Lubin avec la garce Helen Walker), The Gangster (1947, avec Barry Sullivan), et donc Too Late for Tears (Dan Duryea et aussi Arthur Kennedy) attendent également leur tour...
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Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

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Supfiction a écrit :Image
Gare ! Arrivée en gare de...The Hangman of Béthune. Dans le genre patibulaire, j'ai aussi un Strangler à signaler. Bref retour aux affaires, donc, pour un compte rendu pas trop épuisant de : The Brighton Strangler

Un film anglais de l'allemand Max Nosseck qui commença et termina sa carrière dans son pays natal mais qui réalisa l'essentiel de ses films aux USA après une errance européenne qui l'amena en France dans les années 30 comme bien d'autres allemands et autrichiens. De sa carrière, je ne connais que ses films criminels : Dillinger, Kill or be Killed, The Hoodlum ; tous trois avec Lawrence Tierney et donc Le tueur de Brighton réalisé entre deux des films qui offraient la vedette à l'un de nos barjots préférés.

Je résume : À Londres, au début de la seconde guerre mondiale, l'acteur Reginald Parker (John Loder) obtient un très grand succès au théâtre dans la pièce L'étrangleur de Brighton, écrite par sa fiancée Dorothy (Rose Hobart). Le soir de la dernière alors que Reginald n'a pas encore quitté le théâtre, l'alarme signalant l'imminence d'un raid aérien allemand retentit, les bombes s'abattent sur le théâtre et l'acteur est assommé. Lorsqu'il se relève, les traits durcis et le regard haineux ne sont plus ceux de l'acteur mais ceux de son personnage de tueur en série. Il prend le train pour Brighton et y rencontre Manby (June Duprez) une jeune anglaise qui s'est engagée comme auxilliaire sur une base aérienne. La jeune femme, bien que fiancée, sympathise avec Parker qui se fait appeler dorénavent Edward Grey et elle l'introduit auprès de la bonne société de la ville...

Le scénario est évidemment très prévisible mais c'est bien fait (du point de vue de la réalisation, de la photo et de la direction d'acteur, c'est le meilleur film de Nosseck que j'ai vu jusque là). Ce thème de l'artiste qui "craque" a déjà été utilisé de manière plus intelligente et d'ailleurs la même année (1945) était sorti le film Hangover Square de John Brahm dans lequel le compositeur interprété par Laird Cregar était tellement possédé par son art que la pression psychique que cela entrainait provoquait des accès de folie meurtrière.
Un autre film est encore plus proche du film de Nosseck, il s'agit de Othello (A Double Life) réalisé quelques années plus tard par George Cukor. Dans ce film, Ronald Colman était un acteur qui était "possédé" par ses rôles au point d'être victime d'un dédoublement de la personnalité ce qui le poussait à devenir un criminel...Nosseck était plus modeste (ironie) car c'est juste un choc à la tête qui faisait passer l'acteur de l'autre coté mais on passe un bon moment. L'atmosphère du Londres doublement effrayé (par les bombes allemandes...et par un barjot "domestique" ) est très bien rendue ; Nosseck tient bien le gouvernail et il est bien aidé par ses comédiens, notamment par John Loder, remarquable dans un de ses rares premiers rôles (sans égaler Colman qui obtint l'oscar pour le film de Cukor) . Ce court film (67 min) a été diffusé à la télévision chez nous (vost). Dillinger est sorti en DVD (zone 1 avec vost) ; même chose pour le film de John Brahm et celui de Cukor a été édité en France par Wild Side. En revanche, les autres Films "criminels" (plus que films noirs) de Nosseck sont un peu plus compliqués à voir.
Dernière modification par kiemavel le 25 août 15, 14:46, modifié 2 fois.
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Message par kiemavel »

Supfiction a écrit :
I Love Trouble (1948)
Réalisation : S. Sylvan Simon
Je l'ai vu moins bon que tu sembles l'avoir vu mais j'avais bien aimé aussi. Il faut avouer que le souvenir le plus vif que j'en garde c'est la qualité médiocre de l'enregistrement. À part ça, effectivement beaucoup de belles plantes dont deux habituées du genre : Janis Carter et Adele Jergens...et je te rejoins au sujet de l'interchangeabilité (jolie) , au moins de ces deux là.

S. Sylvan Simon a eu le temps (mort à 41 ans...) de réaliser un autre film qu'on peut rattacher au film noir, c'est Grand Central Murder (1942), un des premiers films (avec Kid Glover Killer, un autre policier) où l'on voyait Van Heflin dans un 1er rôle.

NB : j'espère que je ne me débrouille pas trop mal en suppléant de Supfiction ?
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Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par kiemavel »

À propos de Franchot Tone, il a effectivement tourné peu de films noirs ou apparentés. J'en signale un assez curieux à défaut d'être très bon. Il s'agit de On lui donna un fusil (They Gave him a Gun) de W.S Van Dyke (1937)

C'est un film bizarre à plus d'un titre. 1er point : la première partie appartient au film de guerre et la seconde au film de gangsters. Durant la 1ère guerre mondiale, pendant leur formation, deux hommes font connaissance ; le soldat fort en gueule, sûr de lui, séducteur et drôle (interprété par Spencer Tracy) prenant sous son aile le timide paysan jamais sorti de chez lui (interprété par Tone). Peu à peu, ce dernier prend confiance en lui et au front celui qui craignait les armes se conduit même héroïquement...et ne pourra pas s'arrêter un fois rentré au pays.

Dans les années 30, des films américains "contre" la guerre, il y en eu pas mal mais celui ci venait tardivement (1937) et il ne se contentait pas de dénoncer la guerre, il l'a présentait comme une fabrique de détraqués et de tueurs...Anti-guerre, anti-arme ; deux ans avant le déclenchement de la suivante, c'était donc un film qui avait flairé l'air du temps...(sans ironie)

Malheureusement, le film parasite son message avec du superflu. On a droit au célèbre coup du triangle amoureux dont on suit les péripéties tout du long et même dans les pires moments, Tracy (très bon mais pas trop dans le ton du film) fait le rigolo...Passable, surtout compte tenu du metteur en scène et des bons comédiens qui étaient impliqués. Le film a déjà été diffusé à la télévision chez nous (vost)
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Message par Chip »

A signaler que " I love trouble" ( belle affiche originale qui fit la joie des collectionneurs) est sorti en France sous le titre " les liens du passé ". Quant à " le relais de l'or maudit" seul film réalisé par le scénariste Roy Huggins, c'est un des meilleurs westerns de Scott, en dehors du cycle Boetticher et du Peckinpah. Tourné en 17 jours, il fut très bien reçu par la critique et rapporta beaucoup d'argent, le plus gros succès à l'époque pour un western avec Randy Scott.
Pour plus de renseignements voir les ouvrages suivants :
" last of the cowboys heroes" et " the films of R. Scott " (éditions Mc Farland)
ainsi que " Maverick, legend of the west" d' Ed Robertson, préfacé par Roy Huggins
PS:
" le relais de l'or maudit" est paru en dvd zone 2 , chez Sony pictures en 2006.
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Message par Jeremy Fox »

Chip a écrit : " le relais de l'or maudit" est paru en dvd zone 2 , chez Sony pictures en 2006.
Yep ; et je confirme qu'il fait partie selon moi des sommets de la série B westernienne et incidemment des meilleurs Randolph Scott.
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Message par Supfiction »

Chip a écrit :A signaler que " I love trouble" ( belle affiche originale qui fit la joie des collectionneurs) est sorti en France sous le titre " les liens du passé ". Quant à " le relais de l'or maudit" seul film réalisé par le scénariste Roy Huggins, c'est un des meilleurs westerns de Scott, en dehors du cycle Boetticher et du Peckinpah. Tourné en 17 jours, il fut très bien reçu par la critique et rapporta beaucoup d'argent, le plus gros succès à l'époque pour un western avec Randy Scott.
Pour plus de renseignements voir les ouvrages suivants :
" last of the cowboys heroes" et " the films of R. Scott " (éditions Mc Farland)
ainsi que " Maverick, legend of the west" d' Ed Robertson, préfacé par Roy Huggins
PS:
" le relais de l'or maudit" est paru en dvd zone 2 , chez Sony pictures en 2006.
Je me suis uniquement fié à ma première impression en revoyant la jaquette de mon dvd du Relais de l'or maudit (je l'avais acheté en même temps qu'une salve de "Western Classics" vendus pas chers il y a une quinzaine d'années et que j'avais trouvé assez faibles ou banals mais il est possible que je confonde avec un autre de la même salve). Dans le genre, L’Attaque de la malle-poste est, dans mon souvenir en tous cas, certainement bien supérieur.
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Message par Jeremy Fox »

Supfiction a écrit : Dans le genre, L’Attaque de la malle-poste est, dans mon souvenir en tous cas, certainement bien supérieur.
Ils se ressemblent et se valent je trouve ; tout aussi efficaces et tendus l'un que l'autre.
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Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par Rick Blaine »

Jeremy Fox a écrit :
Supfiction a écrit : Dans le genre, L’Attaque de la malle-poste est, dans mon souvenir en tous cas, certainement bien supérieur.
Ils se ressemblent et se valent je trouve ; tout aussi efficaces et tendus l'un que l'autre.
Oui je suis tout à fait d'accord avec ça. Deux films un peu similaires et surtout aussi remarquables l'un que l'autre.
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