Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méconnus

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky

Répondre
Avatar de l’utilisateur
Supfiction
Charles Foster Kane
Messages : 22218
Inscription : 2 août 06, 15:02
Localisation : Have you seen the bridge?
Contact :

Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par Supfiction »

kiemavel a écrit :
Supfiction a écrit :
Comme je le disais, les procédés (le disque, le chien robot) sont typiques du cinéma à suspense de l'époque (de Hitchcock jusqu'à Colombo) et on ne peut pas vraiment lui reprocher. On dit donc la même chose, c'est le jeu de Crawford (comme celui de Stanwyck dans Sorry wrong number) qui est un peu too much (d'une manière plus large, j'ai du mal avec Joan Crawford pèriode après guerre). Mais la dernière partie du film rattrape un peu ces défauts.
Oui, pour le jeu de Crawford, on est d'accord. Mais contrairement à toi, même si je ne suis pas un fan absolu de la femme au visage assez dur, alors que c'est parfois (un peu connement) rédhibitoire, je la trouve comme actrice souvent impeccable et même parfois extraordinaire. Elle a souvent interprété des femmes de caractère, mais si elle avait une présence forte et un visage très expressif, elle était finalement assez rarement dans l'excès. Tu n'aimes peut-être pas Baby Jane ? Si c'est le cas, évites Strait-Jacked et I Saw What You Did de William Castle ou Trog :shock: (le triste épilogue d'une grande carrière). Mais là, on est quand même pas dans le tout venant de ce qu'elle a interprété. J'aime tous les films qu'elle avait tourné entre Mildred Pierce et Harriet Craig. C'est à partir de là que ça se gâte un peu mais ce sont plus les films qu'elle-même qui sont en cause : Goodbye, My Fancy, This Woman is Dangerous, Torch Song, Female in the Beach, etc…ne sont pas bons, en tout cas de mon point de vue, mais entre deux films moyens, même tardivement dans sa carrière tu as eu les Johnny Guitar ou Sudden Fear.
Ensuite, j'étais d'abord un peu sceptique pour ta comparaison avec Barbara Stanwyck dans Sorry Wrong Number mais cet AM entre deux coups de sécateur, j'y ai repensé et oui, c'est surtout quand elle est seule et qu'elle s'angoisse, cauchemarde et anticipe les évènements que Joan Crawford en fait beaucoup. C'est son imaginaire qui lui joue des tours, on va dire. Le fait qu'elle était écrivain a du influencer les scénaristes pour l'écriture de ces scènes.

J'ai retrouvé cet avis de francesco sur le film, comme quoi tout le monde n'est exactement pas du même avis sur Miss Crawford. Cela dit, cela n'est pas elle que je critiquais mais ce que lui a demandé le réalisateur dans ces scènes (vaste débat qui courait encore récemment avec l'affaire Cotillard/Nolan/Dark Knight).
francesco a écrit :J'ai adoré aussi Le Masque arrachée : Miller traite un sujet similaire de manière très différente dans Piège à Minuit, ce qui montre l'influence que devaient avoir les producteurs sur son travail. Le RKO est un vrai film noir, avec une photo noire et blanc très caractéristique du studio, sombre et peu contrastée, un ton pessimiste pour ne pas dire désespéré, une femme fatale perverse jouée par Gloria Grahame, une dureté d'ensemble, des personnages, du scénario, un suspens rythmé de manière haletante, qui est une conséquence de l'action et non pas de la réflexion. ...
Crawford se lance dans un numéro de bravoure incroyable : impossible d'oublier la scène où elle découvre la vérité et son évanouissement ... et encore moins celle où elle assiste à une scène depuis une porte entrebâillée. La réalisation joue complètement sur la pression qu'elle arrive à donner à toutes ses apparitions.
Un de ses plus beaux rôles (et la dernière de ses trois nominations aux oscars)
Sinon une chose qui est fascinante par rapport à la cohorte des femmes menacées de l'histoire du cinéma : au moment où elle est censée s'effondrer (ce que fait avec beaucoup de vulnérabilité et en même temps une certaine hystérie Doris Day dans Piège à Minuit) Crawford se relève et contre-attaque. Ça aurait été très difficile de rendre ça réaliste avec une autre actrice.
Anecdote rigolote : Crawford ne voulait pas de Palance à quoi le producteur lui aurait répondu. "Bien sûr qu'il est laid ... mais qui donc à part lui serait susceptible de te faire peur."
Sinon, je n'ai pas vu encore La Perfide / Harriet Craig (1950), mais le film semble avoir la cote effectivement.
Avatar de l’utilisateur
Cathy
Producteur Exécutif
Messages : 7321
Inscription : 10 août 04, 13:48
Contact :

Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par Cathy »

Voila ce que j'en avais écrit avant d'en faire mon film du mois de mars dernier.
Myra Hudson auteur richissime de pièce de théâtre tombe amoureuse du comédien qu'elle a renvoyé. Elle l'épouse quand son mari et sa maîtresse décide de la supprimer.

Avec un titre comme cela et le nom de Jack Palance au générique, on sait qu'il y a du meurtre dans l'air, mais qui, quand et comment, c'est sans doute là la force de ce film à savoir qu'on ne s'attend pas à ce twist. Le film commence comme une comédie dramatique traditionnelle avec un portrait de Myra, éblouissante, femme du monde, attachante et qui épouse ce comédien dont elle n' a pas voulu, car il n'est pas assez beau pour interpréter le rôle de sa pièce, mais qui semble fou amoureux, aux petits soins de son épouse. Tout le temps de la première partie, on se demande comment on va arriver à cette peur soudaine ! On imagine même très facilement la fin quand elle descend l'escalier qui mène de sa maison d'été à un grand lac... Le film repose entièrement sur Joan Crawford qui est quasiment de tous les plans hormis une ou deux scènes entre Jack Palance et Gloria Grahame. La dernière partie est d'ailleurs axé sur sa palette d'expressions quand elle découvre la vérité ou qu'elle a peur, ce n'est qu'une succession de gros plans, où elle doit faire passer toutes les émotions : la peur, la trahison, le désespoir, la haine... Elle fut d'ailleurs nommée pour l'Oscar cette année-là face à Bette Davis, leur seul et unique face à face (merci Francesco pour ta bible oscarisée) et elle aurait du l'avoir tant elle s'avère prodigieuse, même si elle en fait peut-être un peu trop, et encore... On est complètement accroché à sa prestation et à cette histoire dont on ne peut raconter tous les détails sans spoiler. Seule dans son bureau, dans sa chambre, ou encore coincée dans un placard. C'est assez fou de voir ce Portrait woman tomber dans le pur film noir avec ce final dans les rues de San Francisco. Joan Crawford est impressionnante, ceci étant Jack Palance lui tient la dragée haute sans problème lui aussi passe de l'homme bafoué à l'homme amoureux puis fort inquiétant dans la dernière partie, tout comme Gloria Grahame dans un des ses innombrables rôles de femme "fatale". Un film diantrement efficace.
bruce randylan
Mogul
Messages : 11658
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par bruce randylan »

kiemavel a écrit :
bruce randylan a écrit :Le masque arraché / Sudden Fear (David Miller - 1952)
Voilà une recrue de choix ! Autant j'avais eu Supfiction pour pas trop cher, autant là je ne pourrais jamais payer l'indemnité de transfert mais c'est pas grave, on a le droit de rêver ! Cinéma japonais, John Ford, muet, anglais, et maintenant film noir, il ne nous laissera rien ! :mrgreen: Bref, welcome.
Ouais, je bouffe à tous les râteliers :mrgreen:
Bah, en fait, ça dépend surtout de la programmation de la cinémathèque et la MCJP. Dans l'ensemble je préfère parler ici des films plus rares que j'ai peu de chance de revoir tout de suite (donc pas forcément ceux que je vois chez moi - exceptions faîtes du cinéma HK)

En tout cas dans les films noirs, j'avais vu une bonne quinzaine de films dans cette rétrospective que j'avais évoquais ici et là dans ce forum.

kiemavel a écrit :Et bien, on a vu à peu près la même chose…J'avais effectivement occulté la remarque de bruce sur les excès de la Crawford.
Ah non, il y a eu problème de compréhension, je parlais des excès du scénario et de la succession des "morceaux de bravoures" ininterrompues du dernier tiers. Joan Crawford, je l'ai trouvé très bien (ce qui n'est pas toujours le cas).


Toujours dans le cadre de ce festival Toute la mémoire du monde (et restauré par la fondation Cohen) à la CF, j'ai aussi vu ça
Jézebel / another man's poison (Irving Rapper - 1951)

Un homme en fuite se réfugie dans la maison où vit la femme de son complice qu'il cherche pour se faire innocenter d'un meurtre qu'il n'a pas commis. La femme lui apprend qu'elle vient d'assassiner le mari, violent, qu'elle détestait. Il l'aide à se débarrasser du corps et se fait passer pour lui, le couple venant tout juste de s'installer dans la région.

Après plusieurs mélodrame, Bette Davis a voulu de nouveau collaborer avec Irving Rapper. Elle lui demande donc de la suivre en Angleterre pour tourner cette modeste production que l'actrice voulait typiquement britannique dans son humour noir. Et on ne peut pas dire que le film en soit dénué :) Le film possède un verve mordante et cinglante, avec ce petit flegme qui donne le piquant nécessaire pour ne pas prendre l'histoire totalement au sérieux. Sans tomber dans la farce, le scénariste (Val Guest :D ) choisit l'angle du pastiche respectueux du code mais il dynamise par des situations régulièrement exagérées qui préfèrent s'amuser avec le public plutôt que d'essayer de nous faire avaler des couleuvres. Une manière aussi, plus ou moins habile et honnête, de faire oublier les facilités ou incohérences.
Par contre, Guest n'est pas parvenu à faire oublier l'origine théâtrale de l'histoire. Outre, le lieu unique où se déroule 90% du film, c'est surtout les ressorts typiquement de la scène qui ressortent : on n'évite pas à de nombreuses reprises à un ou deux personnages qui sortent du décor juste au moment où un ou deux personnes arrivent comme par magie. Une écriture trop mécanique qui finit par lasser sur la longueur, d'autant que l'intrigue même finit par tourner en rond par moment et que certains éléments semblent vraiment avoir été inclus pour étoffer artificiellement le scénario (la secrétaire et son fiancé, également amant de Davis).

Rapper s'en sort mieux à la réalisation qui parvient à faire oublier le huit-clos. C'est pas du Lumet ou du Kurosawa mais ça reste bien découpé, pas trop académique et il a bien su s'adapter à l'esprit flegmatique et pervers de l'humour anglais.
Le film ne répond pas à toutes les promesses de sa mise en place percutante avec un traitement inégale et une lassitude qui s'installe progressivement. Cependant plusieurs moments viennent souvent relancer la machine avec brio. Et la conclusion est d'une ironie cruelle aussi stupéfiante que radicale et sans appel. Les 3-4 dernières minutes font pardonner beaucoup à ce véhicule pour Bette Davis qui ne se réserve pourtant pas un rôle valorisant.
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
kiemavel
Assistant opérateur
Messages : 2231
Inscription : 13 avr. 13, 09:09

Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par kiemavel »

bruce randylan a écrit :
kiemavel a écrit :Voilà une recrue de choix ! Autant j'avais eu Supfiction pour pas trop cher, autant là je ne pourrais jamais payer l'indemnité de transfert mais c'est pas grave, on a le droit de rêver ! Cinéma japonais, John Ford, muet, anglais, et maintenant film noir, il ne nous laissera rien ! :mrgreen: Bref, welcome.
Ouais, je bouffe à tous les râteliers :mrgreen:
Bah, en fait, ça dépend surtout de la programmation de la cinémathèque et la MCJP. Dans l'ensemble je préfère parler ici des films plus rares que j'ai peu de chance de revoir tout de suite (donc pas forcément ceux que je vois chez moi - exceptions faîtes du cinéma HK)

En tout cas dans les films noirs, j'avais vu une bonne quinzaine de films dans cette rétrospective que j'avais évoquais ici et là dans ce forum.
Faut pas que tu te sentes obligé de te justifier :wink: Je ne me fais pas réellement de bile à l'idée que tu causes encore plus de film noir car dans la mesure ou contrairement à moi, tu parles beaucoup de mise en scène, ça ne peut qu'être profitable aux lecteurs (ouiii, oh, ça va, on fait ce qu'on peut :D ). Et puis, même si j'ai déjà ironisé sur le sujet, je me sens en réalité solidaire du projet (causer de préférence de films rares), dans la mesure ou c'est aussi le mien, à mon échelle et presque uniquement sur le cinéma de genre américain. Le seul truc qui me rend jaloux, c'est qu'apparemment, ça ne t'a jamais causé de soucis, alors que moi si :mrgreen:

Et enfin, je trouve rassurant de savoir que si un jour il y a un festival du cinéma Inuit quelque part, il y aura quelqu'un pour en rendre compte 8)

Edit : En ce qui concerne cette rétrospective
:shock: J'avais déjà du la voir mais là, à postériori, ça fait mal. Je suis déjà tombé sur certains des textes consacrés à ces films en me baladant sur le forum mais étant donné que je viens de l'évoquer, un titre m'a sauté aux yeux, For You I Die…et j'ai trouvé ton texte. Ben quoi ? Il ne t'avait pas plu celui là ?
Dernière modification par kiemavel le 4 févr. 15, 18:23, modifié 1 fois.
kiemavel
Assistant opérateur
Messages : 2231
Inscription : 13 avr. 13, 09:09

Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par kiemavel »

bruce randylan a écrit :Jézebel / another man's poison (Irving Rapper - 1951)
Tu n'en parles pas et je suppose que ce sont les hasards de la programmation mais les héroïnes de ces deux films sont des femmes écrivains et c'est un peu plus qu'anecdotique. Dans le premier, Sudden Fear, elle est plutôt victime (au moins dans un premier temps) mais l'imagination de la dramaturge revêt une certaine importance. Son imagination travaillant d'abord à ses dépends quand elle va être prise de terreur à partir du moment ou elle va prendre conscience qu'on veut la tuer (je parlais précédemment de ses cauchemars éveillés…). Ensuite, son imagination va travailler pour elle quand elle va imaginer sa vengeance. Sauf que (dans un autre registre :wink: ) comme chez Preston Sturges (Unfaithfully Yours), ce que les intellectuels du crime imaginent ne se déroule jamais comme il l'avait programmé, le crime sur papier étant le seul à pouvoir être parfait. J'ai l'impression aussi que quand la vieille fille va se sentir bafouer par son vilain mari -qui doit bien avoir d'autres qualités (1)- et qu'elle va comprendre qu'il se tape une plus jeune, c'est alors qu'elle va vouloir jouir de sa supériorité intellectuelle (Je viens de commencer la lecture de la psychanalyse pour les nuls :uhuh: ). J'ai un souvenir lointain de Jezebel mais Bette Davis y interprète aussi une criminelle qui joui elle aussi -au moins le croit-elle- de sa supériorité intellectuelle. D'autre part, les deux metteurs en scène utilisent à diverses reprises le même procédé pour montrer, dans le dos de l'interlocuteur/ennemi des deux héroïnes, leurs émotions et leurs véritables intentions, dissimulées derrière les propos qu'elles tiennent ou la face A de leurs visages. Dans la seconde partie de Sudden Fear, Miller filmait les étreintes de Palance et Crawford, ou les fins de scènes, en montrant les émotions véritables de l'un ou de l'autre dans le dos du vis à vis. Rapper fait un peu de même avec Bette Davis. Je me souviens de ses grimaces dans le dos de Gary Merril, de ses roulements d'yeux ou de ses regards caméra assez savoureux car effectivement, contrairement au film de Miller, on est plus dans l'humour noir que dans le drame passionnel sous forme de thriller.

(1) Cette remarque là, c'est à cause de :
francesco a écrit : Anecdote rigolote : Crawford ne voulait pas de Palance à quoi le producteur lui aurait répondu. "Bien sûr qu'il est laid ... mais qui donc à part lui serait susceptible de te faire peur."
Toute une époque Hollywoodienne…dépassée tout de même depuis un bout de temps mais même si je ne me suis pas trop intéressé à la question, je me suis laissé dire que même des gens comme Kirk Douglas ou Bob Mitchum avaient été handicapé à leurs débuts pendant la guerre par leurs gueules, alors forcément Palance…Pourtant sa séduction, certes singulière, est parfaitement crédible dans Sudden Fear mais c'est que les femmes, certaines en tout cas, jouissent d'abord par l'oreille (Je crois que je vais revenir à mes lectures habituelles…)
Avatar de l’utilisateur
Supfiction
Charles Foster Kane
Messages : 22218
Inscription : 2 août 06, 15:02
Localisation : Have you seen the bridge?
Contact :

Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par Supfiction »

bruce randylan a écrit :Jézebel / another man's poison (Irving Rapper - 1951)
A ne pas confondre avec L'insoumise/Jezebel (1938) également avec Bette Davis (ils ont fait fort les distributeurs de l'époque, le Jezebel de 1938 ayant été traduit l'insoumise, et le Another man's poison de 1951 ayant été traduit en .. Jezebel !

J'aime beaucoup Bette Davis dans ce film, entre cynisme, séduction et misanthropie (la seule personne qu'elle aime vraiment étant son cheval).
Il y a un montage très audacieux également. A plusieurs reprises, une action ou un dialogue importants sont coupés net pour passer à d'autre protagonistes, laissant le spectateur en halène. Par exemple lorsque la secrétaire demande à son fiancé si elle fréquente Bette Davis pendant son absence (sous-entendu est-ce qu'il a une affaire avec elle), subitement le dialogue est coupé net par le montage et le plan suivant met en scène Bette Davis et Gary Merrill en train de lutter pour la possession d'un revolver tombé à terre.
Même découpage abrupt et frustrant pour le spectateur lorsque la voiture de Gary Merrill est sur le point de tomber de la falaise.

Quant à la fameuse fin (je parle des toutes dernières secondes), c'est certainement voulu mais elle est vraiment grossière et difficile à avaler.
Image
kiemavel
Assistant opérateur
Messages : 2231
Inscription : 13 avr. 13, 09:09

Race Street

Message par kiemavel »

Image
Race Street ( 1948 )
Réalisation : Edwin L. Marin
Production : Nat Holt (RKO)
Scénario : Martin Rackin d'après une histoire de Maurice Davis
Photographie : J. Roy Hunt - Musique : Roy Webb

Avec : George Raft (Dan Gannin), William Bendix (Le lieutenant Barney Runson), Marilyn Maxwell (Robbie Lawrence), Frank Faylen (Phil Dickson), Harry Morgan (Hal Towers), Gail Robbins (Elaine Gannin)

Dan Gannin, un homme d'affaires de San Francisco dissimule derrière une façade respectable et ses affaires officielles, l'activité dont il tire l'essentiel de ses revenus, l'organisation de paris clandestins. Il est à la tête d'un réseau de petits bookmakers dissimulant leurs officines dans leurs arrières boutiques, lui même se réservant une clientèle de gros parieurs. Depuis quelques temps, Gannin souhaite orienter ses activités exclusivement vers des activités légales. C'est en bonne voie puisque le night club qu'il vient d'ouvrir avec sa soeur Elaine, artiste de music hall, connait un franc succès. Lorsqu'un de ces bookmakers, son ami Hal Towers vient lui signaler qu'un gang venu de la côte est tente de le racketter sous couvert de lui assurer une protection, Gannin tente de le persuader de renoncer à ce business et surtout de ne pas chercher à leur tenir tête. En vain. Quelques nuits plus tard, inquiet de ne pas avoir de ses nouvelles, Gannin part à sa recherche avec son ami d'enfance le lieutenant de police Barney Runson et les deux hommes retrouvent son cadavre au pied de son immeuble…
ImageImageImage
Je n'étais pas revenu vers Edwin L. Marin, et pas plus vers George Raft, depuis les premiers temps de ce topic alors que les deux premiers films chroniqués avaient été Johnny Angel (1945) et Nocturne (1946) dans lesquels ils étaient réunis. Johnny Angel était le premier d'une série de 6 films qu'ils tournèrent ensemble entre 1945 et 1948, le dernier étant ce Race Street qui fut leur dernière collaboration. Edwin Marin ne réalisera plus par la suite que des westerns jusqu'à la fin de sa courte vie (presque tous avec Randolph Scott). Au contraire des deux derniers films récemment chroniqués, qui étaient à la marge du genre, ce film noir ne s'écarte pas de la "ligne principale du parti". C'est en effet un pur film noir contenant une bonne partie des ingrédients typiques du genre mais les alignant avec un tel manque d'imagination que ce film s'est avéré être un des plus ennuyeux que j'aurais vu depuis des mois. George Raft y interprète un homme à la lisière de la loi. Derrière une façade d'investisseur, il dissimule ce qui constitue sans doute sa source principale de revenus ou en tout cas l'activité par laquelle il s'est enrichi, celle de bookmaker. Il est à la tête d'un réseau de petites officines dissimulées en ville dans les arrières boutiques de certains commerçants. Mais Gannin est un père tranquille du "crime", se contentant de fréquenter les champs de course et d'enregistrer les gros paris des clients qu'il s'est gardé mais ce n'est pas le genre à user d'intimidations, à envoyer ses sbires tabasser un type qui se serait endetté et qui se montrerait incapable de rembourser, encore moins de lui faire voir les poissons du port de San Francisco.
ImageImageImage
C'est sans doute pour cela que Barney Runson, son ami d'enfance, lui a conservé son amitié malgré le fait qu'il soit rentré dans la police. La relation d'amitié contrariée entre celui qui est resté bandit et l'ami d'enfance devenu policier, c'est une vieille histoire mais ici, c'est l'un des rares points positifs. Le personnage interprété par William Bendix va essayer d'obtenir des informations sur ce qui se trame dans le "milieu" de San Francisco, puis va essayer d'aider son ami malgré qu'il refuse toute aide de sa part. Les longs dialogues assez sarcastiques entre le policier qui cherche à obtenir des renseignements de Gannin puis qui va chercher à l'aider malgré ses dissimulations sont les rares dialogues un peu remarquables. William Bendix a de loin les meilleures lignes et lui même est irréprochable, promenant sa bonhommie et sa personnalité attachante tout du long. Heureusement qu'il est là pour amuser un peu parce que sans lui on s'ennuie ferme.

Le scénariste n'a su quoi faire de cette histoire de truand qui cherche à se ranger, un sujet à priori déjà moins intéressant que si le personnage principal avait décidé de lutter contre ceux qui cherche à l'évincer. Il le fait, mais par la ruse. Il faut dire qu'il n'a pas le choix car il est entouré par une équipe de bras cassés, ses amis bookmakers n'étant clairement pas de taille à se mesurer à Dixon, un homme dont personne ne connait le visage, et ses hommes de main qui "terrorisent" les collaborateurs de Gannin. C'est pourquoi ce dernier les maintient en dehors du conflit et cherche à le résoudre seul…Mais ça ne débouche sur pas grand chose en dehors du final (très réussi) et d'une séquence d'enlèvement qui va révéler aux moins perspicaces l'identité secrète d'un des personnages (et donc une trahison). Le reste est tellement excitant qu'on en vient à regretter l'absence d'une bonne guerre des gangs. Il faut dire que notre homme passe l'essentiel de son temps avec Robbie, sa nouvelle petite amie, une veuve de guerre qui partage son gout pour les champs de course et la vie nocturne. On a donc droit à de nombreuses scènes de night club, qui s'alignent là aussi sans la moindre imagination en dehors des quelques bonnes lignes de Bendix. Le fait qu'Elaine, la soeur de Gannin, soit opportunément chanteuse et danseuse a donné l'occasion au scénariste de caser 3 ou 4 numéros musicaux qui ne sont rien d'autre que des bouches trous. Néanmoins, au milieu de cette platitude, je ne sais pas si le metteur en scène avait du quitter le tournage…ou si une grue s'était emballée, mais toujours est-il qu'une des séquences musicales tranche nettement avec les autres pour la virtuosité et le coté virevoltant de sa mise en scène. Un machino sous l'emprise de l'alcool ?
ImageImageImage
Je n'ai jamais été un grand fan de Marilyn Maxwell et ce n'est pas ce film qui va bouleverser la donne. Dans des rôles secondaires, l'inquiétant Frank Faylen (Dixon) et Harry Morgan dans le rôle du bon copain estropié ne sont pas mauvais mais le premier est de 3 scènes et le second disparait très vite, victime d'une chute -pas accidentelle- dans un escalier de secours. Quant à George Raft, ce n'est pas non plus un acteur que je vénère mais ici son jeu minimaliste se prête parfaitement à la pauvreté de ce personnage (heu, je me demande si c'est un compliment ?). Il en fait aussi peu que d'habitude, semblant toujours en contrôle, froid, déterminé, potentiellement dur mais la plupart du temps un regard lui suffit. Heureusement qu'il avait ce regard d'ailleurs, je devrais dire ces regards très expressifs, surtout dans la dureté parce que sinon il faut bien avouer qu'il ne se passait pas grand chose sur ce visage inerte et dans cette voix monocorde et profonde. Lui même s'éloignant rarement de son personnage de voyou élégant et guindé, ses interprétations valent plus que pour un autre, ce que valent ses partenaires à l'écran et le texte qu'on lui fait dire. Ici, en dehors du bon duo avec William Bendix, le reste est presque sans intérêt. L'ai-je bien exécuté ? :mrgreen: Dispensable malgré une belle photographie de Roy Hunt.
Spoiler (cliquez pour afficher)
Image
Chip
Electro
Messages : 949
Inscription : 22 oct. 08, 10:26

Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par Chip »

Rien sur Gale Robbins ? pulpeuse rousse vue dans moult séries B (films noirs, westerns), elle était aussi , une très bonne chanteuse , son album " I' m a dreamer " est excellent. Je n'ai jamais vu " Race street", d'après une des photos postées, elle semble , tout comme dans " Between midnight and dawn" (de minuit à l'aube)(1950) de Gordon Douglas, avoir quelques scènes où elle chante.
kiemavel
Assistant opérateur
Messages : 2231
Inscription : 13 avr. 13, 09:09

Quiet Please, Murder

Message par kiemavel »

Image
Quiet Please, Murder ( 1942 )
Réalisation : John Larkin
Production : Ralph Dietrich (20th Century Fox)
Scénario : John Larkin d'après un roman de Lawrence G. Blochman
Photographie : Joseph MacDonald - Musique : Emil Newman

Avec : George Sanders (Jim Fleg), Gail Patrick (Myra Blandy), Richard Denning (Hal McByrne), Lynne Roberts (Kay Ryan), Sidney Blackmer (Martin Cleaver)
ImageImage
Jim Fleg, faussaire et marchand d'art, assassine le bibliothécaire qui avait exposé l'exemplaire unique d'un livre très recherché par les collectionneurs. Au lieu de le vendre en l'état, il en fait une douzaine de copies qui sont en partie écoulées par sa complice Myra Blandy, elle aussi bibliophile et expert en livres anciens. Quand Fleg apprend que Myra a vendu, via un intermédiaire, une copie à Martin Cleaver, un marchand qui est réputé acheter des objets d'art pour le compte de dignitaires du régime nazi, Fleg prend peur et lui ordonne de restituer l'argent. Et effectivement, Cleaver est bientôt sur la trace de Myra tout en soupçonnant Fleg d'être derrière l'escroquerie. A son bureau, Myra découvre Hal McByrne, un détective privé new-yorkais tout juste arrivé à Londres. Défendant les intérêts d'un autre acheteur abusé, il fait pression sur Myra pour lui aussi remonter jusqu'à l'instigateur de l'escroquerie. Myra tente de le séduire puis croit résoudre son double problème en arrangeant la confrontation entre le détective et Cleaver et ses hommes dans une bibliothèque de la ville. Or, c'est ce soir là que Fleg a décidé d'y dérober d'autres livres anciens extrêmement rares…
ImageImage
Ce court film vaut surtout pour la prestation de George Sanders comme toujours irréprochable. Il interprète ici un salaud raffiné, sa distinction et sa diction impeccables faisant passer pour le comble du raffinement les plus abjectes intentions. La scène d'ouverture le montre rentrant dans une bibliothèque et semblant reprendre une conversation déjà ancienne avec un employé au sujet d'un livre très rare et très cher qui est exposé dans une vitrine. Sanders semble plaisanter sur la tentation qu'il éprouve pour le livre tant convoité, annonçant sur le ton de la plaisanterie ce qu'il ferait s'il en faisait l'acquisition : de multiples copies qu'ils vendraient à de bonnes poires qui mettraient une fortune dans ce livre quand bien même il aurait été volé. Puis il demande : Vous me le prêteriez pour quelques jours ? L'employé lui répond pour plaisanter : Over my dead body…et on anticipe la suite. Sanders sort une arme et abat d'une balle dans le dos l'employé non sans avoir abusé de rictus de satisfaction assez savoureux.

Par la suite, Sanders poursuit assez plaisamment son numéro d'intellectuel du crime. Certains dialogues assez brillants montrent sa psychologie, notamment ceux échangés avec Myra qui montrent en creux l'étrange relation entretenue avec la jeune femme. Il semble se griser de mots, voulant prouver sa supériorité intellectuelle, semblant croire que sa séduction ne peut passer que par son machiavélisme et espérant que le coté "génie du mal" exercera une fascination suffisante pour que Myra reste attachée à lui. S'il semble inquiet, c'est qu'il vient d'apprendre que le détective McByrne, dont il connait la réputation de séducteur, vient d'arriver à Londres et ce sont d'ailleurs les "qualités personnelles" du bellâtre que semble craindre Fleg, plus que ses qualités d'enquêteur. De toute façon, les seuls intérêts que défend Myra, ce sont les siens. La femme fatale avait vendu des copies sans en avertir Fleg et elle va poursuivre ses manipulations en commençant par tenter de séduire le séducteur en flirtant avec lui pour l'attirer dans un piège.
Image Image
C'est en partie à la suite de ses manipulations que tout le monde se retrouve assez vite dans la bibliothèque. Trompé par Myra, Martin Cleaver et ses hommes (dont un étrange tueur muet) croient y retrouver Fleg alors que c'est le détective privé McByrne, lui aussi sur instruction de Myra, qui se présente d'abord sur les lieux et c'est donc lui qui est pris pour le faussaire. Un premier meurtre est commis ce qui permet à Fleg, accompagné par des complices, de se faire passer pour un policier dans le seul but de tromper les employés de la bibliothèque et de se voir remettre les ouvrages rares qui y sont conservés. Bientôt, Myra, qui espérait avoir trouvé le moyen de se débarrasser de tous ses problèmes d'un coup en faisant s'affronter dans ce lieu insolite et en laissant s'éliminer entre eux, tous ceux qui auraient des raisons de lui en vouloir, se retrouve au milieu de la mêlée. Le coté labyrinthique du lieu, les escaliers, les longs couloirs, les multiples pièces et les hautes bibliothèques propices à la dissimulation, fournissent le cadre idéal pour les multiples rebondissements d'une intrigue qui se présente dans la forme comme une grande partie de cache cache faisant de ce film, pour cet aspect là, une sorte de mini ancêtre de Die hard. La partie de cache cache est bientôt encore facilitée par l'obscurité dans laquelle les lieux sont plongés à la suite d'une alerte qui signale l'imminence d'un raid aérien sur Londres.

Le procédé a quand même sa limite. La multitude de personnages : Cleaver et ses complices dont un tueur "freelance" ; Fleg et les siens, McByrne, Myra, auxquelles s'ajoutent les employés et la direction de la bibliothèque, ça fait quand même du monde, surtout quand c'est utilisé ainsi car pratiquement chaque ouverture de porte fournit l'occasion d'un rebondissement. Un certain nombre implique Myra qui poursuit ses manipulations à n'en plus finir car elle change de "cavaliers" à chaque fois que l'un semble prendre le dessus sur l'autre, chaque ouverture de porte l'obligeant là aussi à composer avec une nouvelle situation. L'intrigue va se compliquer encore un peu quand McByrne va s'éprendre de Kay Ryan, une jeune bibliothécaire, qui va tout faire pour sauver les précieux livres…Bilan : un petit thriller joliment photographié par Joe MacDonald ; brillamment interprété par Sanders et à un degré moindre par Gail Patrick dans un rôle de femme fatale intéressant bien qu'assez caricatural mais qui est surtout un peu handicapé par le manque de charisme de Richard Denning, qui est censé être le "héros" de cette histoire mais dont le personnage de détective séducteur et jovial n'est pas à la hauteur de ses partenaires et est surtout très décalé par rapport à leur profonde mais séduisante noirceur. John Larkin n'aura réalisé que 2 longs métrages, le second, Circumstancial Evidence avec Michael O'Shea et Lloyd Nolan est aussi un thriller (pas vu) mais c'était surtout un scénariste (plusieurs Charlie Chan) et un producteur de télévision (notamment de 70 épisodes de la série M Squad avec Lee Marvin). Passé à la télévision. vu en vost.
Spoiler (cliquez pour afficher)
Image
kiemavel
Assistant opérateur
Messages : 2231
Inscription : 13 avr. 13, 09:09

Re: The Price of Fear

Message par kiemavel »

Image
Le prix de la peur ( 1956 )
Réalisation : Abner Biberman
Production : Howard Christie (Universal)
Scénario : Dick Irving Hyland d'après une histoire de Robert Tallman
Photographie : Irving Glassberg - Musique : Heinz Roemheld

Avec : Merle Oberon (Jessica Warren), Lex Barker (David Barrett), Charles Drake (Pete Carroll), Gia Scala (Nina Ferranti), Warren Stevens (Frankie Edare), Stafford Repp (McNab)
ImageImageImage
Quand Dave Barrett, co-propriétaire d'un cynodrome apprend que son associé Lou Belden vient de vendre ses parts dans l'affaire au gangster Frankie Edare, il s'en prend violemment à son ami et menace même publiquement de le tuer avant de comprendre qu'il a cédé sous les coups des hommes de main du gangster. Edare, qui veut prendre le contrôle total de l'affaire, fait abattre Lou peu après devant son établissement tandis qu'il donne pour consigne à ses hommes de main de poursuivre Barrett. Sentant que le taxi dans lequel il avait pris place allait être rattrapé, Barrett ordonne au chauffeur de s'arrêter. Il s'enfuit en courant et tombe sur un véhicule arrêté devant une cabine téléphonique ou se trouve une femme qui appelle. Cette femme, Jessica Warren, venait de percuter un vieil homme promenant son chien à quelques rues de là et avait d'abord fuit les lieux avant de se raviser et de vouloir appeler la police pour signaler l'accident malgré son ivresse mais voyant Barrett s'enfuir à bord de sa voiture, elle se ravise et signale simplement le vol, espérant ainsi échapper aux poursuites…
ImageImageImage
Un film noir inégal qui s'appuie sur un scénario un peu trop compliqué. L'intrigue tourne autour d'un faux coupable doublement innocent. Comme on peut s'y attendre, Barrett est vite inquiété, d'abord pour le vol de voiture mais aussi, en raison des déclarations de Jessica Warren et de l'incertitude quant à l'heure exacte de l'accident, pour avoir blessé grièvement le vieil homme et pour le délit de fuite ; des faits qu'il nie avoir commis, et pour cause. Mais il va vite se raviser quand il va apprendre la mort de son ami Lou, abattu juste après qu'il l'ai menacé de mort car évidemment il va être le premier suspect de ce meurtre. Puisqu'il ne peut pas s'être rendu coupable des deux crimes qui ont été commis au même moment, pour gagner du temps, il va endosser celui qu'il croit être le moins grave et se dire responsable du délit de fuite qui à laissé un vieil homme entre la vie et la mort. L'ami de Barrett, le sergent de police Pete Carroll, voit bien son dilemme et comprend qu'il est sans doute innocent des deux crimes dont on le soupçonne et va le laisser en liberté provisoire. Malheureusement pour Barrett, le vieil homme finit par mourir de ses blessures si bien que son calcul ne s'avère pas payant mais il met à profit la liberté temporaire dont il jouit en attendant son procès pour tenter de comprendre ce qui a pu se passer.

Barrett va se frotter à deux mondes en apparence opposés mais finalement également viciés car même les gens respectables peuvent prendre des décisions immorales quand ils ont la possibilité de fuir leurs responsabilités et quand la dissimulation de leurs actes répréhensibles peut leur permettre de conserver leurs situations privilégiées, alors qu'assumer leurs actes les perdraient. C'est ce qui arrive à Jessica Warren. C'est une femme d'affaires prospère, une conseillère en placements qui à force de travail s'est construit une situation enviable et qui va tout faire pour que son monde ne s'écroule pas pour une "bêtise" commise un soir d'euphorie quand, sortant d'une boite de nuit après une soirée un peu arrosée, elle avait renversé le vieil homme. Devant les risques encourus, elle va d'abord mentir puis tout faire pour empêcher Barrett de découvrir la vérité, et ceci, contrairement aux apparences puisque, s'étant attiré la sympathie du suspect, elle va parfois l'accompagner dans ses recherches mais en réalité pour faire secrètement barrage à ses investigations.
ImageImage Image
C'est même plus que de la sympathie qui va s'installer puisqu'une idylle va naitre entre eux. On ne sait jamais à quel point elle manipule Barrett mais cette femme d'une quarantaine d'années et seule, qui semblait s'être occupée essentiellement de sa carrière professionnelle jusque là, est sans doute réellement attirée par Barrett et jusqu'au bout elle va être tiraillée entre son désir pour l'homme et l'autre, encore plus viscéral chez elle, rester à l'abri des poursuites de la justice. Le double jeu que va jouer jusqu'au bout Jessica va se compliquer encore par l'intervention de Frankie Edare. Car l'autre monde auquel va se frotter Barrett, c'est le gangstérisme. Edare est un propriétaire de boite de nuit aux dents longues. On comprend qu'il a torturé ou fait torturer l'associé de Barrett pour obtenir ses parts puis il tire partie des menaces proférées par Barrett sous le coup de la colère pour assassiner Lou, faire porter le chapeau à son associé et récupérer ainsi l'affaire lucrative tant convoitée. Attiré lui aussi par Jessica et intrigué par son comportement, il va comprendre, mieux que Barrett, les véritables motivations de Jessica Warren, la faire chanter et tenter de la manipuler pour quelle serve autant les intérêts du gangster que les siens.

L'ironie de l'histoire, c'est qu'assumer la faute initiale dont elle avait fuit les conséquences par crainte d'une dégradation sociale, ne l'aurait pas mené aussi bas. L'engrenage inexorable va la mener très loin. Non seulement elle va subir l'influence de ses nouvelles relations mais les tourments intérieurs de l'amoureuse qui ne supporte pas ce qu'elle va être amenée à faire pour se protéger ne vont pas la laisser tranquille, ce qui ne l'empêchera pas de protéger coute que coute ce à quoi elle tient par dessus tout, c'est à dire sa situation privilégiée. Tout ce qu'elle a mis tant de temps à construire, elle n'est pas prête à le voir s'effondrer pour un homme mais n'assumant pas jusqu'au bout les actes qu'elle va commettre pour sauver sa situation, elle va être guettée par la folie. L'épilogue qui se déroule à bord d'un train donne lieu à un final assez spectaculaire (mais qu'on peut trouver moralisateur).
Image Image Image
En dehors du trio, quelques personnages secondaires viennent se greffer à l'intrigue. L'enquête menée par Barrett l'amène à rechercher un témoin pouvant l'innocenter. Il s'agit du chauffeur de taxi Johnny McNab (interprété par Stafford Repp) qui le conduisait le soir fatidique. Craignant pour sa vie, Il se cache mais éprouve un sentiment de culpabilité. Sa femme Ruth (Mary Field) n'a pas ces problèmes de conscience. Elle va juste vouloir tirer partie de la situation et tenter de monnayer le silence de son mari, une motivation qui va naitre quand elle va comprendre que la femme qui accompagne Barrett va tenter bizarrement, dans le dos de ce dernier, d'acheter son silence. On voit aussi la fille du vieil homme écrasé par Jessica Warren. Nina Ferranti (Gia Scala) veut se venger de Barrett qu'elle croit coupable mais le personnage est très peu exploité dans l'intrigue, en tout cas de cette manière. Elle est juste une figure féminine à l'opposé de la femme fatale interprétée par Merle Oberon. Loin des robes (assez décolletées) que porte cette dernière, on ne voit jamais Gia Scala autrement que dans sa robe sévère et sombre. La première est une riche femme d'affaires ; la seconde est d'un milieu pauvre et intellectuel. Son père était un vieux professeur d'origine italienne et Nina parle d'ailleurs avec un fort accent italien. Malheureusement, le personnage intéressant sur le papier est dans un premier temps trop peu exploité puis rattaché au final de manière peu vraisemblable.

Un mot sur les interprètes. Lex Barker n'est pas extraordinaire mais il est moins inerte que (pré)supposé ; Warren Stevens fait un très bon méchant ; mais l'interprétation est dominée par Merle Oberon. J'ai une relation bizarre avec cette actrice. Je lui trouve un coté vieillot, physiquement et dans son jeu :oops: et cela influence mon jugement sur une actrice dont le visage était l'un des plus expressifs qui soit, plus intéressant dans les sentiments sombres et la dureté que dans le charme et la séduction…mais ça, c'est peut-être en raison de mes réserves et du charme de la femme qui opère peu sur moi. Il n'empêche qu'elle est remarquable dans Le prix de la peur, composant à 45 ans une femme fatale qui n'en avait pas l'air et elle était encore une fois remarquable pour la grande variété de sentiments qu'elle pouvait exprimer avec nuances, notamment à travers ce visage extraordinairement expressif. Abner Biberman a conjugué deux carrières menées en parallèle ; celle d'acteur souvent voué aux rôles "ethniques" (indien, mexicain, asiatique, Polynésien, etc…) ; et celle de réalisateur. Avant de passer très vite à la télévision (Le virginien, L'homme de fer, Hawaï, police d'état, La 4ème dimension, etc…), il réalisa 8 films pour le cinéma. Bien peu sont visibles en dehors de Une arme pour un lâche, un western avec Fred McMurray et un autre film noir avec Ray Danton : The Night Runner. vu en vost.

Les différents visages de Merle Oberon :
Spoiler (cliquez pour afficher)
ImageImage
ImageImage
francesco
Accessoiriste
Messages : 1631
Inscription : 28 juin 06, 15:39
Localisation : Paris depuis quelques temps déjà !
Contact :

Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par francesco »

La diction de Merle Oberon était connue pour être très travaillée, très "old school", très "cup of tea". Marlon Brando était fasciné par son phrasé à tel point qu'il l'a, un temps imité, pas pour le meilleur (c'est du moins ce que prétende les biographes d'Oberon). C'est peut-être de là que vient cette impression dont tu parles, plus que de ses expressions ou de son attitude ?

En tout cas, ça semble clairement un grand rôle pour elle, ce qui, en bon fan (je dois être le seul à l'avoir placé dans le top de Feb/Stupfection), m'intéresse d'autant plus que ça n'est pas un film dont on parle particulièrement.

Elle est absolument extraordinaire dans Tentation (1946) où elle joue, en costume, le même genre de rôle très complexe (cette fois-ci une aventurière entrainée dans une histoire de meurtre à cause d'un "homme fatal" joué par Korvin).
Spoiler (cliquez pour afficher)
June Allyson
Mary Astor
Carroll Baker
Leslie Caron
Joan Collins
Joan Crawford
Bette Davis
Doris Day
Irene Dunne
Edwige Feuillère
Greer Garson
Betty Grable
Gloria Grahame
Susan Hayward
Miriam Hopkins
Betty Hutton
Jennifer Jones
Zarah Leander
Gina Lollobrigida
Jeanette MacDonald
Anna Magnani
Jayne Mansfield
Sara Montiel
Maria Montez
Merle Oberon
Anna Neagle
Lilli Palmer
Eleanor Parker
Rosalind Russell
Lizabeth Scott
Norma Shearer
Lana Turner
Jane Wyman
Loretta Young
joe-ernst
Décorateur
Messages : 3820
Inscription : 20 mars 06, 15:11
Localisation :

Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par joe-ernst »

Je vois sur les captures des sous-titres français. Ce film est-il sorti en dvd avec des stf ? Merci. :)
L'hyperréalisme à la Kechiche, ce n'est pas du tout mon truc. Alain Guiraudie
kiemavel
Assistant opérateur
Messages : 2231
Inscription : 13 avr. 13, 09:09

Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par kiemavel »

joe-ernst a écrit :Je vois sur les captures des sous-titres français. Ce film est-il sorti en dvd avec des stf ? Merci. :)
Non mais il est passé à la TV, à priori il y a moins de 10 ans. Par contre, je pense que c'était la seule diffusion mais sans certitude.
kiemavel
Assistant opérateur
Messages : 2231
Inscription : 13 avr. 13, 09:09

Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par kiemavel »

francesco a écrit :La diction de Merle Oberon était connue pour être très travaillée, très "old school", très "cup of tea". Marlon Brando était fasciné par son phrasé à tel point qu'il l'a, un temps imité, pas pour le meilleur (c'est du moins ce que prétende les biographes d'Oberon). C'est peut-être de là que vient cette impression dont tu parles, plus que de ses expressions ou de son attitude ?

En tout cas, ça semble clairement un grand rôle pour elle, ce qui, en bon fan (je dois être le seul à l'avoir placé dans le top de Feb/Stupfection), m'intéresse d'autant plus que ça n'est pas un film dont on parle particulièrement.

Elle est absolument extraordinaire dans Tentation (1946) où elle joue, en costume, le même genre de rôle très complexe (cette fois-ci une aventurière entrainée dans une histoire de meurtre à cause d'un "homme fatal" joué par Korvin).
Tout ce que je vais dire de Merle Oberon, ça relève de l'essai. J'essaie juste, sollicité par toi, d'expliquer mes (petites) réserves sur l'actrice...Non, ce n'est pas sa voix, c'est plus viscéral et quelque part plus con que ça, c'est déjà ce qu'elle dégage en tant que femme, sa séduction opérant peu sur moi. La beauté, telle que je me la représente, n'est pas un critère essentiel mais dans le cas présent ça joue sans doute. Pourtant, le top 11 de mes actrices favorites, c'est un peu le festival de la brunette et pas que des beautés que je trouve évidentes et indiscutables alors mystère. Elle n'est en tout cas pas une beauté passe partout mais alors que son visage particulier, un peu exotique aurait tout pour me séduire, c'est moyennement le cas… Pour ce qui est de ses expressions et de son attitude, là aussi elle me fait une drôle d'impression. Non "sollicité", son visage semble inerte et insondable mais dans le jeu, son visage et son regard s'anime et ils sont parmi les plus expressifs que je connaisse. Du coup, en partie pour cette raison, son jeu est au contraire très démonstratif même s'il est très nuancé. J'ai l'impression qu'avec elle, en exagérant à peine, presque toutes les scènes pourraient être muettes et par moment elle est même à la limite du trop, un peu comme Joan Crawford, une actrice à laquelle elle me fait parfois penser notamment dans le film noir. Les rôles qu'elle tient dans Dark Waters et surtout dans The Price of Fear auraient en tout cas parfaitement convenu à Crawford. En revanche, je ne connais pas Tentation dont tu dis du bien. Il est maintenant sur la liste…
francesco
Accessoiriste
Messages : 1631
Inscription : 28 juin 06, 15:39
Localisation : Paris depuis quelques temps déjà !
Contact :

Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par francesco »

Autre critère possible, au niveau de la séducion (le jeu, c'est parfaitement clair et exact ce que tu dis - c'est précisément cette expressivité hyperbolique et ce mystère qui me la rendent si particulière) : on la trouve parfois trop sophistiquée et pas assez charnelle ou du moins simple et naturelle (ce qui est paradoxal, puisqu'elle avait la réputation d'un tempérament volcanique), comme si tout était construit pour plaire, jusqu'à l'agacement. Je veux dire c'est une hyper féminité qui peut avoir quelque chose de castrateur ( :mrgreen: ), enfin, de pas rassurant, quelque part.
Il faut dire aussi qu'elle travaillait tellement sur son apparence physique pendant les tournages que tout est fait, autour d'elle, pour accentuer cet aspect fabriqué.

Bon, c'est aussi un visage singulier, on n'est pas obligé d'adhérer aux canons hollywoodiens sans pour autant aimer tous les types qui n'y répondent pas. On peut adorer la beauté de Bette Davis et pas celle de Lizabeth Scott (la liste est interminable, finalement, des femmes qui ne rentraient pas dans ce moule et qui on fait carrière).
Spoiler (cliquez pour afficher)
June Allyson
Mary Astor
Carroll Baker
Leslie Caron
Joan Collins
Joan Crawford
Bette Davis
Doris Day
Irene Dunne
Edwige Feuillère
Greer Garson
Betty Grable
Gloria Grahame
Susan Hayward
Miriam Hopkins
Betty Hutton
Jennifer Jones
Zarah Leander
Gina Lollobrigida
Jeanette MacDonald
Anna Magnani
Jayne Mansfield
Sara Montiel
Maria Montez
Merle Oberon
Anna Neagle
Lilli Palmer
Eleanor Parker
Rosalind Russell
Lizabeth Scott
Norma Shearer
Lana Turner
Jane Wyman
Loretta Young
Répondre