Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méconnus

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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kiemavel
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Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par kiemavel »

Supfiction a écrit :
kiemavel a écrit : Blues in the Night (Page 16 du topic) qui est un des quelques films mêlant le film musical et le film noir.
Un film qui vaut effectivement beaucoup pour la très bonne musique jazz qu'on y entend. Priscilla Lane pousse même la chansonnette (doublée ?).
My momma done tol' me..
A priori non doublée. Elle était aussi danseuse et chanteuse mais elle a été très bizarrement sous utilisée dans ce registre là. Elle avait même débuté dans le Musical Varsity Show (DVD zone 1...mais zone All en réalité et comportant une vost) avec une de ses soeurs, Rosemary qui est aussi peu connu qu'elle et en partie pour les mêmes raisons : peu de films (une vingtaine), peu de grands metteurs en scène et arrêt très tôt pour se consacrer à son homme puis ses gosses (une vraie américaine quoi, pas une de ces tr... :wink: ). Les meilleurs que j'ai vu : la saga de la famille Lemp dans les 3 Curtiz du message précédent (dans lesquelles on joue et chante aussi beaucoup)

Finalement, ce n'est ni Anthony Mann ni Oscar ( Budd) Boetticher qui devrait se présenter en premier.
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Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

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Haines (The Lawless)
1950
Réalisation : Joseph Losey
Scénario : Daniel Mainwaring
Image : J. Roy Hunt
Musique : Mahlon Merrick
Produit par William H. Pine et William C. Thomas
Paramount

Durée : 83 min

Avec :

Macdonald Carey (Larry Wilder)
Gail Russell (Sunny Garcia)
Lalo Rios (Paul Rodriguez)
Maurice Jara (Lopo Chavez)
Johnny Sands (Joe Ferguson)
John Hoyt (Ed Ferguson)
Lee Patrick (Jan Dawson)


A Santa Marta dans le sud de le sud de la Californie, des centaines de mexicain sont employés pour le ramassage des fruits et légumes dans les exploitations environnant la ville. A la fin de leur journée de travail, deux amis, Lopo Chavez et Paul Rodriguez prennent leur véhicule pour aller en ville et provoque un banal accident de voiture qui se termine en bagarre en raison d'une insulte raciste proférée par Joe Ferguson, un des jeunes américains présent dans l'autre voiture. Le soir même, un bal organisé par la communauté mexicaine est perturbé par l'irruption des mêmes jeunes gens qui ont reçu le renfort de quelques amis. L'un d'eux manque de respect à une jeune fille mexicaine, Paul prend sa défense mais il est frappé par Joe et une bagarre générale éclate. Dans la bousculade, Paul renverse Al Peters un policier, il prend peur et vole un véhicule. Plus tard au cours de la nuit, il finit par se rendre mais il est frappé par le policier qu'il avait involontairement renversé. Il est stoppé par son collègue mais dans le véhicule qui les ramène vers le commissariat, Peters recommence à battre Paul, à nouveau son collègue tente de l'arrêter mais il pert le contrôle du véhicule qui quitte la route. Lorsque Peters se rend compte que son collègue est mort, il tente d'abattre Paul qui avait déjà commencé à fuir. Il le rate mais accuse Paul d'être le responsable du décès de son collègue. Paul trouve refuge dans une ferme isolée mais il est découvert par Mildred, la fille de la maison qui panique en le voyant et s'assomme toute seule sur une planche. A l'aube, une battue est alors organisée pour retrouver Paul…
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2ème film de Joseph Losey après La garçon aux cheveux verts. Il se penche sur les problèmes d'intégration des familles mexicaines venues s'installer dans le sud de la Californie, une région dont la principale activité économique, la culture des fruits et légumes, a attirée une population immigrée qui vit à la périphérie des villes, isolée de la communauté blanche. Losey montre quelques jours dans la vie de deux jeunes garçons, Loco Chavez et Paul Rodriguez. Ce n'est pas une dénonciation assénée à grand renfort d'effets dramatiques. Losey livre son message tranquillement, adaptant un scénario extrêmement charpenté qui fait monter la tension de manière progressive et qu'on peut même trouver un peu trop prémédité car on sent très vite au fur et à mesure du visionage ou l'on veut nous emmener. En revanche, on ne peut pas lui reprocher d'avoir voulu faire une démonstration caricaturale de la situation des populations immigrés. Même si le film dénonce avant tout les discriminations raciales dont sont victimes les jeunes mexicains, il montre aussi que les préjugés sont des deux cotés et qu'il suffit de quelques individus extrémistes, quelques circonstances malheureuses, un peu de lâcheté, d'indifférence ou la fuite devant les responsabilités de quelques personnes influentes ou disposant de quelques pouvoirs…et la complicité de médias complaisants flattant le potentiel de haine et de violence d'une population sous l'influence de quelques leaders haineux et revanchards pour que la violence éclate. Ces leaders ne sont d'ailleurs même pas montrés véritablement comme des êtres abjects mais comme des américains moyens subissant eux aussi les conséquences d'une discrimination raciale qu'ils n'ont pas voulu mais dont ils subissent de plein fouet les conséquences. Ce propos là était déjà trop subversif mais la controverse autour de ce film est injustifiée car son propos reste mesuré mais évidemment l'audace c'était d'avoir oser filmer un tel sujet dans le contexte du cinéma américain des années 50.

Pour ce qui est du procédé, je l'ai dit, il est un peu trop (pré)visible. Losey et son scénariste commencent par montrer des petits incidents en apparence anodins, ici un banal accident de voiture mais le soir même, le bal se transforme en bagarre générale puis les incidents se font de plus en plus graves et cela ira crescendo jusqu'à l'épilogue. Tous ces événements se passent sous les yeux de 2 observateurs qui vont finir par s'impliquer, naturellement pour la jeune Sunny Garcia, par une lente prise de conscience pour Larry Wilder. Ces deux personnages principaux sont des symboles, de culture par leur métier, de tolérance en raison du chemin qu'ils parcourent, surtout celui interprété par Macdonald Carey. Symbole de culture car les deux sont journalistes mais d'un genre différent. Sunny est une jeune fille d'origine mexicaine qui travaille avec son père qui est l'éditeur du journal local en langue espagnole destiné à la communauté mexicaine. Larry Wilder est lui un grand journaliste polémiste qui travaillait pour un grand quotidien mais lassé des grands combats, il est venu s'installer dans cette petite ville et est devenu le rédacteur en chef de la modeste feuille de chou locale pour y trouver la tranquillité. Il ne veut d'ailleurs pas prendre parti dans les faits divers en cours et est même d'abord assez cynique car lorsqu'il rencontre Sunny le soir du bal, il lui avoue être là uniquement car il anticipe une bagarre et veut être la pour en rendre compte. A partir de cette rencontre décevante pour Sunny, toutes les scènes suivantes entre ces deux personnages seront comme des parenthèses douces et tranquilles en raison des sentiments qui naissent entre les deux mais aussi car se retrouvant seul à seul ou ne fréquentant que le centre paisible de la ville, ils ne sont pas confrontés à la violence qui est à l'oeuvre ailleurs. Cette insouciance est un peu ambiguë car elle est aussi une lâcheté et un confort moral. Ce détachement n'est que provisoire pour Sunny qui est très impliquée auprès de sa communauté mais celui de Larry est plus discutable. Il finira par s'impliquer - et totalement - sans qu'il soit montré comme une évidence qu'il le fait par amour pour Sunny. Il s'agit plutôt d'une prise de conscience de ses responsabilités et de ses devoirs envers sa communauté. Il aura aussi son pendant négatif, comme tous les autres personnages -réels ou symboliques- du récit.
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Pour lui, ce sera Jan Dawson (Lee Patrick), la journaliste d'un grand quotidien qui débarque pour rendre compte des événements. Elle tentera de tirer parti des incidents pour faire du tirage. Elle commence par exagérer la bagarre initiale et parle d'émeutes attirant ainsi des médias plus importants puis elle tentera de manipuler Mildred, la jeune fille soi disant victime d'une agression de la part de Paul. Au début de la présence de Jan Dawson à Santa Marta, les deux journalistes ne sont d'ailleurs pas montré comme si différents. Ils veulent faire de bons papiers et parlent des évènements de manière détachée voir avec un peu d'ironie. Cela dit, même ce personnage en apparence peu recommandable se révèlera plus complexe qu'il n'y parait. En tout cas, Losey montre parfaitement toute la complexité des sentiments qui habitent les deux journalistes qui par leurs dialogues montrent deux façons d'envisager leur métier et ce n'est en rien manichéen ou caricatural. En revanche, Losey est sans pitié pour la télévision qui est montrée comme systématiquement racoleuse.

Même le "monde" des adultes, des parents, des notables est montré avec subtilité et nuance. Les notables de la ville se montrent hostiles à la mauvaise publicité qui pourrait être faite à la ville mais au moins un personnage important et influant, Ed Ferguson (le père du seul jeune homme ouvertement raciste) est montré comme un homme ouvert et tolérant alors qu'il pourrait au contraire, étant donné qu'il est le père du jeune Jo, le leader des jeunes garçons recherchant le conflit avec les jeunes mexicains, vouloir en être le protecteur. Ferguson ira même jusqu'à payer la caution des mexicains arrêtés. D'un autre coté, les parents mexicains que l'on aura à connaitre montreront parfois leur fermeture et un repli communautaire n'aidant pas leur intégration. Le père de Paul se montre même très méfiant vis à vis des "américains" et met en garde son fils. Paul proteste en lui répondant qu'il est américain !..Les représentants de l'autorité, la police et le shérif sont eux aussi montrés de manière nuancée. Le premier policier que l'on voit se montre conciliant avec les jeunes mexicains. Un autre, un peu plus tard, frappe gratuitement Paul puis provoque la mort d'un de ses collègues mais ce dernier l'avait auparavant défendu à plusieurs reprises. L'attitude du shérif est elle aussi complexe : d'abord hostile puis beaucoup plus humain.
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Malgré la bienveillance et les actions apaisantes et conciliatrices de quelques uns, le suite des évènements sera malgré tout inéluctable :
Spoiler (cliquez pour afficher)
Après les événements de la nuit relatés plus haut, au petit matin, Paul est chassé d'une ferme par un paysan alors qu'une battue menée par le shérif et des volontaires se lance à sa recherche. Un des hommes prévient même Larry Wilder qui s'est déplacé sur les lieux que le garçon sera abattu avant le soir. Il est aussi menacé car certains citoyens ne supportent pas de voir sur les lieux ce témoin gênant mais Wilder retrouve Paul juste avant la milice et lui sauve la vie. Wilder rédige alors un article prenant enfin parti qui lui vaut d'être menacé, battu par les parents et les amis de Mildred pour avoir mis en doute la parole de la jeune fille. Très vite l'émeute populaire devient incontrôlable. Lopo et trois de ses amis sont agressés et tabassés par une foule déchainée. Paul arrive au tribunal sous les cris indignés de la population surexcitée par le récit de l'agression subie par la jeune fille…mais Losey s'arrête (presque) là et ne va pas au bout de la logique de son film et le trahie même par un final totalement invraisemblable. Ce happy end inattendu pourrait être vu comme un retournement valant comme un espoir, un souhait de réconciliation possible mais en raison de la violence des scènes d'émeute et des agressions que subissent Lopo, Paul et Sunny, que le lynchage collectif se termine sans drame est abérrant. Le reste est filmé avec tant d'habilité que je penche pour un final imposé par la production ; pour un désaccord -et donc un compromis de toute façon insatisfaisant- entre le cinéaste et son scénariste ou un revirement volontaire mais quoiqu'il en soit c'est bien navrant et plus que çà extrêmement maladroit car en raison de l'hystérie collective qui prend la population dans la partie finale et en raison des actes qu'on leur voit faire (avant la mise à sac du journal dans lequel Sunny et Lopo avaient trouvés refuge, Lopo est lapidé à coups de pierre puis saisit et porté en l'air par une vague humaine qui l'emporte….et ressurgit plus tard avec quelques bleus. En un autre endroit de la ville, Paul et trois de ces amis sont lynchés par la foule. Or, tout le monde s'en sort avec quelques ecchymoses. Même si ce final positif part d'une volonté délibérée de Losey -et j'en doute fortement- c'est pour le moins absurde et maladroit.
Même si ce film puissant ménage quelques moments de répit et qu'une humanité et même une certaine douceur baigne le film (je l'ai évoqué plus haut), il est aberrant de prétendre que c'est ce qui est au coeur du film et que ce serait la principale ligne de force d'un film dont le moteur et la raison d'être seraient les sentiments d'amitié et l'amour émanant ou liant les 3 principaux personnages. C'est sans doute la plus grande aberration que j'ai jamais lu sous la plume de Jacques Lourcelles. Certes, cette ville pourrait -en d'autres circonstances- passer pour un endroit charmant ou il fait bon vivre et la population est sans doute constituée d'un majorité silencieuse de gens bienveillants mais parler de ce film en parlant comme le fait Lourcelles d'une atmosphère douce c'est juste allucinant. S'il peut se le permettre, c'est sans doute en raison de ce final tronqué mais avec ou sans cette fin sabotée, à partir d'une telle histoire qui est avant tout l'histoire d'un lynchage, comment peut-il parler d'un film qui serait "le contraire d'un film noir"…En tout cas c'est l'un de mes Losey préféré et plus largement l'un de mes classiques "controversés" favoris.
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Hell on Frisco Bay de Frank Tuttle (1955)

Message par Supfiction »

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Hell on Frisco Bay de Frank Tuttle (1955)

L'argument :
Steve Rollins, policier, vient de purger deux ans de prison pour un meurtre qu'il n'a pas commis. Libéré sur parole, il se met illico en quête du véritable coupable avec une seule et unique idée en tête : le tuer. Rien ni personne ne parvient à entamer sa détermination. Très vite, Steve se retrouve sur la piste d'un truand notoire, Amato. Ce dernier rackette impitoyablement les pêcheurs de la baie de San Francisco et le fils de l'un d'eux finit par le dénoncer comme le responsable du fameux meurtre. Rien ne va plus dans le gang d'Amato lorsqu'il abat un des gangsters travaillant à sa botte...

Edward G. Robinson est une nouvelle fois très impressionnant dans ce film même si d'après ce que j'ai lu, l'acteur était quelque-peu lassé de ce genre de rôle. Face à lui, un Alan Ladd déjà quelque-peu bouffie par l'alcool, si je ne m'abuse, mais plutôt convaincant et brutal comme il faut pour ce rôle même quand s'agit d'assommer des malabars à coups de poings, et ce en dépit de son petit gabarit. Ce n'est certes pas James Cagney mais il assure tout de même Alan et prouve qu'il n'était pas qu'une belle gueule. Il met même une dérouillée à un tout jeune Rod Taylor dans une arrière salle. Et il n'est pas plus tendre avec les femmes par moments, qu'il s'agisse de Joanne Dru (sa femme) ou de Jayne Mansfield (même pas créditée au générique) qu'il remet à sa place. Mais dans le genre brutal, le roi c'est bien sur Edward G. Robinson qui va même jusqu'à cogner Joanne Dru qui l'avait traité de paysan, insulte suprême!

Ladd venait de fonder en 1954 sa compagnie de production, Jaguar, avec le réalisateur Frank Tuttle.
Les deux hommes ne firent d'ailleurs pas de vieux os puisqu'ils disparurent 8 ans après seulement.
En 1951, Tuttle et Edward Dmytryk ont été "contraints" de dénoncer Jules Dassin comme étant un collègue communiste. Tuttle a été profondément marqué par cet épisode tragique.

De fait, un certain malaise se dégage de ce film crépusculaire, à l'image du personnage d'Alan Ladd préférant dormir à l’hôtel et ne pouvant rentrer chez lui ni regarder sa femme qui n'a pas pu attendre, restée sans nouvelle pendant les trois ans de son incarcération.

La mise en scène est très discrète. Trop même, le film manquant cruellement de rythme, la faute il me semble aux trop nombreux dialogues entre mafieux.. pour tout dire je me suis endormi et j'ai du m'y prendre à deux fois pour finir alors que le film ne dure qu'une heure et demi. Dommage parce que la confrontation Ladd-Robinson vaut le coup. Malheureusement les deux acteurs ont très peu de scènes en commun, hormis le final qui se termine sur un port (comme dans L'affaire de la 99ème rue) avec une ultime scène d'action, monumentale (pour l'époque), sur un hors-bord et qui semble tout droit sortie d'un James Bond (ou du troisième Indiana Jones).
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Dave Bannion
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Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par Dave Bannion »

[quote="kiemavel"]
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Haines (The Lawless)
1950
Réalisation : Joseph Losey

Je ne connais pas mais ta chronique me donne très envie de le voir.
Je ne suis pas toujours emballé par losey : j'aime bcp son remake de M et Le rodeur.
La pèriode anglaise m'emballe moins même si je ne connais pas tout.

Je le mets sur ma liste !!!
Dave Bannion
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Re: Hell on Frisco Bay de Frank Tuttle (1955)

Message par Dave Bannion »

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Hell on Frisco Bay de Frank Tuttle (1955)


La mise en scène est très discrète. Trop même, le film manquant cruellement de rythme, la faute il me semble aux trop nombreux dialogues entre mafieux.. pour tout dire je me suis endormi et j'ai du m'y prendre à deux fois pour finir alors que le film ne dure qu'une heure et demi. Dommage parce que la confrontation Ladd-Robinson vaut le coup. Malheureusement les deux acteurs ont très peu de scènes en commun, hormis le final qui se termine sur un port (comme dans L'affaire de la 99ème rue) avec une ultime scène d'action, monumentale (pour l'époque), sur un hors-bord et qui semble tout droit sortie d'un James Bond (ou du troisième Indiana Jones).

Le film vaut surtout pour EG Robinson et A Ladd.
Pour le reste, tu résumes bien le film...un peu long mais avec qq bons moments. La poursuite finale est quand même pas mal pour l'époque !!!!
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Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par kiemavel »

Supfiction a écrit : Hell on Frisco Bay de Frank Tuttle (1955)

L'argument :
Steve Rollins, policier, vient de purger deux ans de prison pour un meurtre qu'il n'a pas commis. Libéré sur parole, il se met illico en quête du véritable coupable avec une seule et unique idée en tête : le tuer. Rien ni personne ne parvient à entamer sa détermination. Très vite, Steve se retrouve sur la piste d'un truand notoire, Amato. Ce dernier rackette impitoyablement les pêcheurs de la baie de San Francisco et le fils de l'un d'eux finit par le dénoncer comme le responsable du fameux meurtre. Rien ne va plus dans le gang d'Amato lorsqu'il abat un des gangsters travaillant à sa botte...

Edward G. Robinson est une nouvelle fois très impressionnant dans ce film même si d'après ce que j'ai lu, l'acteur était quelque-peu lassé de ce genre de rôle. Face à lui, un Alan Ladd déjà quelque-peu bouffie par l'alcool, si je ne m'abuse, mais plutôt convaincant et brutal comme il faut pour ce rôle même quand s'agit d'assommer des malabars à coups de poings, et ce en dépit de son petit gabarit. Ce n'est certes pas James Cagney mais il assure tout de même Alan et prouve qu'il n'était pas qu'une belle gueule. Il met même une dérouillée à un tout jeune Rod Taylor dans une arrière salle. Et il n'est pas plus tendre avec les femmes par moments, qu'il s'agisse de Joanne Dru (sa femme) ou de Jayne Mansfield (même pas créditée au générique) qu'il remet à sa place. Mais dans le genre brutal, le roi c'est bien sur Edward G. Robinson qui va même jusqu'à cogner Joanne Dru qui l'avait traité de paysan, insulte suprême!

Ladd venait de fonder en 1954 sa compagnie de production, Jaguar, avec le réalisateur Frank Tuttle.
Les deux hommes ne firent d'ailleurs pas de vieux os puisqu'ils disparurent 8 ans après seulement.
En 1951, Tuttle et Edward Dmytryk ont été "contraints" de dénoncer Jules Dassin comme étant un collègue communiste. Tuttle a été profondément marqué par cet épisode tragique.
De fait, un certain malaise se dégage de ce film crépusculaire, à l'image du personnage d'Alan Ladd préférant dormir à l’hôtel et ne pouvant rentrer chez lui ni regarder sa femme qui n'a pas pu attendre, restée sans nouvelle pendant les trois ans de son incarcération.

La mise en scène est très discrète. Trop même, le film manquant cruellement de rythme, la faute il me semble aux trop nombreux dialogues entre mafieux.. pour tout dire je me suis endormi et j'ai du m'y prendre à deux fois pour finir alors que le film ne dure qu'une heure et demi. Dommage parce que la confrontation Ladd-Robinson vaut le coup. Malheureusement les deux acteurs ont très peu de scènes en commun, hormis le final qui se termine sur un port (comme dans L'affaire de la 99ème rue) avec une ultime scène d'action, monumentale (pour l'époque), sur un hors-bord et qui semble tout droit sortie d'un James Bond (ou du troisième Indiana Jones).
D'accord avec tout çà. Des acteurs fatigués, physiquement et moralement (Ladd), quelques autres qui dans des registres semblables ont déjà été plus inspirés : Robinson mais aussi son second interprété par Paul Stewart qui était souvent un méchant en col blanc intéressant mais qui ici est assez mou et la relation qu'il entretient avec Robinson basée sur la domination et l'humiliation et donc sur l'avilissement est lassante. On retrouvait aussi Fay Wray qui interprétait la femme ou la petite amie de Stewart mais pareil, ce n'était plus vraiment la Fay Wray des années 30…Idem pour le bon copain de Ladd interprété par William Desmarest. Parmi les seconds rôles on retrouvait aussi Anthony Caruso (qui était un ami personnel d'Alan Ladd). Le film commence plutôt pas mal mais ce n'est en rien original. L'innocent à peine sorti de prison qui cherche à se venger…qui retrouve les vieilles connaissances qui s'écrasent quand il ne meurent pas de mort violente…les méchants faisant tout pour demeurer dans l'ombre, etc…Reste de bonnes scènes en raison de la personnalité de l'ex flic. Sa brutalité et sa fébrilité convenaient bien à Ladd et effectivement comme le dit Supfiction, il a de beaux restes mais tout ceci manque de rythme et de convictions. Le film récupère de vieilles recettes mais tout ceci fait trop de vieilles choses. Le coup de la chanteuse "susceptible to men" comme l'a écrit une fois Federico dans ce topic, on l'a vu 50 fois sauf que la dite chanteuse est souvent plus sexy ou possède au moins un oeil intéressant. ici, il n'en est rien mais il faut dire que Ladd n'arrête pas de la bassiner avec le fait qu'elle fut infidèle lorsqu'il était en prison. Bref, le plus médiocre film noir avec Ladd que j'ai vu jusque là. Frank Tuttle en avait tourné d'autres. Fatalité (Suspense) et Traqué ( Gunman in the Strets), respectivement en page 7 et 8 du topic sont assez bons, tout comme la première version de The Glass Key, tourné en 1935, 7 ans avant le remake de Stuart Heisler que l'on connait mieux (et dans lequel Alan Ladd remplaçait George Raft). En revanche, l'un de ses derniers thrillers, A Cry in the Night n'est pas bien terrible non plus malgré un casting réunissant Edmond O'Brien, Brian Donlevy, Natalie Wood et Raymond Burr.
Dernière modification par kiemavel le 22 janv. 14, 00:38, modifié 1 fois.
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Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par kiemavel »

Dave Bannion a écrit :
Haines (The Lawless)
1950
Réalisation : Joseph Losey

Je ne connais pas mais ta chronique me donne très envie de le voir.
Je ne suis pas toujours emballé par losey : j'aime bcp son remake de M et Le rodeur.
La pèriode anglaise m'emballe moins même si je ne connais pas tout.
Je le mets sur ma liste !!!
Pour Losey, c'est vrai qu'il est inégal. J'aime ses débuts américains. Pas tellement ses thrillers anglais (mais entre deux il y a quand même Temps sans pitié qui est très bons) et à partir d'Eva (qui m'ennuie), il y a du très bon (The Servant, Pour l'exemple, Mr.Klein, Don Giovanni, Le messager) et du très emmerdant (avec moi aussi des lacunes, pas seulement intellectuelles))
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SIX BRIDGES TO CROSS (1955)

Message par Supfiction »

6 BRIDGES TO CROSS "LA POLICE ETAIT AU RENDEZ-VOUS" (1955 Tony Curtis)

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In a world where Tony Curtis is not yet a legend..


Voici mon avis sur ce film noir tendance drame social (ou drame urbain comme vous préférez) très réussi et réalisé par Joseph Pevney (futur réalisateur de la série Star Trek, entre autres).

Dans LA POLICE ÉTAIT AU RENDEZ-VOUS, son drôle de titre français, on voit évoluer de l’adolescence à l’âge adulte, Jerry Florea, un gamin des rues entouré de sa bande de petits délinquants. Ces gamins peuvent faire penser à ceux que l’on suivra chez Leone 25 ans plus tard dans Il était une fois en Amérique, volant une bouteille de lait par-ci, tirant des fruits à l’étalage par là. Mêmes comportements, même solidarité fraternelle, même évolution du larcin vers le grand banditisme, à ceci près que le réalisateur ici ne s’attarde pas sur la misère et que le ton est bien plus léger. La raison principale en est la présence de Tony Curtis, qui livre ici l'une des meilleures prestations de sa carrière.
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Jerry Florea est dans un premier temps incarné par Sal Mineo (dont on se souvient surtout du rôle d’ado torturé et délaissé auprès de James Dean et Natalie Wood dans La fureur de vivre tourné la même année) puis par le gamin du Bronx Tony Curtis. La transition est d’ailleurs étrange étant donné le peu de différence d’âge des deux acteurs. Un acteur plus jeune pour interpréter Jerry Florea enfant, ou même quelques effets de mise en scène pour rajeunir Tony Curtis durant la première séquence aurait peut-être été préférable pour plus de crédibilité. D’autant plus que le vieillissement de Gallagher / George Nader au cours du film est particulièrement réussi.

Ce thème de l’amitié entre un truand et un homme de bien, on l’a déjà vu auparavant, notamment dans Angels with dirty faces "Les Anges aux figures sales" (Curtiz, 1938) ou Manhattan Melodrama "L'Ennemi public n°1" (W.S. Van Dyke, sorti en 1934), par exemple.

L’amitié nait ici d’un incident : alors que Jerry et sa bande sont en train de cambrioler une boutique, le policier Edward Gallagher (George Nader) intervient, provoquant la fuite des gamins. Gallagher, un peu trop zélé, tire vers les fuyards touchant Jerry Florea alors qu’il grimpait une palissade pour s’enfuir. Ce dernier ne sera que blessé mais ne pourra jamais avoir d’enfant. Rongé par le remord et se sentant responsable, Gallagher prend alors le gamin en affection et tentera dès lors de lui éviter les ennuis et de le protéger. De son côté, Jerry semble nullement vindicatif envers le policier et joue petit à petit le rôle d’indic. Mais cette amitié naissante sera constamment entachée par une défiance du flic Gallagher envers le voyou Florea, incorrigible et perpétuel récidiviste.
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Dès le départ, il semble acquis que de toutes façons, Florea ne sera jamais dans le droit chemin et ne sait que combiner, parce qu’il se croit plus malin et parce que la société ne l’a jamais accepté. Même quand, emprisonné, il demande à rejoindre l’armée pour combattre en Europe, sa demande lui est refusé car il n’est pas né en Amérique. Il est même menacé d’expulsion vers un pays ennemi (sans plus de précision) dont il est officiellement originaire et dont il ne parle même pas la langue.

La force du film tient dans l’interprétation nonchalante et goguenarde de Tony Curtis qui semble constamment en en porte-à-faux avec le sujet qui devrait, qui est dramatique. En effet il joue toutes ses scènes avec le sourire en coin et donne constamment l’impression de se moquer de ses interlocuteurs et en particulier bien sûr du flic Gallagher, constamment pris à contre-pied puisque dès qu’il prend une attitude cynique face aux perpétuels mensonges de Curtis/Florea, ce dernier trouve le moyen de le toucher. Comme cette scène ou Florea déclare au curé/pasteur venu au commissariat pour confirmer son alibi (Florea faisait un don à la paroisse pendant le hold-up dont il est accusé) que oui il a voulu se faire bien voir mais que c’était dans la perspective de son mariage avec une veuve mère de trois trois enfants. De fait, les deux hommes développent tout au long du film une relation symbiotique mais trouble. Un peu comme deux amants..
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En ce milieu des années 50, Tony Curtis est sur le point de changer de statut, passant de jeune premier à star de premier plan. Dans ce rôle de Florea, il y a peut-être bien déjà un peu de la nonchalance du futur Danny Wilde.

A signaler que l’excellente Julie Adams joue la femme de Gallagher, mais que son rôle est assez court et, tout juste a t-elle l’occasion d’intervenir lorsque Gallagher excédé ne veut plus défendre Jerry. Egalement au générique, Don Keefer (Woody et les robots, Butch Cassidy, ..), dans un sale rôle de procureur tentant de faire passer Gallagher pour un ripoux. Une scène qui annonce un peu Serpico ou même l'Inspecteur Harry.

A titre d'anecdote, Sammy Davis Jr perdit un oeil dans un accident de voiture en se rendant au studio d'enregistrement pour la B.O. du film, alors qu'il franchissait un passage à niveau de la Route 66 à hauteur de San Bernardino (Californie). Il échappe de justesse à la mort mais perd l'usage de son œil gauche (il portera un œil de verre jusqu'à sa mort).
Sa carrière faillit se briser ce 19 novembre 1954. Ce qui n'empêche pas sa chanson de générique d'être particulièrement réussie.
Federico
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Re: SIX BRIDGES TO CROSS (1955)

Message par Federico »

Supfiction a écrit : Jerry Florea est dans un premier temps incarné par Sal Mineo (dont on se souvient surtout du rôle d’ado torturé et délaissé auprès de James Dean et Natalie Wood dans La fureur de vivre tourné la même année) puis par le gamin du Bronx Tony Curtis. La transition est d’ailleurs étrange étant donné le peu de différence d’âge des deux acteurs. Un acteur plus jeune pour interpréter Jerry Florea enfant, ou même quelques effets de mise en scène pour rajeunir Tony Curtis durant la première séquence aurait peut-être été préférable pour plus de crédibilité. D’autant plus que le vieillissement de Gallagher / George Nader au cours du film est particulièrement réussi.
Le film a l'air intéressant mais je n'ai pas trop compris ta remarque : Mineo avait 16 ans et Curtis 30 à l'époque. Qu'est-ce qui ne colle pas ?
Est-ce à cause de ça (où effectivement, si les trois sur la photo sont censés avoir le même âge, ça le fait moyen) ? :roll:
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The difference between life and the movies is that a script has to make sense, and life doesn't.
Joseph L. Mankiewicz
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Supfiction
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Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par Supfiction »

Je n'avais pas vérifié leur différence d'âge mais ce que je peux te dire c'est que lorsque la transition se fait, ce n'est pas très réaliste (on est loin de la formidable transition de Noodles par exemple). Honnêtement, je pensais que les deux acteurs n'avaient que quelques années de différence d'âge. Le manque de ressemblance entre les deux acteurs n'aide pas. Mais cela ne gâche en rien le film car comme je l'ai écrit les deux acteurs principaux sont très bien "vieillis" par la suite.
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Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par kiemavel »

Supfiction a écrit :6 BRIDGES TO CROSS "LA POLICE ETAIT AU RENDEZ-VOUS" (1955 Tony Curtis)
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Encore un super choix et un super texte sur un film que j'aime moi aussi beaucoup qui est à la fois l'un des meilleurs films de son réalisateur et l'un des 4 ou 5 grands rôles de Tony Curtis. En revanche, je ne suis pas tout à fait d'accord avec toi sur 2 ou 3 points. 1ère remarque au sujet de la transition entre l'enfance et l'âge adulte. Je ne comprend pas tes réserves sur un détail qui me semble insignifiant. Effectivement Salvatore Mineo et Bernard Schwartz :wink: ne se ressemblaient pas physiquement mais leur communauté de caractère est évidente. Jerry adolescent a déjà une personnalité complexe. C'est déjà un manipulateur plein de charme, roublard, souriant et blagueur qui se moque du policier Gallagher tout en étant honnête -à sa manière- en l'aidant dans sa carrière, malhonnête aussi car c'est un voleur et il le restera toute sa vie mais il le dit à plusieurs reprises au flic et lui demande même de ne plus s'occuper de lui. Il tente tout de même parfois de se ranger mais il est vrai sans doute plus pour se conformer au désir de celui qui l'a pris en affection depuis "l'accident ", ce tir malheureux du policier, en d'autres termes pour faire plaisir car il y a aussi chez lui un désir "d'appartenance" évident. Par moment, avant l'arrivée d'une petite fille chez les Gallagher, il sera presque le fils de la famille. Il n'y a rien, absolument rien d'ambiguë dans cet relation (…"deux amants" ) : cette relation est évidemment filiale et si elle évoluera au fil des années, elle restera encore symboliquement filiale, le policier tentant tout du long d'avoir l'autorité d'un père sur Jerry et c'est la défiance et la trahison (de son point de vue) de celui ci qui le mettra parfois hors de lui. Il faudrait aussi parler ici de l'ambiguité de cette relation sur le long terme car ils avancent tous les deux presque conjointement (pour le coup) dans leurs "carrières" respectives ! S'il y a couple, c'est de couple professionnel dont il faudrait parler…et ce n'est pas le moindre paradoxe dans un film "jouant" au gendarme et au voleur.

Ensuite, tu parles d'une trop faible différence d'âge entre les 2 comédiens, mais çà c'est en regardant sur les fiches...car le Sal Mineo que l'on découvre n'a pas vraiment l'air d'avoir 16 ans, il fait beaucoup plus jeune. On a l'impression d'avoir affaire à un ado d'une douzaine d'années et on le retrouve vers 18 ou 20 ans. Enfin, pour finir sur ce point, la transition -si ma mémoire est bonne- se fait (tout comme dans le film de Leone que tu cites justement) par le passage en prison (ou en maison de redressement ?) de Jerry à la suite d'un viol qu'il aurait commis. Elle passe donc en douceur et est justifiée par le fait que Jerry est mis à l'écart pendant plusieurs années.

J'ignore la part d'ironie voulu par le scénariste dans cet évènement, ce qui est sûr c'est que Jerry n'a pas commis ce viol. C'est juste une petite notation sur l'emprise du milieu qui est tout de même un peu plus présent que ce que tu dis. C'est la loi du silence, la loi du milieu qui fait que Jerry se tait et attendra patiemment en prison alors qu'il sait qui a commis le viol. Avant çà, avant même l'accident qui a rendu stérile Jerry, il est montré aussi comme un handicapé social. Tout d'abord, c'est un enfant d'immigrants (italiens mais effectivement ce n'est jamais clairement dit) né dans les bas-fonds de Boston. Alors que la plupart des personnages du film de Pevney portent des noms irlandais, lui se nomme Florea et je crois qu'un seul personnage du film en dehors de Jerry n'est pas irlandais, c'est un des jeunes Hoodlum de la bande de Jerry, un jeune garçon qui porte un nom juif. Tous les flics que l'on voit portent des noms irlandais par exemple, y compris celui qui dirige le commissariat, le Capt. Concannon (incarné par Jay C. Flippen, un vieux routier du film policier)

Bref, c'est un film passionnant montrant sur la longue durée la relation d'amitié ambiguë entre un jeune délinquant et un policier (incarné sobrement mais correctement par George Nader). Le scénariste Sidney Bohm a habilement entremêlé ce qui appartient au domaine de la vie privé et donc les scènes intimes et ce qui appartient au film policier ce qui permet de voir aussi Julie Adams dans un rôle bien plus étoffé que d'habitude, au moins dans le policier. Elle a effectivement un rôle assez limité dans le temps mais elle a au moins un rôle actif dans l'intrigue à plusieurs reprises, notamment lorsque son policier de mari s'engagera durant la seconde guerre mondiale. C'est aussi par elle, car c'est à elle qu'il se confie sur ce point, que l'on voit des aspects différents de la personnalité de Jerry, sa souffrance de ne pas pouvoir être père et c'est aussi avec elle que Jerry exprime une autre de ses souffrances, l'impossibilité pour lui de s'engager dans le conflit en raison de sa nationalité étrangère. Les dialogues en question sont remarquablement écrits et très bien servis par les deux interprètes et en premier lieu par Tony Curtis, ce rôle étant selon moi, je le répète (après toi), un de ses tout meilleurs rôles.

Les deux autres collaborations entre Tony Curtis et Jo Pevney sont aussi à voir : d'abord Flesh and Fury (1952), qui n'est pas mal du tout (page 14 du topic) et Rendez-vous avec une ombre (The Midnight Story) (1957) qui est encore meilleur que le précédent (page 13)
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Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par Supfiction »

Je reconnais bien avoir quelque-peu fumé la moquette une seconde en sous-entendant qu'il pouvait être question d'homosexualité refoulée. Il est effectivement surtout question d'une relation père-fils entre le flic et le voyou.

En revanche, ta mémoire défaille. Il n'y a pas de viol dans le film mais un détournement de mineur commis par un gars de la bande à Tony Curtis. Par loyauté de rue, Curtis fait alors de la prison pour ne pas dénoncer celui-ci.
Mais la transition entre Sal Mineo et Tony Curtis s'effectue juste avant cet événement, tout simplement autour de jeux de jets de dés et de couteaux dans la rue..

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Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par kiemavel »

Supfiction a écrit :Je reconnais bien avoir quelque-peu fumé la moquette une seconde en sous-entendant qu'il pouvait être question d'homosexualité refoulée. Il est effectivement surtout question d'une relation père-fils entre le flic et le voyou.

En revanche, ta mémoire défaille. Il n'y a pas de viol dans le film mais un détournement de mineur commis par un gars de la bande à Tony Curtis. Par loyauté de rue, Curtis fait alors de la prison pour ne pas dénoncer celui-ci.
Mais la transition entre Sal Mineo et Tony Curtis s'effectue juste avant cet événement, tout simplement autour de jeux de jets de dés et de couteaux dans la rue..

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Ah ouiiii, j'avais totalement oublié cette scène. Du coup, une partie de mon baratin n'est plus valable et comporte même plusieurs petites conneries derrière la grosse. La transition (la vraie cette fois) n'est pas mal fichue car elle illustre et suggère de manière visuelle le fait que ces gosses ont grandi dans la rue...mais il est vrai qu'on peut préférer les transitions en douceur qui prennent par exemple pour prétexte l'exil ou l'isolement d'un des personnages (par la prison pour Noodles puisque tu parlais du film de Leone) .
Et alors pour l'histoire du détournement de mineur (et pas un viol, oui surement étant donné l'époque mais il me semblait pourtant bien que dans la VO, Gallagher parle de "Rape a girl"...Peut-importe, c'est un détail)…En tout cas, il ne pouvait pas être commis avant la transition contrairement à ce que je disais :oops: Pas par le petit Sal Mineo :mrgreen: mais forcément par le jeune adulte que l'on retrouve après la partie de dés.
Alors de mon coté, je n'en ai pas fichu une rame mais un nouveau Noir s'approche quand même…Ce soir ou demain.
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Hommes sans loi (1939) de Lewis Seiler

Message par Supfiction »

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Hommes sans loi « King of the underworld » (1939) de Lewis Seiler

L’argument :
Un chirurgien est tué lors d'un assaut de police contre la bande de gangsters avec laquelle il s'était peu à peu lié, arrondissant ainsi ses fins de mois en soignant les blessés réguliers. Sa femme (Kay Francis), docteur également, est accusée par un procureur arriviste et populiste de faire partie de la bande et doit dès lors se disculper.

Voici le premier film noir comique à l’insu de son plein gré !

Le « King of the underworld », c’est ce que prétend être Bogart/Joe Gurney dans ce film. En fait, un truand fasciné par Napoléon, le citant à chaque fois qu’il en a l’occasion pour justifier chacune de ses actions ou avant d’abattre un type. Au point qu’il s’imagine le titre de « Napoleon of crime » lorsqu’il engage un journaliste au chômage pour être son biographe (joué par le très bon James Stephenson, acteur décédé prématurément à l’aube de la notoriété). Ce dernier ne manque pas d'ailleurs de s'amuser de la mégalomanie et de la fin inéluctable qu'il promet au caïd.

Bogart arrive à jouer un personnage un peu stupide et ridicule sur les bords tout en étant suffisamment charismatique pour être crédible en chef de bande mafieuse. On est en 1939 et l’acteur n’est pas encore tout à fait la grande star qu’il s’apprête à devenir.. mais il n’en a jamais été aussi près et ce rôle (proche du Duke Mantee de Petrified Forest) devait lui permettre d’accroître encore sa notoriété bien qu'il ne soit pas à la hauteur du talent de l'acteur. Les choses ne vont pas tarder à changer.

A l’inverse, Kay Francis termine avec ce film SA grande décennie. Elle a 34 ans et son étoile déjà pâlie. Les temps changent.
L’un comme l’autre s’apprêtent à changer de statut à l’aube de la décennie suivante. Deux trajectoires inverses..

Bien que plaisant à regarder, le problème de ce film (ou l'intérêt, selon votre humeur) est qu’il frôle souvent le ridicule (circonstances peu crédibles, scènes ridicules, personnage ridicule), ou même y tombe les deux pieds dedans.

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A ce titre, la dernière séquence est savoureuse. Je vous la décrit : pour faire arrêter Bogart/Joe Gurney et sa bande et par la même occasion se disculpée vis-à-vis de l'ordre des médecins, Kay Francis fait croire que Bogart va devenir aveugle si elle ne lui verse pas dans les yeux un sérum de sa préparation, ainsi qu’à sa bande qui pourrait être contaminée. Méfiant, Bogart demande à ce qu’elle fasse un essai sur le romancier qu’il a embauché pour écrire ses mémoires, puis accepte. Au bout de quelques minutes, toute la bande devient aveugle et Kay Francis tente de s’échapper avec le romancier pendant que la police (qu’elle a préalablement fait appeler) arrive. S’en suit un jeu du chat et la souris avec un Bogart hargneux mais aveugle, tirant partout et avançant comme un somnambule, se cognant en pourchassant la docteur et son romancier biographe dans la maison, alors que la police intervient..

Hommes sans loi est une sorte de remake de Dr. Socrates que William Dieterle réalisa en 1935 avec Paul Muni et Ann Dvorak. Film que je n’ai pas vu mais qui est peut-être meilleur.. à deux exceptions près : il n'y a ni Bogart ni Kay Francis!
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The black legion d’Archie Mayo (1937)

Message par Supfiction »

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A la frontière du mélodrame social, du futur film de propagande et du film noir, The black legion d’Archie Mayo (1937) semble tout à la fois une œuvre ayant pour ambition de réveiller les américains face au péril nazi, sans toutefois pouvoir ouvertement en parler compte tenu de la neutralité du pays, et une auto-critique de la démocratie américaine pas exempte de déviances fascistes (le Ku Klux Klan est en ligne de mire, même s’il n’est pas nommé, on reconnait facilement les costumes et cagoules typiques du clan).

Bogart incarne un ouvrier à l’usine et père de famille. Un américain moyen tout à fait normal donc jusqu’au jour où la promotion pour le poste de contremaître que ses amis lui prédisait lui passe sous le nez au profit d’un collègue d’origine polonaise.

Frustré et dépité, il n’en faut pas plus pour qu’il se laisse facilement embarqué dans un club très particulier sur la recommandation d’un autre ouvrier.

Il s’agit de légion noire à laquelle il se retrouve immédiatement à devoir prêter sermon d’allégeance. De fait il se retrouve propulsé immédiatement dans une spirale du pire, condamné à participer aux expéditions punitives contre les étrangers qui mangent le pain des américains et à exécuter les ordres des chefs de clan aveuglement. D’abord à son profit quand l’action vise à bruler la grange de son nouveau contremaitre et le chasser de l’état ou à donner des coups de fouets à un supérieur l’ayant pris en faute à l’usine où il effectue du recrutement pour le clan.

Sa femme s’aperçoit de son changement d’humeur et d’attitude et le quitte. Son meilleur ami tente de le sortir de ce mécanisme infernal mais se retrouve lui-même dans la ligne de mire du clan…

On imagine dès le début cette chute aux enfers et une possible volte-face ou une mort en forme de rédemption mais le film est baigné d’un pessimisme absolu mettant en cause la démocratie modèle américaine. Seul la figure inflexible du juge à la fin du film renvoie une image bienveillante des héritiers d’Abraham Lincoln.

A signaler que Edward G. Robinson était au départ envisagé pour le rôle mais compte tenu du sujet fut considéré comme trop peu "American looking" pour incarner un membre du Ku Klux Klan.. pardon de la légion noire!
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