Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méconnus

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky

Répondre
kiemavel
Assistant opérateur
Messages : 2231
Inscription : 13 avr. 13, 09:09

Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par kiemavel »

Image

Gigi Perreau, Zachary Scott et John Hodiak.

Gigi Perreau, qui s'appelle en réalité : Ghislaine Elizabeth Marie Thérèse Perreau-Saussine est née d'une mère américaine et d'un père français qui a émigré aux USA au début de la seconde guerre mondiale.

ImageImage

Kristine Miller :oops:
Avatar de l’utilisateur
Supfiction
Charles Foster Kane
Messages : 22137
Inscription : 2 août 06, 15:02
Localisation : Have you seen the bridge?
Contact :

The Devil Thumbs A Ride (1947)

Message par Supfiction »

Image
The Devil Thumbs A Ride (1947)
Je sais maintenant précisément d'où vient cette image de Lawrence Tierney..
Le serpent guette sa proie dans un garage, prêt à profiter de la naïveté d'un jeune américain bien tranquille ayant juste un peu trop profiter d'une soirée de célibat provisoire avant de reprendre la route pour rejoindre sa jeune femme. Tierney profite de ce petit écart pour embarquer le jeune homme particulièrement crédule (et deux jeunes femmes par la même occasion) dans sa fuite après un hold up, en lui proposant de prendre le volant pour lui éviter une amende pour conduite en état d'ivresse..

Les ficelles sont souvent (très) grosses mais le film est sec (1h02) ce qui est appréciable. D'une soirée un peu trop arrosée suit un petit mensonge par téléphone à la maison (pour ne pas dire a sa femme qu'il se trouve dans un chalet en compagnie de deux jeunes femmes) puis de gros ennuis avec la police lorsqu'un motard de la police est volontairement renversé par Tierney.

C'est encore par l'alcool que le gangster se débarrasse d'un veilleur de nuit. Moralité, l'alcool c'est pas bien !
kiemavel
Assistant opérateur
Messages : 2231
Inscription : 13 avr. 13, 09:09

Re: The Devil Thumbs A Ride (1947)

Message par kiemavel »

Supfiction a écrit :
Image
The Devil Thumbs A Ride (1947)
Je sais maintenant précisément d'où vient cette image de Lawrence Tierney..
Le serpent guette sa proie dans un garage, prêt à profiter de la naïveté d'un jeune américain bien tranquille ayant juste un peu trop profiter d'une soirée de célibat provisoire avant de reprendre la route pour rejoindre sa jeune femme. Tierney profite de ce petit écart pour embarquer le jeune homme particulièrement crédule (et deux jeunes femmes par la même occasion) dans sa fuite après un hold up, en lui proposant de prendre le volant pour lui éviter une amende pour conduite en état d'ivresse..

Les ficelles sont souvent (très) grosses mais le film est sec (1h02) ce qui est appréciable. D'une soirée un peu trop arrosée suit un petit mensonge par téléphone à la maison (pour ne pas dire a sa femme qu'il se trouve dans un chalet en compagnie de deux jeunes femmes) puis de gros ennuis avec la police lorsqu'un motard de la police est volontairement renversé par Tierney.

C'est encore par l'alcool que le gangster se débarrasse d'un veilleur de nuit. Moralité, l'alcool c'est pas bien !
Je suis encore en vacances mais je commente brièvement. Je sens poindre une grande déception dans ton commentaire et je suis plutôt d'accord avec toi au sujet de ce film. C 'est un film qui excitait certains amateurs mais son statut mythique risque d'être écorné maintenant qu'il est plus facilement visible. Il est en tout cas pour moi suréalué et son metteur en scène Felix Feist a fait bcp mieux. Les amants du crime (DVD zone 2) est largement supérieur malgré son happy End qui vient contredire l'atmosphère générale du film et The Man Who Cheated Himself voire The Threat qui voyait Charles McGraw endosser un rôle qui aurait pu échoir à Lawrence Tierney sont très réussis également. McGraw est même pour moi meilleur que Tierney dans ce registre là. Même si la présence de ce dernier est saisissante, là ou il compose une "silhouette" inquiétante avec ses regards de fou et sa voix cassante et froide, McGraw offre une palette plus riche même si encore une fois Tierney était impressionnant dans ce registre là par le minimalisme de son jeu et par sa froideur. Enfin, la froideur...Le diable fume, c'est normal. Au passage, ce titre "The devil Thumbs a Ride" est génial. Même si les films sont difficilement comparables, un autre Hitch-Hiker psychopathe a été vu dans le cycle noir. C'était William Talman qui tendait le pouce dans Le voyage de la peur d'Ida Lupino (DVD zone 2)

Pour finir sur Tierney, avant et surtout après le film de Feist, on l'a vu dans d'autres films comparables, de petits noirs d'une heure : Step by Step, The Hoodlum, Kill or be Killed, etc...J'en ferais une petite série un de ces jours...
kiemavel
Assistant opérateur
Messages : 2231
Inscription : 13 avr. 13, 09:09

Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par kiemavel »

Image
Flaxy Martin (1949)
Réalisation : Richard L. Bare
Production : Saul Elkins (Warner)
Scénario : David Lang
Photographie : Carl Guthrie
Musique : William Lava

Avec :

Zachary Scott (Walter Colby)
Virginia Mayo (Flaxy Martin)
Dorothy Malone (Nora Carson)
Tom d'Andrea (Sam Malko)
Elisha Cook, jr (Roper)
ImageImage
Walter Colby, un avocat mêlé à la pègre, reçoit en pleine nuit un appel de son principal employeur, le gangster Hap Richie afin qu'il intervienne de toute urgence pour obtenir la libération d'un de ses hommes qui vient une nouvelle fois d'être arrêté par la police. Bien que désirant rompre avec ce milieu, après l'intervention de Flaxy Martin, sa petite amie elle aussi liée au gang, il accepte néanmoins de défendre le tueur de Richie. Son savoir faire et le faux témoignage de Peggy Farrar, une pauvre fille désargentée, lui permette d'obtenir la libération du tueur mais Peggy revient rapidement sur son témoignage et devient trop gourmande...Flaxy lui rend alors visite et la menace puis introduit chez elle le tueur de Richie qui supprime ce témoin devenu gênant. Flaxy se confie alors à Colby qui, persuadé de pouvoir prouver son innocence lors du procès, endosse le crime. Lâché par Richie et par sa petite amie puis accusé à son tour par un faux témoignage, il est condamné mais durant son transfert en train vers la prison, il parvient à s'évader…
ImageImage
Même si je n'étais pas encore au soleil (dans certains coins, il y en a un peu...) j'aurais été tenté de céder à ma pulsion première concernant ce film là : l'exécution sommaire...Donc je vais être bref (Merci qui ?). Walter Colby (Zachary Scott) est l'un des plus grands "sucker" de l'histoire du genre. Alors certes, le masochisme du héros de "noirs" a souvent stimulé l'imagination des scénaristes et produit des chefs d'oeuvre mais ici le personnage de la femme fatale -qui est aussi le rôle titre du film- est tellement caricatural, que le "sacrifice" initial de Colby en devient absurde et inacceptable.

Tout ce qui tourne autour du personnage de Flaxy est tellement appuyé que c'en est difficilement supportable. Ça commence avec ce thème musical, la petite mélodie de Flaxy qui se fait entendre à chacune de ses apparitions. C'est un (joli) leitmotiv composé par le doué William Lava mais il aurait convenu pour des scènes sentimentales mais certainement pas pour souligner la présence singulière d'un tel personnage dont presque toutes les apparitions se terminent par un plan fixe de quelques secondes sur son visage souriant et semblant jubiler des malheurs qu'elle suscite. Les plus de 40 ans se rappellent de Dallas ? Et bien, çà pourrait s'appeler le plan J.R :uhuh: . Je passe rapidement sur les turpitudes de Flaxy. Elle est aussi et surtout la maitresse de Richie, ce dernier se servant d'elle comme d'un appât sexuel. Néanmoins, si elle est d'abord le cadeau offert à Colby pour services rendus, le personnage ne sera pas seulement l'instrument du gang car elle saura défendre ses propres intérêts dans une partie finale plus intéressante même si tous les développements de l'intrigue sont très prévisibles.
ImageImage
Si Virginia Mayo suit à la lettre le programme : composer une garce d'école, et fait donc son possible pour faire exister un personnage simplement mal écrit et caricatural, Zachary Scott semble perdu. C'est certes dans ce personnage mené par le bout du nez mais quand même, je ne l'avais jamais vu aussi médiocre. Il se contente de montrer sa stupéfaction en écarquillant les yeux et d'afficher son mécontentement en ne quittant pas son air hargneux même quand rien ne le justifie.

Ça ne s'arrange pas avec le personnage interprété par Elisha Cook Jr. On l'a déjà vu dans des rôles similaires de tueur à l'allure juvénile mais ici d'emblée on est dans le grotesque. Les premiers dialogues entre son personnage et celui de Colby sont honteux de bêtise. L'avocat interprété par Scott n'arrête pas de provoquer le jeune tueur en lui donnant du "...délinquant juvénile" ou du "...Small Time Killer", l'autre ripostant par des "...Oh You, Mister Smart Guy !!! ". Mais il n'est pas que complexé et hargneux, c'est aussi le tueur le plus maladroit que j'ai vu jusque là dans le film noir. La façon dont il retrouve Colby est déjà croquignolesque mais le dialogue qui suit pour justifier ses retrouvailles improbables est encore pire...mais ce pire est encore dépassé par les grotesques scènes qui précédent et suivent l'exécution ratée de Colby et de Nora Carson, une jeune femme qui lui était venu en aide.
ImageImage
La très jeune (et charmante) Dorothy Malone est un des personnages secondaires plutôt mieux écrits que les principaux. Dans le prolongement du grand sommeil, elle est encore dans le bouquin. Cette fois, elle est la bibliothécaire d'une petite ville proche de l'endroit ou Colby avait sauté du train. Les évènements les forçant à fuir ensemble, on les retrouve sur la route mais cette petite partie road movie semble boucher un trou du scénario et n'apporte rien de bien intéressant à part une assez amusante séquence dans laquelle la jeune femme parvient à berner les deux policiers d'un barrage routier. Parmi les autres personnages secondaires, je signale aussi Tom d'Andrea, un proche du cinéaste qu'il employa plusieurs fois. Il interprète ici un prolo, un homme simple mais qui servira de révélateur à Colby alors que celui ci n'avait encore rien compris de ce qui lui était arrivé. Enfin, le meilleur pour la fin, Helen Wescott, une autre habituée du cinéaste est très bien en paumée pathétique qui tombe très mal en tentant de monnayer un petit service rendu.

J'avais annoncé la couleur dès le début de mon texte, celui ci est plus que facultatif. Il a été diffusé au moins une fois sur une chaine française il y a une dizaine d'année. Vu en vost.
Flaxy Martin n'était que le 2ème long métrage tourné par le metteur en scène Richard L. Bare. Il n'était sorti que 6 mois après le premier, Smart Girls Don't Talk, qui était déjà un film criminel mais pas vraiment un film noir. Il a réalisé un autre pur film noir : This Side of the Law (1950) avec Kent Smith et Viveca Lindfors. Une comédie criminelle : The House Across the Street avec Wayne Morris et Bruce Bennett, ainsi qu'un film d'aventure que je ne connais pas : Prisoners of the Casbah avec Gloria Grahame et Cesar Romero. Entre deux longs métrages de cinéma, il retournait à la télévision ou au court métrage (les séries So You... ... déclinées à l'infini)) . A partir du milieu des années 50, il s'est orienté vers le western. Je n'en connais qu'un Le vengeur (Shoot-Out at Medicine Bend) avec Randolph Scott et Angie Dickinson puis il ne travailla pratiquement plus que pour la télévision signant notamment 166 épisodes de la série Les arpents verts.

Pour l'anecdote, mais ça n'est pas anecdotique pour lui, Richard L. Bare, né le 12 aout 1913 vient de fêter ses 101 ans. C'est le doyen des metteurs en scène américain....et l'un des plus vieux cinéastes vivants derrière l'incroyable De Oliveira qui est lui toujours actif.
Dernière modification par kiemavel le 26 oct. 14, 01:56, modifié 1 fois.
kiemavel
Assistant opérateur
Messages : 2231
Inscription : 13 avr. 13, 09:09

Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par kiemavel »

Image
La vengeance de Scarface (Cry Vengeance) 1954
Réalisation : Mark Stevens
Production : Lindsley Parsons - Allied Artists Pictures
Scénario : Warren Douglas et George Bricker
Photographie : William Sickner
Musique : Paul Dunlap

Avec :

Mark Stevens (Vic Barron)
Martha Hyer (Peggy)
Skip Homeier (Roxey)
Douglas Kennedy (Tino Morelli/Al Corey)
Joan Vohs (Lily)
Cheryl Callaway (Marie)

Vic Barron, un ancien officier de police de San Francisco est libéré après avoir injustement purgé une peine de 3 ans de prison pour corruption. Malgré les conseils et pressions de ses anciens collègues qui l'exhortent d'oublier, il est déterminé à se venger de l'homme qui avait commandité l'attentat à la bombe qui l'avait défiguré et qui avait causé la mort de sa femme et de sa petite fille. Il est persuadé qu'il s'agit de Tino Morelli, un chef de gang sur lequel il enquêtait. Barron replonge dans les bas-fonds de San Francisco, retrouve Nick Buda, un patron de boite de nuit en affaires avec Morelli mais l'homme refuse de parler tout comme une vieille connaissance, Roxey, son homme de main. Mais grâce à un renseignement fourni par Lily, la petite amie du tueur, Barron retrouve la trace de Morelli qui se cache dans une petite ville portuaire de l'Alaska ou il a refait sa vie, changeant de nom, fondant une famille et vivant paisiblement avec sa petite fille sous la protection de son ancien lieutenant. Vic Barron y arrive, suivit très vite par Roxey et Lily qui arrivent à leur tour sur place….
ImageImage
J'évacue tout de suite les doutes qu'auraient les connaisseurs du genre quant à l'intérêt de celui ci qui doit leur rappeler quelque chose ou sur lequel ils auraient pu lire des commentaires laissant entendre que ce film aurait subit la pesante influence de Règlement de comptes (The Big Heat) sorti l'année précédente…Les ressemblances ne sont que superficielles. Un policier dont la famille a été tuée dans l'explosion d'une voiture piégée. Un personnage clé défiguré. Un autre, un tueur albinos, peut faire penser au personnage incarné par Lee Marvin dans le film de Fritz Lang et celui de la petite amie du dit tueur ressemble à celui incarné par Gloria Grahame…Certes mais ça s'arrête là. D'abord les deux personnages principaux sont très différents. Dave Bannion (Salut Dave ! Kestud'viens ?) était lui aussi revanchard mais s'il souffrait, il n'était pas habité par les pulsions autodestructrices et par la folie qui guette Vic Barron. Son énergie était toute entière canalisée dans son enquête, sa détermination froide explosant en de brefs éclairs de violence…mais la noirceur du film de Lang ne fléchissait pas. Or, si dans sa première partie, Cry Vengeance est au moins aussi violent et sombre que son prédécesseur, cette violence sauvage finira par nettement s'atténuer par la suite sans que l'on puisse parler de reniement, le film prend simplement une orientation différente. Ici, assez vite on quitte le cadre habituel d'un film noir car après un préambule nocturne et urbain assez court, l'action se poursuit dans un petit port de l'Alaska dont l'atmosphère saine pourrait permettre à l'homme habité par la haine de retrouver son humanité perdue. Et ceci on le perçoit très vite. Même si la violence extrême initiale connaitra bien sûr quelques prolongements, l'influence de quelques personnages positifs rencontrés sur les lieux ou se déroule la majeure partie de l'action et l'évolution des autres personnages impliqués dans sa vengeance, lui offriront une possibilité de rédemption que la noirceur initiale du personnage ne laissait pas supposer. On pourrait parler de noir "allégé". C'est l'une des originalité de ce film…et aussi peut-être sa limite.

C'est loin d'être un cas unique mais l'aspect le plus noir de ce film réside dans son personnage principal. On découvre un Vic Barron glaçant et saisissant, une impression première qui n'est même pas principalement causé par son visage partiellement défiguré. Il promène un regard perdu et vide qui ne se pose réellement sur rien, avançant le dos vouté, la démarche mécanique et raide. Sur son visage de marbre, on ne peut guère discerner que quelques rictus incontrôlables et ses mâchoires crispées ne s'ouvrent que pour laisser sortir d'une voix monocorde quelques phrases saccadées et sèches. De temps à autre, il laisse échapper une émotion. Il se prend à plusieurs reprises la tête dans les mains, une posture qui n'est pas dans un premier temps le signe d'un quelconque renoncement mais l'expression d'un homme malade ou plutôt épuisé, consumé par la haine qui l'habite. Cette haine se traduit par une violence rarement vue au cours du cycle noir. Barron cogne et il ne se bât pas "proprement". Les coups de poings de ce film ne sont pas "édulcorés", déliés ou élégants. Il frappe aux corps des séries de coups de massue qui portent tout le poids de sa haine. Même ses alliés ne sont pas épargnés. Ainsi on le voit tabasser successivement ses deux anciens collègues, étouffer jusqu'à ce qu'il perde connaissance puis plus tard, assommer à lui fendre le crâne, Johnny Blue-Eyes ( interprété par Mort Mills) le fidèle lieutenant de Corey/Morelli, tabasser encore le shérif local Mike Walters (interprété par Warren Douglas), pourtant plutôt bienveillant à son égard.
ImageImage
Bien évidemment, la violence des premières séquences urbaines ne sera pas seulement de son fait. Barron débute son enquête dans les nuits de San Francisco, cherche à soutirer des informations auprès de Nick Buda (interprété par Lewis Martin), un patron de boite de nuit lié au gang qui aurait commandité l'attentat contre lui et sa famille. Il fait déjà face à l'homme de main de Buda, Roxey ( campé par un excellent Skip Homeier), un tueur psychopathe aux cheveux blond platine et à l'allure aussi élégante qu'étrange portant lunette d'écaille et noeud papillon dont on découvre aussi la petite amie Lily, une fille paumée et martyrisée par son sadique petit ami. De tous les personnages, c'est celui qui manifestement est le plus calqué sur l'un de ceux du film de Fritz Lang, en l'occurence sur celui que tenait Gloria Grahame. Ce sont les seuls véritables personnages de film noir en dehors de Barron mais il devra "compter" sur eux jusqu'au bout. Mais pour le reste, on est assez loin de l'atmosphère uniformément glauque à laquelle on pouvait s'attendre après les séquences d'ouverture. Les archétypes du genre : localisation, situations et personnages vont être perpétuellement décalées à mesure que le film va avancer dans un film dont seul le premier quart d'heure est un pur film noir. L'univers corrompu de la ville n'a même pas gagné la police. Ici, point de flics pourris et même un ancien flic tombé en disgrâce, à tous points de vue, peut toujours compter sur ses anciens collègues (interprétés par Don Haggerty et John Doucette) qui seront mal payés en retour car ils seront loin de parvenir à le convaincre de renoncer à sa vengeance. Trop tôt…

Cette possible renaissance aura pour cadre l'Alaska car dans ce film noir "délocalisé", ce sont seulement les 15 premières minutes qui sont urbaines. On quitte assez vite San Francisco pour le grand air : frais, l'air. La totalité du récit va se poursuivre à Ketchikan, un petit port de pêche et ce n'est pas anodin car ce cadre semble avoir eu des effets apaisants sur tout le monde. Lorsque Vic Barron débarque, il découvre que les anciens gangsters Tino Morelli et son adjoint Johnny Blue-Eyes ont tout l'air d'avoir pris leur retraite de salopards. Le second est devenu depuis la mise au vert - voir la retraite- de son patron plus une nounou qu'autre chose…pour un ancien parrain qui n'a d'yeux que pour Marie (Cheryl Callaway, encore une actrice en herbe qui réconcilierait n'importe qui avec les enfants acteurs…), sa petite fille de 6 ans. On a déjà vu des truands qui se mettent au vert pour échapper à leur passé mais ceux là semblent avoir sincèrement pris gout à cette vie honnête. Ils se sont intégrés à cette petite communauté paisible et ce voisinnage semble avoir eu un effet bénéfique sur les anciennes crapules au point qu'ils ne pensent pas à éliminer celui qui menace la tranquillité conquise. Au centre du village, dans le bar de Ketchikan tenu par Peggy Harding, on accueille aussi avec une curieuse bienveillance cet étranger défiguré qui révèle très vite ses noirs desseins sans susciter la moindre répulsion mais simplement l'inquiétude et la méfiance. Plus tard, le shérif, un jeune homme tranquille qui est loin d'avoir la gâchette facile, se montrera lui aussi plutôt compréhensif envers l'étranger (même s'il aura à le regretter).
ImageImage
Si l'on s'éloigne donc parfois un peu du programme que l'on avait pu anticiper en raison de la complaisance un peu grande des acteurs et témoins de la vengeance de Barron, c'est en revanche très bien illustré par Mark Stevens derrière la caméra car il tire parfaitement partie de ce lieu insolite de tournage et met magnifiquement en scène cette quiétude des lieux. Ici, point de ruelles sombres, de lampadaires et d'ombres sur les murs, Stevens filme des endroits ouverts sur un ciel gris mais lumineux et cette clarté est quasiment permanente. Il est bien secondé par William Sickner (qui avait déjà photographié Jack Slade le damné quelques années plus tôt) et tire parfaitement partie de l'ouverture de la petite ville sur la nature. Il souligne sa verticalité et les possibilités de circulations en multipliant les plans sur les longs escaliers de bois qui permettent d'accéder aux villas perchées, sur les ponts, les passerelles, les jetées et bien sûr sur le port et la mer. Pour souligner l'état de tranquillité dans laquelle se trouve Morelli/Corey, on l'avait d'ailleurs découvert revenant d'une partie de pèche. Alors forcément, à force de délaisser les flingues au profit des cannes à pêche, on mollit…C'est d'ailleurs une des seules réserves qu'on peut poser sur ce film. La vie au grand air a tellement ramolli tout le monde que personne ne semble prendre conscience de la dangerosité de l'ex flic. Le plus dommageable étant le début d'une romance (inévitable) qui vient bien trop vite. On continue de croire au désir de vengeance de Barron mais la tension redescend tout de même un peu trop tôt en raison de ce début d'idylle. Surtout que le "malade" commence à parler davantage…et à moins cogner. Il manifeste ses intentions criminelles, les justifient par avance, soutient à qui veut l'entendre qu'il veut prendre son temps pour assouvir sa vengeance mais en réalité il commence déjà à s'interroger car cette façon de remettre sa vengeance à plus tard cache sans doute une amorce de remise en question et offre en tout cas la possibilité d'un renoncement.

La violence perdure toutefois, surtout que Roxey et sa petite amie ne tardent pas à débarquer à leur tour à Ketchikan…C'est le jeune tueur qui va prendre le relai de Barron et qui sera impliqué dans les scènes les plus violentes, celle de Barron n'explosant plus que par éclairs -mais quels éclairs…- mais ce sera de plus en plus une violence psychologique. A la petite fille de Morelli/Corey, il fera un cadeau singulier. Il va ôter une balle de son révolver et lui donner, faisant d'elle sa messagère pour ce cadeau destiné à son père…On l'avait certes anticipé en découvrant que Morelli avait fondé une famille et qu'il avait eu une petite fille d'un âge à peu près similaire à celui qu'avait la fille de Barron au moment de l'attentat mais les scènes les plus fortes impliquent Barron et la petite Marie. Je ne veux pas rentrer dans le détail mais ce sont probablement les meilleures scènes du film et en tout cas les plus singulières. Si Mark Stevens est excellent dans un registre certes limité mais semblant fait sur mesure pour lui, Skip Homeier est lui aussi parfait en tueur sadique et sans âme. Il faut le voir faire des ricochets sur l'eau du lac …ou git la dernière victime qu'il vient tout juste d'abattre. Il traumatise sa petite amie Lily (excellemment campé par la quasi inconnue Joan Vohs) qui noie dans l'alcool la terreur que lui inspire Roxey. Elle a les meilleures lignes de dialogue dont une scène anthologique se déroulant dans le bar de Peggy.
ImageImage
Pour moi un film indispensable. Certes pas parfait mais très original. Mark Stevens avait fait ses débuts très réussis dans la mise en scène avec ce film. Il récidivera deux ans plus tard avec un autre film noir presque aussi bon, Timetable (dont le titre est parfois orthographié en deux mots). Puis il donnera encore un western original mais moins maitrisé, Gun Fever terminant sa carrière de réalisateur dans les années 60 par deux films que je n'ai jamais vu. Entre temps, il avait aussi réalisé de nombreux épisodes de série TV, dont une quarantaine de la série Big Town dont il était également la vedette. Il avait fait ses débuts d'acteur en 1943. On le retrouvait dans de petits rôles au générique de grands films de guerre (God Is My Co-Pilot, La route des ténèbres, Aventures en Birmanie, etc..) puis il enchaina très vite en 1946 avec le premier rôle d'un des premiers films réalisés par John Berry, le très sympathique From This Day Forward, un film lui aussi de circonstance sur la difficile réadaptation à la vie civile d'un ancien soldat qui se retrouve chômeur après guerre ce qui met en péril le couple qu'il forme avec Joan Fontaine.

Par la suite, il joua les premiers rôles dans de grands films noirs ( L'impasse tragique, La dernière rafale, De minuit à l'aube) avant de tenter une reconversion comme metteur en scène lorsque les bons rôles se firent rares. Sans grands succès et on peut le regretter amèrement tant ses débuts dans la réalisation étaient prometteurs. Une source enregistrée à L'American Film Institute affirme que le début du tournage avait été retardé pour attendre la fin de celui de Association criminelle (The Big Combo) car il semble bien que Richard Conte était initialement prévu pour tenir le rôle de Vic Barron.
ImageImage
kiemavel
Assistant opérateur
Messages : 2231
Inscription : 13 avr. 13, 09:09

Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par kiemavel »

ImageImage
Outre le fait que loin de trouver un équivalent au titre original imagée et très beau, Cry Vengeance, les distributeurs français et belges, profitant de l'infirmité touchant Vic Barron ont eu l'idée "géniale" de ressusciter Scarface et que pour cette raison ils ont transformé les boursouflures ressemblant à des brulures qui occupent la quasi totalité de sa joue, en une simple balafre…Ils se sont en plus trompés de coté :mrgreen:
Pour la suite, je fais à nouveau des impasses. J'abandonne provisoirement la suite des films avec Zachary Scott que j'avais prévu (ça ne fera que 3 ou 4 titres de plus) et je vais poursuivre avec l'excellent Timetable, toujours de et avec Mark Stevens.
Avatar de l’utilisateur
Supfiction
Charles Foster Kane
Messages : 22137
Inscription : 2 août 06, 15:02
Localisation : Have you seen the bridge?
Contact :

Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par Supfiction »

Vu : Une nuit au cinéma : Thrillers / "A Night at the Movies: Cops & Robbers and Crime Writers" de Laurent Bouzereau.

http://tcmcinema.fr/films/fiche/night-a ... 3_2011529/
http://www.tcm.com/this-month/article/8 ... 11-26.html

Image

L'inconvénient avec ce genre de doc, c'est que ça donne furieusement envie de voir les films qu'on a pas vu (en l’occurrence Un shérif à new york, Tueurs de flics, Stakeout on Dope Street, Tuez Charley Varrick, Le prince de New-York ) et de revoir les autres (Bullitt, Guet apens, Bonnie and Clyde, Asphalt Jungle, White heat, L.A. Confidential, Detective story etc).
Avatar de l’utilisateur
Supfiction
Charles Foster Kane
Messages : 22137
Inscription : 2 août 06, 15:02
Localisation : Have you seen the bridge?
Contact :

Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par Supfiction »

kiemavel a écrit :---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

NO QUESTIONS ASKED. DISCRÉTION ASSURÉE. Harold F. Kress. 1951

Avec Barry Sullivan (Steve Kiever), Arlene Dahl ( Ellen ), Jean Hagen (Joan Brenson), George Murphy (Insp. Duggan) et Richard Anderson (Dét. O'Bannion)

Image
Spoiler (cliquez pour afficher)
Steve Kiever, un avocat débutant travaillant pour une compagnie d'assurances traitant de grosses affaires, est impatient d'obtenir de l'avancement et de mieux gagner sa vie, pas
tellement en raison d'une ambition démesurée mais surtout pour contenter les rêves de vie meilleure, les exigences et les gouts de luxe d'Ellen sa très belle petite amie. Celle ci
revient d'un voyage et une nouvelle fois se dérobe à la proposition de mariage de Kiever.

Pour pouvoir acheter la bague de fiançailles qui, espère t'il, en mettra plein la vue à Ellen, il saisit au bond une affirmation de son patron qui, pour éviter de payer la lourde prime
d'assurance qu'il devra octroyer à une entreprise qui vient d'être victime d'un vol de fourrures, se dit prêt à rentrer en contact avec les voleurs, à négocier avec eux et à leur donner
une forte somme en liquide contre la restitution de la marchandise..."Sans poser de questions/No questions asked".

Kiever se dit prêt à servir d'intermédiaire et négocie avec son patron sa récompense personnelle en cas de réussite. Il parvient à rentrer en contact avec le milieu local et à récupérer
les fourrures volées. Le soir même il se rend au domicile de sa petite amie avec la bague de fiançailles mais trouve porte close et apprend à sa grande stupéfaction qu'Ellen est partie
en Europe avec...son mari, un homme qu'elle venait de rencontrer lors de son voyage.

Kiever ne pense plus alors qu'à s'enrichir. Il multiplie les opérations lucratives et devient l'intermédiaire attitré entre les truands et les assureurs. Il abandonne son emploi d'avocat et se
met à son compte emmenant avec lui, Joan, une secrétaire depuis longtemps secrètement amoureuse de lui.

Ses affaires marchent si bien que la police commence à l'accuser d'indirectement provoquer une augmentation de la criminalité...car les truands n'ont plus à se soucier d'écouler les
marchandises volées.
Un soir, à l'issue d'un spectacle, il retrouve Ellen qui vient de rentrer d'Europe avec son mari. Rapidement, elle prétend que rien ne va plus avec ce dernier...

Image

Un excellent film noir...et encore une fois un pur film noir.

Le personnage de Barry Sullivan est le prototype du brave type pas bête mais instable et peu sûr de lui berné par une femme vénéneuse. J'aime plutôt son regard fatigué de chien battu.

La très belle Arlene Dahl est excellente dans son rôle de garce sophistiquée et Jean Hagen, dans un rôle proche de celui qu'elle tenait dans "Quand la ville dort" est égale à elle-même. On
peut la trouver agaçante ou touchante...mais on la remarque. On a encore une fois une opposition classique entre une "gentille" et une "garce" et un pauvre type qui oscille et tangue entre
les deux. La seule question étant, qui va finir par l'emporter ? Réponse : La mort...(Heu, c'est une fausse piste. Ne faites pas confiance à un gars comme moi...)

Image

Le reste de la distribution, essentiellement les 2 flics incarnés par George Murphy et Richard Anderson ainsi que le mari d'Ellen sont beaucoup plus transparents.

Les développements de l'intrigue sont plutôt intéressants mais ...moins que les personnages. On verra Kiever aux prises avec les truands, avec la police et surtout avec la belle Ellen...tous se
bagarrant pour la possession du butin faramineux d'un casse (très original) composé de bijoux.

Esthétiquement, le film est une réussite. Ambiance nocturne garantie 100 % Film Noir, No Questions Asked.

Harold Kress, qui était surtout un monteur réputé, a réalisé uniquement 3 films de long métrage dont un Lassie apparemment très nul et un western qui n'a l'air guère meilleur. C'est très
bizarre qu'il ai pu avoir autant de maitrise sur un tel film au scénario touffu et assez difficile à maitriser.

Vu en VOST. Passé à la TV chez nous.
Image


En "un mot" : j'ai adoré. Tout ce que j'aime dans le film noir est ici présent.

Image

A signaler parmi les seconds rôles :

- j'ai mis 3/4h à me demander où j'avais déjà vu l'actrice qui joue la petite amie de consolation de Barry Sullivan avant de flasher. Il s'agit de Jean Hagen surtout connu pour son rôle de bécasse dans Chantons sous la pluie, mais vu aussi dans Quand la ville dort et Madame porte la culotte.
Spoiler (cliquez pour afficher)
Image
- ça a fait tilt beaucoup plus rapidement pour reconnaitre Oscar Goldman alias Richard Anderson dans le rôle de l'un des flics qui suivent Barry Sullivan à la trace.
Dernière modification par Supfiction le 15 oct. 14, 18:49, modifié 1 fois.
Chip
Electro
Messages : 948
Inscription : 22 oct. 08, 10:26

Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par Chip »

A propos de CRY VENGEANCE :
C'est à coup sûr, la plus longue et la plus intéressante critique qu'ait reçu ce remarquable film noir, rarement évoqué dans les ouvrages sur le genre. Stevens, dont j'ai souvent pensé être le seul admirateur, commence , ici, et dans son pays d'origine à être enfin reconnu comme acteur et réalisateur. TIMETABLE tout aussi nerveux et tendu, ne lui est pas inférieur et nous offre en prime la ravissante Felicia Farr dans son premier rôle et d'excellents second couteaux : Jack Klugman, John Marley, Wesley Addy. J'ai hâte dans lire la critique dans cette rubrique. Voilà deux films que nos éditeurs de dvd seraient bien intentionnés , en nous les offrant.
GUN FEVER, cité par Kiemavel, bénéficia d'un passage , il y a quelques années sur nos chaînes, c'est un western fauché, qui dès le générique, accroche, présence persistante du vent qui déchire les lettres du titre, musique sinistre et décors sordides. Le film foisonne d'idées pas toujours agréables et la violence brute, alliée à la noirceur du sujet, le rapprochent du JACK SLADE d' Harold Schuster, dont Stevens, si l'on en croit William K.Everson, fut le co-réalisateur non crédité. En résumé un film moins abouti que ses deux précédents noirs, mais néammoins intéressant. Les deux autres réalisations de l'acteur sont moins réussies ESCAPE FROM HELL ISLAND (1964) ( vu sur youtube) n'a pas grand intérêt, et TIERRA DE FUEGO (1965) (aux USA: Sunscorched ) tourné en Espagne est quelques degrés au-dessus.
PS:
le dvd Olive films de " Cry vengeance" est en 1:78 anamorphic widescreen
Avatar de l’utilisateur
Supfiction
Charles Foster Kane
Messages : 22137
Inscription : 2 août 06, 15:02
Localisation : Have you seen the bridge?
Contact :

Flaxy Martin (1949 avec Virginia Mayo)

Message par Supfiction »

Image

Sucker is back ! .. et il a pas dit son dernier mot.

Un avocat borderline et pas malin, un caïd, une blonde, une brune, une entourloupe, une revanche. Moi il me plait bien ce petit noir. Je ne suis donc pas d'accord avec ton avis assassin sur ce Flaxy Martin de 1949.

OK, le film n'est pas exempt de défauts. Principalement en raison de cet argument difficile à avaler de l'avocat qui s'accuse à tort d'un meurtre qu'il n'a pas commis pour protéger sa blonde mouillée dans l'assassinat d'un (faux) témoin embarrassant et de fait dans de beaux draps. Mais après tout pourquoi cet homme ne perdrait-il pas la tête pour Virginia Mayo, il ne sera pas le dernier flingueur à tomber dans le panneau pour les yeux d'une blonde incendiaire (avec ou sans petite culotte).

OK, il y a un ou deux "plan J.R." sur une Virginia Mayo sans pitié, cela prête à sourire mais cela fait aussi partie des petits plaisirs de ce cinéma (et moi J.R j'ai toujours adoré).

On retrouve les mêmes arguments de départ dans Flaxy Martin que dans NO QUESTIONS ASKED (cf. ci-dessus): un avocat à la frontière du légal, perverti par une petite amie insatiable. A la différence qu'ici il tente dès le début du film de se défaire du milieu dans lequel il s'est un peu trop mouillé et du gangster qu'il a défendu. On pense à Robert Taylor dans Traquenard. Mais là où Taylor était tiré vers le haut suite à sa rencontre avec Cyd Charisse, Zachary Scott lui est empêtré dans les griffes de la cupide Virginia Mayo (manipulée elle-même par le truand Hap Richie qui la menace de l'envoyer "sur le trottoir" si elle ne coopère pas).
Ce n'est qu'après avoir plongé (enfoncé par un témoin bidon envoyé par Hap Richie), que Sucker Zachary Scott commence enfin à comprendre (un peu). Il s'évade alors à l'occasion d'un transfert en train et se retrouve comme par miracle aidé et hébergé par une brune cette fois, la belle et douce Dorothy Malone (que décidément je préfère 100 fois en brune qu'en blonde décolorée). Il est pas toujours clairvoyant mais il est verni l'ami Zachary...

Raconté comme ça j'ai l'air d'enfoncer encore plus ce film et pourtant c'est un bon divertissement, ses défauts ne gênant en rien pour ma part le plaisir éprouvé. A noter que Virginia Mayo, plus à l'aise en poupée mal traitée (par Cagney par exemple..) qu'en J.R. au féminin tournait déjà pour Richard Bare en 1948 (Smart Girls Don't Talk). Dans la foulée, elle tourna le formidable Colorado Territory / La fille du désert (dans lequel elle retrouve d'ailleurs Dorothy Malone) puis L'enfer est à lui, La flèche et le flambeau, Capitaine sans peur, La maîtresse de fer. Pas mal quand même comme cv..
Image
Federico
Producteur
Messages : 9462
Inscription : 9 mai 09, 12:14
Localisation : Comme Mary Henry : au fond du lac

Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par Federico »

Supfiction a écrit :
kiemavel a écrit :-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
NO QUESTIONS ASKED. DISCRÉTION ASSURÉE. Harold F. Kress. 1951
Avec Barry Sullivan (Steve Kiever), Arlene Dahl ( Ellen ), Jean Hagen (Joan Brenson), George Murphy (Insp. Duggan) et Richard Anderson (Dét. O'Bannion)
En "un mot" : j'ai adoré. Tout ce que j'aime dans le film noir est ici présent.

A signaler parmi les seconds rôles :

- j'ai mis 3/4h à me demander où j'avais déjà vu l'actrice qui joue la petite amie de consolation de Barry Sullivan avant de flasher. Il s'agit de Jean Hagen surtout connu pour son rôle de bécasse dans Chantons sous la pluie, mais vu aussi dans Quand la ville dort et Madame porte la culotte.
Spoiler (cliquez pour afficher)
Image
Actrice extra à la filmo hélas bien trop courte.
- ça a fait tilt beaucoup plus rapidement pour reconnaitre Oscar Goldman alias Richard Anderson dans le rôle de l'un des flics qui suivent Barry Sullivan à la trace.
Second couteau minéral et souvent assez terne qui est apparu dans un nombre impressionnant de très grands classiques sans qu'on le remarque franchement... sauf a posteriori lorsque l'on a été biberonné aux exploits 70's de l'homme "bioionique". :wink:
The difference between life and the movies is that a script has to make sense, and life doesn't.
Joseph L. Mankiewicz
kiemavel
Assistant opérateur
Messages : 2231
Inscription : 13 avr. 13, 09:09

Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par kiemavel »

Supfiction a écrit :
kiemavel a écrit :NO QUESTIONS ASKED. DISCRÉTION ASSURÉE. Harold F. Kress. 1951
Avec Barry Sullivan (Steve Kiever), Arlene Dahl ( Ellen ), Jean Hagen (Joan Brenson), George Murphy (Insp. Duggan) et Richard Anderson (Dét. O'Bannion)
Image
Spoiler (cliquez pour afficher)
Steve Kiever, un avocat débutant travaillant pour une compagnie d'assurances traitant de grosses affaires, est impatient d'obtenir de l'avancement et de mieux gagner sa vie, pas
tellement en raison d'une ambition démesurée mais surtout pour contenter les rêves de vie meilleure, les exigences et les gouts de luxe d'Ellen sa très belle petite amie. Celle ci
revient d'un voyage et une nouvelle fois se dérobe à la proposition de mariage de Kiever.

Pour pouvoir acheter la bague de fiançailles qui, espère t'il, en mettra plein la vue à Ellen, il saisit au bond une affirmation de son patron qui, pour éviter de payer la lourde prime
d'assurance qu'il devra octroyer à une entreprise qui vient d'être victime d'un vol de fourrures, se dit prêt à rentrer en contact avec les voleurs, à négocier avec eux et à leur donner
une forte somme en liquide contre la restitution de la marchandise..."Sans poser de questions/No questions asked".

Kiever se dit prêt à servir d'intermédiaire et négocie avec son patron sa récompense personnelle en cas de réussite. Il parvient à rentrer en contact avec le milieu local et à récupérer
les fourrures volées. Le soir même il se rend au domicile de sa petite amie avec la bague de fiançailles mais trouve porte close et apprend à sa grande stupéfaction qu'Ellen est partie
en Europe avec...son mari, un homme qu'elle venait de rencontrer lors de son voyage.

Kiever ne pense plus alors qu'à s'enrichir. Il multiplie les opérations lucratives et devient l'intermédiaire attitré entre les truands et les assureurs. Il abandonne son emploi d'avocat et se
met à son compte emmenant avec lui, Joan, une secrétaire depuis longtemps secrètement amoureuse de lui.

Ses affaires marchent si bien que la police commence à l'accuser d'indirectement provoquer une augmentation de la criminalité...car les truands n'ont plus à se soucier d'écouler les
marchandises volées.
Un soir, à l'issue d'un spectacle, il retrouve Ellen qui vient de rentrer d'Europe avec son mari. Rapidement, elle prétend que rien ne va plus avec ce dernier...

Image

Un excellent film noir...et encore une fois un pur film noir.

Le personnage de Barry Sullivan est le prototype du brave type pas bête mais instable et peu sûr de lui berné par une femme vénéneuse. J'aime plutôt son regard fatigué de chien battu.

La très belle Arlene Dahl est excellente dans son rôle de garce sophistiquée et Jean Hagen, dans un rôle proche de celui qu'elle tenait dans "Quand la ville dort" est égale à elle-même. On
peut la trouver agaçante ou touchante...mais on la remarque. On a encore une fois une opposition classique entre une "gentille" et une "garce" et un pauvre type qui oscille et tangue entre
les deux. La seule question étant, qui va finir par l'emporter ? Réponse : La mort...(Heu, c'est une fausse piste. Ne faites pas confiance à un gars comme moi...)

Image

Le reste de la distribution, essentiellement les 2 flics incarnés par George Murphy et Richard Anderson ainsi que le mari d'Ellen sont beaucoup plus transparents.

Les développements de l'intrigue sont plutôt intéressants mais ...moins que les personnages. On verra Kiever aux prises avec les truands, avec la police et surtout avec la belle Ellen...tous se
bagarrant pour la possession du butin faramineux d'un casse (très original) composé de bijoux.

Esthétiquement, le film est une réussite. Ambiance nocturne garantie 100 % Film Noir, No Questions Asked.

Harold Kress, qui était surtout un monteur réputé, a réalisé uniquement 3 films de long métrage dont un Lassie apparemment très nul et un western qui n'a l'air guère meilleur. C'est très
bizarre qu'il ai pu avoir autant de maitrise sur un tel film au scénario touffu et assez difficile à maitriser.

Vu en VOST. Passé à la TV chez nous.
Image
En "un mot" : j'ai adoré. Tout ce que j'aime dans le film noir est ici présent
Avec le recul, je m'aperçois que je l'avais peut-être un peu trop bien vendu celui là (mais très succinctement, c'est déjà ça :P ). C'est un bon film noir mais je te trouve quand même un peu généreux. Cela dit c'est surtout une vague impression due au fait que depuis la rédaction de ce texte j'ai vu ou revu de nombreux films qui lui sont me semble t'il supérieurs.
Supfiction a écrit : Sucker is back ! .. et il a pas dit son dernier mot.

Un avocat borderline et pas malin, un caïd, une blonde, une brune, une entourloupe, une revanche. Moi il me plait bien ce petit noir. Je ne suis donc pas d'accord avec ton avis assassin sur ce Flaxy Martin de 1949.

OK, le film n'est pas exempt de défauts. Principalement en raison de cet argument difficile à avaler de l'avocat qui s'accuse à tort d'un meurtre qu'il n'a pas commis pour protéger sa blonde mouillée dans l'assassinat d'un (faux) témoin embarrassant et de fait dans de beaux draps. Mais après tout pourquoi cet homme ne perdrait-il pas la tête pour Virginia Mayo, il ne sera pas le dernier flingueur à tomber dans le panneau pour les yeux d'une blonde incendiaire (avec ou sans petite culotte).

OK, il y a un ou deux "plan J.R." sur une Virginia Mayo sans pitié, cela prête à sourire mais cela fait aussi partie des petits plaisirs de ce cinéma (et moi J.R j'ai toujours adoré).

On retrouve les mêmes arguments de départ dans Flaxy Martin que dans NO QUESTIONS ASKED (cf. ci-dessus): un avocat à la frontière du légal, perverti par une petite amie insatiable. A la différence qu'ici il tente dès le début du film de se défaire du milieu dans lequel il s'est un peu trop mouillé et du gangster qu'il a défendu. On pense à Robert Taylor dans Traquenard. Mais là où Taylor était tiré vers le haut suite à sa rencontre avec Cyd Charisse, Zachary Scott lui est empêtré dans les griffes de la cupide Virginia Mayo (manipulée elle-même par le truand Hap Richie qui la menace de l'envoyer "sur le trottoir" si elle ne coopère pas).
Ce n'est qu'après avoir plongé (enfoncé par un témoin bidon envoyé par Hap Richie), que Sucker Zachary Scott commence enfin à comprendre (un peu). Il s'évade alors à l'occasion d'un transfert en train et se retrouve comme par miracle aidé et hébergé par une brune cette fois, la belle et douce Dorothy Malone (que décidément je préfère 100 fois en brune qu'en blonde décolorée). Il est pas toujours clairvoyant mais il est verni l'ami Zachary...

Raconté comme ça j'ai l'air d'enfoncer encore plus ce film et pourtant c'est un bon divertissement, ses défauts ne gênant en rien pour ma part le plaisir éprouvé. A noter que Virginia Mayo, plus à l'aise en poupée mal traitée (par Cagney par exemple..) qu'en J.R. au féminin tournait déjà pour Richard Bare en 1948 (Smart Girls Don't Talk). Dans la foulée, elle tourna le formidable Colorado Territory / La fille du désert (dans lequel elle retrouve d'ailleurs Dorothy Malone) puis L'enfer est à lui, La flèche et le flambeau, Capitaine sans peur, La maîtresse de fer. Pas mal quand même comme cv..
Et alors franchement beaucoup trop indulgent pour celui là. Je l'avais découvert il y a une dizaine d'années et je l'ai revu peu avant l'écriture du texte et par deux fois j'ai eu du mal à aller au bout. Selon moi, c'est l'un des 3 ou 4 plus mauvais film que j'ai présenté dans ce topic. OK pour les quelques points communs entre ces deux films mais ils sont très superficiels. Les deux avocats plongeaient à cause de leurs petites amies respectives mais l'un était le principal responsable de sa chute même si c'est pour satisfaire aux exigences d'Arlene Dahl qu'il s'acoquinait avec les truands alors que l'autre se sacrifiait au terme d'une manipulation grossière de sa soi disant petite amie partiellement manipulée par son vrai jules.

Le scénario en germe était déjà moins intéressant que celui du film de Kress mais au moins dans la première partie du film, "l'embrouille" dans laquelle était embarquée le Sucker :mrgreen: était plutôt bien amenée. La seconde partie, tout ce qui tournait autour du procès et du début de son incarcération était déjà sans intérêt à part qu'elle permettait d'introduire dans le récit un personnage très secondaire que l'on retrouvera par la suite. Ce personnage qui sera longtemps son seul allié est d'abord rejeté de manière hargneuse par Scott en raison des révélations qu'il lui fait. C'est d'ailleurs une constante dans l'interprétation de Scott sur ce film, il a sorti la boite à rictus et s'en sert tout du long, y compris avec le personnage interprété par Dorothy Malone. IL suffit d'ailleurs de regarder les captures que j'avais posté pour se faire une idée de la tronche que Zachary Scott tire tout du long. La 3ème partie qui débute par l'évasion de Scott et qui se poursuit par la fuite du couple (on l'anticipe évidemment), il ne s'y passe pas grand chose en dehors de ce que je décrivais dans mon texte et je maintiens que Elisha Cook Jr y est assez grotesque…Car au delà du scénario bancal, le pire ce sont ces personnages et leurs interprètes qui ont été dirigé par un incapable (ah oui, quand j'aime pas ça se voit…). J'ai brièvement évoqué les autres mais pour insister encore sur celui interprété par Virginia Mayo, il était déjà très caricatural et ses actes suffisaient amplement pour cerner le personnage, il était donc inutile d'en rajouter en finissant presque toutes les séquences ou elle apparait dans la première partie du récit par des gros plans J.R. Tu charries car il y en a un paquet : A la fin de ses scènes avec Scott + au moins une fois à la fin d'une de ses rencontres avec le chef du gang puis au moins deux ou trois autres dans les scènes du tribunal et j'en oublie sans doute. Bref, pour qui en douterait, je déteste... :mrgreen: et donc comme tout jugement radical, il est sans doute un peu injuste mais un peu seulement.
Spoiler (cliquez pour afficher)
Avec ou sans culotte, c'est pour Sharon, hein ? :mrgreen:. Tu sais d'ailleurs que c'était dans Basic Instinct que Dorothy Malone a tenu son dernier rôle car je l'imagine mal faire son retour maintenant. D'accord avec toi au sujet de la belle, je l'a préfère aussi en brunette.
kiemavel
Assistant opérateur
Messages : 2231
Inscription : 13 avr. 13, 09:09

Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par kiemavel »

Federico a écrit :Actrice extra à la filmo hélas bien trop courte.
Tout comme sa vie hélas...
Federico a écrit :
Supfiction a écrit :- ça a fait tilt beaucoup plus rapidement pour reconnaitre Oscar Goldman alias Richard Anderson dans le rôle de l'un des flics qui suivent Barry Sullivan à la trace.
Second couteau minéral et souvent assez terne qui est apparu dans un nombre impressionnant de très grands classiques sans qu'on le remarque franchement... sauf a posteriori lorsque l'on a été biberonné aux exploits 70's de l'homme "bioionique". :wink:
Oscar Goldman ! Je n'avais pas percuté après le message de Supfiction mais avec celui là en plus, c'est revenu :mrgreen: Déjà quand j'étais gosse ça me semblait nanardesque alors aujourd'hui :wink: N'empêche avec mon frère on regardait ça le samedi après midi si ma mémoire est bonne. Richard Anderson c'est vrai qu'il n'était pas folichon mais il témoigne quand même de temps en temps de son expérience avec certains des grands cinéastes avec lesquels il a travaillé.
kiemavel
Assistant opérateur
Messages : 2231
Inscription : 13 avr. 13, 09:09

Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par kiemavel »

Chip a écrit :A propos de CRY VENGEANCE :
C'est à coup sûr, la plus longue et la plus intéressante critique qu'ait reçu ce remarquable film noir, rarement évoqué dans les ouvrages sur le genre. Stevens, dont j'ai souvent pensé être le seul admirateur, commence , ici, et dans son pays d'origine à être enfin reconnu comme acteur et réalisateur. TIMETABLE tout aussi nerveux et tendu, ne lui est pas inférieur et nous offre en prime la ravissante Felicia Farr dans son premier rôle et d'excellents second couteaux : Jack Klugman, John Marley, Wesley Addy. J'ai hâte dans lire la critique dans cette rubrique. Voilà deux films que nos éditeurs de dvd seraient bien intentionnés , en nous les offrant.
GUN FEVER, cité par Kiemavel, bénéficia d'un passage , il y a quelques années sur nos chaînes, c'est un western fauché, qui dès le générique, accroche, présence persistante du vent qui déchire les lettres du titre, musique sinistre et décors sordides. Le film foisonne d'idées pas toujours agréables et la violence brute, alliée à la noirceur du sujet, le rapprochent du JACK SLADE d' Harold Schuster, dont Stevens, si l'on en croit William K.Everson, fut le co-réalisateur non crédité. En résumé un film moins abouti que ses deux précédents noirs, mais néammoins intéressant. Les deux autres réalisations de l'acteur sont moins réussies ESCAPE FROM HELL ISLAND (1964) ( vu sur youtube) n'a pas grand intérêt, et TIERRA DE FUEGO (1965) (aux USA: Sunscorched ) tourné en Espagne est quelques degrés au-dessus.
PS:
le dvd Olive films de " Cry vengeance" est en 1:78 anamorphic widescreen
Merci Chip ! Rien que le fait de parler en terme élogieux de Mark Stevens m'assurait le succès avec toi mais ça fait toujours plaisir…Tiens, puisque tu as vu Timetable, tu vas savoir ce que je veux dire dans la suite de ce message qui est aussi un préambule et un avertissement aux lecteurs avant la mise en ligne imminente de mon texte sur cette seconde réalisation de Stevens. C'est un film dont il est très difficile de parler tant sont importants les effets de surprise qui interviennent tout au long du récit. Ça commence avec un hold-up surprise et surtout avec un énorme effet de surprise qui intervient au bout d'une demi-heure. J'ai voulu contourner le problème en tournant autour, en essayant d'évoquer les grands thèmes du film mais c'est encore trop explicite. J'ai résolu le problème en allant au plus simple. Puisque je ne veux pas tout dévoiler…Je cache tout ou presque… L'essentiel de mon texte est donc en spoiler. Je laisse le choix aux curieux d'y aller voir.
kiemavel
Assistant opérateur
Messages : 2231
Inscription : 13 avr. 13, 09:09

Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par kiemavel »

Image
Timetable (1956)
Produit et réalisé par Mark Stevens
Scénario : Aben Kandel
d'après une histoire de Robert Angus
Photographie : Charles Van Enger
Musique : Walter Scharf

Avec :

Mark Stevens (Charlie Norman)
Felicia Farr (Linda Alvarez Brucker)
King Calder (Joe Armstrong)
Marianne Stewart (Ruth Norman)
Wesley Addy (Dr. Paul Brucker)
Alan Reed (Al Wolfe)
ImageImageImage
Alors qu'il voyage à bord d'un train de nuit se dirigeant vers Phoenix, le docteur Brucker est appelé au chevet d'un passager qui était tombé subitement malade au cours du voyage. Après son examen, soupçonnant que l'homme est atteint de poliomyélite, pour éviter tous risques de contagion et pour le sauver, il ordonne que le train fasse un arrêt exceptionnel dans la ville la plus proche afin que le malade soit transporté en urgence à l'hôpital. On lui permet d'accéder au compartiment à bagages mais de sa valise censée contenir du matériel médical, il sort une arme, neutralise le personnel et fait sauter le coffre-fort contenant 500 000 $ puis, avant que le vol ne soit découvert, le docteur, son malade et la compagne de celui ci, prennent la route à bord d'une ambulance et disparaissent dans la nature. Alors qu'il s'apprêtait à partir en vacances au Mexique avec sa femme, Charlie Norman reçoit un appel au milieu de la nuit. Considéré comme le meilleur enquêteur de l'assureur qui l'emploie, c'est lui qui se voit confier l'affaire. Arrivé sur place, il retrouve une vieil connaissance, son ami Joe Armstrong. Ce détective travaillant pour les chemins de fer va mêler ses efforts aux siens et très rapidement ils payent. La police retrouve d'abord l'ambulance abandonnée puis les enquêteurs comprennent que les malfaiteurs ont pris la fuite en hélicoptère…
ImageImageImage
Ce film qui ne manque pas de qualités en possède au moins une assez rare, celui de ménager de gros effets de surprises qui vont obligatoirement prendre au dépourvu la majorité des spectateurs sans que pour autant les renversements de situation ou les évènements inattendus ne soient en rien invraisemblables. Le premier coup réussi, c'est ce casse audacieux perpétré par un homme à l'allure de notable (interprété par Wesley Addy, un des acteurs fétiches de Robert Aldrich qui l'employa 8 fois). C'est un soi disant médecin à l'allure distinguée et aux cheveux blanchis avant l'âge que vient chercher dans son compartiment le chef de train si bien que l'effet de surprise est total lorsque le gangster qui n'en à pas l'air sort une arme de son sac, endort les surveillants en leur injectant un puissant somnifère puis fait sauter le coffre selon un timing manifestement très précis, masquant notamment le bruit de l'explosion en la déclenchant au moment du croisement avec un autre train. Après ce casse magistralement mis en scène, pendant une demi-heure, on pense que l'on se trouve dans un film policier classique. L'enquête menée conjointement par les deux amis débute de manière banale. On exploite la moindre trace laissée par les malfaiteurs. A proximité de l'ambulance retrouvée en pleine campagne, on trouve des traces de sang semblant indiquer qu'un des hommes a été blessé…Très vite, on retrouve et on interroge le chauffeur. Les voleurs avaient poursuivi leur fuite en hélicoptère…mais on retrouve l'entreprise de location d'ou provenait l'appareil et on interroge son gérant. C'est bien fait mais ce serait presque ennuyeux s'il n'y avait aussi en parallèle le portrait simple mais plein de justesse des Norman, un couple de quadra américain des années 50 manifestement toujours très épris l'un de l'autre et qui n'ont qu'une hâte, que l'enquête aboutisse pour qu'ils puissent enfin prendre leurs vacances au Mexique.

Et puis soudain, le film prend un virage totalement inattendu ! Puisque ce second effet de surprise est énorme, il serait criminel de le dévoiler aussi, comme annoncé plus haut, je vais mettre presque tout le reste en spoiler en précisant que les passages masqués contiennent des informations qui vont gâcher le plaisir de ceux qui veulent partir à la découverte d'un film avec un minimum d'informations.
Spoiler (cliquez pour afficher)
Ce second film réalisé par Mark Stevens est d'une grande richesse et va sans aucun doute faire penser à quelques classiques du genre. Il commence comme Quand la ville dort, se poursuit comme Assurance sur la mort. Le couple principal peut faire penser à celui de Pitfall et le film se termine dans une atmosphère qui rappelle La soif du mal. Ça suffit ? On a d'abord une illustration du très classique mythe du coup infaillible parfaitement planifié et minuté par un cerveau insoupçonnable qui avait cru pouvoir tout maitriser. Pour poser un maximum de remparts entre les enquêteurs et les auteurs du casse, il avait recruté une demi-douzaine de complices, pas vraiment des professionnels du crime et de surcroit des gens sans liens entre eux et ne se côtoyant pas. Le scénario a d'ailleurs l'intelligence de ne pratiquement jamais les mettre en présence et Mark Stevens pousse l'idée jusqu'à ne presque jamais montrer les malfaiteurs ensemble, y compris dans les séquences du casse. Lorsque l'affaire commencera à mal tourner, cet isolement ne les mettra de toute façon pas à l'abri…mais on comprendra donc qu'ici l'échec n'est pas causé par la trop grande cupidité d'un homme ou par la rivalité entre deux des membres qui se seraient disputé un trône ou une femme (même si cet aspect est un peu en arrière plan de la relation entre le cerveau et son "adjoint"). Certes, c'est bien une erreur humaine qui va mettre à mal le fameux plan infaillible mais la "bêtise" humaine est moins responsable que la fatalité. Ici, il suffira qu'un des complices se blesse accidentellement puis meurt, obligeant les autres membres de la bande à se mettre au vert au lieu de s'enfuir pour le Mexique immédiatement après le vol, pour que la machine parfaitement huilée se grippe. Cette mauvaise orientation des évènements, les laissant à la merci des détectives, contraindra les hommes à se montrer, à se rencontrer et conduira surtout à l'élimination parfois préventive de ceux qui pourraient permettre de remonter jusqu'au cerveau de l'affaire car ce dernier ne pourra pas rester sans réagir face au progrès de l'enquête.

C'est le moment de signaler qu'un des attraits de ce film, ce sont tous les seconds rôles remarquables que l'on y croise, notamment les complices du casse. La façon dont ils sont réintroduit dans le récit est très habile malgré une histoire assez compliquée mais maitrisée grâce à un scénario sans failles et très bien structuré. A l'évidence, les initiateurs du film ont voulu soigner les détails en offrant aux acteurs de complément certes peu de scènes pour s'exprimer mais elles sont toutes assez originales et toutes mémorables ce qui est assez rare dans ce type de série B. On découvre d'abord "le trouillard inofensif", c'est Frankie Paige (interprété par Jack Klugman). C'est un pauvre type recruté pour être le chauffeur de l'ambulance. Dans une pièce plongée dans la pénombre et presque dépourvue d'ameublement faisant par là même davantage penser à une cave qu'à un bureau, sous la présence menaçante des deux enquêteurs et aveuglée par la lumière crue d'un plafonnier, l'homme subit un interrogatoire typique du film noir. Sous le "phare", on a vu passer de nombreux pauvres types…et parfois des très connus ( Dick Powell, Dennis O'Keefe, Brian Donlevy, etc…) mais elle est ici admirablement mise en scène, brillamment dialoguée et surtout remarquablement interprétée par Klugman qui crève l'écran et vole la scène à ses 2 partenaires. Puis on découvre "L'homme qui en savait (peut-être) trop". C'est Al Wolfe (Alan Reed), le gérant de l'entreprise de location d'hélico. Il est au moins d'une scène remarquable. Il va subir une autre forme d'interrogatoire, beaucoup plus subtil cette fois…et plus dangereux aussi car se déroulant hors du cadre quand même protecteur des locaux de la police. Plus tard, dans la dernière partie du récit qui amène les différents protagonistes à Tijuana, on découvrira aussi Bobik (John Marley), le propriétaire d'un bar, falsificateur de papiers d'identité et escroc qui a quelques bonnes scènes (et qui pousse un très bon double dernier soupir : "Arrrrrggggg !" ). Enfin, il reste le couple de complices. Paul Brucker (interprété par Wesley Addy) était le faux médecin du train et l'avait réellement été…médecin mais il avait été radié à la suite d'une escroquerie et sans doute aussi en raison de son alcoolisme. Cet acteur a une belle présence mais on aurait pu attendre un peu plus de ce personnage d'homme déshonoré puis humilié par son chef…Il est d'une très longue scène ou il promène tout de même son élégance fragile et un coté faussement décontracté, tentant de dissimuler par des sourires de façade ses troubles profonds. Linda (Felicia Farr) doit y être pour quelque chose. Celle qui avait fait office de compagne du faux malade mais qui est surtout officiellement l'épouse de Brucker ne l'est plus vraiment car bien que vivant toujours avec son époux, elle est devenu depuis peu la maitresse d'un autre membre du gang sans que cela déclenche pour autant un sentiment de révolte chez son infortuné mari qui est davantage dans l'ironie que dans un esprit de reconquête. Cet aspect n'a manifestement pas intéressé ni le scénariste ni Mark Stevens et cela influe sur le rôle tenu par la quasi débutante qui n'en était alors qu'à son 2ème film pour le cinéma. C'était son premier rôle important mais elle a peu de matière pour s'exprimer et elle est même un ton en dessous des autres interprètes…ou plutôt au dessus car elle donne parfois l'impression de sur-jouer certaines scènes mais il faut dire que c'est sur elle que se reporte la fébrilité grandissante de son amant…et cette maladie là, la peur, est contagieuse. Cela dit, il est clair que l'autre personnage féminin intéressait davantage les initiateurs du film.

Ce second personnage féminin, c'est Ruth, l'épouse de Charlie Norman…et donc l'amant de Linda. En plus de sa double vie sentimentale, il est bien sûr aussi le cerveau du casse (je pense que cela fait un moment que l'on me voit venir malgré mes feintes). C'est l'autre grand thème de Timetable et c'est aussi un grand classique du film noir, y compris décliné comme il l'est dans ce film. L'homme de loi qui tourne mal…et qui est chargé d'enquêter sur le crime qu'il a lui-même commis…avec pour origine de son dérapage, l'usure d'un homme écrasé par l'ennui de la vie exemplaire et morne qu'il mène. En écrivant cela, je fais déjà des suppositions puisque jamais ou presque Norman ne fournit d'explications sur ses actes. Le film montre avec un maximum d'authenticité et de sincérité ce qu'il montre mais les actes ne sont jamais justifiés de manière commode pour le public éventuellement bien pensant ou ayant besoin de combler les vides. Ceux de Norman le resteront. On avait découvert dans la 1ère partie du film le quotidien banal d'un couple d'average american. C'est ainsi que le personnage interprété par Dick Powell dans Pitfall désignait son couple et sa vie "exemplaire" mais ennuyeuse. Si lui pouvait, au moins initialement, exprimer sa frustration, il n'en est rien du personnage interprété par Mark Stevens qui est totalement dans le mensonge et la dissimulation. On va en effet croire totalement à ce gentil couple semblant encore très lié. Ruth (Marianne Stewart) est une épouse douce et attentive et son époux semble au diapason, aussi on est d'abord très surpris de la réaction de Norman qui va un soir répondre avec brutalité à son épouse avant que le soir même sa double vie ne soit révélée. Avant cela, les plus attentifs auraient pu remarquer sa réflexion à double sens répondant à une marque d'attention de Ruth qui avait relevé les draps sur lui alors qu'il était allongé dans le lit : " What’re you trying to do, smother me? " (Qu'est ce que tu essaies de faire, m'étouffer ?) mais la plupart du temps Norman fait totalement illusion. La encore, le film présente toujours les mêmes qualités. Il est à la fois d'une grande justesse dans sa manière de montrer les relations entre les personnages tout en ne se privant de ménager des rebondissements inattendus. Plus tard, quand Ruth aura mis à jour la véritable personnalité de son mari et compris sa manipulation, il n'y aura ni grandes scènes dramatiques ni même de discours de Norman justifiant ses actes par, au choix ou en combinaison : l'usure du couple, les traites de la maison à payer, l'ennui du cadre à la vie trop réglée, le crise de la quarantaine ou même l'appât du gain (ou son envie irrépressible de profiter enfin de la vie avant l'arrivée de toute façon imminente des russes). Norman sera incapable de s'expliquer. Ne pouvant pas justifier ses actes, il va les expliquer de manière laconique, banale et expéditive…et honnête à sa manière.

Mark Stevens en tant que comédien s'est offert là un de ses meilleurs rôles, sinon le meilleur et en tous cas celui dans lequel il montre le plus de facettes différentes et il était absolument indispensable qu'il puisse être crédible dans tous les registres, et singulièrement qu'il puisse faire illusion comme mari et collègue exemplaire et insoupçonnable afin que l'effet de surprise initial soit total. Contrat parfaitement remplis. Il est excellent. Il est d'abord doux, attentif et aimant à la maison. Concerné, efficace et sérieux dans le travail mais souriant tout de même aux plaisanteries de son collègue et ami enquêteur qu'il réussira à berner avant que la nervosité ne commence à le gagner. Je n'ai pas encore évoqué King Calder mais il est lui aussi très bon en ami bienveillant, collègue parfois amusant mais très tenace et pouvant être dur, toutes ces nuances passant facilement sur un visage très marqué et très expressif. Timetable est un excellent film. On reconnait ses influences mais elles sont transcendées par le traitement original de situations déjà entrevues ailleurs et surtout par la mise en scène sobre mais remarquable de Stevens. Car c'est aussi comme metteur en scène que Mark Stevens donne des regrets de n'avoir pas pu poursuivre ce début de carrière très prometteur derrière la caméra car il est indéniable qu'il y avait dans ses deux premiers films de vrais qualités de cinéaste, notamment une vraie intelligence des scènes qui "sonnent" presque toujours très justes chez lui et une excellente direction d'acteurs qui leur permet d'exprimer surtout dans celui ci tout leur potentiel.
ImageImageImage
La suite ? Ce sera à priori un retour sur un acteur déjà évoqué assez récemment…
Répondre