Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méconnus

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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kiemavel
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Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par kiemavel »

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2 photos d'exploitation : O'Brien + Laraine Day / Julie London + O'Brien
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La jeune femme qui interprétait la prostituée que faisait venir à son hôtel Edmond O'Brien s'appelait Olga San Juan. Elle était pourvu d'énormes capacités naturelles !
Ses dons débordaient à l'écran mais je préfère ne pas développer car je n'ai pas l'habitude d'écrire des saloperies dans mon beau topic.
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Pour poursuivre sur le même sujet, voici le genre de plans de Julie London dont nous gratifient Hubert Cornfield et son chef op. Philippe Garnier a plusieurs fois évoqué le metteur en scène dans ses papiers pour libé, parlant de lui comme d'un érotomane invétéré se vantant de ses conquêtes féminines, y compris avec les actrices du film du jour. Invérifiable…Les photos, c'est en quelque sorte un hommage au metteur en scène (...et cet argument probablement juste un prétexte)
La suite ? Bon, loin de s'améliorer, ça se dégraderait plutôt de ce coté là : Alan Ladd, Richard Conte ou l'un des autres films que j'ai laissé en route…Bien que la poursuite de l'exploration des films noirs d'Edmond O'Brien permettrait de réparer quelques "oublis" très anciens...
kiemavel
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Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par kiemavel »

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J'ai vécu 2 fois (Man in the Dark) 1953
Réalisation : Lew Landers (Columbia)
Production : Wallace MacDonald
Scénario : George Bricker et Jack Leonard. Adaptation : William Sackheim
d'après une histoire de Tom Van Dycke et Henry Artimus
Image : Floyd Crosby (1)

Avec :

Edmond O'Brien (Steve Rawley)
Audrey Totter (Peg Benedict)
Ted de Corsia (Lefty)
Horace McMahon (Arnie)
Nick Dennis (Cookie)

Steve Rawley, condamné à 10 ans de prison pour avoir participé au vol de la paye des employés d'une usine dont le butin de 130 000 $ n'avait jamais été retrouvé, accepte de subir une opération expérimentale du cerveau destinée à éliminer ses tendances criminelles (mais non, ne partez pas tout de suite :mrgreen: ). A la suite de l'opération, les tests qu'il subit montrent qu'elle a semble t'il réussi mais qu'elle a également totalement effacé sa mémoire. Les médecins en profitent alors pour lui donner une véritable chance de réhabilitation en ne lui révélant rien de son passé et lui attribuant même une nouvelle identité. C'est donc sous le nom de James Blake qu'il devient le jardinier de la clinique. Mais son passé le rattrape néanmoins. C'est d'abord l'enquêteur de la compagnie d'assurance représentant la partie lésée, envoyé pour tenter de récupérer l'argent volé qui réclamera en vain de pouvoir l'interroger, puis, très vite Il est enlevé par ses 3 ex complices dans le parc de la clinique dans laquelle il passait sa convalescence. Aucun ne croit à son amnésie et ils font pression sur lui pour mettre la main sur le magot disparu. A la planque de la bande, Rawley/Blake retrouve aussi Peg, sa petite amie…
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Malgré un début qui l'apparente un peu au cinéma fantastique, Man in the Dark est bien un pur film noir. C'est le remake de L'homme qui vécut deux fois (The Man Who Lived Twice) réalisé en 1936 par Harry Lachman et c'est le premier film en 3-D sorti par un grand studio mais de très peu devant L'homme au masque de cire (House of Wax) produit par Warner qui n'est sorti que 48 h après le produit Columbia. (Pour la 3-D des années 50, voir plus bas (2)). Cette histoire de rédemption est construite en trois parties bien distinctes : la première se déroule dans la clinique, la seconde (et la plus longue) dans l'appartement partagé par les 3 complices et la petite amie de Rawley et la dernière -absolument formidable- dans un parc d'attraction. Ce film est assez déroutant. Si on avait eu accès au synopsis et pu obtenir quelques tuyaux sur les têtes d'affiche envisagées, on se serait dit "possible chef d'oeuvre". La lecture du scénario nous aurait déjà refroidit un peu…et après l'intervention de Lew Landers, on finit par avoir presque autant mal à la tête à la fin du film qu'Edmond O'Brien au début. L'amnésie a été utilisée à plusieurs reprises au cours du cycle noir. Parfois elle n'est qu'une manifestation d'un trouble mental plus grave. Ainsi dans (Hangover Square), Laird Cregar souffrait surtout d'un dédoublement de personnalité…un trouble qui est de toute façon présent mais de manière moins directe dans nombre de films noirs dans lesquels les personnages soufrant d'amnésie finissaient pas retrouver la mémoire et se découvraient une autre identité/personnalité qu'ils ne soupçonnaient pas. La vraie ? Cette quête - et donc l'amnésie- est ainsi au coeur de plusieurs films du cycle noir et l'élément moteur de fables cauchemardesques souvent passionnantes contant les mésaventures de criminels hantés par leur passé. Ces films s'interrogeaient sur les possibilités de seconde chance pour ceux qui ont mal démarrés dans la vie et par conséquent sur leurs réhabilitations plus ou moins illusoires. Parmi les films concernés, parfois l'amnésie avait une origine accidentelle. C'était le cas dans Street of Chance (1942), le premier film noir a s'être servi des troubles de la mémoire du héros, en l'occurrence ceux dont souffre le personnage incarné par Burgess Meredith, puis bien plus tard, en 1954 dans Nettoyage par le vide. Parfois la thématique de la réhabilitation s'enrichissait ou prenait pour prétexte et contexte la difficile réadaptation à la vie civile d'anciens soldats de la seconde guerre mondiale démobilisés. Cela a donné plusieurs bons films : (Quelque part dans la nuit, Le mur des ténèbres ou Le passé se venge dans lesquels l'amnésie n'était qu'une des séquelles de la guerre. Dans le même moule, mais comportant une variante, on peut ajouter Singapour, film dans lequel c'est le soldat incarné par Fred MacMurray qui retrouvait à son retour de la guerre un proche devenu amnésique. Dans le film de Lew Landers, si l'on digère bien le postulat de départ assez débile, le thème est assez bien illustré…
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Dans Man in the Dark, ce n'est donc pas à la suite d'un traumatisme subi mais tout à fait volontairement que le "criminel" est rendu amnésique même si ce n'est qu'un effet secondaire de l'opération chirurgicale subie par Rawley contre la promesse d'une libération conditionnelle en cas de réussite…et de survie, comme c'était déjà le cas pour les cobayes du film Experiment Alcatraz que j'ai évoqué récemment. Les génies de la médecine du film de Landers avaient trouvés une manière radicale de soigner les individus déviants, on leur enlevait la partie du cerveau malade et les "Kill ! Kill ! Rape !!!" devenaient doux comme des agneaux (Heureusement pour lui le personnage incarné par O'Brien n'était pas un violeur, le film de toute façon n'aurait obtenu le visa de censure). C'est à l'évidence une allusion aux lobotomies abondamment pratiquées plus particulièrement aux États-Unis jusqu'à l'époque du tournage, avant que l'usage des premiers neuroleptiques remplacent peu à peu cette pratique barbare (3). Après l'opération, l'amnésie de Rawley sans retour en arrière possible (quoique ?) semble permettre un véritable redémarrage à zéro. Il a l'air de s'être totalement assagi. On le retrouve avec une cisaille à la main, content de faire le jardinier dans le parc de la clinique ! (…ces dégats que peuvent entrainer la fréquentation des médecins ). En gros, c'est un neuneu mais un neuneu heureux ! La réapparition de ses anciens complices et de sa petite amie va tout bouleverser. Rawley est absolument stupéfait de découvrir son passé criminel d'abord de la bouche de ses anciens complices puis encore davantage quand il apprend par la radio la liste de ses anciens méfaits. A partir de là, harcelé par Lefty et sa bande, complètement perdu entre une identité sommaire, et même élémentaire, mais dont il se satisfaisait et la véritable qu'il découvre progressivement, il va perdre pied et d'abord penser qu'on cherche à le rendre fou. On va alors découvrir pour la première fois un homme vulnérable au bord de l'effondrement psychologique et qui va être saisi par des moments de panique terrible ( O'Brien retrouvait là un rôle qui s'apparente, au moins dans cette partie, à celui qu'il tenait dans Mort à l'arrivée (D.O.A). Rawley/Blake/O'Brien va cependant reprendre progressivement le contrôle de lui-même en forant sa mémoire pour y retrouver des bribes de son passé. Cela dit, ses efforts sont surtout stimulés par les pressions exercées par ses anciens complices et accessoirement par celle de son ex petite amie !
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C'est ce que l'on voit dans une partie centrale potentiellement passionnante mais trop longue et rendue très inégale par le manque d'imagination des scénaristes. Ainsi, on ne sort que 3 fois de l'appartement ce qui donne d'ailleurs au moins deux bonnes scènes. La première est un flashback montrant le cambriolage et une course poursuite sur les toits de la ville habilement mise en scène par Landers multipliant les effets spectaculaires pour se servir au mieux de la 3-D ; puis, pour une longue séquence de cauchemar encore meilleure. Le problème c'est que le sentiment d'oppression ressenti par Rawley est atténué par la personnalité un peu guignolesque des anciens complices. Arnie (Horace McMahon), Cookie (Nick Dennis) et leur chef Lefty (Ted de Corsia) forment en effet l'un des mini gangs les plus carabinés (sans jeu de mots) que j'ai vu dans un film noir mais le langage 100 % gangster qu'ils emploient ainsi que certains traits de caractère font que l'on a un peu de mal à prendre cette partie totalement au sérieux. Peu au fait des avancées médicales -comme tous les tarés- ils ne croient pas Rawley lorsque celui ci prétend ne pas les connaitre et ne rien savoir de ce magot qu'il est censé avoir caché, ce qui peut s'avérer dangereux lorsque le gang est dirigé par un pacifiste comme Lefty, lequel fait tout de même preuve de beaucoup de psychologie pour amadouer Rawley. La méthode douce à la mode de Corsa, concrètement ça donne à peu près ceci : " Where is that dough ? Quoi, mais quel argent ? " ... Et PAF !.. " Et comme ça, la mémoire te revient !! I WANT my 130 grand right now ! Are you crazy ? I'm broke (J'ai même pas de quoi me payer un paquet de cigarettes :mrgreen: ) "...Re PAF !!! Puis il tente la persuasion avec de petites attentions, des petits cadeaux. Il offre à Rawley un cigare…allumé. A l'oeil…ou plutôt dans l'oeil le cigare mais Lefty est arrêté par l'ex petite amie du peu bavard Rawley. En raison de son silence, on passe des tabassages aux tortures…pour arriver tranquillement jusqu'à l'ultimatum : "Si tu ne parles pas, dans une heure tu est mort". Entre deux "séances", les 3 surdoués s'occupent et se détendent en jouant aux cartes. Quand les deux autres s'aperçoivent que Cookie triche, sa sale réputation d'arnaqueur multirécidiviste lui vaut de devoir avaler son sandwich avec entre les tranches de pain, l'as qu'il avait dissimulé dessous durant la partie. Bref, on s'amuse un peu mais çà vient tout de même un peu "casser l'ambiance". Si Horace McMahon est assez sobre, Il faut voir la dégaine de Nick " Va Va Voum" Dennis avec son costume rayé très élégant remonté jusqu'aux aisselles, son noeud pap qui s'accordent moyennement avec ses yeux ahuris, sa chevelure en broussaille et son accent italien incroyable. Ted de Corsia est comme d'habitude excellent avec ses tenues impeccables et son fume cigarettes, son allure raffinée contrastant "méchamment" avec ses regards mauvais et les mornifles qu'il balance.
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A la planque des surdoués, Rawley retrouve aussi Peg, son ex ? petite amie. Le personnage interprété par Audrey Totter fait un bon bout de chemin au cours du film, un peu trop même à mon gout mais ça reste un personnage intéressant. Lorsqu'on la découvre, elle se pend immédiatement au cou d'un Rawley stupéfait. Si elle fut sa petite amie avant son incarcération, il est tout aussi évident par les pics qu'ils s'envoyent que Peg est depuis devenu la maitresse de Lefty. Malgré tout, assez conciliant ou finalement uniquement intéressé par l'argent, ce dernier laisse les deux ex amants tout seul dans une chambre : " Bon, là , on les laisse un petit quart d'heure (Ben oui mais faut pas oublier qu'Edmond sort de prison) et quand il aura terminé sa cigarette, il finira bien par se confier à Peg "…Ben non, dis donc ! Du coup, re PAF !!! Les membres du gang ne sont d'ailleurs pas les seuls a n'en vouloir qu'à l'argent disparu puisqu'on découvre Audrey Totter en femme fatale dure et vénale ne croyant absolument pas à l'amnésie de Rawley et pensant que celui ci essaie de berner ses ex-complices. Quand il persiste à nier -et pour cause- savoir ou est dissimulé l'argent, pensant qu'il cherche à se débarrasser d'elle, elle l'abandonne aux interrogatoires et aux tortures du trio puis réapparait, bizarrement compréhensive, semblant se demander elle-même si elle ne préfère finalement pas Rawley tel qu'il est devenu…Le chemin qu'elle fait permettra t'il à un Rawley commençant à recouvrer sa mémoire de ne pas redevenir totalement l'homme qu'il était ?

Je termine par le meilleur...D'abord par le final absolument formidable qui débute par les cauchemars étranges que commencent à faire Rawley. L'un d'eux semble concerner le vol et bien qu'il soit en grande partie incompréhensible, il semble bien que des réminiscences de son passé commencent à lui revenir. C'est le genre de séquence tarabiscotée, poudre aux yeux et poético-bizarre que j'adore, bien que percevant parfaitement toutes les ficelles employées, je me laisse balader. Le cauchemar de Rawley se déroule en partie dans un parc d'attraction bondé. Dans cette longue séquence dans laquelle Rawley est poursuivi par la police, passant d'une attraction à une autre, il finit par monter à bord de la cabine d'une attraction s'apparentant à un manège d'autos tamponneuses. Sa cabine se met à tournoyer en tout sens, les flics montés à bord des autres cabines lui tournant autour en lui tirant dessus ! Puis il parvient à s'échapper, passant plusieurs fois devant la devanture d'une maison hantée dont la facade est ornée d'un automate riant de manière moqueuse et inquiétante…Cette scène connaitra un prolongement encore largement supérieur.
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Même si c'est dans cette partie finale que les effets 3-D sont les plus nombreux et évidents, l'autre attraction du film, ce sont ces effets de relief. Le plus souvent la 3-D est utilisée comme un gadget (l'araignée qui pendouille dans la maison hantée du parc d'attraction ; un oiseau qu'on se prend en pleine poire et d'une manière générale toutes ces choses qui sont projetées vers le spectateur). D'autres séquences pas trop "compliquées" non plus font tout de même leur effet : les coups de poing ou de feu vers le spectateur, un cigare allumé destinée à l'œil d' O'Brien ou l'opération du cerveau avec l'ensemble des chirurgiens groupés sous le projecteur et le scalpel semblant attaquer le spectateur. Un scalpel dans votre crâne ! Une balle en pleine tête ! Un cigare dans l'œil ! aurait pu dire la publicité. On a ensuite les effets encore un peu plus réussis : O'Brien sautant à pied joint sur le spectateur au cours de la poursuite sur les toits ou plus encore toute la partie finale à nouveau dans le parc d'attraction, notamment toutes la partie formidable se déroulant sur les Montagnes Russes, d'abord sur le manège puis dans l'échafaudage en bois qui le supporte (4)

Dernier point : Les dialogues…souvent excellents. Quelques exemples. Je n'ai pratiquement pas évoqué le personnage de l'enquêteur de l'assurance qui occupe pourtant un rôle secondaire non négligeable et qui a plusieurs One Line intéressantes. Ainsi, quand il cherche à avoir des nouvelles de Rawley tout juste opéré et que le chirurgien lui apprend qu'il a subit une sérieuse opération et qu'il tout oublié de son passé. il répond : "Oui, j'imagine que l'opération devait être sérieuse. Pour rendre ce type honnête, vous avez du être obligé de lui couper la tête". Puis, plus tard, quand le chirurgien recherchant lui aussi son ex patient viendra retrouver l'assureur en l'assurant qu'il est impossible que Rawley ai menti pour l'argent disparu, l'assureur lui répondra qu'il "a sans doute réussi à vider une partie de son cerveau mais qu'il ne lui a pas vidé les poches ". Rawley/O'Brien a lui aussi quelques bonnes lignes. Soumis aux coups de sa bande et complètement perdu, il dira à Peg : " Non, ces ecchymoses ne sont rien. Elles font mal sur le dessus mais pas à l'intérieur. Et tu sais pourquoi ? Parce qu'il n'y a rien à l'intérieur à qui faire du mal. Je suis mort. Tes amis doivent être arrêtés pour avoir battu un cadavre ". Enfin, pour humilier Lefty/de Corsia après la réapparition de Rawley, Peg, allongé à coté de son amant, dira à Lefty ayant ouvert sans frapper la porte de la chambre dans laquelle ils s'étaient réfugiés, une façon d'afficher sa jalousie sans le dire : "Tu es un incapable (l'équivalent dans un tel contexte de "tu ferais mieux de regarder comment il fait" ) et elle ajoute : " In any Race, You'd Run last ".
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Confier la réalisation d'un tel scénario avec un tel casting à Lew Landers, c'est un peu comme confier la conduite d'une Rolls à la cadette des Grimaldi (oui, ça date mais ça redevient d'actualité à ce qu'il parait). Du milieu des années 30 au début des années 50, il fut l'un des réalisateurs de série B à Z les plus prolifiques. Il lui arrivait de tourner plus de 10 films par an dans les années 40 et il a donné dans tout en dehors de la SF fauchée. Son film le plus célèbre est surement Le corbeau (The Raven) (1935) et dans la même famille, je peux signaler aussi Le masque de Dijon avec Erich von Stroheim (Tout deux édités en zone 2). De la famille polar/thriller, je ne connais qu'un autre film, un "noir" d'une heure, Inner Sanctum qui n'est pas mal fichu malgré un budget sans doute dérisoire. Il avait surtout réalisé de nombreux films d'aventure et pas mal de westerns dont le poussif Les flèches de feu (Captain John Smith and Pocahontas) (DVD zone 1 avec vost) avec Anthony Dexter, un 12ème couteau qu'il employa plusieurs fois. Ses autres têtes d'affiche ordinaires s'appelait Richard Dix, Chester Morris, John Hall, John Agar ou Tim Holt dans le western. Dans cette multitude, quelques films visibles : Jean Lafitte, dernier des corsaires avec Paul Henreid et d'autres qu'on "aimerait bien voir à l'occasion" : Le sillage de la mort (Torpedo Alley) avec un casting 5 étoiles pour Landers (ou plutôt 2) : Mark Stevens et Dorothy Malone ou Californie en flammes (California Conquest avec Cornel Wilde et Teresa Wright..mais ce n'est quand même pas une urgence absolue…A noter aussi que dans le coffret zone 1 "The Samuel Fuller Collection" édité il y a quelques années, on retrouve un film réalisé par Landers sur un scénario de Fuller : Power of the Press, un film qui malgré sa petite réputation semble pourtant prometteur, mais il fait parti de ces films à voir et qui figurent assez loin sur la liste d'attente. Malgré quelques sérieuses réserves, Man in the Dark reste un film à voir par les amateurs de noir…vu en vost anglais.

(1) Le directeur de la photographie Floyd Crosby était le père de David Crosby, des Byrds puis CSN&Y.
(2) Le premier long métrage en relief tout court était sorti l'année précédente, c'était Bwana Devil produit et réalisé par Arch Oboler et distribué par United Artists. Le film connu un immense succès ce qui incita les grands studios a lancer leurs propres projets. Parmi la cinquantaine de films produits à l'époque pour attirer le public scotché de plus en plus à sa télévision vers les salles de cinéma, il y eu surtout de la SF, de l'horreur et du cinéma d'aventures plus quelques westerns. Mais le procédé a aussi été employé dans quelques films noirs : The Glass Web de Jack Arnold ; I, The Jury de Harry Essex et Second Chance de Rudolph Maté et dans quelques thrillers : Inferno et Dangerous Mission, tous les deux évoqués dans ce topic…et évidemment dans le plus célèbre des films "historiques" en 3-D (celui dans lequel le méchant se retrouve avec une paire de ciseaux fichée entre les omoplates)
(3) A ce sujet, Il faut lire les récits qui content les périgrinations à travers les USA dans les années 40 et 50 du neuropsychiatre américain Walter Freeman qui pratiquait des lobotomies à la chaine avec son instrument favori qu'il avait baptisé lui-même le pic à glace, utilisé non pas bien sur pour ôter des parties de cerveaux "malades" mais pour couper les connections entre différentes parties du cerveau.
(4) Les parcs d'attractions ont fournis des lieux insolites pour de grands finals de thrillers et films noirs. C'est le cas dans : Dans l'ombre de San Francisco (Woman on the Run) (qui se termine lui aussi en partie sur des Montagnes Russes)
kiemavel
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Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par kiemavel »

La suite ? A priori, encore au moins un film avec Edmond O'Brien

Matériel publicitaire qui accompagnait la sortie du Film :
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Supfiction
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Le repaire du forçat (Deep Valley) 1947

Message par Supfiction »

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Le repaire du forçat (Deep Valley) 1947
Réalisation : Jean Negulesco
Production : Henry Blanke (Warner)
Scénario : Salka Viertel, Stephen Morehouse Avery
et William Faulkner d'après un roman de Dan Totheroh
Image : Ted McCord
Musique : Max Steiner

Avec :

Ida Lupino (Libby Saul)
Dane Clark (Barry Burdette)
Wayne Morris (Jeff Barker)
Henry Hull (Cliff Saul)
Fay Bainder (Ellie Saul)
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Libby vit avec ses parents dans une ferme délabrée, isolée au fond d'une vallée de Californie. Depuis son enfance, prisonnière de la relation malsaine qu'entretiennent ses parents désunis, elle s'est repliée sur elle-même et ne se libère de l'emprise familiale que par ses sorties dans la nature environnante. Au cours de l'une d'elle, elle tombe sur un chantier qui se rapproche de la ferme. Des centaines de forçats de la prison de Saint Quentin et leurs gardiens travaillent au percement d'une route surplombant l'océan Pacifique. Libby est fascinée par l'arrivée de ces étrangers et remarque plus particulièrement Barry, l'un des détenus, un jeune homme impulsif et incontrôlable.

Dans les jours qui suivent, Jeff Barker, l'ingénieur responsable du chantier, se rend à la ferme pour puiser de l'eau et le père de Libby en profite pour faire quelques affaires. Le soir, il est invité à la ferme et s'intéresse de très près à la jeune fille qui le repousse tant bien que mal alors que son père s'était absenté, voulant par là favoriser l'initiative de Barker qu'il avait anticipé. Quelques jours plus tard, à la faveur d'un glissement de terrain qui cause de nombreux morts parmi les forçats, Barry, qui avait été mis à l'isolement, parvient à s'échapper, la coulée de boue et de pierres n'ayant fait qu'éventrer sa cellule. Alors qu'il fuit à travers la forêt et qu'une patrouille s'est déjà lancée à sa recherche, il retrouve Libby qui l'entraine dans une cabane abandonnée au milieu des bois. Les deux "sauvages" commencent alors à s'apprivoiser, tandis que la chasse à l'homme s'organise, la police locale et le personnel pénitentiaire parcourant la montagne à la recherche du fugitif...
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Quand Roy Earle (La grande évasion) rencontre Johnny Belinda…Ce n'est pas uniquement à ces deux films que fait penser ce petit bijou de Jean Negulesco car on pense aussi obligatoirement à La maison dans l'ombre en raison de la personnalité des deux principaux personnages et de la situation de départ très ressemblante entre, la aussi, un homme violent et une jeune femme vulnérable….et on y pense d'autant plus que dans les deux cas, la fille en question était interprétée par la même actrice : Ida Lupino. Je précise que c'est plus un mélodrame romantique qu'un film noir mais les aspects noirs me semblent suffisamment importants pour le placer dans ce topic. Même si ce film est l'un des meilleurs films de son metteur en scène et qu'
Ida Lupino a trouvé la un de ses plus grands rôles (un avis que je partage avec Bertrand Tavernier)

Bertrand Tavernier, Kiemavel and me !


Ida Lupino est absolument FA BU LEUSE dans ce film.
Peut-être bien son interprétation la plus touchante et juste. Ce n'est pas exactement un rôle d'attardée mentale ou de neuneu, plutôt un rôle à la "Carrie" de De Palma, d'une jeune femme trop sensible et introvertie, victime d'un environnement familiale malsain, de la guerre que se livrent ses parents. Bon OK, elle n'a objectivement plus 15 ans, mais dans un lieu isolé de l'Amérique du début du siècle (une route est pour la première fois en construction justement), on peut adhérer à ce postulat. De mémoire, Gene Tierney dans La Route au tabac de John Ford avait un rôle plutôt proche de sauvageonne illettrée. Mais son rôle évolue progressivement et effectivement "plus le film avance et plus elle est sublime".
"Bette Davis du pauvre" ? Jamais entendu cette expression et je voudrais bien savoir quel est le con qui a sorti ça à l'époque.

Face à Ida, l'acteur Dane Clark au look de jeune Yves Montand, est très bon. Il arrive parfaitement à alterner les sentiments de tendresse, lassitude et de violence latente prête à exploser.
En ce sens son interprétation est proche de celle de Burt Lancaster dans Kiss the Blood off my Hands (Les amants traqués) même si tout de même j'ai une préférence pour ce dernier, l'un des mes acteurs fétiches. Les deux films sont d'ailleurs très proches. Burt est davantage dans l'explosion, Dane dans le desespoir. Les deux ont une chance de rédemption par l'amour.

Ce film noir, car il s'agit bien pleinement d'un film noir pour moi, d'un film noir champêtre dirons nous, est à voir absolument pour tout fan de cette très grande actrice !

Je remets ici le lien vers le texte complet de Kiemavel, texte qui s'apprécie d'autant plus lorsqu'on a vu le film, diffusé sur TCM il y a quelques temps, en attendant une hypothétique sortie dvd.
Dernière modification par Supfiction le 14 févr. 20, 16:52, modifié 1 fois.
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Jeremy Fox
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Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par Jeremy Fox »

Deep Valley donne effectivement bien envie ; surtout que j'aime assez le parcours de Negulesco finalement, y compris dans sa fin de carrière très controversée.
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Four Star Playhouse

Message par Supfiction »

A propos d'Ida Lupino, la série de téléfilms CBS du Four Star Playhouse sont pour beaucoup des moyens métrages noir tournés entre 1952- et 1956, et pour lesquels Ida Lupino fut nominée pour un Emmy awards en 1956.
Blake Edwards fut parmi les scénaristes et réalisateurs du projet. J'en avais parlé précédemment en évoquant Franck lovejoy qui y tourna l'épisode Meet McGraw. Vous trouverez plus de détails sur cette page notamment, qui liste les épisodes avec photos.
Dernière modification par Supfiction le 8 nov. 14, 15:16, modifié 1 fois.
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Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par kiemavel »

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711 Ocean Drive (1950)
Réalisation : Joseph M. Newman
Production : Frank N. Seltzer (Essaness Pictures)
Distribution : Columbia
Scénario : Richard English et Francis Swann
Photographie : Franz Planer
Musique : Sol Kaplan

Avec :

Edmond O'Brien (Mal Granger)
Joanne Dru (Gail Mason)
Otto Kruger (Carl Stephans)
Barry Kelley (Vince Walters)
Dorothy Patrick (Trudy Maxwell)
Donald Porter (Larry Mason)
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Un petit bookmaker fait visiter à son client et ami Mal Granger, un technicien des télécommunications, les locaux du plus important bureau d'enregistrement des paris clandestins sur Los Angeles et le présente à Vince Walters le patron du lieu. Après avoir assuré pouvoir apporter de sérieuses améliorations au système de communication reliant les bookmakers, Granger est recruté. Très vite, il se rend indispensable en raison des bénéfices apportés par ses innovations technologiques alors l'ambitieux jeune homme tire profit de la situation et parvient à obtenir une très nette augmentation de salaire…tout en contestant également son patron jusque dans sa vie privée en manifestant son intérêt pour Trudy, sa petite amie. Quand Walters est assassiné, Granger ramasse tout : la petite amie et le contrôle sur les paris d'une bonne partie de la coté ouest. Mais la National Wire Company, une organisation mafieuse très puissante de la côte Est commence à s'intéresser de très près aux activités de Granger…
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Un pur film noir encensé par certains amateurs (Philippe Garnier) mais dans lequel je ne vois pas un grand film du genre mais seulement un bon film. Le scénario est sans doute celui d'un chef d'oeuvre ou pas loin mais son adaptation à l'écran manque singulièrement de punch et de personnalité. Le responsable du relatif échec étant selon moi Joseph M. Newman, trop sage dans sa mise en scène comme dans sa direction d'acteurs ce qui produit au final un film qui reste en deçà de ses possibilités. On nous conte l'ascension fulgurante d'un brave type qui tourne mal et s'enfonce progressivement dans les ennuis pour s'être acoquiné avec de vrais méchants. Sujet loin d'être inédit et pourtant potentiellement passionnant mais ce destin inéluctablement tragique de Mal Granger est "enregistré" trop sagement par le metteur en scène et même son interprète principal reste en deçà de ses capacités alors qu'O'Brien pouvait être formidable dans la noirceur et la fébrilité comme il le montrera à plusieurs reprises au cours du cycle "noir", comme par exemple dans Le bouclier du crime (Shield for Murder) ou dans J'ai vécu deux fois (Man in the Dark), le film précédemment chroniqué dans ce sujet, voire même dans Mort à l'arrivée (D.O.A) qui était sorti juste avant le film de Newman.
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Le physique ordinaire d'O'Brien colle en revanche parfaitement à ce personnage de modeste employé des télécoms sympathique et amusant qui derrière sa bonhomie apparente dissimule une ambition sans limites et une âpreté aux gains qui l'est tout autant. Mal Granger est plutôt doué et malin mais il n'avait jusque là sans doute pas eu la possibilité d'exploiter ses talents alors il n'est pas disposé à laisser passer sa chance. Son véritable visage, il le dévoile très vite lorsque, après s'être rendu indispensable en ayant considérablement amélioré le système de communication téléphonique et télégraphique reliant les bookmakers de la cote ouest, il menace de partir pour la concurrence s'il n'est pas très sensiblement augmenté. Il passe alors brutalement de 100 $ par semaine… à un pourcentage important sur les bénéfices et sa promotion fulgurante ne s'arrête pas là puisque lorsque Vince Walters, son premier patron (interprété par Barry Kelley) est assassiné par un bookmaker excédé d'être pressuré, c'est Granger qui naturellement prend sa place. Sa plus grande erreur sera de ne pas s'arrêter là car la violence de son nouveau milieu va progressivement le rattraper et lui-même va changer radicalement. L'homme tranquille, simple et jovial va d'abord progressivement se tendre à mesure que son pouvoir et ses responsabilités vont grimper…avec les ennuis qui vont avec. Le pouvoir monte à la tête et Granger va longtemps se croire trop malin pour être à son tour doublé par ses nouveaux partenaires. Il isole aussi, ce qui aura aussi des conséquences sur l'homme privé. Granger finira par ne plus écouter son seul ami, le fidèle Chippie (Sammy White), celui-là même qui l'avait introduit dans ce milieu. Il va aussi laisser sur la route Trudy, la première femme de sa vie car en même temps que ses ennuis professionnels vont grandir, sa vie privé va se compliquer aussi, ces deux versants de sa vie étant d'ailleurs totalement imbriqués.
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On avait découvert Mal Granger apparemment célibataire mais très vite il manifeste un vif intérêt pour les femmes…surtout celles des autres, ce qui, tout comme son ambition débordante lui préparait des lendemains difficiles mais finalement pendant très longtemps, il ne s'en sort pas si mal. Son ascension professionnelle n'explique d'ailleurs pas ses succès féminins. Les deux femmes qui vont se succéder dans la vie de Granger ne sont en aucun cas des femmes vénales ou opportunistes. Au contraire, elles sont même plutôt montrées comme des victimes ou les instruments des hommes. La première est donc la simple et naturelle Trudy (Dorothy Patrick), le prototype de la girl next door dont la séduction va se faire sans mal et sans heurt puisque son compagnon sera très vite supprimé sans que Granger ne soit responsable de son assassinat. Mais alors qu'elle a été la compagne de son ascension, Il va finir par la congédier de manière abjecte, comme s'il licenciait une employée, en lui disant "You're fired" (tu es virée) alors que la jeune femme avait déjà été évincée par sa rivale. C'est que Granger a déjà jeté son dévolu sur une femme plus sophistiquée mais aussi plus abimée par la vie…et plus dangereuse. Cette femme, c'est Gail Mason (Joanne Dru) qui est l'épouse de Larry Mason (Don Porter), le lieutenant de Carl Stephans (Otto Kruger), le chef du réseau mafieux avec lequel s'est lié Mal Granger. Le personnage interprété par Joanne Dru est une variante assez intéressante de femme fatale malgré elle bien que son interprétation frise parfois la caricature. On la découvre accoudée à un bar après qu'elle ai bu quelques verres de trop, superbe mais manifestement déglinguée. A un jeune homme qui s'intéresse à elle, elle donne du "You're a rat. I'm a rat too" mais le plus "Rat" de tous c'est mon mari…que voici. Elle ne va pas bien ! Il faut dire qu'elle est tabassée par le Rat en question et qu'elle est clairement utilisée comme un appât sexuel dès lors que Stephans s'aperçoit de l'intérêt de Granger pour Gail. Le mari s'efface devant les ordres du patron mais ce n'est pas sans conséquence. Dans une des meilleures séquences du film, ou en tout cas dans une des plus personnelles, Larry Mason rejoint Mal Granger dans les tribunes d'une salle de boxe qui devait servir de cadre à une de ses rencontres clandestines avec Gail. Un dialogue assez rude débute alors entre les deux hommes. Mason prétend qu'à la suite d'une chute, Gail salement amochée a été dans l'incapacité de rejoindre Granger comme convenu mais au moment même ou l'homme raconte les circonstances du soi disant accident, à le voir s'exciter, se dresser les poings serrés et mimer les coups que se portent des combattants que l'on ne voit à aucun moment, on comprend qu'en réalité Gail a pris une trempe. Bien plus tard, sentant son petit empire sur le point de s'écrouler, le brave Mal Granger, commencera lui aussi a avoir quelques velléités de se servir de sa compagne comme d'un Punching Ball…mais au moins lui, il s'excusera après le forfait commis…
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Mal Granger va donc finir par se fondre totalement dans son milieu…et la violence ne s'exprimera bien évidemment pas seulement dans sa vie privé. (Attention ! La suite comporte quelques spoilers). Lui qui avait commencé par assister impuissant à l'assassinat de son 1er patron, va immédiatement après avoir pris la place de ce dernier se fondre dans son milieu en bousculant les petits bookmakers affiliés à son réseau et la violence ira crescendo, le touchant et l'impliquant de plus en plus près. Après avoir fait appel à un tueur à gages (interprété par Robert Osterloh), assez ironiquement il sera très vite obligé de tuer lui-même en raison même du 1er crime qu'il avait commandité et il finira presque seul, pourchassé à la fois par la police et par ses dangereux employeurs. La course poursuite finale à pied dans les entrailles du barrage Hoover (nommé à l'époque le Boulder Dam) est d'ailleurs le point culminant d'une chute inexorable. Ce final très Hichcockien est formidable (mais tous les commentateurs ne sont pas de cet avis…voir plus loin). Avant ce final, on aura vu de bonnes choses. Les astuces mises au point par Mal Granger pour accélérer la communication au sein du réseau de bookmakers -voir même pour manipuler le résultat des courses- ne vont parfois guère plus loin que : "…et alors, à ce moment là, il faut brancher le fil bleu sur…." mais les trucs sont parfois assez astucieux et s'inspirent d'ailleurs de faits réels. On verra d'ailleurs quelques scènes comparables dans un film de 1955 signé par Joseph Pevney (et chroniquée par Supfiction dans ce topic), l'excellent La police était au RDV ( Six Bridges to Cross).
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Le film présente d'autre part l'aspect d'une grosse production, ce qu'il n'est pas. C'est du à l'astuce du producteur car en réalité le budget était relativement réduit ce qui a obligé le metteur en scène a tourner dans des décors naturels. C'est ce qui donne une certaine authenticité aux séquences tournées dans des hôtels luxueux ou dans la résidence de Mal Granger, une villa luxueuse avec piscine qui témoigne de sa réussite (c'est d'ailleurs son adresse, le 711 Ocean Drive qui donne son titre au film). Enfin, toutes les scènes avec le grand patron de l'organisation mafieuse sont plutôt bonnes mais pas à la hauteur de la toute première dans laquelle on voyait Carl Stephans (interprété par un très bon et sirupeux Otto Kruger) gérer son entreprise avec sérieux, tranquillité et application, comme s'il présidait n'importe quelle multinationale. Au cours de ses conseils d'administration, on épluche l'évolution du chiffre d'affaire et on parle de perspectives économiques…sauf que certaines des décisions sont plus radicales que celles qui consiste à envoyer une charrette de salariés au chômage, çà consiste à envoyer un tueur liquider le "mauvais" collaborateur qui ne fait pas son chiffre. Je soupçonne quand même l'un ou l'autre des scénaristes d'avoir eu des idées subversives mais c'est trop tard pour le dénoncer. On peut en dire autant …de tout le film qui peut se voir comme une longue métaphore sur les dangers de l'Amérique triomphante et sur son système économique. On peut déplorer en revanche que le film débute et se termine par des discours bien moralisateurs mais c'est loin d'être un cas isolé. Je ne partage pas les commentaires enthousiastes et renouvelés de Philippe Garnier au sujet de la photographie de Franz Planer car selon moi sur ce film là son apport est limité et son travail sur l'image assez anonyme comparé aux images sublimes de certain des chefs d'oeuvre auxquels il collabora. Sans même parler de ses débuts européens avec Murnau ou Thiele, il signa la photographie de films esthétiquement sublimes (Lettre d'une inconnue ou La mort d'un commis voyageur) et celle de nombreux films noirs à la photographie très soignée malgré des budgets souvent limités. C'était le cas dans le superbe et passionnant The Face Behind the Mask de Robert Florey, un des premiers films photographiés par Franz Planer aux États-Unis puis dans L'évadée (The Chase) ou Nettoyage par le vide (The Long Wait) qui sont selon moi plus beaux que 711 Ocean Drive. Ce film baigne dans une certaine clarté et sa palette travaillant toutes les nuances de gris est certes assez belle mais à quelques exceptions près (notamment une scène de crime nocturne ou tout ce qui se déroule dans les entrailles du barrage Hoover), l'esthétique du film n'est pas celle d'un film noir alors que Planer avait beaucoup apporté à d'autres films du genre au delà des quelques films déjà cités.
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Quant au metteur en scène Joseph M. Newman, longtemps il fut cantonné aux programmes courts ( type "Crime Does Not Pay" ) et aux documentaires dont au moins un fut remarqué puisque c'est dans Diary of a Sergeant que William Wyler découvrit Harold Russell, l'admirable jeune homme qui revenait de la guerre sans mains dans Les plus belles années de notre vie. Le documentaire montrait justement sa rééducation. Après une vingtaine de courts métrages, il accéda au long à partir de 1948 et s'illustra principalement dans le western et le film noir. Il avait déjà 40 ans lorsqu'il tourna 711 Ocean Drive qui n'était que son 3ème long métrage. L'année précédente, il avait réalisé Abandoned, un assez bon et assez personnel film noir dans lequel le gang dirigé par l'insoupçonnable Marjorie Rambeau se livrait au trafic d'enfants. Puis chronologiquement, il réalisera I'll Get You for This, un thriller dont l'action se passait en Italie... et qui est assez moyen malgré George Raft. Je ne suis pas un grand fan de Meurtre à bord (Dangerous Crossing) (DVD zone 1 avec vost), un thriller assez ennuyeux qui se déroulait à bord d'un paquebot. Le film réserve néanmoins un gros effet de surprise (tout au moins pour les moins perspicaces…dont je fais parti) dans son final mais c'est pour moi insuffisant. J'ai évoqué le suivant, Dans les bas-fonds de Chicago (The Human Jungle) dans ce topic. C'est un honnête film policier fauché et sans grandes surprises mais qui se laisse regarder. Enfin, Death in Small Doses est un thriller pas terrible. C'était une nième histoire de flic infiltré, cette fois dans le milieu des chauffeurs routiers intoxiqués aux amphétamines ! J'ai évoqué un autre de ses films dans le topic que j'ai ouvert sur le cinéma d'aventure, c'est Le cirque fantastique (The Big Circus). Très vite sur les westerns, il n'y en a qu'un que j'aime vraiment beaucoup, c'est Les bannis de la sierra (The Outcasts of Poker Flat)…mais il faut dire que c'est celui qui ressemble à un noir :mrgreen: . Dans le très intéressant portrait que Philippe Garnier a consacré à Jo Newman dans Caractères, l'auteur indique que le futur réalisateur visita le chantier du barrage Hoover dans les années 30 et que c'est lui qui beaucoup plus tard avait demandé aux scénaristes de son film d'en faire le décor de son spectaculaire final…un final que d'ailleurs Garnier trouve superflu et détaché du reste du récit, ce qui n'est pas mon cas. Il n'en reste pas moins que ce portrait de Newman est passionnant, tout comme le reste de l'ouvrage. En dehors du livre et des articles de Philippe Garnier, l'un des rares ouvrages en français évoquant ce film est " l'encyclopédie du film noir " écrite sous la direction d'Alain Silver mais je crois que ce texte bat en revanche des records tant il est bourré d'erreurs de la 1ère à la dernière ligne. Malgré quelques réserves, un bon film et en tout cas sans doute le meilleur de son metteur en scène.
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Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

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Fin (provisoire) de la petite série de films noirs dans lesquels Edmond O'Brien tenait le premier rôle. En dehors des films évoqués récemment (711 Ocean Drive, J'ai vécu deux fois (Man in the Dark) et Allo…L'assassin vous parle (The 3rd Voice) et des 4 autres films évoqués plus tôt dans le topic, Le droit de tuer (An Act of Muder) (page 22), The Web (Page 22), Two of a Kind (page 18) et Le bouclier du crime (Shield for Murder) (Page 7), Edmond O'Brien était aussi la tête d'affiche de quelques autres bons films du genre.

-De minuit à l'aube (Between Midnight and Dawn) de Gordon Douglas avec Mark Stevens. Un très attachant petit film policier

-Mort à l'arrivée (D.O.A) de Rudolph Maté. Un très puissant film noir reposant sur un très minimaliste mais astucieux scénario signé par un spécialiste du genre, le scénariste puis cinéaste Russell Rouse. DVD zone 2.

-Le voyage de la peur (The Hitch-Hiker) de Ida Lupino (DVD zone 2)

-A Cry in the Night (1956) de Frank Tuttle…qui est juste un petit thriller réalisé par un spécialiste mais c'est surement son plus mauvais film de la famille polar malgré un casting qui fait envie : Brian Donlevy, Natalie Wood, Raymond Burr et Richard Anderson

D'autre part, il était dans le casting d'autres films sans y tenir le premier rôle.

- La peau d'un autre (Pete Kelly's Blues) de et avec Jack Webb. Un des quelques exemples de film criminel se déroulant dans un milieu musical. DVD zone 1 avec vost.

-Le cran d'arrêt (The Turning Point) de William Dieterle. Pour moi le meilleur noir de son metteur en scène mais le 1er rôle était tenu par William Holden.

-Du sang sur le tapis vert (Backfire) de Vincent Sherman. Gros casting mais un film moyen…pour Sherman. DVD zone 1 avec vost

-A double Life de George Cukor…un film que j'ai personnellement du mal à rattacher au cycle noir mais qui est excellent…

La note globale des éditeurs français n'est pas terrible : 3/15. 2 éditions moyennes (Mort à l'arrivée et Le voyage de la peur) pour des films libres de droit, il est vrai disponibles auparavant dans des éditions vraiment pourries….et une belle édition du dernier film cité, celui de Cukor (par Wild Side).
Je passe à un autre acteur, le plus moustachu des acteurs de noirs.
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kiemavel a écrit :Je passe à un autre acteur, le plus moustachu des acteurs de noirs.
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kiemavel a écrit : Image

La jeune femme qui interprétait la prostituée que faisait venir à son hôtel Edmond O'Brien s'appelait Olga San Juan. Elle était pourvu d'énormes capacités naturelles !
Ses dons débordaient à l'écran mais je préfère ne pas développer car je n'ai pas l'habitude d'écrire des saloperies dans mon beau topic.
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Pour poursuivre sur le même sujet, voici le genre de plans de Julie London dont nous gratifient Hubert Cornfield et son chef op. Philippe Garnier a plusieurs fois évoqué le metteur en scène dans ses papiers pour libé, parlant de lui comme d'un érotomane invétéré se vantant de ses conquêtes féminines, y compris avec les actrices du film du jour. Invérifiable…Les photos, c'est en quelque sorte un hommage au metteur en scène (...et cet argument probablement juste un prétexte)
Bah, je pense que les "capacités naturelles" de Miss San Juan devaient (en tout cas sur la photo) davantage à l'armature sous son pull et ne risquaient pas de faire ombrage à la VO2 Max de la sublime Julie. :P
Accessoirement, OSJ était Mrs O'Brien à la ville. :wink:
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Message par kiemavel »

Supfiction a écrit :
kiemavel a écrit :Je passe à un autre acteur, le plus moustachu des acteurs de noirs.
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Il y a de la recherche :wink: mais les rares moustachus permanents sont soit incongrus dans le film noir soit carrément :D . Belle recherche pour les moustachus occasionnels (tu aurais pu aussi trouver une photo du gros Bob avec des bacchantes (qu'il a porté au moins une fois dans un film noir) mais, comme je le laissais entendre dans le message précédent, mon gars ne sortait presque jamais sans sa moustache :roll: . Du coup, j'en profite pour citer encore une fois Philippe Garnier qui dans le compte rendu d'un film que j'ai évoqué dernièrement (The 3rd Voice) parlait à propos d'Edmond O'Brien, moustachu occasionnel pour les besoins de ce rôle, de "moustache révoltante" :uhuh: C'est le style Garnier. Dans le fameux rôle auquel je fais allusion plus haut, pour évoquer le rôle tenu par le gros Bob, il écrivait un truc du genre " révoltant en voyageur de commerce fumant la pipe".
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Message par Federico »

kiemavel a écrit :Du coup, j'en profite pour citer encore une fois Philippe Garnier qui dans le compte rendu d'un film que j'ai évoqué dernièrement (The 3rd Voice) parlait à propos d'Edmond O'Brien, moustachu occasionnel pour les besoins de ce rôle, de "moustache révoltante" :uhuh:
Et encore, je ne sais pas si Garnier a vu O'Brien dans le téléfilm de Borzage A ticket for Thaddeus... :mrgreen:
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Le même O'Brien dont Garnier qualifie la coiffure de "Pompadour". :uhuh:
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Message par kiemavel »

Federico a écrit :Bah, je pense que les "capacités naturelles" de Miss San Juan devaient (en tout cas sur la photo) davantage à l'armature sous son pull et ne risquaient pas de faire ombrage à la VO2 Max de la sublime Julie. :P
Accessoirement, OSJ était Mrs O'Brien à la ville. :wink:
:D Oui bien sûr, ça sent l'artifice et puis là, elle est en apnée depuis un bon moment :mrgreen: . J'ignorais qu'Olga avait été sur Edmond pendant de nombreuses années. 28 ans de mariage et 3 enfants quand même. Elle n'a eu qu'une toute petite carrière. Après 1950, elle n'a tourné que dans 2 films dans lesquels jouait aussi son mari qui devait l'imposer. The 3rd Voice fut son dernier.
Federico a écrit :Et encore, je ne sais pas si Garnier a vu O'Brien dans le téléfilm de Borzage A ticket for Thaddeus... :mrgreen:
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Le même O'Brien dont Garnier qualifie la coiffure de "Pompadour". :uhuh:
Mais moi non plus je ne le connais pas celui là ! :mrgreen:
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:shock: :D
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Hin hin hin ! En c'temps-là j'étais (plus) jeune et beau... (kof ! kof !)
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Shadow on the Wall (1950)
Réalisation : Pat Jackson
Production : Robert Sisk (MGM)
Scénario : William Ludwig d'après une histoire de
Lawrence P. Bachman et Hannah Lees
Photographie : Ray June
Musique : André Previn

Avec :

Zachary Scott (David Starrling)
Ann Sothern (Dell Faring)
Gigi Perreau (Susan Starrling)
Nancy Davis (Dr. Caroline Canford)
John McIntire (Pike Ludwell)
Kristine Miller (Celia Starrling)
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Rentrant à l'improviste d'un nouveau voyage d'affaires, David Starrling découvre que sa femme Celia entretient une liaison avec Crane Weymouth, un ami du couple qui est aussi le fiancé de Dell Faring, la propre soeur de Celia. Le repas prévu le soir même avec le couple sur le point de se marier permet à David de faire comprendre à Dell qu'elle aussi est trompée. Plus tard, lorsqu'il retrouve un mouchoir appartenant à Weymouth dans son peignoir, David se fâche et une dispute éclate entre les époux. Se sentant menacé, Celia frappe son mari qui s'effondre inconscient. Dell, revenu sur ses pas pour avoir une explication avec sa soeur, tombe sur cette scène et exprime son ressentiment envers cette soeur qui ne la jamais respecté et qui une nouvelle fois l'humilie en lui volant son fiancée et, sous le coup de la colère, elle l'abat avec l'arme de David. Au moment ou Dell prend la fuite, Susan, la petite fille du couple, survient mais elle n'a le temps de voir que l'ombre du tueur sur le mur de la chambre. Croyant avoir tué sa femme par réflexe ou dans un geste de défense, David accepte le verdict qui le condamne à mort….
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J'avais énuméré il n'y a pas longtemps les films noirs dans lesquels le personnage principal était atteint d'amnésie en oubliant celui là…dans lequel ce sont deux des principaux personnages qui en sont d'une certaine manière atteint et le fait que ce soit un père et sa fille unis par des liens affectifs très forts ne doit sans doute rien au hasard. Le scénariste prépare très habilement le terrain en montrant les liens très puissants qui unissent donc Susan et David Starrling. La petite est absolument fasciné par son père et cette adoration est réciproque. Les scènes qui suivent le retour du père sont parmi les plus réussies : la petite fille traverse en courant l'appartement avant de se jeter dans les bras du père, puis l'ouverture du cadeau rapportée d'une destination exotique (une poupée qui aura son importance tout au long du récit) permet d'apprendre que Susan s'est senti délaissée par sa belle-mère durant l'absence de David…et par conséquent que la mère/épouse a disparue prématurément. 2 scènes charmantes et amusantes suivent cette révélation. D'abord, voyant que son père s'apprête à se raser, Susan lui demande une faveur : permettre à un jeune garçon de son âge qui voit très peu son père d'assister au rasage, ce qui "lui servira plus tard" (un autre enfant délaissé donc…), puis David, libérant la bonne de cette tache, donne le bain à sa fille. Tout ceci est plutôt plaisant et surtout ce préambule permettra plus tard de mieux faire saisir le choc émotionnel que subira la petite fille lorsqu'elle se retrouvera seule et presque sans famille après que son propre père aura assassiné son épouse. L'amnésie ne sera qu'une manifestation des traumatismes subis. Celle dont souffre David, très partielle puisqu'elle ne concerne que sa brève période d'inconscience de la nuit du meurtre, est sans doute irrémédiable. Après avoir été frappé à la tête par sa femme alors qu'il avait en main le révolver ramené de la guerre qu'il s'apprêtait à ranger et persuadé de l'avoir tué (1), il est accablé, totalement passif et il accepte son sort avec résignation. L'amnésie qui touche la petite Susan est du au traumatisme qu'elle a subit après avoir assisté au meurtre de sa belle-mère, perdant du même coup son père, le seul être cher qui lui restait.
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Si David Starrling avait été dans la première partie du récit, c'est à dire jusqu'au meurtre, le personnage central, à partir du moment ou il est condamné et jeté en prison, il disparait presque totalement et le film devient un film de femmes. A l'exception de John McIntire qui tient un rôle secondaire très négligeable en tant qu'avocat du faux coupable et de Tom Helmore, en tant qu'amant et fiancé des soeurs Faring (mais qui disparait très vite), on ne verra pratiquement que des filles, en connaissant d'emblée, puisque nous avons assisté au meurtre, la place de chacune : la victime, ou plus précisément le témoin persécutée (Susan), la meurtrière (Dell) et une enquêtrice, ici une psychologue…puisque la solution se trouve dans la tête d'une petite fille. Susan est en effet admise dans un hôpital pour enfants ou elle est prise en charge par le Dr. Canford (Nancy Davis) qui tente de débloquer la petite fille cloitrée dans son mutisme depuis le soir du drame, puis qui réprimera les images de cette soirée lorsqu'elle recommencera à s'exprimer. Lentement (ben oui, faut quand même tenir 80 min) la thérapeute va peu à peu gagner la confiance de la petite fille par des jeux qui vont réintroduire dans le récit la poupée offerte par David. La thérapie entreprise par le docteur Canford semble d'ailleurs fonctionner et assez ironiquement, elle va se dérouler au jour le jour sous les yeux de Dell, au mieux avec la psychologue et qui après tout est la dernière famille qui reste à Susan. Ce succès de la thérapie va mettre ses nerfs à rude épreuve…et celle qui avait, sous le coup de la colère, commis un crime passionnel non prémédité, va progressivement s'endurcir, passant d'un profond sentiment de culpabilité qui la poussera à vouloir se dénoncer…à la ferme détermination de ne pas être découverte.

Ann Sothern est assez moyenne dans ce rôle à contre emploi mais il faut dire qu'elle n'est pas très aidée par un scénario qui rate des choses potentiellement intéressantes de son personnage. On la découvre peu sûre d'elle et anxieuse, doutant de pouvoir garder son fiancé (interprété par le suave et lui aussi moustachu Tom Helmore). Et de fait, elle se l'est fait chipé par sa (plus) jeune et (plus) jolie soeur. Le scénario aurait du insister un peu plus sur les ressentiments de la soeur moins glamour et sur ses frustrations. Il est d'ailleurs fait allusion au fait que Dell avait été aussi séduite par David avant que celui ci n'épouse finalement sa cadette. Sa soeur, la victime, interprétée par la (effectivement) très jolie Kristine Miller disparait à la fin du 1er quart d'heure et c'est dommage pour les yeux. Pour le reste, avec ses faux airs de Jane Greer, elle est un peu trop glamour et sa démarche est un peu trop féline pour le physique de représentant de commerce de Zachary Scott (non, je n'ai rien contre les moustachus) mais cette remarque c'est un peu comme reprocher à la voiture que vous ferais essayer un copain d'être trop confortable (Oh ! La belle parabole). Nancy Davis (la future Mme Reagan) interprète avec une sobriété exemplaire et plutôt approprié le rôle de la scientifique. Une enfant perturbée + sa thérapeute, à Hollywood ça aurait pu être redoutable. Mais non, ici, point de grosses ficelles pour faire pleurer dans les chaumières. Sobriété et sérieux à tous les étages. Le médecin ne montre même aucun signe d'attachement particulier ni d'affection pour la fillette. Cela dit, la meilleure interprète féminine…c'est peut-être Gigi Perreau (Bon, y'a pas que des amis des enfants acteurs dans le coin mais je confirme…). Pour une fillette de 8 ans, elle se sort très bien d'un rôle compliqué. Elle est formidable aussi bien dans la gaité et l'espièglerie, ou toujours dans la 1ère partie pour exprimer son adoration pour son père (de cinéma) et sa complicité avec Z. Scott est évidente à l'écran. Par la suite elle est encore plus étonnante dans la partie la plus difficile et délicate à interpréter pour une enfant, dans l'expression de ses troubles psychologiques, séquelles des images terribles auxquelles elle avait assisté.
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Je développe un peu cette histoire de poupée mais en spoiler…
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Partant d'un roman dont le titre original Death in a Doll's House annonçait la couleur, le scénariste avait bien préparé son affaire. Le film s'était ouvert en effet sur les images d'un pavillon avec jardin dans lequel on apercevait un personnage sur une balancelle…mais aussitôt après, une main était entrée dans le champ pour placer un nouveau personnage dans la maison de poupée. L'illusion fonctionne une seconde… qui est suffisante. Par la suite, guettant forcément "l'ombre sur le mur", on voit arriver le metteur en scène lorsqu'il nous montre l'ombre projeté de la poupée indienne, puis celle du chapeau porté par Dell Faring le soir du meurtre. C'est une poupée muette (en réalité il y a deux poupées muettes) qui détient une part de vérité ou plutôt qui permettra de confondre la meurtrière (C'est incompréhensible ? Oui mais pour une fois c'est fait exprès )
Une scène peut heurter et pas seulement le jeune public (ou le commissaire Juve :D ). Après la lobotomie (dont il était question dans Man in the Dark, un film évoqué récemment), une autre méthode thérapeutique utilisée semble t'il en psychiatrie dans les années 40, va surprendre mais à de degré moindre. Pour calmer la petite Susan, une nuit, les médecins la plongent dans une baignoire dans laquelle elle est maintenue en suspension par des sangles. Une version améliorée de la camisole de force. A 8 ans ! Accessoirement, elle est censée y passer la nuit mais ainsi livrée à la merci de ceux qui lui veulent du mal…Bilan mitigé. C'est un film facultatif, bien fait mais pas très passionnant. Inédit en France jusqu'à sa diffusion sur le sat. français il y a une dizaine d'année.

Ce fut le seul film américain du metteur en scène britannique Pat(rick) Jackson. Il devait originellement être réalisé par un spécialiste du genre, Roy Rowland et avec une autre enfant star, Margaret O'Brien à la place de Gigi Perreau. Ce metteur en scène aura eu une carrière bizarre. Réalisateur anglais réputé, mais de documentaires, il accède pour la 1ère fois à la fiction avec Shadow on the Wall, tourné hors de ses bases et par un grand studio. Par quel miracle la MGM a confié ce film à un novice anglais, réalisateur de courts métrages documentaires, mystère ? Au cinéma, il donnera ensuite notamment Virgin Island (1959) avec John Cassavetes et Sidney Poitier puis passera au début des années 60 à la télévision réalisant de nombreux épisodes de séries britanniques dont 6 épisodes du roi des celtes (Arthur and the Britons) dont je garde un très vague et très lointain souvenir. Pour l'anecdote, ce film, c'est un peu l'inverse du Conquérant, celui ou il fallait être pour durer. Pat Jackson (décédé à 95 ans), Tom Helmore (91) Barbara Billingsley (94) ne sont plus là mais Nancy Davis/Reagan (93 ans), Kristine Miller (85) et la gamine Gigi Perreau sont toujours de ce monde. En revanche Zachary Scott n'a pas fait long feu (51 ans). Je vais lui consacrer une petite série de 3 à 6 films, en intercalant toutefois sans doute d'autres films entre deux titres du sémillant moustachu. Sa filmo noire est très inégale. Quelques films moyens voir médiocres (je vais être tenté de faire des impasses) et au moins un monstre…et surtout un très gros morceau à attaquer. Cela dit ce film n'est pour moi pas un noir mais puisque des gens très bien pense que s'en est un je ne vais pas me priver de l'inclure dans ce topic.

(1) Le coup du meurtre soi disant commis dans un état de semi inconscience mais en réalité commis par un proche a été vu plusieurs fois au cours du cycle noir. Dans le très bon Les amants du crime (Tomorrow is Another Day) de Felix Feist (DVD zone 2), c'est Ruth Roman qui faisait croire à Steve Cochran qu'il avait tué son amant policier.

NB : Mais c'est quoi tous ces spoilers à ouvrir ?
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C'est une chronique pop-up
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Dernière modification par kiemavel le 6 août 14, 09:06, modifié 1 fois.
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