Robert Florey (1900-1979)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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André Jurieux
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Robert Florey (1900-1979)

Message par André Jurieux »

Il semble bien que personne n'ai encore ouvert de sujet sur ce metteur en scène alors je m'y colle.

On parle généralement de lui pour ses collaborations prestigieuses sur des oeuvres d'autres cinéastes
(Vidor, Sternberg, Chaplin, etc...), pour sa contribution au genre fantastique comme scénariste et
comme réalisateur, et enfin pour ses liens d'amitié avec de grandes stars Hollywoodiennes (Le couple
Fairbanks/Pickford. Valentino, dont il fut le secrétaire, etc..).

Il a réalisé quelques films célèbres, le premier des Marx Brothers par exemple, mais à juste titre , on dit
que c'est un film des frangins...

Alors que vaut-il vraiment ? Tavernier et Coursodon l'éreintent dans 50 ans de cinéma américain mais
ayant découvert au moins 2 ou 3 bons films du frenchie...je n'en suis pas encore à proposer une réhabilitation
mais au moins qu'on en cause.


De sa filmographie, chronologiquement, j'ai vu :

-The cocoanuts (Noix de coco). 1929 .....DVD zone 2 Universal
-Murders in the rue morgue (Double assassinat dans la rue morgue)
-Ex-lady. 1933, avec Bette Davis
-The face behind the mask. 1941, avec Peter Lorre
-Dangerously they live. 1941, avec John Garfield
-Lady gangster. 1942.....DVD zone 2 Bach Films
-Danger signal. 1945, avec Zachary Scott
-The Beast with Five Fingers (La bête aux 5 doigts). 1946, avec Peter Lorre
-The crooked way (Le passé se venge). 1949, avec John Payne....DVD zone 1

On peut également trouver sur DVD ( mais est ce bien raisonnable ? ) :

-Tarzan et les sirènes. Uniquement dans un coffret Warner consacré à J. Weissmuller

D'autre part, au moins un autre film de Florey est passé une fois ou plus sur une chaine
française mais je ne l'ai pas vu, il s'agit de :

-The Woman in Red (La dame en rouge). 1935, avec Barbara Stanwyck

Enfin, au moins un autre de ses films a très bonne réputation, il s'agit de :
- Vie et mort de 9413, figurant d’Hollywood (1928)
et on aurait peut être d'autres bonnes surprises du coté de ses films muets.

Je vais commencer avec :

THE CROOKED WAY. LE PASSE SE VENGE avec John Payne
André Jurieux
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Re: Robert Florey (1900-1979)

Message par André Jurieux »

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THE CROOKED WAY. LE PASSE SE VENGE . 1949

Production : Benedict Bogeaus
Scénario : Richard H. Landau d'après une pièce radiophonique de Robert Monroe.
Directeur de la photographie : John Alton

Avec John Payne, Ellen Drew, Sonny Tufts, Rhys Williams, John Doucette et Percy Helton.

Fin de la 2ème guerre mondiale. A l'hôpital ou on le soignait, on apprend à Eddie Rice, qui avait reçu une grave blessure à la tête, que l'amnésie dont il souffre sera sans doute irrémédiable. La seule information dont on dispose sur son passé, c'est le lieu de son engagement, à Los Angeles. On lui conseille donc d'y retourner et de tenter d'y reconstituer son histoire. A peine descendu du train, il est abordé par 2 policiers qui le conduisent au commissariat auprès de l'officier de police qui jadis l'arrêta. On lui apprend son nom véritable, Eddie Riccardi. C'est en tout cas le nom sous lequel il est connu dans les service de police car Eddie a un long passé criminel. Son nom était notamment associé à celui d'un gangster bien connu, Vince Alexander. E. leur explique qu'il n'y comprend rien et leur apprend qu'il est devenu amnésique. Les flics n'en croient rien et décide de le filer. Alors qu'Eddie sort du commissariat, il est abordé par une femme qui elle aussi le reconnait. Il l'a ramène à son hôtel mais elle s'éclipse pour prévenir Vince Alexander, l'ancien complice, du retour d'Eddie à LA. Ses hommes de main le lui amène. Il est tabassé. Vince croit en effet qu'Eddie l'a jadis donné à la police, lui faisant porter toute la responsabilité d'un ancien crime et qu'Eddie s'est engagé dans l'armée sous un faux nom pour échapper aux représailles...

Voilà pour le premier quart d'heure...çà vous dit quelque chose ?!....Ben si, Somewhere in the night/Quelque part dans la nuit de Mankiewicz. Les 2 films ont leurs mérites. La différence, c'est que ce n'est pas le meilleur Mankiewicz alors que c'est un des meilleurs de Florey. Disons que sur leur film "jumeau", l'effort du plus prestigieux des 2 metteurs en scène est constant alors que le film de notre français d'Hollywood est plus inégal mais que les points forts du film sont plus forts que ceux de son concurrent.

Je commence par les points faibles. Sur un potentiel aussi intéressant, on aurait pu espérer des développements scénaristiques plus excitants. On a à faire à un scénariste paresseux et ceci dès le début du film puisqu'on a d'emblée 2 heureux hasards même si ce point ne me trouble pas plus que çà...les développements faiblards de l'histoire un peu plus.

Ensuite l'interprétation. Les seconds rôles sont très bons. Ellen Drew est excellente. Elle a eu le premier rôle féminin dans peu de films (Le gros lot de Sturges ou Le baron de l'Arizona de Fuller...ainsi que, pas de bol, dans des films durs à voir mais réputés, le remarquable Andrew d'Heisler ou Johnny O'Clock de Rossen). Je lui trouve un petit coté Jane Greer (On se calme...mais c'est dur). Sonny Tufts est un affreux parfait, mais le meilleur de tous est sans doute Percy Helton qu'on connait sans le connaitre car il traverse, le plus souvent dans des rôles encore plus restreints que dans ce film une multitude de polars des années 40 et 50. Reste le cas John Payne. D'habitube, je l'aime beaucoup mais là, dans ce qui a été son premier film noir, je trouve que son jeu est aussi un des points faibles du film, l'engourdissement du héros. Pas facile sans doute de jouer un type perdu, amnésique et de lui donner de la vie mais qu'en même. Il joue "en dessous", la paupière lourde et sa lassitude a quelque chose de contagieux. Y'avait que maitre Bob (Mitchum) pour rendre ce registre là imparable... Il aurait sans doute fallu un directeur d'acteurs plus habile car par la suite, dans le genre, Payne a donné beaucoup mieux.

Un autre aspect du travail de Florey est beaucoup plus positif, c'est sa mise en scène et là on doit parler du directeur de la photo, le grand John Alton. C'est le point (très) fort du film. La photographie du film et la vitalité de la mise en scène. Que doit-on à Alton, que doit-on a Florey. Sans doute plus au premier qu'au second mais comme on a pas (plus) de témoins sous la main, je me contente de juger du résultat. La violence est permanente dans le film et la mise en scène y participe pleinement. Quant Payne est tabassé au début du film, il est balancé du haut de l'escalier de secours. Florey plante d'abord sa caméra a distance mais lors de la chute de payne, il met sa caméra au ras du sol et on a sa gueule écrabouillée en très gros plan. J'ai souvent pensé aux premiers polars de Mann et je ne pense pas que ce nom là fait fuir l'amateur de "Noirs". Je n'irais pas jusqu'à parler de mise en scène brillante mais je la qualifierais de nerveuse et d'efficace.

Quant à la photographie d'Alton alors là ATTENTION, c'est exceptionnel. De ce point de vue, il a sans doute fait aussi bien mais pas mieux. C'est d'une beauté incroyable. Sans tenir compte du reste, il faudrait le voir rien que pour çà. L'éclairage est sans cesse renouvelé et inventif. On a bien sûr le "coup" des ombres sur les murs mais ce n'est rien a coté des beautés qui parsèment le film et à tout moment l'image a une telle épaisseur qu'on a l'impression qu'on peut croquer dedans. Et l'invention d'Alton... A titre d'exemple, dans la scène de tabassage évoquée plus haut, on a différentes sources d'éclairage dont un néon qui clignote à l'extérieur du bâtiment. Cette lumière va et vient sur les visages mais ce n'est pas trop voyant, trop "voyez comme je me frise les moustaches", c'est discret et magnifique. Ensuite, il y a la manière dont il s'approche des visages, pour s'éloigner ensuite. A ce niveau là, la photo, c'est comme à certain moment de mise en scène d'un Ford par exemple, c'est de la poésie. C'est de ce niveau là...

Film assez rare. J'ignore s'il a connu un ou des passages TV. J'en doute ? DVD zone 1 chez un petit éditeur qui (parait-il) d'habitude sort des DVds tout pourris mais (énorme coup de bol) pas celui là et on peut pleinement apprécier le travail du génial John Alton. C'est bon, voir très bon. Par contre, c'est en VO pure. J'ai ajouté des sous-titres anglais sur le dvd.
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Re: Robert Florey (1900-1979)

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The Face Behind the Mask (1941) avec Peter Lorre ( Janos), Evelyn Keyes (Helen Williams), George E. Stone (Dinky) et Don Beddoe (Lt O'Hara)
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Janos, un jeune immigrant hongrois débarque à New-York plein d'espoir. Horloger de métier mais ayant de nombreuses compétences, Il espère rapidement trouver du travail et faire venir sa fiancée dans son pays d'adoption. Même s'il est presque sans le sou, Il vit un rêve éveillé en découvrant la ville. Il rencontre par hasard un lieutenant de police qui se prend de sympathie pour le naïf jeune homme et lui conseille un hôtel bon marché. Malheureusement, dès la 1ère nuit un incendie se déclare et Janos est extrait de l'immeuble gravement brulé au visage et se retrouve défiguré. Dés lors à chaque fois qu'il se présente pour trouver un emploi son aspect monstrueux fait qu'il est systématiquement rejeté. Un soir, désespéré et tout près de se suicider, il rencontre Dinky, un petit voleur à la tire qui est le premier depuis l'incendie à se prendre de sympathie pour lui et qui l'héberge. Il introduit même Janos auprès de ses amis gangsters et en désespoir de cause Janos met ses compétences au service du gang et en devient même rapidement le cerveau. Il accumule bientôt une somme suffisante pour payer les opérations de chirurgie esthétique qui devraient lui rendre un visage humain. Un jour, il croise le chemin d'une jeune aveugle…
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C'est un film qui est parfois classé dans les films d'horreur, ce qui est une erreur. C'est dans le désordre ou plutôt enchevêtrés les uns dans les autres : un drame social, un récit criminel, un mélodrame romantique et un film noir.

Pour en finir avec le film d'horreur :

On est en effet à des années lumières d'une ambiance type "Masques de cire" dans lesquels en général on joue de la monstruosité et des modifications psychologiques et physiques généralement développés par des personnages victimes d'eux-mêmes, de leurs créations…ou d'un dramatique accident. Dans le film de Curtiz cité plus haut, c'était d'ailleurs aussi un incendie qui était la cause du drame mais le personnage était déjà torturé, voir fou or le personnage joué par Peter Lorre ne sort absolument pas d'un film fantastique et le travail de Robert Florey n'a pas chose de commun avec le travail d'autres metteurs en scène qui se sont penchés sur des "monstres" similaires ou des situations ressemblantes. J'y reviens plus loin.

Le drame social :

Il était sans doute pour Florey une des raisons d'être profonde du film. Il faut voir l'enthousiasme de Janos sur le bateau lorsqu'il découvre émerveillé la statue de la liberté (avec le recul et après les événements qui vont suivre, on pourra penser au sort des immigrants chez Chaplin…). Très rapidement je l'ai dit, le rêve vire au cauchemar et il découvre bien vite une société indifférente construite sur l'inégalité et sans filets de sécurité pour les faibles et les abimés par la vie. Les conséquences désastreuses de cette exclusion sociale et l'injustice qui s'abat sur Janos le conduise inéluctablement -bien loin de ses espoirs initiaux- vers une vie de crime comme patron d'un gang... Mais c'est un criminel bien singulier car c'est contre sa conscience que Janos en est arrivé là et c'est sur son conflit moral que repose en partie le film.

Tout d'abord, le personnage joué par Peter Lorre -qui est absolument exceptionnel dans ce rôle- sera (presque) toujours le jeune homme naïf, innocent et d'une grande douceur, qu'on découvre au début du film. S'il a recours à une vie de crime, c'est en désespoir de cause et il est montré comme un être plein de remords qui est contraint de se compromettre avec des gangsters dans l'espoir de pouvoir payer les opérations de chirurgie plastique qui, espère t'il, lui rendront un visage supportable. On ne voit presque jamais ou seulement partiellement son visage monstrueux et plus tard le masque en caoutchouc qu'il portera montrera un visage sans expressions, étrange mais acceptable. D'autre part, Florey lui même, dans son travail de metteur en scène, ne joue en rien sur des effets caractéristiques du film fantastique qu'il a lui même occasionnellement employé en tant que grand spécialiste du cinéma expressionniste allemand. Certains pourront trouver sa mise en scène d'une grande platitude mais c'était selon moi faire preuve d'une grande intelligence de monter Janos ainsi car sa volonté, très clairement, est de le montrer comme un homme rien moins qu'ordinaire.
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D'ailleurs pour la même raison, ainsi que pour rendre acquise et constante la sympathie du public pour Janos, l'aspect "film criminel" est lui aussi en grande partie éludé sauf dans la partie finale qui elle appartient totalement en revanche au film noir mais avant ce long épilogue on ne voit jamais aucun acte violent de la bande, aucun hold-up de banques, etc…Le crime, on en voit en effet presque uniquement le "commentaire" : dans la presse, dans les dialogues entre les membres de la bande, les interventions de la police, etc...mais jamais la bande n'est montré "à l'oeuvre".

Ensuite, à partir de la rencontre avec la jeune aveugle le film bascule dans le romantisme noir et le mélo. On est presque chez Borzage et c'est très réussi mais je n'en dirais pas plus, tout comme je ne dirais pas un mot de la partie finale très noire tout aussi remarquable. Le seul reproche que l'on peut faire au film, c'est ce mélange des genres qu'on peut y voir. Si avec un budget sans doute misérable, Robert Florey réussit à mettre bout à bout et à entremêler plusieurs modes narratifs, plusieurs thèmes d'une grande richesse, certaines ellipses et un coté décousu peuvent troubler. Pouvait-il faire mieux en 69 min ? Je termine (rapidement) sur l'interprétation. Au risque de surprendre, je ne suis pas toujours un grand fan de Peter Lorre, tout au moins quand il est associé à Sydney Greenstreet, mais ici il trouve un de ses plus grands rôles. Pour moi dans un de ses rares rôles de "gentil" il est absolument sublime. Autre accessit pour George E. Stone dans le rôle de Dinky. La magnifique relation d'amitié entre ces deux hommes humiliés est magnifiquement mise en scène par Florey. Quant à Evelyn Keyes, dans un rôle que plus d'une actrice aurait rendu mièvre et insupportable, son jeu est à l'image du film : sérieux, digne et touchant. Bilan : Ce film inédit en France, y compris à la télévision, n'est surement pas un chef d'oeuvre intouchable mais c'est un film a voir impérativement. Vu en vost anglais
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Danger Signal (1945) avec Zachary Scott (Ronnie Mason), Faye Emerson (Hilda Fenchurch), Mona Freeman (anne Fenchurch), Rosemary DeCamp (Dr. Silla), Bruce Bennett (Dr. Lang) et Richard Erdman (Bunkie Taylor)
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La gérante d'un immeuble bon marché découvre au détour d'un article du journal local qu'un mari lance un avis de recherche sur sa femme disparue depuis des mois. Or, elle a reconnu la femme d'un prétendu couple qu'elle héberge et vient donc frapper à leur porte prenant à témoin le voisinage devant le scandale de la situation. Mais à ce moment même, penché sur le corps de sa compagne, l'homme récupère sa bague de mariage, se saisit de la plus grande partie de l'argent contenu dans son sac à main et tranquillement s'enfuit par la fenêtre et disparait. La police qui a découvert sur les lieux une lettre écrite de la main de la victime annonçant son suicide ne semble pas prête à lancer d'autres investigations malgré les protestations du mari qui ne veux pas en rester là.

Pendant ce temps, l'homme change d'identité, arrive en Californie et, se faisant passer pour un ancien soldat et pour un romancier et scénariste, trouve une chambre chez une femme dont il parvient sans peine à gagner la confiance...puis à séduire sa fille Hilda, une vieille fille plutôt austère qui ne pensait jusque là qu'à son travail. Bientôt, Ann, la jeune soeur d'Hilda, une riche héritière, revient à la maison…

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Ce n'est pas inoubliable mais assez original car c'est autant une étrange romance qu'un film noir. Manifestement Florey et son scénariste se sont surtout intéressés à dresser le portrait d'un tueur séduisant qui vit au crochet des dames avant de les supprimer, à la manière du tonton de Teresa Wright dans L'ombre d'un doute …mais alors que Hitch finissait tout de même par le rendre inquiétant et à créer un vrai suspense, Florey - assez ironiquement je trouve - annihile les volontés meurtrières de ses "héros". Je n'en dis pas plus mais j'ai plutôt aimé ce parti pris. Cependant, on peut sans doute regretter le manque de suspense et de tension générés par ce film.

Zachary Scott joue donc un séducteur proche du personnage qu'il incarnait dans Mildred Pierce tourné la même année. Il possède en plus d'une vraie séduction un certain prestige intellectuel car il présente réellement quelques prétentions littéraires et le scénario en joue. Le rapport et le lien est évident entre le personnage un brin mythomane, qui se glisse dans différentes identités avec facilité, entre donc le grand menteur et l'écrivain qui s'invente dans son travail littéraire. Il se servira d'ailleurs habilement de ce travail d'écrivain pour tenter de préparer un crime. Un seul personnage secondaire est intéressant, c'est une psychiatre qui tentera de démasquer le tueur derrière le séducteur. Le travail de Florey est lui assez anonyme mais encore une fois il avait la chance de travailler avec un grand chef opérateur, James Wong Howe qui s'amuse un peu mais pas trop à jouer sur les ombres nocturnes inquiétantes de la pension de famille. Facultatif mais intéressant. Vu en VOST. Passé à la TV chez nous.
Dernière modification par kiemavel le 29 nov. 17, 11:39, modifié 1 fois.
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Re: Robert Florey (1900-1979)

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EX-LADY. 1933

Avec Bette Davis (Helen Bauer), Gene Raymond (Don Peterson), Frank McHugh (Hugo Van hugh), Monroe Owsley (Nick Malvyn) et Claire Dodd (Iris Van Hugh)

Une jeune dessinatrice éprise de liberté refuse d'épouser l'homme qu'elle aime de peur que leur relation s'installe dans une certaine routine et se détériore. Un jour, elle finit pourtant par céder et elle devient sa femme. Au retour du voyage de noce, Don qui dirige une petite agence de publicité constate que ses affaires se sont dégradées et s'y consacre beaucoup plus, délaissant sa femme qui de plus travaille occasionnellement pour un concurrent. Leur relation se tend et bientôt tout deux, chacun de leur coté, commencent à entretenir une liaison…ou le font croire.


Une fois n'est pas coutume, je commence par les points faibles du film, les personnages secondaires et leurs interprètes. Tous sont sans exceptions sans intérêt ou presque. Les "amants" ou ceux qui pourraient l'être, notamment un dragueur gominé caricatural, sont inintéressants et les scènes montrant le mari (Gene Raymond) ou la femme (Bette Davis) au milieu de leurs amis, ou seul avec des amis/amants n'apportent rien qui enrichissent le film. Un seul personnage qu'on voit brièvement est un peu drôle mais c'est du déjà vu, il s'agit d'un industriel assommant et ridicule qui ne sait parler que de ses affaires. Pour le reste, c'est presque le néant. Certes Claire Dodd dans le rôle de Iris Van Hugh est diablement sexy…mais son mari interpreté par Frank McHugh, qu'on voit presque toujours bourré, est un personnage inutile, ou plutôt Robert Florey et son scénariste n'en ont rien fait. Plus largement, on peut dire que le manque d'inspiration caractérise le traitement de tous les personnages secondaires…

Et c'est vraiment dommage car le film en revanche s'anime très nettement dès que les 2 amants puis époux sont ensemble…et heureusement c'est tout de même l'essentiel du film. Leurs dialogues d'une modernité assez stupéfiante sont brillantissimes. Malgré l'audace des propos, on est pas ici dans les sous-entendus à la Lubitsch. Comme le dit Tavernier que je cite "les personnages parlent de choses sérieuses avec une désinvolture qui n'est pas de la légèreté mais plutôt la pudeur du bon sens". Celà dit, malgré le profond sérieux du propos qui pointe derrière une facade de comédie, les 2 amants s'asticotent tout de même malicieusement et souvent drôlement mais alors que Lubitsch s'arrête dès qu'un danger de trop grande gravité menace, Florey va plus loin, il montre que sous cette désinvolture et cette volonté d'indépendance farouche, se cache aussi parfois, ou plutôt elle en est la conséquence, un certain désarroi, voir une douleur. En effet, si comme chez Lubitsch, certaines scènes nous montrent les deux amants enlacés qui éteignent la lumière…Florey montre aussi parfois Helen, effondré et en pleurs, seule dans son lit.

Malgré tout, on est surtout dans une comédie typique d'avant l'introduction du "code". Je cite encore Tavernier "Helen est une jeune femme libérée dont les propos et le comportement pourraient être ceux d'une femme des années 70 : Elle fait passer son travail avant tout, considère mariage et maternité comme des pièges, revendique une totale indépendance et une totale liberté sexuelle "...Et en effet, je ne veux pas développer mais il y a dans le film de Florey quelques scènes assez stupéfiantes que je n'ai pas souvent vu dans les films de cette époque...et il faudra attendre bien longtemps avant de pouvoir les revoir. J'ajoute que Bette Davis, dont c'était le premier rôle en vedette, est elle aussi par son jeu - ici totalement dénué de maniérisme- d'une stupéfiante modernité, Gene Raymond se contentant pour sa part de la suivre plaisamment. Ce jeu s'accorde donc aux propos et aux situations audacieuses. Elle est par ailleurs extrêmement sexy en blonde platine aux décolletés plongeants et je l'ai rarement vu comme çà ailleurs. Sa garde robe luxueuse est tout aussi étonnante pour un film qui je pense ne devait pas bénéficier d'un budget très important.

J'ai vu beaucoup de films pré-code et il en est de meilleurs car le film de Florey comporte des imperfections mais sur ses points forts il serait l'un des chefs d'oeuvre du genre. En effet, la modernité des propos, des situations, des personnages et de leurs interprètes sont tels que pour moi le film se passe des guillemets habituels "moderne dans certaines limites, celles d'un film tourné en 1933".

Un des meilleurs films de Florey. Il y aurait sans doute d'autres pépites à découvrir dans ses films des années 30 mais malheureusement la plupart sont impossibles à voir.

Vu en VOST.
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Jeremy Fox
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Re: Robert Florey (1900-1979)

Message par Jeremy Fox »

Le passé se venge par Philippe Paul pour un film noir sorti récemment en DVD chez Sidonis.
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Re: God is my co-pilot

Message par kiemavel »

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God is My Co-Pilot (1945)
Chine, 1942. Sur la base où sont stationnés les Tigres volants (1), le général Chennault décrit leur mission aux pilotes de l'escadron qui vont aller frapper pour la première fois le coeur même du Japon. Parce qu'il est atteint par la malaria, Robert L. Scott, l'un des as de l'escadrille, est plein d'amertume car il est obligé de rester à terre alors que ses camarades vont participer au plus grand raid qui ai jamais été entrepris jusque là au cours de la guerre du Pacifique. Il se plonge dans ses souvenirs car du plus loin qu'il se souvienne, cet homme a toujours rêvé de voler. Il se revoie adolescent construisant ses premières machines volantes, puis on suit sa formation de pilote, chaotique et contrariée. À l'approche de la guerre, Scott s'entraine pour devenir pilote de chasse mais lorsque la guerre est déclarée, considéré à 34 ans comme trop vieux pour combattre, il est nommé instructeur. Mais il est bien décidé à prendre une part active aux combats…
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Basé sur l'autobiographie à succès du colonel Robert Lee Scott, Jr. qui à force de volonté et d'obstination parvint à obtenir le droit de combattre durant la guerre. La 1ère partie passe rapidement sur les années d'apprentissage d'un gamin né pour voler. Le jeune adolescent saute d'une grange de la ferme familiale de Georgie avec un parachute de la taille d'un parapluie :) …puis il construisit des modèles réduits d'avion ; acheta un vieux coucou datant de la première guerre mondiale et devint donc pilote amateur. Assez tardivement, il intégra West Point avant de s'engager dans l'armée pour faire du transport de courrier tout en s'entrainant dans l'espoir de devenir pilote de chasse alors que le second conflit mondial semblait déjà imminent. Mais au déclenchement de la guerre, ses espoirs sont donc déçus. Alors qu'il se languit de ne pouvoir davantage servir son pays, il ment sur son expérience à bord des forteresses volantes afin de participer à une mission secrète qui est finalement annulée. Mais entre temps il est devenu un pilote de B-17 chevronné ce qui lui permet de se voir proposer des missions de ravitaillement. C'est ainsi qu'il est amené à survoler l'Himalaya pour transporter jusqu'en Chine des marchandises destinées aux Tigres volants. Cette escadrille de volontaires américains qui a combattu les japonais bien avant le déclenchement de la guerre du Pacifique semble inaccessible à celui qui vient d'être nommé colonel mais qui n'a aucune expérience du combat aérien. Mais malgré les réticences des pilotes chevronnés de l'escadrille, Scott parvient à convaincre le général Chennault de lui confier l'appareil d'un pilote mort au combat. Très vite, le nouveau venu s'impose comme un des meilleurs éléments de l'escadrille et son adresse en vol ajouté à ses ruses (il change plusieurs fois la couleur de son fuselage ce qui fait croire aux Japonais que Chennault à obtenu des renforts alors que Scott est le seul nouveau pilote à intégrer les tigres) lui vaut une célébrité qui est répercutée jusqu'à Macon, en Georgie, sa ville natale.

On nous conte donc l'histoire d'une forte personnalité mais pas d'un homme aux dons éclatants, pas spécialement précoce non plus, mais qui révèle toutes ses qualités dans le contexte bien particulier de la guerre. C'est le combat qui éveille aussi en lui des tourments qui vont le rendre plus réceptif aux propos d'un personnage présent (un peu trop présent devrais-je dire) depuis le début : le père Harrigan (Alan Hale). Ce missionnaire installé en Chine commence à prêcher dans le vide mais lorsque Scott -faute de trouver un adversaire "en l'air"- mitraille une colonne de l'armée japonaise au sol, les centaines de mort que cette attaque entraine vont provoquer chez lui une crise morale qui sera soulagée par les interventions du prêtre. Comme pour tout homme engagée dans la guerre, les questionnement sur sa propre survie vont aussi le tourmenter mais en raison des coups de chance de Scott ; enfin, coups de chance, ce n'est pas la conclusion qu'il a tiré de son expérience de la guerre puisqu'il en est venu à croire que face aux dangers successifs qu'il a affronté, il ne s'en est sorti que parce que quelqu'un à coté de lui le protégeait. Je ne devrais pas le dire (pardon seigneur) mais cette partie m'a déjà moins convaincu parce qu'entre les prières exaucées (ce qui est présenté comme un miracle se produit au cours d'un vol que font Scott et le prêtre…) et les interventions successives du dit prêtre, on insiste un peu lourdement sur cette conversion de Scott.
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C'est surtout que si Dieu est son copilote, les japonais et en premier lieu le chef d'escadrille ennemi qui sera l'adversaire direct de Scott est lui montré comme un diable. L'ennemi juré de l'as américain est surnommé Tokyo Joe (interprété par Robert Loo). C'est un nisei, un japonais élevé en Californie et qui fit sa formation de pilote aux USA. Parlant donc parfaitement l'anglais, il ne cesse de provoquer les pilotes américains par radios interposés, or les dialogues entre ennemis prêtent à sourire…C'est à peu près du niveau de : Prends ça, sale jaune ! D'autre part, on ne se prive pas de montrer les pilotes japonais cracher le sang après avoir été atteint par les balles des chasseurs américains. Il parait que ces séquences ont été pourtant en partie coupées à cause de la violence qu'on y voyait…mais cette censure s'explique peut-être aussi par la sortie tardive du film (1945). Dans cette oeuvre de propagande caractérisée et presque sans options ; en dehors des combats aériens bien fichus, Robert Florey ne s'illustre pas particulièrement sauf dans une séquence nocturne joliment filmée : le retour inespéré de Scott ramené triomphalement par des paysans chinois qui parviennent à le récupérer après qu'il ai été abattu par l'ennemi très loin de sa base (un épisode fictif puisque le vrai Scott n'a jamais été abattu). On déplore encore quelques fâcheuses fautes de gout s'expliquant encore une fois par l'époque car les quelques séquences où l'ont voit le vieil employé noir de la famille Scott sont assez gênantes. Dans des petits rôles, on reconnait notamment Mark Stevens (membre d'équipage de Scott) et Charles Smith (le petit Rudy de The Shop around the Corner) est l'un de ses mécanos. En revanche, Dane Clark, le n°2 au générique disparait en réalité très vite. En dehors de celui réalisé par notre expatrié français, d'autres films américains ont montré l'escadrille des Tigres volants : le film du même nom réalisé par David Miller (DVD zone 2) et La pagode en flammes (China Girl) de Henry Hathaway. DVD gravé (VF)

Réalisation : Robert Florey / Production : Robert Buckner pour Warner Bros. / Scénario : Peter Milne et Abem Finkel d'après l'autobiographie de Robert L. Scott / Photographie : Sidney Hickox / Musique : Frank Waxman

Avec Dennis Morgan (le colonel Robert L. Scott Jr. , Dane Clark (Johnny Petach), Raymond Massey (le général Chennault), Alan Hale (Big Mike Harrigan), Andrea King (Catherine Scott), John Ridgely ('Tex' Hill), Robert Loo (Tokyo Joe) et Warren Douglas, Mark Stevens, Charles Smith

(1 Une escadrille démantelée, renommée autrement et intégrée à l'amée de l'air américaine à cette époque là mais de nombreux pilotes des Tigres volants avaient été intégré au 33ème groupe de chasse (au moins dans le film…)
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