Le Western américain : Parcours chronologique III 1955-1959

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Chip
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Chip »

Boetticher et Kennedy savaient raconter en 78 mn et sans moyen une histoire, qu'aujourd'hui nos cinéastes raconteraient en 120mn avec un budget double pour un résultat moins convaincant .
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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Jeremy Fox »

Chip a écrit :Boetticher et Kennedy savaient raconter en 78 mn et sans moyen une histoire, qu'aujourd'hui nos cinéastes raconteraient en 120mn avec un budget double pour un résultat moins convaincant .
Budget multiplié par 10 tu veux dire.

Même si je ne suis pas du tout du genre à dire que "c'était mieux avant" (tout au contraire), en l'occurence, ça me semble néanmoins vrai à ce propos précis. Et pourtant les "intrigues" des films de Boetticher (et non ses scénarios) auraient pu aussi accoucher de courts métrages car le cinéaste aime délayer et prendre son temps. C'est tout à fait paradoxal et étonnant quant on y pense. Il réalise des chefs-d'oeuvres avec trois fois rien.
pak
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par pak »

Ce que j'ai beaucoup aimé dans ce film, c'est l'écriture des personnages. Même si Randolph Scott fait à peu près ce qu'on attend de lui, ce sont surtout les rapports qu'il a avec le chef des bandits qui interpelle. Les bandits eux-mêmes sont loin d'être des cibles anonymes (effrayant Henry Silva). Enfin ce qui m'a marqué aussi c'est le personnage féminin, pathétique, introvertie, subtilement jouée par une Maureen O'Sullivan presque enlaidie, en tout cas peu attirante de premier abord : on est loin des filles de ranchers ou de saloons à fortes personnalités ou têtues comme pas une, habituées à vivre au milieu des hommes et à leur tenir tête.

Il y a un côté film noir dans ce western malgré l'environnement désertique écrasé de chaleur au lieu du pavé humide et des bas-fonds lugubres des grandes métropoles.

C'est avec ce film et Comanche Station que j'ai débuté la filmo de Budd Boetticher, et ça donne sacrément envie d'en voir d'autres !
Le cinéma : "Il est probable que cette marotte disparaîtra dans les prochaines années."

Extrait d'un article paru dans The Independent (1910)

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Jeremy Fox
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The Ride Back

Message par Jeremy Fox »

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La Chevauchée du retour (The Ride Back - 1957) de Allen H. Miner
UNITED ARTISTS


Avec Anthony Quinn, William Conrad, Lita Milan, Victor Millan
Scénario : Antony Ellis
Musique : Frank De Vol
Photographie : Joseph F. Biroc (Noir et blanc 1.37)
Un film produit par Robert Aldrich & William Conrad pour la United Artists


Sortie USA : 29 Avril 1957


Des shérifs véreux, couards, ou simplement peu héroïques, il y en a eu déjà beaucoup dans le genre, mais il s’agissait majoritairement, voire exclusivement, de seconds rôles. Lorsqu’un homme de loi était le personnage principal d’un western, avant le milieu des années 50, il fut la plupart du temps probe et droit, courageux et mentalement fort. Puis Randolph Scott, qui fit pourtant partie à maintes reprises de ces marshals solides et coriaces, ne supporta plus sa ville ‘grondante’ dans A Lawless Street (Ville sans loi) de Joseph H. Lewis, allant se terrer dans ses propres cellules pour y être à l’abri, ou bien Robert Ryan ne voulut pas avouer le début de sa cécité de peur d’être mis au placard dans le très bien nommé Le Shérif (The Proud Ones) de Robert D. Webb. Il y eut probablement quelques autres exemples mais c'est maintenant au tour de William Conrad dans cette Chevauchée du retour (une fois n’est pas coutume, mais belle traduction littérale du titre original) de nous mettre sous les yeux un portrait de shérif déprimé et mettant en doute toutes ses capacités professionnelles voire même personnelles. L’époque n’est décidément plus au manichéisme d’autant que dans ce même film signé Allen H. Miner et qui raconte l'histoire de ce shérif ramenant un meurtrier du Mexique aux États-Unis afin qu'il y soit jugé équitablement, le hors-la-loi n’est peut-être pas vraiment coupable des accusations qui pèsent sur lui (ou alors il a des arguments en sa faveur) et qu’il se révèle très bienveillant tout en cherchant très logiquement à échapper au procès qui pourrait lui être fatal. On ne se plaindra évidemment pas de cette évolution qui rend les personnages moins héroïques mais de ce fait à la fois plus humains.

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Chris Hamish (William Conrad), le shérif de Scottsville au Texas, part pour arrêter Roberto Kallen (Anthony Quinn) qui, un mois auparavant, avait fui sa ville au galop après avoir tué deux hommes. L’homme de loi a dans l’intention de capturer le meurtrier qui a trouvé refuge dans un petit village du Mexique, et de le ramener en ville pour qu’il ait un procès équitable. Il le retrouve assez facilement grâce au Père Ignacio dont la jeune cousine Elena (Lita Milan) s’est amourachée du hors-la-loi. Ce dernier assure à sa fiancée qu’il sera vite de retour, pensant aisément faire faux bond au shérif à la première occasion. Les voilà sur le chemin du retour, poursuivis par Elena qui ne veut pas lâcher son amant d’une semelle. Sur les ordres de Roberto qui ne veut pas l’entrainer dans un dangereux voyage, elle sera bloquée à la frontière par le ‘douanier’. Nos deux hommes finissent donc par entrer seuls sur le territoire américain où ils sont vite harcelés par quatre Apaches alcooliques et faméliques qui viennent de massacrer une famille de pionniers alentour. Seule une jeune fille (Helen Hope Monroe) a échappé à la tuerie ; Chris et Roberto décident de la prendre avec eux jusqu’à la fin de leur chevauchée au cours de laquelle ils continueront à être constamment pris pour cible par les Indiens. Malgré aussi les diverses tentatives d’évasion de Roberto qui a avoué à son compagnon d’infortune avoir commis les crimes dont on l’accuse en état de légitime défense, Chris met un point d’honneur à mener sa mission à bien ne serait-ce que, pour une fois, réussir quelque chose dans sa vie...

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L’acteur William Conrad faisait la voix du Marshall Matt Dillon dans le feuilleton radiophonique ‘Gunsmoke’ au début des années 50. Lorsque l’histoire fut déclinée en une série télévisée, considéré comme trop petit et pas assez svelte, le comédien n’obtint pas le rôle qu’il convoitait, l’imposant James Arness prenant sa place. Frustré, mais se souvenant d’un des épisodes écrit par Antony Ellis qui l’avait marqué et qui narrait les aventures d’un shérif adjoint forcé de rapatrier un meurtrier présumé du Mexique vers les États-Unis, il décide d’en produire une version cinématographique qu’il interprètera, fortement convaincu de la puissance dramatique de l’histoire. Il fait part de son projet à Robert Aldrich qui le trouve très intéressant mais pas au point de le réaliser lui-même ; néanmoins il décide de le coproduire et d’en confier la mise en scène à un ami n’ayant jusqu’à présent à son actif de réalisateur que des documentaires et quelques épisodes de séries pour la télévision après avoir été photographe durant la Seconde Guerre Mondiale. Il sera néanmoins assisté, sans qu’il ne soit mentionné au générique, par un fidèle collaborateur d’Aldrich, père du réalisateur Alan Rudolph, Oscar Rudolph. Avec des moyens très restreints mais avec l’aide d’autres familiers de Robert Aldrich (Frank De Vol à la musique, Joseph F. Biroc à la photo), Allen H. Miner nous livre un western très attachant, non dénué de faute de goûts mais au ton unique. Ce cinéaste méconnu ne réalisera durant toute sa carrière que cinq films (dont trois westerns) et travaillera surtout activement pour la télévision, signant multiples épisodes de diverses séries (La Quatrième dimension, Bat Masterson, Les Incorruptibles, Perry Mason…)

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Une petite ville de l’Ouest tout ce qu’il y a de plus banal dans laquelle la caméra de Miner arpente les rues à la poursuite d’un enfant jouant avec un pistolet en bois. Par touches très réalistes, l’on découvre dans le même temps les habitants vaquer à leurs occupations, le tout au sein de plans et de cadrages pas forcément classiques, la séquence se terminant par des coups de feu, un homme sortant précipitamment d’un salon de coiffure pour enfourcher un cheval, s’enfuyant à toute vitesse alors que l’on crie de partout ‘au meurtrier’, tandis que la caméra s’élève pour cadrer toute la petite ville en effeverscence au travers d'un beau plan d’ensemble en plongée. Puis le générique de se dérouler sur des images d’un shérif (dont on ne voit jamais le visage) se préparant à sortir après avoir établi un itinéraire de voyage alors que la voix du comédien Eddie Albert (autre membre de la famille aldrichienne, plus tard surtout célèbre pour avoir joué dans la série humoristique Les Arpents verts) chante la très jolie ballade qui rythmera le film. Un ton et un style immédiatement originaux pour ce western produit par le grand Robert Aldrich. L'histoire est d’une simplicité enfantine mais pleine de petits détails réalistes ou poétiques et riche en surprises, notamment concernant le caractère et l'évolution des deux personnages principaux. Le shérif (superbe William Conrad tout en retenue, n’ayant pas eu peur de se montrer mal rasé, mal vêtu et perpétuellement en sueur) est un homme qui n’a pas confiance en lui, qui dit avoir tout raté dans sa vie et qui n'aurait même pas réussi à se faire aimer y compris par sa femme : "I've never been a success at anything I tried to do. Anything I ever tried to do ever, failed. I've been a failure and that's all, a plain old failure. But I'm not going to be this time. I'm going to make this one. I'm going to do this right!" Un homme seul et dépressif qu'on voit pleurer à plusieurs reprises mais qui tente de retrouver l’estime de soi et de se revaloriser en faisant tout pour mener à bien une mission qu’on lui a confié. Un personnage vraiment attachant et peu courant dans le western, un antihéros poignant qui finira par éprouver pour son prisonnier, non de la haine mais de l'admiration et du respect.

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Le meurtrier, c’est Anthony Quinn qui venait juste de remporter l'Oscar pour Lust for life (La Vie passionnée de Van Gogh) de Vincente Minnelli, ce que l'affiche s'empresse de rappeler. Ici, il est une nouvelle fois admirable, tout à la fois charismatique et sobre dans la peau d’un hors-la-loi lui aussi très attachant, l'un parmi tant d’autres de ses plus beaux rôles. Il est un peu l’antithèse de son ‘geôlier’ puisque c’est un homme souriant, séduisant, sûr de lui (voire même un peu arrogant), aimé par tous ceux qui l’entoure et surtout adoré par une femme qui est prête à le suivre au bout du monde malgré les dangers ; le shérif ne peut que constater avec dépit la différence de tempérament entre eux deux et sa tristesse sera encore accentuée quand il verra que la jeune fille rescapée du massacre ira plus facilement se faire protéger par son prisonnier plutôt que par lui-même, censé pourtant être, de par son métier, un garant de la sécurité. A force de discussions amenant à la compréhension réciproque, malgré leurs immenses dissemblances, ils finiront par éprouver l'un pour l'autre une grande estime mutuelle. Dommage que les très rares autres seconds rôles (féminins principalement) ne soient pas aussi bien écrits et surtout qu'ils s'avèrent aussi moyennement dirigés : que ce soient Lita Milan ou la très jeune Helen Hope Monroe, elles arrivent à être agaçantes ou ternes par manque de talent dramatique. En revanche, le garde frontière mexicain est assez cocasse sans jamais être caricatural ; à noter que les auteurs n’ont pas souhaité traduire ni sous titrer les dialogues en espagnol pour que le spectateur se trouve dans la même position d’incompréhension que le personnage du shérif qui ne connait pas du tout la langue du pays dans lequel il se rend. Un élement qui renforce le réalisme de l’ensemble tout comme le fait de ne jamais filmer les indiens de près, placant une nouvelle fois le spectateur dans la même position que les protagonistes, n'arrivant jamais vraiment à connaître le menaçant ennemi.

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Ce western avant tout basé sur la psychologie de ses deux personnages principaux plus que sur l’action (les amateurs de films mouvementés risquent de rester sur leur faim), Allen H. Miner le filme avec beaucoup de modernité et d'originalité tout en restant assez modeste, créant ainsi par son formalisme maitrisé une atmosphère singulière loin d’être désagréable. A l’aide de cadrages, images et plans insolites très souvent justifiés, d’un noir et blanc somptueux, entièrement tourné dans de superbes décors naturels de Californie et du Mexique sous de magnifiques cieux nuageux, le film baigne dans une douceur assez rare dans le genre. La manière qu’à le cinéaste de filmer avec tendresse les petites gens (le mexicain et son bébé) nous rappelle à postériori les futurs films de Sam Peckinpah. Si The Ride Back possède quelques éclairs de violence, on ne peut pas dire que ce soit un film violent, bien au contraire ; délicat et sensible, il nous brosse le portrait riche en nuances de deux personnages antagonistes et nous fait participer à leur amitié naissante qui prendra tout son sens lors de la très belle dernière séquence. Le tout supporté par un score lui aussi peu banal signé par Frank de Vol : loin des envolées lyriques ou des canons hollywoodiens habituels, une guitare sèche, quelques bois et peu ou pas de cordes pour une musique insolite mais jamais gênante. Un ton inhabituel, une belle force émotionnelle pour un ensemble vraiment attachant à défaut d’être inoubliable par la faute d’un budget trop rachitique, de quelques ratés ou fautes de goûts et de seconds rôles très moyens. Une jolie surprise qui mérite de sortir de l'oubli dans lequel elle est tombée !
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cinephage
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par cinephage »

Ca m'a tout l'air d'un petit bijou assez peu connu, cette chevauchée du retour... Je me note ça quelque part... :idea:
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Rick Blaine »

cinephage a écrit :Ca m'a tout l'air d'un petit bijou assez peu connu, cette chevauchée du retour... Je me note ça quelque part... :idea:
Découvert il y a quelques jours, je suis parfaitement en phase avec ce que dit Jeremy. Effectivement, une petite perle méconnue qu'il serait dommage de ne pas voir.
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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Jeremy Fox »

En gros, qu'en pense Tavernier pour ceux qui auraient le DVD Sidonis ?
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par hellrick »

Rick Blaine a écrit :
cinephage a écrit :Ca m'a tout l'air d'un petit bijou assez peu connu, cette chevauchée du retour... Je me note ça quelque part... :idea:
Découvert il y a quelques jours, je suis parfaitement en phase avec ce que dit Jeremy. Effectivement, une petite perle méconnue qu'il serait dommage de ne pas voir.
Ca tombe bien je l'ai reçu cette semaine :D (mais pas encore visionné et ce ne sera pas pour toute suite avec les vacances)
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Rick Blaine »

Jeremy Fox a écrit :En gros, qu'en pense Tavernier pour ceux qui auraient le DVD Sidonis ?

Beaucoup de bien, je crois qu'il émet juste une réserve sur la fin, mais il dit également que Quinn la joue avec tant de sincérité qu'elle fonctionne tout de même. Il est assez dithyrambique sur les acteurs de manière générale.
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Jeremy Fox »

Rick Blaine a écrit :
Jeremy Fox a écrit :En gros, qu'en pense Tavernier pour ceux qui auraient le DVD Sidonis ?

Beaucoup de bien, je crois qu'il émet juste une réserve sur la fin, mais il dit également que Quinn la joue avec tant de sincérité qu'elle fonctionne tout de même. Il est assez dithyrambique sur les acteurs de manière générale.
Merci :wink:
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par xave44 »

Jeremy Fox a écrit :
Chip a écrit :Boetticher et Kennedy savaient raconter en 78 mn et sans moyen une histoire, qu'aujourd'hui nos cinéastes raconteraient en 120mn avec un budget double pour un résultat moins convaincant .
Budget multiplié par 10 tu veux dire.

Même si je ne suis pas du tout du genre à dire que "c'était mieux avant" (tout au contraire), en l'occurence, ça me semble néanmoins vrai à ce propos précis. Et pourtant les "intrigues" des films de Boetticher (et non ses scénarios) auraient pu aussi accoucher de courts métrages car le cinéaste aime délayer et prendre son temps. C'est tout à fait paradoxal et étonnant quant on y pense. Il réalise des chefs-d'oeuvres avec trois fois rien.
Totalement d'accord avec vous 2.
Tall T commandé ce matin avec 4 autres DVD Sidonis dont Willie Boy (Très curieux de le découvrir celui-là) et Cat Ballou.
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Re: The Ride Back

Message par pak »

Jeremy Fox a écrit :
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Convaincu et commandé, vais encore me faire pourrir parce que le budget vacances a été rogné par une chronique de Jeremy. :mrgreen:
Le cinéma : "Il est probable que cette marotte disparaîtra dans les prochaines années."

Extrait d'un article paru dans The Independent (1910)

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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Chip »

Un western comme je les aime. Voir aussi avec Quinn, tout aussi modeste et intéressant " Man from Del Rio " (1956) de Harry Horner, toujours inédit en France . Ce western à petit budget était parmi ses films, le préféré d' Anthony Quinn, sans doute parce qu'il y jouait un pistolero mexicain utilisé mais méprisé par les américains, l'inverse du Martin Brady de Robert Parrish .
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Jeremy Fox »

Chip a écrit :Voir aussi avec Quinn, tout aussi modeste et intéressant " Man from Del Rio " (1956) de Harry Horner, toujours inédit en France . Ce western à petit budget était parmi ses films, le préféré d' Anthony Quinn, sans doute parce qu'il y jouait un pistolero mexicain utilisé mais méprisé par les américains, l'inverse du Martin Brady de Robert Parrish .

Je note :wink:
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The Restless Breed

Message par Jeremy Fox »

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La Ville de la vengeance (The Restless Breed - 1957) de Allan Dwan
EDWARD L. ALPERSON PRODUCTIONS


Avec Scott Brady, Anne Bancroft, Jay c. Flippen, Jim Davis, Rhys Williams
Scénario : Steve Fisher
Musique : Edward L. Alperson Jr.
Photographie : John W. Boyle (Eastmancolor 1.85)
Un film produit par Edward L. Alperson


Sortie USA : Mai 1957


Peu de temps avant qu’Allan Dwan ne mette un terme à sa prolifique carrière, voici qu’avec ce plaisamment suranné The Restless Breed prend malheureusement fin son corpus de westerns, l’un des plus attachants qui ait été : ce que le fécond cinéaste aura réalisé dans le genre depuis le début des années 50 se sera révélé aussi discret que dispensateur de bonheur et de réjouissance. Aujourd’hui, tous ces films restent pour la plupart encore assez méconnus à l’exception de Silver Lode (Quatre étranges cavaliers) ; probablement à cause de leur trop grand classicisme et à leur absence totale d'ironie qui ne cadrent plus bien non seulement avec l'époque actuelle mais qui devaient déjà sembler anachroniques à la période de leur sortie. Il y eut tout d’abord sa série RKO / Républic qui ne manquait pas de charme avec les plaisants La Belle du Montana (Belle Le grand), Montana Belle et, pour point d’orgue, l’excellent La Femme qui faillit être lynchée (Woman they almost Lynched) ; puis ce fut le début de sa fameuse collaboration avec le producteur Benedict Bogeaus et le superbe et puissant Quatre Etranges Cavaliers (Silver Lode) suivi par Tornade (Passion) , curieux mais pas totalement abouti, le somptueux livre d’images qu’était le séduisant et naïf La Reine de la Prairie (Cattle Queen of Montana), et enfin le tendre et splendide Le Mariage est pour demain (Tennesse’s Partner) qui donnait à John Payne, Ronald Reagan et Rhonda Fleming peut-être leurs plus beaux rôles. Sans atteindre le niveau de cette dernière 'série' de films, notamment du point de vue plastique, le dernier western de Dwan mérite néanmoins qu’on lui donne une chance et qu’on le défende.

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L’avocat Mitch Baker (Scott Brady) apprend que son père, membre des services secrets américain, chargé de mener une enquête sur un trafic d’armes au profit de l’Empereur Maximilien, vient de se faire tuer par Ed Newton (Jim Davis), le chef du gang organisant cette contrebande. Mitch décide alors d’aller incognito venger son père en se rendant dans la petite ville du Texas à la frontière mexicaine où l’assassinat à eu lieu. Il retrouve la mission qui avait hébergé son père : elle est tenue par le Révérend non ordonné Simmons (Rhys Williams), le seul de la ville qui était au courant de la véritable profession de son père et qui veille assidument sur de jeunes orphelins métisses qu’il recueille ; parmi eux, la belle Angelita (Anne Bancroft) dont Mitch tombe immédiatement amoureux et qu’il peut séduire à son aise puisque Simmons a accepté de lui offrir le gite à son tour. Peu de temps après son arrivée, Mitch assiste à l’assassinat du shérif en place, le troisième à se faire descendre en l’espace seulement de deux mois, tous piégés par les complices de Newton commandés par le vil Cherokee (Leo Gordon). Il abat deux des meurtriers et du coup on lui propose de devenir l’homme de loi de la petite bourgade. Il refuse, n’ayant pas l’intention de rester en ville une fois ‘sa mission’ remplie. Un nouveau shérif vient prendre son poste, une vieille connaissance de Mitch, Steve Evans (Jay C. Flippen), qui n’est autre qu’un des meilleurs amis de son défunt père. Il critique violemment le désir de vengeance de Mitch et décide de prendre lui-même en charge l’enquête ; pour se faire, il doit révéler les intentions de Mitch aux habitants qui découvrent par la même occasion sa véritable identité et ses principales motivations. On lui demande alors de quitter les lieux…

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Un homme cherche à venger son père assassiné ; d’abord mal considéré par les habitants, il va faire retrouver la quiétude à la ville dans laquelle le meurtre s’était déroulé et où les shérifs ne faisaient pas long feu ; il va tomber amoureux de la protégée de son hôte et s’en faire aimer. A priori, rien de bien neuf : une intrigue tout ce qu'il y a de plus classique, vue et revue. Mais ce cinéaste discret n’a jamais vraiment cherché à être original ; c’est avant tout par la douceur de ton de ses films et par son humanisme qu’il s’est souvent démarqué de ses confrères westerniens. D’ailleurs dans The Restless Breed, personne n’ira dans le sens du vengeur, tous lui conseillant même de ne pas sombrer dans cette facilité peu glorieuse, ne lui procurant même aucune aide si ce n’est pour l’encourager à ne pas accomplir cette idée entêtante, à commencer par la jeune Angelita qui préfère le garder vivant ; comme de nombreuses femmes dans le genre, plus prosaïques que leurs compagnons (sans que ce ne soit nécessairement péjoratif), elle ne cherche pas à trouver de l’héroïsme dans l’homme qu’elle aime mais avant tout de la raison et de l'affection. Le shérif n’acceptera pas que le jeune homme se charge de tuer l’homme qu’il a désormais pour mission d’appréhender, estimant que ce serait hors-la-loi d’exercer lui-même sa propre justice ; lorsqu’il lui donnera son insigne au moment de mourir, il finira néanmoins par légitimer son action puisqu’elle aura alors lieu sous couvert de la loi. Avant d’avoir obtenu ce ‘laissez-passer’, le tireur d’élite aura sombré quelques jours dans l’alcoolisme, dépité de ne pouvoir être soutenu par quiconque (même parmi ses plus proches) dans son idée de vendetta. Une idée scénaristique vraiment intéressante et encore assez rare que de voir ce ‘héros’ pur et dur’ tomber aussi bas sous le regard même de la femme qu’il aime ; ce qui le rend du coup très humain comme déjà le fait de l’avoir surpris auparavant jouer au macho en séduisant Anne Bancroft sans aucune finesse, lui volant un baiser dès qu’il en avait eu l’occasion. On constate donc assez vite qu’au travers de cette banale histoire de vengeance, par quelques digressions bienvenues, Allan Dwan nous aura fait néanmoins réfléchir sur la loi, l’ordre, l’héroïsme et la justice tout en nous brossant le portrait de quelques personnages très attachants, surtout ceux joués par le vengeur Scott Brady et le Marshall Jay C. Flippen.

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Il est d’ailleurs étonnant que Phil Hardy parle de comédie dans sa notule à propos de ce film au sein sa ‘bible’ westernienne, car The Restless Breed est au contraire un film plutôt très sérieux. Ce n’est effectivement pas parce que nous assistons à quelques séquences mettant en scène de souriants enfants musiciens, à deux ou trois scènes de séduction assez cocasses ainsi qu’à une danse lascive et endiablée d’Anne Bancroft, que ce western peut raisonnablement être taxé de comédie. Les inquiétants Leo Gordon et Jim Davis sont d’ailleurs là pour nous rappeler que l’amusement n’est pas vraiment de la partie et que les gêneurs seront vite envoyés Ad Patres. Contrastant avec la relative douceur de l’ensemble, la sécheresse des quelques séquences de violence font toute leur réussite, que ce soit celles de l’assassinat des shérifs piégés par une ‘tenaille’ mise en place par les bandits, ou encore le gunfight final. A côté de ça, il est vrai que le reste est un peu naïf (sans que ce ne soit péjoratif) et détonne un peu à côté de la plupart des autres westerns sortis à peu près à la même époque ; mais c’est ce qui fait aussi son charme désuet. Il est par exemple clair que le générique final avec son défilé des comédiens qui apparaissent tour à tour derrière une fenêtre pourrait prêter à sourire ; mais on sent une telle sincérité de la part de toute l’équipe de s’être prêtée à ce 'petit jeu de la révérence' que la pilule passe très bien. Ce petit côté 'théâtral' colle même assez bien avec le fait que le film se déroule quasi intégralement dans un seul décor extérieur de studio, par ailleurs bien mis en valeur et surtout remarquablement bien utilisé ; Dwan n'avait pas son pareil quant il s'agissait de devoir se contenter de peu.

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La moquerie facile pourrait également très bien avoir lieu à l'encontre de la musique signée par le fils du producteur, le même compositeur qui était à l’origine du score d’une autre production de son père, L’Attaque de Fort Douglas (Mohawk) de Kurt Neumann : deux compositions emphatiques qui manquent donc singulièrement de finesse mais qui respirent l’enthousiasme du créateur et dont les mélodies répétées à satiété deviennent vite entêtantes au point de se surprendre à les attendre et à ne pas rechigner à les réentendre encore et encore. Ici, Edward L. Alperson Jr. a concocté trois chansons qui, remodelées et réorchestrées, forment un tout musical franchement plaisant, ne manquant ni de lyrisme ni de panache, mais qui, pour les multiples raisons évoquées ci-avant, pourra néanmoins certainement en agacer certains. On pourrait d’ailleurs décrire de la sorte une grande majorité des westerns de Dwan y compris ce dernier ; à l’exception des deux chefs-d’œuvre presque unanimement appréciés de la période Bogeaus (Silver Lode et Tennessee's Partner), les autres auront pu assez logiquement en rebuter un grand nombre par leur trop grand classicisme, leur trop grande candeur, éléments justement qui en enchanteront beaucoup d’autres, à commencer non seulement par moi mais également par son plus grand admirateur, Jacques Lourcelles. Parmi les petits plaisirs coupables disséminés ici et là, outre la danse d'Anne Bancroft et la gaieté communicative des jeunes métisses, on pourra encore trouver cocasse l'obsession 'd'espionnage' que semblent avoir eu les auteurs en faisant constamment écouter aux portes ou regarder par les trous de serrures deux de leurs personnages, l'indicateur lâche ainsi que le révérend, paraissant être jaloux qu'un autre que lui puisse jeter le dévolu sa fille adoptive.

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Si matière à ironie il y a et une fois admis qu’il s’agit d’un western mineur du cinéaste, ce dernier prouvait qu’il n’avait encore rien perdu de sa capacité à bien diriger ses comédiens : que ce soient Scott Brady (qui force une fois de plus la sympathie), la toute jeune Anne Bancroft ou encore Jay C. Flippen, ils sont non seulement très bons mais arrivent à rendre leurs personnages très attachants même si on regrette qu’Angelita soit un protagoniste manquant singulièrement de richesse dans l’écriture. Alors certes le film ne soutient pas la comparaison avec la série Bogeaus de par son budget encore plus étriqué (une rue en studio et presque seulement trois pièces au sein desquelles se déroulent l’intrigue : la mission, le saloon et l’hôtel) et sa photographie loin d’être du niveau de celles d’un John Alton par exemple, mais l’ensemble se suit néanmoins sans ennui et même avec grand plaisir. Il clôture cette série de westerns avec une grande cohérence dans le ton et les thématiques abordées, sorte de synthèse des films qui ont précédés, le mysticisme et la religion, certes discrètement, étant même de la partie (Mitch étant vu comme un archange par les enfants). Du point de vue de la pure mise en scène, c’est également très carré et professionnel, les cadrages, les placements et mouvements de caméra étant toujours parfaitement soignés, les séquences d’action bougrement efficaces. Un western nonchalant évidemment mineur, candide et suranné mais dans le même temps extrêmement doux et attachant, parfait exemple du sobre humanisme presque primitif de son auteur. Le Gunsliger vengeur et brutal, au contact de plusieurs personnes bienveillantes, verra son itinéraire moral positivement évoluer et en fin de compte tendre vers plus de sérénité et plus de compréhension. Vive les happy-end lorsqu’ils sont délivrés avec autant de sincérité !
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