Le Western américain : Parcours chronologique III 1955-1959

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Jeremy Fox »

Et je laisse une petite place ici pour 24 heures de terreur qui sort chez Sidonis en mai
feb
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par feb »

Où est Virginia Mayo ? T'es sur qu'elle joue dans le film ? :fiou: :mrgreen:
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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Jeremy Fox »

feb a écrit :Où est Virginia Mayo ? T'es sur qu'elle joue dans le film ? :fiou: :mrgreen:
:oops:

:fiou:

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feb
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par feb »

Voilà c'est mieux, les captures comme celles là ça ne sert à rien de les laisser sur le disque dur :mrgreen:
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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Jeremy Fox »

feb a écrit :Voilà c'est mieux, les captures comme celles là ça ne sert à rien de les laisser sur le disque dur :mrgreen:

Je note pour la prochaine fois :mrgreen:
Julien Léonard
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Julien Léonard »

Revu ce matin avec ma compagne, suite à la lecture de ta chronique. Un enchantement, à nouveau... Très beau western, très fort.

Le DVD de Sidonis est impeccable : belle définition, aucun scratch, aucun problème de stabilité, remarquable propreté, couleurs convaincantes (même si peut-être un peu pâle de temps à autres, mais rien de méchant)... Bertrand Tavernier n'est pas sur le DVD, ce qui doit en dire long sur ce qu'il pense du film (à moins que ce soit pour une autre raison). Patrick Brion revient sur le film, les acteurs, les filmographies de chacun... Sympa.
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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Jeremy Fox »

Julien Léonard a écrit : Bertrand Tavernier n'est pas sur le DVD, ce qui doit en dire long sur ce qu'il pense du film (à moins que ce soit pour une autre raison).

Western prévisible mais regardable écrit-il dans 50 ans...

Content que le film fasse une telle unanimité 8)
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Colqhoun
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Re: The Proud Ones

Message par Colqhoun »

Jeremy Fox a écrit :Le Shérif (The Proud Ones - 1956) de Robert D. Webb
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Je te fais confiance, j'ai commandé le dvd (z2).
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Jeremy Fox
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A Day of Fury

Message par Jeremy Fox »

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24 heures de terreur (A Day of Fury - 1956) de Harmon Jones
UNIVERSAL


Avec Dale Robertson, Mara Corday, Jock Mahoney, John Dehner, Carl Benton Reid
Scénario : Oscar Brodney & James Edmiston
Musique : Joseph Gershenson, Henry Mancini & Irving Gertz
Photographie : Ellis W. Carter (Technicolor 1.37)
Un film produit par Robert Arthur pour la Universal


Sortie USA : 01 mai 1956


Un dimanche matin de la fin du 19ème siècle, alors que les fous de la gâchette disparaissent au profit d'un monde plus civilisé... Sur le point de se faire tirer dessus par le meurtrier qu'il poursuivait, le Marshall Burnett (Jock Mahoney) est sauvé in-extremis par Jagade (Dale Robertson), un homme d’une habileté redoutable avec ses armes. Ce dernier avoue à l'homme de loi regretter son geste lorsqu'il apprend qu'il est sur le point de se marier le jour même avec son ex-maîtresse, Sharman Fulton (Mara Corday). Jagade laisse Burnett s'occuper de son cadavre et le devance en ville où son arrivée ne passe pas inaperçue. Un froid glacial s'abat sur les habitants ; la réputation de Jagade semble l'avoir précédée et certains paraissent déjà avoir eu à faire à lui. D’ailleurs, dès son arrivée, l'étranger se voit obligé de tuer un homme en état de légitime défense. Les notables, le comparant au diable, souhaitent le voir quitter la ville sans attendre, mais le shérif qui lui doit la vie ne fait rien dans ce sens. Se sentant alors avoir les coudées franches, Jagade semble vouloir rapidement régenter la trop paisible 'West End' ; il fait ré-ouvrir tous les commerces et envoie rechercher les prostituées afin de remettre de l'ambiance en ce dimanche trop paisible. Sharman vient le voir en cachette pour lui dire qu'elle accepte de revenir avec lui s'ils quittent la ville, pensant avant tout à la sécurité de la cité plutôt qu'à elle-même ; en effet, autrefois fille de mauvaise vie, elle ne cesse intérieurement de bénir les habitants d'avoir accepté de lui donner une chance de retrouver sa dignité en l'accueillant parmi eux malgré le fait que son ancienne vie ait été connue de tous. Mais Jagade paraît vouloir n'écouter personne et, dans une spirale provocatrice et suicidaire, va se mettre tout le monde à dos. Ressortiront néanmoins de cet ‘harcèlement’ et de la peur qui en aura découlée, la révélation des turpides, égoïsmes et violences enfouies chez chacun des citoyens, l'homme d'église (John Dehner) n'étant pas épargné…

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10ème des quatorze films que réalisera Harmon Jones, A Day of Fury fait partie de ces quelques westerns mettant en scène un homme inquiétant qui arrive dans une petite ville sans histoires et qui, par la peur qu'il engendre, va être le révélateur des bassesses, hypocrisies et turpitudes cachées sous le vernis de respectabilité des habitants de la bourgade, plus particulièrement chez les notables. Un postulat de départ qui accouche souvent de films captivants et extrêmement tendus, portant un regard souvent désabusé sur la nature humaine, les plus connus étant, même si les intrigues divergent quand même pas mal, Quatre étranges cavaliers (Silver Lode) de Allan Dwan ou, bien plus tardifs, Une Balle signée X (No Name on the Bullet) de Jack Arnold ou encore L’Homme des hautes plaines (High Plains Drifter) de Clint Eastwood. Le western d'Harmon Jones ne déroge pas à la règle, Dale Robertson trouvant un rôle à peu près similaire à ceux que tiennent Dan Duryea, Audie Murphy ou Clint Eastwood dans les trois films précités. Même si son scénario manque de rigueur dans sa dramaturgie et de nuances dans la description des personnages, même si la réalisation s'avère souvent assez quelconque, 24 heures de terreur mérite franchement de sortir de l'oubli dans lequel il est tombé. Rappelons brièvement la carrière du cinéaste qui lui aussi, sans que ce soit spécialement mérité, n'a laissé aucune traces dans quelconques anthologies ou histoires du cinéma. Avant de se lancer dans la réalisation en 1951, il fut un monteur plutôt bien coté qui a surtout travaillé pour des réalisateurs prestigieux tels Henry Hathaway (La Maison de la 42ème rue, 13 rue Madeleine), William Wellman (La Ville abandonnée), Joseph Mankiewicz (La Maison des étrangers) et surtout Elia Kazan (Boomerang, L'Héritage de la chair, Panique dans la rue). Sa filmographie en tant que cinéaste ne sera donc constituée que de 14 longs métrages dont le plus 'connu' (pour cause de diffusion télévisée principalement) est peut-être La Princesse du Nil, fantaisie orientale avec Debra Paget et Jeffrey Hunter.

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En 1953, Harmon Jones réalisa deux westerns avec Dale Robertson, The Silver Whip et City of Bad Men. Ce dernier, assez anodin au niveau de la mise en scène, était cependant loin d'être désagréable, grâce surtout à des situations originales et inédites : l'intrigue se déroulait alors qu'un match de boxe important allait avoir lieu, opposant James Corbett (le fameux Gentleman Jim interprété par Errol Flynn dans le chef-d’œuvre de Raoul Walsh) et Bob Fitzsimmons ; une proposition de départ déjà bien intrigante. Pour A Day of Fury, dont l'histoire est encore plus curieuse, Harmon Jones choisit pour la troisième fois Dale Robertson pour interpréter le personnage principal d'un de ses films après que la Fox ait bien voulu prêter son acteur à la Universal. Tant qu'à essayer de faire sortir le film de l'oubli, parlons également brièvement de ce comédien qui est également de nos jours tombé dans l'anonymat le plus complet, tout comme Jock Mahoney d'ailleurs qui aura lui aussi son tour de présentation : sans vouloir en faire des acteurs de génie, ils méritent tous deux plus de considération. Dale Robertson, à l’instar d’un John Payne, d’un Randolph Scott ou d’un Alan Ladd, est un acteur qui n’a quasiment jamais cherché à tirer la couverture à lui et dont beaucoup regretteront peut-être le manque de charisme. Pour ma part, appréciant la sobriété de jeu, il s’agit d’un comédien qui, sans jamais me surprendre comme les trois autres cités ci-dessus, recueille toute ma sympathie. Débutant sa carrière en 1948, il a tourné énormément de westerns et fut par exemple un protagoniste principal tout à fait convaincant dans Les Bannis de la Sierra (The Outcasts of Poker Flat) de Joseph M. Newman, Sitting Bull de Sidney Salkow ou City of Bad Men d’Harmon Jones. Mais c’est surtout à la télévision qu’il s’est fait connaître puisqu’il exerça ensuite son métier principalement pour la petite lucarne. Il fut le héros de séries qui n’ont pas toutes traversé l’Atlantique telles Le Cheval de Fer, J.J. Starbuck ou Tales of Wells Fargo. Nous avons pu le voir en revanche dans certains épisodes des plus célèbres Soap-operas des années 70/80, Dynastie et Dallas. Dans 24 heures de terreur, il ne se sort pas trop mal d’un rôle mystérieux et complexe, bien plus extraverti pour lui qu’à l’accoutumée, même s’il faut bien reconnaître que dans ce registre, il n’arrive pas à la cheville d’un Dan Duryea par exemple.

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Mais si l’anonymat de Dale Robertson peut à la limite se comprendre, il n’en va pas de même pour Jock Mahoney qui, à chacune de ses apparitions à partir du milieu des années 50, sans jamais en faire des tonnes (bien au contraire, d’une exemplaire sobriété), crève l’écran de par sa stature, son regard et sa démarche particulière, et notamment dans toute une série de westerns formidables signés Richard Bartlett (nous y reviendrons plus tard avec grand enthousiasme tant ils détonnent au sein de la production courante). On vit d’abord son nom aux génériques de multiples films de séries B voire Z sous ces différentes appellations : Jock Mahoney, Jock O' Mahoney, Jack Mahoney et même Jacques O ' Mahoney. De parents français et irlandais, il est né en 1919 à Chicago. Dans sa jeunesse il montre d’emblée de très grandes dispositions pour les sports de toute nature. Il participe à la Seconde Guerre Mondiale en tant que pilote et instructeur de vol dans le corps des Marines. Après sa démobilisation, il s’installe à Los Angeles où, tout en faisant l’élevage de chevaux, à défaut d’arriver à être acteur, il devient la doublure de très grandes stars de l’époque comme Errol Flynn, John Wayne, Randolph Scott ou Gregory Peck. C’est Charles Starrett qui voit le premier en lui des talents de cascadeur et de comédien et qui lui offre quelques rôles dans la série des Durango Kid pour la Columbia. Sa première cascade d’importance, il l’aura dans Les Aventures de Don Juan où il doublait Errol Flynn lors d’une séquence à haut risque. Après des dizaines de rôles de figuration durant le début des années 50 (notamment dans les westerns Columbia avec Randolph Scott), il obtient le deuxième rôle d’importance aux côtés de Dale Robertson dans le film qui nous concerne ici, A Day of Fury. Hormis les westerns de Richard Bartlett, il trouvera encore d’autres occasions de faire montre de son talent comme par exemple dans Duel dans la Sierra (The Last of the Fast Guns) de George Sherman. En 1958, il entame une série télévisée qui sera celle qui le fera le plus connaître au public américain, Yancy Derringer, et il tournera encore deux agréables Tarzan à la suite de Gordon Scott, ce qui le ‘vengera’ en quelque sorte d’avoir été préféré par Lex Barker pour succéder à Johnny Weismuller à la fin des années 40. Sa prestation de shérif peu loquace et d’une noblesse à toute épreuve dans A Day of Fury mérite à elle seule que l’on jette un œil à ce curieux western superbement dialogué (de multiples exemples tout au long des paragraphes suivants) et qui met en présence deux hommes aux comportements singuliers.

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A ma gauche, un Marshall intègre, ‘sans peur et sans reproches’, ne portant que très rarement une arme et ne débitant quasiment que des phrases ne dépassant guère cinq mots, plein de reconnaissance pour un trublion lui ayant sauvé la vie alors qu’il allait se faire tuer par un bandit, et de ce fait, prenant sa défense envers et contre tous, même lorsque son comportement devient dérangeant au risque de troubler la quiétude de sa ville ; à ma droite, son sauveur, bien plus volubile, l’un des derniers tireurs d’élite, ne trouvant ainsi plus sa place dans cet Ouest civilisé devenu trop sage pour lui et qui, dans un élan suicidaire, va vouloir mettre une petite ville sans dessus dessous, sans jamais déroger aux lois, uniquement par sa force de caractère et en provoquant ses habitants ("That man is a creature of hell. If he stays here, he'll turn this town into a hell" dit de lui le pasteur). Au milieu d’eux, une femme, ex-maîtresse de l’un et future épouse de l’autre, tiraillée entre son ancienne vie de courtisane et celle qui s’annonce, plus digne, de conjointe d’un homme de loi d’une noblesse à toute épreuve. "He spreads evil. He'll not only destroy us, he'll destroy the whole town" dira-t-elle à son tour de Jagade qu’elle a donc autrefois très bien connu. Reconnaissante envers les habitants qui lui ont redonné une chance de refaire sa vie, elle est prête à se sacrifier pour la tranquilité de leur ville en partant avec Jagade. Cependant ce dernier lui fait comprendre que dans n’importe quel endroit où ils se rendraient, ils ne se sentiraient pas à leur aise ni à leur place, les bonnes gens ne souhaitant tout simplement plus qu'ils subsistent ("There's no place for your kind. Civilization has come to the west. The good people! They made all the rules. You either live by 'em or you're driven out. And what they can't do with the fear of God, they do with a hired gun. Only they call him a marshal"). A Day of Fury aborde en même temps, et ce dès le texte mis en exergue à la fin du générique, la thématique de la fin d’un monde, la fin du vieil Ouest où régnait la loi du plus fort et où la rigidité des bourgeois, leur ‘dictature’ du bon goût et du ‘bien penser’, n’avaient pas encore percé. Car si Jagade n’est pas fréquentable, il démontrera à force de provocations que les ‘honnêtes citoyens’ peuvent ne l’être guère plus, non exempts d’idées rétrogrades, de pensées déplaisantes et de secrets inavouables. Avarice, lâcheté, violence démesurée, envies de meurtres : le portrait que nous brosse le très bon scénariste Universal Oscar Brodney de la civilisation en marche n’est guère reluisant, la respectabilité des notables bien pensants étant battue en brèche lorsque l’on se rend compte par exemple qu’ils vont chercher à l’extérieur ce qu’ils interdisent dans leur propre ville (la luxure entre autres) !

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En revanche, le héros positif de cette histoire est un personnage pour qui il ne doit guère être possible de ne pas éprouver de la sympathie, d’autant que c’est le seul homme que Jagade respecte par crainte de ne pouvoir le faire plier lui aussi ("Sans lui la ville serait à mes genoux"). Vêtu de noir jusqu’aux gants, il est l’archétype du shérif imperturbable et qui ne s’en laisse pas conter. Et effectivement, il n’écoute pas ses concitoyens lui demandant instamment de se débarrasser de l’homme qui lui a sauvé la vie. Non seulement il pense à juste titre lui être redevable mais il n’estime pas nécessaire d’entreprendre quoique ce soit à son encontre vu qu’il n’a pas encore vraiment bafoué la loi et que seules les rumeurs le transforment en ‘Bad Guy’. De plus, la zizanie que Jagade commence à semer en ville est quasiment faite en ‘collaboration’ avec les commerçants qui ne crachent pas sur l’argent qui leur est distribué pour aller à l’encontre de leurs valeurs habituelles, comme le travail dominical. Le Marshall préfère donc juger sur les faits plutôt que sur les on-dit, et décide de protéger la ‘brebis galeuse’ dans un premier temps malgré les grondements de la foule. Non seulement tolérant et patient mais tendre et compréhensible avec les femmes... sa femme. Aviez vous déjà eu l'occasion de rencontrer auparavant dans un western un homme aussi confiant et amoureux de sa épouse au point de lui dire "I'm sure of you even if you're not sure of yourself", au point ne rien lui reprocher quant il apprend qu’elle fut autrefois la maîtresse de Jagade et qu’elle vient de tenter de partir avec lui, même si c’était pour ‘la bonne cause’ ? Le shérif la rassurera et lui dira simplement en substance que tout le monde est susceptible de faire des erreurs, de prendre de mauvaises décisions, et que rien de ce qu'elle a pu faire n’est vraiment grave ; pas plus que 'la traîtrise' que les habitants lui reprochent désormais, lui tournant d’un seul coup le dos, souhaitant la bannir de leur cité. Un couple qui fait plaisir à voir d’autant que Mara Corday à qui le réalisateur octroie un personnage bien plus riche que la plupart de ceux qu’elle avait tenu auparavant (faisant office décoratif dans La Rivière sanglante de Nathan Juran ou dans Tornade sur la ville de Jack Arnold), montre enfin ses talents dramatiques en plus de son joli visage. Elle est rayonnante dans sa robe rouge de Saloon Gal dans la dernière partie du film, et l’image finale qui la voit reformer un couple aimant avec son colossal mari est d’une grande douceur, tout comme celle voyant le shérif l'emmener à l’hôtel après qu’elle ait été chassée par ses ex-protégés. Un couple d'époux amoureux convaincant et très touchant.

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Dommage alors que l’écriture de la plupart des autres personnages ne soit pas plus fouillée, manquant singulièrement d’épaisseur et de nuances au profit de l’efficacité, et que les auteurs aient également laissé trop de zones d’ombre non résolues. Ajoutez à ça un certain manque de rigueur dans l’avancée de la dramaturgie et nous avons parfois du mal à saisir les motivations des uns et des autres, à commencer par celles de Jagade, qui semblent dans l’ensemble non seulement obscures mais peu cohérentes. La complexité des comportements et réactions peut-être intrigante à condition que ce soit fait exprès et non (comme il m’a semblé être le cas) par oubli de boucler certains arcs dramatiques ; ce qui fait que le film n’arrive jamais vraiment à se hisser au-dessus de la très bonne série B (ce qui est déjà très bien ceci dit). On trouve aussi à deux ou trois reprises un discours moral et religieux un peu insistant et poussif. En revanche, le personnage du pasteur interprété par un excellent John Dehner, est très intéressant. C’est le premier à pousser ses concitoyens à la méfiance et même très vite à la violence, les stimulant par ses discours fanatiques enflammés à organiser un lynchage. Il se rendra ensuite compte grâce au Marshall qu’il est allé à l’encontre de sa vocation ("If you don't respect the cloth you're wearing, I won't either. You're inciting a lynch mob and I've got to stop you" lui dit l’homme de loi), en sera effrayé, tentant durant le reste du film de s’amender afin que ses concitoyens ne cèdent pas aux mêmes ‘démons’ que lui. Au sein de cette peu glorieuse galerie de personnages qui l'entoure, on trouve aussi une institutrice ‘coincée’, aux pulsions inavouables qui la conduiront à sa perte (la superbe séquence ‘en jeux d’ombres’ la découvrant morte est d’une rare puissance) ainsi qu’un jeune loup fasciné par le ‘Bad Guy’ et qui s’attache à ses basques malgré les brimades reçues, s’instaurant immédiatement son garde du corps.

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Casting bien choisi, idée de départ passionnante, intrigue bien menée et dialogues souvent de premier ordre ; c'est à certains moment un véritable feu d'artifice de punchlines et notamment les réponses lapidaires que fait Jock Mahoney à son entourage qui s’avèrent très souvent jubilatoires, tout comme la confrontation Mahoney/Robertson. Le fait que le Marshall soit mis en prison à la mi-film (pour avoir voulu empêcher un lynchage !?) et ne pouvant ainsi plus intervenir, vient augmenter la tension dramatique tout en étant dommageable, le superbe comédien n’apparaissant plus trop à l’écran durant une bonne vingtaine de minutes. Si les réalisations précédentes d’Harmon Jones m’avaient laissé plutôt indifférent, la précision des cadrages, du positionnement des comédiens à l’intérieur des plans, quelques trouvailles visuelles et sonores ainsi que la rigueur du découpage font que stylistiquement, sans génie cependant, A Day of Fury est une belle réussite également au niveau formel. On peut d’ailleurs s’en rendre compte très vite, dès les premières images de ce cavalier avançant au milieu d’un splendide paysage automnal, la seule séquence qui se déroule d’ailleurs à l’extérieur de la ville, 24 heures de terreur étant un western urbain. Le cinéaste a tourné son film dans une ville aux décors simples et sobres dont il arrive assez bien à faire un personnage à part entière tellement on a très vite l’impression d’en connaitre tous les recoins. Peu d’actions et d’extérieurs, beaucoup de dialogues pour un western pas entièrement abouti mais néanmoins plein de uspsnes et de tension ; en tout cas constamment captivant. Il aura eu de plus le mérite de soulever d’intéressants questionnements sur la fin de l'Ouest sauvage, l'avancée de la civilisation ou encore la peur de l'étranger et la violence qui peut en découler. Une passionnante découverte et somme toute une belle réussite ! Gageons que les multiples revisions le feront encore monter dans mon estime.
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Re: The Proud Ones

Message par AtCloseRange »

Jeremy Fox a écrit :
Colqhoun a écrit :Je te fais confiance, j'ai commandé le dvd (z2).

Je guette ta note ou (et) ton commentaire :wink:
Tu le survend un peu. c'est un bon western mais pour quelqu'un qui n'est pas un farouche amateur du genre, je ne pense pas qu'on puisse le considérer comme un incontournable. C'est pour ça que je ne trouve pas Tavernier si dur. Un peu sévère, oui mais pas à côté de la plaque non plus.
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Re: The Proud Ones

Message par Jeremy Fox »

AtCloseRange a écrit :
Jeremy Fox a écrit :

Je guette ta note ou (et) ton commentaire :wink:
Tu le survend un peu. c'est un bon western mais pour quelqu'un qui n'est pas un farouche amateur du genre, je ne pense pas qu'on puisse le considérer comme un incontournable. C'est pour ça que je ne trouve pas Tavernier si dur. Un peu sévère, oui mais pas à côté de la plaque non plus.
Je ne donnais que mon avis ; il est clair que je ne le place pas au même niveau que les Mann/Stewart ou les Boetticher/Scott. Mais je pense que c'est le genre de westerns adultes capable de plaire à un très grand nombre. Pour ma part, le comparant à High Noon avec qui il a beaucoup de points communs, je préfère de très loin le film de Webb, moins poseur, moins figé, ..., moins ennuyeux.
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par someone1600 »

Tiens je l'ai en dvd celui-la, mais pas encore regarder... je le programme pour cette semaine. :wink:
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Great Day in the Morning

Message par Jeremy Fox »

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L'Or et l'amour (Great Day in the Morning – 1956) de Jacques Tourneur
RKO


Avec Robert Stack, Virginia Mayo, Ruth Roman, Raymond Burr, Leo Gordon
Scénario : Lesser Samuels
Musique : Leith Stevens
Photographie : William E. Snyder (Technicolor Superscope 2.00)
Un film produit par Edmund Grainger pour la RKO


Sortie USA : 16 Mai 1956

Avec Great Day in the Morning, Jacques Tourneur met fin à sa petite carrière 'westernienne' puisque par la suite, que ce soit Frontier Rangers (1959) ou Mission of Danger (1960), ils n'auront initialement pas été tournés pour le cinéma ; ce seront en fait des longs métrages constitués de plusieurs épisodes de la série Northwest Passage (remake du film de King Vidor) et qu'il vaut mieux passer sous silence surtout pour les adorateurs du cinéaste. Si l'on ne prend pas non plus en compte ni Stars in my Crown ni Way of a Gaucho qui ne peuvent être considérés comme des westerns pour diverses raisons (de tonalité pour le premier qui est avant tout une chronique villageoise, une tranche d'Americana comme il est coutume de les nommer ; géographique pour le second dont l'action se déroule loin des USA, dans la pampa argentine), la filmographie de Jacques Tourneur n'aura été constitué que de quatre westerns. Et c'est surtout en comparaison avec deux des précédents que L'or et l'amour pourra légitimement décevoir car il est bien évident que ce dernier n'arrive pas aux chevilles du sublime Canyon Passage (Le Passage du Canyon) ni du superbe Wichita (Un Jeu risqué). Qualitativement parlant, il se situerait plutôt dans la mouvance de Stranger on Horseback ; deux westerns très intéressants et assez originaux mais souffrant de multiples faiblesses, surtout scénaristiques.

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Owen Pentecost (Robert Stack) est sauvé d'une attaque indienne par l'arrivée de Steven Kirby (Alex Nichol) et Zeff Masterson (Leo Gordon), deux hommes qui ont loués leurs services à Ann Alaine (Virginia Mayo) pour la conduire saine et sauve jusqu'à Denver où la jeune femme souhaite ouvrir une boutique de vêtements. Zeff regrette d'avoir porté secours à Owen lorsqu'il s'aperçoit que ce dernier est un Sudiste. En effet, nous sommes en 1861, la Guerre de Sécession est sur le point d'éclater et les tensions à gagner du terrain, hommes du Nord et du Sud se détestant cordialement. Mais le trio étant commandé par la jeune femme, tout le monde de se rendre à Denver sans le moindre soucis. Arrivé en ville, le pasteur (Reegis Toomey) les prient d'oublier le conflit civil qui se prépare. Le Colorado étant un état Nordiste, les quelques confédérés qui s'y trouvent sentent néanmoins que le danger qui pèse sur leur têtes est de plus en plus pressant. Ce sont pourtant eux qui exploitent les mines d'or alentours et ils ont la ferme intention de ne pas garder pour eux le métal précieux mais de le réserver pour la Cause. Plus que de l'ouragan historique qui se prépare, Owen semble plus se préoccuper de faire le joli coeur et de fanfaronner aux tables de jeux ; et d'ailleurs, il gagne aux cartes le saloon tenu par Jumbo (Raymond Burr) non sans avoir triché avec la complicité de Boston Grant (Ruth Roman), entraîneuse et ex-maîtresse de Jumbo qui souhaitait changer de patron. Il va ensuite trouver ses compatriotes et leur propose de les aider à faire sortir l'or de la région grâce aux carrioles qui faisaient partie du saloon et qui lui appartiennent désormais. Cependant, il ne fait pas ça gracieusement pour la cause confédérée mais espère bien récupérer un pourcentage au passage. Ce qui n'est pas du goût de Jack Lawford qu'Owen est obligé de tuer en état de légitime défense. Seulement, cet homme a laissé un fils d'une dizaine d'années qui arrivait justement en ville pour le retrouver ; Owen, avec l'aide de Boston, va se sentir obligé de le prendre sous son aile tout en lui cachant la vérité sur la mort de son père...

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Un curieux western qui débute à l'orée de la Guerre de Sécession et qui décrit les rapports tendus entre les deux futures forces en présence au sein d'une petite ville du Colorado, les deux camps se préparant secrètement mais activement au déclenchement impatiemment attendu des hostilités, avec des espions de part et d'autres jaugeants la situation : en voilà un postulat de départ historiquement alléchant et intéressant, tout comme les multiples idées, situations et personnages mis en scène au sein de cette intrigue assez riche. Seulement le scénariste ne fait qu'effleurer tous ces éléments sans jamais chercher à en approfondir aucun, reste contamment à la surface des choses, ce qui rend son écriture un peu lâche et moyennement captivante alors qu'il y avait matière à ce qu'elle le soit. Si le film est contamment plaisant et jamais ennuyeux (ce qui est déjà beaucoup et qui assure une partie de sa semi-réussite), il ne décolle jamais vraiment non plus faute donc principalement à un scénario explorant d'innombrables pistes sans jamais s'y appesantir. "Je l'ai complètement oublié celui-là. [...] Ce n'était pas très réussi. L'histoire était trop morcelée, trop décousue" disait d'ailleurs Jacques Tourneur en 1966 à propos de son film. Je ne peux que souscrire ce coup-ci à l'avis du cinéaste. Great Day in the Morning ne prend d'ampleur à aucun moment et aucun des comédiens n'arrive vraiment à prendre l'ascendant sur ses partenaires, le spectateur ayant ainsi du mal à éprouver de l'empathie pour qui que ce soit et surtout pas pour Robert Stack qui s'avère finalement assez terne et figé dans un rôle pourtant sur le papier très ambigu et par ce fait passionnant, un anti-héros aux multiples parts d'ombre. Un homme égoïste qui parait ne penser qu'au plaisir et à l'argent : "I don't belong to anyone except myself. Sure, I'm loyal. I've got an undying loyalty to myself and no one else, nothing else" avouera-t-il sans ambage. Autre curiosité que son postulat historique initial et l'ambivalence de son héros, L'or et L'amour, comme son titre français le résume assez bien, nous propose non pas un triangle amoureux mais non moins que trois ; non seulement Robert Stack papillone autour de deux femmes mais ces mêmes femmes ont chaucune deux prétendants.

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Robert Stack est donc courtisé par deux femmes : la pionnière commerçante qui, tout en lui trouvant beaucoup de charme, ne supporte pas son égoïsme, son cynisme et sa froideur, ainsi que la Saloon Gal qui, moins regardante, est prête à tout pour s'en faire aimer. Lors de la fameuse et superbe séquence de partie de cartes au cours de laquelle se joue l'établissement de jeu/saloon, alors qu'Owen doute de la probité de son adversaire, il demande à ce que les cartes soient battues et distribuées par une tierce personne. Boston, la chanteuse/entraîneuse, est choisie. Jumbo, le propriétaire actuel, se met alors d'accord avec elle pour qu'elle triche en sa faveur ; sûr de sa victoire, quelle n'est pas sa surprise quand il perd sur une carte tout ce qu'il avait ! Nous apprenons immédiatement après que non seulement Owen a gagné le tout (y compris la femme qui 'faisait partie des meubles' comme elle le dira elle-même) mais que ce n'était pas un hasard ; il est devenu propriétaire de l'établissement le plus juteux de la ville grâce à Boston qui avait 'renversé la triche' en sa faveur pour enfin se retrouver avec un nouvel amant/patron ! On devine bien à cette séquence (qui donne son titre original au film puisque c'est en une matinée qu'Owen aura fait fortune) l'ambiguïté et la modernité des personnages principaux surtout qu'Owen apprend cette tromperie sans jamais s'en offusquer ni la remettre en question. Ce n'est pas un personnage noble mais un profiteur qui est également prêt à aider ses 'compatriotes' sudistes mais à la condition de 'palper' au passage. Dommage que l'acteur (pourtant superbe tout de noir vêtu), possède aussi peu de charisme. On savait les talents dramatiques de Virginia Mayo assez limités mais que dire ici de sa prestation : l'actrice semble totalement éteinte et pas du tout convaincue par ce qu'on lui a donné à jouer ! Elle devait regretter de ne pas avoir accepté le personnage de Boston qui lui avait été initialement proposé et qu'elle avoua plus tard avoir trouvé bien plus intéressant que le sien qui, il est vrai, ne sert pas à grand chose et qui aurait pu être coupé au montage sans que ça n'ait de conséquences puisque dans le film de Tourneur, sa romance avec Alex Nichol (bien meilleur en shérif avec pour partenaire Maureen O'Hara dans Redhead of Wyoming de Lee Sholem) n'a guère plus d'intérêt que ses relations avec Robert Stack.

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Ruth Roman en revanche, dans la peau d'un personnage ayant beaucoup de points communs avec celui qu'elle tenait dans Je suis un aventurier (The Far Country) d'Anthony Mann, s'en sort bien mieux, énergique et pétillante à souhait ; il faut dire aussi que Boston est beaucoup mieux écrit qu'Ann et que son autre prétendant dans le film n'est autre que le 'Bad guy' principal, à savoir l'imposant Raymond Burr qui arrive lui aussi à tirer son épingle du jeu ainsi que le toujours mémorable Leo Gordon (avec ses inquiétants petits yeux bleus électriques) dans un rôle de second plan. C'est lui qui attise la haine de ses concitoyens envers les 'Rebs' et qui frappe même presque à mort l'un des siens pour avoir osé dire que Nordistes et Sudistes étaient frères. A noter que les auteurs ne prennent faits et causes pour aucun des deux camps, traitres et nobles héros se comptant dans chacun d'eux. Et même si certains pensent que la balance penche plutôt du côté des Confédérés (ce qui n'est pas faux), ça n'en est pas pour autant d'une grande originalité puisque des films autrement plus réussis tels Virginia City de Michael Curtiz, Fort Bravo de John Sturges ou The Raid de Hugo Fregonese étaient déjà passés par là. L'or et l'amour fait d'ailleurs parfois grandement penser au film de Michael Curtiz au travers des séquences de fuite de la ville avec les chariots remplis d'or ainsi qu'à un autre western signé John Farrow, Hondo. En effet, comme dans ce dernier, l'un des ressorts dramatiques de son intrigue est la prise sous son aile par le personnage principal d'un enfant dont il a dû tuer le père sans lui avouer de suite. L'enfant, c'est Donald MacDonald, assez bon comédien ; il nous l'avait déjà prouvé l'année précédente lorsqu'il jouait le fils de Burt Lancaster dans la première réalisation de ce dernier, L'Homme du Kentucky (The Kentuckian). Si l'interprétation déçoit en son ensemble par le fait que les seconds rôles s'avèrent dans l'ensemble plus convaincants que les têtes d'affiches, si le scénario paraît trop décousu et plein de trous, la réalisation en revanche emporte l'adhésion ; et ce, dès la première séquence de l'attaque de Robert Stack par les Indiens et jusqu'au final montrant la fuite des chariots transportant l'or destiné aux Sudistes, sans oublier la très efficace et tragique scène de la tuerie dans le saloon, l'homme d'église en faisant les frais. Tourné au sein de très beaux extérieurs bien mis en valeur, le film s'avère esthétiquement très plaisant à regarder.

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Des américains n'attendant qu'une seule chose, le déclenchement de la Guerre Civile ("The North and South are natural enemies - like husband and wife") ; des héros complexes mais pas forcément sympathiques ni très nets et qui garderont leur mystère jusqu'au bout ; des rapports assez ambigus entre chacun d'entre eux ; une fin inhabituelle, abrupte et innatendue d'autant que beaucoup de questions restent en suspens (est-ce un fait exprès ou les producteurs ont-ils effectués de sombres coupes au sein du montage initial ? Quoiqu'il en soit le résultat provoque son effet de surprise au risque d'en décontenancer ou d'en décevoir plus d'un alors que d'autres y verront un bien bel hymne à l'amitié par dessus les divergences politiques) ; des décors cocasses (le Saloon Jumbo entièrement décoré d'éléphants)... Dommage qu'avec de tels éléments ambitieux et à priori passionnants le scénario n'ait pas été mieux écrit, trop confus et trop riche pour sa durée, manquant de développement dans le caractère de ses personnages. On se consolera en regardant sans aucun ennui cette petite réussite signée Jacques Tourneur, le cinéaste ayant cependant mérité d'être un peu mieux entouré, même la musique ne présentant aucun intérêt, incapable que nous sommes de n'en retenir ne serait-ce qu'un seul thème. Comme ils avaient un temps été envisagés, Richard Burton ou Robert Mitchum en lieu et place de Robert Stack auraient peut-être fait la différence et permis au film d'être plus mémorable ?! En l'état, néanmoins loin d'être désagréable !
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Jeremy Fox
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Star in the Dust

Message par Jeremy Fox »

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La Corde est prête (Star in the Dust – 1956) de Charles Haas
UNIVERSAL


Avec John Agar, Richard Boone, Mamie Van Doren, Coleen Gray, Leif Erickson, Randy Stuart
Scénario : Oscar Brodney
Musique : Frank Skinner
Photographie : John L. Russell (Technicolor 2.00)
Un film produit par Albert Zugsmith pour la Universal


Sortie USA : 13 juin 1956


Star in the Dust est la première oeuvre du cinéaste Charles Haas dont la filmographie ne sera constituée que de huit films, les derniers étant surtout consacrés à la Beat Generation. Au final aucun titre de gloire à son actif, le western qui nous concerne ici étant considéré par beaucoup comme son meilleur film. Un western qui, s'il m'a un peu décontenancé à la première vision par certains choix incongrus de mise en scène, s'est un peu bonifié à la seconde par le fait d'avoir justement reporté mon attention sur l'intrigue et les personnages plus que sur le forme même du film qui peut de temps en temps prêter à sourire. Car si ce n'est évidemment pas honteux de chercher à être original (ce serait quand même un comble), certaines trouvailles peuvent néanmoins s'avérer ratées, ce qui est le cas ici concernant notamment la musique ; si le thème principal s'accordait assez bien avec le générique, lui injectant un sentiment de nouveauté par le fait de n'être interprété que par une guitare solo, le reste du travail de Frank Skinner est assez incompréhensible même si l'idée de départ était sans doute d'instaurer un climat original par l'intermédiaire d'une partition entièrement jouée par cette même guitare solo. Oublié ce détail néanmoins pénalisant, ce western pourra se déguster avec un certain plaisir ; c'est l'histoire d'un shérif allant passer la plus longue journée de sa vie par le fait de devoir garder un assassin dans sa prison jusqu'à ce qu'il se fasse pendre à la nuit tombée alors que dans le même temps deux groupuscules vont tout faire pour l'en empêcher ; d'un côté les éleveurs ont tout intérêt à le délivrer au risque sinon d'être dénoncés comme étant complices des meurtres, de l'autres les fermiers souhaitent de suite lyncher le meurtrier pour être certain qu'il n'échappe pas à sa sentence.

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Fin du 19ème siècle dans la petite ville de Gunlock où éleveurs et fermiers ne sont pas en très bon terme. Le Shérif Bill Jordan (John Agar) se réveille en sachant que la journée va être longue ; le soir, il doit faire monter sur l’échafaud le meurtrier de trois fermiers, le tueur à gages Sam Hall (Richard Boone). Tous les habitants font des paris sur la réussite de cette pendaison légale, la plupart estimant que l'homme de loi n'est pas à la hauteur de sa tâche, surtout en comparaison de son père qui l'avait précédé à ce poste et qui s'était fait une redoutable réputation par son intransigeance et son courage. Intègre jusqu'au bout des ongles, Bill prend beaucoup de risques en ne voulant pas déroger à l'heure de la pendaison qui doit se dérouler au crépuscule, une grâce présidentielle étant toujours possible au dernier moment. Ce qui n'est pas du goût des fermiers qui, voulant venger leurs trois morts, souhaitent lyncher l'assassin sans plus attendre de peur qu'il échappe à sa sentence. De l'autre côté, les éleveurs veulent faire une tentative pour le faire évader ; en effet, Sam a été payé par l'un d'entre eux pour accomplir son méfait et il donnera son nom si on ne vient pas le tirer de ce mauvais pas. Bill a des soupçons quant au véritable coupable de ces meurtres ; il pense au banquier (Leif Erickson) qui s'avère être en même temps le président de l'association des éleveurs. Mais il lui faut jouer serré puisqu'il s'agit du frère de sa fiancée, Ellen (Mamie Van Doren). De plus, il n'est soutenu dans sa tâche que par deux vieux adjoints ; il risque donc tout autant que celui à qui il souhaite passer la corde au cou de mal finir sa journée ...

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A priori, rien de bien original : d'un côté le sempiternel conflit entre éleveurs et fermiers mais cette fois-ci pour lyncher ou faire évader un homme ; de l'autre l'attente que la journée se termine pour le shérif et ses hommes afin de pouvoir emmener un assassin à la potence. L'intrigue, comme celle de High Noon (Le Train sifflera trois fois), est confinée en espace et en temps à une seule journée au sein d'une petite ville jusque là plutôt calme. Les enjeux sont à priori très simples et la tension monte tout à fait logiquement au fur et à mesure de l'avancée de la journée qui doit se terminer par au moins un mort annoncé. Mais Oscar Brodney est un très bon scénariste ; il arrive à nous surprendre par la multiplication des personnages qu'il met en avant, par les liens qu'ils entretiennent entre eux et, comme souvent chez lui, par une richesse encore plus grande dans la description des personnages féminins ; ici pas moins de trois ! Rappelons nous qu'Oscar Brodney était déjà l'auteur de très amusantes comédies westerniennes : La Belle aventurière (The Gal who Took the West) de Frederick de Cordova avec Yvonne de Carlo et surtout le très bon La Femme sans loi (Frenchie) de Louis King avec Shelley Winters. Il participa même au scénario d'un des plus beaux biopics hollywoodiens, celui consacré à Glenn Miller avec Romance inachevée (The Glenn Miller Story), James Stewart tenant le rôle-titre, ainsi qu'au très bon Capitaine Mystère (Captain Lightfoot), film d'aventure passionnant avec Rock Hudson et signé Douglas Sirk.

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Dans La Corde est prête, il brosse trois portraits de femmes très intéressants. Celui de la fiancée du shérif qui n'est autre dans le même temps que la sœur de l'éleveur qui a payé le tueurs à gages (on imagine les tiraillements pour l'homme de loi ; devoir arrêter un homme au risque de perdre sa dulcinée qui aurait ainsi à choisir entre les deux 'hommes' de sa vie) ; celui de la femme d'un autre éleveur à qui on fait croire que c'est son mari qui a versé la somme au meurtrier et qui se sent du coup obligé d'aider à la délivrance de ce dernier pour ne pas que son époux soit inquiété ; et enfin celui de la fiancée du meurtrier, prise en pitié par le shérif qui ne lui en veut aucunement, disant à qui veut l'entendre que si ses parents n'avaient pas été si stricts dans son éducation, elle ne serait pas tombée amoureuse du premier homme à lui sourire, en l’occurrence un dangeureux 'gunsliger'. Ces trois femmes sont interprétées par, respectivement, Mamie Van Doren, Randy Stuart et Coleen Gray, toutes trois ma foi fort convaincantes, Randy Stuart en tête. Belles relations également entre les femmes puisque, même si se situant par la force des choses dans deux camps différents, elles seront toutes compréhensives les unes envers les autres. De ce point de vue, c'est très réussi dans l'écriture même si le temps a manqué au scénariste pour creuser plus en profondeur. Nous aurions par exemple apprécié que le touchant personnage interprété par Randy Stuart soit plus développé.

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Il en va de même pour quelques personnages masculins dont le shérif interprété par le comédien John Agar qui fut auparavant l'un des héros de La Charge héroïque (She Wore a Yellow Ribbon) de John Ford, le Lieutenant Cohill, le prétendant dans ce chef-d'oeuvre de la jolie Joanne Dru. Pas très charismatique me direz-vous ! Mais c'est avant tout le rôle qui veut ça ; il s'agit d'un jeune homme que l'on n'arrête pas une seconde de comparer à son père qui avait un ascendant beaucoup plus fort sur ses concitoyens de par son intransigeance et son caractère bien trempé. Son fils, qui a pris sa suite en tant que shérif, est un homme généreux, noble et d'une probité à toute épreuve (il s'infligera lui-même une amende estimant avoir troublé l'ordre public) mais à qui personne ne semble faire confiance, trop naïf selon eux au point de croire qu'avec seulement l'aide de deux 'bras cassés' il pourra contrer deux groupes opposés bien déterminés à empêcher que sa mission réussisse. C'est un homme qui doute et qui aimerait retrouver un peu d'estime en prouvant à ses concitoyens qu'il peut lui aussi faire bien son métier. Si certains trouveront donc l'interprétation de John Agar un peu terne, elle me semble au contraire assez juste ; celle de Leif Erickson dans le rôle de son ennemi se révèle tout aussi convaincante et les seconds rôles ne sont pas en reste (de Richard Boone à Paul Fix en passant par Henry Morgan et même Clint Eastwood le temps de quelques secondes en tout début de film). Bref, un scénario efficace avec une intrigue criminelle assez captivante, et une bonne interprétation d'ensemble pour un western de série B assez attachant. Dommage que certains choix de mise en scène soient aussi saugrenus, empêchant à de nombreuses reprises au film de prendre son envol ; peut-être pour pallier au manque de budget (visible quant à lui sans être rédhibitoire). L'idée de faire interpréter la musique par une seule guitare sans orchestration et de la faire jouer durant les moments les plus dramatiques ou les plus mouvementés, casse toute émotion, puissance ou ampleur, ce qui rend certaines séquences presque involontairement comiques comme celle du combat à poings nus dans la salle de classe entre le shérif et l'instituteur. Le final est en partie gâché par des plans du ciel en studio absolument pas raccords avec le reste de la séquence. Quant au 'ménestrel' venant à tout bout de champ commenter l'intrigue avec toujours la même agaçante rengaine, on s'en serait également bien passé.

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Ceci dit, ce western est finalement assez plaisant à suivre d'autant qu'il est plastiquement assez réussi. La photographie possède un rendu crépusculaire assez inhabituel et loin d'être désagréable et les décors de la petite ville sont parfaitement bien filmés, que ce soit en extérieur (superbe premier plan de la ville endormie avec le chien qui traverse la rue) ou en intérieur (le bureau du shérif et sa prison à l'étage, les innombrables tableaux aux murs, les différentes habitations des protagonistes féminins, les boutiques... ). Beaucoup de petits détails à priori insignifiants font que ce petit microcosme semble bien vivant comme ces discussions du début sur l'emplacement où monter la potence. En quelques minutes et quelques plans (la rue vide au petit matin ; le shérif qui se réveille tout habillé ; les 'ouvriers' amenant les éléments de l'échafaud à construire ; le prisonnier regardant tout ceci de sa cellule), Charles Haas nous aura fait espérer bien mieux que le résultat final qui se révèle néanmoins tout à fait honorable malgré aussi une fin assez décevante. On peut juste déplorer que tout le film ne soit pas du niveau de son atypique entrée en matière qui nous aura fait comprendre en quelques secondes et avec une sobriété exemplaire quels allaient être les complexes enjeux de son intrigue. Le rigoureux scénario réussit également le tour de force d'être limpide malgré les multiples personnages et les liens pas toujours évidents qui les unissent. Malgré quelques afféteries et choix de mise en scène fort discutables, et sachant pertinemment qu'il n'atteindra jamais des sommets, il est fort à parier que ce western gagnera à être revu.
Doc Boone
Stagiaire
Messages : 38
Inscription : 16 nov. 12, 21:13

Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Doc Boone »

Pour rattraper mon retard, j'ai dévoré ces dernières chroniques ...
J'ai effectivement retrouvé tout ce que j'avais aimé dans "The Proud Ones", pas survendu, à mon avis ; pas incontournable pour qui n'est pas un inconditionnel du genre, peut-être, mais un western très plaisant, et qui remplit bien sa fonction première, divertir, avec même un petit +
Merci pour "Great Day in the Morning", que je n'ai jamais vu.
Et bravo aussi pour "Star in the Dust" ; voilà un film très bien décrit, une fois encore.
J'en partage le ressenti, tant sur l'interprétation de John Agar (comme Jeffrey Hunter ailleurs), que sur les autres points.
J'ai bien aimé aussi le rôle d'Orval Jones (James Gleason), le vieux concierge qui, en quête de reconnaissance, veut devenir adjoint, ou celui de Richard Boone, dont je n'ai pas réussi à savoir s'il n'était pas davantage développé, faute de 'place', tant il y a de choses à traiter, ou pour laisser le spectateur se construire lui-même une idée du personnage grâce aux indications parsemées à chacune de ses apparitions (citant Shakespeare, ses dernières volontés concernant la jeune femme qui l'aime et la cagoule pour l'exécution ... etc.), de bons dialogues, quelques détails assez originaux (la marche qui couine, dont on s'attend à ce que ... et qui finalement ... ) -pas facile de parler d'un film sans 'spoiler' ... c'est un métier ... aussi le pourquoi j'apprécie ces rubriques !
Et il y en a encore de sacrés bons (films, et bonnes -j'anticipe- chroniques) à venir ...
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