Le Western américain : Parcours chronologique III 1955-1959

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Rick Blaine
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Re: Terror in Texas Town

Message par Rick Blaine »

Loin de le porter au nues, j'av'ais souvenir de m'être tout de même moins ennuyé que ça devant ce film, même s'il est vrai que mis à part une scène marquante, je n'en ai finalement rien retenu.
Jeremy Fox a écrit :(oserais-je dire "comme souvent avec ce scénariste pourtant réputé ?")
Tu veux dire de manière générale, ou pour certains genre. Car tout de même, il y a de belles choses dans sa filmo (même si la problématique de la liste noire fait qu'on ne connais pas le niveau exact de ses contributions.)

Dans le film noir, il est censé avoir collaboré au Rôdeur, aux Frères Rico, à Menaces dans la nuit, où l'écriture est une force, notamment pour les deux premiers cités, dans le Peplum nous avons Spartacus, qui est tout de même une des plus belles réussites du genre (et par ailleurs le seul Kubrick que je défends sans réserves), et même dans le western, on le retrouvera sur El Perdido que je trouve plutôt réussi scénaristiquement.
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Jeremy Fox
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Re: Terror in Texas Town

Message par Jeremy Fox »

Rick Blaine a écrit :Loin de le porter au nues, j'av'ais souvenir de m'être tout de même moins ennuyé que ça devant ce film, même s'il est vrai que mis à part une scène marquante, je n'en ai finalement rien retenu.
Jeremy Fox a écrit :(oserais-je dire "comme souvent avec ce scénariste pourtant réputé ?")
Tu veux dire de manière générale, ou pour certains genre. Car tout de même, il y a de belles choses dans sa filmo (même si la problématique de la liste noire fait qu'on ne connais pas le niveau exact de ses contributions.)

Dans le film noir, il est censé avoir collaboré au Rôdeur, aux Frères Rico, à Menaces dans la nuit, où l'écriture est une force, notamment pour les deux premiers cités, dans le Peplum nous avons Spartacus, qui est tout de même une des plus belles réussites du genre (et par ailleurs le seul Kubrick que je défends sans réserves), et même dans le western, on le retrouvera sur El Perdido que je trouve plutôt réussi scénaristiquement.
En allant revoir sa filmo, je me rends compte avoir sacrément exagéré même si je lui ai souvent trouvé la main lourde, à commencer par son propre film. Mais j'aime énormément tous les films cités ci-dessus ainsi que par exemple Vacances romaines. Bref, je crois que je vais éditer même si je pense également que je n'apprécie que moyennement Seuls sont les indomptés aussi à cause du scénario. :oops:
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Rick Blaine
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Rick Blaine »

Ah oui, Vacances Romaines est également magnifique, j'adore ce film!

Je pense qu'il a parfois eu la main lourde effectivement, qu'il s'est raté sur certains films, mais pour moi sa filmo contient tout de même quelques très bons films qui en font un scénariste capable de grandes choses.
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Jeremy Fox
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Apache Territory

Message par Jeremy Fox »

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La Chasse aux visages pâles (ApacheTerritory - 1958) de Ray Nazarro
COLUMBIA


Avec Rory Calhoun, Barbara Bates, John Dehner, Carolyn Craig
Scénario : Charles R. Marion, George W. George & Frank L. Moss d’après une histoire de Louis L’Amour
Musique : Mischa Bakaleinikoff
Photographie : Irving Lippman (1.85 Eastman Color)
Un film produit par Rory Calhoun & Victor M. Orsatti pour la Columbia


Sortie USA : 01 septembre 1958


L’aventurier Logan Cates (Rory Calhoun) traverse le territoire Apache pour rejoindre Yuma. Témoin de la probable attaque de trois cavaliers par une bande d’indiens, il tire des coups en l’air afin d’avertir les trois hommes du danger. Reste un seul survivant, Lonnie (Tom Pittman), qu’il emmène avec lui, ainsi qu’une jeune fille trouvée dans un fourré, s’y étant cachée après que le reste de sa famille ait été massacrée. Toujours poursuivi par les Apaches, le trio nouvellement constitué se réfugie derrière une anfractuosité rocheuse où se trouve un point d’eau. Puis les rejoint un couple dont la femme était une ancienne maitresse de Logan ainsi qu’une troupe de soldats rescapés d'une patrouille décimée. Ils sont bientôt tous assiégés, sur le point de n’avoir plus de nourriture ni d’eau…

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La Chasse aux visages pâles -titre belge, le film n’ayant jamais été projeté en France- fait partie de cette catégorie de westerns que l'on pourrait qualifier de survival dont une grande partie -très souvent la deuxième moitié- se déroule en vase clos alors qu’un groupe se retrouve confiné dans une église, un chalet, un relais de diligence ou encore comme ici une anfractuosité rocheuse en plein milieu du désert. Ces hommes et femmes ainsi réunis doivent souvent lutter contre un ennemi qui fait le blocus à l'extérieur et parfois même, dans le même temps, gérer les conflits et les tensions qui le gangrènent de l'intérieur. Parmi les réussites issues de ce types de scénarios 'Lost Patrol' au cours desquels le suspense doit être grandissant au fur et à mesure de l'avancée de l'intrigue, on trouvait déjà L'Attaque de la malle poste (Rawhide) de Henry Hathaway, Le Relais de l'or maudit (Hangman's Knot) de Roy Huggins, Les Bannis de la Sierra (The Outcasts of Poker Flat) de Joseph Newman, sans oublier Quand les tambours s'arrêteront (Apache Drums) de Hugo Fregonese. Mais il s'avère qu’en règle générale, il n'est pas du tout évident de capter l'attention du spectateur tout au long de ces huis clos westerniens ; il doit impérativement y avoir un scénario et des dialogues bétonnés sous peine de voir rapidement pointer l'ennui. De grands noms comme André de Toth, Gordon Douglas ou Robert Wise n'y ont malheureusement pas échappé mais leurs semi-ratages sont sans commune mesure avec ce que Ray Nazarro nous donne à voir pour son dernier long métrage pour le cinéma.

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Ce réalisateur fut probablement avec Lesley Selander et quelques autres artisans hollywoodiens l’un des plus prolifiques cinéastes à œuvrer dans le genre durant les années 40 et 50, capable de réaliser jusqu’à treize films dans la même année ! Né à Boston, il débuta sa carrière au cinéma à l’époque du muet, dirigeant alors de nombreux courts métrages. A partir de 1945 il travailla exclusivement pour la Columbia à qui il fournit de la matière pour ses premières parties de séance, presque exclusivement des westerns de séries B ou Z. A l’occasion de la découverte du très plaisant Top Gun, l’un de ses derniers films, réalisé en 1955, j’écrivais que seule une infime partie de l’iceberg filmographique du cinéaste nous était encore aujourd'hui connue, mais qu’au vu de la réussite que constituait ce titre, sa filmographie mériterait d’être creusée un peu plus ; car si probablement une majeure partie de sa production devait être constituée d’œuvres plus ou moins médiocres, il existait sans doute autant de probabilités pour que quelques films sympathiques s’en dégagent. Ce fut effectivement le cas avec La Folie de l’or (Cripple Creek) alors que dans le même temps certains autres titres furent de véritables calvaires comme par exemple La loi du colt (Al Jennings of Oklahoma).

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C’était néanmoins sans commune mesure avec ce très mauvais Apache Territory qui reprend tous les clichés et situations décrites plus haut pour ce genre d’intrigue sans que les trois médiocres scénaristes n’arrivent à tirer quoi que ce soit de nouveau ou ne serait-ce que seulement captivant, intéressant ou tendu. Certains amateurs mettront certainement en avant l’idée du ‘changement de chaussures’, celle des ‘gourdes-bombes’ ou encore ‘le suspense de l’iguane ou monstre de Gila’, sauf que si effectivement ce sont des situations encore jamais vues dans le domaine du western, le résultat à l’écran n’a strictement aucun intérêt quand il n’est pas totalement ridicule à l’image de ces pétards que représentent les grenades artisanales lancées par nos 'héros' sur les indiens. Une histoire pourtant écrite par le fameux spécialiste Louis L’amour mais qui se transforme sous les mains des auteurs du scénario en un long et ennuyeux huis-clos en extérieurs aux personnages 'ectoplasmiques'.

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Le manque de moyens n’est pas une excuse pour ce ratage totalement inconsistant puisque l’on sait très bien qu’en d’autres occasions d’infimes budgets ont pu aboutir à quelques chefs-d’œuvre du cinéma. Et quel dommage de voir que des comédiens aussi talentueux que John Dehner ou Leo Gordon se soient fourvoyés dans un tel navet ; rien n’en ressort, pas plus que de leurs partenaires dont un Rory Calhoun qui, aussi sympathique soit-il et également co-producteur du film, prouve à nouveau qu’il n’a pas l’étoffe d’un Randolph Scott, Audie Murphy ou John Payne pour faire oublier la pauvreté de l’ensemble. Nous jetterons un voile pudique sur les deux comédiennes peu gâtées par l’écriture de leurs personnages et notamment Carolyn Craig d’une pénible 'nunucherie'. A signaler que la musique du film –grève des compositeurs oblige- est constituée de plusieurs thèmes d’autres westerns Columbia dont 3.10 pour Yuma. Sauvons quelques beaux extérieurs assez peu vus dans le genre ; pour le reste, on préfèrera se féliciter que la durée du film n’ait pas excédé 68 minutes et l’on se reportera plutôt sur, dans le même style, le très bon Dakota incident (Guet-apens chez les sioux) de Lewis R.Foster.
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Jeremy Fox
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Ride a Crooked Trail

Message par Jeremy Fox »

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L'étoile brisée (Ride a Crooked Trail - 1958) de Jesse Hibbs
UNIVERSAL


Avec Audie Murphy, Walter Matthau, Gia Scala, Henry Silva, Leo Gordon
Scénario : Borden Chase
Musique : Stanley Wilson
Photographie : Harold Lipstein (Technicolor 2.35)
Un film produit par Howard Pine pour la Universal


Sortie USA : Septembre 1958


Une poursuite à cheval, ventre à terre. Le poursuivant, alors qu’il va appréhender le fuyard, glisse accidentellement et s’écrase au fond d’un ravin. Le bandit Joe Maybe (Audie Murphy) récupère alors la monture et les affaires du pauvre bougre décédé qui n’était autre que le Marshall Jim Noonan, connu pour son étoile à laquelle il manque une pointe (d’où le titre français). En arrivant à Webb City, le juge Kyle (Walter Matthau) qui a appris par télégraphe l’attaque d'une banque commise par un certain Maybe dans une ville voisine, lui demande son identité ; alors que le cambrioleur est sur le point de s’enfuir croyant être reconnu, le juge aperçoit l’étoile brisée dans la sacoche de l'étranger et le prend alors pour le célèbre homme de loi. Une aubaine pour Maybe qui se prend au jeu et se fait alors passer pour Noonan d’autant que ça ne le dérange pas de rester sur place ; en effet, il a dans l’idée de s’en prendre dès que possible à l’établissement bancaire du lieu. Mais il n’est pas le seul sur le coup puisque Tessa (Gia Scala) arrive en reconnaissance pour la bande de son amant, l’inquiétant Sam Teeler (Henry Silva). Afin que son identité reste secrète puisque Tessa le connait très bien (elle fût son ancienne maîtresse), Maybe la fait immédiatement passer pour son épouse. Un orphelin recueilli par le juge, à la demande de ce dernier qui pense qu’un enfant a besoin de parents, s’installe chez le couple. Tessa et Joe se prennent immédiatement d’affection pour le jeune Jimmy (Eddie Little), plus mature que tous les adultes qui l’entourent. Sacré dilemme pour notre sympathique bandit : se ranger ou poursuivre cette mascarade pour cambrioler la banque ?

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Au sein de la courte filmographie de Jesse Hibbs (seulement douze films), L’étoile brisée arrive en toute fin, le cinéaste mettant à cette occasion, avec son acteur de prédilection en tête d'affiche, un terme à sa carrière cinématographique. C'était ce cinéaste qui, deux ans plus tôt, avait réalisé Walk the Proud Land (L’Homme de San Carlos) avec déjà Audie Murphy (qui tournera six fois avec le réalisateur), généralement plutôt bien accueilli à l’époque du fait qu’il s’agissait d'un western pro-Indien assez inhabituel par sa quasi-absence d'action et la non violence de son héros principal. Sans atteindre des sommets, il s'agissait d'une honorable réussite. L’année précédente, Jesse Hibbs avait mis en scène le comédien alors qu’il interprétait son propre rôle dans un film basé sur sa vie de soldat et de héros de la Seconde Guerre mondiale, L'Enfer des hommes (To Hell and Back). Avant de passer derrière la caméra, Jesse Hibbs fut footballeur avant de devenir assistant réalisateur auprès, entre autres, de John Ford et Anthony Mann. Dans le domaine du western, il avait débuté par le très plaisant Chevauchée avec le diable (Ride Clear at Diablo) qui voyait la rencontre jubilatoire entre Audie Murphy et Dan Duryea. Puis ce fut, avec John Payne, Seul contre tous (Rails into Laramie), avant qu'il ne tourne Les Forbans (The Spoilers), une cinquième adaptation du célèbre roman de Rex Beach avec le duo Rory Calhoun/Jeff Chandler, une version assez terne surtout si on la compare avec celle de Ray Enright qui mettait en scèneun duo de stars bien plus prestigieuses, John Wayne et Randolph Scott. Si la critique a toujours fait la fine bouche vis-à-vis du réalisateur, son petit corpus westernien nous a pourtant octroyé, à défaut de grands films, des oeuvres pour la plupart très divertissantes ; c'était le cas pour L'Homme de San Carlos, ça l'est à nouveau, sur un ton plus léger, pour L'étoile brisée.

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L’étoile brisée, s’il comporte de nombreux éléments humoristiques, ne peut pas être considéré ni comme une parodie ni même comme une comédie, comme l’étaient par exemple d’autres films Universal tels Frenchie (La femme hors la loi) de Louis King ou La Belle aventurière (The Gal who Took the West) de Frederick de Cordova. Si le ton d’ensemble est bon enfant, l’intrigue signée Borden Chase s’avère assez sérieuse sans cependant aucune gravité. Les principaux éléments faisant penser à une comédie sont les relations qu’entretiennent Audie Murphy et la magnifique Gia Scala avec leurs dialogues piquants et pleins de sous-entendus, ainsi que les quiproquos qui découlent de la mascarade mise en place par obligation par ce couple se faisant alors passer pour d'honnêtes gens alors que par derrière ils trament un hold-up. Mais que ceux qui n’apprécient pas particulièrement le mélange comédie et western se rassurent ; rien de lourd ici et pas même de gags. Ce sont avant tout les situations qui prêtent à sourire comme par exemple aussi la maturité du jeune garçon qui rend certaines séquences assez cocasses. Quoiqu’il en soit, avec ce western au ton plutôt léger, les spectateurs de l’époque ont dû se sentir revenir quelques années en arrière tellement le film détone au milieu des autres sorties de 1958 en ce qui concerne le genre : une bouffée de fraîcheur bienvenue alors que la période avait tendance à se prendre un peu trop au sérieux (sans que ce ne soit nécessairement un jugement de valeur, le plus beau western de cette année étant d’ailleurs on ne peut plus grave, le très beau Gunman’s Walk - Le Salaire de la violence de Phil Karlson).

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Après un générique bercé par un thème musical doux et lyrique, le dernier film de Jesse Hibbs démarre sur les chapeaux de roue, le cinéaste filmant avec rythme et efficacité une poursuite à cheval entre deux hommes dont on ne connait évidemment encore pas les identités. La séquence se termine assez abruptement dans tous les sens du terme puisque stoppée net par la chute accidentelle du poursuivant en bas d’une vertigineuse falaise. Le survivant (Audie Murphy dont on devine d'emblée qu’il n’est pas du bon côté de la loi) arrive dans une petite ville fluviale représentée par une très jolie toile peinte (dommage, et pour cause, que le cinéaste n’ait pas pu exploiter un tel charmant décor ; en effet, nous ne verrons quasiment jamais le fleuve malgré le fait que par exemple l’habitation du juge se situe à bord d'un bateau). On croise sans plus tarder le personnage pittoresque et haut en couleurs du juge interprété par un Walter Matthau qui semble s’être bien amusé à incarner ce bras de la justice alcoolique, braillard et sectaire mais néanmoins profondément humain. Dans le genre, nous avions déjà remarqué ses talents de comédien dans L’Homme du Kentucky (The Kentuckian) de Burt Lancaster et le chef-d’œuvre d’André de Toth, La Rivière de nos amours (The Indian Fighter) ; il confirme ici ses débuts remarqués, volant à plusieurs reprises la vedette à ses collègues de travail. Il faut dire qu’hormis Audie Murphy et Gia Scala (merci au passage à la costumière et au maquilleur de l’avoir ici aussi bien mise en valeur), le reste du casting est vraiment sous-exploité à l’image d’Henry Silva, moins inoubliable qu'habituellement, de la charmante Joanna Moore (la mère de Tatum O’Neal), ou alors carrément sacrifié comme l’excellent Leo Gordon, ‘utilisé’ ici guère plus longuement qu’un simple figurant (c’était malheureusement déjà le cas dans L’Homme qui en savait trop d’Alfred Hitchcock, version 1956).

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En revanche, pour son seul rôle au cinéma, le jeune Eddie Little est plutôt attachant, amusant dans ses relations avec les adultes ainsi qu’avec ses camarades de jeu qu’il prend un peu de haut à cause de sa plus grande maturité d’esprit, ayant été élevé dans le giron de tout un groupe de Saloon Gal. Un personnage assez important car à la fois témoin muet de la tromperie mise en place par ses 'parents adoptifs', et très souvent l’instigateur de l’avancée de l’intrigue. Malgré son chien et le côté Lassie qui pointe le bout de son nez, presque aucune mièvrerie à craindre. Borden Chase signe d’ailleurs ici un scénario bien ficelé et assez amusant même si nous sommes évidemment très loin de ses grandes réussite écrites pour entre autres Anthony Mann (Winchester 73, Les Affameurs - Bend of the River, Je suis un aventurier - The Far Country…) ; bien meilleur et plus rigoureux en tout cas, pour en rester dans le même style et chez le même réalisateur, que le travail d’Oscar Brodney pour le remake de The Spoilers de Ray Enright, Les Forbans, qui devenait vite assez pénible par le fait de ne pas arriver, malgré ses efforts, à nous arracher un sourire. Dans Ride a Crooked Trail, les quiproquos sont parfaitement agencés et les dialogues souvent réjouissants. Dommage que toute la fin soit à ce point bâclée, que la rivalité entre Audie Murphy et Henry Silva se termine aussi fadement, que la confrontation tant attendue manque à ce point de surprise, d’originalité et de vigueur. Mais avant ça, nous aurons passé un très bon moment au sein de cette petite ville au bord du fleuve, aux côtés d’enfants plus précoces et réfléchis que les adultes à qui ils donnent parfois l’exemple, à voir vitupérer ce juge sévère qui possède néanmoins un coeur d'or enfoui sous cette couche d'intransigeance.

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Pour rapidement résumer, une petite comédie westernienne sans prétention mais extrêmement agréable et sympathique dont les principaux éléments sont une bonne petite histoire scénarisée par Borden Chase, un sens du spectaculaire certain chez Jesse Hibbs lors des quelques scènes mouvementées, la beauté de son actrice principale, et enfin un Walter Matthau pittoresque et flamboyant à souhait. Encore un bon western dans la filmographie d’Audie Murphy qui au final en compte un certain nombre, plus de la moitié en tout cas.
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par daniel gregg »

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Re: Terror in Texas Town

Message par pak »

Jeremy Fox a écrit :
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Terreur au Texas (Terror in Texas Town - 1958) de Joseph H. Lewis
UNITED ARTISTS

(Petit) Contre-avis, que je pense avoir déjà posté dans un des topics western, mais sais plus trop...


Le réalisateur Joseph H. Lewis (auteur du mythique Gun crazy, 1950) signe ici son dernier film, avant d'entamer une seconde carrière durant quelques années pour la télévision, et de se retirer du métier. Il faut dire que l'attaque cardiaque dont il a été victime en 1953 l'avait quelque peu fatigué, lui qui enchainait les réalisations depuis 1937 à un rythme de stakhanoviste (il prit sa retraite en 1956, se consacrant à sa passion de la pêche au large quand il ne donnait pas des conférences pour des aspirants réalisateurs).

Stakhanoviste, mot communiste a priori peu adapté à une œuvre hollywoodienne des années 1950, et pourtant, malgré l'aspect anodin de ce western de série B, nous sommes bien en plein débat idéologique ! Car ce film a une particularité : si le scénario est signé d'un certain Ben L. Perry, il se cache derrière ce pseudonyme un autre nom bien plus connu, celui de Dalton Trumbo. L'auteur de Johnny s'en va-t-en guerre est alors « blacklisté » suite au procès injuste intenté contre lui (et d'autres : les fameux « dix d'Hollywood ») par la commission sur les activités anti américaines en 1947, et il n'a plus le droit de travailler pour le cinéma américain. Exilé au Mexique, il continue pourtant à écrire des scénarii sous de faux noms, l'ironie du sort voulant qu'il remporte deux Oscar sous ces faux-noms (pour Vacances romaines de William Wyler en 1954, il ne sera crédité du scénario qu'en 1992, et Les Clameurs se sont tues d'Irving Rapper en 1957, reçu effectivement en 1975).

Faisons un aparté sur cette affaire... Les « dix d'Hollywood » furent mis en cause par la commission sur les activités antiaméricaines en 1947, alors que les USA étaient en proie à un délire paranoïaque et traquaient tout ce qui ressemblait de près ou de loin à du communisme. Une première liste de 19 personnes travaillant pour Hollywood fut dressée, celles-ci ayant été inscrites au parti communiste. Les noms des réalisateurs Lewis Milestone, Edward Dmytryk et Robert Rossen, du scénariste Dalton Trumbo et du dramaturge Bertolt Brecht étaient inscrits sur cette liste. Finalement, seuls dix d'entre eux (en fait onze avec Brecht mais celui-ci quitta le pays avant le procès après avoir déclaré ne pas être communiste) durent répondre à la commission et tous refusèrent de le faire à la question concernant leur appartenance ou non au parti : les « dix d'Hollywood » été nés. Dmytryk et Trumbo en étaient. Tous furent condamnés à de la prison (6 mois à un an) et à une amende (de 500 à 1000 dollars de l'époque) pour outrage à la cour. Tous virent leurs contrats avec leurs compagnies cassés. Parallèlement, les dirigeants des grands studios décidèrent d'un commun accord de ne plus embaucher les dix, la fameuse liste noire était créée. Seul Dmytryk se rétracta en 1951 en donnant à la commission des noms de personnalités proches de l'idéologie communiste, ce qui lui permit de retravailler rapidement. Les autres virent leur carrière brisée malgré leurs tentatives de continuer sous de faux noms. Ils ne purent réutiliser leur vrai nom qu'à partir du début des années 1960... Et cette affaire n'est qu'un prélude au maccarthysme, du nom du sénateur Joseph McCarthy qui, de 1950 à 1954 va mener une véritable chasse aux « rouges », dont seront victimes des noms aussi connus que John Berry, Charles Chaplin, Walter Bernstein, Jules Dassin, John Cromwell, Carl Foreman, Jerry Fielding, Marlène Dietrich, Cy Endfield, Martin Ritt, Abraham Polonsky, Joseph Losey, Orson Welles... Comme pour les « dix », certains verront leur carrière brisée ou sabotée. D'ailleurs dans le film de Lewis, une de ces victimes, moins célèbre, joue un rôle, celui du tueur en noir Johnny Crale, il s'agit de Nedrick Young, ici sous le pseudonyme Ned Young (s'est pas trop foulé le gars) ; il était aussi scénariste et aurait contribué à l'écriture clandestine du scénario de Terreur au Texas, sans en être crédité, même de nos jours, et il aura une belle revanche en remportant en 1959 un Oscar pour son scénario de La Chaine (The Defiant ones) réalisé par Stanley Kramer avec Tony Curtis et Sidney Poitier, scénario signé là encore caché sous un prête-nom, Nathan E. Douglas. Autre paria du maccarthysme, la vedette même du film, Sterling Hayden, à cause de son appartenance au parti communiste américain en 1945. Interrogé par la commission sur les activités antiaméricaines, l'acteur fut contraint de citer les noms de personnes qu'il y a rencontré, puis il fut inscrit sur la liste noire du cinéma. Toute sa vie il s'en voudra de son témoignage et exprimera ses remords dans un livre autobiographique en 1963. Après ce film, il ira se faire oublier au Mexique pour tourner Ten days to Tulara réalisé par George Sherman, film d'aventures inédit en France. Puis il lui faudra patienter près de 6 années avant de revenir au cinéma, rappelé par Stanley Kubrik (qui l'avait déjà dirigé en 1956 dans l'excellent film noir L'Ultime razzia) pour tourner en 1963 Docteur Folamour.

Avec un tel pédigrée, on se prend alors à regarder ce western assez mineur d'un autre œil, n'étant pas uniquement la série B dont il se donne les airs. Il est évident à sa vision que les avatars des scénaristes et acteurs avec l'état américain et sa commission injuste et bornée, appuyée par les principaux patrons de studios, ont fortement teinté d'amertume le récit. Il faut voir le shérif dire au héros qu'il a des droits et qu'il doit les faire respecter tout en lui faisant comprendre qu'il n'a rien à attendre de lui, ou encore ce même shérif jeter son étoile en ramassant des billets de banque : injustice et corruption, ça en dit long sur l'état d'esprit de Trumbo quand à la justice de son pays. Ce n'est pas un hasard non plus si l'homme qui fait tuer ses opposants et qui convoitise les terres des autres soit un homme d'affaire. Il est clairement la figure du capitalisme prêt à éliminer la concurrence pour s'enrichir, représentant un soi-disant progrès écrasant ceux qui n'avancent pas dans le même sens, bons comme mauvais. Car le tueur à la solde de l'homme d'affaire véreux est un dinosaure, issu d'un passé où le colt faisait office de justice (ou d'injustice). Ce tueur va lentement évoluer au fil du récit, mais pas le sens souhaité par son employeur. D'ailleurs le thème du décalage des survivants de la conquête de l'ouest face à la civilisation qui s'installe inexorablement sera un thème de plus en plus développé dans les westerns à venir, qu'ils soient américains (Juge et hors-la-loi de John Huston, 1972, ou La horde sauvage de Sam Peckinpah, 1969) ou, temporairement, italiens (Il était une fois dans l'ouest de Sergio Leone, 1968).

La force du réalisateur, c'est d'intégrer tous ces ingrédients tout en évitant le pensum ou le film dénonciateur. Il n'en a d'ailleurs ni les moyens ni le temps, sa production étant une série B fauchée. Il est donc contraint d'aller à l'essentiel, ce qui n'exclue pas une réflexion politique pour peu qu'on lise entre les lignes. Du coup, d'une intrigue somme toute classique du western (riche propriétaire contre petits exploitants), Lewis trousse un film qui s'échappe (partiellement) des clichés du western en lorgnant fortement vers le film noir. D'ailleurs son environnement essentiellement urbain, écartant grandes chevauchées et panoramiques de paysages, son tueur à gage vêtu de noir comme une variation du gangster en costume, porte-flingue d'un quelconque boss du crime, la corruption évidente de la police locale, le racket de la population... y font fortement penser. Normal, le réalisateur a signé ses plus belles réussites dans ce genre (du moins de ce qu'on a pu voir, beaucoup de ses films étant inédits en France). Même la relation des personnages rappellent le polar dans ce qu'il peut avoir de plus désespéré. Le tueur à gages n’éprouve que du mépris pour son patron pour lequel il effectue pourtant les plus basses besognes, mépris réciproque de celui qui estime son sbire comme un mal nécessaire (à son profit). Dans la même veine, les rapports haine/amour du tueur avec Molly, où chacun renvoie à l'autre l'image de sa propre déchéance, jusqu'au drame, sont typiques des histoires de gangsters où la peur fait office d'admiration forcée, et la perte d'illusions de fidélité. Une noirceur qui gravite donc autour d'un tireur d'élite fini, mais pas moins dangereux, qui aurait mérité un autre interprète que Nedrick Young pas très expressif et manquant surtout de charisme.

Face à cette noirceur, le personnage du héros oppose une certaine candeur, n'affichant aucuns doutes. Solidement campé par Sterling Hayden, son Hansen est l'incarnation de la mentalité américaine qui est l'unique passerelle entre passé, présent et futur. Une sûreté de soi inébranlable, persuadé de son bon droit et fonçant tête baissé dans le bide de l'injustice. La détermination même, un personnage obstiné, voire obtus : Hayden s'impose sans peine par la puissance de son jeu et son charisme de baroudeur auquel il ajoute une naïveté de grand benêt têtu comme pas un, oubliant parfois de réfléchir avant d'agir. Lorsque c'est pour la bonne cause, comme ici, ce comportement force l'admiration. Trait typique de la mentalité américaine, on tiquera beaucoup plus cinquante ans plus tard sous l'ère Bush, où cette obstination devint un argument perverti pour de mauvaises raisons idéologiques et de vraies motivations économiques, et mènera à la guerre en Irak et en Afghanistan. Mais, dans les années 1950, le rêve américain, malgré les revers liés à la chasse aux sorcières communistes, est encore une réalité, ou du moins une possibilité. C'est entre ces deux eaux que le réalisateur navigue : la plaie ouverte du maccarthysme et la société américaine en pleine prospérité sous la présidence d'Eisenhower. Ce film est, quelque part, une allégorie de la lutte intestine que le président et McCarthy entretenaient l'un contre l'autre...

On peut aussi relever que les personnages principaux, du côté des gentils, sont issus de l’immigration. Les deux principaux, suédois et mexicain, sont l'image de ce que fut la construction du pays, liée à l'esprit de pionnier et d'entreprise de communs ayant quitté leurs pays pour commencer et construire une nouvelle vie, une nouvelle nation, chose peu abordée dans les westerns d'alors, et surtout un peu oubliée dans les États-Unis modernes, tentant vainement de verrouiller ses frontières...

Mais, si on reste dans le domaine pur du western, sans arguties politiques, sociales ou historiques, Terreur au Texas a encore de quoi surprendre. Son ouverture sur un duel inédit, opposant un tueur classique à un homme uniquement armé d'un harpon a de quoi étonner. Un peu comme le James Coburn lanceur de couteaux du film Les Sept mercenaires, on se dit qu'il a bien peu de chances face à un type armé d'un six-coups. Duel qui de plus n'est, au début, pas montré jusqu'à sa conclusion, n'étant qu'un prétexte pour démarrer un long flashback : là encore, l'originalité s'impose, la construction du western étant généralement assez linéaire et chronologique. Enfin, toujours à propos de cette introduction, s'impose à l'évidence l'incontestable sens du cadre de Lewis, qui rappelle ce que fera Sergio Leone dix ans plus tard. En fait, malgré la modestie de l'entreprise, on réalise à sa vision combien Joseph H. Lewis était doué avec une caméra et qu'il est bien dommage qu'il ait consacré sa carrière au service des autres, sans moyens à la hauteur de son savoir-faire.

Car si ce western est original, il est hélas desservi par un budget à l'évidence très réduit, d'où un casting inégal et surtout incomplet. Ce manque de moyen se voit dans la ville, dont les rues sont quasi toujours désertes quelque soit l'heure, ce qui plombe en partie la crédibilité du film. Une économie forcée qui oblige donc le réalisateur à faire ce qu'il peut, habillant une histoire qui révèle finalement assez peu de péripéties. Plus grave, bien que l'habituel sens du rythme de son auteur, habitué à dégraisser l'inutile pour une réalisation sèche et efficace, participe à l'intérêt du film, le manque de corps de l'histoire offre des creux où l'ennui n'est pas loin, malgré l'indéniable beauté de la mise en scène relevée par une élégante photo noire et blanche signée Ray Rennahan, oscarisé pour son travail pour Autant en emporte le vent et ses flamboyantes couleurs en 1940 (il sera nommé la même année pour les non moins magnifiques images de Sur la piste des Mohawks), ainsi que pour Arènes sanglantes en 1941, et dont, à l'instar du réalisateur, ce sera le dernier film avant de se consacrer à la télévision. En fait, on rage un peu devant cette addition de talents sous-exploités pour une production anecdotique.

Toutefois, c'est une honnête petite série B, qui marque l'esprit par son duel inattendu, son contexte historique, et l'image peu reluisante d'une ville du Texas, image d'une certaine Amérique des années 1950, étonnamment engagé pour l'époque (même si c'est par le prisme de l’allégorie pas forcément détectée).


Note : 12/20
Le cinéma : "Il est probable que cette marotte disparaîtra dans les prochaines années."

Extrait d'un article paru dans The Independent (1910)

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Jeremy Fox
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The Badlanders

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L'or du Hollandais (The Badlanders - 1958) de Delmer Daves
METRO GOLDWIN MAYER


Avec Alan Ladd, Ernest Borgnine, Katy Jurado, Claire Kelly, Kent Smith, Anthony Caruso
Scénario : Richard Collins d'après W.R. Burnett
Musique : Divers (grève des compositeurs)
Photographie : John F. Seitz (Metrocolor 2.35)
Un film produit par Aaron Rosenberg pour la MGM


Sortie USA : 03 Septembre 1958


Fin du 19ème siècle dans le pénitencier de Yuma en Arizona. John McBain (Ernest Borgnine), qui attend sa libération le lendemain même, est néanmoins sur le point de se jeter à la tête du gardien sadique qui s’amusait de voir se noyer certains des prisonniers dont il avait la charge. Peter Van Hoek (Alan Ladd), alias ‘le hollandais’, l’empêche de faire une telle bêtise qui aurait probablement rallongé sa peine. Du coup, même si Peter avait encore dix mois ‘à tirer’, en récompense de son acte de bravoure et pour avoir sauvé la vie du surveillant, il est relâché le même jour que John. Il est d’autant plus soulagé qu’il a toujours clamé son innocence quant au vol d’un filon d’or dont il fut autrefois accusé. Il prend donc la diligence qui se rend à Prescott, petite ville minière où il est très mal reçu par les autorités locales, celles là même qui l’avaient autrefois envoyé en prison. Peter promet de repartir avec la prochaine diligence ; en attendant, il est bien décidé à aller jusqu’au bout de son idée qui n’est autre que de s’approprier un gisement profondément enfoui dont il est le seul à connaitre l’existence et qui appartient au propriétaire qui l’avait fait incriminer. Il propose une association à John qui, d’abord réticent, accepte dans le but de lui aussi se venger de son emprisonnement ; quelques années auparavant, il avait tué un gros propriétaire de la région qui voulait s’accaparer ses terres. Tout en mettant en place un plan pour remonter l’or avec discrétion du profond endroit où il se trouve, Peter et John entament chacun de leur côté une romance, le premier avec l’épouse d’un notable (Claire Kelly), le second avec une mexicaine (Katy Jurado) qu’il vient de sauver des griffes des hommes du shérif qui la malmenaient…

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En 1960, à l’occasion d’une correspondance avec Bertrand Tavernier, Delmer Daves lui écrivait : "Le scénario de The Badlanders était mauvais comme tout. Je l'ai réalisé uniquement pour rendre service à Alan Ladd qui avait signé un contrat pour ce film. Le début était intéressant mais le développement était trop arbitraire." Le cinéaste était donc assez lucide au sujet de son film, ce que le public et les critiques finirent d’entériner, cet Or du Hollandais ayant toujours été considéré comme le western le moins ambitieux du cinéaste en même temps que le moins réussi ; car l’un n’induit pas forcément l’autre, le système des studios ayant prouvé à maintes reprises que des films de commandes des plus grands cinéastes s’étaient révélés parfois plus satisfaisants que certains de leurs films plus personnels. En l’occurrence, la réputation assez moyenne du film est tout à fait compréhensible surtout après que Daves nous ait emmené vers de tels sommets ; citons, uniquement pour le genre qui nous concerne ici, La Flèche brisée (Broken Arrow), L’Homme de nulle part (Jubal), La Dernière caravane (The Last Wagon) ou encore 3.10 pour Yuma. Cette même année 1958, Delmer Daves nous avait déjà proposé l’honnête et généreux Cow-Boy avec Glenn Ford et Jack Lemmon ainsi que dans le domaine du mélodrame guerrier, l’attachant Kings go Forth (Diables au soleil) avec Tony Curtis et Frank Sinatra ; The Badlanders sera l’avant dernier western du cinéaste. Dès l’année suivante et jusqu’à la fin de sa carrière, après La Colline des potences (sur lequel nous reviendrons plus tard), il se lancera dans une série de mélodrames consacrés à la jeunesse, parmi les plus lyriques de l’histoire du cinéma, malheureusement aussi méprisés que méconnus. Mais revenons-en à cet Or du Hollandais qui, s’il ne se déroulait pas en Arizona, aurait probablement été considéré, plutôt que comme un western, comme un mélange de film d’aventure et de film noir.

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Il s’agit d'ailleurs d’un remake déguisé du célèbre Quand la ville dort (The Asphalt Jungle) de John Huston, Richard Collins s’étant servi comme base pour son scénario du même roman de W.R. Burnett, Alan Ladd reprenant en quelque sorte le personnage de Sam Jaffe, Ernest Borgnine celui tenu par Sterling Hayden. Ce n’est pas la première fois que des films noirs sont ‘travestis’ en western ; parmi les exemples les plus réputés, il y eut La Grande évasion (High Sierra) de Raoul Walsh ‘remaké’ en western par Walsh lui-même avec La Fille du désert (Colorado Territory), Le Carrefour de la mort (Kiss of Death) de Henry Hathaway repris par Gordon Douglas pour The Friend who Walked the West ou encore La Maison des étrangers (House of Strangers) réadapté par Edward Dmytryk pour La Lance brisée (Broken Lance). Mais honnêtement, je n’ai pas pensé une seule seconde au film de Huston en visionnant le western de Daves ; s’ils possèdent évidemment des points communs au niveau de l’intrigue, ça s’arrête là, le ton des deux films étant totalement différent, le ton tragique de l’original étant totalement absent du second. Les deux cinéastes sont tellement différents que la comparaison entre les deux films n’aurait de toute manière que très peu d’intérêts. Oublions donc Quand la ville dort et plongeons nous dans ce western qui, pour la première fois, utilise un décor de mines souterraines en profondeur. Si Randolph Scott et ses hommes se retrouvaient déjà prisonniers sous terre dans Les Conquérants de Carson City de André de Toth, c’était à l’occasion du creusement d’un tunnel ; quant à la mine du Jardin du diable, elle s’enfonçait sous terre mais à l’horizontal. Malgré la faible réputation du western de De Toth, force est de constater que les séquences souterraines étaient plus tendues et efficaces que celles que nous offre Delmer Daves ; il y avait pourtant matière à ce que ces scènes possèdent une bonne dose de suspense, ce qui prouve d’emblée que The Badlanders n’est pas franchement une grande réussite. Toute la portion du film se déroulant au fond des mines (une bonne vingtaine de minutes) se suit donc avec intérêt (en partie pour sa nouveauté) mais sans passion particulière ; il en va de même pour le film en son ensemble.

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Il faut dire que le scénario de Richard Collins ne brille guère par son originalité ni par sa personnalité. On sent bien que Delmer Daves s’est senti cette fois moins concerné, sa sensibilité à fleur de peau et son lyrisme habituels étant quasiment absents. Par certains éléments, L’Or du hollandais reste néanmoins cohérent avec le reste de l’œuvre humaniste et humaine de Daves notamment au travers de sa description de la naissance de l’amitié entre les personnages interprétés par Alan Ladd et Ernest Borgnine (et leur entraide d'ex-taulards accusés à tort, joliment nommée par Alan Ladd ‘la justice poétique’), sa peinture du tendre amour qui lie Borgnine avec Kathy Jurado, le cinéaste profitant de cette occasion pour nous redire son ‘antiracisme’ (ou plutôt ici son anti xénophobie), cette fois envers les mexicains, ou encore par l’intermédiaire de cette idée que la vengeance ne passe pas obligatoirement par le meurtre mais en l’occurrence par un simple vol (même si la somme dérobée est conséquente). La douceur du personnage interprété par Alan Ladd rentre elle aussi en ligne de compte même s’il est dommage que le comédien paraisse aussi fatigué, toujours convaincant mais bien loin de ses prestations dans nombreux de ses précédents westerns ; d’ailleurs sa filmographie dans le domaine est tellement exemplaire qu’il se pourrait fort bien que le western de Daves soit l’un de ses moins satisfaisants. Malgré un manque de passion évident de la part de Daves, une écriture assez moyenne des personnages et une presque complète inutilité des protagonistes féminins (et notamment Claire Kelly dont la romance avec Alan Ladd est sans aucun intérêt d’autant qu’elle n’est pas crédible une seule seconde, l’alchimie entre les deux comédiens ne fonctionnant absolument pas), L’or du hollandais se laisse suivre sans déplaisir, loin d’être mauvais contrairement à ce que vous auriez pu penser au vu de ces quelques lignes. Le réalisateur soigne ses cadrages et ses élégants mouvements de caméra, utilise à la perfection les paysages qu’il a à sa disposition et brosse donc avec sa tendresse coutumière les relations entre ses deux protagonistes principaux ainsi qu’entre Ernest Borgnine et la toujours impeccable Kathy Jurado (le reste du casting n’étant pas particulièrement mémorable).

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Ce sont d’ailleurs les deux acteurs les plus convainquant du film même si, contrairement à ce qu’on lit à droite à gauche, Ernest Borgnine s’était vu déjà attribué des personnages encore plus riches par le passé, déjà chez Daves d’ailleurs, si vous vous souvenez du très beau Jubal (L’Homme de Nulle part) dans lequel il incarnait un homme frustre mais foncièrement bon, cocufié par son épouse qui ne supportait plus sa vulgarité et sa simplicité d’esprit. Dans la peau d’un fermier bon et loyal malgré le fait qu’il ait été acculé à tuer un homme, il force à nouveau ici la sympathie d’autant qu’il est chargé de personnifier dans le même temps le personnage prenant fait et cause pour les pauvres peons. Quant à Kathy Jurado, dommage qu’elle n’ait pas une place plus proéminente au sein de cette intrigue car elle a déjà prouvé à maintes reprises qu'elle pouvait être une superbe comédienne (La Dame et le toréador - Bullfighter and the Lady de Budd Boetticher par exemple). La photographie de John F. Seitz est superbe (enfin, on le devine malgré la qualité médiocre du DVD français), les décors naturels assez curieux et grandement photogéniques avec tout d’abord le pénitencier de Yuma, cette petite ville qu’un pont coupe en deux, séparant le côté mexicain et américain, ainsi bien évidement que cette mine aux installations impressionnantes s’étendant à perte de vue aussi bien en largeur qu’en profondeur, Daves nous proposant des plongées ou contre-plongées dans les puits assez impressionnantes. Si d'un point de vue visuel, le film est tout à fait satisfaisant, il n'en va pas de même niveau sonore ; en effet, il est fort dommage que la grève des compositeurs qui sévissait encore plus que jamais en cette deuxième moitié de décennie ait eu ici pour résultat un choix des thèmes peu cohérent, peu adapté aux images, voire même assez pénible, la musique semblant souvent exacerbée et tonitruante hors de propos.

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L’or du hollandais n’est pas un mauvais film, loin s’en faut ; il n’en est pas moins guère transcendant ni même très excitant. On était ici en droit d’attendre bien plus qu’un western bien mené, surtout de la part d’un réalisateur aussi sensible et talentueux que Delmer Daves dont la filmographie a été exemplaire dans quelques genres que ce soit, de la comédie musicale au film d'aventure en passant par le film noir ou le mélodrame. Comme il l'a été dit ci-avant, le film peut donc cependant se suivre sans aucun ennui grâce surtout à l’intrigue d’une toute relative nouveauté. Pas désagréable notamment aussi pour son cadre assez éloigné de ceux traditionnellement filmés dans le genre, mais forcément décevant à l’image de son final un peu expéditif.
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Jeremy Fox »

Nouvel arrivage Sidonis oblige, avant le très joli film de Richard Bartlett, nous retournerons en partie 2 pour The Raiders et nous nous occuperons ici de deux films datés de 1956, le premier avec Yvonne de Carlo, le second avec Jock Mahoney. Miam !


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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Jeremy Fox »

Retour en 1956 pour la critique de La proie des hommes signé John Sherwood avec Yvonne de Carlo et Rory Calhoun

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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Jeremy Fox »

Deuxième retour en 1956 : Les dernières heures d'un bandit de Charles F. Haas, c'est par ici

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Money, Women and Guns

Message par Jeremy Fox »

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L’héritage de la colère (Money, Women & Guns - 1958) de Richard Bartlett
UNIVERSAL


Avec Jock Mahoney, Kim Hunter, Tom Drake, Gene Evans, Tim Hovey, Lon Chaney Jr, William Campbell
Scénario : Montgomery Pittman
Musique : Eric Zeisl
Photographie : Philip Lathrop (Eastmancolor 2.35)
Un film produit par Howie Horwitz pour la Universal


Sortie USA : Octobre 1958


A la veille de Noël, le vieux prospecteur Ben Merriweather se fait attaquer par trois bandits ; il réussit à abattre deux d’entre eux mais est tué à son tour. Avant de mourir et de voir s’enfuir le troisième larron, il a le temps d’écrire son testament sur un morceau de bois sur lequel il dit léguer sa considérable fortune à quatre personnes. La mission que l’on confie contre une somme très coquette au célèbre 'détective' Silver Ward Hogan (Jock Mahoney) est de retrouver les quatre légataires afin d’enquêter sur leur moralité et leur faire parvenir le cas échéant la somme due. On lui confie dans le même temps le soin de découvrir l’identité de l’assassin qui a réussi à fuir. Ward va donc se mettre à aller trouver tour à tour les différents héritiers couchés sur le testament : le commerçant John Briggs qui semble n’avoir jamais eu aucune relation avec le défunt ; David Kingman, garçon d’une dizaine d’années qui vit auprès de sa mère, Mary (Kim Hunter), jeune et jolie veuve dont Ward s’amourache ; le cambrioleur Clinton Gunston (William Campbell) qui a décidé de poser les armes à la demande de sa jeune épouse Sally (Judi Meredith) mais qui, pour faire soigner cette dernière, va commettre à nouveau un hold-up ; et enfin le vieux Henry Devers (James Gleason), ex chercheur d’or qui passe désormais son temps au sein d’un fort abandonné à jouer aux cartes avec son ami (Lon Chaney Jr). L’inquiétant Johnny Bee, qui a entendu parler de la prime accordée pour la capture du meurtrier anonyme, ne va avoir de cesse de suivre la trace de Ward, ce dernier ayant refusé de faire travail commun...

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Un homme est à la recherche des héritiers testamentaires d’un vieux chercheur d’or assassiné ; tous ont un secret pas forcément glorieux à cacher ou glissent actuellement sur une mauvaise pente. Au contact de l’enquêteur et de ‘l’ombre du mort’, ils vont être amenés à faire repentance ou à s’engager dans une voie plus honnête, retrouvant ainsi la sérénité ou la tranquilité. Le tout sans morts ni violence une fois le prologue terminé. Et si Richard Bartlett avait voulu faire avec son dernier film pour le cinéma un conte de Noël à la Capra comme le suggérait le premier titre pressenti, ‘Dreams’ remplaçant alors ‘Guns’, et les auteurs situant leur intrigue justement la veille de Noël ?! Ce ne serait pas du tout ni impossible ni incongru. Quoiqu’il en soit, tout comme Joe Dakota l’année précédente, L’héritage de la colère sera à nouveau un western totalement atypique et unique, son scénario à tiroirs en faisant une histoire à la Agatha Christie, sa structure en faisant quant à elle quasiment un film à sketchs, chacun des bénéficiaires du testament n’ayant aucun lien entre eux, chacun des segments constituant en quelque sorte une parabole morale. Le cinéaste ne réalisa qu’une poignée d’à peine dix films ; L’héritage de la colère sera donc malheureusement son dernier (le précédent étant le jubilatoire Joe Dakota, déjà un western avec Jock Mahoney, de la même teneur et encore plus réussi), avant qu’il ne se consacre exclusivement au petit écran en mettant en scène des épisodes de séries, notamment à nouveau dans le domaine du western (Bonanza, La Grande vallée, Laramie, Cimarron City...). "Je suis un disciple du Christ, et un artiste... Je hais le sexe et la violence" confiait-il à Bertrand Tavernier lors de leur unique rencontre. Effectivement, l’on peut à nouveau vaguement deviner une parabole chrétienne sous cette intrigue policière à préoccupations morales, qui évoque la rédemption et la repentance des différents protagonistes qui au contact du détective et de l’ombre du défunt, vont tous rentrer dans le droit chemin.

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Après Joe Dakota, encore un western serein et d’une souveraine nonchalance qui, malgré une superbe distribution, repose principalement sur les épaules de son principal protagoniste, et donc sur celles sacrément solides de Jock Mahoney, réjouissant de bout en bout et qui prouve à nouveau (surtout pour ceux qui, comme moi, l'ont découvert ces dernières années grâce à l’éditeur Sidonis), qu’il fut l’un des cow-boys les plus attachants du genre. Avec une exemplaire sobriété, l’acteur crève l’écran de par sa stature, son regard et sa démarche particulière, le costume arboré par le comédien pendant ce film finissant de le rendre inoubliable : "c’est pour le style ; pour que l’on me remarque" dira d’ailleurs ironiquement son personnage de détective à un homme qui lui demandait pourquoi porter un accoutrement aussi voyant. Avant de s'être vu octroyés par Richard Bartlett probablement les rôles les plus réjouissants de sa carrière, rappelons brièvement une dernière fois comment Mahoney en est arrivé là, n’allant plus avoir souvent l'occasion de parler de l'acteur. On vit d’abord son nom au générique de multiples films de séries B, voire Z, sous différents patronymes. A défaut d’arriver à être acteur, il fut d’abord la doublure de très grandes stars de l’époque comme Errol Flynn, John Wayne, Randolph Scott ou Gregory Peck. C’est l'acteur Charles Starrett qui le premier vit en lui des talents de cascadeur et de comédien et qui lui offrit quelques rôles dans la série des Durango Kid pour la Columbia. Sa première cascade d’importance eut lieu dans Les Aventures de Don Juan où il doublait Errol Flynn lors d’une séquence à hauts risques. Après des dizaines de rôles de figuration durant le début des années 1950 (notamment dans les westerns Columbia avec Randolph Scott), il obtint le deuxième rôle d’importance aux côtés de Dale Robertson et Lyle Bettger dans respectivement les très agréables A Day of Fury signé Harmon Jones et Showdown at Abilene réalisé par Charles F. Haas. Outre tous ces films, il trouva encore d’autres occasions de faire montre de son talent comme par exemple dans Duel dans la Sierra (The Last of the Fast Guns) de George Sherman, toujours dans le domaine du western. En 1958, il entama une série télévisée qui sera celle qui le fera le plus connaître au public américain, Yancy Derringer, et il tournera encore deux agréables Tarzan à la suite de Gordon Scott, ce qui le 'vengera' en quelque sorte d’avoir été préféré à Lex Barker pour succéder à Johnny Weismuller à la fin des années 1940.

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Dans L’héritage de la violence, son interprétation est jubilatoire de la première à la dernière minute ; rien que sa manière de sourire, de croquer nonchalamment sa pomme, d’attendre que les joueurs de poker aient terminé leur partie avant de leur adresser la parole, de proposer à Kim Hunter de ‘sortir avec elle’ ou encore de sauter sur son cheval, s’avèrent être des moments bougrement jouissifs ; il s’avère donc être une nouvelle fois le plus grand atout d’un film qui n’en manque pourtant pas, à commencer par tout un lot d’autres petits détails insolites et (ou) amusants, qu’il serait trop long à tous énumérer mais qui méritent néanmoins qu'on s'y arrête quelques secondes. A commencer par quelques éléments de décors comme la ferme de William Campbell, étonnamment toujours cernée par des rafales de vent et de poussières alors qu'alentour il n'en est rien (petit aspect fantastique), ou encore l’antre du vieux chercheur d’or, ex-coéquipier du mort, située à l’intérieur d’un fort en ruine gardé par quatre indiens : l’image de ces quatre guerriers assis sur un banc comme s’il s’agissait de personnages de Pagnol à la terrasse d’un café est génialement cocasse. La chanson du générique à la mélodie très vite entêtante est très éloignée de celles que l’on entend habituellement, celles chantées par Ned Washington entre autres, ici bien plus légère et annonçant parfaitement le ton d’ensemble de ce western policier gorgé de bons sentiments cependant jamais sirupeux. Ce ne sont peut-être que des détails mais ils participent activement à ce ton décalé qui prévaut sur toute la durée du film. Des idées originales ou insolites, nous n'en trouvons pas seulement au travers des multiples détails et situations mises en place, mais aussi dans la forme ; car contrairement à ce que j’ai lu et entendu à droite à gauche, je trouve qu’avec un minimum de moyens financiers, Richard Bartlett tire le maximum de ce dont il dispose et s’accapare parfaitement bien le cinémascope, témoin le prologue en extérieurs, le blocus de la maison de William Campbell ou plus simplement ce premier plan en ville totalement insolite par son cadrage, certains personnages en avant plan ne laissant dépasser que le haut de leurs têtes.

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Le fait, comme l’a également remarqué Bertrand Tavernier au sein des bonus du DVD, de ne proposer quasiment aucune entrée de champs, contribue également à donner ce style très original au film, une étrange impression d’ellipse participant à la nonchalance de l’ensemble. Alors quand le style de mise en scène épouse à ce point le ton de douce indolence du scénario, s’il est compréhensible que ça puisse interloquer, il me semble assez injuste qu'une telle cohérence ait pu faire faire croire à une réalisation sans idées ni saveurs. J'oserais même affirmer le contraire, presque persuadé que ce western doit se bonifier au fil des visions tout autant pour son fond que pour sa forme. Et puis, la galerie de protagonistes mis en scène s’avère elle aussi tout à fait charmante à commencer par les deux ‘Women’ du film (qui ne sont pas aussi inintéressantes qu’a pu le dire Patrick Brion), l’épouse malade de William Campbell ainsi que la veuve dont le personnage joué par Jock Mahoney va s’amouracher. Que ce soit Judi Meredith ou bien Kim Hunter (la superbe interprète de Une question de vie et de mort -A Matter of Life and Death) de Michael Powell et de Un Tramway nommé Desir - A Streetcar Named Desir de Elia Kazan, elles sont toutes deux inoubliables ici, la première lors de la séquence au cours de laquelle elle supplie son jeune mari de ne pas reprendre les armes, la seconde à chacune de ses apparitions, le couple qu’elle forme avec Jock Mahoney se révélant aussi amusant qu’attachant. Il faut dire que les dialogues que tous les comédiens doivent débiter sont de grande classe et d’une très appréciable légèreté. On n’oubliera pas non plus de si tôt William Campbell, une fois n’est pas coutume sans aucun cabotinage, dans l’un de ses rôles les plus touchants (sa manière d’avouer sa faute et de jeter l’éponge nous ferait presque verser quelques larmes), le jeune et espiègle Tim Hovey ou encore toute cette galerie de seconds couteaux dont James Gleason, Lon Chaney Jr ou, pour finir, le shérif interprété par un impeccable Gene Evans ; l’idée de se tenir la tête entre les mains lorsqu’il discute dans son bureau avec Jock Mahoney serait-elle de lui ou du metteur en scène ; quoiqu’il en soit, elle demeure intrigante tout comme la multitude d’autres curieux détails qui parsèment l'histoire et le film, certains néanmoins plus discutables que d’autres telle celui tout à fait risible du chercheur d’or écrivant son testament en tressautant lors de la première séquence. Les fautes de goût de ce style seront cependant et heureusement très rares.

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Money, Women and guns est un western déconcertant : amusant, nonchalant et décontracté malgré sa scène initiale mouvementée et son postulat de départ. La première minute passée, il n’y aura plus ni coups de feu ni morts, ni chevauchées ni pugilats, ni fusillades ni violence. Autant dire que les amateurs d’action resteront un peu sur leur faim. En revanche, pour ceux qui recherchent dans le western autre chose que du spectaculaire et d’autres thématiques que celles ressassées jusqu’à plus soif (conflits familiaux, entre ranchers et fermiers, entre blancs et indiens…), le risque de déception au final devrait être minime. Au contraire, il se pourrait que cette allégorie humaniste leur semble tout à fait hors-normes d’autant que sa structure construite sous forme de mini-intrigues leur fera plus penser à un film noir qu’à un western, son ton et ses personnages pittoresques plus à une comédie. Humour, intelligence et ironie pour une quête morale traitée sur le mode de la légèreté. Une mise en scène parfois inventive à défaut d'être inoubliable, en tout cas pas si terne qu’on a bien voulu laisser l’entendre, un scénario fascinant et malin, des dialogues aux petits oignons, un casting quatre étoiles ; que peut-on demander de plus ? Au final, une intrigante petite perle de la série B westernienne ; un petit bijou délicat, envoûtant et entêtant comme son charmant thème musical principal. Un film atypique pétri de qualités humaines, portant fièrement en avant de hautes valeurs morales, regorgeant de surprises et de fantaisie et qui, à défaut de vous captiver, vous laissera une impression unique. Une sorte de puzzle ludique et décalé à l’image de son inoubliable héros, une parabole pacifiste sur le rachat qui, à l’instar de la résolution du whodunit et de la dernière scène confinant à la comédie familiale, est aussi déconcertante que jubilatoire ! Pas un chef-d'oeuvre mais il n'en aurait pas fallu de beaucoup pour qu'il le fusse !
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Chip »

Bel hommage à Richard Bartlett! dont j'admire depuis fort longtemps les films. Il te reste à voir " the silver star", plus réussi à mon avis que " l'héritage de la colère" et cerise sur le gâteau notre réalisateur y joue un inquiétant( et convaincant bad man).
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Jeremy Fox »

Chip a écrit :Bel hommage à Richard Bartlett! dont j'admire depuis fort longtemps les films. Il te reste à voir " the silver star", plus réussi à mon avis que " l'héritage de la colère" et cerise sur le gâteau notre réalisateur y joue un inquiétant( et convaincant bad man).

Merci :wink: Et Slim Carter aussi qui semble plutôt réjouissant ; tu confirmes ?
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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Jeremy Fox »

Je vais bientôt pouvoir ajouter ce film à mon parcours ; après le Wyler donc. Merci à celui qui se reconnaitra :wink:


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