Le Western américain : Parcours chronologique III 1955-1959

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Jeremy Fox
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The Big Country

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Les Grands Espaces (The Big Country - 1958) de William Wyler
UNIVERSAL


Avec Gregory Peck, Burl Ives, Charlton Heston, Jean Simmons, Carroll Baker
Scénario : James R. Webb, Sy Bartlett & Robert Wilder
Musique : Jerome Moross
Photographie : Franz Planer (Technicolor 2.35)
Un film produit par Gregory Peck & William Wyler pour la United Artists


Sortie USA : 01 Octobre 1958


Le marin James McKay (Gregory Peck) débarque dans les 'grands espaces' du Middle West pour y épouser Patricia (Carroll Baker), la fille d’un grand propriétaire terrien, le Major Henry Terrill (Charles Bickford). Homme intelligent et adepte de la non-violence, James va se trouver mêlé à la lutte sanglante que se livrent deux clans rivaux convoitant le même point d’eau ; d’un côté les Terrill, sa future belle-famille, de l’autre les Hannassey que dirige Rufus (Burl Ives), un patriarche lui aussi à poigne de fer, sauf que contrairement aux Terrill, sa famille vit dans une relative pauvreté. Le terrain sur lequel se trouve la rivière tant convoitée est la propriété des Maragon ; mais la seule héritière encore vivante, la douce institutrice Julie (Jean Simmons), refuse justement de vendre ses terres à quiconque pour ne pas provoquer de conflits ni de jalousies. James, dans l’espoir de réconcilier tout le monde, va néanmoins réussir à la convaincre de lui vendre sa parcelle. De peur que le point d'eau ne tombe dans l’escarcelle des Terrill (puisque James doit toujours épouser leur fille), les Hannassey vont kidnapper la jeune maîtresse d’école afin de la marier de force à un des fils de la famille, en l’occurrence le chahuteur Buck (Chuck Connors). Les tensions qui règnent entre les différents protagonistes se dénoueront pour la plupart au milieu de Blanco Canyon, espèce de labyrinthe naturel assez détonant comparé aux vastes et plates étendues de cette ‘Big Country’...

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Depuis le milieu des années 50, la télévision à fait rapidement et avec une certaine vigueur de l’ombre au septième art. Pour lutter contre la petite lucarne et retenir le public qui commençait à déserter les salles obscures, Hollywood avait décidé de sortir la grosse artillerie en encourageant surtout ses techniciens à recourir à l’écran large pour se démarquer des productions télévisées. On eut également idée de produire des ‘grosses machineries' de prestige lorgnant vers la saga familiale, budgets imposants à la clé, avec l’intention très ferme d’effectuer des percées au box-office. William Wyler ayant déjà décroché le jackpot avec son précédent essai, La loi du seigneur – Friendly Persuasion (qui rafla en même temps l’oscar du meilleur film), réédita son exploit avec Les Grands espaces qui continua à renflouer les caisses des producteurs. Le précédent, malgré son intrigue située en pleine Guerre de Sécession, était une chronique familiale (assez lourdingue d’ailleurs) et n’avait pas grand-chose à voir avec le genre qui nous concerne ici. On peut donc raisonnablement affirmer que Les Grands Espaces pourrait être le premier véritable ‘blockbuster’ du western. L’année suivante, le grand réalisateur frappera encore plus fort avec le plus célèbre de tous les péplums, Ben-Hur, pour lequel, comme tout le monde le sait, il réutilisera pour le rôle-titre l’un des acteurs de son western alors assez en retrait, Charlton Heston. The Big Country est la deuxième et dernière incursion du réalisateur dans le genre après le déjà célèbre The Westerner (Le Cavalier du désert) avec le duo Gary Cooper et Walter Brennan. Entre temps, il nous aura comblé à maintes reprises, faisant mentir la critique française de l’époque très dure à son égard. Il n’est qu’à citer deux titres parmi d’autres pour s’en convaincre, de purs chefs-d’œuvre dans leurs genres respectifs, le mélodrame et la comédie romantique : Les Plus belles années de notre vie (The Best Years of our Lives) ou Vacances Romaines (Roman Holiday). Mais, revenons-en à notre western, Wyler n’ayant désormais plus besoin de nous pour se défendre, sa filmographie parlant d’elle-même.

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Gregory Peck, acteur alors en pleine période engagée, coproduisit The Big Country avec la haute et noble ambition de prôner la non-violence à l’intérieur d’un spectacle aussi conçu pour rapporter des devises. Pour cela, il ne lésina pas sur les moyens : flopée de scénaristes célèbres s’inspirant, avec l’aide d’un écrivain, d’un feuilleton à succès, casting de stars, décors luxueux, riche utilisation du plein air… Tout fut mis en œuvre pour plaire au grand public. Le résultat financier répondit à toutes les espérances mais le résultat artistique, loin d’être déshonorant, n’est malheureusement pas entièrement convainquant même si le film se suit dans l’ensemble avec beaucoup de plaisir. Sous l’apparence d’un western, nous assistons en fait ici à une sorte de tragédie familiale, une chronique historique du Texas. Le film se révèle être une étude de systèmes de pensées archaïques basés sur un code de l’honneur assez rude et l’importance primordiale accordée à la propriété provoquant des jalousies et rivalités pouvant aller jusqu’au meurtre. Face à ce mode de pensée dépassée, un homme venue de l’Est va intelligemment s’y opposer ; un homme discret et peu bavard qui va agir avec dignité en quelques circonstances que ce soit, parfois même seul et contre tous dans ce milieu hostile et arrogant qui a du mal à l’accepter et à l’intégrer. Les valeurs mises en avant et véhiculées par le personnage mesuré interprété par Gregory Peck sont on ne peut plus honorables et finalement très touchantes, faisant de ce film un western hautement recommandable.

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Les auteurs nous brossent dans le même temps une étude psychologique, non dénuée d’intérêt, de personnages pas tous aussi stéréotypés et simplistes qu’on a pu un peu trop facilement le dire ici ou là, de plus excellemment bien interprétés. Qu’en est-il justement de ce casting prestigieux ? Gregory Peck est impeccable dans ce rôle éminemment sympathique du marin bostonien débarquant dans un Texas encore archaïque et violent ; comme nous le faisions pressentir ci-avant, nous n'avions encore que rarement eu l’occasion au sein du genre de croiser un personnage aussi noble et intelligent, moderne dans sa façon de contrer toutes les règles ancestrales régissant ces immenses contrées. Il faut également souligner la merveilleuse performance de la belle Jean Simmons en attachante institutrice souhaitant la paix entre les clans, et aussi de Chuck Connors dans le rôle du fils indiscipliné des Hannassey, un personnage au départ antipathique mais qu’on apprend à apprécier en cours de route et qui sera même au cœur de la scène la plus émouvante du film, celle de sa mort dans les bras de son père. Burl Ives (un Oscar mérité pour ce rôle) et Charles Bickford interprètent les deux rudes patriarches antagonistes, des personnages taillés à la hache mais qui incarnent à la perfection ce code de l’honneur qui n’a plus lieu d’être par le fait de provoquer bêtement d’inutiles bains de sang ; le final le démontrera à la perfection. Carroll Baker semble manquer un peu de maturité dans ce rôle de femme capricieuse (on est en droit de la préférer en Baby Doll) mais s’avère cependant loin d’être mauvaise non plus. Quant au futur Ben-Hur, Charlton Heston, il a accepté un rôle qui ne le sert pas vraiment ; c’est assez courageux de sa part même s’il demeure un peu en retrait. Wyler se dédommagera envers lui l’année suivante en lui offrant l’un de ses rôles les plus illustres, un de ceux assez rares dont toutes les générations se souviennent.

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On suit donc avec attention et passion cette histoire romanesque jusqu’à ce superbe moment au bord de la rivière au cours duquel des sentiments naissent entre Jean Simmons et Gregory Peck. Ensuite, durant la dernière heure (puisque le film dure non moins de 160 minutes) les scènes s’étirent bien trop longuement, le scénario patine un peu et un certain statisme s’installe ; alors que l’on s’attendait à une accélération du rythme, le film ralentit au contraire inexorablement. Heureusement, cette dernière partie un peu trop empesée comportera encore deux ou trois moments forts dont le final tourné dans un Canyon absolument étonnant. Et puis, la manière qu’à Wyler de filmer ces immenses espaces (le titre français est très bien choisi pour une fois) donne à son film une sacrée ampleur, la succession de gros plans et de très larges plan d’ensemble lui apportant une dynamique plastique assez étonnante, la photographie de Franz Planer se révélant magistrale, jouant avec génie sur la démesure des paysages mis à sa disposition. A ce titre, la longue séquence vue à distance de la bagarre entre Gregory Peck et Charlton Heston est d’une modernité singulière, appuyant à la perfection la thématique de la vacuité des antagonismes humains face à l'immensité de la nature. A de très nombreuses autres reprises, Wyler filme de minuscules silhouettes perdues dans l’immensité du cadre en cinémascope et le résultat est souvent surprenant de beauté. Dommage que durant la seconde partie, nous trouvions bien moins de tels plans, de telles séquences.

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Pour donner un exemple de l’importance (bonne ou mauvaise) de la musique au cinéma, un mot sur la puissante composition de Jerome Moross qui comporte surtout un très beau thème principal, épique, superbement rythmé et orchestré, plein d’allant et très aisé à retenir. Par la seule force de cette mélodie, une scène assez ‘clichée’ au départ devient anthologique : celle au cours de laquelle, après avoir été abandonné par tous ces hommes et décidant de partir se battre seul contre ses ennemis au risque quasi-certain de ne pas en revenir, l’impitoyable Charles Bickford est rejoint finalement par l'ensemble de ses employés toujours sous l’emprise de son formidable charisme. Par ailleurs, cette même partition, assez envahissante parfois, dessert d’autres scènes qui perdent tout leur contenu dramatique par la seule faute d’une musique guillerette hors de propos ou maladroitement utilisée (voir la première rencontre de Gregory Peck avec les Hannassey chahuteurs ou la fin de la séquence du dressage du cheval). Mais qu'on ne s'y trompe pas ; malgré quelques fautes de goûts, l'ensemble du travail de Moross mérite tous les éloges, soutenant souvent à merveilles les superbes images du film.

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L’ensemble du film se révèle donc assez inégal, y compris dans son interprétation, mais l’impression finale reste plutôt positive même si l’action se trouve ramassée en quelques moments forts au détriment du rythme et du dynamisme qui font ici parfois bien défaut. Nous aurions aimé plus de la grandeur tragique d'un Duel au Soleil (Duel in the Sun) de King Vidor par exemple ou un souffle romanesque du genre de celui qui anime tout du long un film comme Autant en emporte le vent (Gone with the Wind). Tel quel, le spectacle demeure cependant très honnête surtout en comparaison de ces mêmes westerns de prestige plus proches de nous que sont les médiocres et (ou) ridicules Horizons lointains (Far and Away) de Ron Howard avec Tom Cruise ou Silverado de Lawrence Kasdan avec Kevin Costner, pour prendre l’exemple de films qui pourraient avoir été mis en chantier dans la même optique que ce lui de Wyler. Même si la déception vient parfois nous titiller, ne boudons pas notre plaisir devant ce western de prestige au propos intelligent et à l’indéniable réussite plastique.
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cinephage
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par cinephage »

Je ne saurais trop confirmer ton commentaire sur l'excellente bande son composée par Jerome Moross, qui reste à mes yeux le meilleur argument du film. :wink:

I love movies from the creation of cinema—from single-shot silent films, to serialized films in the teens, Fritz Lang, and a million others through the twenties—basically, I have a love for cinema through all the decades, from all over the world, from the highbrow to the lowbrow. - David Robert Mitchell
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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Jeremy Fox »

cinephage a écrit :Je ne saurais trop confirmer ton commentaire sur l'excellente bande son composée par Jerome Moross, qui reste à mes yeux le meilleur argument du film. :wink:

Ample, grandiose et épique ! Seul Hans J. Salter et sa BO de Les Affameurs, avec néanmoins plus de sobriété, m'avait auparavant procuré un tel effet de plénitude et d'euphorie dans le fait de parfaitement résumer le western (et tout ce que nous aimons en lui) rien que par sa mélodie et l'orchestration de cette dernière.
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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Jeremy Fox »

Nouveau retour fin 1956 pour Man from del Rio, petit western à mon avis plus curieux que réussi mais néanmoins loin d'être déplaisant.

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feb
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par feb »

Un GROS merci à Jeremy Fox pour sa critique de The Searchers qui, à l'image du film, est parfaite :wink:
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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Jeremy Fox »

feb a écrit :Un GROS merci à Jeremy Fox pour sa critique de The Searchers qui, à l'image du film, est parfaite :wink:
Merci :)
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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Jeremy Fox »

Vacances oblige, PC squattés par mes filles et envie de repos... :mrgreen: ... je mettrais un peu plus de temps à rendre mon devoir sur L'homme de L'Ouest

Soit dit en passant, afin d'éviter les déceptions à venir, même si Mann reste pour moi le plus grand réalisateur du genre avec Ford et Boetticher, je n'aime toujours pas ce classique après multiples visions à tout âge :(
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par francesco »

Jérémy tu avais chroniqué Caravane vers le soleil ?
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Jeremy Fox »

francesco a écrit :Jérémy tu avais chroniqué Caravane vers le soleil ?
Je n'ai pas encore attaqué l'année 1959 et je ne pourrais malheureusement pas en parler car je ne le possède pas :( Il passe actuellement à la télé ?
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par francesco »

Non, c'est parce que je viens de le récupérer et que j'étais content d'avoir remis la main dessus parce que je l'avais beaucoup aimé dans le temps. Du coup je me demandais ce que tu en pensais. On s'organisera bien à un moment ou à un autre pour que tu puisses le voir. :idea:
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par kiemavel »

francesco a écrit :Non, c'est parce que je viens de le récupérer et que j'étais content d'avoir remis la main dessus parce que je l'avais beaucoup aimé dans le temps. Du coup je me demandais ce que tu en pensais. On s'organisera bien à un moment ou à un autre pour que tu puisses le voir. :idea:
Je ne sais pas si tu l'as revu, apparemment non...mais c'est une curiosité plus qu'un bon film et je suis gentil. 1ère chose, une fois n'est pas coutume, il vaut mieux le voir en VF qu'en VO. Les différentes nationalités doublées par des français dans les années 50 çà passe encore mieux que les basques joués par…une américaine (Susan Hayward), quelques autrichiens, quelques français …et un basque (Jacques Bergerac). Le film conte les péripéties d'une caravane de colons basques vers la Californie. Péripéties et mise en scène acceptables mais seconds rôles exécrables et des scènes ahurissantes qui chez moi ont déclenchés quelques rires, notamment les scènes ou l'on voit ces basques bondissants sauter de rochers en rochers :shock: ou tombant de la cime des arbres en poussant des cris de singes (des cris lointainement inspirés de l'Irrintzina, le cri ou plutôt les cris des bergers basques). Un western étrange donc et qui mérite d'être vu pour sa singularité mais je ne vois pas comment on pourrait y voir plus que çà.
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Jeremy Fox
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Man of the West

Message par Jeremy Fox »

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L'Homme de l'Ouest (Man of the West - 1958) de Anthony Mann
UNITED ARTISTS



Avec Gary Cooper, Julie London, Lee J. Cobb, Arthur O'Connell, Jack Lord, John Dehner, Royal Dano, Robert J. Wilke
Scénario : Reginald Rose
Musique : Leigh Harline
Photographie : Ernest Haller (Deluxe 2.35)
Un film produit par Walter Mirisch pour la United Artists


Sortie USA : 01 Octobre 1958


Link Jones (Gary Cooper) arrive dans la petite ville de Crosscut ; il semble assez mal à l'aise d'y croiser autant de monde et paraît cacher sa véritable identité. Le train qu'il attend pour se rendre à Fort Worth lui cause aussi quelques frayeurs ; c'est la première fois qu'il utilise ce moyen de locomotion. Link vient en fait d'un lointain et petit village de l'Ouest ; la communauté dont il fait partie lui a confié la mission de leur ramener une institutrice en lui confiant une année de salaire par avance. Dans le train, Sam Beasley (Arthur O'Connell), joueur professionnel dont il vient de faire la connaissance, lui présente une chanteuse de saloon, Billie Ellis (Julie London), qui n'aspire qu'à changer de métier et qui pour se faire serait prête à accepter ce nouvel emploi. Quoiqu'il en soit, impossible de continuer ou de faire demi-tour puisque le train est attaqué par trois bandits et que Link, Billie et Sam, qui étaient descendus pendant la fusillade, n'ont pu remonter avant qu'il ne reparte. Les voilà à pied, tous plus ou moins blessés. Il suivent la voie ferrée avant de traverser des plaines verdoyantes jusqu’à ce qu’ils rejoignent une cabane dont se rappelle très bien Link pour y avoir autrefois vécu. Ils se retrouvent nez à nez avec les trois pilleurs de train qui obéissent aux ordre du vieux Dock Tobin (Lee J. Cobb). C’est lui qui avait élevé Link et l’avait entraîné dans une vie de hors la loi. Fatigué de suivre cette mauvaise pente, Link avait fini par leur fausser compagnie pour aller s’établir plus à l’Ouest. Alors qu’il avait eu envie de le tuer lors de son départ précipité, Dock est désormais heureux de retrouver son 'fils adoptif'. Pour sauver sa vie et celle de ses compagnons, Link fait en effet croire à Dock qu’il se joint de nouveau à la bande pour aller dévaliser la banque de Lassoo. Mais il suscite dans le même temps méfiance et jalousies. La tension et la violence ne vont plus cesser de s’accroître jusqu'à l'inévitable bain de sang...

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Gary Cooper interprète ici le rôle d’un ancien bandit repenti, allant par hasard une nouvelle fois se trouver confronté à son passé, n'ayant d'autres choix que de provoquer un bain de sang pour retrouver la quiétude. Lee J. Cobb, c’est le père de substitution qui l’a très jeune conduit sur la mauvaise pente mais qui s’est fait abandonner par ce ‘fils adoptif’ qui ne voulait plus de cette vie de rapines et de meurtres ; une sorte d’infidélité dont il ne s’est jamais remis. Le jour de leurs retrouvailles va être le déclencheur d’un drame dont personne ne sortira indemne, le vieil homme se sentant trahi une seconde fois, ayant d’abord espéré au retour du fils prodigue pour se rendre compte au dernier moment qu’en lui faisant croire réintégrer ‘la famille’ ce n’était que pour se protéger ainsi que les amis qu’il avait conduit dans cette galère, à savoir une chanteuse de saloon (Julie London) et un joueur roublard (Arthur O'connell). Une histoire pas très originale mais à priori riche en portraits psychologique et en tension ; avec son cruel et dangereux bouffon, une sorte de folie shakespearienne vient s’inviter au sein de l’intrigue qui, pour le héros, transforme ce hasardeux retour aux sources en une véritable descente aux enfers en décors westerniens. Tragédie, psychologie, ambiance de thriller et de film noir, cet Homme de l’Ouest semblait être pour le moins intrigant. D’autant qu’il commençait très bien et sur un tout autre ton avec, après un générique musical superbe et rappelant ceux écrits par les compositeurs Universal pour les meilleurs westerns de Mann, une succession de légères séquences, toutes celles précédant l’attaque du train, non dénuées d'humour et de charme ; on découvrait et apprenait à connaître un homme vieillissant, effrayé par la modernité et l’urbanisme. Gary Cooper était absolument parfait, jouant sur son statut et son âge, rendant toute cette première partie plutôt très attachante. Julie London l’était tout autant, fille de mauvaise vie cherchant à retrouver sa dignité. Comme dans l’étonnant The Tall T (L’Homme de l’Arizona) de Budd Boetticher, le changement de registre sera brutal mais hélas bien moins convaincant ; nous y reviendrons.

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L'Homme de l'Ouest sera le dixième des onze westerns que réalisera Anthony Mann. Comme nul autre, le cursus westernien du cinéaste a jusqu’ici tellement de fois côtoyé les sommets, de La Porte du Diable (Devil's Doorway) à La Charge des Tuniques bleues (The Last Frontier), en passant par le fabuleux quinté en collaboration avec James Stewart, que la vision du pourtant très bon The Tin Star (Du sang dans le désert) m'avait procuré une petite déception. Ce n'était rien comparé à celle ressentie devant ce classique assez mal reçu à l'époque de sa sortie mais entre temps entré dans le panthéon des meilleurs films du genre. Parmi les communautés westernophiles, contrairement à certains célèbres titres autour desquels s'est établi un fort consensus positif, Man of the West reste très diversement apprécié. Il en va également toujours de même au sein des critiques et historiens du cinéma. Jean-Pierre Coursodon écrivait dans 50 ans de cinéma américain : " ...mais si l’on pouvait comprendre et excuser l’échec de God’s Little Acre, celui de Man of the West fut beaucoup plus inquiétant en ce qu’il remettait en question tout l’art de son auteur et sonnait le glas de tout un cinéma. Mann s’y laissait entraîner à un style affecté et presque décoratif par la fausse originalité du scénario..." D'un avis assez similaire, le spécialiste du genre, Jean-Louis Rieupeyrout écrivait : "... Tentative de réédition d’un schéma dramatique qui valut à Mann le succès avec les films de James Stewart mais qui perdit ici, sous les coups d’une violence très sollicitée dans les scènes pivots, jalons d’une progression dramatique trop schématique, la belle vigueur des prototypes. Le ton du thriller importé dans l’Ouest, son décalque appliqué sur le western, l’exploitation systématique des situations les plus spectaculaires, soutinrent une histoire que ses artifices écartèrent de la veine à laquelle nous avait habituées la manière d’Anthony Mann..."

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A l'opposé, des personnes tels que Jean-Luc Godard ou Jacques Lourcelles portèrent le film au pinacle. Si l'on peut trouver la critique du premier en bonus du DVD Carlotta (lue par Bruno Putzulu), dans son dictionnaire du cinéma, le second ne tarissait pas non plus d'éloges à son égard : "Le testament d’Anthony Mann. C’est aussi l’un de ses plus beaux westerns et l’un des très grands films américains, témoignage de la gloire du cinéma hollywoodien dans les dernières heures de sa suprématie." Autant dire que rarement un grand classique du genre n'aura autant divisé. Je me range donc avec une grande tristesse dans le clan des non-convaincus et ne parlerait ici de ratage qu'à mon humble niveau. "J’ai voulu montrer comment un homme essayait de se débarrasser de l’emprise du mal. Un homme regarde son passé et se dit : 'Il faut qu’à tout prix je détruise ce que j’ai été'. Il s’enfuit, mais à chaque fois, une force le tire en arrière et chaque fois il est confronté avec son propre démon. Il sait ce qu’il a été avant. Peut-il résister ? Peut-il échapper à son passé ? " Ce sera un peu un thème similaire qu'illustrera quatre ans plus tard Sam Peckinpah dans son deuxième western, Coups de feu dans la Sierra (Ride the High Country) ; si Anthony Mann invente quasiment le western crépusculaire (même si déjà quatre ans plus tôt L'Homme de la plaine le faisait pressentir), ce sera Peckinpah qui lui donnera ses plus belles lettres de noblesse, réussissant dans ce pur chef-d’œuvre tout ce qu'avait auparavant loupé Mann dans L'Homme de l'Ouest. Le seul à blâmer dans ce ratage n'est autre qu'Anthony Mann lui-même : "Le script de Reginald Rose ne me plaisait guère : trop de coups de théâtre comme dans 12 hommes en colère. J’en ai arrondi les angles au maximum. Julie London semblait si absente, Gary si fatigué que je me suis dit : pourquoi ne pas accentuer l’aspect hiératique de l’ensemble ?" Si le dessein de Mann était de rendre son film hiératique, il y est parfaitement arrivé mais au détriment des spectateurs qui en firent donc les frais, ne pouvant à cette occasion à aucun moment retrouver ce qui avait fait le génie du cycle avec James Stewart, ce mélange de lyrisme élégiaque et de violence, de vitalité et de beauté, d'intelligence et d'efficacité ; ce sentiment 'd'évidence' tout simplement !

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On a l'impression en visionnant L'Homme de l'Ouest que le cinéaste, trop conscient de son intelligence et de sa proéminence sur le genre, a voulu prouver qu'un western pouvait être privé de tous ses atours 'folkloriques' et tourner le dos au divertissement, en gros être adulte sans faire de compromissions au spectacle tout en restant aussi réjouissant ; certes il est bien de se renouveler et de tenter de nouvelles expériences et ce n'était d'ailleurs pas nécessairement une mauvaise idée, Budd Boetticher lui ayant d'ailleurs déjà ouvert la brèche, ses deux derniers westerns allant également se décliner dans une direction similaire mais avec la réussite que l'on sait. Sauf qu'ici l'immense réalisateur semble oublier l'essence même du genre, nous proposant un exercice de style totalement desséché et privé de vie, aussi statique que factice, démonstratif que forcé ; en un mot comme en cent, pesant ! Alors oui Mann est bien le principal responsable de ce fiasco puisque non seulement il se trouvait derrière la caméra sans avoir à faire de concessions aux producteurs mais aussi, comme il le dit lui même, il a modifié le scénario à sa guise (peut-être pas la meilleure des choses qu'il ait faite) et enfin n'a pas su canaliser certains de ses comédiens tels les parfois géniaux Arthur O’Connell et Lee J. Cobb, s'avérant tous deux ici totalement insupportables de cabotinage. A la place de ce dernier (de plus hideusement maquillé pour faire croire à un homme âgé alors qu’il était en réalité bien plus jeune que Gary Cooper), nous aurions parfaitement vu par exemple dans le rôle de Dock Tobin un Burl Ives, remarquable au même moment dans Les Grands Espaces (The Big Country) de William Wyler. Il est d'ailleurs très difficile d'éprouver de l'empathie pour qui que ce soit, pas même pour Link Jones : Gary Cooper a beau être impeccable et charismatique, il n'arrive pas à nous toucher, probablement à cause de l'écriture de son personnage qui possède pourtant de nombreux points communs avec ceux interprétés par James Stewart dans le fameux quinté.

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Tout n’est cependant pas à jeter bien évidemment, à commencer par l’exceptionnelle science de l'espace et du cadrage d'Anthony Mann qui, une fois encore, manie le cinémascope avec génie : il est quasiment impossible de ne pas être émerveillé par des plans tels que celui de l’arrivée du train en gare, les vues d’ensemble sur les plaines herbeuses ou ensuite les paysages plus désertiques, et encore la découverte de la ville-fantôme dans laquelle se déroulera un gunfight impressionnant et d'une rare sécheresse. Certains seconds rôles se révèlent vraiment très bons comme le toujours impeccable John Dehner ou encore le méconnaissable Jack Lord dans la peau du vicieux psychopathe du gang ; j’ai beau regarder la série Hawaii police d’état depuis deux ans à raison d’environ un épisode par semaine, je n’avais pas fait le rapprochement entre l’inquiétant Coaley et le célébrissime détective Steve McGarrett. La photographie d’Ernest Haller est magnifique et Leigh Harline soutient au début la comparaison avec Hans J. Salter ; malheureusement par la suite, autre faute de goût due au seul metteur en scène, sa musique sera envahissante et utilisée sans parcimonie, appuyant maladroitement les rares scènes mouvementées. Quand l'arrière fond musical se fera absent, ce seront les séquences dialoguées qui se révèleront souvent pesantes et parfois pénibles à force de trop de sécheresse appuyée et de théâtralité. Tout ceci pour en arriver à un constat assez simple : nulle gloire, nulle bravoure au bout du compte, pour qui que ce soit ; Anthony Mann invente le western nihiliste et semble vouloir annoncer l’inhumation d’un genre qu’il a pourtant contribué à porter à ses sommets. Pourquoi s'est-il senti la volonté de s'ériger en fossoyeur du genre ? Pourquoi lui qui nous avait aussi souvent réjoui auparavant au travers de ses westerns justement ?

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Une fois n'est pas coutume mais pour conclure je me contenterais de citer Reznik (un forumeur de westernmovie qui j'espère ne m'en voudra pas), qui écrivait ce passage que j'aurais parfaitement repris pour mon compte et qui résume parfaitement mon ressenti à propos de cet âpre western au traitement assez original mais auquel je n’ai pas pu accrocher : "En fait le film se voudrait plus qu'un western et ça se voit. Comme si un simple western ne pouvait pas toucher à l'essentiel, avoir une portée humaine au delà du divertissement. C'est totalement faux. Les autres westerns de Mann, par leur simplicité et leur efficacité dramatique possèdent une force évocatrice indéniable qui les rend bien supérieurs à cet Homme de l'ouest qui veut tout dire, tout montrer et en fait trop. On retrouvera cela dans La Chute de l'Empire romain, ce complexe à faire un simple "film d'aventure" et cette volonté d'atteindre une portée réflexive de manière forcée. Certains savent le faire, Mann pour moi ne maîtrise pas ce "passage". Quand il réfléchit, ça se sent (plus que ça ne se voit) trop. Il est meilleur quand il suggère et fait confiance au spectateur." Si je peux comprendre son statut de classique, je n’y adhère pas du tout d’autant que l’histoire et les thématiques abordées n’ont rien de franchement originales. Ce western étant adulé par beaucoup d'autres, je vous laisse juge, n'ayant pas la prétention de détenir la vérité à propos de quoi que ce soit !
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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Jeremy Fox »

Alors que l'année 1958 est considérée comme l'une des meilleures concernant le cinéma hollywoodien, il n'en a pas été de même pour le western. Ce fut même pour moi l'année de toutes les déceptions concernant les grands noms : que ce soit avec Parrish, Hathaway, Daves, Mann, Sherman, Lewis et maintenant Walsh (La blonde et le shérif), nous avons été très loin à mon avis de côtoyer les sommets. Heureusement que la série B a été là pour remonter le niveau avec l'imperturbable Budd Boetticher mais aussi Phil Karlson et Richard Bartlett qui nous ont tous trois donné les meilleurs westerns de ce cru très décevant me concernant.

En début de semaine prochaine, la critique de la comédie westernienne très moyenne et pas très drôle de Raoul Walsh.
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Jeremy Fox »

Venant de constater que La Blonde et le shérif était en fait un film anglais (qui plus est tourné en Espagne), il n'a finalement pas sa place dans ce parcours d'autant qu'il s'agit d'une pure parodie et que jusqu'ici je n'avais évoqué aucun film de ce style si ce n'est les Musicals (pour mon propre plaisir). N'ayant pas évoqué les Marx, Laurel et Hardy ou Bob Hope, la comédie peu amusante de Walsh n'a donc pas plus à faire ici que Go West ou Paleface. Par contre pour ceux que ça intéresse, Julien Leonard en avait écrit une chronique. Frenchie ou The Gal who took the West, voire Destry n'étaient pas des parodies mais des westerns humoristiques.

A suivre donc, si la copie n'est pas trop mauvaise (ce qui est loin d'être certain), Tonka de Lewis R. Foster, une production Disney. Dans le cas contraire, nous passerons en 1959 avec une pépite méconnue signée Nathan Juran, Good Day for a Hanging.
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Jeremy Fox »

Jeremy Fox a écrit :
A suivre donc, si la copie n'est pas trop mauvaise (ce qui est loin d'être certain), Tonka de Lewis R. Foster, une production Disney.
Copie saccadée à tel point qu'on dirait voir un film muet ; j'ai tenu 10 minutes. Je m'occupe donc du résumé de l'année 1958 et on entame l'année 1959 avec Good Day for a Hanging de Nathan Juran
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