Le Western américain : Parcours chronologique III 1955-1959

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Jeremy Fox »

Jack Carter a écrit :
Jeremy Fox a écrit :
Il me semble que Jack Carter a trouvé le film plaisant.
en effet :oops:

sinon, bonne surprise dernierement avec La Poussiere, la sueur et la poudre, meme si je suis à peu pres sur que ça ne plairait pas à Jeremy..

Je pars au contraire sur un bon à priori ; j'ai l'impression que ça ressemble à un peu à The Spikes gang de Fleischer non ? Au niveau du ton et du style ?
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Jack Carter
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Jack Carter »

Jeremy Fox a écrit :
Jack Carter a écrit :
en effet :oops:

sinon, bonne surprise dernierement avec La Poussiere, la sueur et la poudre, meme si je suis à peu pres sur que ça ne plairait pas à Jeremy..

Je pars au contraire sur un bon à priori ; j'ai l'impression que ça ressemble à un peu à The Spikes gang de Fleischer non ? Au niveau du ton et du style ?
oui, en effet :wink:
pour ma part, je le prefere au Fleischer..
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The Life and Death of Colonel Blimp (Michael Powell & Emeric Pressburger, 1943)
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Jack Carter
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Jack Carter »

Rick Blaine a écrit :
Jack Carter a écrit : sinon, bonne surprise dernierement avec La Poussiere, la sueur et la poudre, meme si je suis à peu pres sur que ça ne plairait pas à Jeremy..

J'avais bien aimé aussi. :D
si je vois un jour le Blu pas cher, je le prendrai, j'ai trouvé le dvd pas mal du tout.
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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Jeremy Fox »

Jack Carter a écrit :
Jeremy Fox a écrit :

Je pars au contraire sur un bon à priori ; j'ai l'impression que ça ressemble à un peu à The Spikes gang de Fleischer non ? Au niveau du ton et du style ?
oui, en effet :wink:
pour ma part, je le prefere au Fleischer..
Donc mon à priori est encore un peu plus positif :)
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Rick Blaine
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Rick Blaine »

Jack Carter a écrit :
Rick Blaine a écrit :

J'avais bien aimé aussi. :D
si je vois un jour le Blu pas cher, je le prendrai, j'ai trouvé le dvd pas mal du tout.
Le Blu est très bien. :wink:
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Jeremy Fox
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Black Patch

Message par Jeremy Fox »

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L'Homme au bandeau noir (Black Patch - 1957) de Allen H. Miner
WARNER


Avec George Montgomery, Diane Brewster, Leo Gordon, Tom Pittman, Strother Martin
Scénario : Leo Gordon
Musique : Jerry Goldsmith
Photographie : Edward Colman (Noir et blanc 1.37)
Un film produit par George Montgomery et distribué par la Warner


Sortie USA : 15 Septembre 1957

Le méconnu Allen H. Miner fut un protégé de Robert Aldrich qui produisit quelques-uns de ses films. Il n’en aura finalement réalisé que cinq, travaillant ensuite activement pour le petit écran, signant multiples épisodes de diverses célèbres séries de télévision (La Quatrième dimension, Bat Masterson, Les Incorruptibles, Perry Mason…). Il est fort dommage que le cinéaste n’ait accouché que d’une si peu prolixe filmographie au vu des deux westerns que nous avons pu découvrir en France après Ghost Town en 1955, ce Black Patch ainsi que, précédemment, le très attachant La Chevauchée du retour (The Ride Back) avec William Conrad et Anthony Quinn, film au ton assez unique. Ce dernier, avant tout basé sur la psychologie de ses personnages principaux plus que sur l’action, Allen H. Miner l'avait filmé avec beaucoup de modernité et d'originalité tout en restant assez modeste, créant ainsi par son formalisme maitrisé une atmosphère singulière loin d’être désagréable. A l’aide de cadrages, images et plans insolites très souvent justifiés, d’un noir et blanc somptueux, le film baignait dans une douceur assez rare dans le genre. La manière qu’avait le cinéaste de filmer avec tendresse les petites gens et de brosser des portraits riches en nuances de ses personnages principaux aboutissait à un ton inhabituel ; s'en dégageait une belle force émotionnelle dans un ensemble vraiment attachant à défaut d’être inoubliable par la faute d’un budget trop rachitique, de quelques ratés ou fautes de goûts et de seconds rôles très moyens. Nous pourrions écrire presque quasiment la même chose sur cet Homme au bandeau noir, western urbain cette fois-ci, néanmoins un tout petit peu en-deçà.

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Clay Morgan (George Montgomery) est le shérif de la petite ville de Santa Rita au Nouveau Mexique. Ayant perdu un œil lors de la Guerre de Sécession, il porte un bandeau noir, d’où son surnom de ‘Black Patch’. D’un naturel autoritaire, il ne s’en laisse pas compter par ceux qui essaient de troubler la tranquillité de sa ville ; il arrive à les faire déguerpir sans avoir à tirer un coup de feu. Deux de ses plus loyaux ‘supporters’ sont Pedoline (Jorge Trevino), un mexicain préférant dormir en prison qu’avoir à subir les foudres de son épouse, ainsi que Carl (Tom Pittman), un jeune orphelin de 18 ans qui aspire à devenir l’adjoint de l’homme de loi mais qui en attendant doit se contenter d’accomplir des tâches ingrates pour le Harper Hotel. L’adolescent note l’arrivée de deux étrangers en ville : Helen (Diane Brewster), une ravissante jeune femme, ainsi qu’un pistolero du nom d’Hank Danner (Leo Gordon). Il apprend très vite qu’Helen fut l’ancienne maîtresse du shérif avant que ce dernier ne parte pour la Guerre Civile. Hank vient en fait rejoindre Helen qui entre temps est devenue son épouse. Clay, malgré le fait qu’il soit triste de constater que l’amour de sa vie est désormais mariée à son meilleur ami, est heureux de les retrouver tous deux à nouveaux, surtout quand il constate qu’Helen nourrit toujours de forts sentiments à son égard. Le lendemain, le shérif d’une ville voisine vient arrêter Hank qu’il accuse d’avoir dévalisé la banque. Clay, tant que son collègue ne lui présente pas de mandat, préfère garder Hank dans sa propre prison, espérant ainsi avoir le temps de trouver un avocat capable de le défendre. Mais, à cause du butin dérobé et toujours introuvable, un drame va survenir qui va bouleverser la vie de tous les principaux protagonistes : Hank est abattu en pleine rue alors qu’il était sur le point de s’évader ; tout porte à croire que Clay est l’assassin…


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Un pistolero au grand cœur qui a réalisé un braquage dans le seul but de pouvoir s’acheter un ranch pour y vivre avec sa ravissante épouse, et qui se fait bêtement assassiner ; un homme de loi intègre, triste et solitaire qui va être accusé d’avoir tué son meilleur ami par jalousie ou (et) avarice, par amour pour la femme qu’il lui a ravit ou (et) pour s’approprier seul le butin d’un hold-up dont il aurait été complice ; un jeune adolescent sur le point de suivre le mauvais chemin par le fait d’avoir été déçu par le comportement de son ‘héros’, des hommes vils lui procurant l’occasion de se venger de cette désillusion en flattant dans le même temps son ego, lui dont tous les habitants se sont toujours jusqu’à présent moqués en lui confiant les tâches les plus ingrates ; une charmante jeune femme tiraillée dans ses sentiments entre deux hommes qui sont meilleurs amis… Beaucoup de pistes très intéressantes au cours de cette belle histoire écrite non pas par un scénariste chevronné mais par le comédien qui tient ici le rôle du voleur de banque, Leo Gordon. Un acteur dont le nom ne vous dira sans doute rien mais dont le visage est très connu et apprécié des amateurs de westerns. On le remarqua dès ses premières apparitions grâce surtout à son regard inquiétant : c’est dans le plaisant Bataille sans merci (Gun Fury) de Raoul Walsh que cet homme aux petits yeux bleus électriques commença à marquer les esprits, plus menaçant que la plupart de ses partenaires dans ce western avec Rock Hudson. Il continua à interpréter les 'Bad Guys' ici et là dans le même temps qu'il endossait la panoplie de shérif dans le superbe Le Mariage est pour demain (Tennessee’s Partner) d’Allan Dwan. Avant Black Patch, il joua encore sous la direction de cinéastes aussi talentueux que Richard Wilson (L’homme au fusil) ou plus encore Jacques Tourneur (Great Day in the Morning). Un visage très reconnaissable puisqu’on le remarque même s’il n’apparait que le temps de quelques secondes et dans la pénombre, à la toute fin de L’Homme qui en savait trop d’Hitchcock version 1956 par exemple.

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Il est assez cocasse de constater que Black Patch est un western scénarisé par un de ses acteur principaux tout en étant produit par le second qui n’est autre que le laconique George Montgomery, comédien très prolifique (surtout dans le domaine du western) mais toujours très peu connu du grand public malgré le fait qu’il soit assez charismatique : un peu dans le style de Jock Mahoney, peu loquace mais impressionnant de présence par sa stature notamment. Ici il interprète ce shérif à qui il manque un œil, un homme qui traine sa grande carcasse dans les rues désertes et le saloon déprimant de la ville, avec ce piano mécanique ressassant jusqu’à épuisement la même pénible rengaine. Il n’a pas grand-chose à faire si ce n’est éjecter de temps à autre un importun venu faire du barouf au saloon. Un personnage qui a du mal à cacher sa dépression, et qui par le fait devient vite très attachant, surtout lorsque l’on commence à apprendre des bribes de son passé, à être témoin de son amour pour la jolie Diane Brewster (qui a d'étonnants airs de ressemblance avec Eleanor Parker) : la séquence qui réunit les deux comédiens dans une grange à la nuit tombée est d’un superbe romantisme, aidée en cela par un magnifique thème concocté par Jerry Goldsmith dont c’était la première partition pour le cinéma. Une belle réussite musicale dans un style à postériori déjà immédiatement reconnaissable. Outre les deux amis représentés par le truand et le shérif, on trouve un troisième personnage très important, celui du jeune homme, interprété par Tom Pillman, acteur qui décèdera un an plus tard dans un accident de voiture à l’âge de 26 ans. Par l'intermédiaire de ce personnage d'adolescent, les auteurs en profitent pour lancer un petit plaidoyer contre la société qui méprise les orphelins ou les ‘bâtards’, leur confiant uniquement des travaux ingrats par manque de confiance à leur égard. La conséquence de cet ostracisme est que le jeune homme, très influençable, se tourne vers ceux qui le flattent en premier, en l’occurrence de très mauvaises fréquentations ayant dans l’idée de l’utiliser à leurs fins pernicieuses. Ayant remarqués lors d’une séquence assez délectable de démonstration publique de vitesse au tir (celle des vendeurs ambulants d’une toute nouvelle arme à feu), que le jeune homme était un as de la gâchette, les bandits l’amadouent en le congratulant et l’entrainent rapidement sur les pentes savonneuses qui leurs seront très utiles.

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Trois personnages principaux (la femme étant malheureusement un peu trop sous-employée) mais beaucoup d'intéressants protagonistes secondaires à commencer par la prostituée dont l'importance va grandissant au fur et à mesure de l'avancée du film. Parmi les autres comédiens interprétant des seconds rôles, on se doit de mentionner Sebastian Cabot, assez mémorable dans le rôle de Frenchy, l’adipeux ‘Bad Guy’ français, jouant du clavecin en fumant le cigare, ou encore Jorge Trevino, comédien qui interprétait le rôle du ‘douanier’ dans La Chevauchée du retour, une nouvelle fois assez savoureux dans la peau du mexicain fainéant passant sa vie en cellule pour échapper à son épouse acariâtre. Mais aussi, pas mal de personnages finalement assez caricaturaux, amenant à une séquence pas très réussie et manquant de finesse, celle vue et revue (et en fin de compte totalement convenue) du 'téléphone arabe', les ragots à l'encontre du shérif de la ville allant bon train, grossis et déformés jusqu'à ce que l'unanimité se joigne contre lui. L'autre gros point noir du film, celui qui l’empêche de ne jamais dépasser le stade du très plaisant (ce qui est déjà tout à fait bien), ce sont tous ces personnages principaux à priori passionnants mais qu’on ne voit finalement qu’assez peu de temps, le jeune pistolero finissant par phagocyter l’histoire aux dépens du bandit qui disparait trop tôt et du shérif que l’on aurait aimer côtoyer plus longuement. Car le scénariste, s’il court plusieurs lièvres à la fois avec une belle fluidité dans son écriture, va s’appesantir trop longuement à mon avis sur l’évolution du jeune homme pour nous montrer les raisons qui l’ont fait prendre la mauvaise voie, celui de l’alcoolisme et du meurtre. Un scénario donc très intéressant mais pas toujours très équilibré. Ce western s'avérant prendre une tournure de fable, comme dans le très beau The Ride Back, la morale sera sauve au cours d’une dernière séquence superbe, une amorce de duel à la fois émouvant et tendu. Quant à la dernière discrète image -alors que le The End a déjà fait son apparition- de la femme entrant dans la maison du shérif pour nous faire comprendre qu’elle va décider de vivre avec lui, elle est peut-être attendue mais néanmoins très touchante. Une attachante petite surprise que ce western de Allen H. Miner, maheureusement son dernier !
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Re: Black Patch

Message par Rick Blaine »

Jeremy Fox a écrit :
Vu à partir d’une très Belle copie passée sur TCM en VOST
Il existe un DVD US chez un obscur éditeur:
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Et il existe une édition UK:
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Les deux sans ST.
Je vais surement me laisser par le DVD UK, ta critique me donne envie de le voir.
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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Jeremy Fox »

Sachant que tu as grandement apprécié The Ride Back, je pense que ça pourrait le faire pour celui-ci également. :wink:
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Rick Blaine »

Jeremy Fox a écrit :Sachant que tu as grandement apprécié The Ride Back, je pense que ça pourrait le faire pour celui-ci également. :wink:

Oui, The Ride Back m'a particulièrement marqué avec son ton très original, ça me rend curieux du travail de Miner.
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Pat Wheeler »

Bien aimé La Chevauchée du Retour également ! Je suis curieux de découvrir ce dernier western chroniqué par Jeremy, d'autant que j'en avais jamais entendu parler.
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The Tin Star

Message par Jeremy Fox »

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Du sang dans le désert (The Tin Star - 1957) de Anthony Mann
PARAMOUNT


Avec Henry Fonda, Anthony Perkins, John McIntire, Betsy Palmer, Michael Ray
Scénario : Dudley Nichols
Musique : Elmer Bersntein
Photographie : Loyal Griggs (Noir et blanc 1.85)
Un film produit par William Perlberg & George Seaton pour la Paramount


Sortie USA : 23 octobre 1957


Avec le corps d’un dangereux bandit en travers de la selle de sa monture, Morgan Hickman (Henry Fonda) fait une entrée remarquée dans la petite ville de l’Ouest où il pénètre pour la première fois. Le nouvel arrivant est un chasseur de primes qui vient toucher la récompense promise pour la capture mort ou vif du hors-la-loi. Ben Owens (Anthony Perkins), le malingre shérif des lieux, lui demande de rester sur place au moins une journée, le temps de vérifier l’identité du cadavre. Devant l'hostilité générale de la population, ne trouvant nulle part où se loger, pas plus à l’hôtel que dans une grange, Hickman trouve refuge pour la nuit chez Nona Mayfield (Betsy Palmer) qui vit seule avec son jeune fils Kip. Le lendemain, Hickman sauve la vie du jeune shérif alors que celui-ci allait se battre en duel contre l’antipathique Bart Bogardus (Neville Brand) qui n’a qu’une seule idée en tête, se débarrasser d’Owens pour pouvoir se faire élire homme de loi à sa place. Pour prouver à Hickman sa reconnaissance, Ben lui propose de devenir son adjoint. Mais Hickman refuse dans un premier temps. Néanmoins, voyant que s’il continue sur sa lancée Ben ne fera pas de vieux os (au grand dam de sa fiancée qui le pousse avec insistance à déposer son étoile), Hickman accepte de rester quelques temps à ses côtés afin de pouvoir lui faire part de son expérience, de lui enseigner le maximum de choses afin de rester en vie. Au fur et à mesure, Ben apprend également quelques bribes du passé d'Hickman, les raisons tragiques qui l'ont fait choisir d'abandonner son poste de shérif pour celui moins honorable de 'Bounty Hunter'...

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Du sang dans le désert (titre français une fois encore totalement incongru au vu de l’intrigue qui nous est proposée, le film se déroulant de plus principalement en milieu urbain), neuvième des onze westerns que réalisera Anthony Mann, est aujourd’hui encore, avec The Furies, le moins connu du lot, le moins régulièrement repris en salles ou diffusé à la télévision. Il se pourrait qu’il soit dans le même temps le plus faible d’entre tous ceux déjà sortis à cette date, fin 1957. Ceci expliquerait-il cela ? L'hypothèse est plausible mais ne devrait surtout pas détourner le grand public de ce western plus qu'estimable, surtout que ce récit d'apprentissage aurait beaucoup de chances de plaire au plus grand nombre, y compris à ceux n'appréciant pas particulièrement le genre ! Comme nul autre, le cursus westernien du cinéaste a jusqu’ici tellement de fois côtoyé les sommets, de La Porte du Diable (Devil’s Doorway) à La Charge des Tuniques Bleues (The Last Frontier) en passant par le fabuleux quinté en collaboration avec James Stewart, qu'il n'est aucunement surprenant qu'un film se situant pas mal de coudées en-dessous soit pourtant à nouveau une belle réussite ; ce qui est bien le cas concernant The Tin Star (traduction : l’étoile en étain, ou plus communément l’insigne du shérif). La démonstration est faite : placer certains films plus bas que leurs prédécesseurs ne veut parfois pas dire grand-chose et surtout pas en l'occurrence que ce western soit à négliger. Même si basé sur une intrigue plus conventionnelle et ne possédant ni l’ampleur ni l’intensité de la plupart des précédents westerns du cinéaste, Du sang dans le désert n’en demeure donc pas moins un très beau film, assez rare et méconnu, qui narre une attachante histoire d'amitié entre un chasseur de primes vieillissant, hanté par son passé, et un jeune shérif naïf, gauche et inexpérimenté qu'il prend sous son aile.

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Il fallait néanmoins tout les talents conjugués du formidable Henry Fonda (trop peu actif dans le genre), du talentueux Anthony Mann, ainsi que de Dudley Nichols (auteur peu prolixe dans le domaine du western mais ayant quand même signé un sans-faute avec non moins que les scénarios de trois grands classiques du genre : Stagecoach - La Chevauchée fantastique de John Ford , Rawhide -L’attaque de la malle-posted'Henry Hathaway ainsi que The Big Sky - La Captive aux yeux clairs de Howard Hawks) pour, à partir de tant de situations vues et revues ainsi que de personnages fortement stéréotypés, aboutir à une belle réussite au lieu d’un banal western conventionnel de plus. Car en effet, The Tin Star ne propose aucune réelles nouveautés et ne provoquera aucunes véritables surprises chez l’amateur de westerns en cette fin d’année 1957 ; tous les éléments que l’on trouve dans le scénario de Dudley Nichols, y compris la réflexion sur la loi et l’ordre, ont déjà été maintes fois mis en avant, que ce soient dans des westerns de prestige ou de séries B. Constatez plutôt : un ex-shérif vieillissant et revenu de tout ; une jolie veuve vivant seule avec son enfant et qui va trouver en cet étranger un futur compagnon en même temps qu’un père idéal pour son fils, ce dernier vouant une admiration sans bornes à ce justicier venu de nulle part (Shane de George Stevens) ; un jeune homme de loi maladroit qui va se voir enseigner son métier par l’homme aguerri (The Proud Ones de Robert D. Webb) ; comme dans quasiment un western sur deux, une femme prosaïque qui cherche à protéger son époux en le priant de mettre un terme à son mandat de shérif, métier bien trop dangereux à ses yeux ("I’m gonna be a wife, not a widow") ; un ‘Bad Guy’ antipathique qui va entraîner dans son sillage la majorité des citoyens sur la voie du lynchage (The Ox-Bow Incident de William Wellman, déjà avec Henry Fonda) ; le chasseur de primes rejeté aussi bien par les notables que par les petites gens (The Bounty Hunter d'André de Toth); l’homme de loi seul contre tous (High Noon de Fred Zinnemann) ; le message antiraciste de circonstance, surtout en ces années là ; le discours sur la justice et la violence… Rien de nouveau !

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Mais l’on sait parfaitement bien que la qualité d’un film ne vient pas nécessairement de sa capacité à innover ; en ce sens, le western psychologique, sensible et humain d'Anthony Mann est là pour nous le prouver, toutes ces thématiques classiques étant développées avec une belle conviction à défaut d’être vues au travers d'un regard neuf. Essayons rien qu'en le décrivant brièvement, de faire comprendre en quoi le scénario de Dudley Nichols s’avère, outre convenu, plus qu’honorable. Hickman, le chasseur de primes, ayant perdu famille et amis, traîne sa carcasse de ville en ville avec ses cadavres couchés en travers de son cheval ; il est un peu désabusé et somme toute assez lucide sur la nature humaine. Le fait de rencontrer un jeune homme à qui il devait fortement ressembler voici quelques années en arrière, et à qui il va devoir donner des conseils, semble lui redonner goût à la vie ainsi que l'estime de soi, tout comme la rencontre avec une douce veuve et son fils. De solitaire, il se retrouve quasiment du jour au lendemain avec deux enfants à charge, glorifié par le plus jeune, s’occupant du plus grand d’une manière très paternelle. Il commence tout d’abord à aller dans le sens de l’épouse de ce dernier, lui conseillant tout simplement de rendre son étoile qui ne lui apportera selon lui que des embrouilles, voire une mort plus précipitée que prévue. Mais, grandement épaté par la droiture et le sens civique de son ‘élève’, sachant pertinemment qu’il voudra coûte que coûte continuer sa 'mission sacrée' de maintien de l’ordre et de la justice malgré une grande part d'inconscience du danger de sa part, il change de discours pour inculquer à ce bouillonnant redresseur de torts la marche à suivre afin de courir le moins de risques et de vivre le plus longtemps possible. Par le fait de rester constamment à ses côtés durant plusieurs jours, Hickman redécouvre alors l’amitié en même temps que l’amour, auprès de deux personnes qui, trop pures pour elle, n’arrivent pas à se fondre au sein de cette époque assez barbare.

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En effet, cette petite ville de l’Ouest est une parfaire représentante d’une société qui ne porte aucune estime à ceux qui souhaitent faire maintenir l’ordre avec justice et sans violence, et qui refuse d’intégrer les étrangers ainsi que ceux qui frayent avec : à cause du racisme ambiant, Nona et son jeune enfant qu’elle a eu avec son époux indien sont tous les deux tenus à l’écart aux abords de la cité. Ses citoyens gardent néanmoins leur bonne conscience hypocrite en fustigeant les chasseurs de prime tout en étant intérieurement ravis qu’ils accomplissent leur travail de ‘bourreau’, les débarrassant ainsi rapidement de leurs brebis galeuses. Une vision assez pessimiste, contrebalancée par une douceur de ton inhabituelle dans les westerns du réalisateur, et qui finit par aboutir à un chaleureux happy-end. Racisme, hypocrisie et lynchage auront rendu les armes alors que la justice, l’amour et l’amitié triompheront : les antécédents douloureux de chacun des principaux protagonistes se seront métamorphosés en situations porteuses d'espérance. S’il n’a donc pas grand chose à voir avec la série qu’Anthony Mann réalisa avec James Stewart (malgré ici des fins parfois tout aussi lumineuses comme celle de son chef-d'œuvre, Bend of the River), ce récit d’apprentissage s’avère plastiquement et dans sa mise en scène tout aussi impressionnant. En effet, le réalisateur ne laisse rien au hasard, sait créer une ambiance et faire monter la tension dramatique comme personne (voire le travail sur le son et l'image lors de la première séquence de l'arrivée d'Henry Fonda dans la ville), et sa science du cadrage touche encore une fois à la perfection (les magnifiques plans larges, identiques, qui débutent et clôturent le film ; les plans sur la rue principale de la ville vue de l'intérieur du bureau du shérif possédant une grande baie vitrée...) Même s'il s'agit cette fois ci d'un western ‘en chambre’, la nature faisant place ici à une petite ville de l’Ouest et sa communauté bouillonnante et brutale, les quelques séquences se déroulant en extérieurs (la chasse à l’homme mouvementée dans les montagnes, un poil trop étirée cependant), nous rappellent à quel point le cinéaste n’avait pas son pareil pour filmer les paysages à sa disposition.

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Et puis, chose loin d'être désagréable, le cinéaste prend son temps, flâne avec le taciturne Henry Fonda et ses hôtes, mais ne nous procure aucune seconde d’ennui car, outre le scénario parfaitement rythmé, rigoureux et intelligent de Dudley Nichols, une musique très réussie et pleine de panache d'Elmer Bernstein et un somptueux noir et blanc signé Loyal Griggs (Shane), il tient à sa disposition, hormis un casting dans l'ensemble assez décevant, un duo d'acteur épatant, accompagné d’un attachant John McIntire dans le rôle du médecin et d'un Lee Van Cleef qui commençait à obtenir des rôles un peu plus consistants. Henry Fonda est (comme à son habitude) parfait dans la peau de cet homme qui va éveiller la mauvaise conscience de la ville dans laquelle il arrive, l'amour dans le cœur d'une veuve, de l'admiration chez un jeune garçon et le respect chez son élève ; tour à tour inquiétant puis attachant et profondément humain, il porte le film sur ses épaules. Mais la plus grande surprise vient d’Anthony Perkins à qui le rôle de ce jeune shérif inexpérimenté et gauche va comme un gant. La maladresse de l'acteur s'accorde parfaitement avec celui de son personnage d’homme fragile devenu shérif malgré lui (l’étoile et le poste qui va avec lui avaient été confiés après la mort violente de son beau-père qui le précédait à cette dangereuse place). Anthony Mann dira d’ailleurs à propos de son acteur : "Tony a d'énormes possibilités mais il a besoin d'être guidé et conseillé comme son personnage dans le film." Peu confiant en lui, le comédien avait failli voir son personnage être attribué à Audie Murphy ; puis, malade juste avant le début du tournage, Jeffrey Hunter avait lui aussi été sur le point d’endosser le rôle du shérif. Mais les producteurs préférèrent repousser le tournage de quelques semaines afin qu’Anthony Perkins puisse rester sur la touche ; bien leur en a pris puisque la critique fut élogieuse à son égard. Il est juste un peu dommage que la psychologie de son personnage ne soit pas plus fouillée. Les deux personnages féminins auraient mérités eux aussi une plus grande attention de la part du scénariste ; malgré la beauté de celui de Nona, on reste un peu sur sa faim le concernant ainsi qu'à propos de sa romance avec Hickman. Quant à Neville Brand dans la peau de celui par qui le drame arrive, il n'a pas grand chose d'intéressant à nous démontrer lui non plus. Hormis l'élève et le maître, peu de protagonistes arrivent à retenir notre attention ; cette absence d'une pittoresque et inoubliable galerie de seconds rôles est probablement la principale raison pour laquelle ce western n'est pas du niveau de tous les précédents du cinéaste.

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Paradoxe : malgré sa moindre réputation, The Tin Star aura cependant été le seul film du grand réalisateur américain à avoir été nommé pour les Oscars, pour son scénario humaniste et antiraciste d’une grande noblesse de sentiments. Il s'avérait effectivement plus complexe qu'il n'y paraissait au départ, avec en prime une description très vivante et juste d'une petite ville de l'Ouest et de ses habitants ; on regrettera néanmoins une durée trop brève ne permettant pas de fouiller plus avant ses personnages et quelques passages beaucoup trop prévisibles (on aura compris au moins dix minutes à l'avance que le vieux médecin allait faire les frais du conflit). Si le scénario méritait cette reconnaissance, l'interprétation d'Henry Fonda ainsi que la rigueur et la maîtrise de la mise en scène n'avaient rien à lui envier. Anthony Mann signait alors un western efficace et bien mené, moins sombre et plus tendre qu'à l'accoutumée : un film certes loin d'être parfait mais chaleureux et dont il n'eut vraiment pas à rougir. Ne pas hésiter à lui donner sa chance d'autant que les probabilités d'être déçus sont assez faibles.
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par daniel gregg »

Oui la copie a l'air propre.
Du coup j'ai hâte de le recevoir maintenant.
bogart
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Re: The Tin Star

Message par bogart »

Jeremy Fox a écrit :
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Du sang dans le désert (The Tin Star - 1957) de Anthony Mann
PARAMOUNT


Avec Henry Fonda, Anthony Perkins, John McIntire, Betsy Palmer, Michael Ray
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Un film produit par William Perlberg & George Seaton pour la Paramount


Sortie USA : 23 octobre 1957


Avec le corps d’un dangereux bandit en travers de la selle de sa monture, Morgan Hickman (Henry Fonda) fait une entrée remarquée dans la petite ville de l’Ouest où il pénètre pour la première fois. Le nouvel arrivant est un chasseur de primes qui vient toucher la récompense promise pour la capture mort ou vif du hors-la-loi. Ben Owens (Anthony Perkins), le malingre shérif des lieux, lui demande de rester sur place au moins une journée, le temps de vérifier l’identité du cadavre. Devant l'hostilité générale de la population, ne trouvant nulle part où se loger, pas plus à l’hôtel que dans une grange, Hickman trouve refuge pour la nuit chez Nona Mayfield (Betsy Palmer) qui vit seule avec son jeune fils Kip. Le lendemain, Hickman sauve la vie du jeune shérif alors que celui-ci allait se battre en duel contre l’antipathique Bart Bogardus (Neville Brand) qui n’a qu’une seule idée en tête, se débarrasser d’Owens pour pouvoir se faire élire homme de loi à sa place. Pour prouver à Hickman sa reconnaissance, Ben lui propose de devenir son adjoint. Mais Hickman refuse dans un premier temps. Néanmoins, voyant que s’il continue sur sa lancée Ben ne fera pas de vieux os (au grand dam de sa fiancée qui le pousse avec insistance à déposer son étoile), Hickman accepte de rester quelques temps à ses côtés afin de pouvoir lui faire part de son expérience, de lui enseigner le maximum de choses afin de rester en vie. Au fur et à mesure, Ben apprend également quelques bribes du passé d'Hickman, les raisons tragiques qui l'ont fait choisir d'abandonner son poste de shérif pour celui moins honorable de 'Bounty Hunter'...

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Du sang dans le désert (titre français une fois encore totalement incongru au vu de l’intrigue qui nous est proposée, le film se déroulant de plus principalement en milieu urbain), neuvième des onze westerns que réalisera Anthony Mann, est aujourd’hui encore, avec The Furies, le moins connu du lot, le moins régulièrement repris en salles ou diffusé à la télévision. Il se pourrait qu’il soit dans le même temps le plus faible d’entre tous ceux déjà sortis à cette date, fin 1957. Ceci expliquerait-il cela ? L'hypothèse est plausible mais ne devrait surtout pas détourner le grand public de ce western plus qu'estimable, surtout que ce récit d'apprentissage aurait beaucoup de chances de plaire au plus grand nombre, y compris à ceux n'appréciant pas particulièrement le genre ! Comme nul autre, le cursus westernien du cinéaste a jusqu’ici tellement de fois côtoyé les sommets, de La Porte du Diable (Devil’s Doorway) à La Charge des Tuniques Bleues (The Last Frontier) en passant par le fabuleux quinté en collaboration avec James Stewart, qu'il n'est aucunement surprenant qu'un film se situant pas mal de coudées en-dessous soit pourtant à nouveau une belle réussite ; ce qui est bien le cas concernant The Tin Star (traduction : l’étoile en étain, ou plus communément l’insigne du shérif). La démonstration est faite : placer certains films plus bas que leurs prédécesseurs ne veut parfois pas dire grand-chose et surtout pas en l'occurrence que ce western soit à négliger. Même si basé sur une intrigue plus conventionnelle et ne possédant ni l’ampleur ni l’intensité de la plupart des précédents westerns du cinéaste, Du sang dans le désert n’en demeure donc pas moins un très beau film, assez rare et méconnu, qui narre une attachante histoire d'amitié entre un chasseur de primes vieillissant, hanté par son passé, et un jeune shérif naïf, gauche et inexpérimenté qu'il prend sous son aile.

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Il fallait néanmoins tout les talents conjugués du formidable Henry Fonda (trop peu actif dans le genre), du talentueux Anthony Mann, ainsi que de Dudley Nichols (auteur peu prolixe dans le domaine du western mais ayant quand même signé un sans-faute avec non moins que les scénarios de trois grands classiques du genre : Stagecoach - La Chevauchée fantastique de John Ford , Rawhide -L’attaque de la malle-posted'Henry Hathaway ainsi que The Big Sky - La Captive aux yeux clairs de Howard Hawks) pour, à partir de tant de situations vues et revues ainsi que de personnages fortement stéréotypés, aboutir à une belle réussite au lieu d’un banal western conventionnel de plus. Car en effet, The Tin Star ne propose aucune réelles nouveautés et ne provoquera aucunes véritables surprises chez l’amateur de westerns en cette fin d’année 1957 ; tous les éléments que l’on trouve dans le scénario de Dudley Nichols, y compris la réflexion sur la loi et l’ordre, ont déjà été maintes fois mis en avant, que ce soient dans des westerns de prestige ou de séries B. Constatez plutôt : un ex-shérif vieillissant et revenu de tout ; une jolie veuve vivant seule avec son enfant et qui va trouver en cet étranger un futur compagnon en même temps qu’un père idéal pour son fils, ce dernier vouant une admiration sans bornes à ce justicier venu de nulle part (Shane de George Stevens) ; un jeune homme de loi maladroit qui va se voir enseigner son métier par l’homme aguerri (The Proud Ones de Robert D. Webb) ; comme dans quasiment un western sur deux, une femme prosaïque qui cherche à protéger son époux en le priant de mettre un terme à son mandat de shérif, métier bien trop dangereux à ses yeux ("I’m gonna be a wife, not a widow") ; un ‘Bad Guy’ antipathique qui va entraîner dans son sillage la majorité des citoyens sur la voie du lynchage (The Ox-Bow Incident de William Wellman, déjà avec Henry Fonda) ; le chasseur de primes rejeté aussi bien par les notables que par les petites gens (The Bounty Hunter d'André de Toth); l’homme de loi seul contre tous (High Noon de Fred Zinnemann) ; le message antiraciste de circonstance, surtout en ces années là ; le discours sur la justice et la violence… Rien de nouveau !

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Mais l’on sait parfaitement bien que la qualité d’un film ne vient pas nécessairement de sa capacité à innover ; en ce sens, le western psychologique, sensible et humain d'Anthony Mann est là pour nous le prouver, toutes ces thématiques classiques étant développées avec une belle conviction à défaut d’être vues au travers d'un regard neuf. Essayons rien qu'en le décrivant brièvement, de faire comprendre en quoi le scénario de Dudley Nichols s’avère, outre convenu, plus qu’honorable. Hickman, le chasseur de primes, ayant perdu famille et amis, traîne sa carcasse de ville en ville avec ses cadavres couchés en travers de son cheval ; il est un peu désabusé et somme toute assez lucide sur la nature humaine. Le fait de rencontrer un jeune homme à qui il devait fortement ressembler voici quelques années en arrière, et à qui il va devoir donner des conseils, semble lui redonner goût à la vie ainsi que l'estime de soi, tout comme la rencontre avec une douce veuve et son fils. De solitaire, il se retrouve quasiment du jour au lendemain avec deux enfants à charge, glorifié par le plus jeune, s’occupant du plus grand d’une manière très paternelle. Il commence tout d’abord à aller dans le sens de l’épouse de ce dernier, lui conseillant tout simplement de rendre son étoile qui ne lui apportera selon lui que des embrouilles, voire une mort plus précipitée que prévue. Mais, grandement épaté par la droiture et le sens civique de son ‘élève’, sachant pertinemment qu’il voudra coûte que coûte continuer sa 'mission sacrée' de maintien de l’ordre et de la justice malgré une grande part d'inconscience du danger de sa part, il change de discours pour inculquer à ce bouillonnant redresseur de torts la marche à suivre afin de courir le moins de risques et de vivre le plus longtemps possible. Par le fait de rester constamment à ses côtés durant plusieurs jours, Hickman redécouvre alors l’amitié en même temps que l’amour, auprès de deux personnes qui, trop pures pour elle, n’arrivent pas à se fondre au sein de cette époque assez barbare.

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En effet, cette petite ville de l’Ouest est une parfaire représentante d’une société qui ne porte aucune estime à ceux qui souhaitent faire maintenir l’ordre avec justice et sans violence, et qui refuse d’intégrer les étrangers ainsi que ceux qui frayent avec : à cause du racisme ambiant, Nona et son jeune enfant qu’elle a eu avec son époux indien sont tous les deux tenus à l’écart aux abords de la cité. Ses citoyens gardent néanmoins leur bonne conscience hypocrite en fustigeant les chasseurs de prime tout en étant intérieurement ravis qu’ils accomplissent leur travail de ‘bourreau’, les débarrassant ainsi rapidement de leurs brebis galeuses. Une vision assez pessimiste, contrebalancée par une douceur de ton inhabituelle dans les westerns du réalisateur, et qui finit par aboutir à un chaleureux happy-end. Racisme, hypocrisie et lynchage auront rendu les armes alors que la justice, l’amour et l’amitié triompheront : les antécédents douloureux de chacun des principaux protagonistes se seront métamorphosés en situations porteuses d'espérance. S’il n’a donc pas grand chose à voir avec la série qu’Anthony Mann réalisa avec James Stewart (malgré ici des fins parfois tout aussi lumineuses comme celle de son chef-d'œuvre, Bend of the River), ce récit d’apprentissage s’avère plastiquement et dans sa mise en scène tout aussi impressionnant. En effet, le réalisateur ne laisse rien au hasard, sait créer une ambiance et faire monter la tension dramatique comme personne (voire le travail sur le son et l'image lors de la première séquence de l'arrivée d'Henry Fonda dans la ville), et sa science du cadrage touche encore une fois à la perfection (les magnifiques plans larges, identiques, qui débutent et clôturent le film ; les plans sur la rue principale de la ville vue de l'intérieur du bureau du shérif possédant une grande baie vitrée...) Même s'il s'agit cette fois ci d'un western ‘en chambre’, la nature faisant place ici à une petite ville de l’Ouest et sa communauté bouillonnante et brutale, les quelques séquences se déroulant en extérieurs (la chasse à l’homme mouvementée dans les montagnes, un poil trop étirée cependant), nous rappellent à quel point le cinéaste n’avait pas son pareil pour filmer les paysages à sa disposition.

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Et puis, chose loin d'être désagréable, le cinéaste prend son temps, flâne avec le taciturne Henry Fonda et ses hôtes, mais ne nous procure aucune seconde d’ennui car, outre le scénario parfaitement rythmé, rigoureux et intelligent de Dudley Nichols, une musique très réussie et pleine de panache d'Elmer Bernstein et un somptueux noir et blanc signé Loyal Griggs (Shane), il tient à sa disposition, hormis un casting dans l'ensemble assez décevant, un duo d'acteur épatant, accompagné d’un attachant John McIntire dans le rôle du médecin et d'un Lee Van Cleef qui commençait à obtenir des rôles un peu plus consistants. Henry Fonda est (comme à son habitude) parfait dans la peau de cet homme qui va éveiller la mauvaise conscience de la ville dans laquelle il arrive, l'amour dans le cœur d'une veuve, de l'admiration chez un jeune garçon et le respect chez son élève ; tour à tour inquiétant puis attachant et profondément humain, il porte le film sur ses épaules. Mais la plus grande surprise vient d’Anthony Perkins à qui le rôle de ce jeune shérif inexpérimenté et gauche va comme un gant. La maladresse de l'acteur s'accorde parfaitement avec celui de son personnage d’homme fragile devenu shérif malgré lui (l’étoile et le poste qui va avec lui avaient été confiés après la mort violente de son beau-père qui le précédait à cette dangereuse place). Anthony Mann dira d’ailleurs à propos de son acteur : "Tony a d'énormes possibilités mais il a besoin d'être guidé et conseillé comme son personnage dans le film." Peu confiant en lui, le comédien avait failli voir son personnage être attribué à Audie Murphy ; puis, malade juste avant le début du tournage, Jeffrey Hunter avait lui aussi été sur le point d’endosser le rôle du shérif. Mais les producteurs préférèrent repousser le tournage de quelques semaines afin qu’Anthony Perkins puisse rester sur la touche ; bien leur en a pris puisque la critique fut élogieuse à son égard. Il est juste un peu dommage que la psychologie de son personnage ne soit pas plus fouillée. Les deux personnages féminins auraient mérités eux aussi une plus grande attention de la part du scénariste ; malgré la beauté de celui de Nona, on reste un peu sur sa faim le concernant ainsi qu'à propos de sa romance avec Hickman. Quant à Neville Brand dans la peau de celui par qui le drame arrive, il n'a pas grand chose d'intéressant à nous démontrer lui non plus. Hormis l'élève et le maître, peu de protagonistes arrivent à retenir notre attention ; cette absence d'une pittoresque et inoubliable galerie de seconds rôles est probablement la principale raison pour laquelle ce western n'est pas du niveau de tous les précédents du cinéaste.

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Paradoxe : malgré sa moindre réputation, The Tin Star aura cependant été le seul film du grand réalisateur américain à avoir été nommé pour les Oscars, pour son scénario humaniste et antiraciste d’une grande noblesse de sentiments. Il s'avérait effectivement plus complexe qu'il n'y paraissait au départ, avec en prime une description très vivante et juste d'une petite ville de l'Ouest et de ses habitants ; on regrettera néanmoins une durée trop brève ne permettant pas de fouiller plus avant ses personnages et quelques passages beaucoup trop prévisibles (on aura compris au moins dix minutes à l'avance que le vieux médecin allait faire les frais du conflit). Si le scénario méritait cette reconnaissance, l'interprétation d'Henry Fonda ainsi que la rigueur et la maîtrise de la mise en scène n'avaient rien à lui envier. Anthony Mann signait alors un western efficace et bien mené, moins sombre et plus tendre qu'à l'accoutumée : un film certes loin d'être parfait mais chaleureux et dont il n'eut vraiment pas à rougir. Ne pas hésiter à lui donner sa chance d'autant que les probabilités d'être déçus sont assez faibles.

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Le film n'est sorti qu'en zone 1 avec sous titres anglais uniquement, Très belle copie.

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A suivre : Joe Dakota de Richard Bartlett avec Jock Mahoney & Luana Patten
Un des rares westerns dont j'attends une édition par chez nous.
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Re: The Tin Star

Message par Rick Blaine »

Jeremy Fox a écrit :
Le film n'est sorti qu'en zone 1 avec sous titres anglais uniquement, Très belle copie.

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En Z2 UK aussi, avec les mêmes spécifications. :wink:
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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Jeremy Fox »

Je ne savais pas : j'édite :wink:
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