Le Western américain : Parcours chronologique III 1955-1959

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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hellrick
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par hellrick »

Une bonne surprise pour ma part, découvert dans le coffret sidonis "guerres indiennes", je pensais que ce serait le moins intéressant du lot et je l'ai trouvé très plaisant, ne serait-ce, comme tu dis, que pour son message ouvertement chrétien assez original finalement dans le cadre du western :wink:
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Rick Blaine
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Rick Blaine »

D'accord avec vous deux, l'originalité de ce film le rend très intéressant. D'autant qu'on ne ressent pas non plus un prosélytisme assommant, c'est un film plaisant.
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Jeremy Fox
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Man from del Rio

Message par Jeremy Fox »

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Le Tueur et la belle (Man from Del Rio - 1956) de Harry Horner
UNITED ARTISTS


Avec Anthony Quinn, Kathy Jurado, Peter Whitney, Douglas Fowley, John Larch
Scénario : Richard Carr
Musique : Fred Steiner
Photographie : Stanley Cortez (Noir et blanc 1.85)
Un film produit par Robert L. Jacks pour la United Artists


Sortie USA : 30 Octobre 1956


Lorsque le tireur d’élite Dan Ritchy entre dans la tranquille petite ville de Mesa, il est accueilli par un homme nommé Daves Robles (Anthony Quinn) qui lui dit qu’il attendait sa venue pour enfin se venger de lui au bout de cinq ans, ayant entre temps appris le maniement des armes. Et en effet, il prouve qu’il est devenu plus rapide que Dan et le tue. Blessé à l’épaule, Daves est soigné par Estella (Kathy Jurado), l’assistante du médecin de la ville, jeune veuve dont le mari fut tué au cours d’un duel. Ed Bannister (Peter Whitney), le tenancier du saloon, propose à Daves de devenir son bras droit ; dans cette région où la loi et l’ordre n’existent pas encore, cet ancien bandit a dans l’idée d’en profiter pour s’octroyer la mainmise sur la petite ville avec l’aide de tous les tireurs d’élite et tueurs de passage qui accepteront de coopérer. Alors que Daves retourne voir Estella qui lui explique sa haine des armes à feu, le timide shérif Tillman (Douglas Spencer) est mis à mal par trois nouveaux arrivants qui commencent à lui tirer dessus. Voyant qu’Estella se porte à son secours, Daves vient également à son aide en tuant deux des trois chahuteurs. A la vue de ce nouveau coup d’éclat, les citoyens décident de proposer à Daves le poste de shérif, espérant ainsi se débarrasser des brebis galeuses à commencer par le très malsain Bannister. Daves accepte, pensant ainsi retrouver un peu de dignité ; et en effet, on commence à le respecter mais uniquement pour son arme car il est socialement toujours mis à l’écart. Alors qu’il se bagarre avec Bannister, il se casse le poignet : il ne faut surtout pas que la nouvelle s’ébruite auquel cas il serait rapidement provoqué et tué en duel…

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Signé par Harry Horner, un réalisateur ayant plus œuvré pour la petite lucarne (Gunsmoke…) que pour le cinéma, Man from Del Rio est, tout comme l’était déjà quatre ans auparavant son premier film Red Planet Mars (jamais non plus sorti en salles en France), une petite curiosité. Son film de science-fiction, malgré son hystérie anticommuniste et sa propagande pro-chrétienne qui laissaient parfois pantois, s’était avéré une œuvrette jamais ennuyeuse et même plutôt plaisante à suivre. Avec un budget ridicule, le cinéaste réussissait néanmoins à boucler un film qui tenait assez bien la route, adoptant un ton réaliste sans avoir à déployer une coûteuse imagerie. Le côté statique et bavard de l’intrigue n’était en l’occurrence pas vraiment gênant. Pour une première réalisation, Harry Horner s’en sortait donc plutôt bien même si son film n’était pas, loin s’en faut, un chef-d’œuvre. Ce n’était pas gagné d’avance mais, malgré ses origines théâtrales, son faible budget et son absence d’effets spéciaux, il arrivait cependant à fasciner. On pourrait dire presque exactement la même chose de ce western de série B fauché et quasiment sans action, sixième de ses seulement sept longs métrages ; pas non plus un grand film mais un western au ton suffisamment curieux pour retenir l’attention tout du long et mériter qu’on s’y arrête un instant.

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Son histoire est pourtant excessivement banale, celle d’un homme venu dans une petite ville pour se venger d’un autre et qui, après avoir démontré sa virtuosité dans le maniement des armes, va être recruté par les notables afin de nettoyer leur petite bourgade de ses brebis galeuses. A une époque où la loi et l’ordre semblent avoir déserté certaines régions, le patron de l'établissement de jeux, un ex-outlaw, souhaite contrôler la ville avec l’aide d’as de la gâchette qu’il compte recruter au fur et à mesure de leurs passages dans la cité. Des réunions sont décidées au cours desquelles les honnêtes citoyens ont des discussions à perdre haleine tournant autour de la thématique du ‘Law and order’… Rien de bien nouveau et pourtant le ton du film est assez original notamment dans son attentive description de cette petite bourgade et de ses habitants, ainsi et surtout que dans la peinture de son antihéros parfaitement interprété par un Anthony Quinn qui venait de recevoir un Oscar du meilleur second rôle tout à fait mérité pour son interprétation de Paul Gauguin dans La Vie passionnée de Vincent Van Gogh (Lust for Life) de Vincente Minnelli. Son gunslinger mexicain est non seulement un être frustre, mal habillé, sale et alcoolique mais ne sait pas non plus se tenir avec les femmes tout en louvoyant sans arrêt entre bon et mauvais côté de la loi. Jouant souvent l’état d’ébriété, le comédien n’en fait pourtant jamais trop et confirme son statut de cabotin de génie, jamais agaçant, souvent juste. Son personnage va accepter de porter l’étoile de shérif pour retrouver le respect et la dignité, et se montrera finalement tout du long assez touchant et attachant, justement par cette humanité faite d’une multitudes de défauts sans que jamais ceux-ci ne le rendent antipathique. Anthony Quinn disait aimer énormément ce rôle complexe et le film repose effectivement pour beaucoup sur ses solides épaules.

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Un homme qui ne sera respecté de part et d’autre que pour son habileté aux armes, les citoyens refusant néanmoins de l’intégrer à leur vie sociale à cause de son passé assez trouble et de sa nationalité mexicaine, malgré le fait qu’ils l’aient eux-mêmes élu shérif de leur ville, alors que dans le même temps il sera repoussé pour la même raison, celle des armes, par la femme dont il est tombé amoureux, rappelant trop à cette dernière son défunt mari et l’angoisse constante qu’elle dût supporter tout du long de sa vie à ses côtés. Par l’intermédiaire de cet antihéros, l’auteur du scénario (quasiment son seul travail pour le cinéma, ayant fait quasiment lui aussi toute sa carrière à la télévision) en profite pour également aborder sans trop les développer les thématiques du racisme et de l’ostracisme. Le sujet n’étant pas neuf, la romance entre Anthony Quinn et Kathy Jurado (un peu sous employée) n’étant pas forcément passionnante (l’alchimie entre les deux acteurs étant quasiment inexistante), le plus grand intérêt de ce scénario, outre le portrait de son antihéros, est sa peinture de la vie quotidienne dans ce petit milieu urbain assez clos ainsi que des personnages pittoresques qui l’habite. On notera surtout le shérif malingre, couard et angoissé, le commerçant volubile ou l’alcoolique du village, ce dernier très bien interprété par Whit Bissell dont le visage vous dira surement plus que le nom. En revanche, concernant le principal Bad Guy, dommage qu’il soit incarné par un Peter Whitney qui manque singulièrement de charisme.

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Si le ton un peu décalé du film est l’une de ses principales qualités, il s’avère aussi être une de ses limites, car malheureusement les auteurs semblent ne pas toujours savoir sur quel pied danser, hésitant sans cesse entre comédie et drame, la tension finissant par être inexistante lors des séquences qui en auraient eu besoin. Cependant, le ‘duel’ final est tout à fait original et très réussi même si le réalisateur n’accomplit pas spécialement de prouesses, pas plus qu’il ne l’a fait pendant toute la durée du film. Il a fait ce qu’il pouvait avec le budget plus que réduit qu’il a eu à sa disposition mais ne marque pas les esprits par ses idées de mise en scène ni par ses mouvements de caméra ou ses cadrages ; il bénéficie en outre de la collaboration de l’excellent chef-opérateur Stanley Cortez (La Nuit du chasseur) qui signe une bien belle photographie en noir et blanc. Parmi les autres points positifs, pas mal de petits détails insolites comme par exemple cette roue de loterie piquetée de cartes à jouer sur lesquelles sont notés le nom des tueurs dont le propriétaire des lieux espère se mettre dans la poche pour l’aider à contrôler la ville, et qu’il décroche lorsque l'un d'entre eux se fait descendre. N’ayant pas la possibilité de mettre en scène de grandes scènes d’action (même si le teigneux pugilat entre Anthony Quinn et Peter Whitney dans le saloon vide est plutôt vigoureux malgré des doublures peu ressemblantes), le cinéaste en profite pour prendre son temps à regarder vivre certains de ses personnages et ceci donne de très bonnes séquences comme celle du ‘relookage’ d’Anthony Quinn à l’intérieur de la boutique au cours de laquelle il troque ses vêtements usagés contre une tenue bien plus élégante.

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Un sympathique western urbain qui ne nous fait quitter la ville à aucun moment et qui, malgré une intrigue convenue, se laisse voir avec plaisir même si nous aurions souhaité éprouver plus d’empathie pour les différents personnages, ressentir plus de tensions lors des moments dramatiques. Il aurait peut-être suffit aux manettes d’un réalisateur plus talentueux, tel par exemple que Richard Bartlett, pour transformer ce curieux scénario en une véritable pépite ; en l’occurrence, si c’est loin d’être le cas, le résultat n’a cependant rien de déshonorant.
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Jeremy Fox
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Love me Tender

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Le Cavalier du crépuscule (Love me Tender - 1956) de Robert D. Webb
20Th Century Fox


Avec Elvis Presley, Richard Egan, Debra Paget, Robert Middleton, William Campbell
Scénario : Robert Buckner d’après une histoire de Maurice Geraghty
Musique : Lionel Newman
Photographie : Leo Tover (Noir et blanc 2.35)
Un film produit par David Weisbart pour la 20th Century Fox


Sortie USA : 15 novembre 1956


Love me Tender, western de série B produit par la 20th Century Fox, serait probablement tombé dans l’oubli si ce n’avait pas été le premier film interprété par Elvis Presley. Son agent, le Colonel Tom Parker, pensa que le cinéma serait le média idéal pour consolider sa popularité naissante, pour le lancer encore plus fort et plus loin ; il ne se trompa pas puisque que, malgré qu’on ne lui ait attribué qu’un rôle secondaire, grâce à Love me Tender, sa ‘rock star’ débuta sa carrière dans le 7ème art d’une manière fulgurante : malgré les mauvaises langues qui (à juste titre) doutèrent surtout du potentiel dramatique du jeune chanteur, Le Cavalier du crépuscule rentra dans ses frais en à peine une semaine d’exploitation. Le film de Robert D. Webb avait été initialement conçu comme un traditionnel western de série B, sans chansons ; il devait se nommer ‘The Reno Brothers’. Son tournage était sur le point de débuter lorsque Darryl F. Zanuck et Tom Parker décidèrent d’incorporer Elvis Presley au casting dans le rôle du jeune frère du héros interprété par Richard Egan. Le scénario fut alors remanié et quatre chansons furent ajoutées ('Let Me', 'We're Gonna Move', 'Poor Boy' et évidemment 'Love Me Tender'), le chanteur étant accompagné pour la seule fois de sa carrière par le Ken Darby Trio avant qu’il ne retrouve par la suite ses propres musiciens. Après que le rockeur ait chanté 'Love me Tender' au cours du Ed Sullivan Show, les producteurs décidèrent de renommer le film avec le titre de cette chanson ; chanson qui n’était autre qu’une réadaptation d’une célèbre ballade du temps de la Guerre de Sécession, 'Aura Lea', et qui, bien plus encore que le film, allait faire le tour du monde.

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Le 10 avril 1865 en Louisiane. La petite troupe de soldats confédérés du Général Randall décime une patrouille nordiste ; ses membres endossent les uniformes des morts et réussissent par ce subterfuge à s’approprier la paie destinée aux yankees avec pour but de la reverser à l’armée du Général Robert E. Lee. Ce qu’ils apprennent peu après, c’est que la reddition de ce dernier avait eu lieu la veille à Appomattox, mettant ainsi fin à la Guerre de Sécession et transformant ce massacre perpétré à l'encontre des nordistes (qui aurait pu n'être qu'un simple fait guerrier) en un redoutable acte meurtrier. Quoiqu’il en soit, estimant avoir mérité un dédommagement légitime pour les quatre années de galère passées loin de leurs foyers, sous l’impulsion de Vance Reno (Richard Egan), les rebelles décident de partager le butin et de rejoindre leur famille, jurant de ne jamais rien laisser transpirer de cette affaire. Les frères Reno rentrent au Texas dans leur ferme familiale ; Vance est pressé de retrouver sa fiancée Cathy (Debra Paget). Mais Vance ayant été déclaré mort, la jeune femme a entretemps épousé son frère cadet, Clint (Elvis Presley). Vance est dépité mais n’en veut à personne. Il décide juste de partir en Californie pour ne plus souffrir d’avoir la femme qu’il aime constamment sous les yeux et de la voir dans les bras d’un autre. Mais un des confédérés ayant dénoncé ses camarades, l’armée vient réclamer son dû et demander à ce qu’on lui restitue l’argent volé. Les frères Reno sont fait prisonniers mais leurs anciens ‘complices’, avec l’aide de Clint, viennent les délivrer. La chasse à l’homme commence tandis que la jalousie entre Vance et Clint prend de nouvelles proportions, titillée par certains ayant tout intérêt à ce qu'ils s'entretuent…

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Elvis Presley avait déjà fait la même année des bouts d’essai pour le film The Rainmaker (Le Faiseur de pluie) de Joseph Antony avec Burt Lancaster et Katherine Hepburn, mais son agent préférant que pour sa première apparition son poulain ait le rôle principal, toutes les séquences avec lui furent coupées au montage. Quoiqu’il en soit, n’ayant jamais pris de cours d’art dramatique, ce fut la seule occasion pour Elvis de s’entrainer devant une caméra. Sans vouloir être méchant (d’autant que je suis loin d’être un détracteur du bonhomme), ça se voit malheureusement à l'écran : malgré les efforts et la patience du réalisateur à son égard, le comédien s’avère vraiment très mauvais dans ce film dans lequel il n’apparait qu’au bout de 18 minutes, aussi inexpressif que sans charisme, à tel point que le couple qu’il forme avec Debra Paget s’avère d’une immense platitude, aucune étincelle n’en résultant alors que sur le tournage l’acteur était pourtant tombé amoureux de sa partenaire (sans que ce soit réciproque). Il faut dire que l’actrice n’est ici guère plus convaincante, la beauté de son visage ne pouvant cacher l’ennui qui semble s’être abattue sur elle, le scénariste paraissant ne pas avoir été grandement inspiré par son personnage, n'ayant concocté à la comédienne que très peu de lignes de dialogue. Pour en revenir à Elvis Presley, on lui a donc demandé de chanter quatre chansons qui, il faut bien l’avouer, sont complètement hors-contexte, totalement anachroniques (du rockabilly au 19ème sicèle avec groupies à la clé !) et donc au final foncièrement risibles, un peu comme, la même année, la séquence dansée par Russ Tamblyn dans La Première balle tue (The Fastest Gun Alive). Non pas que ces scènes soient ratées sorties du contexte, mais elles n’ont absolument rien à faire dans des films comme ceux-là, on ne peut plus sérieux, puisqu’effectivement, à l’instar du film de Russell Rouse avec Glenn Ford, Love me Tender n’est ni un western léger ou parodique ni même une comédie musicale westernienne, auquel cas elles auraient été parfaitement intégrées (même si à vrai dire, à l'exception de la chanson-titre, les autres ne sont guère inoubliables non plus).

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Alors, un mauvais film pour autant ? Contrairement à ce que j’aurais pu laisser sous-entendre, il n’en est rien même s’il s’avère néanmoins être une semi-déception, surtout lorsqu’on le compare aux deux précédents westerns de Robert D. Webb, un cinéaste très respectueux de son public, lui ayant déjà offert quelques mois avant un joli western pro-indien, La Plume blanche (White Feather) avec Robert Wagner et -déjà- Debra Paget, et surtout un excellent western urbain, Le Shérif (The Proud Ones) avec un Robert Ryan impérial et -déjà- Robert Middleton. Ici, l’efficacité de sa mise en scène n’est pas à remettre en cause, preuve en sont les énergiques séquences tourmentées ou encore les amples mouvements de caméra lors des chevauchées superbement cadrées en cinémascope. Quant au scénario, ne reposant pourtant sur pas grand-chose de nouveau, il se tient plutôt bien. Il faut dire que les auteurs ne sont pas des tâcherons non plus puisqu’ils comptent Robert Buckner, le scénariste des très bons westerns de Michael Curtiz du début des années 40 (et notamment Virginia City - La Caravane héroïque), ainsi que Maurice Geraghty qui avait déjà écrit entre autres les histoires à l'origine d’excellents westerns signés George Sherman comme La Fille des prairies (Calamity Jane & Sam Bass) et Tomahawk. Le postulat de départ de Love me Tender est d’ailleurs très intéressant, décrivant un fait de guerre se transformant en acte meurtrier par le seul fait que la troupe attaquante n’ait pas été au courant de la fin du conflit. S’ensuit un problème de conscience quant au massacre qui a précédé et à l’utilisation de l’argent dérobé à cette occasion et qui ne pourra plus servir à une cause qui vient de prendre fin. La suite de l’intrigue reposera uniquement sur deux axes dramatiques imbriqués, la volonté de récupération du butin de guerre par l’armée nordiste ainsi que le triangle amoureux formé involontairement par la croyance du décès d’un des deux hommes, le premier étant bien plus captivant que le second.

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Un film assez bavard mais jamais ennuyeux grâce à son écriture somme toute rigoureuse (en dehors des séquences rajoutées pour Elvis Presley et notamment, suite à une preview au cours de laquelle les spectateurs ne voulurent pas repartir sur une note triste, la ridicule dernière image du fantôme de Clint entonnant pour une ultime fois la ballade du film), à son honorable mise en scène, à son très beau noir et blanc travaillé par le chef opérateur Leo Tover et à la qualité de l’interprétation d’ensemble (si l'on excepte le couple Elvis Presley / Debra Paget). Car le véritable personnage principal est quand même interprété par un convaincant Richard Egan et qu’il est entouré par toute une tripotée d’efficaces seconds rôles (beaucoup de visages familiers des amateurs de westerns des années 50) avec notamment Mildred Dunnock, un excellent Robert Middleton ou encore un William Campbell bien plus sobre qu’à l’accoutumée. Si l’on veut bien oublier la calamiteuse première interprétation d’Elvis Presley et ses chansons anachroniques, on assiste à un solide drame de la Guerre Civile, souvent assez juste et parfois touchant avec par exemple cette jolie séquence des adieux et poignées de mains des soldats vaincus repartant chacun dans leurs foyers. Rien de positivement surprenant, de neuf ou d'original mais un western néanmoins pas désagréable.
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Colqhoun
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Re: The Last Wagon

Message par Colqhoun »

Jeremy Fox a écrit :La Dernière caravane (The Last Wagon - 1956) de Delmer Daves
Je vais faire un peu mon fainéant, mais je rejoins entièrement les propos de Jeremy sur ce film.
Découvert l'autre jour, j'ai été totalement subjugué. Richard Widmark imprime la rétine, la réalisation est à couper le souffle (c'est nerveux, rythmé, magnifiquement cadré) et ce script rempli de tension fait la part belle à des personnages forts. Je regrette juste cette scène de tribunal, qui appuie un peu trop mécaniquement un propos que l'on avait déjà bien saisi. Mais pour le reste, on est en plein chef d'oeuvre. Grosse découverte.
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Jeremy Fox
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Reprisal!

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La Vengeance de l’indien (Reprisal! - 1956) de George Sherman
COLUMBIA


Avec Guy Madison, Felicia Farr, Michael Pate, Kathryn Grant
Scénario : David P. Harmon, Raphael Hayes & David Dortort
Musique : sous la direction de Mischa Bakaleinikoff
Photographie : Henry Freulich (Technicolor 1.37 / 1.85)
Un film produit par Lewis J. Rachmil pour la Columbia


Sortie USA : Novembre 1956


Frank Madden (Guy Madison) arrive dans la petite ville de Kendall en Oklahoma ; il doit prendre possession d’un ranch qu’il vient d’acheter alentours. Ce jour là les rues sont désertes ; et pour cause, tous les habitants se sont rendus dans le saloon assister au procès des trois frères Shipley (Michael Pate, Edward Platt & Wayne Mallory) accusés d’avoir lynché deux indiens. En deux temps trois mouvements les meurtriers sont acquittés à l’unanimité par un jury blanc peu sensible aux arguments du juge d’instruction qui disposait pourtant de preuves accablantes. Le shérif craint que ce verdict déclenche des représailles de la part des indiens. Frank semble n’avoir cure de cette injustice au grand dam de Catherine (Felicia Farr), la fille du notaire, qui venait de tomber sous son charme et qui n’en est que plus attristée. Quoiqu’il en soit, Frank se rend sur ses terres et découvre que ses voisins ne sont autres que les frères Shipley. Son arrivée n’est pas du goût de ces derniers car non seulement Frank décide d’entourer sa propriété de barbelés mais de plus il embauche un indien pour l’aider. Les Shipley vont tout faire pour le provoquer alors que dans le même temps les 'natives' supportent de plus en plus mal le mépris qu’on leur porte et les mauvais traitements qu’on leur inflige. L’arrivée sur place d’un vieil indien qui semble très bien connaitre Frank va dévoiler un secret que ce dernier avait jusqu’à présent réussi à cacher, ce qui va encore plus attiser la colère des villageois…

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Sa période faste ayant pris fin quelques années en arrière, et après quelques flagrants ratages, Reprisal! s’avère être une très belle surprise, l’un des meilleurs films de la dernière partie de carrière de l’inégal George Sherman, voire même l’un de ses westerns les plus réussis. Étrangement inédit en France (tout du moins n’ayant pas bénéficié d’une sortie parisienne), ce western diffusé néanmoins à la télévision peut-être retrouvé dans certaines anthologies sous différents titres : La Vengeance de l'indien, Le Sang de l'indien ou bien encore sous son titre belge, traduction littérale de l’original, Représailles ! Après nous avoir offert à la fin des années 40 des westerns aussi plaisants et colorés que Black Bart (Bandits de grands chemins) et Calamity Jane and Sam Bass (La Fille de la prairie), George Sherman entamait en début de décennie suivante une série de westerns pro-Indiens aujourd’hui un peu oubliés mais pourtant tout à fait dignes d’éloges. Ce fut tout d'abord Sur le territoire des Comanches (Comanche Territory) dont le côté bon enfant et l’imagerie naïve étaient totalement assumés, puis surtout le splendide et méconnu Tomahawk ainsi que le très bon Au mépris des lois (Battle at Apache Pass), traités tous deux au contraire avec le plus grand sérieux et la plus grande gravité. Dès l’année suivante, en 1953, The Lone Hand marquait un net recul qualitatif. Après Les Rebelles (Border River) et Le Trésor de Pancho Villa, on aurait pu se dire que le Mexique ne semblait pas avoir grandement inspiré le réalisateur mais ses westerns pro-Indiens qui suivirent (Le Grand chef et Comanche) n’étaient guère meilleurs. Même si je continue de penser que sa période la plus réjouissante se situe bel et bien derrière lui, ses meilleurs westerns étant ceux tournés entre 1948 et 1952 pour la compagnie Universal, en 1956 La Vengeance de l’indien démontrait que le réalisateur avait encore de très beaux restes.

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George Sherman aura donc été le réalisateur qui aura le plus souvent œuvré pour la défense des Natives américains dans le cinéma hollywoodien ; plus encore que Delmer Daves ! Sans qu’il ne soit aussi puissant et réussi que le magnifique Tomahawk, on pourra aisément ajouter Reprisal! à la liste des westerns les plus intéressants et les plus originaux à ce sujet. Il s’agit de l’adaptation d’un roman d’Arthur Gordon, un homme qui ayant pris connaissance dans les années 40 d’un lynchage qui eut lieu dans son état de Géorgie, s’en trouva profondément bouleversé et se mit immédiatement à relater ce drame dès son retour de la Seconde Guerre Mondiale. Les scénaristes ont transposé cette histoire tragique de la Côte Est à la Côte Ouest, les victimes du roman ayant été non des indiens mais des noirs. Le résultat est néanmoins à priori identique, une charge virulente et sans concessions contre le racisme ambiant dans une Amérique dominée quantitativement par des blancs ayant un profond mépris pour les minorités ethniques. Dans le film de George Sherman, hormis quelques notables comme le shérif, le juge et le notaire, les citoyens de cette petite ville de l’Oklahoma sont tous haineux et dédaigneux envers les Indiens qui, même s’ils fréquentent parfois les rues de la cité, ont été obligés d’établir leur camp à quelques kilomètres, vivant dans des cases sans confort. La parodie de procès qui ouvre le film le place d’emblée parmi les pamphlets les plus corrosifs à l’encontre de cette société xénophobe. Alors que le juge expose les preuves les plus accablantes contre les trois accusés du meurtre de deux indiens, le jury n’en tient absolument pas compte et acquitte ces derniers sans même prendre le temps de délibérer ; et le public non seulement d’applaudir en chœur mais de fêter cette victoire en allant faire du grabuge dans le camp indien ! Une séquence d'une dizaine de minutes, superbement découpée, écrite et filmée (à l’aide de délicats mouvements de caméra) qui, faisant suite à la première scène de l’arrivée de Guy Madison dans les rues désertes de la ville, fait immédiatement penser que nous allons assister au visionnage d’un excellent western. Et la suite ne démentira pas cet à priori positif !

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A commencer par la personnalité du héros interprété par Guy Madison. Avant toute chose, posons nous la question de savoir pourquoi un comédien ‘beau gosse’ ne pourrait-il pas posséder en même temps qu’une belle gueule des talents dramatiques ? Car c’est à peu près ce qui ressort assez régulièrement sous la plume de beaucoup ; comment se fait-il que de jeunes acteurs comme Jeffrey Hunter, Robert Wagner, Troy Donahue ou justement Guy Madison aient autant été critiqué alors qu’au contraire il me semble qu’ils nous aient souvent prouvé qu’ils pouvaient accomplir de belles performances d’acteur ? Madison avait été déjà parfait dans La Poursuite dura 7 jours (The Command) de David Butler et plus encore dans La Charge des Tuniques Bleues (The Last Frontier) de Anthony Mann. Il est à nouveau excellent dans ce rôle qui, tout du moins durant la première demi-heure, n’est guère gratifiant, Frank Madden nous paraissant grandement antipathique ou tout du moins guère empathique envers ses prochains, affichant à l'égard de n'importe qui une totale indifférence. Il n’hésite pas à dire à la femme progressiste qui est tombée sous son charme et qui ne supporte pas les injustices commises à l‘encontre des indiens qu’il n’a pas envie d’exprimer ses opinions ni de vouloir prendre fait et cause pour l’un ou l’autre camp. [Attention spoilers] On apprendra ensuite -sans franchement que ça me soit venu à l’esprit malgré le titre français peu discret- la double identité de ce personnage qui se révèle en fait être un métis dont le père, un chasseur blanc, l’a abandonné à sa mère indienne dès sa naissance. Ayant vécu misérablement dans une réserve toute sa jeunesse, il a fini par la fuir avec d’autant plus de facilité que ses traits physiques ne font absolument pas ressortir sa part de sang indien. Pour retrouver de décentes conditions de vie, il cache son héritage indien dans l’espoir de pouvoir ainsi se fondre dans la société des blancs. On peut même dire qu’il ira jusqu’à le nier, affichant une réelle insensibilité au sort encore réservé à ses frères de sang. A son actif, il dédaigne tout autant les blancs majoritairement xénophobes, ne recherchant en venant dans cette région que sa propre quiétude, souhaitant se boucher les yeux sur tout ce qui l'entoure. La richesse d’évolution de son personnage ainsi que le cheminement qui le mènera à la recherche de sa véritable identité feront partie des plus grandes qualités de ce western de série B d’une incroyable densité malgré sa faible durée d’à peine 70 minutes.

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Les autres protagonistes se révèlent également presque tous intéressants. A commencer par celui interprété par la douce Felicia Farr qui tournait la même année dans deux chefs-d’œuvre de Delmer Daves, La Dernière caravane (The Last Wagon) et L’homme de nulle part (Jubal), et à qui George Sherman fera à nouveau appel pour l’un de ses derniers films, Le Diable dans la peau (Hell Bent for Leather) pour lequel elle aura Audie Murphy pour partenaire. Pour l’anecdote et vu qu’il est cité ci-dessus, si vous avez eu l’impression de connaitre par cœur le thème musical le plus mémorable dans La Vengeance de l’indien, c’est tout à fait normal puisqu’il s’agit également du thème principal de Jubal justement, Mischa Bakaleinikoff faisant la même chose à la Columbia que Joseph Gershenson à la Universal, chargé de la supervision des bandes originales des films du studio, recyclant très souvent à cette époque pour les films de séries B des thèmes préexistants. Pour en revenir au très attachant personnage féminin de Catherine, il s’agit d’une femme au caractère bien trempé ne supportant pas les outrages faits aux indiens qu’elle a toujours soutenu ; d’autant plus en colère depuis que le meurtre qui débute le film a fait pour victime l’un de ses amis d’enfance. Un personnage magnanime qui n’en concevra pas pour autant à un moment donné une profonde jalousie pour une probable rivale en amour, des propos violemment racistes venant à sortir de sa jolie bouche, ce qui se révèle finalement assez choquant de la part d'un personnage qui nous semblait jusque là comme un modèle de tolérance ; et c’est là que l’on se rend vraiment compte d’un scénario qui n’aura été manichéen à aucun moment, certains indiens pouvant s’avérer violents (même si ça peut se comprendre), certains blancs comme le juge ou le shérif pouvant s'avérer au contraire remarquablement posés, indulgents et intègres. Quant aux indiens, ils sont tous décrits avec une grande dignité ; dans ce 'camp' on se souviendra surtout de la très charmante Kathryn Grant (qui fut l’épouse de Bing Crosby) ainsi que de l’acteur Ralph Moody, ce dernier très émouvant dans la séquence qui arrive au bout d’une demi heure et qui dévoile le secret de Frank Madden ; il s'agit du pivot du film, une scène assez longue entre Moody et Madison remarquablement bien dialoguée et superbement interprétée qui devrait faire sauter les réticences à l’égard d’un Guy Madison plutôt juste et charismatique.

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Presque tous les seconds rôles mériteraient également d’être cités à commencer par les interprètes des trois inquiétants Bad Guys, Michael Pate, Edward Platt & Wayne Mallory (le propre frère de Guy Madison dans le civil). L’écriture du personnage de Bert Shipley (parfaitement bien tenu par Michael Pate qui aura auparavant joué un nombre impressionnant d’indiens dans divers westerns) est même significative de l’intelligence du scénario écrit à trois mains, qui parvient à nuancer et à donner de la consistance à la plupart des protagonistes (même les plus insignifiants) qui se seront révélés au final pour la plupart bien plus complexes qu’en apparence. Sur la forme, le film n’est pas en reste grâce surtout au travail du réalisateur, Sherman prouvant à nouveau que quant il s'en donnait la peine il était capable de savoir parfaitement bien cadrer (la plupart de ses gros plans sur les visages sont mémorables), d'amener une extrême tension à certaines séquences par le seul truchement du placement de ses personnages, du montage et encore de sa manière de cadrer (la formidable scène au cours de laquelle Wayne Mallory tente de provoquer Guy Madison en duel…), ou encore rythmer et rendre puissamment dynamique n'importe quels types de scènes d’action violente. On trouve même dans le courant du film quelques éclairs de génie comme cette idée du long plan statique en plongée lorsque celui que l’on allait pendre se retrouve d’une seconde à l’autre tout seul au milieu de la rue, la foule se dispersant et repartant de chaque côté de l’écran, Madden se trouvant du coup abandonné aussi bien par ses bourreaux que par ses amis. Une image qui fait son effet comme quelques autres encore...

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Un beau western pro-indien à la fois sérieux et pudique et qui, outre son semi happy-end ne collant pas vraiment avec tout ce qui a précédé,se sera révélé tout du long d’une exceptionnelle rigueur pour aborder des thèmes aussi difficiles que le racisme ambiant suite aux guerres indiennes, la folie meurtrière d’une foule ou encore la difficulté d’être un sang mêlé. Par son sujet et sa relative noirceur, un western dans la droite lignée du chef-d’œuvre d’Anthony Mann, La Porte du diable (Devil’s Doorway) ; un film longtemps attendu par les westernophiles et qui, au vu de sa très flatteuse réputation, ne démérite pas.
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Jeremy Fox
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Message par Jeremy Fox »

3.10 pour Yuma maintenant ; encore plus beau :wink:
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Colqhoun »

Déjà vu le remake, que j'ai beaucoup aimé.
Je vais me dépêcher de voir l'original.
Et je vais aussi me pencher sur la carrière western de Widmark.
Ce type dégage un charisme pas possible.
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Jeremy Fox »

Colqhoun a écrit :Déjà vu le remake, que j'ai beaucoup aimé.
Je vais me dépêcher de voir l'original.
Et je vais aussi me pencher sur la carrière western de Widmark.
Ce type dégage un charisme pas possible.

C'est clair. Toujours dans le western, Widmark est fabuleux dans Le trésor du pendu et Alamo par exemple
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Rick Blaine »

Jeremy Fox a écrit :
Colqhoun a écrit :Déjà vu le remake, que j'ai beaucoup aimé.
Je vais me dépêcher de voir l'original.
Et je vais aussi me pencher sur la carrière western de Widmark.
Ce type dégage un charisme pas possible.

C'est clair. Toujours dans le western, Widmark est fabuleux dans Le trésor du pendu et Alamo par exemple
Et La Ville Abandonnée, et Le Jardin du Diable!

De toute façon, Widmark est presque toujours une bonne raison de voir un film, ce type est un acteur formidable!
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Jeremy Fox »

Rick Blaine a écrit :
Jeremy Fox a écrit :

C'est clair. Toujours dans le western, Widmark est fabuleux dans Le trésor du pendu et Alamo par exemple
Et La Ville Abandonnée, et Le Jardin du Diable!

De toute façon, Widmark est presque toujours une bonne raison de voir un film, ce type est un acteur formidable!

Oui et d'ailleurs si je ne devais garder qu'un seul de ses films, ce serait Le Port de la drogue de Samuel Fuller après avoir été triste de faire partir Les Forbans de la nuit de Jules Dassin.
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Gun the Man down

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Gun the Man down (1956) de Andrew V. McLaglen
BATJAC


Avec James Arness, Angie Dickinson, Robert J.Wilke, Emile Meyer, Don Megowan, Harry Carey Jr.
Scénario : Burt Kennedy
Musique : Henry Vars
Photographie : William Clothier (Noir et blanc 1.85)
Un film produit par John Wayne & Robert E. Morrison pour la Batjac


Sortie USA : 15 novembre 1956


La fin de l’année 1956 marque les premiers pas dans l'univers westernien d’un réalisateur qui sera l’un des plus prolifiques dans le genre la décennie suivante, Andrew V. McLaglen. Le cinéaste sera également l’un des plus rentables et paradoxalement l’un des plus vilipendés par la critique (tout du moins française). A juste titre ? Ce n’est pas impossible mais nous aurons bien d’autres occasions d’en reparler. Quoiqu’il en soit et même s'il est permis de mettre en doute ses qualités artistiques, le succès de ses films auprès du public (notamment grâce à des castings souvent prestigieux) fait qu’il aura été malgré tout un réalisateur qui aura compté dans l’histoire du genre. Fils du comédien Victor McLaglen, Andrew a grandi sur les plateaux de cinéma et fut amené à fréquenter dès son plus jeune âge des célébrités tels que John Wayne et John Ford. Apprenant le métier sur les tournages du plus célèbre borgne d’Hollywood (les admirateurs de McLaglen diront d’ailleurs de lui qu’il fut le fils spirituel de Ford), il fut ensuite réalisateur de seconde équipe puis assistant réalisateur de Budd Boetticher (La Dame et le toréador (Bullfighter and the Lady) ou de William Wellman (Track of the Cat). Il produisit avec John Wayne pour sa société Batjac le superbe 7 hommes à abattre (Seven Men from now) de Budd Boetticher puis, sur les conseils de l’acteur, se lança la même année dans la réalisation avec ce petit western de série B, Gun the Man Down, dans lequel on retrouve un des acteurs de prédilection de John Ford, Harry Carey Jr. Avant d’entamer sa série de westerns à gros budgets dans les années 60, il se tournera d'abord surtout vers le petit écran où il mettra en scène d’innombrables épisodes des séries Perry Mason et Rawhide.

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Matt Rankin (Robert J. Wilke) et ses deux complices, Ralph Farley (Don Megowan) et Rem Anderson (James Arness), s’apprêtent à aller exécuter un hold-up à Palace City. Janice (Angie Dickinson), la fiancée de Rem, est inquiète ; elle a peur de ne pas voir revenir son homme sain et sauf. Mais, faisant partie du gang, elle a l’habitude de ces attentes angoissantes. Le cambriolage a lieu mais ne se déroule pas comme prévu puisque Rem est grièvement blessé par balle et ne peut plus se déplacer. Les bandits arrivent néanmoins à rejoindre leur repaire suivis d’assez près par les hommes du shérif. Plutôt que de s’encombrer du poids mort que constitue Rem, ses acolytes préfèrent le laisser tomber, embarquant de force sa compagne et s’enfuyant avec le butin. Rem est arrêté et emprisonné. Une année s’écoule ; Rem a fini de purger sa peine. Il part alors à la recherche de ceux qui l’ont lâchement abandonné et les retrouve dans une petite ville de l’Arizona grâce à l’aide d’un ami, tueur à gages, l’inquiétant Billy Deal (Michael Emmet). Dans ce lieu, Rankin dirige le saloon avec l’aide de Farley et Janice qui est devenue sa maîtresse. Farley est le premier à se trouver sur le chemin de Rem ; ils se battent violemment en plein centre de la rue principale ; ce qui n’est pas du goût du shérif Morton (Emile Meyer) qui ne tolère pas que la quiétude de sa ville soit ainsi troublée. Mort de peur, Rankin décide d’acheter les services de Billy Deal afin qu’il se débarrasse de son rival et ennemi. Apprenant ce 'meurtre prémédité', Janice va trouver son ex-fiancé pour s’excuser et le prévenir, mais ce dernier la repousse. Il est néanmoins sur ses gardes et va piéger lui-même celui qui était venu pour le tuer. Il se lance ensuite à la poursuite des trois ‘Judas’ qui en avaient profité pour prendre la fuite à nouveau…

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Un hold-up au cours duquel un des hors-la-loi est grièvement blessé et que ses complices décident d’abandonner ; un homme laissé pour mort mais qui refait son apparition alors que ses ex-complices (dont sa fiancée) ont entamé une nouvelle et coquette vie grâce au butin dévalisé ; un tueur à gages engagé pour se débarrasser de l’encombrant revenant… Rien de bien neuf ni de très original dans cette banale histoire de vengeance. Mais sachant que l’auteur du scénario n’est autre que Burt Kennedy, l’homme qui venait de signer pour son premier essai celui, splendide, de Sept hommes à abattre (Seven Men from now) de Budd Boetticher, la confiance était de mise ; et effectivement si l’intrigue n’est guère innovante, le scénario s’avère en revanche plutôt réussi, d’une rigoureuse et efficace écriture. On entre d’ailleurs directement dans le cœur de l’action, avant même que ne soit lancé le générique. La première image nous montre trois hors-la-loi autour d’un plan, en train de discuter des dernières mises au point d’un imminent hold-up. L’un d’entre eux fait ses adieux à sa fiancée qui, dès qu’ils ont franchi la porte, bouleversée par le départ de son bien-aimé, renverse maladroitement de l’encre sur le plan encore étalé sur la table. Cette tache épaisse et noirâtre qui se répand sur le dessin des lieux du méfait nous fait penser à une mare de sang et l’on devine d’emblée que le cambriolage va mal se dérouler. Ce que vient entériner l’inquiétante et très belle musique de Henry Vars (compositeur trop méconnu qui avait déjà accouché de la superbe partition pour Seven Men from now, western dont on entend beaucoup parler ici puisque ce n'était autre que la précédente production Batjac avec quasiment la même équipe artistique) qui peut alors s’élever avec ampleur en même temps que débute le générique. Et en effet, les premiers plans qui suivent viennent nous confirmer cette appréhension : un des hommes se fait blesser !

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En quelques plans parfaitement montés, on assiste au vol, à la blessure, à la fuite et à la poursuite. En à peine trois minutes, par l’intermédiaire d’une utilisation parfaitement maitrisée de l’ellipse et du hors-champ, grâce à l’ascèse des dialogues, Burt Kennedy et Andrew V. McLaglen nous présentent tous les enjeux dramatiques qui vont suivre en même temps qu’ils tracent le portrait de quatre des principaux personnages, ceux des hors-la-loi. Les trois autres seront le tueur à gages ainsi que les deux hommes de loi. Burt Kennedy n’a pas son pareil pour écrire des histoires simples avec très peu de protagonistes, préférant d’ailleurs s’appesantir davantage sur les relations entre ces derniers que sur l’action proprement dite. Il le prouve à nouveau ici. Le casting étant parfaitement bien choisi, le film se suit sans ennui du début à la fin même si on imagine le résultat s'il avait été mis en scène par un réalisateur parfaitement rôdé à l’ascétisme et à ce genre d’intrigues minimalistes, je pense avant tout une fois encore à Budd Boetticher qui le prouvera d'ailleurs avec les autres titres de sa fameuse collaboration avec Randolph Scott. Mais n’accablons pas plus Andrew V. McLaglen qui se révèle d’emblée très professionnel et très efficace, nous délivrant pour son premier film un exercice de style assez gratifiant pour le spectateur, parfois au bord du maniérisme sans jamais y plonger grâce en premier lieu à la beauté de la composition, des cadrages et de la photographie de William Clothier, aussi doué pour le noir et blanc que pour la couleur (Track of the Cat ; 7 hommes à abattre). La séquence très étirée de la recherche en ville de Rem par 'le tueur aux éperons bruyants' est typique de la tendance du cinéaste à vouloir prendre la pose, ces quelques affèteries étant heureusement gommées par le fabuleux travail du chef-opérateur. La volonté de n’éclairer qu’un minimum les séquences nocturnes donne aussi une touche de réalisme supplémentaire, ce qui change des nuits américaines qui ont souvent très mal vieillies. Plastiquement, ce film à très petit budget se révèle donc très beau d’autant que les paysages et les décors de la ville sont assez inhabituels (où pour être plus juste filmés sous des angles assez nouveaux avec nombreuses plongées et contre-plongées) ; il suffit de voir la traversée d’un champs de fleurs par un cavalier, l'arrivée de Rem dans la ville par les collines surplombantes ou la vue plongeante à l’intérieur du saloon pour s’en convaincre.

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Beauté de la photographie, ampleur de la musique, efficacité de la mise en scène, rigueur de l’écriture, etc., le tout au service d’une brochette de personnages pour certains fortement attachants ou au contraire effrayants. Parmi ces derniers un Robert J. Wilke que nous sommes contents de retrouver dans un rôle plus étoffé qu’à l’accoutumé mais surtout Michael Emmet (acteur de télévision dans un de ses uniques rôles pour le cinéma) dans la peau du tueur à gages, ami de celui qu’il doit abattre. Son rictus, ses mimiques, sa démarche et ses gestes font de son personnage un ‘Bad Guy’ assez mémorable. Don Megowan et James Arness, deux géants d’Hollywood par la carrure et la taille, nous offrent un combat à poings nus très brutal et sèchement teigneux, mais n’en délivrent pas moins des interprétations convenables tout comme Angie Dickinson dans un de ses premiers rôles d’importance (à noter que les auteurs n’ont pour une fois pas misés sur sa plastique puisque ses jambes seront constamment couvertes). Restent les deux personnages les plus sympathiques du film, à savoir le shérif placide et son adjoint naïf, respectivement interprétés par Emile Meyer et Harry Carey Jr. Les relations qui les unissent sont assez originales, le vieil homme couvant son adjoint comme s’il s’était agi de son fils, lui demandant d’aller pêcher pour l’éloigner de la ville lorsqu’il sent que le coin va devenir dangereux. Que ce soit pour ces deux hommes de loi ou pour le personnage joué par James Arness, la dernière séquence va d’ailleurs à l’encontre de ce que l’on pouvait attendre d'eux, finissant de faire de Gun the Man down une jolie surprise, finalement beaucoup moins sombre et violente qu'on aurait pu l'imaginer au départ au vu de son sujet, même si les morts seront nombreux comparativement au nombre de personnages mis en scène.

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Le faible budget du film semble avoir stimulé l’imagination du réalisateur qui ne retrouvera peut-être jamais ce niveau par la suite. Une modeste mais sympathique réussite sans beaucoup d’action mais avec suffisamment de tension et de suspense pour nous tenir en haleine jusqu’au bout. Pour l’anecdote et pour en revenir à l’acteur principal du film, grâce à sa rencontre avec John Wayne, James Arness (le frère aîné de Peter Graves) trouvera le rôle de sa carrière ; ce sera Matt Dillon, le Marshall de Gunsmoke dans la série westernienne homonyme, la plus longue qui ait jamais été produite, ayant perdurée 20 ans au travers de plus de 600 épisodes.
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Chip »

Vu en VO s/t . Mc Laglen ne fera jamais mieux par la suite, c'est son meilleur film, il faut peut-être en attribuer le mérite au scénario de Burt Kennedy et à l'utilisation adéquate de second couteaux comme Don Megowan, Robert Wilke, Emile Meyer, Harry Carey,jr., et le peu connu Michael Emmet . Le choix de James Arness pour le rôle principal est plus discutable.
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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Jeremy Fox »

Chip a écrit :Vu en VO s/t . Mc Laglen ne fera jamais mieux par la suite, c'est son meilleur film, il faut peut-être en attribuer le mérite au scénario de Burt Kennedy et à l'utilisation adéquate de second couteaux comme Don Megowan, Robert Wilke, Emile Meyer, Harry Carey,jr., et le peu connu Michael Emmet . Le choix de James Arness pour le rôle principal est plus discutable.

Sans aller encore plus loin (je leur redonnerais tous une seconde chance), je pense aussi qu'il s'agit de son meilleur film parmi ceux que j'ai pu voir. Et oui dommage que Michael Emmet n'ait pas plus joué au cinéma ; une bonne gueule de tueur sadique.
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7th Cavalry

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La Mission du Capitaine Benson (7th Cavalry - 1956) de Joseph H. Lewis
COLUMBIA


Avec Randolph Scott, Barbara Hale, Jay C. Flippen, Frank Faylen, Leo Gordon
Scénario : Peter Packer
Musique : Mischa Bakaleinikoff
Photographie : Ray Rennahan (Technicolor 1.85)
Un film produit par Harry Joe Brown pour la Columbia


Sortie USA : Décembre 1956


Comme je l’écrivais lors de ma critique de A Lawless Street (Ville sans loi), le western précédent de Joseph H. Lewis avec déjà Randolph Scott en tête d’affiche, lorsque l’on évoque le nom du cinéaste de nos jours, on pense avant tout au film noir ; il s'agit en effet, avec pourtant peu de titres à son actif, de l'un des plus grands cinéastes de série B ayant œuvrés dans le genre. On se souviendra surtout du fulgurant Gun Crazy (Le Démon des Armes), du très bon A Lady Without Passport ainsi que de l'excellent The Big Combo (Association Criminelle). Mais, comme l’écrivaient assez justement Bertrand Tavernier et Jean-Pierre Coursodon dans leur 50 ans de cinéma américain, "il y a un mystère Lewis ; il ne tient pas tant à l'inégalité de sa production, encore qu'entre The Big Combo et 7th Cavalry il y a un vrai abîme et qu'à côté de recherches techniques ou formelles sidérantes, on peut tomber sur des films totalement plats..." Et on ne peut qu’entériner cet avis à la vision de ce western militaire qui ne pourra que décevoir les admirateurs des films noirs précédemment cités. Si beaucoup penseront que La Mission du Capitaine Benson est un de ses premiers essais dans le genre, il n'en est en fait rien. Avant ça, étalés sur une vingtaine d’années, il en réalisa une douzaine d'autres qui, il est vrai, sont devenus rarissimes. Ils furent tournés exclusivement pour les studios Universal et Columbia, ne dépassèrent jamais les 60 minutes et devaient être diffusés en salles en première partie de programme. Juste avant 7th Cavalry, A Lawless Street fut un western urbain très agréable et assez original sur la forme (préfigurant d'ailleurs assez Forty Guns – 40 Tueurs de Samuel Fuller). Quoiqu’intéressant, le western de cavalerie qui nous concerne ici lui est inférieur, le cinéaste ne faisant des étincelles qu'à de rares instants (notamment lors des 10 premières minutes), le reste s'avérant formellement parlant assez quelconque.

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Le Capitaine Benson (Randolph Scott) du fameux 7ème de cavalerie du Général Custer est de retour à Fort Lincoln ; il ramène avec lui sa fiancée Martha (Barbara Hale), la fille du Colonel Kellog (Russell Hicks). Mais quelle n’est pas sa surprise quand il constate que le fortin a été déserté. Enfin presque, puisqu’il y retrouve au bout d’un moment quelques prisonniers gardés par le Sergent Bates (Jay C. Flippen) ainsi que l’épouse d’un officier (Jeanette Nolan) qui l’agresse sans tarder, l’accusant de lâcheté et de couardise pour ne pas avoir été sur le champ de bataille de Little Big Horn. Il a beau lui dire que c’est Custer lui-même qui lui avait donné son congé, elle ne veut rien entendre et lui apprend alors le massacre perpétré par les Indiens et la débâcle du régiment de Custer. Bientôt les quelques survivants rentrent à leur tour, tout aussi amers envers le Capitaine. Une enquête est ouverte par le Colonel Kellog pour déterminer les causes de la défaite écrasante de Custer ainsi que celles de l’absence de certains officiers. Concernant ‘l’abandon de poste’ de Benson, le Colonel ne prend pas en compte les arguments de son inférieur, aucune preuve ni aucun témoin venant les valider : ce qui l’arrange bien puisqu’il ne veut pour rien au monde du Capitaine pour gendre, un parvenu ayant intégré l’armée sans passer par West Point mais grâce à l’amitié que lui portait Custer. Quand le Président des États-Unis demande à ce que l’on aille ramener pour des funérailles officielles les corps des officiers morts au combat à Little Big Horn, Benson, afin de se disculper, se porte volontaire pour commander le détachement de cette mission suicide. En effet les Sioux ont décrété les lieux sacrés depuis la victoire remportée…

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Le tristement célèbre 7ème de cavalerie du titre original n’était autre que le régiment du Général Custer. La première originalité du western de Joseph H. Lewis est qu’il débute là ou La Charge fantastique (They Died with their Boots on) de Raoul Walsh se terminait, juste après la défaite et la mort du fameux officier à Little Big Horn. Et comme son illustre prédécesseur, 7th Cavalry semble prendre fait et cause pour ce haut-gradé par l’intermédiaire du personnage principal interprété par Randolph Scott qui est le seul à prendre sa défense lorsqu’on cherche à le fustiger, à oser dire que c’était un va-t-en-guerre uniquement préoccupé par la recherche de la gloriole. Assez culotté pour l’époque de dédouaner Custer de cette cuisante défaite alors que comme la plupart des autres soldats et officiers du film, on lui en impute aujourd’hui l’entière responsabilité : "Il se prenait pour Dieu et se croyait invincible. Il a désobéi aux ordres ! Pour tirer toute la gloire à lui en cas de victoire ! Custer aurait pu aussi bien faire sauter la cervelle de ses soldats lui-même" dit de lui avec une rare virulence l'un des quelques survivants de la bataille. Sur quoi, il se prend un magistral coup de poing dans la figure par le Capitaine Benson. De la part d’un officier si haut-gradé, un geste totalement déplacé mais qui rend le personnage de Benson plus humain. Il faut dire que dans le film, Custer était son meilleur ami au sein de l’armée et qu’il était celui grâce à qui il avait pu intégrer la cavalerie. En effet, pas assez doué pour faire West Point, Benson n’aurait jamais pu incorporer les Tuniques Bleues sans le soutien du Général. Une autre explication à ce massacrant mouvement d’humeur, le fait d’être injustement considéré par tous comme un pestiféré : "On se souviendra de moi comme de l’homme qui n’était pas là" dit-il dépité alors que c’est Custer lui-même qui lui avait donné l’ordre de quitter son service le temps de ramener sa fiancée au fort. On ne serait énervé et vexé à moins !

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Un postulat de départ très original et assez captivant d’autant qu’une sorte de procès va avoir lieu pour essayer de comprendre les tenants et aboutissants de cette débâcle historique, mettant même en scène certains officiers ayant réellement existés tel le Major Reno (Frank Wilcox) ou le Capitaine Benteen (Michael Pate). Seront abordées au passage des réflexions sur la loyauté, l’obéissance aux ordres, le libre-arbitre, le respect de la hiérarchie et les conséquences humaines d’un tel désastre. Mais dès la fin de la première demi-heure, on passe sans crier gare à toute autre chose, à un épisode imaginaire survenu suite à la défaite de Little Big Horn : on demande à un détachement militaire d’aller rapatrier les corps des officiers encore couchés sur le champ de bataille et de retrouver la dépouille de Custer afin qu’il ait des funérailles officielles. Le problème est que les Indiens occupent toujours le terrain et qu’ils refusent le droit à quiconque d’occuper les lieux qu’ils ont décrété sacrés suite à la victoire inespérée remportée en cet endroit. Pour se dédouaner des accusations qu’on lui fait porter, Benson va se porter volontaire pour accomplir cette mission, emmenant avec lui toutes les fortes têtes du régiment, ceux qui étaient restés prisonniers au fort durant la bataille, les violents et les soudards. Avec de telles idées (souvent inédites), il y avait encore de quoi se délecter. A priori, elles se trouvaient dans le roman à l’origine du scénario ; le problème vient d’un scénariste inexpérimenté (ce sera d’ailleurs son unique travail pour le cinéma) qui rend tous ces passionnantes pistes dramatiques, ternes, sans saveurs ni ampleur. En toute fin, les auteurs interrogent même avec un certain respect les croyances et superstitions des religions indiennes et catholiques sans néanmoins creuser plus avant cette thématique brièvement survolée.

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La faute n’est pas à imputer au seul scénariste mais également à Joseph H. Lewis qui n’hésitait pas à avouer s’être désintéressé très vite de ce projet. Si le prologue de l’arrivée dans le fort déserté est très réussi, intriguant à souhait de par la création d'une ambiance mortifère et inquiétante, tout à fait dans la lignée des meilleures séquences du cinéaste dans d’autres genres (avec son lot de cadrages insolites, de panoramiques à 180° et de longs plans séquences), la suite ne confirme malheureusement pas cette superbe entrée en matière, et devient rapidement au contraire, théâtrale, statique, bavarde et plate, mais néanmoins encore intéressante de par les thèmes abordées, les idées développées. Alors que la seconde partie (la mission proprement dite) semblait devoir apporter aux amateurs de mouvement l'action attendue jusqu’à présent, on regrette presque d’avoir été impatient au vu des deux seules séquences de combats à poings nus qui auront lieu (dont l’une entre Randolph Scott et un indien qui ressemble à tout sauf à un indien), toutes deux molles, bâclées et ridicules, les cascadeurs ne semblant pas très motivés par leur travail, Joseph H. Lewis ayant apparemment décidé d’abdiquer toutes recherches visuelles et idées de mise en scène. Quant à la grande séquence de bataille finale qui semblait inévitable, le petit groupe de soldats étant encerclé par des centaines d’indiens refusant que les militaires embarquent les corps de leurs compagnons morts au combat, elle n’aura finalement pas lieu à cause d’un retournement de situation pour le moins improbable et malheureusement assez risible, mettant en lumière la ‘doublure fantôme’ du cheval de Custer (je ne vous en dirais cependant pas plus). La tension est néanmoins palpable et la vision des indiens à ce moment là très respectueuse malgré tout. Randolph Scott, portant les vêtements militaires avec une certaine classe, est tout à fait crédible dans ce rôle d’officier loyal et intègre, injustement accusé de couardise ; mais son personnage, comme tous les autres d’ailleurs, ne bénéficie pas d’une écriture particulièrement fouillée ni recherchée qui aurait pu nous le rendre plus attachant. Ce qui peut bien arriver aux différents protagonistes nous est alors presque totalement égal ! En effet, aucun seconds rôles ne vient relever le niveau, pas plus les ‘Bad Guys’ que les personnages féminins, trop conventionnels et pauvrement développés pour nous intéresser plus avant.

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Un western à petit budget, plutôt soigné dans l'ensemble mais vraiment trop paresseux, dans lequel les abondants dialogues (pas spécialement marquants) priment sur l’action (guère plus mémorable lorsqu'elle surgit). Plastiquement et cinématographiquement sans grand intérêt à quelques splendides plans près, un film routinier assez décevant de la part de Joseph H. Lewis qui a souvent été plus inspiré. Il reste néanmoins presque constamment intéressant par son aspect socio-historique, sa manière d’aborder les conséquences de la bataille de Little Big Horn. Grâce à ça, l’ennui n'a pas le temps de s’installer d’autant que la musique martiale de Mischa Bakaleinikoff possède un certain allant et que les paysages sont jolis à regarder (même si le film n'a pas été tourné sur les lieux de l'action mais au Mexique). On aura donc le droit de préférer La Mission du commandant Lex à celle du Capitaine Benson et on se penchera avec plus de jubilation sur Thunder over Plains (La Trahison du Capitaine Porter) si l'on souhaite voir Randolph Scott porter la tunique bleue, voire même, si le voir endosser le gris des confédérés ne vous dérange pas, le superbe La Caravane héroïque (Virginia City) de Michael Curtiz. Ce western de Joseph H. Lewis ne sera à conseiller qu'aux fans de Randolph Scott ; avec Harry Joe Brown en tant que producteur, le comédien fera néanmoins beaucoup mieux.
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