Le Western américain : Parcours chronologique III 1955-1959

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Rick Blaine
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Rick Blaine »

Jeremy Fox a écrit :
Rick Blaine a écrit :
Même s'il exagère un peu, je ne lui donne pas tort à 100%,
Moi non plus ; dans mon exagération inverse, je sauve néanmoins les 5 premières et 5 dernières minutes :mrgreen:
:mrgreen:

Soyons honnête, je ne me rappelle du film que ses 5 premières minutes... :fiou:
Dans le fond, je pense que tu dois avoir raison. Je ne souhaite pas le revoir tout de suite pour confirmer en tout cas, j'ai trop de choses à découvrir... :lol:
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Jeremy Fox
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Strange Lady in Town

Message par Jeremy Fox »

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Une Étrangère dans la Ville (Strange Lady in Town - 1955) de Mervyn LeRoy
WARNER


Avec Greer Garson, Dana Andrews, Cameron Mitchell, Lois Smith, Pedro Gonzalez Gonzalez
Scénario : Frank Butler
Musique : Dimitri Tiomkin
Photographie : Harold Rosson (Warnercolor 2.55)
Un film produit par Mervyn LeRoy pour la Warner


Sortie USA : 12 Avril 1955

Étonnant de voir apparaître la signature de Mervyn LeRoy au générique d'un western, plus habitué que nous sommes à trouver associé son nom au film social ou de gangsters des années 30 ou à toutes sortes de drames psychologiques, familiaux ou romantiques de la Warner puis de la MGM ; Strange Lady in Town sera d'ailleurs son unique incursion dans le genre. En y regardant de plus près, excepté l'époque et les lieux et même si on y rencontre des Tuniques Bleues et des Indiens, si on y côtoie des cow-boys et des mexicains, même si on fréquente les saloons et si l'on s'y bagarre violemment à poings nus... on peut aisément comprendre que certains n'aient pas pensé à inclure ce film au sein du western. Il s'agit en fait d'une mixture de western (sans aucun doute) mais aussi de comédie romantique, de mélodrame familial ainsi que de film religieux, la mayonnaise n'ayant malheureusement pas pris à quelque niveau que ce soit. Il est même assez triste de voir ce grand cinéaste s'être fourvoyé à ce point en réintégrant la Warner (après avoir été fidèle à la MGM durant des années) car son film s'avère être un sacré ratage (comme d’ailleurs la plupart de ceux qui suivront malgré des idées de départ souvent intéressantes) ; d'où son passage sous silence dans une majorité des cas lorsque l'on aborde la filmographie du réalisateur. Que ce film ne soit pas plus souvent mis en avant est ainsi tout à fait justifié.

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1880 au Nouveau Mexique. Des Cow-boys voient arriver, étonnés, au milieu de leur campement, une superbe femme rousse très élégamment vêtue. Il s'agit de Julia Garth (Greer Garson) qui, en provenance de Boston, vient exercer sa profession de médecin dans la région. Sa diligence s'étant renversée, elle est venue leur demander de l'aide. Fatiguée de l'intolérance des hommes de l'Est envers les femmes, elle a décidé de s'installer à Santa Fe pour changer de vie surtout qu'elle a de la famille dans le coin, en l’occurrence son frère David (Cameron Mitchell), lieutenant dans la cavalerie. Elle trouve à se loger près d'une mission tenue par le père Gabriel Mendoza (Walter Hampden). Par son efficacité (elle réussit à soigner les yeux d'un enfant quasi aveugle), son charme et sa gentillesse, elle obtient assez vite du succès auprès des pauvres gens. Cela rend jaloux Rork O'Brien (Dana Andrews), le médecin de la contrée, qui l'accuse de lui soutirer tous ses clients. Julia n'est pas étonnée par ce fait, ayant été précédemment mise en garde de la rudesse et de la misogynie de cet homme par la fille de ce dernier (Lois Smith) qu'elle avait rencontré lors d'une de ses visites à son frère ; en effet, la jeune Spurs O'Brien aimerait bien se faire épouser de David qui va malheureusement suivre une mauvaise pente, se liguant avec des voleurs de chevaux. Avant de régler les problèmes de son frère et d'apaiser les conflits qu'elle a avec son principal rival en médecine, Julia en aura profité pour soigner quelques célébrités tels Billy the Kid ou le Général Lew Wallace. Sans elle, nous n'aurions ainsi jamais pu lire 'Ben-Hur'...

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Nous n'aurons ensuite plus jamais l'occasion de rencontrer de nouveau le cinéaste au sein de ce parcours ; alors ne restons pas sur une mauvaise impression de Mervyn LeRoy et rappelons rapidement de quoi il était capable en dehors de nous avoir délivré un mauvais western. Ce fut quand même l'homme qui nous avait offert l'un des films les plus puissants du début des années 30, l'inoubliable Je suis un évadé (I was a Fugitive from a Chain Gang), l'un des plus célèbres films de gangsters avec Le Petit César (Little Caesar), l'une des meilleures et des plus grinçantes comédies musicales de la Warner avec Chercheuses d'or 1933 (Gold Diggers of 1933), l'un des films pré-code les plus réjouissants avec Three on a Match. Passé à la MGM en changeant totalement de ton et de style, il nous donnera encore de beaux moments de cinéma : le superbe mélo romantique La Valse dans l'Ombre (Waterloo Bridge) ou ce sommet du film familial cher au studio du lion : Les 4 Filles du Dr March (Little Women). Nous pourrions encore citer Ville haute, Ville Basse (East Side, West Side), superbe drame au casting quatre étoiles, La Première Sirène (Million Dollar Mermaid), l'un des meilleurs ‘musicals’ avec Esther Williams ou encore Quo Vadis, intéressant péplum ne serait-ce que pour la composition halluciné de Peter Ustinov. Bien évidemment, cette imposante filmographie ne contient pas que de bons films mais suffisamment pour que ce cinéaste ait sa place tout à fait méritée dans les annales de l'histoire du cinéma. C'est pour cette raison que nous n'allons pas nous appesantir trop longtemps sur ce pseudo-western, moralisateur et un peu niais.

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Une femme qui se trouve être le protagoniste principal d'un western, ce n'était déjà pourtant pas banal même s’il y eut quelques célèbres antécédents (Johnny Guitar) ; les personnages de Julia (femme brillante ayant étudiée la médecine en Europe d’où elle ramène de nouvelles méthodes vues avec méfiance) et de Spurs (garçon manqué se moquant des réactions réactionnaires de son père) permettent aux auteurs de lancer des messages progressistes quant à la place de la femme dans la société ainsi que de vilipender la misogynie ambiante à l’époque et l’ignorance des ‘mâles’ quant aux capacités des femmes à exercer les mêmes professions qu’eux. Seulement, c'est souvent asséné sans nuances au sein de scènes intempestivement bavardes ou au contraire avec une trop grande légèreté (presque avec insignifiance), par l'intermédiaire de la rivalité/attirance gentillette entre Dana Andrews et Greeer Garson à la façon d'une comédie américaine, le spectateur sachant pertinemment qu'avant la fin du film, les deux adversaires se jetteront dans les bras l’un de l’autre. Au sein d’un scénario parfaitement prévisible, le pauvre Dana Andrews se voit obligé de déclarer sa flamme au cours d’une séquence ridicule où, assis derrière son piano, il fait sa demande en mariage en récitant un poème. Mais le scénariste Frank Butler (pourtant auteur du très beau Whispering Smith) fera encore plus gratiné dans la balourdise et la niaiserie avec la mort du prêtre ; il n'aurait plus manqué que les chœurs célestes pour en faire un monument de ringardise ! Quant au petit indien aveugle à la voix d’ange, nous ne sommes guère éloigné de Joselito. Il est clair qu’au milieu de tout ce salmigondis, les amateurs d’action se sentiront blasés d’autant que quant elle arrive, c’est à coups de vilaines transparences comme lors de la ‘course’ de buggy.

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Le film aurait pu éventuellement donner lieu à une chronique villageoise à la façon de Stars in my Crown de Jacques Tourneur mais ce n’est même pas réussi à ce niveau non plus, les auteurs ayant surtout centré leur histoire sur Greer Garson qui, impassible, passe tous les obstacles avec un calme olympien au travers d’une suite de séquences s’éternisant plus que de coutume. L’actrice est loin d’être mauvaise mais ce que le scénariste donne à faire à son personnage (proche de celui Marie Curie déjà interprété par l’actrice) ne s'avère guère captivant. Et puis, la Warner, fidèle à 'son style westernien', ne peut s’empêcher d’injecter à l’ensemble un humour balourd (avec notamment l’insupportable comédien Gonzalez Gonzalez) rendu encore plus indisgeste par les traits appuyés de la musique de Dimitri Tiomkin qui, hormis la chanson du générique chantée par Frankie Laine, ne restera pas dans les annales elle non plus. Bondieuserie et leçons de morale à gogo : "courage fuyons" ; d’autant que plastiquement, le film est loin d’être mémorable à l’image de l’utilisation ‘platounette’ du scope. Une actrice principale qui fait ce qu’elle peut face au reste d'un casting bien terne et quelques situations intéressantes pour un western dans l’ensemble plutôt mauvais, en tout cas tout à fait dispensable hormis pour ceux qui feraient une thèse sur le féminisme au cinéma. Pour l’anecdote, c’est grâce à l’hospitalisation de Greer Garson pendant le tournage que Mervyn LeRoy a pu aller remplacer John Ford (hospitalisé lui aussi) sur celui de Permission jusqu’à l’aube (Mister Roberts).
feb
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par feb »

Vu comment par quel biais M. Fox ?
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Jeremy Fox
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Five Guns West

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Cinq Fusils à l’Ouest (Five Guns West - 1955) de Roger Corman
PALO ALTO


Avec John Lund, Dorothy Malone, R. Wright Campbell, Mike Connors, Jonathan Haze, Paul Birch
Scénario : R. Wright Campbell
Musique : Buddy Bregman
Photographie : Floyd Crosby (Pathécolor 1.37)
Un film produit par Roger Corman pour Palo Alto Productions


Sortie USA : 15 Avril 1955


La première relative bonne surprise de ce mois d’avril 1955 riche en sorties westerniennes provient du western au plus petit budget, celui d’une série Z d’ailleurs, à peine plus de 60.000 dollars ! Il s’agit du premier film réalisé par Roger Corman qui sera un des cinéastes les plus prolifiques d’Hollywood dans les années qui suivront, auteur d’une cinquantaine de films en tant que réalisateur et près de 400 avec la casquette de producteur. Il sera surtout un formidable ‘chasseur de têtes’ puisqu’il dénichera non moins que Francis Ford Coppola, Martin Scorsese, Ron Howard, Joe Dante, Peter Bogdanovich ou Jonathan Demme qu’il contribuera tous plus ou moins à lancer dans le métier. Alors qu’il distribua également aux USA des réalisateurs de renom (Fellini, Bergman, Truffaut…), dès qu’il se retrouvait derrière la caméra, sa conception du cinéma était à l’opposé de celle de ces grands noms, entièrement tournée vers le pur divertissement avec comme paramètres, entre autres un budget très faible, une grande liberté dans l’écriture et une durée de tournage limitée au maximum (rarement plus d’une semaine ; 9 jours néanmoins pour son premier western). Filmés dans ces conditions, parmi ses films les plus connus, on pourra citer La Petite Boutique des horreurs, comédie horrifique, Mitraillette Kelly, film de gangsters avec Charles Bronson ou encore, dans le domaine du film de guerre, L’Invasion Secrète avec Mickey Rooney. Mais c'est surtout son cycle Edgar Allan Poe qui contribua à sa réputation. S’entourant d’une équipe qui lui restera fidèle, soignant plus qu’à l’habitude ses mises en scène, il en résultera toute une série de films plastiquement assez recherchés : La Chute de la Maison Usher, Le Masque de la mort rouge, La Chambre des Tortures ou Le corbeau. Mais revenons-en à son premier film !

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La Guerre Civile touche à sa fin ; les Sudistes sont aux abois. Ne disposant plus que d’un nombre d’hommes restreint et ne voulant pas encore en perdre de trop, l’armée confédérée fait parfois appel à des prisonniers auxquels elle demande d’effectuer des missions délicates et dangereuses en échange d’être graciés. C’est ainsi qu’on offre la chance à cinq condamnés à mort ou à perpétuité – l’Old Timer J.C. Haggard (Paul Birch) ; le joueur Hale Clinton (Mike Connors) ; les frères Candy, tueurs psychopathes, John (Bob Campbell) et William (Jonathan Haze) ; l’assassin désigné comme chef de groupe, Govem Sturgess (John Lund) - d’être amnistiés à condition qu’ils ramènent mort ou vif un traître à la cause sur le point de donner au camp adverse non seulement une liste contenant les noms d’espions sudistes infiltrés mais aussi 30.000 dollars en or. Cette dernière information n’est pas tombée dans l’oreille de sourds ; les cinq hors-la-loi acceptent le travail avec déjà en tête l’idée de s’enfuir avec cette manne financière leur tombant du ciel. Ils devront d’abord traverser l’hostile territoire Comanche afin de se rendre dans le Kansas, plus précisément dans une ville abandonnée, Dawn Springs, où seule reste active une station de diligence à laquelle doit s’arrêter l’escorte nordiste conduisant Stephen Jethro, l’homme à appréhender. Arrivés à destination presque sans encombre, les cinq hommes apprennent par Shalee (Dorothy Malone), la tenancière du relais (simplement accompagnée par son oncle alcoolique), qu’ils devront patienter quelques jours avant l’arrivée de la diligence. Il ne va pas être facile pour le chef de groupe de maintenir ses hommes au calme à cause de la tension qui monte suite à l’impatience qui s’accroit, des alliances traitresses qui se créent et surtout de la présence féminine qui réveille en eux quelques primitifs instincts…

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Un commando constitué de brutes, de tueurs, d’indésirables et de hors la loi, recruté par l’armée pour effectuer une mission dangereuse, ce sera à nouveau le thème principal de L’Invasion secrète (The Secret Invasion), un très bon film de guerre réalisé en 1963 à nouveau par Roger Corman avec Raf Vallone, Mickey Rooney et Stewart Granger ; il sera ensuite repris dans ce qui demeurera le modèle du genre, le célèbre Dirty Dozen (Les Douze Salopards) de Robert Aldrich en 1967. Mais, pour en revenir à ce western fauché qui innovait en quelque sorte avec cette idée, Roger Corman, pour son premier film, prouvait (après Lesley Selander et quelques autres) qu’à l’aide d’un scénario plutôt bien construit, de personnages fortement caractérisés et de dialogues efficaces et cinglants, on pouvait maintenir l’attention du spectateur 75 minutes durant sans avoir recours à trop d’action et malgré un certain bâclage technique (faux raccords en pagaille, micros dans le champ, éclairages studio réglés à la va-vite…). Avec des bouts de ficelles, un résultat somme toute plaisant, ce qui n’était pas le cas des quelques westerns disposant de moyens bien plus conséquents et sortis sur les écrans américains la même semaine, à commencer par le film de prestige de Mervyn LeRoy à la Warner, Une étrangère dans la ville (Strange Lady in Town). Le casting de Cinq Fusils à l’Ouest étant constitué d’au moins deux comédiens assez ‘connu’ à l’époque (Dorothy Malone et John Lund), les moyens financiers qui restaient pour les autres secteurs devaient être plus que limités. On s’en rend compte surtout au travers des séquences de bagarres pour lesquelles la production n’a probablement pas du pouvoir payer de cascadeurs, ce qui rend, il faut bien l’avouer, ces moments assez risibles. En y regardant de plus près et sans que ça nous ait gêné, on constate aussi que le film, au vu de son budget, n’est presque quasiment constitué que de scènes dialogués. Mais comme nous le disions juste avant, le scénario étant très bien écrit et bénéficiant de dialogues d’une grande efficacité, on ne s’ennuie pas même si par moment, on ressent une petite de lassitude, l'ensemble piétinant et tournant un peu en rond à partir de la mi-film.

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Mais dans l’ensemble, le visionnage fut constamment plaisant d’autant que Roger Corman a su s’entourer de comédiens s'étant tous pris au jeu et qui se sont tous avérés plutôt bons à commencer par John Lund qui nous avait habitué jusqu’ici à jouer les sympathiques médiateurs entre blancs et indiens dans les westerns de George Sherman et qui est tout à fait convaincant dans la peau de ce personnage nous réservant une surprise de dernière minute. Paul Birch n’est pas en reste dans la peau de l'attachant Old Timer et nous découvrons ici dans le rôle du joueur sans morale le futur interprète de Mannix, Mike Connors. Les deux frères psychopathes, ce sont Jonathan Haze et R.Wright Campbell qui les incarnent ; ils s’en sortent aussi relativement bien d’autant que le second n’était pas acteur mais scénariste (notamment sur ce film). S’étant plaint à Corman de son salaire pour son travail d’écriture (200 dollars !), il put en contrepartie s’amuser en s’essayant au métier d’acteur. Le seul personnage féminin, c’est à Dorothy Malone qu’il échoit. Déjà au générique d’une dizaine de westerns sans trop s'être fait remarquer, on ne peut pas dire que ce soit encore dans celui-ci qu’elle fasse montre d’un grand talent mais sa prestation se révèle néanmoins correcte. Grâce à ce casting plutôt homogène, au scénario bien construit et à un bon sens de la répartie, Cinq Fusils à l’Ouest n’est pas le nanar qu’il aurait facilement pu être, ce que nous faisait redouter le générique un peu ringard voyant cinq bras armés pointés vers le spectateur durant toute sa durée.

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Five Guns West bénéficie d’ailleurs aussi de photogéniques extérieurs, d’une photographie automnale de Floyd Crosby assez agréable en pathécolor (procédé qui ressemble un peu au Cinecolor, mettant en avant les bruns, mais un peu plus nuancé) et d’une musique pas déplaisante de Buddy Bregman. Satisfait du travail du scénariste, du compositeur et du chef-opérateur, Roger Corman fera de nouveau appel à eux par la suite ; ils formeront ainsi une sorte de famille cinématographique. Le cinéaste utilise aussi assez bien le peu de décors construits qu’il a eu à sa disposition, notamment le relais de diligence et ses alentours où se déroulera la majeure partie de la deuxième moitié du film. L’idée de l’attaque finale des héros cloitrés dans la station par un ‘Bad Guy’, celui-ci s’étant faufilé sous le plancher pour tirer sur les assiégés par-dessous, est très bien vue et permet de maintenir un suspense assez efficace, le tueur tirant en fonction des bruits de pas au dessus de sa tête. Pour résumer, une stricte économie de moyens (peu de décors, d’action et de figurants) qui n'empêche pas la tension dramatique de s'installer, les conflits internes menaçant à chaque instant de faire se désintégrer le groupe, le maintien d'un assez efficace suspense, quelques ingénieuses idées scénaristiques et de mises en scène pour un divertissement au ton âpre et peu glamour (un peu à la manière de Yellow Sky de Wellman sans pour autant, loin s'en faut, lui arriver à la cheville), tout à fait honorable même si immédiatement oublié une fois le film terminé. Five Guns West n'avait de toute manière aucune autre prétention que d’être une récréation pour le public du samedi soir. Mission plutôt réussie !
feb
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par feb »

C'était donc il y a fort longtemps :mrgreen: Merci Monsieur :wink:
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Jeremy Fox
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Shotgun

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Amour, Fleur Sauvage (Shotgun - 1955) de Lesley Selander
ALLIED ARTISTS


Avec Sterling Hayden, Yvonne De Carlo, Zachary Scott, Guy Prescott, Robert J. Wilke
Scénario : Rory Calhoun & Clarke Reynolds
Musique : Carl Brandt
Photographie : Ellsworth Fredericks (Technicolor 1.85)
Un film produit par John C. Champion pour la Allied Artists


Sortie USA : 24 avril 1955

Après Roger Corman et son premier film (Five Guns West), c’est au tour de Lesley Selander de nous offrir l’une des plus réjouissantes petites surprises de ce premier semestre 1955 ; autant dire qu’en ce qui concerne cette mi-cuvée assez moyenne, à l’exception de quelques classiques immédiats signés Anthony Mann (Je suis un Aventurier – The Far Country) ou King Vidor (L’Homme qui n’a pas d’étoiles – Man without a Star), tous deux tournés pour la Universal (qui continue à me donner raison en dominant encore et toujours les autres Majors dans ce domaine malgré une baisse qualitative d’ensemble de sa production), il fallait paradoxalement aller chercher les pépites westerniennes plutôt au sein des compagnies de la Poverty Row que du côté des grands studios. Ici la Allied Artists pour un film produit par John C. Champion, déjà aux manettes budgétaires d’un précédent western-policier tout à fait plaisant de Selander, Le Justicier de la Sierra (Panhandle), dont le scénario était signé Blake Edwards. Avec une centaine de westerns à son actif dont beaucoup de ‘bandes’ tournées à toute vitesse avec les héros de ‘serials’ qu’étaient Hopalong Cassidy, Lone Ranger ou Kit Carson, le prolifique cinéaste en a certes réalisé un grand nombre de très mauvais ; c’était le cas pas plus tard que l’année précédente avec Arrow in the Dust (Le Défi des Flèches), Sterling Hayden déjà en tête d'affiche. Shotgun est donc d’une toute autre trempe, de la même qui faisait de Fort Osage une très belle réussite, notamment scénaristique !

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Ben Thompson (Guy Prescott) vient de passer six années en prison à cause du shérif Fletcher (Lane Chandler) et de son adjoint Clay Hardin (Sterling Hayden). Accompagné de quatre complices, il revient en ville se venger de ces deux hommes. Fletcher est traîtreusement tué à bout portant au moyen d’un fusil à canons sciés (le Shotgun du titre) qui le coupe presque en deux. Hardin, qui a réussi à échapper au piège qui lui était tendu, fait à son tour serment de venger Fletcher. Malgré les réticences de sa fiancée qui lui dit qu’elle le quittera s’il s’exécute, il part néanmoins à la poursuite des meurtriers. En route il tombe sur Bentley (Robert J. Wilke), un des membres de la bande de Thompson, attaché à des pieux par les Apaches (sur les ordres de Ben qui traite avec eux en leur vendant des Winchesters de contrebande et qui n’a pas supporté que Ben décide de quitter le gang). A ses côtés, ligotée elle aussi à un arbre pour être le témoin de la lente agonie de son ‘partenaire’, une saloon Gal, Abbey (Yvonne de Carlo). Hardin les délivre tous deux mais se voit vite contraint d’abattre le bandit qui avait tenté de lui subtiliser son arme et de fuir. Le couple de fortune poursuit sa route ; bientôt, ils font une nouvelle rencontre, celle de Reb Carlton (Zachary Scott), un chasseur de primes également sur les traces de Thompson. Hardin connait bien Reb qu’il a côtoyé dans sa jeunesse avant de passer du bon côté de la loi. Malgré sa méfiance, il accepte que Reb se joigne à eux et le trio ainsi formé continue la traque des Outlaws désormais réfugiés chez les Indiens…

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Le sujet principal de Shotgun n’est rien d’autre qu’une basique histoire de vengeance mais le scénario est assez malin pour rendre le tout assez curieux et novateur, assez bien écrit pour ne jamais faire retomber la tension et faire conserver son efficacité au film tout du long. Il est d’ailleurs amusant de constater qu’il a été coécrit par un homme qui n’avait pas du tout l’habitude de ce genre de travail, l’acteur Rory Calhoun ; bien lui en a pris de tenter autre chose que le métier de comédien puisque c’est une réussite qu’il partage en commun avec le futur scénariste de Shalako. Le Shotgun du titre est une arme, un fusil à canon scié qui sera rendu célèbre par le Joss Randall de Steve McQueen dans la série Au Nom de la loi. Ici, c’est l’arme qui tuera le Marshall en tout début de film et celle que posséderont aussi d’ailleurs les deux principaux ennemis, Ben Thompson et Clay Hardin ; le film se clôturera d’ailleurs par un duel à cheval au Shotgun, surveillé par les Apaches. Une idée encore jamais vu au sein du western et que nous n’aurons pas l’occasion de revoir à mon avis. C’est d’ailleurs l’un des principaux points communs des bonnes cuvées de Lesley Selander que la multitude de petits détails cocasses, inhabituels ou (et) jamais vus, qu’ils soient scénaristiques ou purement iconographiques. Ici le Shotgun a une certaine signification puisqu’il s’agit d’une arme lourde et peu précise qui n’est efficace que de très près, produisant de gros dégâts quasiment irréversible ; l’on dit dès le départ que le shérif a non seulement été tué mais a été quasiment déchiqueté et coupé en deux par l’arme. Le film sera donc un peu plus brutal et violent qu’à l’accoutumé à l’image de celle que nous renvoie le titre original. Quant au titre français, on peut tabler soit sur l’amour fou du distributeur pour Yvonne De Carlo à laquelle il aurait ainsi rendu hommage, soit sur une cuite monumentale la veille de se décider à en choisir un ! Aucune autre explication possible si ce n’est peut-être en repensant à ces quelques curieux avant-plans sur des branches ou fleurs qui procèdent de ce ton assez original du film.

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Parmi les autres situations assez nouvelles en plus du duel final, citons aussi cette séquence assez sadique au cours de laquelle Sterling Hayden tarde à délivrer Robert J. Wilke de la mauvaise posture dans laquelle il se trouve, à savoir attaché par des liens en cuir à un pieu près d’un serpent à sonnettes qui est sur le point de fondre sur lui. La résolution de cette scène est un coup de Shotgun dans la tête du serpent qui explose littéralement. Outre des situations assez neuves, une minutieuse attention portée à toute une foule de petits détails qui renforcent le vérisme du film, une violence accrue (les combats à poings nus et les gunfights sont, comme dans Fort Osage, parmi les plus nerveux et violents vus jusqu’ici, au cours desquels les acteurs et cascadeurs semblent ne pas y aller de main morte), Selander et ses scénaristes brossent le portrait d’un Ouest assez sombre au sein duquel se meuvent des hommes et femmes peu fréquentables, fortement caractérisés mais néanmoins attachants par le fait justement de n’être pas parfaits, loin de là ! A commencer par le personnage interprété par un Sterling Hayden qui trouve enfin un western à la hauteur de sa forte stature et de son puissant charisme après une dizaine de navets (et sans évidemment compter le sublime Johnny Guitar). Il en impose ici dans le rôle du vengeur opiniâtre et impitoyable qui n'a qu'une idée en tête : poursuivre un bandit pour l’achever avec la même arme que celle qui a abattu son collègue même si ça lui coûte son mariage. Un brin macho, pas forcément sympathique, il n’hésite pas à brutaliser la femme qui l’accompagne, à lui parler mal, à la rudoyer, à lui arracher de force un baiser, …, bref, à la traiter comme il estime juste de traiter une femme, de mauvaise vie qui plus est ! Leur attachement sera d’autant plus captivant que la romance qui se créera entre eux deux sera loin d’être mièvre. En effet, Yvonne De Carlo incarne une femme de tête, ex-chanteuse de cabaret, lasse de ce travail qu'elle a due endurer et surtout fatiguée de devoir supporter les incessantes mains aux fesses, peu pudique au point de se baigner nue dans la rivière sans s’offusquer de ce qu’on la regarde avec concupiscence. Lui ayant ôté tout son glamour, l’ayant vêtu de vêtements masculins peu conformes à sa silhouette, l’ayant accoutré d’une coiffure peu flatteuse (ce qui décontenance obligatoirement au début, nous rappelant d’elle comme d’une des plus belles actrices de la fin des années 40), elle peut alors prouver sans fards son talent d’actrice dramatique en étonnant ses plus fervents admirateurs.

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Le troisième larron n'est autre que le moustachu Zachary Scott, très à l'aise dans la peau de ce 'Bounty Hunter' cynique et suave qui préfigure ceux plus célèbres et encore plus ambigus de Budd Boetticher ou Sergio Leone. Les trois comédiens bénéficient de punchlines bien senties et semblent s'en amuser avec délectation sans que celà fasse à aucun moment factice ; au contraire, au meilleur de sa forme, Selander a toujours recherché le vérisme et la vraisemblance à travers les réactions de ses personnages (qui sont loin d'être des héros traditionnels comme c'était déjà le cas dans Fort Osage). Les relations entre les trois principaux protagonistes, faites de tension, de jalousie, de méfiance ou parfois de compréhension, sont au final loin d'être inintéressantes. Chacun des membres de ce trio de fortune nous révèlera même in fine une facette innatendue de sa personnalité, l'humanité venant surgir là où on ne l'attendait plus, le nihilisme de l'ensemble étant in extremis battu en brêche (ce qui réjouira les amateurs de happy end). Les autres protagonistes ne sont quasiment constitués que par les 'Bad Guys' efficacement incarnés par des 'trognes' que l'on a l'habitude de voir dans ce type de rôles tel Robert J. Wilke. Quant aux figurants indiens, ils sont assez crédibles pour une fois. Belle distribution, rigoureuse écriture du scénario auxquels on peut rajouter un score bien efficace de Carl Brandt et surtout un Lesley Selander qui semble s'être régalé des paysages désertiques de Sedona (Arizona), prenant son temps de penser ses cadres et ses mouvements de caméra en fonction, les utilisant superbement au sein de belles compositions picturales. Que ce soient les magnifiques plan d'ensemble destinés à magnifier les grandioses montagnes ou les plans plus rapprochés sur les acteurs, ils paraissent tous avoir été réfléchis. La très belle photographie du futur oscarisé Ellsworth Fredericks semble avoir sacrément motivé le réalisateur dont la mise en scène s'avère très correcte elle aussi.

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Malgré toutes ces qualités, Shotgun n'atteint évidemment jamais des sommets car le faible budget se fait parfois ressentir, la psychologie des personnages reste assez sommaire et la mise en scène, même si correcte, ne saurait être comparée à celle des plus grands. Mais, allant dramatiquement à l'essentiel sans précipitation excessive et avec une fluidité jamais démentie, ce western est d'une belle efficacité, d'une brutalité et d'une violence assez innacoutumée pour le milieu des années 50 (il n'y a qu'à voir les combats à poings nus, comme dans Fort Osage, bougrement teigneux). Il n'est cependant pas dénué d'humour à l'image de cette séquence très cocasse au cours de laquelle Hardin rencontre un chariot conduit par un homme à la mémoire plus que fragile, d'une innatention telle qu'il fait se terminer la séquence sur une note très amusante, la moue dépitée de Sterling Hayden ne pouvant que provoquer le sourire. L'humour (noir), on le trouve aussi dans les dialogues à l'image de cette répartie du chef des bandits lorsqu'un de ses hommes s'étonne qu'il ait pu être aussi poli avec le membre de l'équipe qui souhaite les abandonner : “When you know you're goin' to have to kill a man, Perez, it costs nothing to be polite”.

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Tout film devrait être présumé innocent” avoue justement Bertrand Tavernier dans sa présentation du film qu'il avait qualifié de bâclé dans sa première édition de 30 ans de cinéma américain. Car n'importe quel tâcheron peut parfois avoir un sursaut d'orgeuil et vouloir nous livrer de la belle ouvrage : ce qui fut le cas à plusieurs reprises pour Lesley Selander et Shotgun pourrait bien être l'un de ses meilleurs films, faisant l'objet d'un culte chez certains.
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Run for Cover

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A l’ombre des Potences (Run for Cover - 1955) de Nicholas Ray
PARAMOUNT


Avec James Cagney, John Derek, Viveca Lindfors, Jean Hersholt, Jack Lambert, Ernest Borgnine
Scénario : Winston Miller d’après une histoire Harriet Frank Jr & Irving Ravetch
Musique : Howard Jackson
Photographie : Daniel L. Fapp (Technicolor 1.85)
Un film produit par William H. Pine & William C. Thomas pour la Paramount


Sortie USA : 29 Avril 1955

Ceux (même si peu nombreux à l’époque) qui étaient totalement tombés sous le charme de Johnny Guitare devaient trépigner d’impatience en ayant pris connaissance de la sortie imminente d’un nouveau western signé Nicholas Ray. S’ils s’attendaient à pareil lyrisme, baroquisme ou originalité, ils durent néanmoins sacrément déchanter car, malgré la très correcte qualité d’ensemble de ce nouveau western, on ne peut pas dire que les deux films boxent dans la même catégorie. A côté d’un chef d’œuvre culotté, unique et intemporel, passionnant et bouleversant, nous avons droit à un western somme toute assez traditionnel (encore plus sur la forme que sur le fond d’ailleurs) même si les thématiques sont une fois encore bien celles de son auteur. Tout comme L’homme qui n’a pas d’étoiles (Man without a Star) de King Vidor sorti quelques semaines plus tôt, le film de Nicholas Ray aborde entre autres le thème de l’apprentissage, un homme d’âge mur prenant sous son aile un adolescent qu’il sent immature et déséquilibré. Mais une fois encore, contrairement au film de Vidor, celui de Ray reste dans l’ensemble bien trop sage et, même si ce n'était surement pas son but, bien moins fougueux et captivant. S’il fait partie des films les plus mal connus de son auteur (et surtout en France), il mérite néanmoins qu’on s’y arrête même s’il est loin de faire partie (surtout pris en sandwich entre Johnny Guitare et La Fureur de Vivre) de ce qu’il a réalisé de plus mémorable ; mais un western semi-élégiaque qui prône des valeurs de générosité, de pardon et d’apaisement se doit de toute manière d’être mis en avant car ce n’était pas si courant que ça dans le genre à l’époque.

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Alors qu’il s’était arrêté à un point d’eau pour s’y désaltérer, Matt Dow (James Cageny), homme d’âge mûr, fait la connaissance de Davey Bishop (John Derek), jeune orphelin immature qui, au vu de sa conversation, semble rechigner à travailler, préférant l’argent gagné plus facilement. Apprenant que ce dernier habite la ville vers laquelle il se dirige, Matt lui propose de faire la route ensemble. Suite à un malentendu, ils sont pris pour les complices d’un gang de voleurs de train sévissant dans la région ; une embuscade leur est tendue et, sur les ordres du shérif (Ray Teal), on leur tire dessus sans sommation et sans avoir vérifié auparavant la véracité de ces informations. Alors qu’ils sont sur le point de lyncher Matt, les hommes du Posse se rendent compte de leur erreur en constatant que le deuxième homme n’est autre que Davey, un de leurs concitoyens. Celui-ci a été gravement blessé à la jambe ; il est conduit pour être soigné chez les Swenson, Helga (Viveca Lindfors) et son père (Jean Hersholt). S’étant pris d’affection pour le jeune homme et s’en sentant désormais responsable, Matt demande l’autorisation aux Swenson d’être lui aussi hébergé pour pouvoir veiller sur son nouveau protégé qui lui rappelle dans le même temps son fils perdu prématurément et qui aurait eu aujourd’hui le même âge que lui. Durant son séjour, Matt tombe amoureux de son hôtesse. Quant aux habitants, honteux d’avoir failli pendre des innocents et gêné que Davey ne puisse peut-être pas retrouver l’usage de sa jambe, ils voudraient à tout prix se racheter. Ils décident donc de destituer leur shérif trop vindicatif et demandent à Matt de le remplacer. Après réflexion, ce dernier accepte à condition qu’il puisse choisir Davey pour adjoint. Mais la rancune que conçoit le jeune homme envers ses concitoyens demeure tenace…

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Toutes les intéressantes thématiques développées par le film sont mises en avant dès le premier quart d'heure : l’apprentissage, les conflits de générations, la justice expéditive, les différentes réactions face à l’injustice, la rédemption… Après une très belle chanson d’ouverture (dont une phrase musicale en particulier préfigure étonnamment l’une des plus célèbres de la superbe partition qu’écrira Dimitri Tiomkin pour Alamo), Run for Cover débute directement par la rencontre entre Matt, homme d’âge mûr et Davey, la vingtaine environ. Immédiatement, au vu des idées qu’il sent poindre dans la tête du jeune orphelin (dont l’attrait pour l’argent gagné facilement plus qu’à la sueur de son front), on sent que Matt souhaiterait prendre Davey sous sa coupe et lui enseigner des valeurs pouvant lui permettre de rester sur la bonne voie, telles l’importance du travail, l’entraide, la fierté de faire le bien autour de soi, le respect des autres… Cette soudaineté dans la volonté de prendre en charge le jeune homme, nous la comprendrons plus tard lorsque nous apprendrons que Davey lui rappelle le fils qu’il a perdu prématurément ; Matt se sent alors un peu le devoir de se comporter envers lui comme un père qui ne souhaite pas le voir mal tourner. Davey manque d’ailleurs de peu de tuer son tuteur dès leur première rencontre, ayant une seconde d’hésitation lorsqu'ils se retrouvent tous deux avec un butin 'tombé du ciel' suite à un malentendu, la tentation de fuir avec l’argent lui ayant traversé l’esprit ; il aurait d’ailleurs très probablement mis son idée à exécution si Matt n’avait pas eu un geste instinctif mais calculé, semblant en effet avoir très bien compris le danger auquel il venait d’échapper, préférant faire comme si de rien n’était tout en lui assénant une leçon de morale camouflée.

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Puis, comme dans Johnny Guitar, nous assistons au départ d’un Posse pour aller châtier les soi-disant voleurs de train. La haine les pousse à tirer sur les innocents sans sommation et sans avoir vérifié si l’accusation était justifiée. S’ensuit une blessure grave pour l’un et une tentative de lynchage sur l’autre. Nicholas Ray nous délivre à nouveau une critique assez virulente de la justice expéditive mais cette fois, la tendresse du ton se fait jour immédiatement, l’homme de loi étant délaissé par ses concitoyens pour avoir voulu rendre la justice sans procès. Les habitants qui l’avaient suivi se désolidarisent d’un coup et ne pensent plus qu’à une chose, se dédommager auprès des deux hommes injustement accusés, proposant à l’un le poste de shérif, prêt à tout faire pour réparer l’infirmité causée au second. Encore une fois, une telle générosité était alors inhabituelle dans un western. Le Matt de James Cagney se révèle lui aussi un être plus sensible que la moyenne, d’une honnêteté et d’une intégrité à toute épreuve. Comme les habitants de la petite ville, on sent qu’il souhaite se racheter ; mais de quoi ? Ca reste un mystère durant la première partie. Mais lui qui recherchait avant tout la quiétude il la trouvera dans les bras d’une femme d’une douceur qui lui sied à merveille ; la longue séquence de la demande en mariage amène même une sacrée rupture de ton, ayant l’impression de nous retrouver d’un coup dans une spirituelle comédie américaine. Etonnant de voir à quel point le gangster teigneux des années 30 a retrouvé une telle rectitude morale sans que son personnage soit moralisateur !

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Un premier tiers assez remarquable par toutes ces amorces de sujets intéressants, par ces originales ruptures de ton ainsi que par l'utilisation de paysages montagneux, bucoliques et verdoyants assez peu vus au sein du western. L’image du train qui a du mal à gravir la colline, la petite ville aux baraques assez atypiques (on pense un peu aux futurs westerns de Clint Eastwood avec ces immenses façades en bois) et bien d’autres détails insolites dans l’iconographie westernienne de l’époque nous mettent dans de très bonnes dispositions vis à vis du film. La partie centrale qui voit principalement naître la romance entre James Cagney et Viveca Lindfors fait preuve d’un calme, d’une tendresse et d’une sérénité également assez peu banales même si Nicholas Ray avait déjà prouvé qu’il était un champion en la matière (et ce dès son premier film, Les Amants de la Nuit – They Live by Night) et même si ce segment a tendance parfois à trop s’éterniser au détriment de l’histoire des autres personnages. Mais, au vu du jeu très limité de John Derek (ses roulements d’yeux sont risibles lors des séquences où Matt tente de lui octroyer une rééducation virile afin qu’il retrouve au plus vite l’usage de ses jambes), on ne s’en plaindra pas. Dommage puisque son personnage tragique de ‘Rebel without a Cause’ en perdition, cet adolescent mal dans sa peau n’arrivant pas à pardonner avoir été victime d’injustice, était sur le papier le protagoniste le plus important et intéressant de l’histoire. L’acteur arrive assez mal à faire ressentir les tourments de Davey , passant sans cesse de l’exagération à la fadeur. Il demeure le gros point faible du film.

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Puis arrive la dernière partie, celle qui multiplie les coups de théâtre quant au passé et à la vraie nature des personnages principaux, celle qui voit l’arrivée de l’aventure au grand air et de l’action. Et là, presque tout s’écroule ! Alors qu’on s’était fait à cette sorte de chronique romantique et villageoise, les retournements de situations semblent alors peu crédibles ou tout du moins peu convaincants, lançant le film sur d’autres rails que l’on aurait préféré ne pas prendre. Alors certes, il reste encore de superbes images comme ce plan d’ensemble en plongée sur l’inquiétant territoire Comanche dans lequel nos deux ‘héros’ vont devoir se ‘plonger, mais, même si rien n’est vraiment mauvais, tout est néanmoins décevant y compris et surtout la séquence qui aurait dû représenter le climax du film si les scénaristes et le réalisateur avaient réussi à lui insuffler une intensité dramatique qu’elle n’acquiert jamais. Malgré les décors naturels encore jamais vus au sein desquels la scène se déroule, de véritables ruines de temples aztèques, malgré l’idée géniale du triel dont je ne vous dévoilerais pas les tenants ni les aboutissants, aucune tension, aucune émotion ne viennent poindre. On se demande d’ailleurs si ces exotiques lieux de tournage du final n’ont pas été choisis pour retenir l’attention du spectateur qui aurait pu sans ça se décrocher car on ne peut pas dire qu’ils soient utilisés au maximum de leur possibilité ; loin de là ! Comme si Nicholas Ray semblait alors s’être désintéressé lui aussi de cette dernière partie car avec de tels décors, en temps normal il aurait pu tirer le film vers des sommets qu’il ne côtoie malheureusement jamais. D’ailleurs il s’est avéré par la suite que le cinéaste n’appréciait que peu son deuxième western.

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Néanmoins, comme pour Johnny et Vienna à la fin de Johnny Guitar, nous sommes ravis que Matt et Helga trouvent enfin la paix et le bonheur à la toute dernière image : ils l’ont bien mérité ! C'est néanmoins encore là que l'on peut juger du fossé qui sépare les deux films ; alors que celui de Johnny Guitar fait partie des plus beaux finals de l'histoire du cinéma, le quasi identique dans Run for Cover n’amène qu’un pâle sourire sur nos lèvres. A l’ombre des potences avait tout pour être du niveau de son illustre prédécesseur dans la filmographie de Nicholas Ray à commencer par son histoire (écrite par les excellents futurs scénaristes attitrés de Martin Ritt) ; à cause d’une mise en scène moyennement inspirée, d’un scénario et d’un casting inégaux, on est très loin du compte et c’est vraiment dommage au vu du premier quart d’heure et de la touchante histoire d’amour entre les personnages interprétés par les deux meilleurs comédiens du film, James Cagney (assez sobre ; loin de son cabotinage éhonté dans le très mauvais Oklahoma Kid, son précédent western) et Viveca Lindfors (Moonfleet) dont le charme vient aussi de son visage aux traits très éloignés des canons habituels de la beauté de l’époque. Un western intelligent, doux et attachant mais trop timoré et inégal pour pouvoir prétendre se mêler aux grandes réussites du genre. Son empreinte restera néanmoins gravé dans un coin de notre mémoire notamment grâce à quelques très belles répliques comme celle de James Cagney à John Derek qui explique d’ailleurs le sens à donner au titre original : "Why don't you stop feeling sorry for yourself? You think you're the only one in the world ever got a raw deal... There's a lot of people in this world who've had a tougher time than you or me. It comes with the ticket. Nobody guarantees you a free ride. The only difference is, most people don't run for cover. They keep right on going, picking up the pieces the best way they can. But you never hear of them. It's the ones who can't take it, like you - the ones looking for a free ride - who cause all the trouble, everywhere." Ne pas assumer ses responsabilités (Run for Cover) sera la cause première de la perte de Davey ; sourd aux conseils de sagesse de son aîné, rongé par l’amertume, sa fin sera tragique !
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Jeremy Fox
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The Far Horizons

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Horizons Lointains (Far Horizons - 1955) de Rudolph Maté
PARAMOUNT


Avec Charlton Heston, Donna Reed, Barbara Hale, Fred MacMurray, William Demarest, Alan Reed
Scénario : Winston Miller & Edmund H. North d'après un roman de Della Gould Emmons
Musique : Hans J. Salter
Photographie : Daniel L. Fapp (Technicolor 1.85)
Un film produit par William H. Pine & William C. Thomas pour la Paramount


Sortie USA : 20 mai 1955

Marqué au Fer (Branded) et Le Souffle de la Violence (The Violent Men) nous avaient laissé une agréable impression mais c’était surtout grâce à de solides scénarios et une bonne interprétation d’ensemble. La mise en scène en revanche ne nous avait guère enthousiasmé. Horizons Lointains vient nous prouver qu’effectivement, ce grand chef-opérateur n’était par ailleurs qu’un bien piètre réalisateur même si l’on peut compter quelques petites pépites à son actif, notamment dans le domaine du film noir. C’est un comble qu’une des expéditions les plus épiques de l’histoire américaine ait accouché d’un film aussi peu ample et vigoureux, aussi mollasson et intempestivement bavard, le souffle de l’aventure étant irrémédiablement absent d’une œuvre dont c’était pourtant la vocation première. Bref, on l'aura compris : sans un scénario qui tient la route et sans une troupe de comédiens motivée, Rudolph Maté, pas assez doué, est incapable de parvenir à sauver les meubles de n'importe quelle entreprise. Pour The Far Horizons, sa mise en scène est aussi terne et dénuée d’inventivité que quasiment tout le reste. L'expédition de Lewis et Clark avait déjà lointainement inspirée Howard Hawks pour The Big Sky (La Captive aux Yeux Clairs) ; on retrouve dans les deux films les mêmes paysages, les mêmes costumes, les mêmes embarcations, voire les mêmes personnages (celui de l’indienne dans le film de Hawks aurait d’ailleurs pris pour modèle Sacajawea, le personnage réel mis en scène dans The Far Horizons) ; et certains plans sont vraiment ressemblants comme ceux de la file d’indiens sur les berges ou bien les hommes en train de hâler le bateau lorsque le lit de la rivière est trop bas… le tout cette fois en Technicolor. Les paysages sont magnifiques et dépaysants mais l'on reste à cent coudées au dessous du film de Hawks qu’on aurait rêvé du coup voir en couleurs.

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Le Capitaine Lewis (Fred MacMurray), secrétaire du président Thomas Jefferson, est en visite chez le sénateur Hancock dont il s'est épris de la fille Julia (Barbara Hale). Il est sur le point de révéler ses sentiments à la jeune femme quant il reçoit un télégramme de Washington lui faisant demander de revenir à son poste. Les États-Unis viennent d'acheter la Louisiane aux Français et Lewis est chargé de prendre la tête d'une expédition militaire dont le but sera d'explorer ce nouveau territoire. Le Président lui demande même de poursuivre au-delà, si possible même jusqu'à l'Océan Pacifique. Lewis demande à ce que son ami le Lieutenant Clark (Charlton Heston) prenne le commandement à ses côtés ; ce qui lui est accordé. Retournant chez Hancock le lui annoncer, Lewis se rend compte que Clark s'est immiscé à sa place dans le cœur de Julia et qu'ils comptent se marier. Malgré la peine qu'il ressent, Lewis demande à Clark de le suivre et l'expédition se met en marche. Arrivé au sein d'une tribu indienne, celle des Minitari, Lewis assure à leur chef que le Président Jefferson ne recherche que la paix et qu'il ne leur sera fait aucun mal. En revanche, ils doivent accepter la souveraineté des États-Unis d'Amérique ; ce qui n'est pas du goût du chef Indien qui les laisse néanmoins repartir avec une de leurs prisonnières de la tribu des Shoshones, Sacajawea (Donna Reed), qui connaît parfaitement la région et qui s'est proposé de guider les explorateurs à travers les territoires de son peuple malgré les réticences de Clark qui ne fait pas confiance aux Peaux-Rouges. A peine la troupe remise en route que le chef des Minitari décide de lui tendre une embuscade ; c'est grâce à Sacajawea qui avait surpris une conversation dévoilant le piège que ce dernier échoue. Nombreux sont les morts dans le camp indien mais l'excursion reprend. Clark tombe amoureux de la jeune indienne pourtant déjà promise à un trappeur français, Charboneau (Alan Reed)...

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Dans la réalité, Meriwheter Lewis, Capitaine de l'armée américaine, devint secrétaire du Président Thomas Jefferson en 1801. Il planifia une expédition qui devait explorer les territoires à l'Ouest du Mississippi et trouver un passage pour arriver jusque sur les côtes de l'Océan Pacifique. Avec son ami, le Lieutenant Clark, ils partirent de St Louis (Missouri) en mai 1804 et atteignirent les côtes de l'Oregon en novembre 1805. Lewis, en plus de commander la troupe, accompli un travail de naturaliste tandis que Clark s'occupa de cartographier les régions traversées. Un voyage qui dura presque un an et demi avec une seule perte à déplorer parmi les soldats constituant la troupe. Cette dernière, en empruntant une route plus au Sud, regagna sa base de départ en mars 1806 pour arriver à bon port seulement 6 mois plus tard. Lewis fut ensuite nommé gouverneur de la Louisiane mais se suicida peu après, en 1809. C'est Clark qui fut responsable de la publication de leur journal de bord écrit durant l'expédition qui compta effectivement l'indienne Sacajawea (également nommée Birdwoman) qui non seulement guida les troupes mais œuvra en tant que 'diplomate' auprès des diverses tribus indiennes rencontrées au cours de leur périple. Contrairement à sa situation dans le film où elle tombe amoureuse de Clark, elle fut accompagnée durant tout le voyage par le trappeur canadien Toussaint Charbonneau qu'elle avait épousé avant le départ et qui, contrairement à sa description dans le film, était loin d'être antipathique. Les historiens ou les lecteurs du journal de Lewis & Clark édité encore de nos jours diront que les faits relatés dans le film sont assez éloignés de la réalité. Mais on sait ce que pense Hollywood de la véracité historique et nous ne nous en offusquerons pas une fois de plus. L'important aurait été d'avoir un film épique à l'image de cette grandiose aventure ; ce qui est fort loin d'être le cas.

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Les scénaristes ayant décidés de consacrer la majeure partie du film à la romance qui se fait jour entre Charlton Heston et Donna Reed, c'est l’aventure qui en pâti. Cette histoire d'amour n'étant à aucun moment convaincante, le film devient assez vite totalement insignifiant, se contentant entre deux scènes de bavardages interminables entre nos deux tourtereaux de nous montrer de très beaux paysages photographiés assez correctement. Si seulement les auteurs avaient profité de cette romance entre un blanc et une indienne pour aborder avec intelligence ou sensibilité la question des affaires indiennes, les thèmes des relations inter-raciales ou de la place de la femme dans la société ; mais le film se révèle sacrément conservateur, faisant fi de tous les films pro-indiens progressistes sortis depuis le début de la décennie. Ici, le ton est au paternalisme, les Natives (presque décrits comme des idiots) doivent obéissance au grand chef blanc sans avoir à rétorquer et l'on répète à foison que la femme se trouve bien mieux derrière ses fourneaux ou en train d'élever ses enfants que partout ailleurs. Le tout naïvement et solennellement asséné, au premier degré et sans un brin d'ironie, comme si Rudolph Maté, Winston Miller et Edmund H, North trouvaient tout ça parfaitement normal. Un film donc non seulement paresseux et ennuyeux, platement filmé et mal rythmé, mais dans le même temps plutôt réactionnaire. Et les comédiens, pourtant assez célèbres à l'époque, de ne pas faire le moindre effort pour sauver les meubles ! Seul Hans J. Salter semble s'être démené comme un beau diable pour écrire une partition pleine d'allant, de vigueur et de vitalité, non dénuée d'un lyrisme dont le film est totalement dépourvu. Grâce au compositeur, certaines séquences arrivent à faire illusion et on se sent à quelques reprises transportés par le souffle de l'aventure ; mais ces instants sont bien rares !

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On se demande quand même si les auteurs se sont vraiment intéressés à leur film et s'il n'y a pas eu au départ mésentente avec les producteurs ; témoin, après maintes séquences inintéressantes trop longuement étirées, la vitesse à laquelle l'expédition a rejoint l'Océan, sans crier gare. Au détour d'un plan, alors que nous ne savons pas du tout géographiquement où en était arrivé le voyage, nous voilà une seconde après à l'autre bout des États-Unis, ayant fini la traversée du Continent pour nous retrouver sur la Côte Ouest. Alors l'arrivée de la troupe à son terminus aurait pu représenter le climax émotionnel du film, elle se trouve avoir été totalement occultée ! Non seulement nous n'avons pas pu assister à la grande scène tant attendue mais le manque de crédibilité aura été aussi pour en arriver là, tout du long flagrant. Contrairement aux hommes de Spencer Tracy dans Le Grand Passage (Northwest Passage) de King Vidor, ceux de Lewis et Clark semblent presque jamais n'avoir éprouvé de la fatigue, étant arrivés à l'autre bout du Continent fringants et comme s'ils venaient de faire seulement 10 kilomètres à pied. Dommage que le film soit aussi ennuyeux et si peu convaincant, n'arrivant que rarement à décoller, car il bénéficiait d'atouts de départ non négligeables avec entre autres ces très beaux paysages naturels filmés pour la plupart à Jackson Hole dans le Wyoming (on pense au lac de Saskatchewan de Raoul Walsh, aux montagnes de Spencer's Moutain de Delmer Daves et bien évidemment aux panoramas identique à ceux de The Big Sky d'Howard Hawks). Quant aux prologues et épilogues à costumes qui encadrent le film, se déroulant dans l'Est au sein de la bonne société, ils ne valent guère mieux.

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Dans l'ensemble, au sein de l'importante production westernienne, il n'y eut encore qu 'assez peu de westerns dont le postulat de départ était épique, ceux ci ne pouvant guère s’accommoder de budgets restreints ; dommage alors que la première traversée du Continent Nord Américain tel que puisée au sein des carnets de route de deux célèbres aventuriers se soit transformée à ce point en un film aussi amorphe. Plutôt que ce film coloré mais sans rythme et sans vie, préférons alors nous souvenir d'autres titres tels La Piste des Géants (The Big Trail) de Raoul Walsh, Convoi de Femmes (Westward the Women) ou justement La Captive aux Yeux Clairs d'Howard Hawks qui, s'il ne contait pas à proprement parler l'expédition du Corps of Discovery de Lewis et Clark, s'inspirait grandement de cette dernière. Là où Elisabeth Threatt était tout à fait convaincante dans la peau de l'indienne dans le film de Hawks, Donna Reed, aussi bonne comédienne qu'elle soit, fut un très mauvaise idée de casting ; il en aurait été probablement de même si le premier choix des producteurs, Leslie Caron, avait été validé. Ses partenaires ne sont pas logés à meilleure enseigne, aucun d'entre eux n'arrivant à sortir du lot, pas même Fred MacMurray qui fêtait ici son retour au studio qui l'avait révélé, la Paramount. Un bien beau ratage, verbeux et peu inspiré. Passons vite à autre chose !
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Jeremy Fox
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Seminole Uprising

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La Révolte des Séminoles (Seminole Uprising - 1955) de Earl Bellamy
COLUMBIA


Avec George Montgomery, Karin Booth, William Fawcett, Steven Ritch
Scénario : Robert E. Kent d’après une histoire de Curt Brandon
Musique : Mischa Bakaleinikoff
Photographie : Henry Freulich (1.85 technicolor)
Un film produit par Sam Katzman pour la Columbia


Sortie USA : 01 mai 1955

1855. Black Cat, chef de la tribu des Séminoles, réussit à s’échapper de sa réserve de Floride. Il retourne au Texas où il incite les indiens à mener une série de raids meurtriers. Le Lieutenant Elliott (George Montgomery) est missionné pour l’appréhender car non seulement il connait bien ce rebelle mais qu’il a également été élevé à ses côtés, tous deux métis. Le soldat se rend donc à Fort Clark pour apporter de l’aide au colonel Hannah. Il retrouve la fille de son supérieur, Susan (Karin Booth), dont il était autrefois amoureux ; les deux amants n’avaient pas pu poursuivre leur romance à cause du sang mêlé de l’officier. Ils s’aiment toujours mais Susan ne doit pas tarder à se marier avec le Capitaine Dudley. Les deux hommes doivent s’associer pour pourchasser Black cat et ses hommes mais leur rivalité va les mettre en danger sur le champ de bataille…

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Sam Katzman a beau malheureusement avoir été un producteur qui ne pensait à rien d’autre qu’à la rentabilité, d’où une kyrielle de navets à la clé, il faut néanmoins se rendre à l’évidence : au vu de ce que nous avons pu voir de ce médiocre corpus, les westerns ‘tuniques bleues’ sont bien moins ridicules que les westerns ‘tuniques rouges’ ; autrement dit les films se déroulant au 19ème siècle dans l’Ouest des États-Unis sont quand même bien plus regardables que ceux se déroulant à l’Est un siècle auparavant, déjà par le fait que les paysages soient plus crédibles rapport au lieu où se déroulent ces bandes de séries C voire Z. Et du coup, contrairement à tous ces films navrants dont le récit prend place à l’époque du dernier des Mohicans, les westerns de cavalerie que sont Seminole Uprising ou également Battle of Rogue River de William Castle, tous deux avec George Montgomery en tête d’affiche, se regardent volontiers certes sans passion mais sans non plus déplaisir.

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Même le scénario de Robert E. Kent se révèle bien moins tartignole que tous ceux qu’il écrivit pour ce même producteur, à savoir pour ne prendre que ceux déjà sortis en DVD chez Sidonis, La Hache de la vengeance (When the Redskins Rode), Le Trappeur des grands lacs (The Pathfinder), La Levée des Tomahawks (Brave Warrior), Fort Ti… Son intrigue est ici très classique mais presque jamais ennuyeuse ni trop risible. Le film reprend à peu près le schéma qu’un autre western mettant en scène la tribu des Seminoles, L’Expédition de Fort King de Budd Boetticher, qui lui se déroulait dans leur territoire d’origine, à savoir la Floride, et non comme ici le Texas ; le choix de cet état, même s’il est expliqué dans le scénario, a probablement été arrêté pour une question de budget, les paysages de l'arrière pays californien s’apparentant peut-être mieux à ce que les spectateurs se font de l’idée de l’Ouest américain dans sa globalité que de de l'extrême Sud Est du continent. Nous ne nous amuserons cependant pas à comparer les deux films, l'un n'étant pas spécialement meilleur que l'autre, Boetticher n’ayant pas réalisé à cette occasion une œuvre mémorable contrairement à la majorité de ses autres westerns.

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Seminole Uprising raconte la mission d’un officier de cavalerie chargé d’appréhender puis de ramener un rebelle indien jusqu’à la réserve de laquelle il s’est enfuit. Élément dramatique d'emblée plutôt intéressant, lui comme le chef indien sont des sangs mêlés et probablement de la même descendance. Autre élément scénaristique censé amener un certain suspense mêlé de romantisme, une femme est courtisée par deux officiers, la rivalité de ces hommes allant amener un danger supplémentaire sur le champ de batailles, l’un des deux espérant éliminer son rival lors de cette besogne militaire. A cette occasion Kent nous dépeint avec le personnage que doit épouser la fille du commandant du fort, un salaud de la pire espèce ; en effet, pour annuler les dettes qu’il a contractées auprès de civils, il est prêt à laisser entre les mains de ces derniers des otages indiens –femme et enfant- qu’il sait pertinemment qu’ils finiront ainsi massacrés par ces hommes qui ne cherchent qu’à tuer du peau-rouge. Enfin, par l’utilisation certes abusive de stock-shots tirés de quasiment une dizaine de films –un forumeur de westernmovie s’est amusé à les détailler-, le film nous permet de voir quelques scènes d’actions très efficaces et notamment, grâce au New Mexico de Irving Reis, une séquence de bataille assez impressionnante, les soldats faisant tomber d’une falaise sur les indiens, arbres et rochers. Les procédés Anscolor et Cinecolor n’ayant pas du tout le même rendu, il est évident que le montage rend ces séquences inharmonieuses au possible, ce qui n’enlève en rien l’efficacité de certains plans.

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Nous ne tiendrons pas rigueur à Earl Bellamy de ces procédés d’autant qu’il s’agissait de son premier film et que ce pingre de Sam Katzman ne lui a certainement pas laissé le choix, lui imposant ces réemplois excessifs pour réduire les coûts de production. D’ailleurs ce cinéaste finalement assez peu connu s’est depuis révélé être un artisan consciencieux, un réalisateur chevronné puisqu’il a signé plus de 1 000 épisodes de différentes séries télévisées et qu’il fut avant cela assistant réalisateur auprès non moins que de Fred Zinnemann, Max Ophuls, Nicholas Ray, William Wellman ou encore George Cukor. Les amateurs de westerns lui seront redevables de très sympathiques moments tels Feu sans sommation (Gunpoint) avec Audie Murpphy, Sans foi ni loi (Incident at Phantom Hill) avec Dan Duryea, ainsi qu'entre autres quelques très bons épisodes de la série Le Virginien. Budget minime oblige, beaucoup des scènes d’action sont donc issues de stock-shots mais les nouvelles séquences s’avèrent dans l'ensemble plutôt correctement exécutées. A signaler également que le film est narré en voix-off -ma foi pas trop agaçante-, celle du personnage ‘à la Brennan’ interprété par un William Fawcett haut en couleurs.

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Enfin, on pourra se réjouir du fait que l’interprétation d’ensemble se révèle plutôt correcte : Steven Ritch s'avère digne et crédible en indien métis, Karin Booth est une comédienne dont la subjuguante beauté et un certain talent dramatique font regretter qu’elle n’ait pas été plus souvent sur le devant de la scène hollywoodienne, son personnage dans le film n’étant d'ailleurs pas trop mièvre... quant aux autres, ils ne sont pas non plus ridicules. Peu de surprises, un ensemble certes très conventionnel mais qui tient plutôt bien la route et qui pourra paraitre assez distrayant à bon nombre lors d’un dimanche après-midi pluvieux. Cependant, bien évidemment à réserver aux amateurs purs et durs de westerns, de plus peu regardant sur la réalité historique.
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Chip »

Bonne série B que ce " Shotgun ", mais Selander a fait mieux avec WAR PAINT (1953), diffusé sur une chaîne du satellite en 1998. Un western à découvrir.
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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Jeremy Fox »

Chip a écrit :Bonne série B que ce " Shotgun ", mais Selander a fait mieux avec WAR PAINT (1953), diffusé sur une chaîne du satellite en 1998. Un western à découvrir.
:(
Pas eu l'occasion de le voir celui-ci mais je te crois volontiers même s'il me semble que tu as peu apprécié Fort Osage qui pour l'instant est mon Selander préféré avec ce Shotgun

Je viens d'aller lire ton avis sur War Paint sur Westernmovie ; ça fait effectivement envie.
Chip
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Chip »

J'ai " fort Osage " en vhs, mais comme mon scope est HS... Le film ne m'avait pas impressionné à la première vision. Tout aussi rare " the raiders " (l'heure de la vengeance ) devrait sortir l'année à venir, peu-être une bonne surprise ? je n'ai jamais vu le film , la présence de Richard Conte dans un western, fait assez peur.
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Jeremy Fox
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Davy Crockett, King of the Wild Frontier

Message par Jeremy Fox »

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Davy Crockett, Roi des trappeurs (Davy Crockett, King of the Wild Frontier - 1955) de Norman Foster
WALT DISNEY PRODUCTIONS


Avec Fess Parker, Buddy Ebsen, Basil Ruysdael, Hans Conried, Kenneth Tobey
Scénario : Thomas W. Blackburn
Musique : George Bruns
Photographie : Charles P. Boyle (Technicolor 1.37)
Un film produit par Walt Disney pour la Walt Disney Productions


Sortie USA : 25 mai 1955

En ce milieu de décennie 50, Davy Crockett était sur le point de devenir le héros qui allait marquer le plus durablement les esprits d’une bonne partie de la jeunesse américaine ; un héros qui serait bien plus populaire encore que Buffalo Bill ! Étrangement, ce célèbre trappeur n’avait encore jamais été mis en avant à Hollywood excepté dans de petits films de série passés totalement inaperçus, son unique intéressante (mais courte) apparition ayant été (fort logiquement) au tout début du très bon western de Budd Boetticher, Le Déserteur de Fort Alamo (The Man from the Alamo). Aujourd'hui en France, on aurait du mal à imaginer le succès retentissant qu’a pu avoir la minisérie initiée par Walt Disney Pictures et qui allait donner lieu au film qui nous intéresse ici. Nouvellement installée en Floride, le parc d’attractions Disneyworld a encore besoin d’appâter les clients. La télévision étant en train de devenir le vecteur idéal pour la publicité, Walt Disney qui n’en doute pas un seul instant a l’idée de produire plusieurs séries, chacune basée sur les différents ‘mondes’ du parc. Il est décidé que ‘Frontierland’ sera illustré par Davy Crockett, série comprenant seulement cinq épisodes de 45 minutes chacun. Elle sera diffusée sur le réseau NBC à partir du 14 décembre 1954. En France, il faudra attendre l’émission Disney Chanel en 1986 sur Fr3 pour la découvrir. En attendant, aux USA, c’est la folie et quasiment l’invention du ‘merchandising’ à cette occasion. Ce marketing des produits dérivés rapportera pas moins de 2.3 milliard de dollars et la fameuse balade de Davy Crockett restera première dans les Charts durant quatre mois. A Disneyworld, Buddy Ebsen et Fess Parker verront s’ériger leurs statues de cire au sein du décor d’Alamo. Ce sont alors Outre-Atlantique parmi les comédiens les plus appréciés de l’époque.

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Davy Crockett (Fess Parker), l’homme qui tue les ratons-laveurs avec son sourire (sic !), qui tente de faire de même avec les ours (sic !) et qui achève les crocodiles en leur donnant un coup sur la tête (re-sic !), participe actuellement, sous les ordres du futur président Andrew Jackson (Basil Ruysdael) à la guerre contre les Indiens Creeks en Floride. Après quelques batailles menées aux côtés de son fidèle compagnon George Russel (Buddy Ebsen), il arrive à mettre un terme pacifique au conflit, promettant au chef indien qu’il fera respecter les droits de son peuple. Davy et George repartent dans le Tennessee où ils décident de se poser un peu. Devant sa probité, son courage et son efficacité à combattre le crime -notamment quand il débarrasse la région de l’encombrant Bigfoot Mason (Mike Mazurki)-, les habitants conseillent à Davy de se présenter au Congrès. D’abord réticent, il accepte après le décès inattendu de son épouse ; il est élu. Grâce à son nouveau statut d’homme politique, Davy Crockett fait beaucoup pour la défense des Indiens et de ses compatriotes du Tennessee. Puis, après une défaite électorale, il se rend au Texas pour aider la centaine d’ américains assiégée depuis treize jours à Fort Alamo. Au péril de leurs vies, ils tentent de défendre l’Indépendance de leur État. Face aux 5000 soldats mexicains du Général Santa Ana, Davy Crockett prend part au combat sans espoir aux côtés de ces courageux résistants dont le célèbre Jim Bowie (Kenneth Tobey).

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L’histoire du film relate donc tout simplement la biographie du célèbre trappeur à la toque en peau de castor, de l'année 1813, alors qu'il était éclaireur du Général Jackson lors du soulèvement des Indiens Creeks, à sa mort héroïque en défendant Alamo en 1836. Entre temps nous le verrons en famille, aux séances du Congrès, lors de concours de tirs, sauvant la colonne du major Norton, combattant à poings nus un dur à cuire, assommant un crocrodile comme s'il s'agissait d'une mouche, vainqueur en combat singulier d’un redoutable chef indien de qui il se fera un ami… Humour, ambiance bon enfant, aventure, émotion, bons sentiments, prouesses, exploits héroïques, personnage principal sans peur et sans reproches, etc., tout ce qu’il fallait dans ce spectacle familial pour séduire et faire rêver les jeunes et les moins jeunes. Et c’est ce qu’il réussira à faire à l’époque. Le film est en fait un ‘Digest’ de trois des cinq épisodes de la série, les deux derniers servant plus tard à un autre long métrage qui sortira l’année suivante : Davy Crockett et les Pirates de la Rivière. Pour en revenir au premier film, les auteurs ont donc réduits 135 minutes de la série TV à 90 minutes ; c’est d’ailleurs à priori la première fois qu’une fiction tournée pour la télévision arrivait ensuite sur grand écran. Il en reste aujourd’hui l’impression d’assister à une succession de séquences sans véritable liant comme si nous regardions une suite de sketchs. Autant les studios Disney faisaient des miracles dans le domaine de l’animation autant leurs films avec acteurs réels étaient la plupart du temps dénués de toute ambition artistique. Et, sans vouloir peiner tout ceux dont la nostalgie fait qu’ils ne se remémorent ce film et cette série qu’avec émotion, je dois bien avouer avoir trouvé l’ensemble vraiment très mauvais (pour rester poli) à presque tous les niveaux !

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Outre l'interprétation médiocre (Fess Parker semble presque plus charismatique en VF !), le traitement simpliste et le scénario infantile et souvent ridicule (mais nous n’allons pas nous lancer dans une énumération qui tournerait à l’acharnement), la mise en scène s’avère tout autant manquer d’imagination, se contentant de filmer platement une succession de péripéties sans aucune intensité dramatique. Tout, à l’exception de la belle photographie en technicolor de Charles P. Boyle, se révèle terne, fade et se ressent fortement du manque de moyens alloués : à peine une trentaine de pauvres figurants pour représenter l’armée de Santa Ana, des cascadeurs pas vraiment doués lors des séquences de combats à poings nus, des toiles peintes à la va-vite comme celle du camp mexicain à la tombée de la nuit… Quant à l'entêtant et célèbre refrain qui cadence et commente le film quasiment toutes les dix minutes (‘Davy, Davy Crockett, l’homme qui n’a jamais peur’…), il finit rapidement par nous agacer. Reste ‘Farewell to the Mountain’, une autre chanson (dont les paroles auraient été réellement écrites par Davy Crockett) qu’entonnent les américains coincés à Alamo la veille de la bataille finale et qui s’avère en revanche très belle ; elle pourrait représenter la plus jolie séquence d’un film (avec également les cartes dessinées et animées dont la première sur laquelle vient se ficher une flèche enflammée) qui sans ça ne pourra raisonnablement pas plaire à grande monde excepté à ceux qui ont gardé intacte leur âme d’enfant ; et encore ! Cependant, le film est à conseiller aux plus jeunes enfants qui y prendront très certainement du plaisir. De Norman Foster, on conseillera plutôt aux adultes de revenir à son attachant Rachel and The Stranger avec Robert Mitchum, Loretta Young et William Holden.
daniel gregg
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Re: Davy Crockett, King of the Wild Frontier

Message par daniel gregg »

Jeremy Fox a écrit :
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Davy Crockett, Roi des trappeurs (Davy Crockett, King of the Wild Frontier - 1955) de Norman Foster
WALT DISNEY PRODUCTIONS

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Avec Fess Parker, Buddy Ebsen, Basil Ruysdael, Hans Conried, Kenneth Tobey
Scénario : Thomas W. Blackburn
Musique : George Bruns
Photographie : Charles P. Boyle (Technicolor 1.37)
Un film produit par Walt Disney pour la Walt Disney Productions


Sortie USA : 25 mai 1955

En ce milieu de décennie 50, Davy Crockett était sur le point de devenir le héros qui allait marquer le plus durablement les esprits d’une bonne partie de la jeunesse américaine ; un héros qui serait bien plus populaire encore que Buffalo Bill ! Étrangement, ce célèbre trappeur n’avait encore jamais été mis en avant à Hollywood excepté dans de petits films de série passés totalement inaperçus, son unique intéressante (mais courte) apparition ayant été (fort logiquement) au tout début du très bon western de Budd Boetticher, Le Déserteur de Fort Alamo (The Man from the Alamo). Aujourd'hui en France, on aurait du mal à imaginer le succès retentissant qu’a pu avoir la minisérie initiée par Walt Disney Pictures et qui allait donner lieu au film qui nous intéresse ici. Nouvellement installée en Floride, le parc d’attractions Disneyworld a encore besoin d’appâter les clients. La télévision étant en train de devenir le vecteur idéal pour la publicité, Walt Disney qui n’en doute pas un seul instant a l’idée de produire plusieurs séries, chacune basée sur les différents ‘mondes’ du parc. Il est décidé que ‘Frontierland’ sera illustré par Davy Crockett, série comprenant seulement cinq épisodes de 45 minutes chacun. Elle sera diffusée sur le réseau NBC à partir du 14 décembre 1954. En France, il faudra attendre l’émission Disney Chanel en 1986 sur Fr3 pour la découvrir. En attendant, aux USA, c’est la folie et quasiment l’invention du ‘merchandising’ à cette occasion. Ce marketing des produits dérivés rapportera pas moins de 2.3 milliard de dollars et la fameuse balade de Davy Crockett restera première dans les Charts durant quatre mois. A Disneyworld, Buddy Ebsen et Fess Parker verront s’ériger leurs statues de cire au sein du décor d’Alamo. Ce sont alors Outre-Atlantique parmi les comédiens les plus appréciés de l’époque.

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Davy Crockett (Fess Parker), l’homme qui tue les ratons-laveurs avec son sourire (sic !), qui tente de faire de même avec les ours (sic !) et qui achève les crocodiles en leur donnant un coup sur la tête (re-sic !), participe actuellement, sous les ordres du futur président Andrew Jackson (Basil Ruysdael) à la guerre contre les Indiens Creeks en Floride. Après quelques batailles menées aux côtés de son fidèle compagnon George Russel (Buddy Ebsen), il arrive à mettre un terme pacifique au conflit, promettant au chef indien qu’il fera respecter les droits de son peuple. Davy et George repartent dans le Tennessee où ils décident de se poser un peu. Devant sa probité, son courage et son efficacité à combattre le crime -notamment quand il débarrasse la région de l’encombrant Bigfoot Mason (Mike Mazurki)-, les habitants conseillent à Davy de se présenter au Congrès. D’abord réticent, il accepte après le décès inattendu de son épouse ; il est élu. Grâce à son nouveau statut d’homme politique, Davy Crockett fait beaucoup pour la défense des Indiens et de ses compatriotes du Tennessee. Puis, après une défaite électorale, il se rend au Texas pour aider la centaine d’ américains assiégée depuis treize jours à Fort Alamo. Au péril de leurs vies, ils tentent de défendre l’Indépendance de leur État. Face aux 5000 soldats mexicains du Général Santa Ana, Davy Crockett prend part au combat sans espoir aux côtés de ces courageux résistants dont le célèbre Jim Bowie (Kenneth Tobey).

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L’histoire du film relate donc tout simplement la biographie du célèbre trappeur à la toque en peau de castor, de l'année 1813, alors qu'il était éclaireur du Général Jackson lors du soulèvement des Indiens Creeks, à sa mort héroïque en défendant Alamo en 1836. Entre temps nous le verrons en famille, aux séances du Congrès, lors de concours de tirs, sauvant la colonne du major Norton, combattant à poings nus un dur à cuire, assommant un crocrodile comme s'il s'agissait d'une mouche, vainqueur en combat singulier d’un redoutable chef indien de qui il se fera un ami… Humour, ambiance bon enfant, aventure, émotion, bons sentiments, prouesses, exploits héroïques, personnage principal sans peur et sans reproches, etc., tout ce qu’il fallait dans ce spectacle familial pour séduire et faire rêver les jeunes et les moins jeunes. Et c’est ce qu’il réussira à faire à l’époque. Le film est en fait un ‘Digest’ de trois des cinq épisodes de la série, les deux derniers servant plus tard à un autre long métrage qui sortira l’année suivante : Davy Crockett et les Pirates de la Rivière. Pour en revenir au premier film, les auteurs ont donc réduits 135 minutes de la série TV à 90 minutes ; c’est d’ailleurs à priori la première fois qu’une fiction tournée pour la télévision arrivait ensuite sur grand écran. Il en reste aujourd’hui l’impression d’assister à une succession de séquences sans véritable liant comme si nous regardions une suite de sketchs. Autant les studios Disney faisaient des miracles dans le domaine de l’animation autant leurs films avec acteurs réels étaient la plupart du temps dénués de toute ambition artistique. Et, sans vouloir peiner tout ceux dont la nostalgie fait qu’ils ne se remémorent ce film et cette série qu’avec émotion, je dois bien avouer avoir trouvé l’ensemble vraiment très mauvais (pour rester poli) à presque tous les niveaux !

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Outre l'interprétation médiocre (Fess Parker semble presque plus charismatique en VF !), le traitement simpliste et le scénario infantile et souvent ridicule (mais nous n’allons pas nous lancer dans une énumération qui tournerait à l’acharnement), la mise en scène s’avère tout autant manquer d’imagination, se contentant de filmer platement une succession de péripéties sans aucune intensité dramatique. Tout, à l’exception de la belle photographie en technicolor de Charles P. Boyle, se révèle terne, fade et se ressent fortement du manque de moyens alloués : à peine une trentaine de pauvres figurants pour représenter l’armée de Santa Ana, des cascadeurs pas vraiment doués lors des séquences de combats à poings nus, des toiles peintes à la va-vite comme celle du camp mexicain à la tombée de la nuit… Quant à l'entêtant et célèbre refrain qui cadence et commente le film quasiment toutes les dix minutes (‘Davy, Davy Crockett, l’homme qui n’a jamais peur’…), il finit rapidement par nous agacer. Reste ‘Farewell to the Mountain’, une autre chanson (dont les paroles auraient été réellement écrites par Davy Crockett) qu’entonnent les américains coincés à Alamo la veille de la bataille finale et qui s’avère en revanche très belle ; elle pourrait représenter la plus jolie séquence d’un film (avec également les cartes dessinées et animées dont la première sur laquelle vient se ficher une flèche enflammée) qui sans ça ne pourra raisonnablement pas plaire à grande monde excepté à ceux qui ont gardé intacte leur âme d’enfant ; et encore ! Cependant, le film est à conseiller aux plus jeunes enfants qui y prendront très certainement du plaisir.
De Norman Foster, on conseillera plutôt aux adultes de revenir à son attachant Rachel and The Stranger avec Robert Mitchum, Loretta Young et William Holden.

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Le film existe en DVD dans un zone 2 d’assez bonne qualité avec VF et VOST.

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A suivre : La Furieuse Chevauchée (Tall Man Riding) de Lesley Selander avec Randolph Scott & Dorothy Malone
Puisque je suis de près Norman Foster en ce moment, j'aimerais bien découvrir son Sky full of moon datant de 1952 qui est un western se déroulant à l'époque contemporaine de sa sortie et lorgne sur la comédie.
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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Message par Jeremy Fox »

Curieux aussi d'autant que je n'en avais jamais entendu parler.
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