Rudolph Maté (1898-1964)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Rick Blaine
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Rudolph Maté (1898-1964)

Message par Rick Blaine »

Je n'ai pas trouvé de topic sur ce brillant chef opérateur et réalisateur (à part le topic spécifique de Mort à l'Arrivée). J'en profite donc.

Union Station (Midi, gare centrale - 1950)

Dans un train vers Chicago, Joyce Willecombe pense que deux occupants de son Wagon, dont l'un est armé, pourraient être dangereux. En gare, elle les signale au Lieutenant William Calhoun, qui se rend vite compte que "sa gare a été choisie par ces malfaiteurs pour être le lieu de négociation d'une demande de rançon. La jeune fille kidnappée, Lorna, est la fille de l'employeur de Joyce.


En lisant ce résumé, on prend vite conscience de l'unique défaut de Union Station, un point de départ parfaitement ubuesque, fait d'invraisemblables coïncidences. Pourtant, il serait dommage de s’arrêter à cette première impression. En quelques minutes, cette situation est posée et les enjeux sont clairs. William Calhoun (William Holden), en collaboration avec la police de la ville menée par l'inspecteur Donnelly (Barry Fitzgerald) tentent d’arrêter la machine mise en marche par les malfaiteurs menés par Joe Beacom (Lyle Betger). On peut oublier les circonstances de départ.
Nous voici alors lancé dans un film noir nerveux et particulièrement efficace. Maté tire grandement partie des excellents décors qui lui sont proposé, notamment celui de la gare, très belle et qu'il exploite parfaitement. Union Station est truffé de scènes d'actions particulièrement bien troussées, notamment la première poursuite dans le métro aérien, qui se termine de manière particulièrement brutale. Une grande tension parcours tout le film, chaque scène la renouvelle et la précision de la mise en scène de Maté notamment très habile dans la description géographique de la situation et du dispositif policier, permet de se concentrer pleinement sur le suspense.
Union Station flirte avec le procédural, décrivant de manière très intéressante les méthodes d'observation et de filature policières mais reste bien ancré dans le film noir. Les caractères des deux policiers sont très intéressants. Calhoun, flic roi, au service de sa gare avant d'être à celui de la justice ("pourquoi avez-vous choisi cette gare" demande-t-il a l'un des complices), il règne sur son territoire, comme obsédé. Donnely quant à lui ne crois plus en rien, il est persuadé que la victime est déjà morte, il recherche la vengeance, la punition, et n’hésite devant rien. Alors qu'il questionne un suspect, il suggère de le lancer sous un train en approche et donne pour consigne à ses hommes: "que ça ait l'air accidentel". Deux flics étranges, fascinants, qui feront tout de même triompher la justice, mais à la psychologie particulière, qui rappelle que les années 70, qui verront se multiplier ces personnages, n'ont rien inventé.
Holden est très convainquant dans le rôle de Calhoun, mais c'est Fitzgerald qui impressionne le plus, habité par son rôle. Dans l'ensemble le cast est d'ailleurs très réussi. Seule Nancy Olson (qui interprète Joyce Willecombe) semble un cran en dessous, mais son rôle, utilitaire, s'en porte tout de même très bien.
L'ensemble est vraiment prenant. Pas une seconde d'ennui, des scènes marquantes, une mise en scène habile et des personnages bien dessinés, Maté livre là un excellent polar.
Dernière modification par Rick Blaine le 5 juil. 12, 13:13, modifié 1 fois.
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Jeremy Fox
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Re: Rudolph Maté (1898-1964)

Message par Jeremy Fox »

Oh que oui ; probablement son meileur film.

Tiens comme par hasard, la troisième partie de mon parcours westernien va commencer par son meilleur western : Le souffle de la violence avec Glenn Ford
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Jeremy Fox
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Re: Rudolph Maté (1898-1964)

Message par Jeremy Fox »

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Marqué au Fer (Branded, 1950) de Rudolph Maté
PARAMOUNT


Avec Alan Ladd, Mona Freeman, Charles Bickford, Robert Keith, Joseph Calleia, Tom Tully
Scénario : Sydney Boehm & Cyril Hume d'après une histoire de Max Brand
Musique : Roy Webb
Photographie : Charles Lang
Une production Mel Epstein pour la Paramount


Sortie USA : 23 décembre 1950


Les gros bénéfices de Whispering Smith (dont je n'arrive toujours pas à comprendre pour quelles raisons il n'a jamais été considéré comme un classique du genre) remirent Alan Ladd en selle pour Branded qui fut également un gros succès commercial. En cette fin d'année 1950, on découvre à cette occasion le premier western d'un réalisateur que nous aurons l'occasion de croiser à de nombreuses reprises dans le courant de la décennie, un honnête artisan de la série B qui ne nous laissera aucun film vraiment marquant même s'ils demeurent dans l'ensemble pour la plupart plutôt plaisants.

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Né en Pologne, Rudolph Maté fit ses études à l'université de Budapest et en 1921 devient l'assistant des frères Korda qu'il suivit à Paris en 1925. En 1928, il est directeur photo de La Passion de Jeanne d'Arc de Carl Theodor Dreyer. Il collabore ensuite en tant que chef-opérateur à Vampyr, toujours de Dreyer, puis à de nombreux autres films dont le listing est assez impressionnant : Le Dernier Milliardaire de René Clair, Liliom de Fritz Lang, Stella Dallas de King Vidor, Love Affair de Leo McCarey, Correspondant 17 d'Alfred Hitchcock, To be or not to be d'Ernst Lubitsch ou Gilda de Charles Vidor pour ne citer que les plus célèbres. Dans la plupart des films qu'il a photographié, on trouve une certaine stylisation post-expressioniste qu'il laissera tomber une fois passé derrière la caméra en tant que réalisateur dès 1946. Paradoxalement, ses films ne seront en effet ni mémorables ni remarquables plastiquement parlant. Avant Branded, il aura néanmoins signé quelques petites réussites du film noir tels Mort à l'arrivée (D.O.A.) ou Midi Gare Centrale (Union Station). Marqué au Fer est à son tour un western qui force la sympathie notamment grâce une bonne interprétation d'ensemble, de beaux extérieurs "technicolorisés" et surtout à un scénario mélodramatique assez bien écrit et dont l'idée de départ s'avère plutôt originale.

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Traqué, le tireur d'élite dénommé Choya (Alan Ladd) est rejoint dans la montagne par deux hommes inquiétants, Leffingwell (Robert Keith) et Tattoo, qui lui proposent une affaire juteuse. Il devra se faire passer pour le fils disparu à l'âge de cinq ans d'un richissime éleveur pour pouvoir profiter de la fortune de ce dernier et évidemment la partager avec ses deux nouveaux partenaires. Pour que ses 'parents' le reconnaissent, les deux hommes le marquent sur l'épaule du tatouage que l'enfant avait lorsqu'il s'est volatilisé. Tout se passe comme ils l'avaient prévu et Lavery (Charles Bickford) croit avoir retrouvé son rejeton qu'il accueille et recueille comme il se doit. Mais Choya tombe amoureux de sa 'soeur', Ruth (Mona Freeman). Apprenant à aimer cette famille, il ne souhaite plus tuer son père pour bénéficier de l'héritage et, au vu des sentiments éprouvés pour Ruth, il considère la situation comme désormais intenable. Il décide de tout leur avouer et, pour se racheter, de partir à la recherche de celui pour qui il s'est fait passer. En effet, Leffingwell lui dit que le véritable Richard se trouve au sein de la famille d'un bandit mexicain qui l'a adopté ; c'était en effet lui qui l'avait kidnappé 25 ans plus tôt en pensant dès lors à ce plan qu'ils étaient en train de "mettre en pratique" et qui aurait pu les faire devenir millionnaires si Choya n'avait pas tout fait capoter par son examen de conscience et son stupide amour 'incestueux'. Choya passe la frontière suivi de près par Leffingwell qui, ne supportant pas que son stratagème ait échoué, souhaite se venger du fautif...

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Belle histoire mélodramatique que celle de cet aventurier se faisant passer pour le fils disparu d'un riche éleveur pour essayer de capter son héritage mais qui, tombant amoureux de sa 'sœur' et ne pouvant plus supporter n'avoir pas le droit de lui déclarer son amour, préfèrera tout avouer et partir à la recherche du véritable rejeton qui avait été kidnappé quelques années auparavant dans le but de mettre en place cette diabolique fourberie. Quant on sait que le fils a été adopté par un bandit mexicain qui y tient désormais comme à la prunelle de ses yeux, que le rancher oblige Choya à jouer son rôle de fils jusqu'à la mort de son épouse pour ne pas peiner cette dernière, que l'instigateur de cette duplicité souhaite désormais tuer celui qui l'a fait échouer, que le véritable fils ne souhaite pas quitter sa famille d'adoption mais que Choya l'oblige de force à revenir vers sa famille de sang, etc. , on imagine aisément que le scénario est assez riche en rebondissements pour tenir le spectateur en haleine jusqu'au bout ! Et en effet, le western de Rudolph Maté se suit sans aucun ennui jusqu'au happy end apaisant finalement assez surprenant quant on est habitué à ce que les mélodrames ne se terminent que très rarement dans la joie et la bonne humeur. Nous sommes ici très éloigné (sans que ce soit un jugement de valeur) du baroquisme outrancier de Duel au Soleil de King Vidor ou du ton de tragédie grecque qui irradiait The Furies de Anthony Mann ; le drame se révèle ici à la fois plutôt raffiné mais également assez naïf et c'est ce qui fait en partie son charme.

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Naïf n'étant pas nécessairement synonyme de mièvre, il faut le préciser d'emblée pour ne pas perdre en route des spectateurs potentiellement intéressés par le film. Parlons plutôt d'une imagerie juvénile romanesque et peu sanglante (l'antihéros usurpateur du départ devenant une sorte de chevalier blanc par la suite ne versera aucune goutte de sang durant tout le film), d'un mélodrame débarrassé de ses excès, d'une tragédie familiale qui ne se traduit pas obligatoirement par des morts et des turpitudes en série ; on retrouve un peu le ton et l'imagerie très attachants qui étaient déjà présents dans le superbe Smith le Taciturne de Leslie Fenton, cinéaste qui devait d'ailleurs initialement réaliser Branded. La sensibilité de ce dernier aurait d'ailleurs peut-être fait atteindre au film des hauteurs qu'il ne côtoie jamais ici. En effet, la mise en scène de Rudolph Maté est bien trop timoré pour donner à cette histoire le souffle et la puissance dramatique voulues, l'émotion et l'ampleur attendues. On reste à la surface des choses dans ce film très correctement réalisé mais un peu trop routinier pour pouvoir prétendre à être plus qu'un plaisant western (ce qui n'est déjà pas mal du tout). Sidney Boehm signera plus tard quelques scripts sans concessions, bien plus noirs et plus violents tels ceux de Règlement de Comptes (The Big Heat) de Fritz Lang, Colère Noire (Hell on Frisco Bay) de Frank Tuttle, encore avec Alan Ladd, ou Les Inconnus dans la Ville (Violent Saturday) de Richard Fleischer. En attendant, son travail sur le premier western de Rudolph Maté est néanmoins à saluer car particulièrement fluide et très bien dialogué même si non dénué d'invraisemblances (surtout dans le final).

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Dad Travis : "You got any friends?"
Choya : "My guns."
Dad Travis : "Kinfolk?"
Choya : "My horse."

Ruth Lavery : "What's your name?"
Choya : "Choya."
Ruth Lavery : "That's Spanish for cactus. Why do they call you that?"
Choya : "Ever tried to pick one?"

Dans le rôle de Choya, aventurier solitaire ne s'en laissant pas compter, Alan Ladd qui, au vu de sa petite taille et son aspect de gringalet, ne semblait pas avoir la prestance requise pour ce type de personnages, s'en sort une nouvelle fois après Whispering Smith relativement bien ; sa voix grave, son apparente sincérité et son sérieux le rendent très convaincant notamment lors de la séquence ou, auprès du véritable fils, il opère son examen de conscience, en proie au remords et pratiquement au bord de la dépression : " All my life, I've been a snake. I've lived by my wits. I've gotten what I've wanted anyway I wanted it. Just lately I've been wondering just for once if I couldn't do something straight... do something a little decent." Il sait parfois aussi s'avérer inquiétant notamment lorsqu'il fait parler Robert Keith en lui tirant dessus avec son six coups dans lequel il a placé une balle (une sorte de roulette russe avant l'heure). Et il arrive à nous toucher lorsque nous constatons qu'il commence à devenir irritable et agressif du fait de ne pas pouvoir dire à Ruth qu'elle l'attire. A ses côtés, un Robert Keith tout aussi probant en salaud n'hésitant pas à tirer dans le dos de son plus ancien acolyte pour doubler sa mise, une Mona Freeman tout à fait charmante, un Charles Bickford toujours à l'aise dans la peau de gros éleveurs de bétails et un Joseph Calleia attachant dans le rôle du père adoptif fou de rage à l'idée que son 'fils' puisse préférer rejoindre ses parents de sang.

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Le scénariste et le metteur en scène ne font pas d'étincelles, restent dans la convention la plupart du temps mais, possédant tous deux un solide métier, nous délivrent un western bien écrit, bien réalisé, bien dialogué et formidablement photographié par Charles Lang qui filme avec talent les splendides paysages du Nouveau Mexique et de l'Arizona et qui nous concocte quelques superbes éclairages notamment avec des allumettes, totalement irréalistes mais particulièrement photogéniques. Une scène d'introduction mouvementée et efficace mais qui ne donne pas forcément le ton d'un film plutôt posé, bavard (rien de péjoratif là dedans) mais qui devrait contenter aussi les amateurs d'action notamment lors de la longue séquence de la traque au Mexique se déroulant au milieu de superbes extérieurs. Rien de fulgurant mais rien de déshonorant non plus, bien au contraire. Un ensemble bougrement sympathique.
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Le Siège de la rivière rouge (The Siege at Red River - 1954) de Rudolph Maté
20TH CENTURY FOX


Avec Van Johnson, Joanne Dru, Richard Boone, Milburn Stone, Jeff Morrow
Scénario : Sydney Boehm
Musique : Lionel Newman
Photographie : Edward Cronjager (Technicolor 1.37)
Un film produit par Leonard Goldstein pour la 20th Century Fox


Sortie USA : 02 avril 1954


Novembre 1864 à Greensburg dans l’Ohio. Des espions confédérés commandés par le Capitaine Simmons (Van Johnson), volent un prototype de mitrailleuse à l’armée unioniste, espérant grâce à cette nouvelle arme tirant 250 coups à la minute faire pencher la balance de la victoire du côté de leur camp actuellement en mauvaise posture. Les soldats Nordistes partent à la poursuite des détrousseurs mais retrouvent vide d’armes et d’hommes le chariot ayant servi à transporter le ‘Gatling Gun’. La mitrailleuse a en fait été cachée dans un piano que transportent deux colporteurs qui ne sont autres que Simmons et le Sergent Guderman (Milburn Stone) se faisant passer pour messieurs James Farraday et Benjy Thompson. Ils espèrent ainsi traverser les États-Unis incognito jusqu’à ce qu’ils atteignent leur but. Pour trouver leur chemin, ils passent de ville en ville pour vendre un élixir médical ‘miracle’ qu’ils vantent à l’aide d’une chanson (‘Tapioca’) qui est en fait un code grâce auquel ils sont reconnus par des ‘sympathisants Sudistes’ leur glissant en échange un papier sur lequel sont indiquées des instructions pour leur prochaine destination. En arrivant dans l’Ouest, ils aident une infirmière, Nora Curtis (Joanne Dru), dont le chariot s’était embourbé et l’accompagnent jusqu’à Baxter Springs où ils font une nouvelle halte. Simmons est attiré par la jeune femme qui lui apprend que son mari est un officier Yankee. Dans cette ville, nos héros vont être inquiétés par un détective de l’agence Pinkerton, Frank Kelso (Jeff Morrow), à la recherche de l’arme dérobée, alors qu’ils trouvent en Manning (Richard Boone) un associé prêt à les aider à mettre en lieu sûr leur précieux chargement et à les conduire jusqu’à leur objectif, derrière les lignes ennemies. Mais font-ils bien de faire confiance à cet homme odieux et brutal qui semble ami avec les faméliques indiens sur le pied de guerre ?

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Deuxième des six westerns réalisés par Rudolph Maté, Siege at Red River s’avère totalement différent du précédent, Marqué au fer (Branded), un western mélodramatique et psychanalytique très attachant avec Alan Ladd et Charles Bickford. Avec pourtant le même scénariste, autant ce premier essai se prenait très au sérieux, autant Le Siège de la rivière rouge se révèle décontracté, flirtant même parfois avec la comédie. Malgré la dissemblance de ton, comme son prédécesseur, un film qui, à défaut d’être stylé ou harmonieux, force la sympathie, notamment grâce une bonne interprétation d'ensemble et à un pimpant Technicolor. Prévenons néanmoins qu’il ne sera pas forcément du goût de tout le monde : si comme moi vous trouvez Van Johnson agréable à fréquenter et Joanne Dru craquante, si à priori les mélanges peu digestes aventure/comédie/western/espionnage ne vous offusquent pas, et si vous n'êtres pas allergiques à quelques chansonnettes, ce film fortement coloré et joyeusement rythmé pourra vous être de temps en temps jubilatoire d'autant que les paysages sont superbes et variés. Mais sinon, la mise en scène de Maté n'a une fois de plus rien d'exceptionnel et le scénario part dans tous les sens au risque d’en laisser certains sur les bas-côtés, notamment au cours d’une très longue scène de pure comédie en plein milieu du film qui passera ou cassera ; une séquence assez datée et s'éternisant un peu trop, qui réunit Joanne Dru et Milburn Stone, le second essayant d’enivrer la jeune femme afin de la mettre ‘hors d’état de nuire’. A ce moment là, on n'a plus tellement l'impression de visionner un western mais une comédie légèrement pataude. Heureusement l'amusante chute 'coquine' avec l'arrivée de van Johnson au petit matin vient rattraper le tout.

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Étonnant de la part de Sydney Boehm, surtout connu pour des scénarios au contraire plutôt sombres et souvent sans la moindre trace d’humour : avant ça il en avait écrit deux autres pour Rudolph Maté dont celui de Midi Gare centrale (Union Station), mais aussi celui fabuleux de The Big Heat (Règlements de compte) de Fritz Lang ou encore celui passionnant de The Raid d’Hugo Fregonese. Par la suite, il signera encore ceux, tout aussi admirables, de The Tall Men (Les implacables) de Raoul Walsh ou de Les inconnus dans la ville (Violent Saturday). Son travail pour Siege at Red River est donc totalement différent. Mais tout d’abord, que ceux qui auraient été attirés par le titre n’attendent ni siège ni rivière rouge ; on se demande bien comment il a pu être choisi à moins que le scénario ait été modifié au dernier moment sans que n’ait été transformé le titre ? Un mystère aussi grand que de savoir ce qui s’est passé dans l’esprit de Boehm pour nous pondre un tel script/patchwork sans grande rigueur ni enjeux dramatiques. Commençant comme un film d’action survolté (il faut dire que Lionel Newman a composé une musique particulièrement exaltée), ce western prend ensuite des chemins de traverse, passant par la comédie (parfois musicale) 'bon enfant' avec quelques détours vers l’espionnage, le drame (
Spoiler (cliquez pour afficher)
on ne s’attend pas du tout à la mort du personnage joué par Wilbur Stone d’autant qu’il fut en quelque sorte le ‘clown’ de service [fin du spoiler]) ou encore le film d’aventure. Tout n’est donc pas du meilleur goût, le rythme endiablé est parfois stoppé net par des digressions pas toujours très heureuses ; cependant l’ensemble reste la plupart du temps particulièrement divertissant. Mais la principale jubilation vient de la chanson ‘Tapioca’ écrite par Lionel Newman et Kim Darby qui aurait très bien pu devenir un tube si elle avait été intégrée au sein d’une célèbre comédie musicale. On l’entend ici à plusieurs reprises (et pour cause, il s’agit du code pour que les partisans sudistes se reconnaissent), chantée tour à tour par Van Johnson et même, lors d’une bonne séquence de cabaret, par Peggy Malley. Une mélodie superbement écrite, colorée, entraînante et entêtante.

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On ne peut pas en dire autant de la mise en scène sans style ni personnalité de Rudolph Maté qui confirme néanmoins être un professionnel assez efficace. Rappelons qu’avant de passer à la mise en scène, il fut un très grand chefs-opérateur dont les titres de gloire furent, excusez du peu, La Passion de Jeanne d'Arc et Vampyr de Carl Theodor Dreyer, Vampyr, Le Dernier milliardaire de René Clair, Liliom de Fritz Lang, Stella Dallas de King Vidor, Love Affair de Leo McCarey, Correspondant 17 d'Alfred Hitchcock, To Be or Not to Be d'Ernst Lubitsch ou Gilda de Charles Vidor, pour ne citer que les plus célèbres. Dans la plupart des films qu'il a photographiés, on trouve une certaine stylisation post-expressionniste qu'il laissera tomber une fois passé derrière la caméra en tant que réalisateur dès 1946. Paradoxalement, ses films ne seront en effet ni mémorables ni remarquables plastiquement parlant. On trouve cependant dans ce western de très beaux plans notamment devant Monument Valley ou surtout lors de la dernière partie alors que Van Johnson et Joanne Dru avancent en marchant sur un surplomb du Grand Canyon. Mais là où on se rend compte le mieux de ses limites, c’est lors de la grande séquence de bataille finale entre soldats et indiens. L’attaque du fort est filmée par Rudolph Mate alors que l’impressionnante charge de cavalerie est intégralement tirée du Buffalo Bill de William Wellman. Et la comparaison n’est pas à l’avantage de Maté : d’un côté nous assistons à une séquence pas désagréable à regarder mais néanmoins très banale et manquant singulièrement de souffle et d’ampleur, alors que de l’autre nous sommes témoins d'une époustouflante leçon de mise en scène. Ca fait cependant plaisir de revoir cette magnifique scène d’action même si elle fut réalisé dix ans plus tôt.

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Pour vous faire une petite idée, parmi les cinq autres westerns de Rudolph Maté, celui qui a le plus de points communs dans le style et le ton avec Siege at Red River est sans aucun doute le plus rigoureux et tout aussi divertissant Les Années sauvages (The Rawhide Years) avec Tony Curtis, qui sortira en salles deux ans plus tard. Le Siège de la rivière rouge est un film sympathique et dépaysant à défaut d’être mémorable, nous faisant voyager de l’Ohio au Sud des États-Unis au sein de paysages qui ne correspondent probablement pas à la réalité géographique (pas plus que les faits relatés ne correspondent à la vérité historique) mais qui n’en sont pas moins superbes. Peu de substance dramatique mais beaucoup de charme grâce également à un casting assez réjouissant, Joanne Dru en tête, actrice qu’il est toujours agréable de retrouver, mais aussi Van Johnson que l’on est étonné de trouver ici (plus habitué à le voir dans les comédies musicales MGM) mais qui n’a pas perdu son capital sympathie et qui ne nous fait pas forcément regretter les deux comédiens préalablement choisis pour ce rôle, Tyrone Power et Dale Robertson. Mais c’est Richard Boone qui, dans les quelques séquences dans lesquelles il apparait, dévore l’écran, s’étant apparemment une fois de plus régalé de jouer les ordures intégrales, son personnage violentant les femmes et tuant sans aucun remords. Romance, humour, action, retournements de situations, changements de ton ; le mélange n’est pas toujours convaincant (après une heure de film familial et 'bon enfant', le final qui se veut plus sérieux n'a logiquement plus le même impact dramatique), et on ne trouve pas grand-chose d’intéressant sur le fond, mais niveau divertissement il y en a pour tout le monde et l’ensemble demeure sans cesse charmant jusqu’à ce dernier facétieux plan, le cinéaste décidant de cacher le traditionnel baiser final par un cheval venant nous le masquer. Aussitôt vu aussitôt oublié mais pas désagréable pour autant.
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Re: Rudolph Maté (1898-1964)

Message par Rick Blaine »

Jeremy Fox a écrit :Oh que oui ; probablement son meileur film.
Je n'ai vu que D.O.A qui est effectivement un cran en dessous, même s'il me plait bien.

Je ne me suis pas encore interessé à ses western, je profiterais peut-être de ta chronique pour découvrir Le Souffle de la Violence.
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Jeremy Fox
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Re: Rudolph Maté (1898-1964)

Message par Jeremy Fox »

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Horizons Lointains (Far Horizons - 1955) de Rudolph Maté
PARAMOUNT


Avec Charlton Heston, Donna Reed, Barbara Hale, Fred MacMurray, William Demarest, Alan Reed
Scénario : Winston Miller & Edmund H. North d'après un roman de Della Gould Emmons
Musique : Hans J. Salter
Photographie : Daniel L. Fapp (Technicolor 1.85)
Un film produit par William H. Pine & William C. Thomas pour la Paramount


Sortie USA : 20 mai 1955

Marqué au Fer (Branded) et Le Souffle de la Violence (The Violent Men) nous avaient laissé une agréable impression mais c’était surtout grâce à de solides scénarios et une bonne interprétation d’ensemble. La mise en scène en revanche ne nous avait guère enthousiasmé. Horizons Lointains vient nous prouver qu’effectivement, ce grand chef-opérateur n’était par ailleurs qu’un bien piètre réalisateur même si l’on peut compter quelques petites pépites à son actif, notamment dans le domaine du film noir. C’est un comble qu’une des expéditions les plus épiques de l’histoire américaine ait accouché d’un film aussi peu ample et vigoureux, aussi mollasson et intempestivement bavard, le souffle de l’aventure étant irrémédiablement absent d’une œuvre dont c’était pourtant la vocation première. Bref, on l'aura compris : sans un scénario qui tient la route et sans une troupe de comédiens motivée, Rudolph Maté, pas assez doué, est incapable de parvenir à sauver les meubles de n'importe quelle entreprise. Pour The Far Horizons, sa mise en scène est aussi terne et dénuée d’inventivité que quasiment tout le reste. L'expédition de Lewis et Clark avait déjà lointainement inspirée Howard Hawks pour The Big Sky (La Captive aux Yeux Clairs) ; on retrouve dans les deux films les mêmes paysages, les mêmes costumes, les mêmes embarcations, voire les mêmes personnages (celui de l’indienne dans le film de Hawks aurait d’ailleurs pris pour modèle Sacajawea, le personnage réel mis en scène dans The Far Horizons) ; et certains plans sont vraiment ressemblants comme ceux de la file d’indiens sur les berges ou bien les hommes en train de hâler le bateau lorsque le lit de la rivière est trop bas… le tout cette fois en Technicolor. Les paysages sont magnifiques et dépaysants mais l'on reste à cent coudées au dessous du film de Hawks qu’on aurait rêvé du coup voir en couleurs.

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Le Capitaine Lewis (Fred MacMurray), secrétaire du président Thomas Jefferson, est en visite chez le sénateur Hancock dont il s'est épris de la fille Julia (Barbara Hale). Il est sur le point de révéler ses sentiments à la jeune femme quant il reçoit un télégramme de Washington lui faisant demander de revenir à son poste. Les États-Unis viennent d'acheter la Louisiane aux Français et Lewis est chargé de prendre la tête d'une expédition militaire dont le but sera d'explorer ce nouveau territoire. Le Président lui demande même de poursuivre au-delà, si possible même jusqu'à l'Océan Pacifique. Lewis demande à ce que son ami le Lieutenant Clark (Charlton Heston) prenne le commandement à ses côtés ; ce qui lui est accordé. Retournant chez Hancock le lui annoncer, Lewis se rend compte que Clark s'est immiscé à sa place dans le cœur de Julia et qu'ils comptent se marier. Malgré la peine qu'il ressent, Lewis demande à Clark de le suivre et l'expédition se met en marche. Arrivé au sein d'une tribu indienne, celle des Minitari, Lewis assure à leur chef que le Président Jefferson ne recherche que la paix et qu'il ne leur sera fait aucun mal. En revanche, ils doivent accepter la souveraineté des États-Unis d'Amérique ; ce qui n'est pas du goût du chef Indien qui les laisse néanmoins repartir avec une de leurs prisonnières de la tribu des Shoshones, Sacajawea (Donna Reed), qui connaît parfaitement la région et qui s'est proposé de guider les explorateurs à travers les territoires de son peuple malgré les réticences de Clark qui ne fait pas confiance aux Peaux-Rouges. A peine la troupe remise en route que le chef des Minitari décide de lui tendre une embuscade ; c'est grâce à Sacajawea qui avait surpris une conversation dévoilant le piège que ce dernier échoue. Nombreux sont les morts dans le camp indien mais l'excursion reprend. Clark tombe amoureux de la jeune indienne pourtant déjà promise à un trappeur français, Charboneau (Alan Reed)...

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Dans la réalité, Meriwheter Lewis, Capitaine de l'armée américaine, devint secrétaire du Président Thomas Jefferson en 1801. Il planifia une expédition qui devait explorer les territoires à l'Ouest du Mississippi et trouver un passage pour arriver jusque sur les côtes de l'Océan Pacifique. Avec son ami, le Lieutenant Clark, ils partirent de St Louis (Missouri) en mai 1804 et atteignirent les côtes de l'Oregon en novembre 1805. Lewis, en plus de commander la troupe, accompli un travail de naturaliste tandis que Clark s'occupa de cartographier les régions traversées. Un voyage qui dura presque un an et demi avec une seule perte à déplorer parmi les soldats constituant la troupe. Cette dernière, en empruntant une route plus au Sud, regagna sa base de départ en mars 1806 pour arriver à bon port seulement 6 mois plus tard. Lewis fut ensuite nommé gouverneur de la Louisiane mais se suicida peu après, en 1809. C'est Clark qui fut responsable de la publication de leur journal de bord écrit durant l'expédition qui compta effectivement l'indienne Sacajawea (également nommée Birdwoman) qui non seulement guida les troupes mais œuvra en tant que 'diplomate' auprès des diverses tribus indiennes rencontrées au cours de leur périple. Contrairement à sa situation dans le film où elle tombe amoureuse de Clark, elle fut accompagnée durant tout le voyage par le trappeur canadien Toussaint Charbonneau qu'elle avait épousé avant le départ et qui, contrairement à sa description dans le film, était loin d'être antipathique. Les historiens ou les lecteurs du journal de Lewis & Clark édité encore de nos jours diront que les faits relatés dans le film sont assez éloignés de la réalité. Mais on sait ce que pense Hollywood de la véracité historique et nous ne nous en offusquerons pas une fois de plus. L'important aurait été d'avoir un film épique à l'image de cette grandiose aventure ; ce qui est fort loin d'être le cas.

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Les scénaristes ayant décidés de consacrer la majeure partie du film à la romance qui se fait jour entre Charlton Heston et Donna Reed, c'est l’aventure qui en pâti. Cette histoire d'amour n'étant à aucun moment convaincante, le film devient assez vite totalement insignifiant, se contentant entre deux scènes de bavardages interminables entre nos deux tourtereaux de nous montrer de très beaux paysages photographiés assez correctement. Si seulement les auteurs avaient profité de cette romance entre un blanc et une indienne pour aborder avec intelligence ou sensibilité la question des affaires indiennes, les thèmes des relations inter-raciales ou de la place de la femme dans la société ; mais le film se révèle sacrément conservateur, faisant fi de tous les films pro-indiens progressistes sortis depuis le début de la décennie. Ici, le ton est au paternalisme, les Natives (presque décrits comme des idiots) doivent obéissance au grand chef blanc sans avoir à rétorquer et l'on répète à foison que la femme se trouve bien mieux derrière ses fourneaux ou en train d'élever ses enfants que partout ailleurs. Le tout naïvement et solennellement asséné, au premier degré et sans un brin d'ironie, comme si Rudolph Maté, Winston Miller et Edmund H, North trouvaient tout ça parfaitement normal. Un film donc non seulement paresseux et ennuyeux, platement filmé et mal rythmé, mais dans le même temps plutôt réactionnaire. Et les comédiens, pourtant assez célèbres à l'époque, de ne pas faire le moindre effort pour sauver les meubles ! Seul Hans J. Salter semble s'être démené comme un beau diable pour écrire une partition pleine d'allant, de vigueur et de vitalité, non dénuée d'un lyrisme dont le film est totalement dépourvu. Grâce au compositeur, certaines séquences arrivent à faire illusion et on se sent à quelques reprises transportés par le souffle de l'aventure ; mais ces instants sont bien rares !

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On se demande quand même si les auteurs se sont vraiment intéressés à leur film et s'il n'y a pas eu au départ mésentente avec les producteurs ; témoin, après maintes séquences inintéressantes trop longuement étirées, la vitesse à laquelle l'expédition a rejoint l'Océan, sans crier gare. Au détour d'un plan, alors que nous ne savons pas du tout géographiquement où en était arrivé le voyage, nous voilà une seconde après à l'autre bout des États-Unis, ayant fini la traversée du Continent pour nous retrouver sur la Côte Ouest. Alors l'arrivée de la troupe à son terminus aurait pu représenter le climax émotionnel du film, elle se trouve avoir été totalement occultée ! Non seulement nous n'avons pas pu assister à la grande scène tant attendue mais le manque de crédibilité aura été aussi pour en arriver là, tout du long flagrant. Contrairement aux hommes de Spencer Tracy dans Le Grand Passage (Northwest Passage) de King Vidor, ceux de Lewis et Clark semblent presque jamais n'avoir éprouvé de la fatigue, étant arrivés à l'autre bout du Continent fringants et comme s'ils venaient de faire seulement 10 kilomètres à pied. Dommage que le film soit aussi ennuyeux et si peu convaincant, n'arrivant que rarement à décoller, car il bénéficiait d'atouts de départ non négligeables avec entre autres ces très beaux paysages naturels filmés pour la plupart à Jackson Hole dans le Wyoming (on pense au lac de Saskatchewan de Raoul Walsh, aux montagnes de Spencer's Moutain de Delmer Daves et bien évidemment aux panoramas identique à ceux de The Big Sky d'Howard Hawks). Quant aux prologues et épilogues à costumes qui encadrent le film, se déroulant dans l'Est au sein de la bonne société, ils ne valent guère mieux.

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Dans l'ensemble, au sein de l'importante production westernienne, il n'y eut encore qu 'assez peu de westerns dont le postulat de départ était épique, ceux ci ne pouvant guère s’accommoder de budgets restreints ; dommage alors que la première traversée du Continent Nord Américain tel que puisée au sein des carnets de route de deux célèbres aventuriers se soit transformée à ce point en un film aussi amorphe. Plutôt que ce film coloré mais sans rythme et sans vie, préférons alors nous souvenir d'autres titres tels La Piste des Géants (The Big Trail) de Raoul Walsh, Convoi de Femmes (Westward the Women) ou justement La Captive aux Yeux Clairs d'Howard Hawks qui, s'il ne contait pas à proprement parler l'expédition du Corps of Discovery de Lewis et Clark, s'inspirait grandement de cette dernière. Là où Elisabeth Threatt était tout à fait convaincante dans la peau de l'indienne dans le film de Hawks, Donna Reed, aussi bonne comédienne qu'elle soit, fut un très mauvaise idée de casting ; il en aurait été probablement de même si le premier choix des producteurs, Leslie Caron, avait été validé. Ses partenaires ne sont pas logés à meilleure enseigne, aucun d'entre eux n'arrivant à sortir du lot, pas même Fred MacMurray qui fêtait ici son retour au studio qui l'avait révélé, la Paramount. Un bien beau ratage, verbeux et peu inspiré. Passons vite à autre chose !

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Le Souffle de la violence (The Violent Men, 1955) de Rudolph Maté
COLUMBIA


Avec Glenn Ford, Barbara Stanwyck, Edward G. Robinson, Dianne Foster, Brian Keith, Richard Jaeckel
Scénario : Harry Kleiner
Musique : Max Steiner
Photographie : W. Howard Greene & Burnett Guffey (Technicolor 2.55)
Un film produit par Lewis J. Rachmil pour la Columbia


Sortie USA : 26 janvier 1955


L’année 1955 aux USA débute à la Columbia en matière de western avec le deuxième signé Rudolph Maté, cinq ans après son premier essai dans le genre, le plaisant Marqué au fer (Branded) dont le rôle principal était tenu par Alan Ladd. Comme ce dernier film, même si une fois encore les amateurs d’action n’ont pas été oubliés (incendies en cascades, fusillades, Stampede…), Le Souffle de la violence est avant tout un western psychologique et mélodramatique, cependant nettement moins naïf (cette naïveté participant néanmoins du charme de Branded) et aussi beaucoup plus violent que son prédécesseur comme l’indique son titre tout à fait justifié. Il s’agit une nouvelle fois d’un western distrayant mais, au vu du casting prestigieux et de la richesse des personnages décrits au sein d’un scénario pourtant bien conventionnel, on pouvait raisonnablement s’attendre à beaucoup mieux ; en effet, à cause principalement du réalisateur, le film n’arrive jamais vraiment à décoller, à trouver son souffle. Pour autant, il ne nous procure pas la moindre seconde d’ennui ; et c’est déjà beaucoup !

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Cela fait quasiment trois années que John Parrish (Glenn Ford), ex-soldat durant la Guerre de Sécession, est arrivé dans cette région de l’Ouest américain ; il lui fallait ce climat pour soigner quelques blessures et il en avait profité pour acheter un ranch pour y faire de l’élevage. Aujourd’hui que le voilà guéri, il va enfin pouvoir accomplir le rêve de sa fiancée : vendre sa propriété et la ramener dans l’Est où ils souhaitent se marier. Ce n’est pas le fait d’avoir vu le shérif se faire froidement abattre dans la rue par Wade Matlock (Richard Jaeckel), un tueur à la solde des Wilkinson, qui le fait changer d’avis. On le lui reproche d’ailleurs car, la région étant dominée par la famille Wilkinson, on comptait encore sur lui pour contrer la soif de possession du chef de famille ; en effet, ils n’étaient plus que deux à n’avoir pas bradés leurs terres à Lew Wilkinson (Edward G. Robinson), le patriarche désormais invalide suite aux incessants combats menés contre fermiers et ranchers pour agrandir son domaine. C’est désormais son épouse Martha (Barbara Stanwyck) qui mène la barque, aidé par son beau-frère Cole (Brian Keith) qui est en fait devenu son amant. Les Wilkinson continuent à employer tous les moyens pour intimider les derniers irréductibles, dont Parrish qui refuse dans un premier temps la faible somme proposée. Néanmoins sur le point de conclure l’affaire, il se rétracte au dernier moment devant la violence employée par les hommes de main des Wilkinson qui viennent de torturer et tuer l’un de ses employés. Sa réaction va étonner tout le monde, d’une violence dont on ne le soupçonnait pas…

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Un grand propriétaire tyrannique aidé par un shérif véreux contre une poignée de modestes ranchers et les sanglants combats qui s’ensuivent : on a déjà rencontré ce type de situations à de multiples reprises. Dans le déroulement de son intrigue, le scénario n’a effectivement rien de très original mais c’est dans le portrait qui nous est tracé de tous les personnages, leur évolution, que résident les principaux intérêts du film de Rudolph Maté. Comme King Vidor pour Duel au soleil (Duel in the Sun) et Anthony Mann pour The Furies (qui demeurent toujours à ce jour les deux références en la matière), The Violent Men met en scène une famille de grands propriétaires terriens qui n’aurait pas dépareillée dans une tragédie de Shakespeare. On y trouve Lew (Edward G. Robinson), un patriarche despote, amoindri par le fait d’avoir quasiment perdu l’usage de ses jambes, mais continuant à vouloir régner en maître sur la vallée, n’envisageant pas une seule seconde que ce soit son épouse Martha qui, sous ses allures de femme douce, aimante, loyale et attentionnée, mène désormais la barque ; Martha (Barbara Stanwyck), encore plus cupide que son mari, n’hésite pas non plus à le cocufier avec… Cole, son jeune beau-frère ; Cole (Brian Keith), que son frère avait appelé à l’aide suite à son accident, peu loquace, est en fait celui qui dirige en sous main toutes les viles opérations destinées à intimider les éleveurs récalcitrants à vendre leurs terres, et qui, tout en ayant une liaison avec sa belle-sœur, en entretient une autre avec une jeune et fringante mexicaine ; enfin, Judith (Dianne Foster), la fille du couple, témoin de l’adultère de sa mère, n’ayant de ce fait plus aucun respect pour elle mais n’osant pas en informer son père de peur de le blesser. Dégouttée par l’ambiance délétère de la maison, elle encourage même les ennemis de la famille à ne pas se laisser faire par ses parents ; et en l’occurrence, elle essaie même de décourager Parrish de leurs vendre ses terres.

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De l’autre côté de la barrière, nous trouvons les modestes éleveurs dont le scénariste Harry Kleiner (dont le premier scénario était celui de Fallen Angel – Crime passionnel de Otto Preminger) nous dépeint également des portraits assez éloignés de ce que l’on pouvait attendre et à vrai dire guère plus reluisants ; plus que les ranchers qui ne représentent en fait qu’un groupe indistinct, c’est au personnage au départ moralement ambigu interprété par Glenn Ford auquel je faisais allusion ainsi qu’au couple qu’il forme avec sa fiancée. Cette dernière tout d’abord qui ne voit en son amoureux qu’une porte de sortie vers l’Est ; elle se serait accrochée à n’importe qui d’autre lui ayant offert cette possibilité de quitter cette région qu’elle exècre : "I want to get out of here - and nothing is going to stop me". Guère fréquentable la donzelle ! Quant au héros de l’histoire, la plus grande originalité lui est donc due. Pendant 45 minutes (soit pile la moitié du film), il se fiche de ce qui se passe dans la vallée du moment qu’on ne vienne pas lui chercher des noises : "What happens in this valley is no concern of mine!" Il a beau assister à des meurtres de sang froid comme dans le préambule, il ne fait pas un geste pour se rebeller ; faisant mine du contraire, il est prêt à accepter n’importe quelle offre pour sa propriété ; malgré les reproches de ses hommes, il refuse de contrer le despote de la région… Un homme à priori égoïste et faible mais dont on se rend finalement compte qu’il s’agit avant tout d’une grande lucidité : "J’ai vu des tas d’hommes fiers mourir pendant la guerre ; seuls les très forts et les très riches peuvent se permettre d’avoir du tempérament. " Mais un homme tenant de tels discours, reculant devant l’adversité, fuyant les ‘histoires’, peut-il être crédible en véritable héros de western ?! Asses troublant en tout cas ! Que l’on se rassure, la morale sera sauve et le héros sera blanchi ; à mi parcours, ayant assisté à un trop plein de violence, il décide de prendre les armes et, fort de son expérience militaire, de la dispenser à son tour jusqu’à faire capituler l’ennemi. Dommage alors que les scénaristes n’aient pas insisté sur une autre sombre facette du personnage ; sa violence justement ! En tout les cas, un personnage non idéaliste qui tranche d’avec les héros habituels.

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On le constate : pas mal de pistes intéressantes au niveau de la description des personnages mais le scénario étant par ailleurs assez dense au niveau de l’intrigue, l’auteur oublie de les enrichir plus avant d’autant qu’il n’a eu à sa disposition que 90 trop courtes minutes pour mener le tout à son terme, là où il lui aurait sans doute fallu au minimum une demi-heure de plus. A ce propos, il n’y a qu’à voir le happy-end totalement bâclé, voire même ridicule. Et puis, Rudolph Maté n’est décidément pas un grand directeur d’acteurs : que ce soient Barbara Stanwyck, Edward G. Robinson ou Glenn Ford, s’ils sont loin d’être mauvais, on les a néanmoins souvent connus plus inspirés, faute peut-être à ce manque d’approfondissement de leurs personnages ; quant aux comédiens moins chevronnés, ils s’avèrent fades, voire même pour certains assez mauvais, notamment les deux autres actrices principales, Dianne Foster et la totalement transparente May Wynn. C’est peut-être finalement Brian Keith qui tire le mieux son épingle du jeu, le fait de paraissant ‘sous-jouer’ le rendant encore plus menaçant. Niveau mise en scène, ce n’est pas nécessairement ça non plus. Si Maté fut un grand chef opérateur, il fut aussi un assez piètre cinéaste dans l’ensemble ; en tout cas il fut bien plus convaincant dans le film noir (Mort à l’arrivée – DOA ; Midi, gare centrale – Union Station) que dans le western même si ces derniers n’ont jamais rien eu de honteux. D’ailleurs, le plus réussi dans Le Souffle de la violence, ce sont justement les scènes de violence d’une noirceur assez étonnantes et auxquelles participe à chaque fois l’un des meilleurs secondes rôles des années 50, Richard Jaeckel : la mort du shérif, tué dans le dos et à bout portant en tout début de film ; la torture et le meurtre d’un des employés de Parrish par Wade et ses hommes ; et à mi-parcours, la mort de Wade tué à son tour à bout portant par Parrish. Toutes ces séquences sont d’une sécheresse et d’une cruauté directement issues du film noir. Les pures scènes d’action comme batailles et chevauchées sont en revanche bien moins mémorables, faute à un budget qui semblait limité, obligeant le metteur en scène à utiliser des stock-shots récents mais très mal intégrés au reste des séquences.

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Cependant, dès que le metteur en scène arrive à s’affranchir de l’intrigue, dès qu’il se décide à prendre son temps (presqu’une minute) pour nous faire voir son héros se rendre de son ranch à celui des Wilkinsonsen traversant les magnifiques paysages de Lone Pine et des Alabama Hills, il nous fait entrevoir le souffle qu’aurait pu avoir son film sur la durée. Il faut dire qu’il a été grandement aidé pour cette séquence par la très belle photographie en scope de W. Howard Greene & Burnett Guffey et surtout par Max Steiner qui croit dur comme fer à ce qu’il compose, s’évertuant à livrer un score dont l’intensité dramatique aurait pu faire prendre son envol au film s’il n’avait pas été le seul à autant y croire. En effet, faisant des infidélités à la Warner, son studio de prédilection (il venait déjà de le faire, déjà pour la Columbia, avec sa musique composé pour Ouragan sur le Caine d’Edward Dmytryk), Max Steiner se surpasse à quelques reprises et notamment au cours de cette scène de déambulation. Dommage donc que le scénario soit si déséquilibré (après une mise en place intéressante et volubile, on passe à un condensé d’action non-stop bâclé et manquant singulièrement de souffle), la psychologie des personnages si peu développée et que la mise en scène soit si paresseuse (y compris dans son utilisation du scope) car il y avait assez d’éléments pour faire un grand et beau western. Rien de fulgurant mais rien de déshonorant non plus car qu’on ne s’y trompe pas ; malgré tous ses défauts, le spectacle demeure bien plaisant !


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Terre sans pardon (Three Violent People - 1957) de Rudolph Maté
PARAMOUNT


Avec Charlton Heston, Anne Baxter, Gilbert Roland, Tom Tryon, Forrest Tucker
Scénario : James Edward Grant
Musique : Walter Scharf
Photographie : Loyal Griggs (Technicolor 1.85)
Un film produit par Hugh Brown pour la Paramount


Sortie USA : 09 février 1957


Quelques semaines après la sortie de Drango (Le Pays de la haine) réalisé par Hall Bartlett, voici à nouveau un western ayant pour toile de fonds une période qui a immédiatement suivie la Guerre de Sécession, celle dite de ‘la reconstruction’ ; une ère heureusement de courte durée au cours de laquelle, après la mort de Lincoln, un gouvernement provisoire s’est installé et a envoyé des ‘Carpetbaggers’ essayer de s’approprier toutes les terres des ex-confédérés en les pressant de taxes colossales dont il était quasiment impossible de s’acquitter. Three Violent People est le dernier des six westerns signés par Rudolph Maté. On peut désormais affirmer preuves à l’appui que cet immense chef-opérateur n’aura pas spécialement brillé en tant que réalisateur, tout du moins dans le genre ; on se souviendra de lui surtout grâce au film noir. Néanmoins, il ne nous aura pas moins délivré quelques plaisants westerns à commencer par son premier essai, Marqué au fer (Branded) avec Alan Ladd, mais aussi, toujours dans le drame westernien familial et psychologique, peut-être sa plus belle réussite, Le Souffle de la violence (The Violent Men) avec Glenn Ford. Dans le domaine du western fantaisiste, les plutôt bien rythmés Le Siège de la rivière rouge (Siege at Red River) avec Van Johnson et surtout Les Années sauvages (The Rawhide Years) avec Tony Curtis, nous auront également grandement diverti. Un cursus finalement pas désagréable si ce n’est mémorable, simplement ‘gâché’ par un western d’aventure sans souffle et totalement raté, Horizons lointains (The Far Horizons), ainsi que par un troisième mélodrame westernien, celui qui nous concerne ici, pas spécialement mauvais mais franchement très moyen, en tout cas sacrément décevant. Charlton Heston, tête d’affiche de ces deux films, n’aura pas vraiment porté chance au cinéaste.

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La Guerre civile vient de se terminer. Le Capitaine Colt Saunders (Charlton Heston) de l’ex-armée confédérée revient dans son Texas natal. Voulant prendre la défense de Lorna Hunter (Anne Baxter), une jeune femme qui vient de lui taper dans l’œil à sa descente de diligence, il se fait assommer par les railleurs Yankees. Lorna le conduit dans une chambre d’hôtel afin qu’il y soit soigné et profite de son évanouissement pour lui subtiliser les 900 dollars qu’il avait en poche. Lorsqu’elle apprend par une vieille connaissance, Ruby LaSalle (Elaine Stritch), tenancière de l’hôtel de la ville, que Saunders est un des ranchers les plus riches de la région, elle retourne le voir espérant le séduire. Sans rien connaître de son passé et sur un coup de tête, Saunders lui propose immédiatement de la prendre pour épouse ; ce qu’elle accepte aussitôt. Les voilà partis pour le ranch Bar S ! En arrivant sur le domaine familial, Colt a la désagréable surprise de voir que la brebis galeuse de la famille, déshéritée par son grand-père, son frère Beauregard (Tom Tryon), est revenu pour réclamer son dû. Se sentant responsable de son infirmité (il lui manque un bras), Colt accepte de vivre à nouveau à ses côtés et de lui octroyer la part qui lui revient. D’autre part, Harrison (Bruce Bennett), l’envoyé corrompu du gouvernement provisoire du Texas, lui demande d’imposantes taxes, espérant secrètement qu’il ne puisse pas s’en acquitter et soit ainsi obligé de vendre son domaine. La situation empire lorsqu’un autre ‘carpetbaggers’ reconnait Lorna ; à partir du moment où Saunders sait que son épouse fut une femme de petite vertu, il la répudie. Mais le régisseur du domaine, le probe Innociencio (Gilbert Roland), qui vient avec succès de gérer le ranch pendant cinq ans, continue à veiller au grain et, avec l’aide de ses cinq fils, va essayer d’arranger les problèmes, y compris les peines de cœur de ses patrons…

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James Edward Grant à l’écriture, Loyal Griggs à la photographie, le couple Néfertiti/Moïse des Dix Commandements de Cecil B. DeMille à nouveau reformé, ainsi que de nombreux éléments dramatiques et historiques à priori très intéressants sur le papier : tout ceci n’est malheureusement pas suffisant pour faire de ce Three Violent People (comprenne le titre qui pourra) un mélodrame westernien captivant. Il commençait pourtant plutôt bien, un peu la manière du début d'Autant en emporte le vent, avec, au travers de longues séquences très bien dialoguées, la présentation du personnage culotté et haut en couleurs interprété par Anne Baxter et ses relations fougueuses avec Charlton Heston. Le prenant de prime abord pour un parfait pigeon, elle finit par tomber sous son charme (la richesse en faisant néanmoins partie : on ne passe pas de roublarde en chef à amoureuse passionnée en un tournemain). Après un intéressant prologue plantant le décor de cette époque de l’après Guerre de Sécession au cours de laquelle les ex-confédérés furent malmenés par les envoyés sans scrupules du gouvernement provisoire, les 20 minutes suivantes se rapprochent donc plus de la comédie romantique et vaudevillesque que du western. Les scènes qui voient rassemblées Anne Baxter et Elaine Stritch sont même assez jubilatoires et cela continue de la sorte jusqu’à la fameuse séquence des ‘dessous’ (Charlton Heston prend Anne Baxter par les pieds et la secoue pour voir s’il tombera son argent volé de sous les jupons de la demoiselle). Malgré une mise en scène paresseuse et impersonnelle ainsi qu’une musique insipide, on se prend à rêver que le film se poursuive aussi plaisamment d’autant que les dialogues sont bien relevés, que les costumes d’Anne Baxter sont un régal pour les yeux tout comme la sublime photographie de Loyal Griggs… Puis, sans que ça ne paraisse crédible une seule seconde, alors qu’il est censé plein de bon sens et de droiture ("Le Rio Grande dévie son cours. Pas un Saunders" dit-on de lui), Colt demande de but en blanc à Lorna de l’épouser alors qu’ils ne se connaissent que depuis cinq minutes ! Plus tard, le revirement subi à l’encontre de sa femme, lorsqu’il vient à apprendre son passé sordide, n’est guère plus convaincant et son personnage devient par la même occasion assez haïssable par sa muflerie, son étroitesse d’esprit et sa bêtise. Mais surtout, dès que l’on passe, avant même la fin du premier tiers, de la comédie au drame, tout devient bien plus conventionnel et sans presque aucune surprise.

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En effet, dès que le couple arrive dans le domaine familial de Colt, le film change de ton mais n’arrive presque jamais plus à décoller ; un comble pour un mélodrame qui semblait vouloir prendre la direction d’un film comme Duel au soleil de King Vidor. Mais là où ce dernier devenait génial par son outrance et sa démesure, le film de Maté est totalement dépourvu de l’un comme de l’autre. Un mélodrame sans la moindre emphase ou forte sensibilité pourrait en quelque sorte être considéré comme une comédie sans humour ; dans te tels cas de figure, le résultat n'est que rarement attrayant ! On imagine ce qu'une telle histoire aurait pu donner sous la houlette de Michael Curtiz, au début pressenti pour réaliser le film. Ici, que ce soient les relations entre Colt et son frère manchot, celles se faisant jour entre ce dernier et Lorna, ou encore le banal conflit entre ranchers et carpetbaggers, rien ne sort de l’ordinaire, ou alors rien n’est suffisamment approfondi pour que ces différents éléments de l’intrigue continuent à nous tenir en haleine. Et là, la faute n’en incombe plus seulement à la mise en scène cotonneuse de Rudolph Maté mais il s’agit également bel et bien d’un problème d’écriture. James Edward Grant a-t-il eu la mainmise totale sur son scénario ? Il semblerait que non et que, s’il est resté le seul crédité au générique, il aurait été ‘aidé’ par deux autres personnes. L’impression qu’il en ressort est que les auteurs n’ont pas tous été sur la même longueur d’ondes concernant l’avancée de l’intrigue ou le ton à donner à leur histoire. Car même les retournements de situations ou coups de théâtres paraissent factices et (ou) trop rapides, voire peu crédibles ni convaincants. Tout comme le personnage interprété par un Gilbert Roland sous-employé, celui du contremaitre fidèle qui ne s’exprime que rarement sans un lyrisme souvent plus niaiseux que poétique, ce qui ressort encore plus lorsqu’il est entouré de ses cinq fils aux sourires de godiches. "Ma belle dame, maintenant que vous êtes parmi nous, le soleil se lèvera chaque matin sur les pentes verdoyantes de la Cordillère. L’herbe sera plus verte, le grain poussera plus vite, et la lune montante repeindra les montagnes d'argent grâce à votre présence. C'est pourquoi Senora, nous vous souhaitons bienvenue au ranch BAR S, ainsi que dans nos cœurs" déclamera Innocencio pour accueillir sa nouvelle patronne. Gilbert Roland aura le même style de phrases ampoulées à débiter lorsqu’il devra expliquer l’amour à l’un de ses fils ; autant dire que l’on passe parfois très près du ridicule ; heureusement que Gilbert Roland est un comédien chevronné (inoubliable par exemple dans La Dame et le toréador de Budd Boetticher) et que dans sa bouche de tels discours arrivent néanmoins -tout juste- à passer. Dommage qu’il ait été rendu aussi irritant car sinon son personnage était très attachant, symbole de l’amitié indéfectible, du bon sens et de la raison.

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Le reste de la distribution est composé par une Anne Baxter que l’on aura rarement vu aussi belle (merci également à Edith Head pour la multiplicité de ses splendides costumes), un Charlton Heston à nouveau dans la peau d'un macho et d'un mufle (personnage qui ressemble d’ailleurs beaucoup à celui qu’il tenait dans l’étonnant The Naked Jungle de Byron Haskin), un Tom Tryon qui se sort plutôt bien d’un protagoniste infirme écrit à la truelle, et de deux seconds rôles plutôt convaincants du côté des vils envoyés du gouvernement, Bruce Bennett et surtout Forrest Tucker qui était déjà le partenaire de Charlton Heston dans le plaisant Pony Express de Jerry Hopper. Si l’ensemble, presque jamais ennuyeux, nous aura néanmoins paru trop convenu et un peu lourd faute à un script et à une mise en scène peu inspirés, plastiquement, le film est néanmoins un régal pour les yeux grâce à l’alchimie qui s’opère entre le travail de Loyal Griggs (Shane), le Technicolor et la Vistavision. Parmi les points positifs, on trouve aussi une très belle séquence initiée par Anne Baxter, lorsque celle-ci, sur le point de quitter le foyer familial en laissant son nouveau-né à son mari, lui tient un beau discours sur le droit à l’erreur : “When you're raising the boy, try to remember something. The people aren't perfect. They make mistakes. And when they do, they suffer, they pay. So when he makes his mistakes, try to find it in you to forgive him.” Et enfin, le duel final entre Charlton Heston et Tom Tryon bénéficie d’une idée intéressante pour entretenir le suspense : une bouteille d’alcool est retournée ouverte sur la table et les deux adversaires doivent dégainer une fois le récipient complètement vide. Pour résumer, un début assez jubilatoire, quelques bonnes idées, une photographie splendide et un casting correct pour un résultat certes pas déshonorant mais dans l'ensemble bâclé et assez insipide.
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Profondo Rosso
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Re: Rudolph Maté (1898-1964)

Message par Profondo Rosso »

Hop je remet ça ici

Le Choc des Mondes (1951)

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D'après les calculs du professeur Bronson du Cap, la planète Bellus fonce vers la Terre. Alerté par le savant, le professeur Hendron de l'observatoire de New York confirme ses prévisions : il reste moins de 8 mois avant l'inévitable collision avec Bellus, 12 fois plus grosse que la Terre, et la fin du monde est proche. Pourtant les Nations unies, incrédules, refusent d'engager la moindre action. Grâce aux capitaux du banquier Sydney Stanton, un petit groupe dirigé par Hendron décide alors de construire un vaisseau spatial afin de coloniser le satellite de Bellus, Zyra, dont l'atmosphère est similaire à celle de la Terre et qui devrait réchapper du choc entre la Terre et Bellus. Si cette « Arche de Noé » interplanétaire est achevée à temps, 40 hommes et femmes, tirés au sort parmi des profils sélectionnés (ingénieurs, techniciens, agriculteurs, etc.), pourront échapper à la catastrophe et perpétuer l'espèce sur Zyra.

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Le Choc des Mondes est une sorte d’ancêtre à nos récents Armageddon et autres Deep Impact mêlant éléments de science-fiction et argument qui feront le sel du genre du film catastrophe dans les 70’s mais pas encore d. Produit par Georges Pal dont le savoir-faire n'est plus à démontrer en la matière (réalisateur de La Machine à Explorer le Temps et producteur à la Paramount de la célèbre version de La Guerre des Mondes dans 50’s) et réalisé par le solide artisan Rudolph Maté, le film offre une tenue visuelle des plus satisfaisante et remportera même l'Oscar des meilleurs effets spéciaux cette année-là.

Dans la plus pure tradition du genre, l’intrigue mêle grands sentiments et effets spectaculaires avec justesse, rendant toute la première partie du film précédent la catastrophe tout à fait prenante. On suit dans un premier temps les tentatives désespérées des scientifiques pour avertir un monde incrédules, puis le récit narre la longue préparation au départ financée par des milliardaires philanthropes, s'attardant parallèlement sur le destin de quelques personnages.

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On sent tout de même le grand produit familial sans aspérité dans le manque d'approfondissement de certains thèmes, de certains moments qui pourraient orienter le projet vers plus de noirceur. Ainsi lorsque les héros vont approvisionner quelques survivants en hélicoptère après le premier impact, ceux-ci les remercient chaleureusement et ne tentent de s'enfuir de force avec eux ou encore le tournant violent que prend le tirage au sort des désignés pour l'arche tourne court alors qu'on pouvait imaginer de vraies émeutes sanglantes.

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Seul le personnage de milliardaire joué par John Hoyt voulant à tout prix sauver sa peau et le héros incarné par Richard Derr ne s'estimant pas digne d'être sauvé amène quelques rebondissements moins prévisibles.L'histoire d'amour avec Barbara Rush et la rivalité amoureuse sont ainsi lisses au possible mais suffisamment bien traités pour qu'on ne sombre pas dans l'horreur lacrymale d'un Deep Impact justement, la courte durée du film (79 minutes à peine) aidant bien également. Les effets spéciaux de l'époque sont remarquables de bout en bout, que ce soit le festival de destruction massive très impressionnant (les maquettes sont splendide), les beaux matte painting nous montrant les grandes cités sous les eaux ou encore l'envol de la fusée « arche de Noé ». On reprochera juste un matte painting des plus grossiers pour l'arrivée finale sur la planète Zyra, à l'origine destiné à la promo et que George Pal souhaitait remplacer par une maquette mais la Paramount sorti le film avant qu'il ait pu terminer.

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Comme souvent dans les productions de Pal, le ton religieux est particulièrement prononcé, ici accentué par la punition divine que constitue en quelque sorte le désastre imminent. Le film s'ouvre donc carrément sur une image de la bible avec citation de l'ancien testament. Le score gorgé de Leith Stevens gorgés de chœurs emphatique en rajoute une couche tandis que l'arrivée finale sur Zyra (avec David et Joyce débarquant les premiers en nouveau Adam et Eve) dévoile un décor rococo et kitsch qui fleure bon le nouveau jardin d'Eden. Des touches un peu trop marquée et qui prêtent à sourire, mais qui n’enlèvent en rien le plaisir pris devant ce petit classique SF (même si on est loin d’œuvres plus profondes comme Le Jour où la Terre s’arrêta) des 50’s.4,5/6

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Non ceci n'est pas une image issue d'une brochure de témoin de Jéhovah
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Jeremy Fox
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Re: Rudolph Maté (1898-1964)

Message par Jeremy Fox »

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Les Années sauvages (The Rawhide Years – 1956) de Rudolph Maté
UNIVERSAL


Avec Tony Curtis, Arthur Kennedy, Peter Van Eyck, Colleen Miller
Scénario : Earl Fenton, D.D. Beauchamp & Robert Presnell Jr.
Musique : Frank Skinner & Hans J. Salter
Photographie : Irving Glassberg (Technicolor 1.37)
Un film produit par Stanley Rubin pour la Universal


Sortie USA : 15 juin 1956


En cette année 1956, nous ne savons plus sur quel pied danser concernant Rudolph Maté. Marqué au Fer (Branded) et Le Souffle de la Violence (The Violent Men) nous avaient laissé une agréable impression mais c’était surtout grâce à de solides scénarios et à une très bonne interprétation d’ensemble. Mais Horizons Lointains (Far Horizons) venait en revanche nous démontrer que ce grand chef-opérateur n’était par ailleurs qu’un bien piètre cinéaste. C’était effectivement un comble qu’une des expéditions les plus épiques de l’histoire américaine ait accouché d’un film aussi peu ample et vigoureux, aussi mollasson et intempestivement bavard, le souffle de l’aventure étant irrémédiablement absent d’une œuvre dont c’était pourtant la vocation première. Qu'allait-on donc trouver en découvrant son avant dernier western, The Rawhide Years, d'autant que les enjeux de son scénario étaient loin d'être aussi adultes et captivants que ceux des premiers westerns cités au début du paragraphe, que l'intrigue ne reposait cette fois sur rien de vraiment sérieux, que la psychologie des personnages était ce coup-ci volontairement délaissée, la vitesse et le pittoresque semblant primer sur le reste ? L'espoir était alors assez faible de tomber sur un western efficace et divertissant puisque le cinéaste n'avait encore jamais été très convaincant dans le domaine de la légèreté...

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Le Montana Queen est un bateau/casino qui sillonne le Mississippi. A son bord, beaucoup perdent toute leur fortune au jeu et risquent même leur vie. En effet, non seulement les tricheurs professionnels sévissent mais les pirates, appâtés par les sommes brassées à bord de ces salles de jeux flottantes, ne sont jamais bien loin. Ce jour-là, Frank Porter est ruiné par le jeune Ben Matthews (Tony Curtis) qui n'est autre qu'un tricheur à la solde d'un complice nommé Carrico. Le shérif Sommers et le Rancher Matt Confort, qui ont assisté à la partie, soupçonnent le jeune homme d'avoir triché ; ce qui s'avère exact. Se sentant coupable, Ben invite Matt à jouer et, pour se dédouaner, perd expressément la partie au profit du rancher. Carrico, détenteur des fonds joués par Ben, 'licencie' son acolyte, mais Matt qui s'est pris d'amitié pour le joueur lui propose un travail dans le ranch qu'il dirige dans l'Illinois. Dans la nuit, Ben surprend trois hommes sortir de la cabine de Matt et découvre peu après ce dernier assassiné. Poussé par dessus bord par un des bandits qu'il cherchait à arrêter, Ben réussit à accoster sur la berge et se rend à Galena où travaille sa fiancée, la Saloon Gal Zoé (Colleen Miller). Il découvre en arrivant en ville que Carrico et lui sont accusés du meurtre de Matt et il assiste peu après, sans avoir le temps de ne rien faire, au lynchage de son ex-associé. Il n'a alors plus le choix s'il ne veut pas se faire passer la corde au cou à son tour : il doit s'éloigner quelques temps afin de se faire oublier. Il part donc au Texas où il travaille trois ans comme cow-boy. N'ayant plus de nouvelles de sa fiancée, il retourne ensuite à Galena où il espère bien dans le même temps se disculper ; il fera le voyage retour en compagnie d'un fieffé coquin qu'il rencontre en cours de route, Rick Harper ( Arthur Kennedy), qui se propose comme guide afin de mieux pouvoir l'escroquer...

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Et bien la surprise, sans être de taille, est bien présente et, contre toute attente, ce western d'aventure assez léger s'avère se suivre sans aucun déplaisir, faisant même partie des plus charmantes réussites de son réalisateur. Attention cependant, nous sommes très loin de nous trouver devant un grand western ; il s'agit avant tout d'une série B bien enlevée qui n'a pour but que de divertir, qui y arrive d'ailleurs fort bien mais qui ne restera pas longtemps dans nos mémoires : il fallait quand même le préciser pour ceux qui se seraient un peu vite précipités. Rudolph Maté avait déjà réalisé trois ans auparavant un film d'aventure romantique se déroulant une grande partie de sa durée sur les bateaux à aubes du Mississippi et mettant en scène un joueur professionnel : il s'agissait de The Mississippi Gambler (Le Gentilhomme de la Louisiane) avec Tyrone Power dans le rôle-titre. Il fut terne et ennuyeux contrairement au western qui nous concerne ici dont le scénario file à 100 à l'heure, ce qui pallie aux multiples invraisemblances de son intrigue et à sa réalisation sans aucune personnalité. Impersonnelle mais finalement dans l'ensemble plutôt efficace lors des séquences mouvementées qui ne se font pas prier pour s'inviter à de très nombreuses reprises. La première originalité de ce western est que son intrigue se déroule pour une majeure partie à bord d'un bateau ; même si nous avions vu le même, assez brièvement, dans Les Affameurs (Bend of the River) et Je Suis un aventurier (The Far Country), tous deux d'Anthony Mann, dans Les Années sauvages, le bateau à aubes est un lieu à l'intérieur duquel nous sommes conviés durant un bon tiers de sa durée.

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La deuxième bonne surprise vient de la découverte du personnage principal interprété par Tony Curtis. Alors qu'il nous avait habitué à tenir des rôles foncièrement positifs, le comédien se retrouve ici dans la peau d'un tricheur qui d'emblée ruine un pauvre homme qui laisse à la table de jeu toute sa fortune. Alors qu'une nouvelle connaissance lui propose un verre d'alcool, il aura cette phrase savoureuse : « Non, jamais en dehors du travail ». Mais on se rendra vite compte qu'il s'agit en fait d'un pauvre bougre qui se laissait mener par le bout du nez par un associé sans scrupules. Une fois rassuré sur sa moralité, les spectateurs constateront qu'il a la guigne ; non content d'avoir plumé avec mauvaise conscience un malheureux gogo, il se verra non seulement mêlé à un assassinat dont il s'avère évidemment innocent mais il verra son acolyte se faire pendre haut et court avec une rapidité et une brutalité assez déconcertante pour l'époque, surtout dans un western au ton aussi décontracté. Un film qui démarre donc sur les chapeaux de roue et qui continuera sur sa vive lancée jusqu'au bout ; c'est d'ailleurs sa principale qualité que ce rythme jamais vraiment relâché. Et nous le devons avant tout au scénariste Earl Fenton, surtout connu pour ses travaux en collaboration avec Richard Fleischer et notamment sur L'énigme du Chicago Express (The Narrow Margin) ainsi que sur 20000 lieues sous les mers . Il ne faut surtout pas chercher de vraisemblance ni d'intelligence particulière dans son travail mais une efficacité à toutes épreuves.

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Car niveau vraisemblance, rien que le personnage joué par Tony Curtis manque singulièrement de finesse ; comment croire une seule seconde qu'un fieffé tricheur comme lui puisse faire une telle confiance à son compagnon de route alors qu'il ne le connait que depuis quelques heures et ensuite se laisser aussi facilement abuser, lui obéissant au doigt et à l'oeil sans se soucier qu'il peut chercher à le voler pendant qu'il aura le dos tourné ? On ne sait parfois pas quoi penser du comédien ; sa naïveté et son air de chien battu en début de film s'accordent assez mal avec son rôle mais il s'avère à la longue très attachant. Tout comme son compagnon d'infortune interprété par un Arthur Kennedy cabotin et survolté, qui s'en donne à coeur joie dans la fantisie et l'amoralisme néanmoins gentillet : "Miserable country, infested with decent citizens." Nous avions assez peu l'habitude de le voir tenir un tel rôle, celui d'un gredin sympathique, d'un voleur de chevaux roublard et menteur comme un arracheur de dents. On peut dire qu'il fait même pas mal d'ombre à Tony Curtis et qu'il lui vole bien souvent la vedette. En tout cas, les deux acteurs forment un duo que l'on prend plaisir à suivre dans ses innombrables pérégrinations. Parmi les autres personnages principaux, on trouve une Colleen Miller aussi moyenne actrice que femme charmante, heureusement pour nous peu avare de ses beaux atours et surtout interprétant trois chansons dont une superbe 'Happy Go Lucky'. En revanche le comédien allemand Peter Van Eyck fait bonne impression en 'Bad Guy' charismatique et fortement déplaisant, faisant dès sa première apparition une apologie de la pendaison comme spectacle jubilatoire. Parmi les seconds rôles, beaucoup de noms qui ne vous diront pas grand chose mais en revanche aux visages très connus comme par exemple Robert J. Wilke dans le rôle de l'inquiétant bras droit de Peter Van Eyck.

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Etant un divertissement sans prétention autre que nous amuser, il n'y a pas grand chose à dire de plus sur le film. Chansons, fusillades, explosions, chevauchées, bagarres à poings nus (avec en doublure de Tony Curtis, le même cascadeur qui se battait en lieu et place de Randolph Scott), poursuites à cheval : l'amateur de sensations fortes en aura eu pour son argent ! Une histoire bien menée, parfois sombre et mystérieuse mais jamais dénuée d'humour (vaudevillesque même parfois), avec rebondissements à la pelle et même des éléments d'intrigue policière, de savoureux dialogues, un duo de stars qui s'en donne à cœur joie, un technicolor rutilant, des paysages variés (du verdoyant Mississippi au Lone Pine sauvage et rocailleux) pour un film chatoyant et coloré au rythme alerte. Aucunement ambitieux mais rocambolesque et divertissant à souhait et plutôt bien maîtrisé. Un bien sympathique et bondissant spectacle !
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Profondo Rosso
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Re: Rudolph Maté (1898-1964)

Message par Profondo Rosso »

Et ça aussi !

La Bataille des Thermopyles (1962)

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La Bataille des Thermopyles relate la Bataille des Thermopyles (480 av. J.-C.) qui vit 300 soldats spartiates, dirigés par le roi grec Léonidas, défendre le territoire grec contre les hordes perses de 1 000 000 de combattants. La défense héroïque des Spartiates permit aux Grecs de reconstituer une armée pour repousser les Perses. La bravoure, la loyauté et détermination des Spartiates sont les qualités soulignées par le récit.


La Bataille des Thermopyles est pour un bon moment désormais dans l’inconscient collectif associé à la vision discutable et réactionnaire du comics de Frank Miller 300 et de l’adaptation à succès qu’en tira Zack Snyder. Hollywood alors en pleine vague péplum proposa pourtant une assez remarquable et différente version au début des années 60 avec le film de Rudolph Maté. Si la bataille en elle-même fut peu abordé au cinéma , d'autres oeuvres s'attachèrent à dépeindre cette période des Guerres Médiques comme La Bataille de Marathon (1959) de Jacques Tourneur.

Ici, Maté prend le temps de dépeindre le contexte géopolitique, d'exposer les forces en présence (Grèce en infériorité, armée Perses monstrueuse) et les conflits qui les déchirent (Grèce difficilement unie, notable de Sparte préférant l'isolationnisme) tout en esquissant l'aura mythique qui entourent les spartiates. Considérés comme des dieux de la guerre dans toute la Grèce, respecté et craint de tous, ils s'avèrent la seule solution possible à une victoire ou du moins une résistance crédible.

Cet aspect politique se croisant à une dimension plus mythologique est parfaitement incarné par les acteurs, Ralph Richardson en politicien calculateur contrebalançant avec la prestation habitée dAnna Synodinou en Reine de Sparte. Dans cet équilibre idéal en grandeur et ambition bien humaine, la sous intrigue qui voit le parcours d'un jeune spartiate déchu laver son honneur au combat aidé de son amour semble déplacée et niaise, constituant la seule lourdeur du film, et la seule privilégiant un destin individuel.

En effet, le film tend plutôt à sublimer le symbole d'unité que constitue l'armée spartiate face au division diverse, la seule capable de faire face à l'ennemi. Spectaculaires, stratégiques les impressionnantes scènes de batailles où les troupes perses en surnombres sont décimées par les 300 spartiates définit clairement ceux-ci comme de véritable surhommes, génies de l'art de la guerre. Les différentes astuces pour gérer la manœuvre et vaincre malgré leur infériorité numérique sont excellentes et constamment inventives.

La réalisation de Maté illustre de manière idéale les batailles en privilégiant l'aspect d’entité collective de l'armée spartiate parfaitement coordonnées, regroupée et solidaire. Le brio à dépeindre cet aspect revient aux choix intelligents de la production. Tourné en Grèce sur l'impressionnant site de Marathon, l'armée grecque est sollicitée à la figuration mais également le Major grec Cléanthis Damianos parfaitement érudit sur les manoeuvres de combats de spartiates et qui s'avéra un conseiller précieux pour un résultat brillant à l'écran. Le fait que Richard Egan manque un peu de charisme en Leonidas (on est loin du Gerard Butler hurleur et débordant de testostérone de 300) s'avère donc idéal puisque malgré son statut de chef, il ne s’impose pas et se fond parfaitement dans cette notion de collectif. Une notion qui prend tout son sens lors du final où une fois mort ses troupes défendent sa dépouille avec une hargne légendaire, protégeant leur chef dans leur impénétrable phalange. Le souffle épique est tel que même en connaissant l’issue, l'assaut final désespéré laisse croire un instant qu'ils ont une chance, la fin tragique sous les flèches ennemies constituant un sommet d'héroïsme pour cet Alamo antique.

Parmi les quelques réserves, on aura un David Farrar qui contrebalance la fadeur d’Egan par un jeu trop excessif en Xerxès (même si une nouvelle fois comparé à 300 cela parait bien sobre mais les élans comic book de ce dernier autorisait plus les débordements), l'armée des Immortels qui aurait pu être plus impressionnante, et la traitrise qui cause la défaite est assez maladroitement amenée. Sinon un beau péplum méconnu et une galvanisante ode au courage toujours aussi efficace. 4,5/6
riqueuniee
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Re: Rudolph Maté (1898-1964)

Message par riqueuniee »

Ca m'a l'ait en effet plus qu'intéressant. Tout comme le choc des mondes. (en faisant une recherche sur ce film, j'ai vu qu'il y avait eu un remake en 2012. C'est moi ou ce n'est pas -encore ?- sorti en salles en France?)
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Profondo Rosso
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Re: Rudolph Maté (1898-1964)

Message par Profondo Rosso »

riqueuniee a écrit :Ca m'a l'ait en effet plus qu'intéressant. Tout comme le choc des mondes. (en faisant une recherche sur ce film, j'ai vu qu'il y avait eu un remake en 2012. C'est moi ou ce n'est pas -encore ?- sorti en salles en France?)
Pas entendu parler non plus ça arrivera ces prochains mois sans doute, en salle ou dtv. De tout façon c'est un peu le modèle de tout ces gros films catastrophes choral. Pour ce qui est de Maté Rick m'a bien donné envie de jeter un oeil à ses films noir je vais tenter ça...
André Jurieux
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Re: Rudolph Maté (1898-1964)

Message par André Jurieux »

THE DARK PAST (LA FIN D'UN TUEUR). 1949

Avec William Holden, Lee J. Cobb, Nina Foch, Adele Stevens et Lois Maxwell


Résumé :

Dans un commissariat (ou une école de police), un certain nombre de repris de justice sont alignés. Le cas de l'un d'eux, agé de 18 ans mais ayant déjà fait l'objet de nombreuses condamnations
est évoqué par un flic et un psychiatre. Pour le flic, le jeune homme est irrécupérable. Le psy tente d'expliquer qu'il est possible de soigner ces délinquants, y compris les plus dangereux. Pour cela,
il évoque une expérience personnelle vécu quelques années plus tôt lorsque lui, sa famille et un groupe d'amis avaient été pris en otage par un tueur et sa bande...

Commence un long flashback qui occupe la presque totalité du film.

Al Walker (W. Holden) s'évade de prison avec l'aide de plusieurs complices, rapidement il abat le gardien qu'il avait pris en otage. Toute la bande a prévu d'attendre le bateau qui doit les emporter
loin de la police qui les recherche dans un chalet qui borde le lac.

Le chalet appartient à un professeur de psychologie. Il a prévu d'y passer le week-end en famille et avec quelques amis et 2 domestiques. A peine arrivés sur place, ils sont pris en otage par la bande.

Les otages sont envoyés dans les différentes pièces de la maison sous la surveillance des membres du gang. Dans la pièce principale, commence le duel du psychiatre et du psychopathe...

C'est l'intérêt principal du film, l'évolution des rapports entre Holden et Cobb. Les autres personnages sont plutôt négligés. On ne les suit que par intermittence sauf celui interprété par Nina Foch
(la petite amie du tueur) qui est intéressant car elle révèle au psy. les fragilités d'Holden.
La présence d'un enfant, notamment, aurait pu stimuler l'imagination du scénariste ou du metteur en scène, mais ce n'est pas le cas. Alors que Hathaway, par exemple, dans un noir/western intéressant,
Rawhide, avait su tirer parfaitement parti de la présence d'une petite fille.

On assiste à une attaque/défense tout de même intéressante. Le dialogue est assez brillant, par contre le jeu des 2 acteurs est un peu monocorde, au moins dans la première partie du film.
Cobb est sobre (Si, si c'est vrai...). Alors que la panique s'est emparé de la maisonnée, lui est d'une parfaite sérénité. Pendant une bonne moitié du film, on le voit en permanence tirer sur sa pipe (çà doit faire
partie de la panoplie du psychanalyste). Il ne quitte pas des yeux Holden, étudiant son comportement ce qui exaspère ce dernier. Après un certain temps, Cobb tire la conclusion qu'Holden est un grand malade
au bord de la folie mais qu'il pourrait le soigner. Fureur d'Holden qui refuse d'entendre çà. Par la suite, un rêve, ou plutôt un cauchemar occupera une place centrale mais je ne veux pas en dire plus...Si ce
n'est que l'interprétationnite et la psychanalyse (vue par Hollywood) est ici plutôt plus convaincante qu'a l'ordinaire. En tout cas, le tout n'est pas ridicule.

Mise en scène d'une grande platitude mais 3 séquences sortent tout de même du lot.

La scène d'ouverture, filmée en caméra subjective. C'est l'arrivée du psychiatre à son bureau. On "est" le regard de Cobb, dans la rue, dans le bus qui le conduit au commissariat. Ses commentaires sur
les quidams croisés en chemin, dont il interprète le comportement, permettent de situer le personnage...

La séquence du rêve ou plutôt du cauchemar...dont je ne dirais rien...

Et enfin, celle de la résolution du dit cauchemar, l'événement survenu dans l'enfance d'Holden qui l'explique...dont je dirais tout autant

Pas de DVD du commerce à ma connaissance, nulle part. Je crois que le film n'était pas sorti en France à l'époque.
A t'il été diffusé à la TV chez nous ? Je l'ignore. La copie que j'ai récupéré a une origine exotique. Un cinéphile de ma connaissance en a
fait le sous-titrage.

Pas un chef d'oeuvre mais se regarde avec plaisir et pourtant je suis plutôt assez réservé sur les polars à implications psychanalytiques.
Dernière modification par André Jurieux le 14 juil. 12, 15:55, modifié 1 fois.
André Jurieux
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Re: Rudolph Maté (1898-1964)

Message par André Jurieux »

FORBIDDEN (DOUBLE FILATURE). 1953

Avec Tony Curtis, Lyle Bettger et Joanne Dru.

Résumé :

Eddie Darrow (Tony Curtis) a été chargé par des membres de la pègre de Philadelphie, de retrouver et d'y ramener la veuve (Joanne Dru) d'un de leurs associés.
Il l'a retrouve à Macao, devenu la petite amie du propriétaire d'un cabaret aux activités plus ou moins louches (Lyle Bettger).

Un petit polar Universal pas extraordinaire. Je livre quelques indices qui permettront de se faire une idée sur les possibilités de l'intrigue :

Le chasseur et la chassée, Tony Curtis et Joanne Dru ont jadis été amoureux l'un de l'autre.
Tony Curtis est lui même surveillé et suivi par un autre employé des mafieux qui se méfient de lui (d'ou le titre français "Double filature")
Joanne Dru détient des informations compromettantes pour les employeurs de Curtis.

Les péripéties de l'intrigue sont sans grands reliefs et on s'ennuie un peu.
Tony n'est pas mal mais parmi les petits polars qu'il tourna à l'époque, on pourra préférer (c'est mon cas), par exemple, les 2 films de Joseph Pevney, FLESH AND FURY et
SIX BRIDGES TO CROSS (la police était au rendez-vous).

Lyle Bettger, par contre, est un méchant intéressant, à l'apparence douce et sirrupeuse.

Un seul personnage secondaire présente un peu de relief. Le pianiste chinois du cabaret qui informe, conseille, et protège secrètement Tony Curtis.

Mise en scène sans relief de Rudolph Maté pour un polar secondaire et facultatif.
André Jurieux
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Re: Rudolph Maté (1898-1964)

Message par André Jurieux »

Un autre polar de Maté peut être intéressant, il s'agit du film LE GANTELET VERT. The green glove avec Glenn Ford, Cédric
Hardwicke et George Macready.

Quelqu'un sait-il si le film a été diffusé sur une chaine française ?
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Jeremy Fox
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Re: Rudolph Maté (1898-1964)

Message par Jeremy Fox »

Le western du week-en le premier de Rudolph Maté, Branded, présent dans un DVD somptueux.
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Re: Rudolph Maté (1898-1964)

Message par Jeremy Fox »

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