Melina Mercouri (1920-1994)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Music Man
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Melina Mercouri (1920-1994)

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Rares furent les personnalités aussi fortes, explosives, incandescentes et impétueuses que celle de la grande artiste grecque Mélina Mercouri. Elle a imposé à l’écran de la vie l’image de la femme volontaire et indépendante avec du chien et un panache rarement égalé. Femme de conviction et de liberté, elle n’a cessé de mener le combat pour la démocratie, surtout lors de la dictature des colonels. Elle s’est également imposée en tant que chanteuse, grâce à quelques mélodies composées par la fameux Monos Hadjidakis qui ont fait le tour du monde.

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Mélina Mercoúri est née en 1920 dans une famille de la grande bourgeoisie athénienne : son grand-père, fut un des maires les plus aimés d'Athènes, pendant plus de 30 ans et son père le plus jeune député de Grèce. Elle bénéficie des meilleurs professeurs et apprend toute jeune les langues étrangères.
Adolescente, elle s’amourache d’un comédien, à la fureur et à la grande honte de sa famille, inquiète pour la réputation de la jeune fille. En conséquence, c’est en cachette qu’elle suivra ses premiers cours de comédie.

Pour fuir le milieu familial, elle épouse à 19 ans un richissime propriétaire terrien avec lequel elle mène une vie insouciante et tapageuse alors que la seconde guerre mondiale éclate.

Pendant l’occupation, elle mène la dolce vita, avec beaucoup d’inconséquence et d’égoïsme, ce qu’elle regrettera amèrement par la suite. Elle entame une carrière de comédienne : ses talents de tragédienne sont vite distingués et reconnus. Forte de son succès, elle fonde même sa propre compagnie théâtrale, mais cette entreprise ne sera pas une réussite.
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En 1952, elle se rend à Paris où elle rencontre fortuitement l’auteur dramatique Marcel Achard à la terrasse d’un café : De 20 ans son ainé, il devient son amant et son mentor et la présente au microcosme intellectuel du tout- Paris. Il lui écrit sur mesure des rôles de femme dominatrice et flamboyante pour ses pièces de boulevard comme les compagnons de la Marjolaine avec Arletty ou encore le Moulin de la Galette avec Pierre Fresnay et Yvonne Printemps.

Le cinéaste grec Michael Cacoyannis, futur réalisateur de Zorba le grec, lui offre son premier rôle au cinéma en 1955 dans Stella, film qui lui apporte d'emblée la notoriété. Elle y incarne une chanteuse de bouzouki femme émancipée, opposée à l’idée du mariage

Pour l’occasion, le compositeur Manos Hadjidakis, la coqueluche du Tout-Athènes, lui compose quelques mémorables chansons qu’elle interprète avec l’autorité et la séduction qu’on lui connait. On raconte que le musicien était fou amoureux de la vedette grecque : à tel point qu’il se serait tourné par la suite vers les hommes, aucune femme ne pouvant soutenir la comparaison avec Mélina !
Au festival de Cannes, Mélina est copieusement applaudie pour sa performance : elle rencontre aussi le réalisateur américain en exil Jules Dassin qui va bouleverser sa vie ; il deviendra son mari en 1966, et le réalisateur de 8 de ses films. Dassin la met d’abord en scène dans Celui qui doit mourir, réalisé en France d’après le roman de Kazantzaki le christ recrucifié, puis la loi un mélodrame à la distribution très prestigieuse (Montand, Lollobrigida, Mastroianni), malmené par la critique mais gros succès commercial.
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En 1958, elle incarne une pétulante bohémienne pour Joseph Losey, un autre chassé du maccarthysme, dans un film flamboyant trouvant son inspiration dans les mélos échevelés des années 40 qui avaient fait la gloire de Margaret Lockwood. Mais de nombreuses coupures et remaniement imposés par le producteur vont beaucoup altérer le film. C’est en 1960 que Melina explose véritablement dans le chef d’œuvre de Jules Dassin Jamais le dimanche (1960), un hymne à la vie, drôle et qui lui apporte une gloire mondiale. Prix d’interprétation féminine au festival de Cannes, elle est géniale dans ce personnage de prostituée du Pirée, d’un optimisme inaltérable, qui rit chante et danse avec effusion. L’air principal du film « les enfants du Pirée », que Melina fredonne dans le film, est encore signé Hadjidakis, connaîtra un succès foudroyant et durable et sera repris dans toutes les langues (en France par Dalida notamment). Il semblerait sue le musicien voulait à l’origine que la débutante Nana Mouskouri double la vedette pour la chanson et que Melina, vexée, l’aurait très mal pris.
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La nouvelle star internationale va dès lors tourner des films aussi bien en Espagne, en Italie qu’à Hollywood. Elle est très applaudie dans Phèdre(1962), transposition de la fameuse tragédie grecque à l’époque actuelle. Les journalistes sous le charme ventent « sa beauté un peu marquée, son frémissement intérieur, son allure royale et sa dignité passionnée ».
Mais c’est sans doute la comédie policière Topkapi (1964) de Dassin (sur le vol d’une épée de diamant dans le musée de Topkapi) qui marqua le plus les esprits. Inventif et léger, extrêmement distrayant, le film est un régal et Melina superbe. Elle interprète des airs d’Hadjidakis, là aussi très réussis.
Si la comédie policière D pour danger (1966) comporte une chanson encore plus connue (strangers in the night par Frank Sinatra), elle n’est hélas pas du même calibre.
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En 1967, Dassin accepte de transposer jamais le dimanche en comédie musicale à Broadway « Ilja darling », où Melina se taille encore un beau succès personnel (320 performances).
C’est alors qu’éclate un coup d’état en Grèce qui installera pour 7 ans la dictature des colonels. Melina, révoltée condamne haut et fort la prise de pouvoir par les militaires. En échange, elle sera destituée de sa nationalité et obligée de s'exiler en France. Elle décide alors d’utiliser sa notoriété au service de son opposition au nouveau régime en place. Dans des tournées internationales, elle se fait dès lors le chantre de la résistance grecque à la dictature. Elle sera même faussement accusée en 1970 d'avoir financé une tentative de renversement de la dictature.

En 1971, avec le soutien de son beau-fils Joe Dassin, Melina enregistre un disque de chansons en français.
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Dès la chute de la dictature, en 1974, Melina rentre en Grèce où elle entame une carrière politique qui l'amène à progressivement arrêter le cinéma. Elle sera successivement députée du Mouvement socialiste panhellénique pour Le Pirée en 1978 et Ministre de la Culture de 1981 à 1989 puis de 1993 jusqu'à sa mort. Melina Mercouri, a aussi été un soutien actif de François Mitterrand lors de la campagne de 1981. Elle s’allie à Jack Lang pour planifier un programme sur le patrimoine méditerranéen. On lui doit notamment l’idée de nommer chaque année une ville comme capitale culturelle européenne.

Elle s'est battue notamment, mais sans succès, pour le retour des frises du Parthénon, exposées au British Museum, en lançant un appel passionné en 1983. Elle a également signé à Paris un accord avec des ministres de la culture de plusieurs pays Européens comme François Léotard pour aider le cinéma du vieux continent face à l'hégémonie du cinéma Américain (en Grèce, on visionne 70% de films américains !).
Fumeuse invétérée, Melina est décédée d’un cancer des poumons en 1994.

Personnalité hors du commun, instinctive et virulente, Melina Mercouri dépassait de loin le strict paysage cinématographique. Peut être parfois excessive, mais toujours sincère : une grande artiste à redécouvrir.
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Re: Melina Mercouri (1920-1994)

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STELLA FEMME LIBRE (Stella) de Michael CACOYANNIS - GRECE - 1955
Avec Mélina MERCOURI et George FOUNDAS

Stella est une danseuse de cabaret à Athènes qui a tous les hommes à ses pieds. Aleko, un poète, fils d'une riche famille et Milto, joueur de football veulent l'épouser mais Stella entend demeurer une femme libre.. . La situation va virer à la tragédie…grecque !

Stella est probablement le premier film grec à avoir séduit le public international : il reste l’une des œuvres majeures de Cacoyannis (futur réalisateur de Zorba le grec, décédé en juillet dernier) et de l’histoire du cinéma grec, tout court. Il est illuminé, que dis-je irradié par une Mélina Mercouri incandescente dans son personnage de grande amoureuse à la Carmen, étonnamment libre, passionnée, qui réduit à néant les hommes qui tombent sous son charme (comme ce pauvre Aleko qui ère comme un chien autour de sa maison). Avec un charisme aussi insolent, on comprend pourquoi elle est devenue à 35 ans une star internationale ! Cacoyannis suit l’ardente héroïne dans les quartiers populaires où les vendeurs du marché et tous les hommes croisés lui font signe (le meurtre de Stella à la fin du film est remarquablement filmé, avec les badauds qui s’empressent autour de l’assassin). Evidemment, la belle musique d’Hadjidakis et la belle voix de Sofia Vempo accompagnent le récit, et le sirtaki prend sa part dans l’histoire notamment dans le passage où Milto, mort de honte d’avoir été abandonné à l’église par la future mariée danse pour oublier son chagrin.
J’ai davantage apprécié la première partie du film, plus truculente que la fin qui prend une allure vraiment très dramatique
C’est aussi le portrait d’une femme très moderne qui refuse d’entrer dans les clivages de la société et ce mariage qui représente pour elle une prison et une capitulation. Autant dire qu’il sera mal accueilli à sa sortie en Grèce…mais applaudi partout ailleurs : à voir.
Dernière modification par Music Man le 13 juil. 12, 18:21, modifié 1 fois.
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Re: Melina Mercouri (1920-1994)

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JAMAIS LE DIMANCHE (Pote tin Kyriaki) de Jules DASSIN - GRECE - 1960)
Avec Melina MERCOURI, George FOUNDAS

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Avis d’Alligator

Ilya (Melina Mercouri) est une prostituée heureuse, aimant les hommes, se baigner le matin dans le port du pirée, chanter, danser sur du bouzouki, faire la fête avec ses amants et l'équipe de foot locale. Elle aime par dessus tout transformer les tragédies grecques en de doux contes heureux. Une hédoniste.
Homer est un touriste américain fanatique de philosophie et de cultre grecque. Il aime la tragédie et la logique. Un rationaliste moralisateur qui ne supporte pas le genre de vie d'Ilya qui le fascine cependant.
Il va faire en sorte, en Pygmalion à la Shaw, de métamorphoser celle dont il refuse de voir le bonheur. Il lui révèle que Médée tue ses enfants. Et la rend malheureuse.

Un peu trop didactique à mon goût, le film manque par moments de finesse. Par contre, la liesse et le soleil parent le film d'une éclatante lumière, grâce aux acteurs et à une musique traditionnelle, belle et joyeuse, une réalisation propre, solide.

Un festival de bonne humeur, quelques grandes scènes : l'apparition et le bain matinal d'Ilya est un très grand moment, énergique, drôle et rieur ; j'aime particulièrement les scènes de bar et d'ivresse ; j'adore la scène de la grêve et du marchandage au commissariat.


Un film doté d'une belle et généreuse énergie, avec un personnage féminin plein de contradictions mais très attachant.
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Re: Melina Mercouri (1920-1994)

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LES PIANOS MECANIQUES (Los pianos mecánicos) de JA BARDEM -ESPAGNE - 1965
Avec Melina MERCOURI, Hardy KRUGER, James MASON, Renaud VERLEY, Didier HAUDEPIN et Maurice TEYNAC

Vincent, un jeune parisien, se rend à Caldeva(1), un petit village espagnol, pour y passer des vacances. Il est reçu par Pascal Reignier, écrivain désabusé et alcoolique. Il s'éprend de Jenny, une quadragénaire propriétaire d'un bar branché...

Adaptation du roman éponyme de Henri-François Rey (Prix Interallié en 1962), Les pianos mécaniques bénéficie d’une belle distribution internationale. J.A Bardem, auréolé par ses réussites des années 50 (mort d’un cycliste et grand rue) était alors un cinéaste très prestigieux et le film sera même sélectionné pour le festival de Cannes…où il sera très froidement accueilli.
Je n’ai pas été touché par les peines de cœur et le mal de vivre de cette petite communauté d’intello blasés, qui noient peines, déceptions et tout leur fric dans l’alcool, et trompent leur ennui en couchant avec le premier venu. J’avoue que les vicissitudes de ce genre de microcosme a du mal à m’émouvoir, quelle que soit la qualité intrinsèque du film. Certes, le film est bien mis en scène et on suit les heurts et malheurs des gens friqués de ce très joli St Tropez espagnol car les acteurs ont du charisme (Melina Mercouri en tête) et que la réalisation est fluide, mais on n’y croit pas vraiment. James Mason incarne le romancier toujours ivre, Hardy Kruger un jeune homme, protégé d’un vieil homosexuel, tenté par une aventure avec une femme qui pourrait être sa mère. Encore aurait-il fallu un peu de folie et d’outrance pour faire décoller le tout (la dolce vita de Fellini).Cela dit, ça reste très honnête et c’est loin d’être une catastrophe , comme j’ai pu le lire ailleurs ; mais c'est le genre de film qui n'apporte rien. A la fin d'ailleurs tout rendre dans l'ordre et se calme : Melina regagne les bras de Mason, à la grande joie de son petit garçon.
(1) En fait, le film est tourné à Cadaques
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Jeremy Fox
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Re: Melina Mercouri (1920-1994)

Message par Jeremy Fox »

Music Man a écrit : STELLA FEMME LIBRE (Stella) de Michael CACOYANNIS - GRECE - 1955

Stella est probablement le premier film grec à avoir séduit le public international : il reste l’une des œuvres majeures de Cacoyannis (futur réalisateur de Zorba le grec, décédé en juillet dernier) et de l’histoire du cinéma grec, tout court. Il est illuminé, que dis-je irradié par une Mélina Mercouri incandescente dans son personnage de grande amoureuse à la Carmen, étonnamment libre, passionnée, qui réduit à néant les hommes qui tombent sous son charme (comme ce pauvre Aleko qui ère comme un chien autour de sa maison). Avec un charisme aussi insolent, on comprend pourquoi elle est devenue à 35 ans une star internationale ! Cacoyannis suit l’ardente héroïne dans les quartiers populaires où les vendeurs du marché et tous les hommes croisés lui font signe (le meurtre de Stella à la fin du film est remarquablement filmé, avec les badauds qui s’empressent autour de l’assassin). Evidemment, la belle musique d’Hadjidakis et la belle voix de Sofia Vempo accompagnent le récit, et le sirtaki prend sa part dans l’histoire notamment dans le passage où Milto, mort de honte d’avoir été abandonné à l’église par la future mariée danse pour oublier son chagrin.
J’ai davantage apprécié la première partie du film, plus truculente que la fin qui prend une allure vraiment très dramatique
C’est aussi le portrait d’une femme très moderne qui refuse d’entrer dans les clivages de la société et ce mariage qui représente pour elle une prison et une capitulation. Autant dire qu’il sera mal accueilli à sa sortie en Grèce…mais applaudi partout ailleurs : à voir.

Pas mieux ; une jolie réussite accompagnée d'une superbe musique et d'une Melina Mercouri qui irradie l'écran. Moi aussi j'ai une préférence pour la première partie plus légère mais la tragédie est néanmoins très bien réalisée, le final faisant penser, comme le dit Olivier dans sa chronique pour le site, à celui de Duel au soleil de Vidor. Le film sera édité par Tamasa en DVD début mai.
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