Le cinéma naphta chinois

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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bruce randylan
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Re: Le cinéma naphta chinois

Message par bruce randylan »

The seventh heaven (Ng Wui - 1956)

Comme son nom l'indique il s'agit bien d'un remake du Frank Borzage. C'est dans l'ensemble assez fidèle avec bien-sûr des libertés prises comme l'ajout du meilleur ami (joué par la réalisateur) au héros : un pickpockett un peu niais mais plein de bonne volonté. Pour le reste on retrouve les grandes lignes de la version muette : la jeune fille pure sauvée du suicide (et de la prostitution) par un travailleur modeste (ici colleur d'affiche) vivant au 7ème étage, les voisins qu'il faut voir en passant sur une planche surplombant le vide, le départ pour la guerre et "l'heure suprême" où les 2 amoureux pensent à l'un et à l'autre.
C'est Chu Yuan qui a signé le scénario :D

Évidement on est très loin de la poésie, du lyrisme, de la magie, de la beauté visuelle et de l' émotion bouleversante de Borzage mais cette adaptation ne suit pas sans déplaisir. Ca reste attachant, quelque part finalement assez humble et chaleureux à 100 lieues des autres mélodrames pompeux et lourds que j'avais pu voir jusque là. La réalisation est dans le prolongement de cette simplicité assez dépouillé mais non dénué de tendresse. Ng Wui a en tout cas une sacrée filmographie en tant que réalisateur : 211 titres entre 1941 et 1979 selon imdb :o :shock:
Par ailleurs les acteurs ne manquent pas de charme, la musique est fort jolie et les touches d'humour (pas toujours subtil) s'intègrent bien comme la transposition en Chine avec un aspect social plus développé qu'en 1927. Après évidement, il faut accepter le manichéisme psychologique et les bons sentiments de rigueur.

En revanche les 20 dernières minutes -qui s'écartent bien plus du Borzage- sombrent malheureusement dans les pires travers du mélodrame avec une fin qui n'en finit plus de s'étirer, de trainer en longueur, de radoter... C'est véritablement insupportable et ça gâche tout de même la bonne impression de l’œuvre.
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
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Message par bruce randylan »

In the face of demolition (Lee Tit - 1953)

Le quotidien de plusieurs habitants modestes dans un immeubles vétustes et insalubres.

Un drame sur les défavorisés assez réussi bien que trop long (2h05). Pas facile de toujours rester concentré (c'était mon 5ème film de la journée).
Mais dans l'ensemble c'est un film à découvrir.

Ca fait pas mal penser aux chroniques japonaises de la même époque avec l'identité Hk en plus dans ce que ça emmène : une certaine propension au mélodrame, pessimisme social, manichéisme des caractères (surtout les personnages les plus égoistes) etc...
les différents rôles sont bien campés et souvent attachants grâce à d'excellents acteurs plutôt sobres et une réalisation qui ne joue pas la carte du misérabilisme et de la pleurnicherie. Les différentes histoires sont bien entremêlés et si certaines sont plus importantes à l'image que d'autres, aucune n'est oublié ou sacrifié.
On suit donc leur problème pour payer leurs loyers, pour trouver un travail, leur timidité dans des histoires d'amour naissantes, les dangers sanitaires, les parents qui se tuent à la tâche pour que leurs enfants aient de quoi manger, comment ne pas perdre la face devant la générosité de ses voisins aussi pauvre que vous etc...

Le rythme est calme, sans accélération mais avec une progression fluide avant de s'égarer comme souvent dans une dernière partie dont la précipitation des nombreux événements nuit à la cohérence et à l'unité du film. Ce virage se fait en plus au détriment de certains seconds rôles qui sont un peu rapidement oubliés.

Enfin, petit plaisir non négligeables, Bruce Lee en jeune ado apparait dans une poignée de scènes et il a déjà une présence évidente.
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Message par Abdul Alhazred »

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THE SINGING ESCORT (青春萬歲) d'Inoue Umetsugu - HONG KONG - 1969

Un groupe de pop hongkongaise part se reposer/jouer de la musique/draguer des japonaises dans une station touristique japonaise. Leur impresario accepte de les laisser partir s'ils lui ramènent sa fille, qui a fugué dans la dite station. Les pauvres musiciens ont pour seul indice une photo de la fille à 2 ans, qui laisse apparaître un grain de beauté remarquable sur sa poitrine.
Poursuivie par une horde de donzelles, le leader du groupe va tenter de retrouver la fugueuse, tout en fricotant avec la chanteuse engagée par leur hôtel.


The Singing Escort, à l'instar de The Venus Tear Diamond et de The Millionnaire Chase évoqués précédemment, est réalisé par Inoue Umetsugu.
Réalisateur japonais, ce dernier s'est fait connaître dans son pays grâce à plusieurs comédies musicales avec des stars de l'époque, notamment Hibari Misora. Pendant 6 ans, durant la deuxième moitié des années 60, il va réaliser 17 films pour la Shaw Brothers, principalement des comédies musicales (dont des remakes de ses propres comédies musicales japonaises).

Comme souvent dans ce genre de film, le scénario de The Singing Escort est cousu de fil blanc, les situations sont très convenues et les péripéties assez quelconques.

Le rythme enlevé et léger rend toutefois le film fort agréable, agrémenté par deux éléments :
  • - Les chansons, assez omniprésentes, sont sympathiques dans leur genre. C’est de la pop hongkongaise des années 60 des plus agréables, avec des chanteurs au look Beatles un peu gays. Ils passent leur temps à chanter sans raison, en sortant du car, en voiture, dans la piscine, dans leur chambre…
    Les musiques ont été composées par Fuling Wang, qui a œuvré sur The Millionnaire Chase mais également Vengeance de Chang Cheh, The Big Boss de Lo Wei ou Le Retour de l’Hirondelle d’or de Chang Cheh.
    Rien à attendre par contre des chorégraphies, limitées à quelques déhanchements.

    - Toute l’esthétique du film est d’un kitsch délicieux. Ça pique les yeux, avec des costumes fluos, des goûts vestimentaires douteux, des décors flashy, des coupes de cheveux Playmobil. Ça ferait presque passer les James Bond avec Roger Moore comme des summums de bon goût.
Les gags restent le gros point faible du film : ils sont bien plus lourds que dans The Millionnaire Chase, généralement soulignés par des bruitages horripilants. Une ou deux scènes s’avèrent douloureuses, bien qu’heureusement assez courtes.

Côté acteurs et actrices, on retrouve des seconds couteaux de la Shaw dans les rôles principaux, rien de bien notable.

Au final, une petite comédie musicale distrayante qui se regarde sans déplaisir.
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Message par bruce randylan »

Parent's heart (Chun Kim - 1955)

L'opéra cantonais commence à être passé de mode et la chanteur/comédien Ma a bien dû mal à faire vivre sa famille avec le peu qu'il gagne. Lorsque sa femme tombe malade, ses finance s'aggravent.

Un mélodrame qui pouvait laisser craindre le pire mais qui s'avère bien réussi grâce à une histoire poignante qui, bien que terriblement déchirante, ne joue pas la carte du tire-larme et de pathos à tous les coups. Il y a un encrage social assez fort qui donne du poids aux mésaventures de cette famille vivant dans la misère tout en lui donnant un véracité tout à fait crédible. La pauvreté devient un cercle vicieux dont il impossible de sortir : le comédien met ses vêtements aux clous, ce qui l'empêche d'obtenir des rôles dans des spectacles de renom... ce qui l'oblige à jouer dans la rue et se dévaloriser aux yeux de ses anciens partenaires. De la même manière la pression mise sur son fils lui empêche de percer dans le milieu.

Il y a vraiment beaucoup de drames qui s'enchaînent les uns après les autres mais comme ils sont autant dûs à la fatalité qu'aux personnages mêmes (orgueil, aveuglement de la situation, dévouement, égoïsmes), Chun Kim garde une humanité et une chaleur qui font qu'on comprend un tel sort (pourtant d'un rare pessimisme) sans qu'il paraisse trop artificiel. Ca semble inéluctable et malheureusement logique au vu de la situation. C'est plutôt écrit entre moment tragique et quel pointe de tendresse et de sourire.
Et puis la qualité de l’interprétation rend aussi le film très émouvant sans que le jeu des acteurs soit forcé ou larmoyant.

Une belle surprise bien qu'un peu longue (et quand même radical dans son déroulement)
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Message par bruce randylan »

Teddy Girls (Patrick Lung - 1969)

Une adolescente est une rebelle qui provoque une violente bagarre dans un bar. Plutôt que d'être sous la responsabilité de sa mère qu'elle déteste depuis la mort de son père, elle demande à être placé dans un centre de redressement pour jeunes filles. Sur place, elle devra s'imposer face aux autres pensionnaires et se protéger d'un personnel trop "pressant"


Une œuvre inhabituelle dans le cinéma hong-kongais en abordant la question de la jeunesse et de l'éducation sous un angle sérieux qui essaye de s'affranchir (sans toujours y parvenir) du cinéma d'exploitation. C'est à la fois sa force et sa faiblesse : teddy girls hésite entre le drame social réaliste et cru et le film de genre engagé avec ce que ça compte de rebondissements, de péripéties et de clichés.
Le discours et l'approche sont passionnants avec une visions pleine de justesse et de lucidité sur une génération livrée à elle-même à cause du boom économique trop rapide. Les questions de l'éducation, de responsabilité parentale et des mauvais traitements ne manquent pas de courage et de force mais ce discours est souvent amoindri par un enrobage "film de revanche" très hargneux (surtout pour l’époque) qui balance lui-aussi entre une vision violente, sadique, dureté avec et choses beaucoup plus naïves, moralisatrices et idéalisées. Celà dit, Patrick Lung évite le manichéisme primaire puisque si certains personnages sont peu reluisants, d'autres se montrent bien plus nuancés et plein de bonne volonté.

Le cul entre deux chaises, le film n'a cependant pas trop vieillie grâce à un casting de jeunes femmes (dont Josephine Siao) qui se sont énormément investies dans leurs rôles et une mise en scène à la fois colorée/pop et sèche. Et puis Teddy Girls semble tout de même anticiper tout une vague de Woman in prison et films de délinquances féminines japonais qui seront bien moins ambitieux et racoleurs.

Un film quoiqu'il en soit important, audacieux et à vraiment à redécouvrir (comme la filmographie de Patrick Lung dont j'ai aussi pu le très réussi Story of a discharge prisonner qui a énormément influencé Le syndicat du crime de John Woo)
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Re: Le cinéma naphta chinois

Message par Federico »

Un numéro récent de La marche de l'histoire consacré à Shanghai, ville cinéma depuis les années 30.
The difference between life and the movies is that a script has to make sense, and life doesn't.
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Re: Le cinéma naphta chinois

Message par bruce randylan »

Un marché fructueux (Zheng Zhengqiu - 1922)

Un marchand de fruit est voisin d'un docteur déserté par les clients. Amoureux de la fille du médecin, le vendeur passe un deal : s'il ramène des malades, le docteur lui donnera la main de sa progéniture

Ce court-métrage datant donc de 1922 est le plus vieux chinois conservé dans son intégralité. Celà dit, on ne peut pas dire que le film représente pleinement une sensibilité et un caractère proprement chinois. C'est sous grosse influence du slapstick américain avec son héros débrouillard qui aime bien ridiculiser les méchants tout en conquérant le coeur de sa belle. Par contre, niveau réalisation, on est bien loin de l'efficacité américaine et mieux vaut oublier les films de Chaplin , Keaton et consort. C'est assez platement filmé avec surtout un sens de l'espace et du découpage assez lamentable : la moitié du film se déroule entre 3 échoppes (la boutique de fruit, le stand du médecin et le restaurant qui est une repère pour de vilains garnements) et on ne sait pas quelle boutique se situe où.
Et sur les 22 minutes qu'il dure, l'exposition doit prendre 15 minutes... On a connu plus efficace.
Reste que la dernier partie est plutôt sympathique avec le héros qui bricole un escalier pour en faire un toboggan et ainsi crée plein de blessé pour son futur beau-père. Pas très moral tout ça :mrgreen:
C'est pas forcément très bien mise en scène mais c'est un peu rigolo (et un peu trop répétitif).
C'est une petite curiosité qui permet de voir le genre de films que l'industrie pouvait faire à l'époque (et ce que le public aimait). On voit que les plateaux de tournage sont en extérieurs pour avoir le plus lumière possible et que les décors n'essayent même pas de maquiller tout ça.
Après, on peut deviner que l'acteur principal devait avoir un certain succès car il porte vraiment le film sur ses épaules avec son espièglerie bon enfant et un physique agréable.

J'ai vu ce film au Festival du Cinéma Chinois de Paris dont l'organisation est toujours aussi bordélique (pour ne pas dire amateure) : 30 minutes de retard et pour une raison inconnue le film était présenté dans une sorte d'hommage à la ville de Harbin (au nord de Pékin). Du coup, on a eut droit au discours de l'assistante du maire et de l'attaché culturelle de la ville... La séance était composée d'un documentaire sur le festival de sculpture de glace de Harbin ( :?: ). Annoncé d'une durée de 12 minutes, il en faisait en fait 52 ( :?: :idea: ) mais la projection a planté au bout de 40 minutes ( :| ) sans qu'il cherche à projeter la fin... Après on a eut droit en bonus ( :| ) à un film d'animation d'une école d'infographie de la ville de Harbin ( :?: :?: ), un dessin-animé tout moche qui s'adresse aux enfants de 5-6 ans ( :idea: :?: :idea: ) qui a aussi planté avant la fin, après 15 minutes ( :lol: ) et du coup ils ont enfin projeté le muet pour lequel tout le monde était venu vers 21h30 au lieu des 20h annoncé... Ah oui, les musiciens du ciné-concert venaient de Harbin !

Un immense bravo à l'équipe qui a eut l'idée de cette programmation :evil: :evil:
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Message par Tutut »

Summons to Death (1967) de Lo Wei

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Sur une jonque en mer, un homme riche se fait subtiliser la carte d'un trésor par sa petite amie avant de se faire attaquer par des pirates.
Ceux-ci abordent le navire et le pillent, ils raflent toutes les richesses à bord, ainsi que la carte d'un trésor qui est en fait le complément
de la première carte volée auparavant.
Quelques années plus tard, le chef des pirates qui s'était mis au vert, revient à Hong-Kong pour reprendre les commandes alors que ses
subordonnés ont des affaires florissantes, il veut aussi donner la carte du trésor à sa jeune soeur. Un homme, moitié détective, moitié
espion, surnommé Le Hibou, va faire la rencontre fortuite de la soeur et se trouver plongé au coeur de cette affaire...

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C'est un film d'aventure au léger goût d'espionnage dans la lignée de The Golden Buddha, réalisé l'année précédente, et non une jamesbonderie
comme Angel With The Iron Fists, dont l'héroïne (Lily Ho) est une espionne, ou Interpol 009, vraiment influencés par "On ne vit que deux fois"
sorti aussi en 1967. La production de cette période montre à quel point la Shaw Brothers manquait d'expertise en matière de films d'actions
modernes et d'espionnage, mais aussi de moyens financiers par rapport aux occidentaux.
Bien que sans originalité sur la forme et sur le fond, ça se laisse regarder pour peu qu'on apprécie le genre et qu'on soit indulgent.

La réalisation est correcte, par un vieux routier du cinéma HK, le jeu des acteurs tient la route, Tang Ching ne cabotine pas, on retrouvera
l'acteur plus tard dans Interpol 009 et les Angel. Tina Chin Fei est très belle et d'une élégance naturelleImage sans pour autant être une potiche,
on la verra dans Interpol, Angel et La Diablesse aux 1000 Visages. Fanny Fan, abonnée aux rôles de garce ou de fille facile, interprète sans
difficulté la vamp voleuse de carte, manipulatrice et prête à tout. Dans le rôle de son compagnon, un autre acteur taiwanais, Wang Hsieh semble
plutôt limité par le rôle que par son jeu, on le verra aussi dans la grosse production qu'est Asia-Pol. Lo Wei joue le chef des pirates et
Ku Feng, acteur incontournable du cinéma HK, un de ses bras droits.
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Re: Le cinéma naphta chinois

Message par bruce randylan »

A peine la rétro Phil Karlson finit que la cinémathèque enchaine sur un cycle sur les femmes dans le cinéma chinois avec une vingtaine de films. Quelques classiques, quelques raretés et des titres plus contemporains.

Filles de chine (Ling Zifeng et Zhai Qiang - 1949)

En Mandchourie, lors de l'invasion du Japon, les habitants d'un village pillé et brûle rejoignent la résistance.

Inspiré d'une histoire vraie, forcément revue et corrigée par le gouvernement communiste pour en faire un gros film de propagandes, Filles de Chine ne fait pas fait dans la finesse : les personnages chinois sont vaillants, solidaires, braves et toujours souriants. Les japonais en face ricanent comme des hyènes quand elle réduisent en cendres un hameau de paysans, tuant femmes et enfants dans une séquence assez impressionnante par ses fugaces élans violents frontales. Une petite surprise cela dit : la présence d'immigrées coréennes (rapidement et facilement intégrée à la troupe qui leur demandent avec une réelle chaleur de leur montrer des danses et chants traditionnels).

Vu la l'année et le sujet, je m'y attendait donc le contenu ne m'a pas choqué. La forme en revanche est très spéciale. Je ne sais pas si ça venait de la censure (ou des coupes pour les pays étrangers) ou des problèmes de production (il s'agit d'un des tout premier de la nouvelle république chinoise) mais il n'y pour ainsi dire aucune continuité dans le montage. Le film se résume à une succession de plans qui ont tous l'air indépendants sans jamais former une scène dans le sens classique. C'est très déstabilisant car la narration est terriblement hachée, sans la moindre fluidité. Alors certes la photographie est plutôt correct et certains gros plans sont même très beaux mais on est dans une succession de tableaux figés, plus ou moins iconiques (ceci pouvant expliquer cela) pour des séquences parfois réduites à quelques bribes éparses.
Il va sans dire qu'il est très dur de rentrer dans l'histoire dans ces conditions même si quelques moments se révèlent plus construites comme les échanges culturels et une complicité naissante entre les résistants où l'on sent une certaine tendresse.
La fin est plus réussie avec les héroïnes détournant les japonais d'un foyer de rébellion aux prix de leur vies. On trouve enfin une fluidité dans l’enchaînement des plans, un certain suspens et même un lyrisme poignant (les derniers plans sont assez marquants pour le coup).

Le film connut une carrière internationale et lança la carrière de Zifeng Ling qui tourna une vingtaine de titres jusqu'au début des années 90.
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Re: Le cinéma naphta chinois

Message par aelita »

La rose de Wouke (Fan Ying, 1963)
Une jeune fille est amoureuse de son cousin, ses parents s'opposent à ce mariage
Toujours dans ce cycle "femmes dans le cinéma chinois", un film qui est une curiosité et une découverte (du moins pour moi) : il s'agit en fait de théâtre chinois (opéra) filmé (peu de mouvements de caméras et décors de studio). C'est donc joué (parfois) et chanté (le plus souvent) -le chant domine- comme dans une opérette ou plus encore comme dans des œuvres telle que la Flûte enchantée ou l'enlèvement au sérail (opéras alternant le parlé et le chanté, où le chant domine, et où tous les rôles -sauf exception- sont chantés -en allemand on appelle ça du Singspiel).
L'histoire (embrouilles et quiproquos à propos de jeunes filles à marier) rappelle fortement les pièces classiques ou les opéras-bouffe occidentaux.
Le jeu des acteurs m'a semblé obéir à des codes très précis (et plus encore leur gestuelle, très gracieuse, et proche de la danse).
La technique de chant (surtout chez les personnages de jeunes gens avec des voix suraigues-mais pas comme dans la musique baroque occidentale, c'est une autre technique) peut surprendre aussi.
Découverte pas désagréable du tout.
Film présenté dans une copie sous-titrée en français,.
NB Le film est l'adaptation d'un opéra très populaire et fut le dernier du genre réalisé avant la révolution culturelle.
Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? (pensée shadok)
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Re: Le cinéma naphta chinois

Message par Tutut »

La Shaw Brothers a produit pas mal de films d'opéra du style Huangmei dans les années 60, dont certains ont été de grands succès. Les DVD sortis chez IVL/Celestial proposent une très bonne qualité d'image, le rendu des costumes et des décors est superbe. Les films les plus connus sont Kingdom and the Beauty, Diau Charn ou The Love Eterne, mais il existe d'autres titres, certains d'entre eux sont sortis en Blu-Ray.
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Re: Le cinéma naphta chinois

Message par bruce randylan »

aelita a écrit :La rose de Wouke (Fan Ying, 1963)
Je l'ai raté celui-là... Les fameuses séance en après-midi (Super Soul si tu me lis :fiou: )... Mais l'opéra chinois, musicalement et surtout vocalement, j'ai un peu du mal quand même... J'en ai vu une dizaine (y compris 2 spectacles en Chine lors d'un voyage il y a 2 ans) et certains ont été assez douloureux. (je viens de retrouver mes avis sur 3 films découverts en 2008 dans une rétro à la cinémathèque sur l'opéra chinois)
Mais c'est vrai que ceux de la Shaw Brothers sont au dessus du lot pour leur qualité picturale. J'aime beaucoup aussi celui signé John Woo Princesse Chang Ping.

Retour à ce cycle à la cinémathèque :)

Mulan s'enrôle dans l'armée (Bu Wancang - 1939)

La fille d'un vieil officier militaire ne peut accepter que son père retourne en garnison alors qu'une invasion est sur le point d'arriver. Experte au tir à l'arc, elle se déguise donc en homme et se fait passer pour le fils de la famille.

Troisième adaptation de la fameuse légende chinoise (et la première parlante), ce film bien que totalement vieilli n'en possède pas moins beaucoup de charme, notamment en raison de son aspect délicieusement désuet et naïf.
Par exemple, le budget dérisoire du film ne permet pas une reconstitution crédible : les décors sont donc construits sur des petits plateaux avec des trompe-l’œil maladroits, des toiles peintes très visibles et autres imitation de déserts ou forêts hâtivement bricolée (sans parler des costumes tous plus factices les uns que les autres). Il faut dire qu'avec le conflit contre le Japon, il ne restait plus beaucoup de techniciens et de vedettes à Shanghai.
Mais Bu Wancang joue de cette aspect théâtral et "primitif " sans tomber dans la parodie. Mais son trait est volontairement caricatural et tourné vers le pastiche. Il faut dire que l'histoire n'est pas facile à prendre au premier degré. Les seconds rôles sortent donc tout droit de spectacle comique avec de gros balourds gaffeurs et/ou prétentieux qui seront vite remis à leur place par une héroïne, non seulement habile avec ses poings et ses pieds mais également intelligente et fine tacticienne. La première séquence est très amusante avec une méthode très efficace pour se débarrasser d'un duel à l'arc avec des jeunes notables arrogants. :mrgreen:

Il s'émane donc de cette oeuvre un charme candide qui n'exclut pas la sincérité puisque les personnages sont tous attachants (y compris les seconds rôles évoqués plus haut).

Le film est de plus bien construit, plutôt bien rythmé avec une narration qui ne perd jamais de temps et possède beaucoup de péripéties. S'il ne faut rien attendre des scènes de batailles étonnement elliptiques (peut-être coupée pour l'export, la copie avait l'air de venir des USA), l'aspect militaire et trahison est assez bien mené et la séquence de l'invasion de la ville est plutôt bien retranscripte, même si ça reste fugace et précipitée. Il faut sans doute y voir un parallèle avec la situation de la Chine à l'époque qui subissait l'attaque et l'occupation japonaise d'une partie du pays.

Les scènes "romantiques" sont également assez belles jouant là aussi délicieusement sur l’ambiguïté du frère d'arme dont on se demande souvent s'il a deviné ou non le travestissement de "son" compagnon.
Le film choisit logiquement de finir sur un happy end positif plutôt que d'aller jusqu'au bout de l'histoire du conte :
Spoiler (cliquez pour afficher)
Quand l'empereur découvrit que son meilleure général, il fit plusieurs demande pour épouser Mulan, conduisant cette dernière au suicide.
Une belle découverte dont la naïveté risque de ne pas plaire à tout le monde celà dit
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Re: Le cinéma naphta chinois

Message par bruce randylan »

Héroïne des années 20 (Li Pingqian - 1949)

Une comédienne et chanteuse tente d'aider un médecin révolutionnaire (dont elle est amoureuse) à échapper à la police. Quand ce dernier est finalement arrêté, le chef des autorités lui propose un chantage pour le sauver : l'épouser.

Le début laisser craindre le pire avec une narration heurtée, une continuité absente et des personnages aux motivations nébuleuses. Malgré la qualité de la photographie, il n'est pas aisé de se prendre au jeu de ce film de propagande peu subtil qui mélange mélodrame et policier/espionnage.
Passé les 20 premières minutes bancales, l'histoire s'améliore de scènes en scènes pour finir par devenir même excellente durant son dernier tiers.

C'est quand les auteurs commencent à mettre en place un "ménage à trois" entre l’héroïne, le policier et le médecin qu'Héroïne des années 20 trouve son rythme et son unité. Ca commence doucement par une scène un peu décalé où l'actrice profite d'une invitation au chant pour piéger le policier et permettre au rebelle de s'enfuir. Il y a là un mélange de romance, de suspens et de second degré malicieux que n'aurais pas renié un Hitchcock de la période anglaise (toute proportion gardée dans la réalisation - encore que les péripéties précipitées et pas toujours crédibles rappellent aussi Sir Alfred).
Si le film conserve quelques scories, notamment ce qui conduit à l'arrestation, les personnages commencent à se dévoiler, introduisant des rapports de force/soumission avec mensonges, chantage tout en mettant les interlocuteurs face à leur responsabilités. Ca se complexifie encore plus quand la femme du médecin arrive. La position de l'héroïne devient alors intenable puisque la culpabilité de l'arrestation est renforcée par la torture du mari imposé aux yeux de sa femme.
On bascule alors dans la pure tragédie avec une héroïne sacrifiant son honneur (voire plus) pour tenter de sauver l'homme qu'elle aime sans que cela soit compris par sa "rivale".
Les 20 dernières minutes se révèlent même assez intense dramatiquement jusqu'à la dernière séquence forcément pessimiste qui ne manque pas d'émouvoir.

Avec sa propagande peu nuancée, le film est loin d'être parfait mais sa construction dramatique qui gagne en puissance sur la longueur fait qu'on sort avec une bonne impression de la séance. De plus Li Pingqian parvient à dépasser l'aspect politique en transformer le rôle féminin en un mythe presque universelle avec sa noblesse d'âme incomprise, bafouée et manipulée... jusqu'à son ultime acte.

Dommage par contre que l'équipe de la cinémathèque n'ai pas eut le temps de fignoler les nouveaux sous-titres français : il a fallu se satisfaire d'une projection DVD rapidement traduite plutôt que le master numérique mieux défini initialement prévu et dont les sous-titres auraient mieux évoqué les subtilités des dialogues ou les références historiques/culturelles.
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Re: Le cinéma naphta chinois

Message par bruce randylan »

L’Air d’une chanteuse (Fang Peilin - 1947)

Une chanteuse de cabaret sympathise avec un peintre qui doit dessiner la façade de l'établissement où elle se produit tandis qu'un playboy a fait le pari avec ses amis qu'il parviendra à la séduire.

Ce titre hong-kongais, diffusé sous le titre Genu Shige à la cinémathèque s'avère peu connu voire très rare même s'il fut projetté en 2010 au Festival du film Chinois de Paris sous le titre L’Air d’une chanteuse. Tout ça pour dire que sous le titre Genu Shige, il était juste impossible de trouver une info sur le film (rien sous imdb par exemple).
C'est en fouillant dans la carrière de l'actrice principal, Zhou Xuan, que j'ai réussi à l'identifier.

Tout ça pour dire que c'est justement un pur véhicule pour Zhou Xuan, grande vedette du cinéma et de la chanson de l'époque. Les 2-3 morceaux qu'elle interprète sont d'ailleurs vraiment très bien (loin de l'opéra chinois :mrgreen: ). Ils sont surtout présents dans la premier tiers qui demeure ce que le film propose de meilleur avec de beaux mouvements de caméra, un montage fluide et une présentation concise et efficace des personnages entre humour et tendresse. Mais le scénario semble griller trop rapidement ses cartouches et finit rapidement par faire du surplace sans grande inspiration dans le scénario et où même la mise en scène devient stérile. Ca redémarre dans le dernier tiers avec des péripéties un peu trop grossières pour être satisfaisante même si ça permet de dévoiler une noirceur inattendue. Toujours est-il qu'on ne comprend pas trop pourquoi
Spoiler (cliquez pour afficher)
l'héroïne continue de s'attacher au playboy égoïste qui l'a mise enceinte avant de l'abandonner sachant que dès le début elle sait que cet individu est peu recommandable puisqu'il ne se cache pas de mener une double vie, délaissant sa vraie famille.
C'est un peu la même chose avec le vrai faux twist du retour du vrai faux père qui réussit le pari d'être à la fois prévisible et imprévisible. :lol:
Enfin, tout cela sent quoiqu'il en soit la sous-intrigue rajoutée grossièrement en cours de route.

Quelques longueurs et invraisemblances mais en s'accrochant, on peut y trouver son compte même si j'aurais préféré que la légèreté du début soit plus présente.
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bruce randylan
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Re: Le cinéma naphta chinois

Message par bruce randylan »

Le printemps dans une petite ville (Fei Mu - 1948)

A la sortie de la guerre, dans un village encore en ruine, une femme, lassée par la vie, tombe amoureuse d'un médecin de passage qui est le meilleur ami de son mari, gravement malade.

Je savais que le film était considéré comme un classique du cinéma chinois mais je m'attendais pas à une telle réussite. :D
C'est un film grave, pesant, parcouru par un un mal-être existentielle qui pose le ton dès les premières secondes avec la voix-off caverneuse de l'héroïne qui explique "qu'elle est trop lasse pour vivre et que son mari est trop lâche pour mourir". Ca pourrait être un pessimisme forcé et fabriqué mais la sobriété du style comme du jeu parvient à faire fonctionner cette histoire qui commence dans une impasse. Loin d'apporter une solution, l'arrivée de ce doctor va au contraire complexifiée les rapports entre les personnages puisque la jeune soeur du mari va elle aussi tomber sous le charme du medecin, qui personnifie quelque part la vie même dans cette ville mortifère qu'on a même pas pris la peine de reconstruire.

Très rapidement, les enjeux dramatiques et psychologiques augmentent et se drapent en plus d'une tension sexuelle au bord de l'explosion. Cet aspect est vraiment très moderne pour l'époque avec des personnages qui ne peuvent résister à leur pulsion. Une courte scène filmée de loin est à ce titre marquant. La femme et le médecin marche côte à côte dans un sous-bois, leurs mains se rapprochent puis se touchent, se serrent. Leur pas se font plus rapides avant de se mettre véritablement à courir pour disparaître dans un virage. Pas besoin d'en dire pour comprendre ce qu'ils font faire.
Cette façon à la fois distancée et crue d'aborder le désir, la frustration (et la culpabilité) est ce qui fait l'originalité du traitement qui culmine dans une scène de beuverie où l'alcool fait tomber les masques laissant les deux amants exprimer leurs attirance devant la belle-soeur choquée et jalouse par leurs attitudes. Le mari ne semble pas dupe mais son personnage laisse cultiver l’ambiguïté sur son comportement et on demande jusqu'à quel point sa maladie est une excuse et jusqu'à quel point elle est sérieuse. (son interprétation reste celà dit la seule ombre au tableau du film).

L'équilibre entre mélodrame, étude de moeurs et peinture social est d'autant plus maîtrisé qu'à aucun moment le film n'est parasité par un quelconque discours politique. Une preuve en plus de l'intégrité artistique de Fei Mu, cinéaste réputé dont je n'ai vu aucun autre films.

Le remake de 2002 signé par Tian Zhuangzhuang est loin de pouvoir rivaliser avec sa force et son intensité.
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