Avec le réalisateur Fred Niblo
The Aryan - William S. Hart (1916) / Hairpins - Fred Niblo (1920) / Robin Hood - Allan Dwan (1922) / The Sea Hawk - Frank Lloyd (1924)
***********
The Red Lily - Fred Niblo (1924)
En Bretagne, Jean Leonnec (Ramon Novarro) est amoureux de la fille du sabotier Marise La Noue (Enid Bennett) mais le père du jeune homme, également maire du village, n'est pas de cet avis. Suite au décès du père de Marise, la jeune femme est expulsée de la maison familiale et doit rejoindre sa famille la plus proche où elle subit les violences du père. Elle s'enfuit de cette maison et retourne à celle de son enfance où elle passe la nuit auprès de Jean mais ils sont tous les 2 contraints de quitter le village. Ils prennent le train pour Paris et, arrivé à la gare, Jean est arrêté par deux hommes envoyés par son père qui le soupçonne d'avoir volé de l'argent. Il réussit à échapper aux 2 hommes et rejoint Paris mais ne retrouve pas celle qu'il aime sur le quai de la gare. Les jours, les mois passent mais Jean et Marise n'arrivent pas à se retrouver. Jean devient un voleur et Marise sombre peu à peu dans la prostitution...
Un an avant Ben-Hur, Fred Niblo retrouve Ramon Novarro dans un film aux prétentions bien plus modestes que le péplum mais qui ne peut laisser indifférent tout ceux qui apprécient les belles histoires d'amour. Niblo propose un film émouvant, simple, riche en émotions, dont la photo est un plaisir pour les yeux et où Ramon Novarro et Enid Bennett (Mme Niblo à la ville) trouvent 2 magnifiques rôles. The Red Lily fait partie de ses muets méconnus, peu diffusés et qui sont pourtant de petits bijoux car emprunts de tout ce qui fait la force et la beauté de ces films : une émotion simple, des visages et des regards qui suffisent à ressentir les sentiments et un superbe travail sur la lumière.
Le réalisateur nous offre durant 80 minutes une histoire d'amour qui ne sombre jamais dans le mélodrame ou dans la simplicité. La naïveté et la sincérité qui découlent de cette histoire d'amour se lisent sur le visage de ces 2 jeunes amoureux et Niblo sait parfaitement "exploiter" le potentiel de ces 2 interprètes. Plus que de simples marionnettes devant la caméra, Novarro et Bennett donnent vie à leur personnage et y apportent un supplément d'âme qui rend sensible à leur histoire. Une histoire que Fred Niblo sait parfaitement raconter par un très beau travail sur ses cadres, son montage et surtout son utilisation magnifique des teintes et des lumières. Le DVD Warner Archive rend réellement honneur au travail des techniciens MGM puisque la copie proposée est un réel plaisir pour les yeux avec son N&B subtil et ses teintes sépia et bleue qui apportent une force supplémentaire à l'histoire. Le réalisateur montre un savoir-faire et une maitrise de son outil qu'il est impossible de nier tant certains de ses plans semblent créer une scène prête à être peinte sur une toile.
Ramon Novarro, qui a toujours préféré son travail durant la partie muette, trouve ici un de ses plus beaux rôles, un rôle qui se dégrade au fur et à mesure du film : du jeune amoureux qui refuse d'abandonner celle qu'il aime, il va glisser vers les petits larcins au contact du personnage de Bo-Bo (excellent Wallace Beery qui se prête idéalement à ce personnage de voleur roublard et charmeur). Cette dégradation du personnage crée également une baisse de l'empathie de la part du spectateur pour son personnage car il devient égoïste et arrogant au point de rejeter et de blesser Marise lorsqu'il la retrouve après des années de séparation. Ce personnage, si amoureux au début du métrage, n'est maintenant plus que l'ombre de lui-même et son salut va passer une fois de plus par le sacrifice du personnage féminin. Rejetée par le village, séparée de celui qu'elle aime et obligée de vendre son corps pour survivre, le personnage de Marise est marquée par une souffrance continue et silencieuse qui atteint son paroxysme lorsqu'elle retrouve Jean dans sa chambre de bonne sous les toits de Paris...complètement désarçonné par la vision de ce visage qui n'est plus celui du visage d'ange qu'il connaissait tant, le jeune homme frappe la femme avant de la quitter.