John Gilbert (1897-1936)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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feb
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John Gilbert (1897-1936)

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Desert Night - William Nigh (1929)
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Le propriétaire d'une mine de diamants sud-africaine, Hugh Rand (John Gilbert), accueille Lord 'Steve' Stonehill (Ernest Torrence) et sa fille Lady 'Diana' Stonehill (Mary Nolan) qui viennent chasser sur les terres proches et visiter la mine. Ces visiteurs sont en fait venus lui dérober une grosse quantité de diamants et s'échappent de la mine en le kidnappant. Confrontés au désert et au manque d'eau, les 2 voleurs se reposent sur leur otage pour les aider à survivre ...
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1929, le film muet est en train de disparaitre à petit feu depuis que la folie des "all-talking pictures" s'est emparée des grandes Majors hollywoodiennes. Alors que ces premiers films parlants se montrent lourds, statiques et semblent avoir reculé de 10 ans, des tournages de films muets continuent pour des raisons techniques (acteurs étrangers dont l'anglais n'est pas encore parfait), parce que la demande existe toujours - les spectateurs répondent souvent présent malgré la présence de talkies à l'affiche - ou tout simplement parce que les tournages sont prévus depuis la fin de 1928 et qu'il faut les tourner au plus vite. Si la star féminine de la Major, Garbo, doit apparaitre à l'affiche de 3 films muets sur l'année 1929 (Wild Orchids, The Single Standard et The Kiss), la star masculine, John Gilbert, se contente, elle, d'un seul film avec ce Desert Night qui marque la fin de sa carrière muette. Mais si The Kiss est un tremplin pour l'actrice suédoise, Desert Night est le chant du cygne d'un acteur qui ne réussira jamais à trouver sa place dans le parlant.
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Et lorsque l'on découvre John Gilbert dans ce film, on ne peut que regretter qu'un tel acteur n'ait pu continuer à la MGM en tant que leading men de la Major, en tant que rival de Clark Gable. Dans le film de William Nigh, John Gilbert offre un superbe charisme, il est de toute les scènes et le film, tout comme le sort de ses 2 ravisseurs, repose sur ses épaules. Elégant et proposant un jeu naturel exempt des lourdeurs du cinéma muet, John Gilbert dévoile une image différente de celle de ses autres rôles - souvent liés à des histoires romantiques - et qui se rapproche de l'image d'un Errol Flynn - sans chercher à comparer l'aspect physique -. Dans Desert Night, Gilbert se montre séducteur et charmeur face à l'héroïne mais sait aussi prendre les commandes d'une situation quasi-désespérée tout en restant calme et en riant de cette mort qui les menace.
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Face à l'acteur, Ernest Torrence, dont la tronche patibulaire mais presque colle parfaitement à son personnage, et la très belle Mary Nolan qui apporte une touche de charme non négligeable. Le père et la fille, qui sont en réalité amants, pensent réussir leur coup en kidnappant le propriétaire de la mine et en s'échappant avec lui à travers le désert. Si le début de leur plan se déroule sans accroc, la suite se montre plus compliquée lorsqu'ils doivent affronter la chaleur du désert et la pénurie d'eau potable. Très rapidement ils doivent changer d'état d'esprit et balayer leur prétention de kidnappeur pour laisser leur sort entre les mains de Rand. Ernest Torrence est fidèle à lui même avec ce personnage prêt à tout pour réussir (il empoisonne le réservoir d'eau potable pour se débarrasser des ses acolytes, il nargue Hugh Rand en crachant l'eau potable) mais réalise bien vite qu'il ne controle plus la situation et que Diana n'est pas insensible au charme du jeune homme. Mary Nolan doit elle aussi modifier ses plans et sombre peu à peu dans la folie au fur et à mesure que la dernière gourde en possession de Rand voit son niveau baisser.
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Avec Gilbert, Torrence et Nolan forment un triangle amoureux particulier où l'amour cède sa place au besoin de survie, où les prétentions initiales sont réduites à néant face à la chaleur du désert, aux hyènes qui rodent autour de leur camp de fortune et aux vautours planant au dessus d'eux et qui ne font rire que le personnage de Rand, unique possesseur de la gourde.
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Si la réalisation de Nigh est somme toute classique, préférant les plans rapprochés sur les visages à des plans plus larges sur le désert, la photo qui éclaire le film est d'un très haut niveau ce qui n'a rien d'étonnant quand on sait qu'elle est le fruit du travail de James Wong Howe. Le directeur de la photographie joue magnifiquement avec les lumières fortes qui écrasent les personnages lors des phases dans le désert et les lumières plus douces pour les scènes nocturnes autour de ce plan d'eau salé à double tranchant - étancher sa soif au détriment d'une mort longue -. Une fois de plus la MGM s'appuie sur la qualité de ses techniciens et une fois de plus leur travail apporte un plus indéniable au film.
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Desert Nights est représentatif de ces derniers films muets tournés avant le passage définitif. Quelle que soit leur qualité en tant que films, ces muets sont à mettre en avant pour leur qualité artistique : lumières, idée de mise en scène, liberté de ton, liberté de mouvement, etc... et c'est le cas pour le film de Nigh. En plus d'être un film d'aventures, Desert Night s'approprie certains éléments des films Pré-Code avec cette tension quasi-sexuelle entre ces 3 personnages, les tenues de Mary Nolan imprégnées de sueur qui attisent les envies tout comme ces baisers forcés ou non ou cette scène de semi-nue lorsque la jeune femme se baigne. Ces éléments marquent un peu plus le contraste avec les futurs films parlants tant ce film ne semble pas avoir besoin de dialogues...là où The Kiss se repose sur la mise en scène de Feyder, la photo de Daniels et la présence de Garbo, Desert Night se repose sur son trio d'acteurs, sur cette alchimie entre Gilbert et Marie Nolan et sur cette dérive en plein désert.

Vu à partir du DVD Warner Archive dans une copie assez propre à laquelle il manque une petite partie sur la fin mais qui n'empêche pas du tout la compréhension du film :wink:
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Julien Léonard
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Re: John Gilbert (1897 - 1936)

Message par Julien Léonard »

Excellent critique qui me donne envie d'aller le regarder de ce pas ! John Gilbert a l'air vraiment différent, comparé aux films dans lesquels je l'ai vu auparavant... :shock:
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feb
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Re: John Gilbert (1897 - 1936)

Message par feb »

Julien Léonard a écrit :John Gilbert a l'air vraiment différent, comparé aux films dans lesquels je l'ai vu auparavant... :shock:
Il l'est...même si on retrouve ses tics habituels (les mains sur les hanches, le rire à gorge déployée, les yeux écarquillés quand il découvre la beauté du personnage féminin - un regard identique à celui qu'il a dans Love Flesh and the Devil quand il découvre Garbo...comme je le comprends :mrgreen: -.
Disons que son personnage se démarque fortement de ceux qu'il a pu incarner précédemment et l'histoire tranche avec celle des films axés sur la romance qu'il a pû tourner - ceux avec Garbo (Queen Christina excepté), The Merry Widow, The Big Parade, La Bohème -. Certes le film n'est pas parfait mais il est vraiment plaisant et représentatif d'un cinéma muet qui n'a jamais été aussi imaginatif et libre alors qu'il est condamné.
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Ann Harding
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Re: John Gilbert (1897 - 1936)

Message par Ann Harding »

Je trouve que John Gilbert est bien meilleur quand il joue des personnages de prolétaires, surtout au début du parlant. Feb, tu devrais essayer de voir Fast Workers (1933, T. Browning) où il est ouvrier sur les gratte-ciels et Downstairs (1932, M. Bell) en chauffeur-séducteur. Sinon, pour le muet, sa meilleure interprétation (et de loin) pour moi est dans The Big Parade (1925). Vidor réussit à lui faire oublier ses tics de 'matinee idol' et il est vraiment émouvant.
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Re: John Gilbert (1897 - 1936)

Message par feb »

Bon on sent la différence entre celui qui découvre les muets et celle qui s'y connait :mrgreen:
Ann Harding a écrit :(...)tu devrais essayer de voir Fast Workers (1933, T. Browning) où il est ouvrier sur les gratte-ciels et Downstairs (1932, M. Bell) en chauffeur-séducteur.
Merci pour ces conseils Ann :wink: Je vais voir s'ils sont dispo en Warner Archive...
Sinon, pour le muet, sa meilleure interprétation (et de loin) pour moi est dans The Big Parade (1925). Vidor réussit à lui faire oublier ses tics de 'matinee idol' et il est vraiment émouvant.
Bon celui-là je l'ai et j'ai l'intention de le regarder ce mois-ci :wink:
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Flavia
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Re: John Gilbert (1897 - 1936)

Message par Flavia »

Il manquait ce topic feb l'a fait ! :mrgreen:
feb
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Re: John Gilbert (1897 - 1936)

Message par feb »

OUI :mrgreen:
J'étais étonné de ne rien trouver sur le bonhomme et j'espère que je n'ai pas fait de doublon. Maintenant, par contre, va falloir le remplir...
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Jeremy Fox
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Re: John Gilbert (1897 - 1936)

Message par Jeremy Fox »

Desert Night - William Nigh (1929)

Et lorsque l'on découvre John Gilbert dans ce film, on ne peut que regretter qu'un tel acteur n'ait pu continuer à la MGM en tant que leading men de la Major, en tant que rival de Clark Gable. Dans le film de William Nigh, John Gilbert offre un superbe charisme, il est de toute les scènes et le film, tout comme le sort de ses 2 ravisseurs, repose sur ses épaules. Elégant et proposant un jeu naturel exempt des lourdeurs du cinéma muet, John Gilbert dévoile une image différente de celle de ses autres rôles - souvent liés à des histoires romantiques - et qui se rapproche de l'image d'un Errol Flynn - sans chercher à comparer l'aspect physique -. Dans Desert Night, Gilbert se montre séducteur et charmeur face à l'héroïne mais sait aussi prendre les commandes d'une situation quasi-désespérée tout en restant calme et en riant de cette mort qui les menace.
Oui très bon acteur et très bel homme il faut le dire. Je n'avais encore jamais vu de ses films mais il était pour moi le premier comédien dont on parlait dans l'encyclopédie Atlas en 10 volumes que j'avais dévoré à partir de 17 ans (peut-être le premier livre de cinéma que je lisais) : donc il a quand même tenu une place à part dans mon parcours cinéphilique ; je me souvenais encore de sa carrière assez triste dont tu parles(il fut totalement oublié une fois le muet terminé)

et la très belle Mary Nolan
C'est le moins que l'on puisse dire ; quel érotisme elle dégageait tout du moins dans ce film !!!!

Desert Nights est représentatif de ces derniers films muets tournés avant le passage définitif. Quelle que soit leur qualité en tant que films, ces muets sont à mettre en avant pour leur qualité artistique : lumières, idée de mise en scène, liberté de ton, liberté de mouvement, etc... et c'est le cas pour le film de Nigh. En plus d'être un film d'aventures, Desert Night s'approprie certains éléments des films Pré-Code avec cette tension quasi-sexuelle entre ces 3 personnages, les tenues de Mary Nolan imprégnées de sueur qui attisent les envies tout comme ces baisers forcés ou non ou cette scène de semi-nue lorsque la jeune femme se baigne. Ces éléments marquent un peu plus le contraste avec les futurs films parlants tant ce film ne semble pas avoir besoin de dialogues..

Voilà ; j'ai également passé un vraiment bon moment devant ce film que je ne connaissais pas même de nom :wink:
feb
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Re: John Gilbert (1897 - 1936)

Message par feb »

feb a écrit :Maintenant, par contre, va falloir le remplir...
Parfait le sherif a déjà commencé 8)
feb
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Re: John Gilbert (1897 - 1936)

Message par feb »

The Big Parade - King Vidor (1925)
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Un jeune américain issu d'une riche famille, James Apperson (John Gilbert), s'engage lors de l'entrée en guerre des Etats-Unis dans le 1er conflit mondial. Envoyé près du village de Champillon, il devient amis avec 2 soldats de son régiment et tombe amoureux d'une jeune française, Melisande (Renée Adorée). Alors que les premiers jours sont relativement plaisants, il va être vite confronté au vrai visage du conflit et quitter celle qu'il aime...

Le film de King Vidor est clairement une source d'inspiration pour le film de Lewis Milestone, All quiet on the Western Front, sorti 5 ans plus tard et focalisé sur la vie d'un jeune soldat allemand pendant 1ère guerre mondiale. Si le film de Milestone se démarque avant tout par la présence du son, par la violence de ses images et par un point de vue qui se place du coté de l'armée allemande, on y retrouve des éléments déjà présents dans le film muet de Vidor qui permettent de comparer ces 2 films. S'ils offrent des visions différentes - d'un coté le réalisme des images et du son, de l'autre la beauté des images et l'histoire d'amour pour s'affranchir de cette absence - les deux films sont des oeuvres parfaitement ancrées dans cette période de notre histoire et dont la force est aussi importante d'un coté comme de l'autre.
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Mais là où le film de Vidor s'écarte du film de Milestone, c'est sur le traitement de l'histoire : là où Milestone montre très rapidement l'horreur de la guerre et offre de nombreuses scènes au réalisme saisissant, Vidor préfère séparer son film en 2 parties presque distinctes.
La première partie du film introduit le personnage de James, sa relation vis-à-vis de sa famille - une mère aimante et inquiète par l'annonce de ce conflit, un père avec lequel il est en conflit car, à la différence de son frère qui ne vit que pour son travail, James profite de la vie sans penser au travail et enfin une petite amie qui rêve de le voir en uniforme - et son départ très rapide pour la France. Vidor ne cherche pas à rester trop longtemps sur le sol américain, il envoie très vite James en France pour y construire son histoire et développer tout ce qui va être la base de la seconde partie. Arrivé en France, James n'affronte pas directement la guerre mais retrouve un cadre de vie qui lui rappelle celui qu'il vient de quitter : des amis avec qui il tisse des liens solides, le temps qui s'écoule avec peu de contraintes et surtout la rencontre avec Melisande. Ces 3 points vont être les éléments clés du film et qui vont trouver un écho dans la seconde partie mais avec un traitement radicalement opposé. La force de cette première partie réside dans cette vision presque bucolique du conflit où Vidor se plait à jouer sur la franche camaraderie qui unit ces 3 hommes aux origines différentes mais totalement effacées par l'uniforme et surtout à développer une superbe histoire d'amour entre James et cette jeune française qui vit dans la ferme où les soldats ont pris leur quartier.
L'alchimie qui se crée entre ces 2 personnages est très particulière puisqu'ils ne peuvent se comprendre et doivent passer par un travail sur les gestes et les regards, ce qui, dans le cadre d'un film muet, prend une saveur toute particulière qu'il est plus difficile de retrouver dans les films parlants. James essaye donc de retranscrire ses pensées d'abord par les gestes - une bonne claque de la part de Melidande lui remettra les idées bien en place - avant d'essayer de se faire comprendre par le regard ce qui nous offre de très belles scènes où Gilbert, qui fait preuve d'un naturel faisant plaisir à voir, et Renée Adorée sont simplement parfaits.
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Si l'on ne devait retenir qu'une chose de ce superbe muet de King Vidor, ce sont indiscutablement les scènes que partagent ces 2 acteurs, des scènes remplies de tendresse et de naturel, où l'amour se construit au fur et à mesure que le film se déroule et que le réalisateur va choisir de casser au moment du départ sur le front. Alors que Melisande vient de découvrir qu'une autre femme attend le retour de James, elle se retire, préférant pleurer à l'écart de cet homme pour lequel elle ressent quelque chose malgré la barrière de la langue et la guerre qui fait rage à quelques kilomètres de Champillon....une guerre qui fait son apparition à ce moment précis.
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Tout ce que viennent de vivre James et Melisande devient des souvenirs, cet amour naissant est brisé par la guerre car King Vidor décide de rompre cette histoire par la sonnerie du clairon qui annonce le départ de James sur le front. Prise de remords , Melisande se rue vers les colonnes de soldats qui quittent le village à la recherche de celui qu'elle aime et elle le retrouve sans doute pour la dernière fois. Vidor nous offre une scène de séparation d'une force incroyable, à la mise en scène magnifique et où le score de Carl Davis et la peine de Melisande finissent de nous achever.
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Cette étape si difficile de la séparation marque le début de la seconde partie du film où Vidor fait affronter au personnage de James l'horreur de la guerre : les tranchées, la perte de repères, les cadavres qui jonchent le sol, les hommes qui tombent tel des pantins. Le réalisateur présente cette rentrée dans la guerre comme une longue marche vers un point de non-retour. Ils traversent tout d'abord un bois où des mitrailleuses et des snipers les attendent mais qui n'est comparé à ce qui les attend par la suite...tel un gigantesque terrain de jeu, Vidor présente le champ de bataille comme un espace ouvert et vide où les vies disparaissent aussi vite qu'elles y pénètrent.
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Tout comme dans le film de Milestone, la guerre est présentée avec force et avec un traitement plastique des plus riches - explosions, fumée, travellings dans les tranchées et cadres au plus près de l'action - King Vidor fait preuve d'une remarquable maitrise de sa mise en scène et nous plonge réellement dans l'action, accompagnant les 3 soldats jusqu'à ce fameux point de non-retour...
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...obligés de se réfugier dans un trou de mortier, la caméra s'arrête et reste avec eux jusqu'à ce que les ordres prennent le dessus et obligent un des 3 à quitter cet espace de sécurité. Après la perte de Melisande, James va perdre coup sur coup ses 2 amis...
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...puis va se retrouver coincé avec l'ennemi. Blessé mortellement, James n'arrive pas à l'achever et préfère lui offrir sa dernière cigarette en le laissant mourir de ses blessures.
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Vidor continue de nous abreuver des horreurs de la guerre avant de clore cette partie sur un Gilbert blessé qui apprend que Champillon est au coeur des combats. Il décide alors de rejoindre le village seul et handicapé mais sur place il découvre une ferme en ruine et est contraint d'abandonner les lieux de nouveau blessé. La guerre est finie, l'homme est brisé mentalement et physiquement - Vidor prenant soin de nous révéler la perte de la jambe uniquement quand le jeune homme rentre dans le domicile familial - et plus que tout, il se sent désormais seul et étranger dans une famille où seule la mère semble comprendre les épreuves que son fils a traversé. D'ailleurs, le réalisateur prend soin de glisser dans ses retrouvailles des images en sur-impression qui sont celles que se remémore cette mère si attristée de retrouver, dans un tel état, son fils.
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Ce détail montre l'intelligence de King Vidor dans sa démarche narrative, une simple succession d'images montre le lien qui unit la mère à son fils et met en lumière la faille qui existe avec les autres membres de la famille. Seule la mère peut le comprendre et peut accepter de le revoir partir pour retrouver celle qui l'aime.
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Le film de King Vidor n'a nul besoin de paroles pour transmettre ses émotions - la scène de séparation entre James et Melisande en est la parfaite illustration -, la beauté plastique, l'alchimie entre ces 2 interprètes principaux, l'intelligence de sa mise en scène, la force de ses images et la sincérité de son histoire vous emportent littéralement. Ajoutez à cela une partition de Carl Davis magistrale - le thème principal est superbe - et vous n'avez pas besoin de plus d'arguments pour comprendre que The Big Parade est un chef d'oeuvre du cinéma muet et que King Vidor est un grand.
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Re: John Gilbert (1897 - 1936)

Message par someone1600 »

A voir celui-la aussi... je crois en avoir un enregistrement TCM qui traine quelque part... :roll:
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Ann Harding
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Re: John Gilbert (1897 - 1936)

Message par Ann Harding »

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The Cossacks (Les Cosaques, 1928) de G.W. Hill et Clarence Brown avec John Gilbert, Ernest Torrence, Renée Adorée, Nils Asther et Dale Fuller

Dans un village cosaque, Ivan (E. Torrence) se lamente que son fils Lukashka (J. Gilbert) soit considéré comme une femmelette. Lukashka est amoureux de Maryana (R. Adorée) qui le méprise pour sa couardise. Mais, lors d'une attaque des Turcs, il montre sa bravoure...

Cette production MGM a connu quelques avatars. Le film est passé des mains de George W. Hill, un bon routier sans surprise, à celles de Clarence Brown qui ne fut pas crédité au générique. On sent qu'avec cette adaptation de Tolstoï la MGM cherchait surtout à reformer le couple Gilbert-Adorée qui avait connu un immense succès dans The Big Parade (La grande parade, 1925) de King Vidor. Mais, avec The Cossacks, nous somme bien loin du chef d'oeuvre intemporel de Vidor. Cette recréation débridée en diable de la Russie tsariste fait presque penser à une bande dessinée tellement les personnages sont caricaturaux. Les Cosaques sont montrés comme des brutes sanguinaires qui ne songent qu'à tuer les Turcs à coup de sabres pendant que leurs femmes s'échinent aux champs pour garantir une récolte. Leur autre distraction est de boire de la vodka au litre en reluquant les femmes. Pour le film, on avait embauché de vrais cosaques qui font des démontrations de leur talent d'acrobates à cheval. Quant aux Turcs, ils sont montrés comme des tortionnaires proches de la bestialité. Avec une intrigue aussi peu politiquement correcte et également aussi proche du ridicule, on ne peut que regarder le film au second degré. John Gilbert cabotine à souhait en fils du chef cosaque qui devient soudain un 'homme' parce qu'il a tué dix Turcs. Ernest Torrence n'est pas en reste en chef barbare et exubérant. Renée Adorée, elle, est partagée entre son amour pour Lukashka et le prince de sang (joué par Nils Asther) qui est venu de Moscou pour l'épouser. Au total, ce film est bien réalisé visuellement. Clarence Brown (qui a pratiquement retourné tout le film après le départ de Hill) montre sa maîtrise du mouvement. Mais, il faut bien l'avouer le film reste une pochade haute en couleur avec des personnages schématiques.
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Re: John Gilbert (1897 - 1936)

Message par allen john »

Downstairs (Monta Bell, 1932)

Une noce, manifestement assez luxueuse, a lieu. On apprend assez vite que le marié est le majordome, Albert (Paul lukas) d'une famille riche et respectée, et la mariée Anna (Virginia Bruce) est également employée de la même maison. L'harmonie règne entre les différentes strates de la société, et Albert est particulièrement ému de l'attention que lui témoignent ses maîtres, le Baron Nicky Von Burgen (Reginald Owen) et la baronne Eloïse (Olga baclanova). Arrive un homme, élégant et moqueur, qui s'installe dans la noce avant de négligemment révéler son identité: il est le nouveau chauffeur, Carl (John Gilbert). Dès le départ, il s'amuse des autres, transgresse les conventions, installe un malaise de plus en plus palpable, en particulier chez les femmes. Il ment, séduit, manipule... Albert en particulier, très attaché à la hiérarchie sociale qui définit son rôle de majordome, va souffrir dans son statut et dans son jeune couple de l'arrivée du nouveau venu...

C'est d'un argument de John Gilbert (Prévu pour un film muet en 1928, et mis de côté pendant quatre ans) que le script du film a été adapté, comme c'était déjà le cas pour Man, Woman and Sin du même Monta Bell. Gilbert, peut-être sous l'influence de son ami Erich Von Stroheim, a imaginé un personnage de chauffeur sans gène qui sait profiter de sa séduction pour vivre à sa guise, mais ses motivations profondes ne sont pas vraiment claires: il semble surtout mu par l'appétit de pouvoir, le fait de pouvoir profiter d'une femme (La cuisinière, Sophie, interprétée par Bodil Rosing, est sa première victime. A des degrés divers, la baronne et la jeune mariée Anna auront également à souffrir de ses exactions), et semer la confusion, parce que ce qu'on voit très vite, c'est qu'il n'en est pas à sa première famille, et ce ne sera pas la denière fois qu'il flanquera la pagaille... Donc inutile de chercher chez lui un appat du gain, des plans plus élaborés. Ce n'est même pas un escroc, lui qui admet sans faire de détours aux femmes dont il profite qu'il ne reculera devant aucune opportunité, avec une désarmante candeur...

John Gilbert joue à fond la carte de la séduction la plus vile, et propose à son tour une nouvelle vision d'un thème qui était déjà au coeur d'autres films du même réalisateur: et si les rôles pouvaient s'inverser? A la femme "coupée en deux" interprétée par Norma Shearer dans Lady of the night, deux rôles, deux femmes nées le même jour, mais dans des classes sociales différentes, à la vision d'une artiste incapable de faire autre chose que d'apparaitre sur scène, qui affiche des ambitions disproportionnées dans Upstage, Gilbert oppose l'homme qui a décidé que les conventions rigides de la hiérarchie entre domestiques et leurs employeurs n'étaient que des limites à transgresser. Mais on va plus loin ici: c'est précisément parce qu'il y a des barrières et des limites que Carl existe. Il se nourrit du malaise que sa présence et ses manipulations (Coucheries, tromperies, vol, chantage, adultère... la routine donc) vont engendrer, et du même coup on comprend qu'il n'est qu'un révélateur du système. Ce n'est pas un hasard si le film se déroule dans la vieille Europe, et on retrouve ici l'ombre de Stroheim et ses mondes parallèle, comparaisons entre une Europe décadente et une Amérique toujours plus moderne...

Le film, ni une comédie ni un drame, distille un malaise qui sera écarté d'un seul coup, grâce à une salutaire prise de pouvoir par Albert. Mais les cicatrices du passage du chauffeur mettront sans doute du temps à disparaitre. Le film est plus qu'intéressant, et montre paradoxalement que Gilbert et Bell, en disgrâce à la MGM, ont peut être bénéficié de l'indifférence à leur égard que pouvait manifester un Louis B. Mayer pour faire absolument ce qu'ils voulaient, un film dans lequel un homme utilise ouvertement les femmes, dynamite les conventions et malmène la famille... La mise en scène de Monta Bell montre le metteur en scène contrôlant la situation de bout en bout, utilisant à merveille les objets de tous les jours pour créer des liens entre les scènes, les êtres, et nier en douceur les conventions et les hiérarchies pourfendues par le chauffeur... auquel on donne finalement raison: lorsque le Baron voit Albert mettre un coup de pied salutaire au derrière de Carl, il a un geste qu'on aurait pour un chien qui s'est bien conduit. Le mariage du début n'était qu'une façade: les maitres sont bien les maitres, et les valets resteront en bas, "downstairs".

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Re: John Gilbert (1897 - 1936)

Message par feb »

Merci allen john :wink:
allen john
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Re: John Gilbert (1897 - 1936)

Message par allen john »

feb a écrit :Merci allen john :wink:
You're welcome! :D
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