Nils Asther (1897-1981)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Nils Asther (1897-1981)

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Nils Anton Alfhild Asther était un acteur suédois, né au Danemark, dont la carrière cinématographique s'est partagée entre l'Europe et les Etats-Unis. Très jeune il prend des cours de théâtre en Suède et tourne son premier film en 1916 sous la direction de Mauritz Stiller avec The Wings (Vingarne). De 1916 à 1927, il va enchainer les tournages en Suède, au Danemark, en Allemagne et en Angleterre avec des films comme Vem dömer (Love's Crucible, Mortal Clay) - Victor Sjöström (1922), Der Goldene Schmetterling (The Golden Butterfly) - Michael Curtiz (1926) ou Sorrel and Son - Herbert Brenon (1927).
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The Wings (Vingarne) - Sorrel and Son
En 1927, il est appelé par la United Artists pour son premier film américain Topsy and Eva - Del Lord (les réalisateurs D. W. Griffith et Lois Weber ont participé au film sans être crédités) où il rencontre sa femme Vivian Duncan, dont il divorcera en 1932.
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Acteur élégant et au charme indéniable, celui que l'on surnomme déjà The Male Greta Garbo, devient rapidement un "leading man", le partenaire idéal de nombreuses stars féminines des silents hollywoodiens :
Avec Pola Negri : Loves of an Actress (1928)
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Marion Davies : The Cardboard Lover (1928)
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Joan Crawford : Our Dancing Daughters (1928), Dream of Love (1928)
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Et bien entendu Greta Garbo, qu'il a rencontré en 1924 sur les planches du Dramatiska Teatern à Stockholm et avec laquelle il partage les mêmes racines suédoises, un accent qui s'avère problématique pour l'arrivée du parlant présent et des débuts au cinéma devant la caméra de Mauritz Stiller. Avec la Divine, il tournera uniquement The Single Standard et Wild Orchids en 1928 (sortis en 1929) et en profitera pour la demander 3 fois en mariage...
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Durant cette période muette, il tourne également face à Lon Chaney et Loretta Young dans Laugh, Clown, Laugh - Herbert Brenon (1928) et face à John Gilbert et Renée Adorée dans The Cossacks - George W. Hill (Clarence Brown non-crédité) (1928).
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Le passage du muet au parlant oblige l'acteur à prendre des cours de diction pour masquer son accent suédois encore présent mais l'acteur continue à interpréter des rôles de séducteur comme dans The sea bat, Letty Lynton - Clarence Brown (1932) de nouveau face à Joan Crawford ou Storm at Daybreak - Richard Boleslawski (1933) face à Kay Francis.
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Il profite également de son visage si caractéristique pour interpréter des rôles plus exotiques comme celui du Général Yen dans The Bitter Tea of General Yen - Frank Capra (1933) où il joue face à Barbara Stanwyck.
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En 1933, alors qu'il est sous contrat avec la MGM depuis 1928, il rompt ce dernier, mécontent des rôles qui lui sont proposés. Ce départ ne lui permet pas de trouver des rôles plus importants, bien au contraire, il doit se contenter de films où il reste le 2ème homme d'un triangle amoureux comme The Right to Romance - Alfred Santellou (1933, RKO) avec Ann Harding, If I Were Free (Behold We Live) - Elliot Nugent (1933, RKO) avec Irene Dunne , By Candlelight (Court-Circuit) - James Whale (1933, Universal) ou Madame Spy - Karl Freund (1934, Universal) face à Fay Wray.
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Il enchaine sur des films de série B comme The Crime Doctor - John S Robertson (1934, RKO) et ses 2 films suivants The Love Captive - Max Marcin (1934, Universal) et Love Time - James Tinling (1934, Fox Film Corp.) sont des échecs qui l'obligent à quitter Hollywood et ses studios pour rejoindre l'Angleterre. Ce départ est d'autant plus précipité que l'acteur est blacklisté suite à la rupture de son contrat. De 1935 à 1938, Asther va tourner 5 films (Abdul the Damned (Le Sultan Rouge) (1935), The Marriage of Corbal (1936), Guilty Melody (1936), Make Up (1937) et Tea Leaves in the Wind (Hate in Paradise) (1938)) dont les critiques ne vont pas traverser l'Atlantique.
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Avec l'entrée en guerre de l'Angleterre, Nils Asther retrouve les Etats-Unis et Hollywood en 1941 où il va chercher à retrouver le succès. Pour son premier film, il retrouve Kay Francis dans The Man Who Lost Himself
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puis il participe à une série de 3 films où il interprète à chaque fois l'ennemi européen qui cherche à voler des secrets américains : Forced Landing (1941), Flying Blind (1941) et Submarine Alert (1943).
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Nils Asther ne retrouve pas de rôles aussi importants que ceux de sa période MGM et il tourne dans des films aux ambitions modestes et aux styles très différents. Sous contrat avec la Paramount - The Hour Before the Dawn (1944) ou The Man in Half Moon Street (1945) - il est régulièrement prêté par la Major à des compagnies bien plus petites. Il se retrouve noyé dans un casting de jeunes premiers comme The Night of January 16th (1941), The Night Before the Divorce ou Sweater Girl (1942), il apparait dans des films d'épouvante comme Night Monster (1942) avec Bela Lugosi ou Bluebeard d'Edgar G. Ulmer (1944), il participe à un épisode de la série Lassie (Son of Lassie (1945)), à un épisode de celui de la série Charlie Chan (Charlie Chan and the Feathered Serpent (1948)) ou des films noirs comme Jealousy ou Mystery Broadcast tous les deux pour la Republic Pictures.
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Il participe également au tournage du film Samson and Delilah de Cecile B. DeMille où son rôle n'est même pas crédité. Nils Asther a 52 ans, sa carrière est loin derrière lui et ce visage qui faisait le bonheur de la MGM et des autres Majors durant de l'age d'or n'interesse plus personne. De 1951 à 1953, il tente de retrouver un second souffle par le biais du petit écran mais ses différentes expériences ne rapportent rien. Il tourne un dernier film à cheval entre les Etats-Unis et l'Espagne That Man From Tangier (Aquel Hombre de Tanger) en 1953 puis quitte définitivement le nouveau continent pour revenir sur ses terres, la Suède, en 1959. Il tourne péniblement 4 nouveaux films När mörkret faller (When Darkness Falls), Svenska Floyd, Vita frun (Lady in White) et enfin Gudrun (Suddenly, a Woman!) en 1963, année de son retrait.
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Tout comme Greta Garbo, Nils Asther a débarqué de Suède après avoir débuté avec Mauritz Stiller, tout comme Greta Garbo, Nils Asther a été contraint de travailler sa diction lors du passage au parlant pour atténuer son accent suédois et, tout comme Garbo, le physique de l'acteur ne laissait pas la MGM indifférente au point de le faire tourner face à son autre star suédoise et de lui donner le surnom de The Male Greta Garbo. Mais alors que la carrière de Garbo n'a quasiment pas fléchi après le passage au parlant et jusqu'à son retrait en 1941, Nils Asther a vu sa carrière parlante passer par des hauts (The Bitter Tea of General Yen) et surtout par des bas (sa seconde partie de carrière aux Etats-Unis à la Paramount à partir de 1941) et elle a été mise à rude épreuve par des rumeurs d'homosexualité persistante. Après son retrait en 1963, Nils Asther se consacre à la peinture, intègre la Great Northern Telegraph Company de Copenhague et s'attèle à la rédaction d'une autobiographie Narrens väg qui sera publiée en 1988 à titre posthume, 7 ans après son décès le 17 octobre 1981.
Dernière modification par feb le 31 mars 12, 22:14, modifié 2 fois.
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Wild Orchids - Sidney Franklin (1929)
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John Sterling (Lewis Stone) se rend à Java où il souhaite acheter des plantations de thé accompagnée de sa jeune et nouvelle femme Lillie (Greta Garbo). L'importante différence d'age entre les 2 mariés n'est pas compensée par le manque total d'amour que l'homme porte à sa très belle femme. Sur le bateau, la jeune femme est témoin du lynchage d'un serviteur par le prince De Gace (Nils Asther) et ce dernier est séduit par cette belle femme qu'il va chercher à connaitre. En offrant son hospitalité au mari lorsqu'ils seront à Java, il trouve le moyen d'approcher Lillie qui va le repousser en cherchant à chaque fois à rester auprès de son mari.
Une fois sur l'ile, le prince redouble d'effort pour séduire la jeune femme qui ne peut compter sur l'aide de son mari, trop occupé dans son travail. La jeune femme va finir par céder aux avances du jeune homme et le mari va le découvrir à ses dépens...


Tournée à la fin de l'année 1928, Wild Orchids est le premier des 4 films de la Divine à sortir en 1929 (année la plus chargée de l'actrice) et le premier des 2 films qu'elle tournera avec l'acteur suédois souvent qualifié de male Greta Garbo, Nils Asther. Pour finir de dessiner ce triangle amoureux, Garbo retrouve pour la seconde fois l'acteur Lewis Stone qui tient ici le rôle principal - ce sera l'unique fois sur les 7 films tournés ensemble - le tout filmé par la caméra de Sidney Franklin - réalisateur qui préférera tourner avec Norma Shearer qu'avec la Divine. Comme tout bon film muet avec Garbo, on retrouve Irving Thalberg à la production, William H. Daniels à la photo et, depuis A woman of affairs, Adrian pour les tenues.
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Dès le début du film, Sidney Franklin décrit parfaitement la fragilité du couple formé par Lewis Stone et Greta Garbo : l'homme plus préoccupé par ses plantations de thé à Java que par sa jeune femme fait de cette dernière un trophée que le jeune prince De Gace va chercher à conquérir. La beauté de Garbo associée aux tenues d'Adrian et à la superbe photo N&B de Daniels rend cette impression encore plus forte et évite à Wild Orchids de sombrer dans l'ennui total auquel il était promis lorsque l'on se penche sur le scénario du film.
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Une fois de plus l'actrice est au coeur d'un triangle amoureux où elle doit résister aux avances d'un jeune homme fougueux et "séduire" un mari qui n'a d'yeux que pour son travail. Les 3 acteurs offrent une interprétation telle que celle que l'on est en droit d'attendre d'un film muet de 1929 : Lewis Stone offre un jeu sobre et fait preuve de beaucoup de distance vis-à-vis du personnage de Lillie, Nils Asther campe un jeune prince séduisant et surtout très avenant avec la jeune femme et enfin Greta Garbo est naturelle, superbe et imprime magnifiquement la pellicule. La mise en scène de Franklin fait preuve de beaucoup de dynamisme - les longs travellings avant/arrière sont un plus indéniables pour suivre et découvrir le(s) personnage(s) - et la photo de Daniels fait des merveilles - superbes scènes de nuit, jeux d'ombres sur le visage de Garbo.
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Mais ces qualités ne suffisent pas à placer ce film parmi les muets "de référence" dans la filmographie de la Divine. En effet, le film aussi beau soit-il ne peut masquer la faiblesse du scénario et surtout il ne peut faire face aux différentes baisses de rythme qui le ponctuent pendant ses 100 minutes. Difficile de croire que le personnage de John Sterling est à ce point-là si indifférent au charme de sa jeune et séduisante femme, de ne pas trouver le film trop long - la séquence de danses aurait pu être raccourcie - et de ne pas faire la comparaison avec les autres films (muets ou non) de Garbo reposant sur une trame similaire - Inspiration, Romance ou The Painted Veil qui offre beaucoup de points communs avec ce film muet - Comme le dit Music Man dans le message précédent, on s'interesse beaucoup plus à la forme (beauté de Garbo, tenues d'Adrian, superbe photo de Daniels) qu'au fond (habituelle histoire d'amour entre 3 personnages). En plus de cela, le fait que ce film muet soit richement sonorisé (bruit de foule, cris durant la danse Javanaise, chansons, rugissements du tigre faits à la bouche :uhuh: ) catalyse encore plus ce contraste.
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Le film suivant de Garbo, The single standard (tourné entre avril et mai 1929 et seul film avec Two-Faced Woman qui ne soit pas mis en photo par William Daniels), reprend les ingrédients de ce film tout en corrigeant un peu les défauts - longueur de 73 minutes seulement et une histoire plus "intéressante" à suivre - et s'avère être le meilleur film du couple Garbo/Asther.
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Ann Harding
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Re: Nils Asther (1897-1981)

Message par Ann Harding »

Voilà deux chroniques de films avec Nils Asther que je rapatrie ici. :wink:

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Letty Lynton (Captive, 1932) de Clarence Brown avec Joan Crawford, Robert Montgomery, Nils Asther, Lewis Stone et May Robson

Letty (J. Crawford), une riche héritière, mène une vie débridée en Amérique du Sud depuis plusieurs mois. Elle voudrait échapper à son amant Emile Renaul (N. Asther) dont elle a peur. Elle réussit à prendre le bateau pour rentrer en Amérique. A bord, elle rencontre Jerry Darrow (R. Montgomery) dont elle tombe amoureuse...

Ce film de Clarence Brown est célèbre à cause de son contenu - hautement immoral - ainsi qu'à cause du procès pour plagiat du scénario. Ce procès a malheureusement eu pour effet de rendre le film quasiment invisible jusqu'à ce jour. Il n'a jamais été diffusé en VHS, ni en DVD, et il ne passe plus à la télévision. Heureusement, il reste quelques copies (de qualité très médiocre) qui circulent et permettent de voir ce film 'maudit'. Le scénario est basé sur un roman de Marie Belloc Lowndes, l'auteur de The Lodger, inspiré par un cas d'empoisenement célèbre, 'The Edinburgh Case' dont David Lean fera plus tard également un film, intitulé Madeleine (1950). Malheureusement, à cause d'une autre pièce de théâtre intitulée Dishonored Lady d'Edward Sheldon, qui racontait la même histoire, on attaqua le studio MGM pour plagiat. Après de longs développements judiciaires, la MGM craignit que tous les profits du film ($600.000) ne passent entre les mains des plaignants. Mais, en appel, seule une porportion des profits (égale à la portion du texte plagié) devait être payée. Néanmoins, depuis ce temps, la MGM ne sort plus le film. Ce procès assez rocambolesque serait suffisant pour rendre le film célèbre. Mais, en fait, le contenu même du scénario est de la dynamite. Joan Crawford y est une riche héritière à la vie sexuelle débridée en compagnie d'un individu louche (le suédois Nils Asther) qu'elle n'aime pas. L'ayant quitté subrepticement, elle tombe dans les bras du gendre parfait, en la personne de Robert Montgomery. Hélas, son ex-amant est déjà arrivé à New York et menace d'exposer son passé. Joan pense au suicide et emporte du poison pour une dernière confrontation avec Nils. Il la frappe et la bat. Mais, c'est lui qui boit le champagne empoisonné. Elle l'insulte en le traitant de 'Mongrel' (bâtard) alors qu'il meurt. Joan devient une meutrière au sang froid parfait qui efface les traces de son passage. Et elle observe même le serveur qui entre dans la pièce et boit du champagne dans le verre empoisonné sans même lever un sourcil. C'est le final du film qui est totalement détonnant. Letty est convoquée chez le juge d'instruction (L. Stone) à la suite du meurtre. Mais, elle en sort libre et sans procès aprés avoir reçu le soutien de son fiancé (Montgomery), de sa mère et de sa bonne ! C'est probablement un des seuls films jamais produit à Hollywood où une meurtrière échappe à toutes sanctions grâce à ses mensonges et à ceux des siens. Elle vivra donc heureuse après avoir éliminé un amant gênant. Rien que pour cela, l'exploitation d'un tel film devenait impossible après l'adoption du Production Code au milieu de 1934. Le film fut en tous cas un gros succès (sauf en Grande-Bretagne où il fut interdit). La robe en organdi blanc, signée Adrian, que porte Joan Crawford (voir ci-dessus) fut copiée et vendue par le grand magasin Macy's de New York à plus de 50.000 exemplaires. D'ailleurs, Joan porte dans le film des vêtements parfaitement en phase avec son héroïne comme un manteau au large col de fourrure qui la fait presque disparaitre. Il m'est difficile de parler de la cinématographie du film (signée du talentueux Oliver T. Marsh) car la copie que j'ai vue est trop mauvaise. Mais, il ne fait aucun doute que ce mélo est très bien dirigé par Clarence Brown. Il trouve toujours l'angle qu'il faut pour suggérer les rapports entre les personnages. Quand Joan rentre à la maison et arrive en haut d'un immense escalier, nous découvrons sa mère - qui la déteste - par une porte ouverte, une belle utilisation de la profondeur de champ. Espérons que ce film de Clarence Brown redeviendra visible, comme le sera bientôt Night Flight (1933).

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The Right to Romance (1933, Alfred Santell) avec Ann Harding, Robert Young et Nils Asther

Peggy Simmons (A. Harding) est une chirurgienne esthétique renommée et surmenée. Elle décide de partir en vacances en Californie. Elle y rencontre un play-boy, Bobby Preble (R. Young) qui ne pense qu'à faire la fête...

Les 'vehicles' pour les stars féminines des années 30 en disent plus long qu'il n'y parait sur la sociologie des années 30. Certes, on leur offre des rôles de femmes actives qui occupent des métiers parfois masculins comme Ruth Chatterton en femme d'affaires dans Female (1933, M. Curtiz) ou Irene Dunne en directrice de prison dans Ann Vickers (1933, J. Cromwell). Mais, généralement, elles rentrent dans le 'droit chemin' à la dernière bobine, en se mariant et en retournant au foyer. Ici, Ann Harding n'échappe pas à la règle. Elle interprète, avec son talent habituel, une chirurgienne qui aspire à la 'romance'. Elle est fatiguée de n'être considérée que comme un docteur et pas comme une femme. Abandonant la casaque de chirurgien parfumée à l'éther, elle part en robe de mousseline vaporeuse pour la Californie ensoleillée. Elle va tomber sur un prétendant qui est son antithèse absolu. Robert Young, encore tout jeunôt, lui fait une cour empressée bien qu'ils n'aient pratiquement rien en commun. Le mariage se révèle être un échec très rapidement : les différences d'âge, de métier et dans leurs relations sont trops grandes. Elle retourne alors vers son métier où elle réalise enfin que le partenaiare idéal était là, en la personne de son collègue biologiste, joué par le suédois Nils Asther. La trame de ce film est assez faible et convenue. Mais, ce qui le rend intéressant, c'est la performance d'Ann qui donne un merveilleux naturel et une grande spontanéité à son personnage. Elle ne cherche pas à surjouer ; elle nous offre simplement le portrait d'une femme simple, volontaire et généreuse. La photo est signée du français Lucien Andriot qui lui offre des gros-plans sublimes. Alfred Santell dirige tout cela avec compétance à défaut de génie. Un bon petit mélo grâce aux acteurs.
feb
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Re: Nils Asther (1897-1981)

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Merci Ann, voilà 2 films que j'aimerais réellement découvrir :) ...surtout le 1er quand je vois le casting : Crawford, Montgomery, Asther, Stone et Clarence Brown derrière la caméra :roll:
feb
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Re: Nils Asther (1897-1981)

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The Single Standard - John S. Robertson (1929)
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Arden Stuart (Greta Garbo) est une jeune des années 20 qui croit au principe du "single standard" : équité et liberté doivent être applicables aux hommes comme aux femmes dans leurs relations. La jeune femme ne s'attache à aucun homme alors que ceux-ci, souvent mariés, tentent de la séduire mais sans succès. Un soir elle fait la rencontre de Packy Cannon (Nils Asther), un séduisant ex-boxeur devenu peintre à ses heures perdues et qui aime partir vers les mers du Sud à bord de son bateau. La jeune femme tombe sous le charme de cet homme, part avec lui sur son bateau mais après quelques mois idylliques, le marin décide de la ramener vers la ville en lui expliquant qu'il souhaite être seul pour son prochain voyage. Le temps passe, Arden oublie petit à petit Packy en se mariant avec Tommy Hewlett (John Mack Brown) et en donnant naissance à son fils. Mais Packy recroise sa route et la jeune femme est prête à tout abandonner pour repartir avec lui...
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L'année 1929 est une année importante dans la carrière de Garbo, une année charnière qui doit lui permettre de rentrer dans le cinéma parlant en capitalisant sur le succès de sa carrière muette commencée fin 1925 à la MGM. 4 films de la Divine vont sortir durant cette année (Wild Orchids, A Woman of affair, The Single Standard, The Kiss), tous réalisés par des réalisateurs différents mais tous les 4 liés par un même point commun : Garbo. Les films de la fin de carrière muette de l'actrice sont marqués par une beauté plastique absolument remarquable - qui nous rappelle à quel point ce cinéma était avant tout un cinéma d'images et d'artistes talentueux - et le visage de Garbo n'est pas anodin à cela. Sans jeter aux oubliettes les 5 précédents films tournés par l'actrice pour la MGM (et les 2 tournés en Europe), il faut simplement mettre en avant le niveau d'excellence que le cinéma de la fin des années 20 a réussi à atteindre en termes de photographie, de production ou de mise en scène et que l'on peut retrouver dans des films comme The Single Standard. Après un tournage de Wild Orchids marqué par la mort de Mauritz Stiller qui, tel Von Sternberg avec Marlene Dietrich, a façonné le personnage de Garbo, l'actrice entame en mars 1929 le tournage de son avant-dernier film muet après une fin d'année passée en Suède. Elle retrouve de nouveau l'acteur suédois Nils Asther, la MGM souhaitant profiter de la réussite du précédent film où le couple suédois s'était entendu à merveille, pour leur seconde et dernière collaboration sous la direction de John Stuart Robertson dont c'est l'unique film avec Garbo.
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Le films de Robertson se découpe en 2 parties qui ne sont pas du tout symétriques mais qui se distinguent simplement par le changement de comportement, de caractère du personnage principal. La première partie repose sur une introduction du personnage de Arden Stuart et sur sa rencontre avec Packy Cannon quand la seconde, plus courte, est liée à sa seconde vie avec Tommy et au choix final entre ces 2 vies que va devoir faire le personnage. Le passage entre ces 2 chapitres repose sur un élément "marquant" et chacune de ces 2 parties est l'occasion de découvrir un personnage de Arden Stuart différent - et par conséquent une facette de Garbo elle-aussi différente -.
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A noter l'apparition, dans un de ses tous premiers rôles, d'un jeune Joel McCrea (à droite sur la capture 4)
Le film démarre sur une présentation de ce que représente le "double standard" aux yeux du personnage de Arden avec ces hommes mariés qui rentrent de soirée accompagnées de "flappers" mais qu'ils abandonnent dans la voiture pour retourner voir leurs femmes qui les attendent bien sagement. Arden refuse cette idée de la relation homme/femme où le mari profite de la vie au détriment de son épouse, elle souhaite vivre en rapport avec le "single standard" où les 2 parties peuvent jouir de leur vie en totale égalité et liberté. Arden est en quelque sorte l'archétype de la femme libérée, celle qui ne se lie à aucun homme et qui peut partir pour une nuit avec un inconnu car elle se considère égale de l'homme. Dans cette première partie Robertson décrit parfaitement cet état d'esprit avec un personnage féminin qui se moque de ce qu'elle vient de voir, qui repousse un de ces 3 hommes et fait comprendre à Tommy qu'elle ne veut pas se marier avec lui malgré son insistance. Une fois ces hommes repoussés, Arden redevient leur égal en appelant le chauffeur pour lui proposer une virée nocturne au clair de lune.
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Renvoyé par le propriétaire des lieux à cause de cette escapade amoureuse, le chauffeur préfère se suicider en jetant sa voiture contre un mur, laissant la jeune femme dans l'incompréhension et permettant à Robertson d'introduire la rencontre entre Arden et Packy. Le personnage interprété par Nils Ashter va être décrit comme le pendant masculin de la jeune femme, à savoir un homme indépendant, qui n'est attaché à personne et qui se sent libre de partir vers des horizons lointains à bord de son bateau.
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Ce n'est pas le hasard qui les fait se rencontrer mais un simple signe du destin car elle se retrouve dans la galerie d'art de Packy en essayant d'échapper à un homme qui tentait de la séduire. - avec un petit clin d'oeil à la phrase magique de Garbo -. En croisant le regard de Packy, Arden trouve en lui un idéal masculin, un homme qui répond à ce qu'elle désire le plus à savoir le "single standard". De son coté, le navigateur/peintre/ex-boxeur voit en elle, une jeune femme libre, désintéressée de toutes considérations financières ou matérielles, différente de toutes celles qui l'entourent quotidiennement.
John S. Robertson nous décrit très simplement cet amour naissant en jouant sur les regards échangés, sur l'éclairage de la pièce - une lumière éteinte plonge légèrement Packy dans le noir alors qu'Arden est elle éclairée par une source extérieure comme pour faire oublier la pièce et mettre uniquement en valeur la jeune femme - ou en resserrant petit à petit son cadre comme pour montrer le rapprochement entre les 2 personnages - d'abord distante la jeune femme se laisse approcher, puis se laisse porter dans le taxi et enfin cède au baiser du jeune homme -.
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Invitée à bord de son bateau le lendemain matin pour prendre le petit-déjeuner, Arden va succomber définitivement au charme de Packy et à son envie de liberté en choisissant de rester à bord lorsque le capitaine leur annonce qu'il est l'heure de larguer les amarres. A partir de ce moment là, le film bascule en une description, dans ce qu'elle a de plus simple, de l'amour qui lie ces 2 jeunes gens : la croisière vers les mers du Sud est l'occasion pour chacun d'eux de se libérer, de tout oublier et de se recentrer uniquement sur l'amour. La photo de Oliver T. Marsh est superbe et le terme lumineux prend ici tout son sens : baignant littéralement dans une lumière naturelle sur le pont du bateau, Arden et Packy semblent coupés du monde et laissent les jours et les semaines s'égrainer.
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Mais cette harmonie est brisée lorsque Packy lui annonce qu'il souhaite retourner sur la terre ferme et mettre un terme à cette union prétextant qu'il a lui aussi besoin d'être seul pour travailler et qu'il souhaite garder une trace de ce moment si parfait. La jeune femme se retrouve déboussolée par cette annonce, assimilable à une trahison, puisqu'elle perd d'un coup tout ce qu'elle avait attendu et espéré depuis très longtemps et cette nouvelle liberté n'a plus la même saveur que celle qu'elle avait l'habitude de gouter auparavant.
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La jeune femme retrouve une vie qu'elle avait délaissée en prenant place sur le bateau de Packy - le bien nommé "All Alone" - mais avec un tout autre regard sur les hommes, puisqu'elle cède à la demande en mariage de Tommy et tourne le dos à ses principes fondamentaux. Par cette union, elle perd en liberté ce qu'elle gagne en stabilité et surtout elle devient mère ce qui a pour incidence de créer un lien très fort entre eux car, dorénavant, Arden est attachée à Tommy de par son fils. La rupture entre Arden et Packy marque également la fin de la première partie, celle de la jeune femme libre, et bascule le film dans la seconde partie où Arden/Garbo devient mère avant de devoir de nouveau croiser la route de Packy. Comme dans Love, les scènes où Garbo partagent l'écran avec son fils sont d'une grande beauté et d'un tel naturel que ses scènes donnent l'impression que l'actrice joue avec son propre fils.
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Et comme dans Love, son personnage se retrouve coincé entre l'amour porté à son fils et son choix entre son mari et son amant, chacun d'eux représentant un idéal de vie en totale opposition. Arden se retrouve à nouveau perdue, tiraillée entre ces 2 vies : cette rupture si douloureuse avec Packy la force à rester auprès de son mari et de son enfant mais son envie de liberté toujours présente la force à repartir avec lui laissant derrière elle son fils et son mari.
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Ainsi les 10 dernière minutes du film sont centrées sur ce choix que va devoir faire Arden mais également sur la réaction de son mari : alors que la jeune femme semble attirée par ce bateau si proche de la maison et si prête à tout quitter pour repartir avec son amant, Tommy menace Packy de ne pas partir avec sa femme mais de lui laisser le temps de "préparer" un suicide qui permettrait à Arden d'être libre et de vivre cette vie qu'elle a choisie sans salir la réputation de sa famille.
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Mais nous sommes en 1929 et il est de bon ton de ne pas choquer la morale en laissant la femme repartir avec son amant au détriment de sa famille et c'est tout naturellement, en revenant chez elle et en allant embrasser son fils endormi, que le personnage d'Arden va prendre conscience de l'erreur qu'elle est en train de commettre. Elle décide alors de revenir dire à Packy qu'elle souhaite vivre normalement avec son mari et son fils et qu'elle désire le voir grandir sans qu'il ne soit l'objet de toutes les critiques comme ce fut le cas pour elle à son retour. Elle quitte le bateau, sous les yeux de son mari, laissant derrière elle ce qu'elle souhaitait vivre au début du film mais qu'elle refuse maintenant.
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La scène finale montre un couple enfin uni, Packy n'est plus qu'un lointain souvenir - on voit simplement son bateau reprendre la mer - et Arden prend à bras le corps son rôle de mère et de femme mariée.
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The Single Standard est un très beau muet de la carrière de Garbo, où le rôle de l'actrice importe plus que ses qualités cinématographiques. Si ces dernières sont tout ce qu'il y a de plus honnêtes - une très belle photo signée Oliver T. Marsh qui se montre à la hauteur du travail de William H. Daniels sur les précédents muets, de très belles tenues signées Adrian mettant superbement en valeur Garbo, de très beaux décors art-déco signés Cedric Gibbons et une mise en scène de Robertson sans fioriture même si on est un peu loin du superbe travail de réalisateurs comme Goulding, Mamoulian ou même de Brown - le film vaut avant tout, et surtout, pour le rôle de Garbo. Loin des habituels rôles de tentatrices qu'elle a tenus sur les films précédents, son rôle de Arden Stuart lui permet de se fondre dans la peau d'un personnage 100% américain, ce qui n'avait jamais été le cas auparavant, imposant un peu plus son empreinte dans le studio MGM en tant que superstar mais lui permettant également de prouver qu'elle était capable de jouer autre chose. Si Woman of affairs avait ouvert la voie d'un personnage plus femme que tentatrice et plus humaine, The Single Standard impose un peu plus ce type de personnage qui tranche avec le reste de la filmo muette de l'actrice. Et une fois encore Garbo est rayonnante dans ce film de Robertson surtout qu'elle eclipse sans grande difficulté un casting assez léger - Nils Ashter, très sobre, campe un personnage qui manque de profondeur et qui aurait gagné à être un peu plus développé et John Mack Brown, qui se montre sensible et touchant dans son rôle, aurait profité d'un temps de présence un peu plus élevé - et que Robertson n'est pas avare en close-up. En fait The Single Standard profite énormément de son époque de tournage - fin des films muets avec une qualité technique qui n'est plus à prouver - et de sa durée de 70 minutes seulement - rythme suffisant pour ne pas décrocher - ce qui en fait un film particulier dans la filmographie pré-Anna Christie de Garbo car il se retrouve coincé entre un très bon Clarence Brown, A Woman of Affairs et un petit bijou de maitrise technique signé Jacques Feyder, The Kiss, et qu'il doit également être mis en concurrence avec l'autre film du duo Garbo/Asther réalisé par Sydney Franklin, Wild Orchids, tout aussi beau mais souffrant lui aussi d'un scénario convenu et assez léger. Le film de Robertson, très peu diffusé et souvent oublié par les critiques lorsqu'ils évoquent la carrière de l'actrice, est un film à remettre en avant car il est tout aussi important que les 3 films cités précédemment car on y voit une Garbo dans un rôle plus naturel et plus humain, parce que sa réalisation se montre agréable - même si elle n'atteint pas les sommets atteints par Jacques Feyder dans le film suivant - et enfin, même si c'est plus un avis personnel mais chez moi il prend une importance toute particulière :mrgreen: , parce que Greta Garbo y est divinement belle et c'est loin d'être négligeable...
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