King Hu (1931-1997)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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shubby
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Re: King Hu (1931–1997)

Message par shubby »

k-chan a écrit :
Shin Cyberlapinou a écrit :http://www.easternkicks.com/news/king-h ... th-america

Belle surprise, le film (que je n'ai pas vu) est souvent oublié dans la filmo de Hu et a été suivi de 10 ans d'inactivité (et j'imagine pas mal de projets avortés) pour son auteur... Maintenant il nous faut Raining in the mountain!
C'est une fabuleuse nouvelle. Ce film a été un choc dans ma petite vie de cinéphile. Ce n'est probablement pas son film le plus aboutit, je l'ai d'ailleurs vu dans une version tronquée qui laisse de sacrés zones d'ombre dans l'intrigue (ce qui n'est pas forcément pour me déplaire), et Bruce Randylan qui lui a vu la version intégrale (je crois qu'il dépasse les 3h) avait trouvé des choses à redire aussi, mais il faisait un constat similaire, du genre : "imparfait, mais sublime".
Ce film distille une ambiance totalement unique, qui m'avait envouté comme jamais un film ne l'a fait. Après c'est un ressentit très personnel. Je l'ai revu 4 fois, toujours avec le même bonheur.
On sent énormément l'influence qu'a pu avoir ce film sur certains films de Tsui Hark.

Voici une petite vidéo que j'avais bricolé il y a un moment (sur laquelle j'ai justement utilisé une musique de Green Snake) :

Très belle vidéo, merci. Le score de Green Snake est une merveille.
La Rédac
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Re: King Hu (1931–1997)

Message par La Rédac »

Chronique de Legend of the Mountain à l'occasion de la sortie du Blu-Ray Carlotta.
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Wuwei
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Re: King Hu (1931–1997)

Message par Wuwei »

Ne connaissant pas grand-chose au genre (à part quelques emprunts à un vidéo club quand j’étais jeune, j’ai surtout vu des HK vidéo en K7 au moment de leur sortie) je me suis laissé porter par les critiques du site et j’ai acquis le coffret regroupant Dragon Inn, A touch of Zen et un documentaire sur King Hu, ainsi que La légende de la montagne (quitte à ne pas faire dans la demi-mesure).
J’ai commencé par Dragon Inn… et si je regrette de ne pas avoir l’Hirondelle d’or sous la main, j’ai déjà hâte de voir A touch of zen et la légende de la montagne tant j’ai aimé Dragon Inn.
Autant j’ai vu Dragon Gate l’auberge du dragon volant de Tsui Hark (ainsi que 8 salopards de tarantino) autant cela m’a également donné envie de voir l’auberge du dragon (co-réalisé par le même tsui hark qui décidément me poursuit depuis des années), ce qui m’a permis d’avoir quelques « bases », autant l’introduction de Rissient m’a vraiment permis de me préparer à ce que j’allais voir (enfin un peu plus).
Je ne m’attendais pas à autant de Leone dans l’approche esthétique (la composition de certains plans, la gestion de la tension, la musique et son utilisation) mais cela ne m’a pas dérangé car il s’agit plus d’un « esprit » sans que cela aille jusqu’au plagiat. J’avais un peu peur de trouver les combats datés mais si la performance martial des acteurs n’est pas ce qui se fait de mieux, ce souci passe rapidement à la trappe quand on voit la maestria avec laquelle le réalisateur parvient à diversifier les points de vue sur les combats. On passe de plans séquences assez longs avec d’amples mouvements de caméra, à des plans statiques qui permettent de jauger l’espace, à une succession de plans rapides, tout est toujours au service d’une clarté de l’action et c’est un vrai bonheur à suivre.
Si les scènes dans l’auberge sont saisissantes, je retiens les changements de ton (il y a même des gags sur les morts qui ne tombent pas assez vite, ce qui peut surprendre), le choix des décors naturels sublimés par un sens de l’image assez dingue (la gorge qu’emprunte les méchants au début, le paysage rocailleux et horizontal ou trône l’auberge, le lever de soleil soudain qui «allume » véritablement la scène…) qui donne une ampleur singulière au récit. Ampleur que vient renforcer un combat final aussi dantesque qu’original. Dans de nombreux nanars (ou mauvais films) les incohérences spatiales rendent souvent les scènes, si ce n’est le film, ridicules, alors que là on plonge dans un univers « autre ». Ce choix accompagne un renversement des valeurs brutal, puisque nous assistons à un combat déloyal entre un méchant (malade mais supérieur aux gentils) et plusieurs méchants (4 au début et jusqu’à 5 à la fin). Sans faire de lui une victime cette situation (ainsi que les blagues sur les eunuques) nous invite à entrer en empathie avec lui ce qui redouble la tension générée par l’action (sans compter que le look de ce personnage est marquant).
J’ai bien conscience d’enfoncer des portes (d’auberge) grandes ouvertes, de ne pas être très original et de passer après un bon nombres d’avis convergents mais ce fut deux heures de découvertes et de plaisir !
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shubby
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Re: King Hu (1931-1997)

Message par shubby »

L'auberge du Dragon version Tsui est l'un de mes wu-xia fétiches. Je l'ai, le King Hu, mais j'ai un blocage. Génération Brigitte & Maggie je suis (à peu près) & ça va être quasi impossible d'être objectif à la découverte de l'original. Faut que je, oui.
Beau billet, merci, ça fait tjrs du bien de lire ça :)
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Wuwei
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Re: King Hu (1931-1997)

Message par Wuwei »

Même sans Brigitte et Maggie, le Tsui Hark m’intéresse grandement.

Je viens de voir A touch of Zen (j’avais un peu – beaucoup – de temps et je n’ai pas pu résister), je pense regarder le dvd contenant un documentaire après La légende de la montagne (par peur qu’il évoque ce film)… et… que dire ?

Dragon Inn m’a vraiment retourné, au point que si je n’avais pas eu A touch of zen sous la main je l’aurais sans doute regardé une deuxième fois. Ce n'est pas un film pour moi mais j’ai trouvé le mélange de ton vraiment captivant et surtout aussi sérieux que décomplexé.

Me voilà donc parti pour un Wuxia de trois heures. Première surprise : pas de voix off explicative pour resituer le contexte. Deuxième surprise : le héros vit dans une petite bourgade, il est pauvre, lettré mais très intrigué par ce qui se trame autour de lui. Troisième surprise : le traitement policier puis carrément gothique.fantastique du début. Bien sûr, je suis heureux du déroulement de l’histoire, des combats, des rebondissements, des plans, de la fin… mais à partir de la scène musicale, j’avais complètement oublié qu’il s’agissait d’un film de sabre, Hu aurait pu continuer à filmer ces personnages, leur quotidien autour du mystère de fort hanté que j’aurais été tout aussi heureux. je ne m'étonnais même plus d'être surpris ou comblé.

Tout le passage mystérieux m’a embarqué, la gestion de la lumière, les herbes folles, la façon de filmer les ruines jusqu’à ce climax qu’est la « parade » amoureuse de l’héroïne [d’ailleurs, ce qu’elle chante doit être une thématique chinoise, je n’ai pas la culture nécessaire pour en être certain – et je m’en veux – mais dans the little fete de Vangelis, les paroles sont en anglais mais il me semble que c’est une traduction du chinois et là aussi ça parle de « nous étions trois en comptant la lune et mon ombre »].

Si Dragon Inn faisait une place importante à la nature, cette place est désormais prépondérante. La mare avec les fleurs de lotus à l’aube, la lumière rasante, la brume omniprésente, la forêt de bambou, lé végétation qui envahit les ruines… on dépasse le simple cadre, le simple motif naturaliste (et nous sommes loin, très loin de « l’écrin prétexte » pour esthétisme en mal de contenu) pour à la fois accompagner les états d’âmes des personnages mais également pour proposer des expérimentations au spectateur (bien sûr la fin est le passage le plus éloquent mais le « cache-cache » dans les rochers et d’autres moments sont tout aussi significatifs). Du coup, j’étais ravi de lire « L’important pour lui est plus de ressentir le mouvement que de le voir dans son entier, cette approche artisanale comportant bien plus de poésie que les tentatives numériques de ses "successeurs" (si ce n’est Tsui Hark qui même en CGI ne se déleste jamais de son côté foutraque et bricolé) comme Zhang Yimou qui fait basculer la magie de King Hu dans un rococo artificiel et malvenu sur ses films Hero (2002) et Le Secret des poignards volants (2004). » dans l’avis disponible sur le site parce que c’est exactement ce que j’ai ressenti au visionnage.

Autre point fort : le casting. L’idée de « prendre les mêmes et on recommence, mais pas forcément dans le même ordre » me plaît énormément (ça doit venir du fait que j’ai regardé pas mal de Johnnie To ces derniers mois) je trouve que ça permet de s’attacher aux acteurs, à leurs palettes émotionnelles et d’explorer la richesse du genre. Et puis quel délice de retrouver Roy Chiao et Sammo Hung (merci wikipedia de m’avoir enlevé ce doute) en plus d’une bonne partie du casting de Dragon Inn.

Une narration aux petits ognons qui traite chacun des moments forts avec une dynamique et une esthétique propre (il n’y a pas juste une « longue mise en place » cette dernière a droit à un traitement particulier de même que la scène du massacre de nuit que vient clore ce moment génial où le héros ne cesse de rire en revoyant ses stratagèmes, jusqu’à mettre le spectateur mal à l’aise pour finalement se rendre compte de quoi il est responsable). Cette approche permet à Hu de donner la pleine mesure de son style, des mouvements amples, une clarté de l’action, des plans rapprochés, un montage parfois cut et.ou déroutant et un goût prononcé pour l’expérimentation.
Spoiler (cliquez pour afficher)
Le film pourrait s’arrêter après le massacre dans le fort, le méchant est vaincu, ils vécurent heureux : fin. De fait la « quête » de Gu pour retrouver sa bien-aimée est étrange, c’est beau mais je ne pouvais m’empêcher de me dire « il ne reste pas assez de temps, à quoi cela va-t-il servir ? ». l’arrivée du bébé et des vœux m’ont surpris, l’arrivée du « grand méchant » est étrange et motivée par rien mais on s’en fiche parce que le film a décidé de définitivement basculer dans le mystique avant de livrer un final psychédélique.

Ce choix a balayé tous mes doutes et alors que je craignais une fin trop longue venant gâcher mon plaisir… j’en ai eu pour mes préjugés.

en même temps avec son féminisme qui refuse l'ostentation (l'héroïne prend des décisions radicales sans en faire des tartines, elle est douée mais à dû s'entrainer, elle n'est ni invincible ni soudainement "jeune fille en détresse" pour laisser la place au héros, etc), son héros rusé qui ne se bat pas, la mère autoritaire castratrice mais pas uniquement... le film propose des variations intéressantes sur des figures mille fois répétées dans les œuvres populaires et c'est sans doute ce qui fait que cela fonctionne parfaitement (un cadre et des ressorts connus) sans être une production anonyme (un traitement personnel).

Je ne sais pas si La légende de la montagne serait « meilleur » ou différent mais il va être difficile de dépasser ce A touch of zen !
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Wuwei
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Re: King Hu (1931-1997)

Message par Wuwei »

Bon….

J’ai dégagé du temps… pas 3h12… mais plutôt 4h30 pour regarder la légende de la montagne, les suppléments et le dvd docu du coffret.

Peut-être parce qu’il devait « cacher » que les décors étaient également utilisés pour Raining in the Mountain en utilisant de la carbo à outrance (si vous n’aimez pas la fumée, passez votre chemin), peut-être parce que c’est sa femme (maître de conférence à Harvard en littérature chinoise) qui a écrit le scénario en se basant sur une histoire de fantôme de l’époque des Songs (merci les suppléments pour toutes ces infos), peut-être aussi qu’il a voulu faire un peu plus parler sa fibre picturale… toujours est-il que Hu me paraît plus « sage » sur ce film.

Si la caméra a toujours une place centrale, les personnages m’ont paru tenir une place plus importante qu’à l’accoutumée (enfin… que dans les deux autres films ^^). Si tous n’en restent pas moins caractérisés (le serviteur horrible, « l’oncle » trop gentil, la belle-mère envahissante et comique, la méchante, la gentille, etc) il n’en reste pas moins que la duplicité qui entoure leur relation est présente dans une bonne partie du métrage. Ainsi, il est difficile de dire quel élément lie tel personnage aux autres, qui joue un double rôle et dans quel but. C’est un jeu de dupe, car le spectateur sait bien de quoi il retourne mais le fantastique fonctionne sur ce type de levier car au fond on prend plaisir à l’illusion, au trouble et à se retrouver dans un monde entre rêve et réalité.

La structure narrative, avec ses songes ou enivrements, sa rivière que l’on traverse, son auberge (encore), son « château », sa magie et ses épreuves initiatiques rappelle des lieux communs que l’on retrouve dans des productions orales (ou chez Chrétien de troyes par exemple). Ce qui fait ici la force de ces choix c’est le traitement esthétique de Hu, encore une fois il utilise la lumière, la nature pour exprimer les émotions des uns et des autres dans un mélange d’images parfois saisissantes. Si les combats de magie peuvent être perçus comme les remplaçants des joutes à l’épée, la tension et le résolution se jouent ici sur une autre dimension. Une dimension souvent musicale, en effet la magie passe par l’usage de tambourin ou de cymbales, ce qui donne lieu à des scènes de transes, parfois frénétiques, parfois expérimentales et à une utilisation différente de l’espace ( alors là c’est complétement subjectif mais j’ai trouvé les transitions entre les intérieurs et les extérieures moins brutale. Le décorum de la table d’écriture du héros pouvant rappeler la précision de l’étant au lotus par exemple. Une interpénétration que l’on retrouve via les scènes « d’écrans bouddhistes » où les souvenirs sont projetés comme au cinéma ou encore dans les scènes (superbe) qui mettent en image la musique que l’on entend [j’espère que la bo est sortie, ça m’a donnait envie de réécouter de la flute]).
Si je suis moins époustouflé que par A touch of zen, cette Légende de la montagne prolonge une facette inattendue (pour moi) de Hu, ce qui ouvre des perspectives nouvelles à l’expérience cinématographique que son cinéma propose.
J’ai trouvé le documentaire sur le réalisateur intéressant, un autre plus didactique serait le bienvenu mais faire intervenir ces personnes permet de mieux cerner le personnage. En revanche, le supplément Monstre sacré du cinéma présent sur le BR de La légende de la montagne m’a laissé sur ma faim, l’avis sur le site donne les infos essentielles pour le reste il s’agit essentiellement de l’histoire (mal racontée, forcément en 20min) du film, je n’ai trouvé que peu d’intérêt à ces propos, surtout comparé à l’autre supplément bien plus captivant.

Il y aurait beaucoup à dire sur ce film (ces films) mais d'une part j'ai toujours l'impression d'enfoncer des portes ouvertes et d'avoir trop peu de culture sur le sujet, d'autre part plusieurs visionnages vont être nécessaires (et je savoure ce plaisir à l'avance)
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