Tony Richardson (1928-1991)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Profondo Rosso
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Re: Tony Richardson (1928-1991)

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Look back in anger (1958)

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Jimmy a épousé Allison contre la volonté de ses parents. Le jeune couple mène une existence précaire dans une petite ville du nord de l'Angleterre, en compagnie de Cliff. Les deux hommes sont des marchands ambulants, passionnés de jazz. Jimmy est un éternel insatisfait et ses accès de tendresse alternent avec des scènes violentes. Il reproche à Allison sa passivité. La jeune femme n'ose lui avouer qu'elle attend un enfant...

Look back in anger peut en quelque sorte être considéré comme le film fondateur du Free Cinema britannique. Le mouvement naît de la rencontre de Tony Richardson et Karel Reisz au sein de la revue Sequence les deux jeunes hommes partagent une même volonté de bousculer le cinéma anglais trop traditionnel. Plus tard rejoint par Lindsay Anderson, ils fondent donc le Free Cinema en 1955 et l'un de leurs premiers travaux sera le court-métrage documentaire Momma Don't Allow sur les clubs de jazz du nord londonien. En attendant d'avoir sa chance au cinéma, Tony Richardson intègre le Royal Court Theatre de Londres où il popularisera l'œuvre du dramaturge John Osborne en mettant en scène Look back in anger. John Osborne peut être considéré avec notamment Alan Sillitoe comme un des pères littéraire du Free Cinema, élevant la figure contestataire du angry young man dans le paysage anglais. Lorsque la J. Arthur Rank achète les droits de Look back in anger, la production capotera car John Osborne impose Tony Richardson à la réalisation malgré son inexpérience au cinéma car il estime qu'il est le seul à pouvoir la transposer fidèlement. Harry Saltzman tout aussi dubitatif sur les capacités de Richardson mais grand admirateur de la pièce accepte le deal et produira donc le film.

Look back in anger est donc un kitchen sink drama se nouant autour du couple tumultueux formé par Jimmy (Richard Burton qui a accepté de baisser ses émoluments hollywoodien pour le rôle) et Allison Potter (Mary Ure). Jimmy a arraché Allison d'un milieu nanti pour un modeste foyer conjugal dans un meublé et gagne sa vie en vendant des confiseries sur un marché. Jimmy nourrit à la fois un complexe, une insatisfaction et un doute perpétuel quant à cette union "illégitime" et la vie qu'il offre à son épouse. Dès lors toute allusion, souvenir des origines ou de la famille d'Allison est sources de rages intense et de crise de jalousie fiévreuse et infantile de la part de Jimmy. La tendresse et le désir ardent alternent ainsi avec cette furie et ce dès le début du film. Jimmy de retour d'un concert de jazz semble déjà comme exalté à la seule idée de retrouver sa femme qu'il dévorera ardemment des yeux avant de la réveiller tendrement pour une étreinte. Ce moment fusionnel vole pourtant en éclat au réveil quand il tombe sur une lettre d'Allison à sa mère, le foyer devenant un nœud de rancœurs que peine à calmer le meilleur ami et colocataire Cliff (Gary Raymond). A cette fureur perpétuelle de Jimmy répond une soumission et apathie constante d'Allison qui ne fera qu'envenimer la situation. Cela laisse en effet croire à une résignation qui ne fait que renforcer le doute de son époux. Tony Richardson instaure une atmosphère d'une incroyable tension psychologique, porté par une prestation électrique de Richard Burton. La dimension sociale reste habilement sous-jacente, le verbe assez recherché de Burton jurant avec son métier modeste. On peut donc supposer une éducation supérieure (les autres protagonistes l'appelant constamment à changer de métier) mais dont les origines prolétaires empêche d'exploiter. C'est en partie une des raisons de la rage du personnage dont finalement le seul signe d'élévation sociale est cette épouse aristocrate qu'il a "kidnappé".

La situation s'envenimera à la fois par la grossesse qu'Allison n'ose avouer à son tempétueux mari, mais aussi par la présence de la meilleure amie Helena (Claire Bloom qui retrouve Richard Burton après Alexandre le Grand (1956) et avant L'Espion qui venait du froid (1965) actrice dont la prestance et diction bourgeoise ravive les complexes de Jimmy. Tony Richardson parvient bien à dynamiser la structure théâtrale en se reposant sur la présence animale et imprévisible de Richard Burton dans toutes les scènes d'appartement. Hargneux, aimant et toujours inconstant, Burton est étincelant en écorché vif ne sachant pas où il va. On saisit bien que toute cette haine qu'il dégage se dirige avant tout vers lui malgré ce qu'il fait subir à son épouse. Par de jolies trouvailles sur les jeux d'ombres, sur la manière de séparer les personnages dans ce décor unique (notamment lorsque Jimmy s'isole pour jouer de la trompette), Tony Richardson échappe à un côté trop figé malgré la dominance du dialogue. Mieux, il donne à voir pour le pire et le meilleur une photographie de l'Angleterre cosmopolite d'alors. Les clubs de jazz enfumés et à la festivité mixte et interraciale alterne ainsi avec le racisme ordinaire où un émigrant indien est rejeté et harcelé (Donald Pleasence détestable agent de contrôle tatillon) dans le marché où travaille Jimmy. Notre héros voit sa rébellion sans but tourner à vide faute de vrais antagoniste dans cette Angleterre endormie et nostalgique de son passé colonial évoqué avec le père de Allison. C'est donc très subtil, captivant et déroutant (le triangle amoureux inattendu) dans un récit où se disputent constamment la passion et la résignation, notamment dans un très beau final. Même si le film ne rencontrera pas forcément un grand succès, les graines du Free Cinema étaient plantées et annonçaient les chefs d'œuvre à venir. 4,5/6
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Thaddeus
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Re: Tony Richardson (1928-1991)

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Un goût de miel
Un véritable nid de pie sur la tête, le nez en pied de marmite et la bouche fendue jusqu’aux oreilles : voilà Jo, son quotidien précaire enchaîné au bas de l’échelle sociale. Elle s’éprend d’un marin noir qui l’engrosse avant de la quitter – premier contre-pied aux conventions. Elle se lie d’amitié avec un jeune homosexuel aussi paumé qu’elle – deuxième pied-de-nez. Richardson filme ses menus espoirs, ses élans de révolte et son inexorable résignation dans les rues ternes, au bord des canaux de Manchester, avec son atmosphère de suie, ses gamins crasseux et chantants, ses laissés-pour-compte animés d’un fatalisme tranquille. La chronique de la marge sociale a beau broyer du noir, elle évite tous les clichés mélodramatiques, et son ton enlevé, guilleret, jamais misérabiliste, délivre un charme constant. 4/6

La solitude du coureur de fond
Ce n’est pas ce film qui désamorcera certains clichés indécrottables du cinéma anglais. Car ici la banlieue londonienne est morose et étriquée, les classes populaires empêtrées dans la misère, le morne quotidien de la jeunesse à peine éclairé par les échappées du week-end à la plage, et la prison révélatrice d’un système hypocrite et aliénant – l’ordre, le travail, la routine. À mi-chemin du courant documentaire et de la contestation, Richardson bâtit un cinéma-vérité qui infiltre d’irrévérence le réalisme social, et fait l’éloge de la révolte individuelle en filmant l’honnêteté d’un garçon qui refuse de jouer le jeu de l’institution. Mais si la construction en flashbacks restitue habilement le fil de ses pensées et de son monologue intérieur, l’œuvre vaut surtout comme témoignage d’une époque. 4/6

Tom Jones
Dans l’Angleterre du XVIIIème siècle, les tribulations d’un jeune bâtard élevé comme un héritier nobiliaire, son goût des rixes et des jupons, ses aventures rocambolesques qui le mènent à la potence avant qu’un deus ex machina ironique ne dérègle la logique du récit picaresque. Richardson s’amuse à égratigner les bonnes mœurs, ne lésine pas sur la grivoiserie et le burlesque, développe une satire sociale écrite dans le sang à coup de hache. Fertile en gags visuels, la mise en scène rend compte d’un monde hypocrite où l’on ne cesse de se persécuter les uns les autres et où le plus honnête, sensé et naturel s’avère être le héros-titre, faux paillard et vrai romantique. Mais les deux heures sont bien longues, parfois plus fatigantes qu’amusantes, donnant le sentiment d’un surcharge à la limite de l’hystérie. 3/6

Mademoiselle
Un village de Corrèze où règnent le maire, le curé, les gendarmes et l’institutrice, mante perverse et impavide, âme aux mille désirs refoulés dans laquelle se tord un nœud de vipères. Parce qu’elle se languit pour le bûcheron italien dont le culte lui est refusé, elle déclenche les catastrophes par le feu, l’eau, le poison. Chaque fois qu’il lui offre le festival de son grand corps athlétique se démenant dans l’effort, la colère xénophobe des paysans s’enfle, entourant d’un véritable brasier de haine ce mâle à qui elle voudrait tant se donner. Sans toujours éviter les complexes montés au collier ni les symboles en solde, Richardson féconde ces fleurs vénéneuses et explore la face secrète de cette chatte sur le foin brûlant, le puits profond de sa conscience où grouillent et se tapissent les voluptés fétides du malheur. 4/6

La charge de la brigade légère
Loin de la version exaltée de Michael Curtiz, le cinéaste britannique s’éloigne de toute glorification et, conforme à sa personnalité sarcastique autant qu’à l’esprit de dénonciation critique qui anime son époque, apporte sa voix à la série de pamphlets antimilitaristes dont Les Sentiers de la Gloire est le jalon le plus définitif. Les manœuvres guerrières ne traduisent ici que pantalonnades d’officiers crétins et grotesques, querelles d’ego entre badernes irresponsables, confits de suffisance et de bêtise, à la solde d’un Empire victorien dont l’impérialisme est sévèrement embroché. Le réquisitoire n’hésite pas à flirter avec la satire, nourri par quelques épisodes animés assez cocasses d’ironie grinçante, et ne retient du conflit que la souffrance des hommes, le choléra, l’absence de logique et de responsabilité. 4/6

Police frontière
Étrangement un peu oublié, ce film tendu et nerveux s’inscrit pourtant assez brillamment à la fois dans la carrière de son auteur et dans la mouvance d’un certain cinéma réaliste et social issu du Nouvel Hollywood. Du décor quasi westernien de terre, de vieilles tôles, de barbelés et de carcasses de voitures à la photographie tamisée par la chaleur moite, du montage serré au dialogue ancré dans un quotidien oppressant, tous les éléments participent de la peinture sans manichéisme d’une situation complexe. La dénonciation de l’american way of life, de la corruption des services de police et de l’hypocrisie généralisée face au problème de l’immigration y trouve un atout décisif en l’immense Jack Nicholson, qui rappelle ici à quel point le spectacle d’un homme en quête de conscience morale peut émouvoir. 4/6


Mon top :

1. Police frontière (1982)
2. Un goût de miel (1961)
3. La charge de la brigade légère (1968)
4. Mademoiselle (1966)
5. La solitude du coureur de fond (1962)

Tony Richardson est peut-être le premier réalisateur à avoir préféré tourner dans des lieux réels plutôt que dans des studios, favorisé une forme spontanée réfutant le lissage romanesque, montré l’Angleterre comme elle est, de haut en bas. On peut lui préférer l’approche volontiers métaphorique d’un Lindsay Anderson, celle plus poétique d’un Karel Reisz, mais ce cinéma-là possède, indépendamment de son importance historique, bien des atouts.
Dernière modification par Thaddeus le 18 déc. 22, 12:57, modifié 2 fois.
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Re: Tony Richardson (1928-1991)

Message par Rick Blaine »

Thaddeus a écrit :
Tony Richardson est peut-être le premier réalisateur à avoir préféré tourner dans des lieux réels plutôt que dans des studios,
Le cinéma anglais est assez régulièrement sorti des studios, très tôt dans son histoire. Disons peut-être qu'il est l'un des premier à avoir entièrement tourné en décors réels. Et encore, je ne suis pas sur.
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Jeremy Fox
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Re: Tony Richardson (1928-1991)

Message par Jeremy Fox »

Solaris Distribution ressort un des films fondateurs du Free Cinema anglais avec La Solitude du coureur de fond. La News et la chronique signée Justin Kwedi.
A serious man
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Re: Tony Richardson (1928-1991)

Message par A serious man »

Thaddeus a écrit :
[La solitude du coureur de fond
Ce n’est pas ce film qui désamorcera certains clichés indécrottables du cinéma anglais. Car ici la banlieue londonienne est morose et étriquée, les classes populaires empêtrées dans la misère, le morne quotidien de la jeunesse à peine éclairé par les échappées du week-end à la plage, et la prison révélatrice d’un système hypocrite et aliénant – l’ordre, le travail, la routine.

Sauf que ces soit disant clichés témoignent bien d'une réalité de la société anglaise de l'époque et ils gardent une certaine actualité aujourd'hui (bien que les problèmes ne soient plus forcément les mêmes). Par ailleurs clichés indécrottables du cinéma anglais, c'est relativement discutable, le réalisme social et le documentaire sont certes une veine particulièrement féconde du cinéma et de la télévision britannique mais loin d'être la seule et je ne suis pas certain qu'elle soit majoritaire (mais comme elle est la plus prestigieuse en France, il y a comme une illusion d'optique...). Et puis de toute façon ce cinéma social des années 50-60 s'est principalement développé contre un cinéma anglais qui ne s’intéressait justement pas a la banlieue ou aux classes populaires, ou alors a travers des stéréotypes qui ont leur intérêt et leur richesse (les comédies ealing en témoigne) mais qui en venait a occulter complétement la réalité de leur expérience quotidienne au profit d'une vision assez fantasmatique (et souvent nostalgique) de la société anglaise, donc c'est un peu agaçant de voir parler de clichés a propos de La solitude du coureur de fond quand le film est au contraire novateur et très audacieux thématiquement (c'est un démontage en règle, encore plus incisif que le déjà très bon Samedi Soir Dimanche Matin de Karel Reisz, du consensus social sur lequel le Royaume Unis s'était construit après la guerre).

Le film est a mon avis un chef d’œuvre, le plus beau film de Richardson et le plus beau film de la British New Wave (j'aurais bien donné le titre a If.... mais le film est trop tardif pour entrer pleinement dans le mouvement). D'abord comme dans A Taste of Honney, Richardson retrouve (sous une forme un peu plus sage certes) la poésie parfois surréaliste (et le sens du collage) des courts métrages du Free Cinéma. La banlieue est morose et étriquée, mais Richardson et le grand Walter Lassally parviennent sans émousser leur réalisme a y saisir une sorte de beauté mélancolique (il y a une certaine poésie urbaine qui traverse tout ces films anglais), qu'accentue l'usage du flashback en lestant l'ensemble de la nostalgie du héros.

Le film n'est certes pas aussi audacieux formellement que les tentatives de la nouvelle vague française a la même époque, mais il reste pleinement de son temps, et le montage de la course finale qui joue aussi bien de l'espace et du temps se paye le luxe d'être virtuose et impressionnant sans être gratuit (et pour le coup la nouvelle vague ne peut pas toujours, souvent en fait, en dire autant) c'est aussi je pense ce qui reste, a quelques détails prêts, le plus prêt d'une transposition du monologue intérieur joycien au cinéma. Le relatif classicisme de cette première British New Wave est d'ailleurs une force aujourd'hui par rapport aux films du swinging london (plus libre sur la forme mais un peu creux et insignifiant et pour le coup difficilement détachable de leur époque) ou même que la nouvelle vague qui expérimentait dans tout les sens sans avoir toujours, une ligne directrice (pour un A bout de souffle et un 400 coups combien de films médiocres et oubliés sans parler des premiers Chabrol qui sont d'une ringardise...).
Et puis au delà du commentaire social, il y a tout une réflexion existentielle qui se dessine a travers l'expérience de ces jeunes paumés en colère contre l'autorité et les institutions. The loneliness of the long distance runner ressemble assez aux 400 coups et si j'aime beaucoup Truffaut, je suis finalement plus touché par Colin Smith, personnage plus âpre qu'Antoine Doinel mais aussi plus riche et plus complexe (et Tom Courtenay est un formidable acteur, qui curieusement n'a pas eut la carrière d'un Albert Finney), et les choix de mise en scène de Richardson me paraissent aussi plus intéressant (la photo de Lassally déjà mentionné, le montage de la course de fond, l'usage du son et de la musique, particulièrement du très bel hymne Jerusalem).

Un autre aspect du film : le duel entre le directeur du centre de rééducation et Colin Smith est aussi la confrontation de deux acteurs et a travers eux de deux génération successive. Robert Redgrave incarnant la tradition du cinéma britannique là ou Tom Courtenay tiens la place de la jeune génération. Les deux styles de jeux s'opposant comme les deux personnages s'affrontent dans le film , ce qui ne fait que le rendre plus passionnant!
Dernière modification par A serious man le 22 avr. 18, 00:07, modifié 1 fois.
"Il ne faut pas être timide avec la caméra. Il faut lui faire violence, la pousser jusque dans ses derniers retranchements, parce qu'elle est une vile mécanique. Ce qui compte, c'est la poésie."

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Re: Tony Richardson (1928-1991)

Message par Sybille »

J'avais été très touchée par ce film, m'étais sentie solidaire (peut-être parce que j'étais jeune, je verrais en le revoyant au fil des ans :roll:) par la révolte et la prise d'indépendance, au moins par l'esprit, du jeune héros. Tom Courtenay, avec son long corps maigre et ses yeux effilés, cet espèce d'énergie rentrée, y est parfait. La cinématographie en noir et blanc offre de très belles images. Je trouve que le film parvient bien à nous faire ressentir l'enfermement physique des personnages dans leur petite ville, le manque d'horizon mental, tout en les alliant/opposant à ces quelques éclats de liberté, ces instants de rire et de détente un peu gamin, tour à tour bravaches ou plus sentimentaux, qui parsèment par ailleurs le récit et qui nous émeuvent parce qu'on les sent si ténus et fragiles.
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Re: Tony Richardson (1928-1991)

Message par Roy Neary »

Solaris Distribution poursuit et achève son cycle Tony Richardson avec un autre film fondateur du Free Cinema avec cette fois-ci Un goût de miel :
La News et surtout la chronique signée Justin Kwedi.
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La Rédac
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Re: Tony Richardson (1928-1991)

Message par La Rédac »

En 1959 Tony Richardson plante avec Les Corps sauvages les graines du Free Cinema. Un inédit avec Claire Bloom et Richard Burton que l'on espère voir un jour édité !
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Jack Carter
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Re: Tony Richardson (1928-1991)

Message par Jack Carter »

La Rédac a écrit :En 1959 Tony Richardson plante avec Les Corps sauvages les graines du Free Cinema. Un inédit avec Claire Bloom et Richard Burton que l'on espère voir un jour édité !
Il a deja été edité chez nous en dvd chez Doriane Films (sous son titre original Look back in anger).
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Re: Tony Richardson (1928-1991)

Message par OM77 »

La Rédac a écrit :En 1959 Tony Richardson plante avec Les Corps sauvages les graines du Free Cinema. Un inédit avec Claire Bloom et Richard Burton que l'on espère voir un jour édité !
... en effet, un grand film doté d'une mise en scène sobre et efficace sachant parfaitement mettre en valeur ses interprètes : Claire Bloom, très juste, tenant tête, et touchant du doigt les failles et fêlures de ce Jimmy Porter... et donc Burton, au regard incandescent, électrisant chaque scène, en imposant une tension sourde d'où la colère ne cesse de surgir.
Richardson entamait ses longs métrages de fort belle manière.
... petite précision : si Look Back in Anger se trouve bel et bien être le premier des longs métrages de cette nouvelle génération de cinéastes britanniques, la période qu'il initie est celle de la British New Wave, parsemée de quelques chefs d'oeuvre. Le mouvement Free Cinema quant à lui, prit fin officiellement en '59, avec ce dernier manifeste signé Anderson, Reisz, Lassally (chef op), et Fletcher (ingénieur son), "Free Cinema is dead. Long live Free Cinema !". Il faut bien évidemment considérer l'étape British New Wave comme la suite logique, et naturelle, de ce mouvement fondateur ayant entrainé une véritable "révolution" au sein du cinéma outre-manche.
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Re: Tony Richardson (1928-1991)

Message par Sybille »

OM77 a écrit :
La Rédac a écrit :En 1959 Tony Richardson plante avec Les Corps sauvages les graines du Free Cinema. Un inédit avec Claire Bloom et Richard Burton que l'on espère voir un jour édité !
... en effet, un grand film doté d'une mise en scène sobre et efficace sachant parfaitement mettre en valeur ses interprètes
Je viens de l'acheter et le regarder et en effet, un film tendu, dramatique, qui nous plonge au coeur des affres émotionnels de ses personnages. Les trois acteurs principaux sont très justes, oui ; Richard Burton est excellent, tout en en faisant parfois un peu trop dans la caractérisation du "jeune homme en colère", mais cela doit davantage être dû à un défaut d'écriture de son personnage, qui m'a semblé manquer quelque peu de clarté.
L'évolution de sa relation avec le personnage de Claire Bloom est compréhensible mais pas forcément bien amenée, étant un peu abrupte (peut-être un effet de son origine théâtrale). Mais les liens qui se nouent et dénouent entre les personnages sont avant tout intelligemment montrés, crus et sensibles à la fois, emplis de franchise et de non-dits.
Puis évidemment, le film vaut beaucoup pour sa description d'une frange de cette Angleterre socialement et moralement étouffante des années 1950. Même si j'aime assez le cinéma anglais plus ancien (années 30, 40), il est vrai que le style, le ton de cette "Nouvelle Vague britannique" est proprement révolutionnaire et très appréciable. Même si les histoires sont mornes, sombres, tragiques parfois, eh bien par rapport à avant, on a l'impression d'assister à un véritable éveil. Enfin des acteurs qui semblent pour de bon énergiques, pleins de vie, de sang (ce contraste fait d'ailleurs se poser bien des questions sur la société anglaise pré années 60). Ce film de Richardson est un beau 'coup d'éclat'.
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Re: Tony Richardson (1928-1991)

Message par Profondo Rosso »

The Entertainer (1960)

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Un artiste de music-hall de second plan tente de sauvegarder sa carrière alors que sa vie part en morceaux.

En 1959 Tony Richardson signe avec Les Corps sauvages un coup d'éclat fondateur du Free Cinema anglais. The Entertainer réunit la même équipe gagnante avec de nouveau une adaptation (par lui-même) de l'auteur John Osborne produite par Harry Saltzman au sein de Woodfall Film Productions, leur compagnie commune fondée pour produire Les Corps sauvages. John Osborne avait sur ce dernier imposé un Tony Richardson sans expérience, car voyant en ce dernier (alors encore critique) un vrai prolongement des angry young men de ses écrits et apte à retranscrire cette rage. La donne est différente dans les origines de The Entertainer. Avant l'adaptation filmique, Les Corps sauvages est une pièce à succès qui va faire de John Osborne un auteur moderne et en vue. Laurence Olivier en quête d'un nouveau ressort dans son métier d'acteur va donc solliciter Osborne pour qu'il lui écrive une pièce qui deviendra The Entertainer jouée à partir de 1957. Le succès du film Les Corps sauvages va donc naturellement faire germer l'idée d'une version filmique de The Entertainer et John Osborne va de nouveau solliciter Tony Richardson à priori moins dans son élément que sur le film précédent. Toutes les premiers films produits par Woodfall Film Productions s'inscrivent dans ce courant du Free Cinema et du kitchen sink drama (Samedi soir, dimanche matin de Karel Reisz (1960), Un goût de miel de Tony Richardson(1961), Girl with Green Eyes de Desmond Davis (1964)) et il faudra attendre le virevoltant film historique Tom Jones (1963) pour en sortir et voir Tony Richardson explorer d'autres horizon comme Mademoiselle (1966) ou La Charge de la Brigade légère (1968). The Entertainer amorce déjà cette transition avec un contexte réaliste mais un personnage bien éloigné des angry young men.

Archie Price (Laurence Olivier) est un artiste de music-hall qui ne vit que pour la scène. Cependant le public d'alors se détache de ce type de spectacle et Archie se ruine à monter des spectacles couteux joués devant des salles vides. Poursuivis par les créanciers, vivant dans la menace du bon souvenir des impôts, Archie arbore pourtant son masque d'amuseur dans la vie comme sous le feux des projecteurs au grand dam de son entourage. Sa fille Jean (Joan Plowright) pose un regard aussi dépité que compréhensif face à ce père irresponsable, son fils Frank (Alan Bates) le suis aveuglément dans toutes ses folie et sa femme Phoebe (Brenda de Banzie) subit toutes les facéties et infidélités d'un époux détaché des réalités. Il y a aussi la figure du père d'Archie, Bill (Roger Livesey qui n'a pourtant qu'un an de plus que Laurence Olivier) ancienne gloire du music-hall qui a transmis le virus à son fils mais pas l'aptitude au succès. L'histoire montre donc Archie s'embarquer dans un projet improbable de plus, mais qui cette fois pourrait lui coûter bien plus cher. L'interprétation fabuleuse de Laurence Olivier est un des grands atouts. Ce tempérament d'amuseur le rend lumineux à prendre toute chose dans un grand éclat de rire, mais jette un voile bien obscur sur lui quant aux extrémités auquel il est prêt pour se maintenir sur scène. On s'amuse du côté escroc et séducteur tout en étant glacé par le détachement du personnage quant aux conséquences de ses actes pour sa famille. Il y a une forme d'égoïsme, de narcissisme inhérent à cette nature d'artiste et d'homme de spectacle qui se prolonge aussi au personnage de Roger Livesey, vieux cabot nostalgique de sa gloire passée qui aura quelques agissements discutables. Tony Richardson ne les caractérise pourtant jamais comme mauvais, mais plutôt inaptes à la vie réelle à laquelle ils préfèrent les froufrous du music-hall. A la différence des angy young men étouffé dans un présent oppressant et rêvant de liberté, Archie est au contraire un nostalgique d'un passé où il aura su trouver cette ouverture dans le monde du spectacle. Le déclin de cet univers le fige donc dans ce passé, le fige dans ce présent intenable et lui interdit tout futur.

Cette dimension pathétique rend le personnage très touchant en dépit de ses actions où même quand il se montrera le plus vil on ressent un attachement sincère à sa famille. La sous-intrigue d'un de ses fils soldats prisonnier pendant la crise de Suez a été largement réduite par apport à la pièce, mais ne semble devoir sa présence dans le film que pour une scène cruciale. Archie vient de séduire une beauté aspirante actrice (Shirley Ann Field) en espérant que son père nanti financera son prochain spectacle. Il va pourtant arrêter les boniments à l'horizontale un instant pour allumer le poste de radio et apprendre aux informations que son fils prisonnier a été libéré, et peut ainsi arborer un sourire sincère avant de reprendre sa magouille. Tout le film fonctionne ainsi, où tout en montrant le désastre intime (excellente Brenda de Banzie en épouse trahie) on ne peut qu'être admiratif devant la passion de cet homme. Les dernières scènes quittent même la seule notion de narcissisme (puisque l'on aura jamais vu Archie vraiment triomphant dans son art) pour montrer une sorte de quête d'absolu, de sincérité et d'émotion par Archie dans son acharnement, et qu'il atteindra dans ses moments les plus pathétiques, quand cette carrière tant chérie s'éloigne de lui. Un des grands rôles de Laurence Olivier qui ressortira profondément régénéré par le rôle (en plus de rencontrer sa nouvelle épouse Joan Plowrigt sur le tournage alors qu'il rompt avec Vivien Leigh) qui lui vaudra une nomination à l'Oscar du meilleur acteur. 5/6
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Jeremy Fox
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Re: Tony Richardson (1928-1991)

Message par Jeremy Fox »

Vendredi British: Le Cabotin par Justin Kwedi
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Boubakar
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Re: Tony Richardson (1928-1991)

Message par Boubakar »

Grand film :) ! Et Laurence Olivier délivre une formidable prestation.
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Re: Tony Richardson (1928-1991)

Message par Profondo Rosso »

L'Hôtel New Hampshire (1984)

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Durant l'été 1939, Win Berry et sa future épouse Mary achètent un ours brun et une moto à un garçon nommé Freud. Plusieurs années après, Win et Mary, parents de 5 enfants, décident de restaurer une vieille bâtisse pour y établir un hôtel, le « New-Hampshire ».


L'Hôtel New Hampshire est l'avant-dernière réalisation de Tony Richardson pour le cinéma et lui offre l'occasion de renouer avec une certaine veine surréaliste et excentrique qui fit sa gloire dans son célèbre Tom Jones (1963), et qu'il tenta déjà de raviver de Joseph Andrews (1977). Il s'agit là de l'adaptation du roman éponyme de John Irving, alors au sommet de sa gloire après le succès littéraire de Le Monde selon Garp d'ailleurs adapté au cinéma par George Roy Hill en 1982. Cette facette surréaliste représente à la fois un idéal impossible et une impasse douloureuse pour les personnages du film. Depuis toujours, Win Berry (Beau Bridges) et son épouse Mary (Lisa Banes) entretiennent auprès de leur cinq enfants le souvenir merveilleux de la rencontre qui conduisit à leur mariage. Le film s'ouvre sur eux contant de nouveau ce moment où tombèrent amoureux alors qu'ils étaient employés à l'hôtel New Hampshire en 1939, croisant la route de Sigmund Freud (Wallace Shawn), adoptant un ours comme animal de compagnie et riant des clients ravivant les soubresauts du "monde réel" (les clients allemands antisémite). Ce moment de grâce s'interrompt lorsque Win doit s'engage pour la Seconde Guerre Mondiale mais est laissé en ellipse dans le conte dépeint par les parents à leurs enfants, même si le retour au réel se fait par la mort douloureuse de l'ours.

Bercé de ce passé idéalisé, les cinq enfants se heurtent à un quotidien nettement moins parfait dans leurs vie scolaire ainsi que leurs fêlures respectives. John (Robe Lowe) et Frannie (Jodie Foster) entretiennent une attirance incestueuse, Lily (Jennifer Dundas) semble figée dans l'enfance et n'a pas de croissance physique, Egg (Seth Green) est homosexuel... Le père vivant lui-même mal l'ennui d'un quotidien traditionnel décide donc d'acheter une bâtisse pour en faire un nouveau paradis, le nouvel hôtel New Hampshire de ses jeunes années. Le film possède un charme indéniable dans sa frénésie formelle, faite de suspension poétique, de visions étranges, mais aussi d'éprouvant sursauts de noirceur (le viol de Frannie, très cru) qui forment une dichotomie entre la rêverie à laquelle aspirent les protagonistes et l'éprouvante réalité où ils vivent. C'est son amour trop prononcé pour le livre qui finit par perdre Tony Richardson qui décident d'en transposer tous les épisodes de façon décousues. Cela fonctionne au départ tant que la narration donne dans la tranche de vie mais dès que les vrais drames frappent la famille, la narration elliptique ne rend ni justice au tourbillon surréaliste voulut, ni à installer l'émotion attendue lors de rebondissements pourtant tragiques. C'est la conviction des acteurs qui maintient l'implication mais les environnements, pays et protagonistes défilent sans que ne s'installe un fil rouge tenu. On comprend l'intéressante thématique où ni dans la réalité sociale de l'Amérique, ni dans une Europe rongée par les conflits idéologique, les protagonistes ne parviennent à recréer le paradis de l'hôtel New Hampshire, s’il n’a jamais existé. C'est un récit d'apprentissage de la désillusion qui court dans plusieurs livres de John Irving mais ici noyé sous les évènements et lieux qui s'enchaînent sans respiration, la mayonnaise ne prend pas. Certains personnages passionnants s'y voient du coup sacrifié comme une fascinante Nastassja Kinski dissimulant ses complexes sous une peau d'ours. Raté donc mais pas inintéressant, notamment grâce aux prestations de Rob Lowe et Jodie Foster pas encore tout à fait stars. 3/6
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