Lina Wertmüller (1928-2021)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Jeremy Fox
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Re: Lina Wertmüller

Message par Jeremy Fox »

paul_mtl a écrit : et demontrer comment se servir de l'humour :
:lol:
paul_mtl
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Re: Lina Wertmüller

Message par paul_mtl »

Jeremy Fox a écrit :Ca ne se voyait pas trop. Je vois que tu as empiré même. Bon allez, à pas trop tôt j'espère.
Oh oui et ça fait peur, les gens s’écartent et changent de trottoir. :uhuh: :mrgreen:
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Profondo Rosso
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Re: Lina Wertmüller

Message par Profondo Rosso »

Pasqualino (1975)

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Situé à l'époque de la Seconde Guerre mondiale, le film décrit la vie du principal protagoniste, Pasqualino, un minable mafieux, fanfaron, mais qui se révèle le dernier des lâches, un pleutre ignoble quand, déserteur de l'armée italienne parachuté en Allemagne, il est capturé par l'armée allemande et envoyé dans un camp de concentration. Pour sauver sa peau, il multiplie les actes de lâcheté et tente de séduire l'énorme matrone (Shirley Stoler) qui par ailleurs le méprise.

Pasqualino Settebellezze est un des films les plus célébrés (4 nominations à l'Oscar dont meilleur film, meilleur film étranger, meilleur acteur pour Giancarlo Giannini et meilleur réalisatrice pour Lina Wertmüller, une première pour une femme) de Lina Wertmüller et un de ses plus sombres et cinglant. Les films de la réalisatrice sont souvent des odyssées où des personnages idéalistes confrontés au monde réel (souvent représenté par la ville en opposition à la campagne) qui renoncent à leur cause par nécessité, cupidité et en tout cas par un vrai reniement d'eux même convoquant les maux de la société italienne d'alors (machisme, extrémisme, ambition). C'est le révolutionnaire de Film d'amour et d'anarchie (, l'ouvrier de Mimi Metallo et le groupe de travailleur de Chacun à son poste et rien ne vai (1974) ainsi que les amants de Vers un destin insolite, sur les flots bleus de l'été (1974) tous abandonnant amis ou amour par intérêt. Tous ces personnages partaient en tout cas d'une cause noble ou révélait un bon fond à un moment où un autre, donnant une vrai touche mélodramatique à leurs transformation sous la couche satirique de Lina Wertmüller. La réalisatrice prend ici un contexte explosif (la montée du fascisme et la Deuxième Guerre Mondiale) et d'autant plus révélateur de l'instinct de survie avec un héros fondamentalement mauvais. Le générique sur fond de variété italienne accompagnant des images d'archives guerrière donne le ton, avec sa voix off opportuniste ponctuée de Oh Yeah! à toutes les idéologies possibles et imaginables.

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Le film s'ouvre sur la course apeurée de Pasqualino (Giancarlo Giannini) dans une forêt allemande où rodent les troupes ennemies. Soldat déserteur, il assiste dans sa fuite à l'horreur en marche (des villages entiers fusillés sans autre forme de procès) avant d'être capturé et emprisonnés dans un camp de concentration. Dès lors s'enclenche une narration en flashback où alternent les souffrances du présent au sein du camp et les causes passées ayant amené notre héros dans cet enfer. Pasqualino arbore dans ces flashbacks toutes les tares qui ne se révèlent que progressivement chez les personnages masculins de Lina Wertmüller, il n'a pas besoin d'être souillé puisqu'il est déjà une vraie pomme pourrie. On découvre ainsi un homme brutal et machiste malmenant sa sœur qui a cédé à un homme douteux mais plus pour défendre l'honneur et la réputation de la famille que par préoccupation de sa sœur. Pasqualino est d'abord présenté sous un jour élégant, tiré à quatre épingle et observé avec envie par toutes les femmes croisées, choyé par sa famille (sa mère et sa nombreuse fratrie féminine) et craint et respecté dans les bas quartiers de Naples. Tout vole en éclat lorsqu'il devra mettre en pratique cette masculinité exacerbée. L'amant de sa sœur le repousse d'une chiquenaude (après une belle amorce de duel superbement filmée mais qui tourne court) et il ne le tuera que par accident après une attaque des plus lâches. Là encore au lieu d'assumer son acte et plaider le crime d'honneur si cher à cette Italie arriérée il optera pour la folie afin de survivre et être envoyé à l'asile pour échapper à l'exécution.

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Ayant ainsi compris à qui nous avons affaire, nous allons voir comment Pasqualino va survivre à l'enfer du camp de concentration. A travers la caméra de Lina Wertmüller, le camp fait figure d'enfer quasi mythologique, espace clos sans lumière où les silhouettes frêles et anonymes des prisonniers se perdent et se confondent à perte de vue dans une photo grisâtre reprenant celle du final en cuisine de Chacun à son poste et rien ne va ainsi où les travailleurs perdaient aussi leur identité pour n'être que des pions dans le cycle de production. Pasqualino dans sa volonté effrénée de survie va alors franchir un cap décisif de cette déshumanisation en tentant de séduire l'imposante et impitoyable matrone du camp (Shirley Stoler célèbre pour son rôle dans Les Tueurs de la lune de miel).

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Visuellement le film change de tonalité pour illustrer cette sordide séduction, faisant de l'espace des deux "amants un espace abstrait et hors du temps de soumission avec sa photo sombre au teintes verdâtres. Pitoyable et grotesque, ce rapprochement humilie surtout Pasqualino (Wertmüller avait déjà mis Gianinni aux prises à une partenaire aux formes imposantes dans Mimi Metallo) incapable d'être un "homme" même dans sa lâcheté et réduit à l'état de chien par Shirley Toller. Comme souvent avec la réalisatrice, le héros vertueux ne vaut pas beaucoup mieux que ce qu'il combat et c'est d'autant plus vrai ici avec un être aussi méprisable que Pasqualino qui ira même plus loin dans la trahison dans un terrible final. Toute cette horreur se justifiera dans la dernière scène où un Giancarlo Gianinni brisé et le regard éteint déclare plus mort que vif Je suis vivant.

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Avec Pasqualino, Lina Wertmüller offre une escalade de plus en plus sombre et pessimiste à ses questionnements, le romanesque (Film d'amour et d'anarchie et Vers un destin insolite, sur les flots bleus de l'été) et la farce (Mimi Metallo) qui pouvaient donner un ton plus lumineux disparaissant grandement (mais étonnamment retrouvé dans le suivant D'amour et de sang (1978). La réalisatrice manie avec un brio rare un sujet pourtant explosif (curieux de connaître les réactions à l'époque malgré le succès et les récompenses aujourd'hui le film ferait un scandale) et livre à nouveau un très grand film. Définitivement une des filmographies les plus impressionnantes et cohérente du cinéma italien des 70's. 5,5/6
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Jeremy Fox
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Re: Lina Wertmüller

Message par Jeremy Fox »

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Re: Lina Wertmüller

Message par Jeremy Fox »

D'amour et de sang chroniqué par Justin Kwedi à l'occasion de la sortie du film en combo DVD/Bluray chez Elephant.
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Jeremy Fox
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Re: Lina Wertmüller

Message par Jeremy Fox »

D'amour et de sang - 1978

Outrance à tous les niveaux pour cette histoire de vendetta qui me fut assez pénible. Mélange des genres totalement incongru (la scène d'amour entre Mastroianni et Sophia Loren semble tout droit sorti d'une comédie acerbe alors que nous sommes en plein mélodrame) et personnages caricaturaux m'ont vite fait décrocher. Il reste heureusement les paysages siciliens parfois superbement filmés par la cinéaste. Franchement pas convaincu, ni par la mise en scène, ni par l'intrigue, ni par le rythme ni même par le jeu de ces grands comédiens.
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Kevin95
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Re: Lina Wertmüller

Message par Kevin95 »

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TUTTO A POSTO E NIENTE IN ORDINE (Lina Wertmüller, 1974) découverte

De jeunes petites mains provinciales du sud de l'Italie montent à Milan pour se faire un porte-feuille plus fourni comme avant eux les personnages de Rocco e i suoi fratelli de Visconti. Les petits boulots se succèdent, les femmes ne parlent que d'argent et balayent du revers de la main la question sexuelle, certains choisissent le mauvais coté de la loi, d'autres payent le prix de leur innocence. Lina Wertmüller gare sa petite voiture dans le parking du cinéma politique italien des années 70 entre les gros bolides de ses confrères. Le style est fouillis, par moment bordélique, on sent la réalisatrice jeter toutes ses idées à l'écran en regardant d'un œil la trame générale du film. On me retoquera qu'il s'agit là d'un film choral, il n’empêche que certaines idées n'ont pas de d’aboutissement (l'apparition de la créature divine par exemple) ou ne servent qu'à surligner le discours politique de l'auteur au détriment de la cohérence du phrasé (l'abattoir). On lui pardonnera plus facilement car d'une part Altman n'a pas encore écrit la définition du genre (MASH et Brewster McCloud sont sortis mais pas Nashville) et d'autre part, ses personnages sont suffisamment riches (narrativement) et attachants pour faire passer les sauts du coq à l’âne. Quelques naïvetés certes, mais le plan final (un panoramique à 360°) accompagné du Requiem de Verdi, illustre à lui seul le climat frigorifique de l'Italie de l'époque et l’aliénation de son peuple. Pas à la hauteur des autres gros films de l'époque mais un métrage non négligeable.
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Re: Lina Wertmüller

Message par Jeremy Fox »

Vers un destin insolite, sur les flots de l’été poursuit la veine iconoclaste et cinglante qui fit la renommée de Lina Wertmüller durant sa glorieuse décennie des seventies. On remercie Carlotta de faire redécouvrir cette pépite un peu trop oubliée ces dernières années.

La News ainsi que la chronique signée Justin Kwedi.
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Re: Lina Wertmüller

Message par Kevin95 »

Jeremy Fox a écrit :Vers un destin insolite, sur les flots de l’été poursuit la veine iconoclaste et cinglante qui fit la renommée de Lina Wertmüller durant sa glorieuse décennie des seventies. On remercie Carlotta de faire redécouvrir cette pépite un peu trop oubliée ces dernières années.

La News ainsi que la chronique signée Justin Kwedi.
On sait si un DVD/BR suivra ?
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Re: Lina Wertmüller

Message par Jeremy Fox »

Kevin95 a écrit :
Jeremy Fox a écrit :Vers un destin insolite, sur les flots de l’été poursuit la veine iconoclaste et cinglante qui fit la renommée de Lina Wertmüller durant sa glorieuse décennie des seventies. On remercie Carlotta de faire redécouvrir cette pépite un peu trop oubliée ces dernières années.

La News ainsi que la chronique signée Justin Kwedi.
On sait si un DVD/BR suivra ?

A priori, c'est ce que j'ai lu sous la plume de Nestor Almendros dans un autre topic qu'il faut que je retrouve.

Ah ben voilà
Nestor Almendros a écrit :La dixième victime et Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon, à sortir le 12 juillet, font partie d'une collection cinéma italien en BR et DVD, "un rendez-vous qui aura lieu tous les 4 mois".

Sur les flots bleus de l'été qui sort demain en salle, devrait logiquement en faire partie dans quelques mois...
:D
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Kevin95
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Re: Lina Wertmüller

Message par Kevin95 »

OK merci. Je me disais bien que c'était du tout cuit pour leur nouvelle collection "à l'italienne". :wink:
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manuma
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Re: Lina Wertmüller

Message par manuma »

A propos de I Basilischi :
Jack Carter a écrit : 1 oct. 21, 20:57
manuma a écrit : 1 oct. 21, 18:42
C'est même mon film du mois, du coup, et j'en suis le premier étonné car tout ce que j'avais vu de Wertmüller à ce jour (4 films) ne m'avait pas particulièrement, voire pas du tout, convaincu...
Je crois que c'est mon préféré aussi.
Beau score de Morricone (un de ses premiers il me semble)
Il y a de la satire dans ce portrait de groupe, mais je la trouve bien plus subtile qu'à l'accoutumée chez Wertmüller, la mélancolie, puis la tragédie, prenant progressivement le pas sur celle-ci. Score "ethnique" audacieux de Morricone, en effet, qui m'a fait un peu penser à celui qu'il composera, 4 ans plus tard, pour le film de Bolognini, Ce merveilleux automne.

J'ai tenté dans la foulée Vers un destin insolite, sur les flots de l’été. Les 2 acteurs rendent le début amusant, jusqu'à l'arrivée sur l'ile. L'allégorie devient alors lourde, évidente, répétitive, trop sérieuse pour moi. Par ailleurs, cela m'a surpris de n'entendre qu'au seul générique de début le sublime thème musical composé par Piero Piccioni pour l'occasion (l'édition Beat Records, sortie il y a quelques années, en propose de multiples variations). Bon, ceci-dit, ça reste tout de même mon second film préféré de la cinéaste, ainsi qu'une franche réussite si on le compare à son invraisemblable remake avec Madonna...

Sinon Ciné+ propose ce titre, plus récent, de la réalisatrice depuis quelques mois. J'hésite à franchir le pas :

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Re: Lina Wertmüller

Message par Kevin95 »

manuma a écrit : 3 oct. 21, 09:07 Sinon Ciné+ propose ce titre, plus récent, de la réalisatrice depuis quelques mois. J'hésite à franchir le pas :

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Dur d'approche, l'image respire la télé 90 italienne, le montage s'énerve tout seul et les comédiens grimacent. Mais petit à petit, une vague sympathie se dégage du film grâce à son énergie et sa vision de l'Histoire mal élevée.

Loin d'être indispensable, mais ça vaut le coup d’œil (ceci dit, tout en lui reconnaissant pas mal de défauts, j'aime bien le cinéma de Lina W donc je risque de te mener au traquenard).
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Re: Lina Wertmüller

Message par manuma »

Kevin95 a écrit : 5 oct. 21, 18:03 Dur d'approche, l'image respire la télé 90 italienne, le montage s'énerve tout seul et les comédiens grimacent. Mais petit à petit, une vague sympathie se dégage du film grâce à son énergie et sa vision de l'Histoire mal élevée.

Loin d'être indispensable, mais ça vaut le coup d’œil (ceci dit, tout en lui reconnaissant pas mal de défauts, j'aime bien le cinéma de Lina W donc je risque de te mener au traquenard).
Merci pour le topo. J'avais zappé ce titre dans tes listes mensuelles...

Bon, je vais le tenter, histoire de n'avoir aucun regret, ainsi que quelqu'un à blâmer pour le temps perdu au cas où...
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Re: Lina Wertmüller

Message par manuma »

FERDINANDO E CAROLINA (1999)
Sur son lit de mort, Ferdinand Ier de Naples fuit les fantômes de son règne en se remémorant ses jeunes années heureuses, faites de chasses et de fêtes.

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Vu, et Kevin s’en sort bien. C’est regardable, même si j’ai l’impression que le truc aurait pu être signé par n’importe quel télécinéaste italien de la même époque que ça n’aurait rien changé au résultat. Tourné 25 ans plus tôt avec Pasqualino De Santis à la photo, Suso Cecchi d’Amico à l’écriture et de bons acteurs dans des décors un peu plus habités qu’ici, cela aurait évidemment donné tout autre chose, mais, en l’état, dans le désert du cinéma italien de la fin des années 90, cette gentillette comédie historique plutôt enlevée incite à une relative indulgence.
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