Nathan Juran (1907-2002)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Jeremy Fox
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Nathan Juran (1907-2002)

Message par Jeremy Fox »

J'ouvre un topic sur ce cinéaste puisqu'à force de voir ses films, je remarque les avoir tous appréciés et notamment ses westerns Universal (villenpidés par Tatav) sans oublier ce petit chef-d'œuvre méconnu qu'est Good day for a Hanging.

Né en Autriche, Nathan Juran fut directeur artistique à Hollywood dès 1937. Alors qu’il opère dans les services de contre-espionnage américain pendant la Seconde Guerre mondiale, il gagne un Oscar pour son magnifique travail en tant que directeur artistique pour Qu’elle était verte ma vallée (How Green was my Valley) de John Ford. Il vient à la mise en scène une dizaine d’années plus tard, en 1952, avec The Black Castle, transposition des célèbre Chasses du Comte Zaroff. Il se consacre ensuite surtout au western, à la science-fiction et au film d’aventure (The Golden Blade avec Rock Hudson et Piper Laurie) ; il tourne même un film de sous-marins dans lequel nous trouvons réunis Ronald et Nancy Reagan, Hellcats of the Navy. Sous le pseudonyme de Nathan Hertz, il réalisera également à la fin des années 60 des séries Z aux titres ne manquant pas de piquant tel The Brain from Planet Arous ou Attack of the 50 Foot Woman. Mais il est aujourd’hui surtout réputé pour avoir tourné des films cultes avec le procédé d’effets spéciaux ‘Dynamation’ (avec entre autre Ray Harryhausen aux manettes), les indémodables Septième voyage de Sinbad (1958) et Jack, le tueur de géants (1962)

Ceux qui auraient acheté le Sidonis de Quand le poudre parle (ma critique très positive d'ici un ou deux jours), je serais curieux de savoir si Tavernier fait ou non son Mea Culpa à son propos.

Sinon, hâte de lire ici quelques avis sur ses films moins connus
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Jeremy Fox
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Re: Nathan Juran (1907-2002)

Message par Jeremy Fox »

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Le Tueur du Montana (Gunsmoke, 1953) de Nathan Juran
UNIVERSAL


Avec Audie Murphy, Susan Cabot, Paul Kelly, Charles Drake, Mary Castle, Donald Randolph, Jack Kelly
Scénario : D.D. Beauchamp
Musique : Herman Stein
Photographie : Charles P. Boyle (Technicolor)
Un film produit par Aaron Rosenberg pour la Universal


Sortie USA : 11 février 1953

Et Universal de nous proposer une fois encore un de ces films de série dont elle a le secret, certes conventionnel et sans réelles surprises mais dans le même temps constamment plaisant et jamais ennuyeux : du pain béni pour les amoureux de série B ! Il s’agit à nouveau d’un véhicule pour la star montante du studio, Audie Murphy, qui, pour l’instant dans le domaine qui nous concerne, mène un parcours sacrément agréable à visionner. Un nouveau venu fait par la même occasion son apparition sur la scène westernienne : Nathan Juran ! Non pas qu’il pourra être considéré comme un spécialiste du genre mais son modeste corpus aura eu le mérite d’être extrêmement sympathique, contenant même un titre peu connu mais diablement réussi, que nous n’aborderons en revanche que bien plus tard car datant de 1959.

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Né en Autriche, Nathan Juran fut directeur artistique à Hollywood dès 1937. Alors qu’il opère dans les services de contre-espionnage américain pendant la Seconde Guerre mondiale, il gagne un Oscar pour son magnifique travail en tant que directeur artistique pour Qu’elle était verte ma vallée (How Green was my Valley) de John Ford. Il vient à la mise en scène une dizaine d’années plus tard, en 1952, avec The Black Castle, transposition des célèbre Chasses du Comte Zaroff. Il se consacre ensuite surtout au western, à la science-fiction et au film d’aventure (The Golden Blade avec Rock Hudson et Piper Laurie) ; il tourne même un film de sous-marins dans lequel nous trouvons réunis Ronald et Nancy Reagan, Hellcats of the Navy. Sous le pseudonyme de Nathan Hertz, il réalisera également à la fin des années 60 des séries Z aux titres ne manquant pas de piquant tel The Brain from Planet Arous ou Attack of the 50 Foot Woman. Mais il est aujourd’hui surtout réputé pour avoir tourné des films cultes avec le procédé d’effets spéciaux ‘Dynamation’ (avec entre autre Ray Harryhausen aux manettes), les indémodables Septième voyage de Sinbad (1958) et Jack, le tueur de géants (1962). Mais revenons-en à son deuxième film, celui qui nous intéresse d’ailleurs ici, Gunsmoke.

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Les deux tueurs à gages Reb Kittredge (Audie Murphy) et Johnny Lake (Charles Drake), après qu’ils aient participé au bain de sang que fut la Johnson County War, viennent d’échapper aux tuniques bleues à la frontière du Wyoming. Reb souhaiterait désormais se poser ; il se sépare de son compagnon pour se rendre à Billings (Montana) où il pense avoir trouvé un travail plus tranquille. Sur le chemin, un étranger lui tire dessus mais ne réussit à abattre que son cheval. Reb prend la diligence où il fait la connaissance de Rita Saxon (Susan Cabot), fille de Dan (Paul Kelly), le seul rancher qui résiste encore à Matt Telford (Donald Randolph), puissant Cattle Baron ayant quasiment accaparé tous les terrains de la région. Malheureusement, Rita revient chez elle avec une mauvaise nouvelle : les banquiers refusent le prêt qui ferait que sa famille puisse rester sur ses terres ; Telford est sur le point de pouvoir les racheter, aidé en cela par les talents de Gunfighter de Reb qu’il compte engager. Mais ce dernier a des principes et refuse ce coup ci de louer ses services de tueur d’autant que son ‘employeur’ et le ‘contrat’ ne lui plaisent guère. Ayant gagné la propriété de Dan Saxon aux cartes, il en devient propriétaire ; ce qui arrange bien l’honnête rancher qui compte sur ce jeune homme fougueux pour rétablir la situation en sa faveur. Pour cela, ils doivent conduire et vendre le plus vite possible leur cheptel afin d’amasser une somme assez considérable qui servirait à contrer Telford. On imagine bien que ce dernier fera tout pour leur mettre des bâtons dans les roues avec l’aide de Johnny Lake, l’ex-ami de Reb, passé dans le camp adverse et de la Saloon Gal Cora Dufrayne (Mary Castle)

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La lutte sans merci que se livrent un petit rancher et un gros propriétaire (bref, David contre Goliath), une histoire bien connue des amateurs du genre. Peu de motifs d’étonnement donc à priori au sein de cet agréable divertissement ; et pourtant il nous réserve néanmoins quelques petites surprises scénaristiques : l’homme qui va apporter son aide au modeste éleveur n’est autre qu’un tueur à gage ayant refusé de travailler pour son rival ; l’ex-compagnon d’armes du Gunman va se retrouver dans le camp adverse mais l’amitié triomphera pour une fois de la violence et de la cupidité ; le contremaitre du ranch va se retrouver avec un nouveau patron qui est dans le même temps son rival en amour ; l’ex-amante des deux tueurs à gage, la saloon Gal Cora, s’avère un personnage encore plus avide et ambitieuse que le ‘Bad Guy’ officiel: "je prend ce que je veux de toutes les manières possibles" ; le rancher va se lier d’amitié avec celui qui lui a gagné sa propriété aux cartes, se révélant très tolérant et compréhensif à propos de son ancien ‘métier’ : lui-même ayant dans sa jeunesse écumé les USA au sein de la tristement célèbre Horde sauvage (The Wild Bunch), il croit à la possibilité pour un homme de changer du tout au tout, à la faculté de rédemption ("il est fonceur mais pas mauvais" dira t’il à ceux qui le mettent en garde au vu de sa réputation). Encore un détail qui a du sembler ‘amusant’ à l’époque pour ceux qui allaient voir tous les westerns en salle dans l’ordre de leurs sorties : le précédent western Universal, The Redhead from Wyoming, racontait une histoire qui rappelait le fameux conflit sanglant nommé 'The Johnson County War'. Au début du film de Nathan Juran, le personnage joué par Audie Murphy vient juste de quitter ce ‘champ de bataille’ comme si Gunsmoke prenait la suite du film de Lee Sholem.

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Audie Murphy justement qui doit en être à son septième western et dont le jeu s’affirme de film en film ; on ne peut certes pas dire que ce soit un grand acteur n’ayant, loin s’en faut, ni la classe de Randolph Scott ni le charisme d’un John Wayne ou d’un Gary Cooper. Mais ça n’en fait pas pour autant un mauvais comédien. Dans les suppléments d’un western d’Harry Keller sorti récemment chez Sidonis (Les sept chemins du couchant), Bertrand Tavernier fait d’ailleurs une sorte de Mea Culpa à son sujet ("Il était de bon ton de s'en moquer à une certain époque mais il était finalement très plausible"). En tout cas, jusqu’à présent et plus encore dans Gunsmoke, Audie Murphy fait preuve d’une belle vitalité et s’avère tout à fait juste et crédible ; il avait même demandé à ce que le look de son personnage soit plus réaliste qu’à l’accoutumée ; on le voit donc pas toujours très bien rasé, ses vêtements loin d’être très propres, son Stetson maculé de sueur et la chemise souvent sortie de son pantalon. D.D. Beauchamp lui a concocté un personnage plutôt intéressant et lui a servi sur un plateau quelques punchlines bien senties ; d’ailleurs les dialogues dans leur ensemble sont excellents, plein de sous entendus sexuels lorsque Mary Castle ou la superbe Susan Cabot sont en jeu. Rappelez-vous de cette dernière comédienne et sa chevelure noir ébène, spécialisée en début de décennie dans les rôles d’indienne (Tomahawk, Au Mépris des lois) ; au cours de la séquence où on la voit proposer ses charmes à Audie Murphy, elle s’avère vraiment convaincante. Quand à Mary Castle, la Saloon Gal qui n’a pas froid aux yeux, elle nous délivre une chanson que vous connaissez surement, la même que Marlène Dietrich interprétait dans Destry Rides Again (Femme ou démon), "See What the Boys in the Back Room Will Have"

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Si la mise en scène de Nathan Juran ne fait pas d’éclats particuliers, elle demeure néanmoins fonctionnelle et s’avère même parfois assez efficace notamment lors des scènes d’action (‘stampede’, fusillades, descente vertigineuse d’une montagne par un chariot, la difficile progression du convoi à travers les reliefs tourmentés…) ; l’image du ‘duel’ entre Audie Murphy et Paul Kelly en tout début de film est mémorable dans la façon qu’à le personnage du tueur à gage de dégainer son revolver de la main droite tout en tenant son fusil de la main gauche. Une histoire qui se tient bien avec le mélange idéal de romance, d’humour (dans les dialogues surtout) et d’action se terminant par un traditionnel happy end, un bon score de Herman Stein qui décidément semble se complaire dans le genre ainsi qu’un casting une fois encore parfaitement bien choisi (on retrouve d’ailleurs à chaque fois quasiment les mêmes acteurs) pour au final un honnête divertissement, certes routinier mais sacrément plaisant.




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Quand la poudre parle (Law and order, 1953) de Nathan Juran
UNIVERSAL


Avec Ronald Reagan, Dorothy Malone, Preston Foster, Alex Nichol, Chubby Johnson, Dennis Weaver
Scénario : John et Gwen Bagni, D.D. Beauchamp
Musique : Joseph Gershenson
Photographie : Clifford Stine (Technicolor)
Un film produit par John W. Rogers pour la Universal


Sortie USA : 13 mai 1953


"Peu de motifs d’étonnement à priori au sein de cet agréable divertissement ; et pourtant il nous réserve quelques petites surprises scénaristiques [...] Si la mise en scène de Nathan Juran ne fait pas d’éclats particuliers, elle demeure néanmoins fonctionnelle et s’avère même parfois assez efficace notamment lors des scènes d’action [...] Une histoire qui se tient bien avec le mélange idéal de romance, d’humour (dans les dialogues surtout) et d’action se terminant par un traditionnel happy end, un bon score ainsi qu’un casting une fois encore parfaitement bien choisi pour au final un honnête divertissement, certes routinier mais sacrément plaisant." Voici ce que j'écrivais il y a quelques semaines à propos de Gunsmoke (Le tueur du Montana), le précédent western signé Nathan Juran, sorti sur les écrans américains seulement trois mois auparavant. On pourrait réécrire mot pour mot la même chose concernant Law and Order, western encore plus réussi.

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1882. Après une longue poursuite, le Marshall Frame Johnson (Ronald Reagan) parvient à arrêter l’assassin Durango Kid qu’il ramène à Tombstone pour qu’il y soit jugé équitablement. La population préfèrerait cependant un lynchage immédiat ; Frame ne se sentant plus en phase avec les habitants de la ville, qui n’ont pas l’air d’apprécier la paix qui y règne, décide de partir avec ses frères Lute (Alex Nichol) et Jimmy (Russell Johnson) pour s’occuper d’un ranch dans une ville nommé Cottonwood. Jeannie (Dorothy Malone), sa bien-aimée, tenancière d’un saloon, devra l’y rejoindre quand leur futur havre de paix sera retapé. Mais Cottonwood est sous la coupe de Kurt Durling (Preston Foster), un voleur de bétail et de chevaux qui a réussi à corrompre même le shérif et qui avait déjà eu maille à partir avec Frame quelques années plus tôt. Le juge et quelques honnêtes notables prient Frame de reprendre sa fonction de Marshall mais il refuse préférant désormais sa tranquillité. Son frère Lute en revanche accepte la proposition mais sera tué peu de temps après alors que dans le même temps son frère Jimmy est accusé de meurtre. Malgré sa répugnance à reprendre du service, il se sent pourtant dans l’obligation de le faire et son premier décret est d’interdire le port des armes dans l’enceinte de la ville. Ce qui n’est pas du goût de tout le monde…

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Ceux qui auraient pensé que le personnage du Marshall Frame ressemblait par bien des points à Wyatt Earp ne ne sont pas trompés de beaucoup. Mais revenons en arrière ! Générique traditionnel sur un beau thème musical dans la lignée de ceux signés Herman Stein ou Hans J. Salter. Un cavalier en suit un autre au sein de magnifiques paysages désertiques (les mêmes qui accueilleront un final tout aussi réussi au milieu des rochers). Après avoir rattrapé un meurtrier suite à une efficace scène de bagarre, le Marshall Frame s’arrête avec son prisonnier devant la pancarte indiquant l’entrée de la ville dont il a en charge de faire respecter la loi. Dessus est indiquée "Vous êtes à Tombstone où l’ordre règne. Ici reposent ceux qui pensaient le contraire". Travelling latéral qui découvre derrière la pancarte un morceau de terre jonché de tombes.

Durango (le bandit) : - Les gens sont durs à convaincre par ici.
Frame (le shérif) - Ou alors ils ne savent pas lire.
Durango - Vous les avez tous descendus ?
Frame - Seulement ceux que l’on n’a pas pendus !
Durango - Ca ne laisse pas grand choix. Pourquoi ne pas m’avoir descendu ?
Frame - Je suis là pour faire régner l’ordre, pas pour tuer.
Durango - Ici on dirait que c’est la même chose.
Frame - Vous avez au moins la satisfaction d’être pendu dans la légalité.
Durango - C’est à vous que ça donne satisfaction. De toute façon il n’y a pas d’autres issues que la mort.

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Voilà le premier échange de dialogue entre l’assassin et le shérif qui donne un peu le ton de ce western de série mené tambour battant et avec un très grand professionnalisme par un Nathan Juran plutôt inspiré et diablement efficace. Les dialogues parfois assez piquants (surtout dans la bouche de Chubby Johnson) viennent rajouter au plaisir que les seuls "fondus" du genre pourront prendre à ce western qui se révèle être avant tout un véhicule pour Ronald Reagan, ce dernier ne faisant néanmoins pas d'ombre au reste du casting une nouvelle fois parfaitement bien choisi par les équipes Universal. Car si les non-amateurs s'y ennuieront ferme, le décorum et le style Universal ont encore eu raison de mon objectivité ; résultat, j'ai pris un immense plaisir devant ce petit western de série B. Les héros ont de la prestance et de la répartie : ils auraient pu faire un défilé de mode avec leurs chemises ne faisant pas un pli, colorées et rutilantes, leurs chapeaux classieux ; les femmes sont charmantes et, qui plus est, splendidement maquillées et vêtues ; les 'Bad Guy' ont la gueule de l'emploi et se révèlent cruels à souhait ; les intérieurs sont coquets avec même rideaux vichy aux fenêtres ; les paysages sont magnifiques ; et une fois encore, aucune utilisation de transparences ne vient gâcher notre plaisir. Rien que de l'humour (à petite dose et uniquement au sein de punchlines réjouissantes), de l'action, de la romance et du drame : il est parfois fort agréable de se contenter de si peu notamment lorsque tout ceci concocté avec autant de sérieux.

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W.R. Burnett, l’auteur du célèbre 'Little Caesar' adapté par Mervyn LeRoy en 1931 avec James Cagney, est également celui de 'Saint Johnson' dont deux adaptations virent le jour avant le western de Nathan Juran, toutes deux déjà avec comme titre original Law and Order ; par Edward L. Cahn en 1932 puis par Ray Taylor en 1940, avec respectivement Walter Huston puis Johnny Mack Brown en Frame Johnson. Dans 50 ans de cinéma américain, Tavernier et Coursodon parlent à propos du film qui nous concerne de "remake honteux" ; j’avoue ne pas très bien comprendre ce qui les a poussés à dire ceci n’ayant pas eu l’occasion de voir les versions précédentes mais une chose est certaine, le film n’a rien de honteux en lui-même ; il s’agit d’un western de routine comme tant d’autres mais pas pire que bon nombre d’entre eux et même bien plus agréable que certains classique. Il s'agit du troisième film du réalisateur dont les titres de gloire seront les célèbres 7ème voyage de Sinbad et Jack le tueur de géants, qui doivent d’ailleurs bien plus à leurs effets spéciaux (Ray Harryhausen pour le premier) qu’à la qualité de leur mise en scène. Nathan Juran n'est peut-être qu'un artisan mais un solide artisan, ce qui peut donner des choses bien agréable : la preuve !

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Ne nous attendons donc à rien d’extraordinaire : c’est conventionnel, bourré de clichés, sans aucun éclair de génie mais c’est du travail très bien fait. Nous pourrions en dire de même de l’interprétation de Ronald Reagan : aucune raison de sauter au plafond mais une certaine présence et une stature qui faisait de lui un cow-boy tout à fait crédible, dans la lignée de ceux interprétés par Randolph Scott, un personnage à la fois rigide et déterminé mais profondément humain. Il en va de même ici où il campe une sorte de Wyatt Earp allant être une nouvelle fois obligé d’épingler son étoile pour aller nettoyer la ville dans laquelle il voudrait s’établir dans le calme avec sa dulcinée. Comme nous le disions d'emblée, beaucoup de points communs avec Wyatt Earp à commencer par la première ville dans laquelle on le voit avec ses frères (2 au lieu de 3), la fameuse Tombstone (où aura lieu le Gunfight de OK Corral), sa décision d'interdire les armes à feu au sein de la ville... "Ce n’est pas aujourd’hui que je vais instaurer la tradition du lynchage" dira-t-il en s’opposant ainsi à la population entière de la ville qui voudrait des méthodes plus expéditives. Voyant que les voies légales n’intéressent pas ses concitoyens, il jettera l’éponge dans un premier temps : "Je suis fatigué de vouloir donner ce que personne ne semble vouloir", à savoir le calme et la paix. Nous sommes donc assez éloignés de l’image qu’on se fait habituellement de Ronald Reagan aspirant ici plus à la fastidieuse vie de fermier qu’à la violence ("J'en ai marre de tuer"). Pour redonner confiance à ses concitoyens, il ira jusqu'à poursuivre son propre frère accusé de meurtre pour le livrer à la justice. Lui même ne sera pas le responsable direct des morts qui tomberont lors de ces conflits pour faire rétablir la paix.

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Dorothy Malone joue les utilités mais elle est parfaitement bien mise en valeur, demeure toujours aussi belle et se révèle attachante lorsqu’elle déclare sa flamme à son partenaire d'une manière assez originale ('You're big and you're ugly and you're stupid, and I happen to be in love with you.') ; le couple qu'elle forme avec Ronald Reagan s'avère plutôt convainquant. En revanche, Miss "New Jersey 1952", Ruth Hampton, si elle possède des atouts non négligeables, ce n’est pas dans son jeu d’actrice qu’on les trouvera (c'est d'autant plus dommage que c'était Susan Cabot qui avait été sollicité au départ) ! Le reste de la distribution s'avère avoir été recrutée avec perfection : Preston Foster est un méchant qui a de l’allure, Dennis Weaver a une belle gueule de salaud et Alex Nicol possède beaucoup de classe, aussi à l'aise lorsqu'il s'agit de jouer les massacreurs (Tomahawk) que dans la peau d'un homme de loi comme il l'est ici, comme il l'était déjà dans The Redhead of Wyoming aux côtés de Maureen O'Hara. Quant à Chubby Johnson, il est égal à lui-même dans la peau de ce croque-mort à la recherche de clients (on se croirait dans Lucky Luke)

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Quelques autres raisons de se réjouir : une très belle photo en Technicolor, un montage incisif, une très bonne partition dont certains thèmes auraient été écrits par Henry Mancini, une belle course poursuite finale entre les deux frères aux milieu de paysages rocailleux et désertiques, un appel à la non violence de la part de l'acteur Reagan ainsi que des détails et images rétrospectivement assez cocasses de ce dernier se faisant traiter de froussard, essuyant la vaisselle ou encollant un lai de tapisserie. Sans oublier une mise en scène qui réserve quelques très beaux cadrages ou mouvements de caméra comme celui qui suit un couple en un panoramique à 180° filmé de derrière un bosquet. Le côté positif de ce type de films est que nous les oublions aussi vite que nous les avons visionné et que, de ce fait, il n’est pas déplaisant de les revoir la semaine suivante d’un œil presque neuf. Prévisible et sans surprises mais bougrement agréable, Nathan Juran sachant se contenter d'un faible budget sans que ça ne se remarque trop. De la série B comme je l'aime !
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Re: Nathan Juran (1907-2002)

Message par Rick Blaine »

Un réalisateur dont je ne connais que Quand la Poudre Parle, vu il y a quelques mois (je n'ai pas de souvenir de la critique de Tatav', mais je ne crois pas qu'elle soit particulièrement négative). Je n'ai pas vraiment de souvenir du film finalement, si ce n'est qu'il s'agissait d'un agréable divertissement, sans plus, typique de ces westerns que je prends plaisir à voir sans qu'ils ne me marquent plus que ça. Comme ce que tu dis pour Gunsmoke, j'en avais trouvé la mise en scène efficace, mais sans éclat.
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Re: Nathan Juran (1907-2002)

Message par Jeremy Fox »

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Le Kid du Texas (The Kid from Texas - 1950) de Kurt Neumann
UNIVERSAL


Avec Audie Murphy, Gale Storm, Albert Dekker, Shepperd Strudwick, Will Geer
Scénario : Robert Hardy Andrews & Karl Kamb
Musique : Milton Schwarzwald
Photographie : Charles Van Enger (Technicolor 1.37)
Un film produit par Paul Short pour la Universal


Sortie USA : 01 mars 1950


Comme son nom l’indique, Kurt Neumann est un réalisateur d'origine allemande. Né à Nuremberg, il vient à Hollywood diriger les versions allemandes et espagnoles de films américains avant de tourner ses propres œuvres. Tom Mix ayant été l’un des premiers comédiens qu’il eut à diriger, il va de soi que quant il mit en scène The Kid from Texas, le western lui était déjà familier. Mais il restera avant tout réputé pour avoir réalisé quatre films de la série RKO des Tarzan avec Johnny Weissmuller, et surtout, son titre de gloire, un classique du cinéma fantastique datant de 1958, La Mouche Noire (The Fly). Le Kid du Texas a été tourné par Kurt Neumann en 1950, la même année que Rocketship X-M (24 heures chez les Martiens), agréable film de Science Fiction. Peu connu de nos jours (et pour cause : il s’agit d’un tout petit film de série sans grand intérêt), The Kid from Texas marque néanmoins une date pour avoir été le premier western avec Audie Murphy en tête d’affiche ; le premier d’une quarantaine, quasiment tous tournés sous l’égide de la Universal pour qui le comédien fut une immédiate et formidable manne financière, l’une de ses stars les plus rentables, et ce, dès le film qui nous intéresse ici, immense succès à l’époque. Si dans ces débuts son jeu dramatique ne nous convainc guère, sa souplesse, ses gestes, sa démarche et sa vitesse d’exécution lors des séquences d’action nous le font trouver immédiatement très à l’aise dans le domaine du western ; un genre qui lui irait comme un gant et qu’il ne quitterait désormais plus jamais.

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1879 ; Lincoln County (Nouveau Mexique). Un groupe d’hommes vient arrêter pour meurtre l’avocat Alexander Kain (Albert Dekker) et son associé dans l’exploitation d’un ranch, Roger Jameson (Shepperd Strudwick). Ces derniers se défendent en expliquant que les hommes tués l’ont été alors qu’ils étaient en train de leur voler du bétail. Dans la région, deux gros domaines se livrent en effet une lutte sans merci depuis quelque temps. Le Major Harper, le rival de Kain et Jameson, a même pour l’occasion embauché de fines gâchettes et s’est mis un shérif de la région dans la poche. Se trouvant sur les lieux, le jeune William Bonney, nommé aussi Billy The Kid (Audie Murphy), tue en état de légitime défense deux des hommes venus arrêter son nouveau patron ; Jameson venait en effet de lui proposer un travail d’homme de main dans son ranch. Après ce drame, Jameson demande à Billy de ne jamais plus utiliser son arme, sachant également que le jeune garçon a commis un meurtre dès l’âge de 12 ans en voulant défendre sa mère. Kain, en visite au ranch avec sa jeune épouse (Gail Storm), apprend à Jameson qu’ils sont attendus avec Harper chez le nouveau gouverneur de la région, le Général Lew Wallace. Celui-ci leur demande de cesser instamment leur conflit qui ensanglante la contrée. Pendant ce temps, quatre hommes d’Harper sous l’emprise de l’alcool, venus venger la mort de leurs ‘collègues’, attaquent le ranch de Jameson, ce dernier étant tué lors de la fusillade. Billy est effondré ; il vient de perdre le seul homme à qui il portait une forte estime, le seul à lui avoir offert une chance de recommencer sa vie à l’écart de la violence. Il jure alors de venger la mort de son bienfaiteur et devient vite un hors-la-loi…

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Fils d'un modeste cultivateur de coton, on sait qu’Audie Murphy fut le soldat le plus décoré de la Seconde Guerre mondiale. Malgré sa très petite morphologie et son visage poupin, il portera les tenues du Far-West (et notamment sa veste de cuir noir) avec une grande classe ; son jeu intériorisé et son regard bleu-acier arriveront à lui procurer une maturité qu’on aurait eu du mal à déceler de prime abord, arrivant même à être inquiétant quand le personnage l’exigeait. Audie Murphy est loin d'être un grand acteur (au sens propre comme au sens figuré), mais dans son style de rôle, ses prestations se révèleront toujours tout à fait honnêtes. Ici, même s’il est légitime de le trouver un peu limité dans son jeu et même s’il manque singulièrement de charisme, son inexpérience et sa maladresse servent finalement assez bien son personnage, celui du fameux Billy The Kid considéré ici par la voix off comme n’étant qu’un pion au milieu de la Lincoln County War. Les auteurs, s’inspirant d’un roman de Robert Hardy Andrews (qui participe aussi au synopsis aux côtés du scénariste du superbe Whispering Smith de Leslie Fenton), ont souhaité se rapprocher de la réalité et, même si on en reste très éloigné contrairement à ce que nous laisse sous-entendre le commentateur en tout début de film, ont voulu faire de Billy le Kid non un bandit romanesque et romantique comme c’était le cas du personnage interprété par Robert Taylor dans Le Réfractaire (Billy The Kid) de David Miller (pas mauvais d’ailleurs) mais un jeune homme taciturne pris dans la tourmente d'une guerre entre deux grands propriétaires terriens. L’inexpérience du comédien arrive donc à ne pas trop se voir puisque son personnage tel que décrit par les scénaristes est loin d’être flamboyant. Il demeure néanmoins un peu trop terne pour qu’on arrive à se soucier de ce qui arrive à son personnage et semble parfois hésitant ou pétrifié par la caméra. Il sera déjà plus à l’aise les années suivantes dans des westerns de série B bien plus convaincants tels Kansas en Feu (Kansas Raiders) de Ray Enright et surtout le pétaradant A Feu et à Sang (The Cimarron Kid) de Budd Boetticher. Il est cocasse d’ailleurs de constater qu’il se mit au départ dans la peau de presque tous les bandits célèbres car après Billy the Kid, il tiendra respectivement dans les deux films cités ci-avant les rôles de Jesse James et de Bill Doolin.

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Peut-être par le fait de connaître l’histoire par cœur mais le film de Kurt Neumann, sans être honteux, m’a paru dans l’ensemble bien ennuyeux. Les auteurs et le réalisateurs peinent à donner du rythme à leur western pourtant peu avare en fusillades, galopades et chevauchées en tout genre. Il faut dire que les scénaristes semblent plus s’être contentés d’aligner une succession de séquences sans progression dramatique ni grand liant entre elles que d’écrire une histoire rigoureuse et bien charpentée qui aurait dû en principe nous captiver. Beaucoup de scènes dialoguées s’avèrent bien trop longues et parfois dans le même temps totalement inintéressantes comme la première conversation entre Gale Storm (très mauvaise comédienne) et Audie Murphy à propos de chèvrefeuilles, d’orangers et de citronniers ! Juste avant, nous aurons déjà dû écouter jusqu’au bout la même comédienne jouer un morceau de piano sans que la longueur de la séquence soit vraiment justifiée ; d’ailleurs, le personnage féminin n’a quasiment aucun intérêt non plus si ce n’est dans ses relations tendues envers son mari plus âgé d'une vingtaine d'années joué par le très bon Albert Dekker qui pourtant nous délivre en toute fin de film une prestation assez calamiteuse, comme s’il déclamait une tirade sur une scène de théâtre. C’est donc aussi probablement la direction d’acteur qui laisse à désirer car les seconds rôles (pas mauvais pour autant) ne font guère d’étincelles eux non plus.

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Sinon, nous trouvons quelques très belles séquences comme la rencontre entre le Général Lew Wallace (futur écrivain de Ben-Hur) et Billy The Kid dans les montagnes ainsi que des séquences mouvementées qui, à défaut d’être inoubliables, s’avèrent assez efficaces par le fait aussi de se dérouler sans aucune transparences au sein de superbes paysages ou, comme le dernier quart d’heure nocturne, en pleine ville où Billy et ses hommes se retrouvent cloitrés dans une bâtisse à laquelle les assaillants vont bientôt mettre le feu après avoir essayés par tous les autres moyens de déloger ses habitants. Kurt Neumann nous délivre aussi quelques séquences assez violentes pour l’époque comme un pugilat rapide et nerveux qui voit Billy The Kid mettre KO son adversaire en quatre coups de poings bien assénés ou encore cette autre mettant en scène l’évasion de prison de Billy The Kid obligé de tuer un homme en lui tirant une balle dans le visage ; un plan presque subliminal d’à peine une demi-seconde d’un visage totalement ensanglanté fait son effet. Dommage alors que le final relatant le fameux duel Billy The Kid / Pat Garrett soit si rapidement évacué et privé d’émotions. Mais les scénaristes n’ont pas voulu donner une grande place au fameux shérif, préférant s’appesantir, à juste titre d’ailleurs, sur la sanglante guerre de Lincoln Country que le Général Wallace a réussi à faire cesser. Il y avait donc un bon postulat historique de départ, de très bonnes intentions mais le tout s'avère un peu gâché par la fadeur de l’ensemble que ce soit dans l’exécution, l’interprétation ou l’écriture.

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The Kid from Texas marque donc les débuts dans le western d’un de ses acteurs les plus emblématiques, tout au moins dans la série B. Il s’avère néanmoins être l’un des westerns Universal les plus faibles de l’époque bénie du studio dans ce domaine (s’étendant de 1948 à 1952), Neumann et ses scénaristes insufflant de plus à travers les deux personnages des complices d’Audie Murphy un humour assez déplacé et bien lourdaud. A signaler aussi une musique du générique provenant (y compris dans son orchestration) d’un western plus ancien que je n’ai pas réussi à identifier. Avec cette histoire d’un homme devenu hors-la-loi pour venger son patron qu’il estimait plus que quiconque, on pouvait s’attendre à un western touchant ou attachant mais finalement nous nous retrouvons devant une série B très moyenne, qui reste cependant honorable mais qui ne pourra ne plaire qu’aux amateurs purs et durs du genre.

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le film vient de sortir en France chez Sidonis. Copie correcte et présence de VIST et de VF d'origine

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Lord Henry
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Re: Nathan Juran (1907-2002)

Message par Lord Henry »

Fort heureusement pour lui, son association avec Ray Harryhausen n'exigeait pas qu'il fît preuve d'un talent particulier. En revanche, Jack the Giant Killer est un succédané plutôt laid du Sinbad.
Et The Deadly Mantis fait bien pâle figure comparé aux vrais réussites du genre à la même époque.

A noter qu'il a fini sa carrière en retrouvant Kerwin Mathews pour une histoire de loup-garou.

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Profondo Rosso
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Re: Nathan Juran (1907-2002)

Message par Profondo Rosso »

Allez on remet ça ici !

Les Premiers Hommes dans la lune de Nathan Juran (1964)

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En 1964, une mission astronautique internationale (Russes et Américains ensemble) prend pied sur la Lune et y découvre un drapeau anglais et un document écrit qui est une prise de possession de la lune au nom de la Reine Victoria. Grosse surprise des astronautes qui se croyaient les premiers hommes sur la Lune. On retrouve Bedford, le dépositaire de ce document, dans une maison de retraite de l'Angleterre.

Bedford raconte son histoire. À la fin du XIXe siècle, pour échapper à ses créanciers, il s'associe avec un savant un peu fou mais génial, Cavor, qui a inventé une matière, la cavorite, qui, une fois déposée sur un objet, permet à celui-ci de s'affranchir de la pesanteur. Ensemble, et avec Kate, la fiancée de Bedford, ils partent ensemble pour la Lune, et découvrent que celle-ci est habitée par les Sélénites, des humanoïdes insectiformes qui ont conçu une civilisation très évoluée, même si très différente de celle de la Terre.



Un production Charles Schneer/ Harryhausen assez oublié et peu connue semble t il car rarement citée parmi leur réussite alors que c'est un spectacle des plus convaincant. Un début assez sérieux et "réaliste" (avec des clins d'oeil sympa comme le sigle à damier de la fusée évoquant l'album de Tintin "On a marché sur la lune") de anticipant de quelques années la ferveur populaire que provoquera l'arrivée des premiers hommes sur la lune. La découverte improbable par les astronautes d'un document de 1899 amènent la NASA à faire mener sur Terre une enquête qui va révéler qu'un expédition lunaire à bel et bien eu lieu des décennies auparavant.

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Après ce début contemporain, la narration en flashbak nous ramène à une Angleterre Victorienne et une adaptation très fidèle d'un des texte les moins connus de HG Wells. Ce dernier était souvent resté dans l'ombre à cause du roman "De la Terre à la lune" de Jules Verne qui avait exploité l'idée des années auparavant, mais le livre de Wells avait néanmoins déjà connu une première version filmée en 1919 et "Le Voyage dans la lune" de Melies en est pratiquement une adaptation officieuse tant les similarités pullulent.

Le ton du film se fait alors plus léger, entre le héros baratineur et un peu escroc Bedford, ses relations orageuse avec sa fiancée Kate (jouée par la charmante Martha Hyer) et surtout le voisinage du professeur loufoque et maladroit Cavor joué par Lionel Jeffries. Les amateurs de steampunk jubileront devant le principe hors norme qui va permettre à nos héros d'effectuer leur voyage sur la lune. En dépit d'une scène de décollage éblouissante, Harryhausen se loupe un peu dans les séquences spatiale peu crédible et dénuée de magie, ce dont il a dû se rendre compte puisqu'il dépeint l'essentiel du voyage (le retour à la fin sera également très elliptique) depuis l'intérieur de la capsule.

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Arrivée sur la lune, c'est une tout autre affaire avec des cadrages et perspectives soufflante et un paysage lunaire très bien rendu. Le film se lâche ensuite dans la fantasy la plus pure avec la rencontre du peuple sélénites lunaire et de leur impressionnant royaume sous terrain. Bestiaires impressionnant, décors monumentaux, machines à l'esthétique improbable et aux fonctionnements inconnus, c'est à une véritable frénésie visuelle lorgnant sur les roman de Edgar Rice Burroughs que se livre Harryhausen. Nathan Juran fidèle collaborateur et réalisateur très doué (on lui doit sans Harryhausen le formidable "Jack le tueur de géant") délivre une réalisation alerte et bourré d'énergie mettant parfaitement en valeur les décors et créatures issue de l'imagination de Harryhausen.

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Un autre des points positif est que le scénario respecte parfaitement les thématiques de HG Wells. Homme de science croyant à l'avenir de l'homme à travers le culte du savoir, le personnage pacifiste du professeur cavol semble clairement être le double de l'écrivain dans le roman, et il en va de même dans le film. L'imperfection et la violence des hommes semble pourtant toujours contrecarrer ses dessein pacifistes, ce qui sera le cas ici avec le héros et narrateur Bedford montré sous un étonnant mauvais jour (surtout après le début du film le rendant sympathique) à l'attitude violente face à l'étranger inconnu (métphore du colonialisme ?). En prime la conclusion offre un joli clin d'oeil dans sa résolution à la manière dont mourrait les martiens dans "la Guerre des mondes" (Wells a écrit "les premiers hommes sur la lune après" et a donc recyclé son idée).

Le film est un gros échecs à sa sortie et signe momentanément la fin de la collaboration entre Harryhausen et Charles Schneer, qui se retrouveront néanmoins en 1969 pou"La Vallée de Gwangi". Sans être leur meilleur production, "Les premiers hommes dans la lune" est donc un spectacle tout à fait plaisant et visuellement assez époustouflant.4,5/6

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Profondo Rosso
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Re: Nathan Juran (1907-2002)

Message par Profondo Rosso »

Lord Henry a écrit :Fort heureusement pour lui, son association avec Ray Harryhausen n'exigeait pas qu'il fît preuve d'un talent particulier. En revanche, Jack the Giant Killer est un succédané plutôt laid du Sinbad.
Sévère ! Succédané oui mais très sympa !

Jack le tueur de géant de Nathan Juran (1961)

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L'ignoble sorcier Pendragon, banni d'Angleterre, veut s'emparer du trône de Cornouailles en faisant abdiquer le roi et en épousant sa ravissante fille, la princesse Elaine. Il la fait enlever par un de ses serviteur, un immense géant, mais Jack, un modeste fermier, parvient à le tuer et sauve ainsi la belle captive. Mais Pendragon n'a pas renoncé à ses sombres desseins.

Trois ans après le succès du "Septième Voyage de Sinbad", le producteur Edward Small (qui rata le coche en refusant de produire ce dernier) tente de reproduire la formule à succès avec ce film et engage pour cela le même réalisateur, le même héros (Kerwin Mathews) et le même méchant avec Torin Thatcher de nouveau dans un rôle de sorcier. Ne manque que le grand Ray Harryhausen au effets spéciaux, ce qui se ressent au niveau des créatures dont le visuel est plus grossier et la stop motion moins parfaite que le bestiaire du maître mais le film s'en sort néanmoins de manière tout à fait honorable et recèle d'autres qualités.

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Très librement inspiré du conte Jack et le haricot magique, le film emprunte également certains élément de sa trame à "Sinbad" avec son option aventure moins appuyée dans le conte et un personnage de lutin magique enfermé dans une bouteille variante à peine masquée du génie de la lampe.
Malgré tout le film parvient à trouver son identité grâce à son atmosphère de conte très marquée visuellement. Le début où on découvre la cour du roi Marc avec un aspect médiéval très colorée et kitsch ou encore l'antre sombre et menaçante de Pendragon sont très réussis et les sortilèges de ce dernier issus de la magie noire offre les moments les plus réjouissants du film.

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Les créatures que doivent affronter nos héros sont donc systématiquement un soupçon plus horrifible que dans les Sinbad, ce qui compense le manque d'originalité ou la raideur de certaines (le Cormoran en ouverture qui rappelle le Cyclope Sinbad, le serpent de mer géant assez loupé) et rend les autres assez effrayantes (ça doit faire son effet tout jeune) tels ses sorcières d'outre tombe dont l'attaque en pleine mer fait presque basculer le film dans l'épouvante le temps d'une scène. L'allure extravagante et bariolée du méchant Pendragon, le cour monstrueuse qui l'accompagne ainsi que certain tournant de l'histoire (comme la princesse ensorcelée devenue une affreuse créature démoniaque) contribue au ton conte horrifique adopté.

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Le récit est assez classique avec son couple amoureux immédiatement mais incarné avec conviction et les morceaux de bravoures impressionnants ne manque pas. Le Cormoran qui décime les troupes du roi puis le long face à face avec Jack, l'assaut des sorcières et surtout le final sur la plage qui multiplie les créatures et les affrontements dantesque avec en conclusion un prodigieux combat entre Jack et Pendragon transformé en hideuse bête volante. Donc malgré les emprunts évident, c'est réellement dépaysant et féérique et devrait faire plaisir à tout ceux qui ont gardé leur âme d'enfant. 5/6

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Dernière modification par Profondo Rosso le 20 déc. 11, 10:32, modifié 1 fois.
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Re: Nathan Juran (1907-2002)

Message par Jeremy Fox »

Ta critique des premiers hommes dans la lune me fait toujours autant saliver. Va falloir que je pense à le trouver.
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Re: Nathan Juran (1907-2002)

Message par riqueuniee »

Film vu sur Classic, et que j'ai trouvé très plaisant.
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Re: Nathan Juran (1907-2002)

Message par Lord Henry »

J'avais regroupé mes commentaires sur The Deadly Mantis et The Land Unknown:
Lord Henry a écrit :The deadly mantis (1957) et The land unknown (1957)

Deux illustrations d’un genre qui fit florès dans les années cinquante ; une époque où les angoisses et les incertitudes d’une société se matérialisaient sous la forme de créatures menaçantes issues de la nuit des âges.

Je trouverai toujours un charme inégalable aux trucages mécaniques, qui par-delà les imperfections ou le ridicule occasionnel, nous assurent de la réalité physique de ce qui nous est montré… et détruit ; loin de l’évanescence du numérique.

Réalisateur médiocre, Nathan Juran réussit néanmoins à insérer entre deux stock shots quelques images saisissantes de sa mante religieuse préhistorique ( !).

The Land Unknown fait de son côté meilleure figure; grâce essentiellement à son habillage en cinémascope et au frisson juvénile qu' éveille chez le spectateur bien disposé, le tréfonds tout de carton-pâte resplendissant d’un volcan, où se mêlent homme des cavernes, dinosaures d'origines diverses et plantes carnivores.
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Re: Nathan Juran (1907-2002)

Message par Lord Henry »

Et je ressors de mes tiroirs ceci:

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Le roi Pendragon et ses démons furent chassés de Cornouialles, voilà bien longtemps. Mais depuis la moutarde lui monte au nez, car ainsi qu'il aime à le répéter "il n'y a que les Cornouailles qui m'aillent!".

Jack, le Tueur de Géants (1962) marche sur les brisées du Septième Voyage de Sinbad sans chercher à donner le change. On enrôle le même réalisateur, les deux mêmes acteurs principaux et on a recours à la même technique d'effets spéciaux. Par là-même, on s'offre imprudemment à une comparaison dénuée de la moindre indulgence.
Or, il faut bien plus que des décors bariolés pour créer une atmosphère féérique, et la pauvreté des séquences d'animation nous fait cruellement regretter ce charme poétique dont Ray Harryhausen semble – en dépit de ses imitateurs – détenir seul le secret.
Car, c'est bien le charme qui fait défaut ici.
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Jeremy Fox
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Re: Nathan Juran (1907-2002)

Message par Jeremy Fox »

Je ne connaissais pas non plus les deux précédents. Merci d'avoir rapatrié les avis 8)
En tout cas, au vu de ses westerns qui comportent quand même pas mal d'idées de mise en scène et une très grande efficacité rythmique lors des séquences d'action, je ne le qualifierais pas de médiocre. Dans law and order, un superbe panoramique à 180° suivant deux cavaliers et filmés de derrière un bosquet, de très belles contre plongée sur le saloon, un final dans le rochers qui rappellent certains d'Anthony Mann...
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Re: Nathan Juran (1907-2002)

Message par Profondo Rosso »

Jeremy Fox a écrit :Ta critique des premiers hommes dans la lune me fait toujours autant saliver. Va falloir que je pense à le trouver.
Tu le trouve en zone 2 UK et vostf avec pas mal d'autres productions Harryhausen chez le même éditeur pour pas cher du tout et dans de très belles éditions, il y a moyen de se faire la totale à ces prix là.

http://www.amazon.co.uk/s/ref=nb_sb_ss_ ... x=Ray+Harr
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Jeremy Fox
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Re: Nathan Juran (1907-2002)

Message par Jeremy Fox »

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La Rivière sanglante (Drums across the River, 1954) de Nathan Juran
UNIVERSAL


Avec Audie Murphy , Walter Brennan , Lisa Gaye , Lyle Bettger , Hugh O'Brian , Jay Silverheels , Mara Corday , Emile Meyer, Morris Ankrum , Bob Steele
Scénario : John K. Butler & Lawrence Roman
Musique : Joseph Gershenson
Photographie : Harold Lipstein (Technicolor 1.85)
Un film produit par Melville Tucker pour la Universal


Sortie USA : Juin 1954

Alors que le studio Universal fut durant les premières années de la décennie le champion de la série B westernienne, on sent, qualitativement parlant (et à quelques exceptions près), un sacré relâchement depuis le début 1954. Les budgets semblent s’être resserrés (d’où une esthétique moins léchée, un rendu moins agréable à l’œil) et les quelques nouveaux producteurs paraissent être moins ambitieux et faire moins attention quant à la qualité d’écriture des scripts, au choix du casting… Il y eut pour commencer les deux mauvais westerns de George Sherman sortis quelques mois plus tôt et voilà que Nathan Juran, qui avait l’année précédente délivré deux westerns très sympathiques pour la firme (Quand la poudre parle - Law and Order avec Ronald Reagan ainsi que Le Tueur du Montana – Gunsmoke, déjà avec Audie Murphy), réalise un nouveau western, cette fois à l’intrigue bien trop banale et aux protagonistes bien trop caricaturaux pour arriver à nous captiver. Cet affaiblissement qualitatif, on le remarque même au travers des bandes originales, bien faiblardes en rapport à certains scores précédents signés par les excellents Herman Stein ou Hans J. Salter. La seule chose sur laquelle le studio ne veut toujours rien lâcher est sa volonté de ne tourner les scènes d’extérieurs qu’en décors naturels (ici encore bien choisis) sans jamais utiliser la moindre transparence même au sein des séquences mouvementées. C’est déjà ça de gagné et c’est une des raisons pour lesquelles les amoureux du western apprécient tant les productions d’un studio qui se moque le moins possible de son public ! Ceci dit, les nouvelles productions ont pour l’instant perdues un peu de la magie qui caractérisait celles qui s'étendaient en gros de 1947 à 1953. Gageons et espérons que ce ne soit qu’un passage à vide !

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Crown City, petite ville du Colorado s’étant édifiée suite à la découverte de mines d’or dans les alentours. En cette fin de 19ème siècle, les habitants se demandent s’ils vont continuer à pouvoir y vivre plus longtemps, les gisements étant presque épuisés. Il reste cependant des filons qui n’ont pas encore été touchés ; le problème est qu’ils se situent de l’autre côté de la rivière San Juan, dans les montagnes du territoire de la tribu des Utes sur lequel, suite à un traité, les hommes blancs n’ont pas le droit de pénétrer. Gary Bannon (Audie Murphy), qui gère une petite entreprise de fret avec son père Sam (Walter Brennan), se laisse convaincre par Frank Walker (Lyle Bettger) d’aller malgré tout prospecter en territoire indien afin d’éviter la faillite. Sam, qui connait bien et respecte la tribu des Utes, tente de s’interposer mais son fils n’en fait qu’à sa tête (d’autant qu’il hait les indiens responsables de la mort de sa mère) et le voilà parti avec Walker et ses hommes. En réalité, Walker nourrit le projet de créer un incident avec les indiens : il pense que si une guerre est déclenchée entre colons et indiens, ces derniers seront reconduits dans des réserves, laissant le champ libre pour pouvoir exploiter les mines d’or situées dans les montagnes. A peine le groupe a t’il franchi la rivière qu’il est pris en embuscade par les Utes. Sam, qui est parvenu à rattraper le convoi réussit à parlementer avec le chef de la tribu (Morris Ankrum) mais Walker et ses hommes arrivent néanmoins à créer l’incident fatal en tuant trois indiens venus parlementer. Voyant la tournure que prennent les évènements, Gary commence à vouloir changer de camp mais il n’est pas au bout de ses peines puisque, sentant qu’il ne le suivra pas dans ses noirs desseins, Walker fait tout pour le discréditer auprès de ses concitoyens…

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Des blancs cherchant à créer un conflit avec les indiens dans le seul but de profiter de la confusion. Des Indiens pacifiques mais qui ne souhaitent pas être délogés ni que l’on vienne empiéter sur le bout de territoire qu’on leur a difficilement accordé. Un homme raciste finissant par comprendre qu’il l’était à tort, que l’on ne doit pas juger un peuple sur un seul de ses membres… Intentions évidemment tout à fait louables mais rien de bien neuf à se mettre sous la dent. Du déjà vu et revu mais surtout en bien mieux ! Le Western de Nathan Juran est de nouveau un véhicule pour la star maison, Audie Murphy. Ce dernier se fait pourtant voler la vedette par Walter Brennan mais aussi par les vicieux ‘Bad Guy’ interprétés par Lyle Bettger et Hugh O’Brian. Malheureusement leur jeu est tellement caricatural et répétitif que finalement, qu'ils soient ternes, pittoresques ou picaresques, aucun protagoniste n’arrive vraiment à attirer notre attention. Nous visionnons donc ce pauvre western sans passion ni intérêt, comme les spectateurs de l’époque d’ailleurs qui boudèrent le film. Un échec commercial assez justifié par le fait que l’ensemble fait ressentir comme un air de bâclage et puisqu’il s’agissait alors d’un des moins bons films avec Audie Murphy. Il faut dire que Melville Tucher à la production est loin d'avoir une filmographie mirobolante à son actif au contraire par exemple d'un Aaron Rosenberg qui avait d’ailleurs produit le premier western de Nathan Juran (Law and Order), d’une toute autre qualité. Non qu’il ait été plus original mais mieux écrit, mieux rythmé, plus efficace. A travers le western à la Universal, on se rend encore mieux compte du fait, qu’à l'époque des studios, le producteur comptait souvent presque tout autant que le réalisateur dans le résultat final qui, et notamment dans la série B, dépendait plus du travail d'une équipe que de la personnalité d'un auteur.

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Si ce Drums across the River est moins palpitant que les westerns précédents de Nathan Juran, c’est aussi à cause de son intrigue paresseuse, banale et guère palpitante (malgré une bonne dose d'action), les scénaristes de ce dernier étant bien moins doués que DD Beauchamps. Car sinon, la mise en scène, même si sans aucun génie, s’avère toujours plutôt correcte, nous proposant mêmes quelques rares séquences assez réussies comme cette bagarre à poings nus dans un grand baquet de récupération d’eau, une pendaison se déroulant sous une pluie battante et surtout cette belle scène des obsèques du chef indien dans un lieu désert et venté. A notifier encore une autre jolie scène dans le campement indien qui voit Audie Murphy perdre ses préjugés racistes lorsqu’il se rend au chevet du vieux chef mourant, interprété par Morris Ankrum, qui lui fait comprendre qu’il ne faut pas juger un groupe à la bêtise d’un de ses membres, expliquant aussi qu’il faut toujours combattre les ennemis de la paix : « I fought the enemies of peace, no matter who, while I lived. I will fight them after my death. » Pour le reste, à l’image du personnage féminin qui n’a d’autre fonction que de se jeter dans les bras du héros à la toute dernière image, rien de vraiment intéressant à piocher au sein de ce tout petit western pro-indien.
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Re: Nathan Juran (1907-2002)

Message par Profondo Rosso »

Jeremy Fox a écrit :Thanks :wink:
De rien :wink: Nathan Juran sans être un génie je trouve vraiment que c'est avec Don Chaffey (et Cy Enfield sur L'ïle Mystérieuse) un de ceux qui a su le mieux mettre en valeur les bêbêtes de Harryhausen (qui a pu parfois être bien mal servi par ses réals) un artisan tout à fait efficace.
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