Je me suis rendue compte que cet acteur mythique de l'histoire du cinéma n'avait pas encore de topic. C'est réparé. Depuis que je l'ai découvert dans les années 80 dans The Thief of Bagdad (Le voleur de Bagdad, 1924), Doug est entré dans mon panthéon personnel pour ne plus jamais en sortir. Se déplaçant avec la grâce d'un danseur, il semble littéralement s'envoler dans les airs, sans l'aide de son tapis volant. Dans les années 10, il débute à la firme Triangle dirigée par Griffith, Ince et Sennett où il fait merveille dans une série de comédies acrobatiques et presque 'screwball'. On peut maintenant trouver un grand nombre de ses films en DVD. Mais, attention! De nombreuses éditions hasardeuses sont sur le marché. N'achetez pas n'importe quoi ou vous pourriez passer à côté de la magie de Doug.
Je reposte ici quelques critiques éparpillées sur le site.
The Half-Breed (Le métis, 1916) avec Douglas Fairbanks, Jewel Carmen et Alma Rubens
Sleeping Water (D. F.) est un métis élevé par un vieux naturaliste. Il est méprisé par la population du petit village près duquel il vit. Cependant, la fille du pasteur Nellie (J. Carmen) flirte avec lui au grand dam de ses prétendants le Shériff Dunn et Jack Brace...
En 1916, Dwan réalise pas moins de 4 films avec Douglas Fairbanks pour la Triangle. Ils sont tous plein d'inventions de mouvements et d'humour grâce aux scripts pétillants d'Anita Loos (l'auteur de Gentlemen Prefer Blondes). Dans celui-ci, Douglas est au banc de la société parce qu'il est le fils d'une squaw. Le film a été entièrement réalisé en décors naturels dans la forêt de séquoias géants californienne. D'ailleurs la copie de la Cinémathèque que j'ai vue était de toute beauté. Le film comporte moins d'action que Manhattan Madness par exemple. Mais, on est en face d'une ode panthéiste à la nature avec des plans à couper le souffle: des rivières qui serpentent dans les gorges ou des sous-bois incroyables avec ses troncs gigantesques. On découvre Doug pour la première fois dans une tenue fort légère qui met en valeur sa plastique!
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Quelques fragments d'un film perdu:
He Comes Up Smiling (1918) de Allan Dwan avec Douglas Fairbanks. Celui-ci offre un extrait substantiel du film. On a le temps d'apprécier la performance d'un Fairbanks en grande forme qui est un petit employé de banque. Il se sent en cage comme le canari dont il doit s'occuper. C'est d'ailleurs à cause de cet oiseau qu'il va quitter sa cage de caissier pour le poursuivre. Il y a une suite d'acrobaties époustouflantes où il escalade façade et échelle pour rattraper l'oiseau rétif. Puis, il découvre les joies du plein air avec un vagabond et décide de relacher l'oiseau. Quel dommage que le film ne soit pas complet! C'est un petit bijou.
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Dans ce nouveau coffret de 5 DVDs publié chez Flicker Alley, Douglas Fairbanks, A Modern Musketeer, la carrière de Douglas Fairbanks avant sa période 'cape et épée' est illustrée superbement par 10 films de 1916 à 1921 plus une nouvelle restoration de The Mark of Zorro. Ce sont des comédies modernes avec souvent des scénarios élaborés par Anita Loos réalisés par John Emerson, Allan Dwan et Victor Fleming. Tous ces films sont des comédies remarquables par leur vivacité, leur brio, leur anti-conformisme et qui ont souvent bien en avance sur leur temps par leur humour décalé et leurs gags visuels. Les 3 premiers sont des productions Triangle-Fine Arts donc du studio de Griffith.
His Picture in the Papers (1916) John Emerson
Pete Prindle (DF) est le fils de Proteus Prindle, le roi de la nourriture végétarienne en boîte. Mais, il ne partage pas les goûts culinaires de la famille -lentilles, pruneaux, etc.- et préfère un bon steak bien saignant. Mais pour obtenir la main de sa bien-aimée, il doit à tous prix apparaître en photo à la une des quotidiens new-yorkais. Il se lance dans l'aventure en simulant un accident de voiture...
Douglas est un fils de famille mal à l'aise dans le carcant familial. Il se lance dans une série de défits déments pour obtenir cette fameuse photo. Le film se moque gentiment de la publicité déjà pléthorique en Amérique. Son arrivée sur la plage d'Atlantic City, en pyjama avec un parapluie ne passe pas inaperçue!!! Doug a un sens très sûr des effets et il sait se moquer de lui-même. Un Erich Von Stroheim, très mince, y joue un petit rôle de gangster avec un bandeau sur l'oeil. Un petit bijou!
The Mystery of the Leaping Fish (1916) John Emerson & Christy Cabanne
C'est le seul court-métrage (env 30 min) de la boîte. Le scénario est quasiment irracontable mais totalement hilarant et pas du tout politiquement correct. Doug est Coke Ennyday (=Coke Any Day = de la cocaïne quand tu veux!), un détective très porté sur les injections d'héroïne (il a un stock de seringues sur lui! ) et qui snife la cocaïne à l'occasion. On l'appelle pour démenteler un gang de traficants d'opium avec des résultats déments....!!!
On pourrait être chez les Monthy Python tant l'humour est déjanté et complètement cinglé. Doug s'amuse comme un fou en détective moustachu et cocaïnomane. Hilarant!
Flirting With Fate (1916) Christy Cabanne
August Holliday (DF) est un artiste sans le sou. Traversant une période de déprime -sa fiancée l'a quitté, il s'est fait volé son tableau favori et il est complèment à sec-, il recrute un tueur, Automatic Joe (G. Beranger) pour le tuer contre ses 50 derniers dollars. Mais, aussitôt après tout s'arrange: sa belle revient, il reçoit un héritage et récupère son tableau. Il vit maintenant dans l'angoisse de revoir son tueur...
Un immense éclat de rire de bout en bout avec des intertitres hilarants comme celui qui commande au pianiste de jouer la marche nuptiale de Lohengrin! (un clin d'oeil à la Tex Avery bien avant l'heure) Lillian Gish joue le petit rôle d'un des dames d'honneur de la mariée.
The Matrimaniac (1916) Paul Powell
Jimmy Conroy (DF) s'enfuit avec Marna Lewis (Constance Talmadge) pour l'épouser loin de son père et de son fiancé ennuyeux. S'en suit une course poursuite entre le père et les amants en fuite passant par des trains, des mules, des voitures, etc.
Un rythme incroyable dans les tribulations de Jimmy Conroy qui tire avec lui un pasteur en peignoir de bain pour rejoindre sa belle. le film est à 100 à l'heure et se termine en équilibre sur des fils du téléphone par un mariage par téléphone...
Wild and Woolly (1917) John Emerson
Jeff Hillington (DF) est obsédé par l'ouest sauvage et les westerns. Sa chambre est décoré d'un tipi et de tonnes d'accessoires de cow-boy. Son père, un magnat ferroviaire l'envoie en mission en Arizona. Les habitants de la petite ville, prévenus de son obsession, se déguise en personnages de Westerns et organise de faux réglement de comptes et des attaques de train pour amuser le New-Yorkais. Il mort à l'hameçon...
Cette parodie de western, jusque dans les situtations et le vocabulaire, est totalement réussie. Une des meilleures parodies de western que j'ai jamais vu. Douglas est formidable en citadin crédule mais qui se révèle un parfais homme de l'ouest!
Reaching for the Moon (1917) John Emerson
Alexis Caesar Napoleon Brown (DF) rêve d'être un personnage important, membre d'une famille royale alors qu'il est employé chez un fabricant de boutons. Un jour, son rêve se réalise. Il devient le roi de Vulgaria. Mais, le rêve tourne au cauchemar: tentatives d'assassinat, empoisonnements, mariage avec une créature -tout sauf de rêve! Il regrette sa petite vie d'employé...
Le monde du Prisonnier de Zenda à l'envers avec une bonne dose de parodie. Doug réalise des cascades incroyables avec une facilité déconcertante. Très drôle.
A Modern Musketeer (1917) Allan Dwan
Ned Thacker (DF) est élevé par sa mère dans le culte de D'Artagnan. Il va pouvoir développer ses talents de héros en sauvant la belle Elsie des griffes d'un Indien fort mal embouché...
Le film a été tourné au même endroit que Colorado Territory de Walsh: un village indien en ruines près du Grand Canyon en Arizona. Les décors sont à couper le soufle tout autant que les acrobaties de Doug en pleine forme.
When the Clouds Roll by (1919) Victor Fleming
Daniel Boone Brown (DF) est victime d'un docteur fou à lier qui l'utilise comme cobaye à son insu. Ses repas lui donne de violents cauchemars et il a du mal à secouer le joug de son oncle qui l'emploie...
Ce film est à des années lumière de la production de l'époque. On y voit Doug marcher sur le murs et au plafond. Un technique qui sera ré-utilisée par S. Donen dans Royal Wedding bien plus tard. Les rêves de Doug sont illustrés par des séquences quasiment d'avant-garde. Fleming avait été caméraman sur les précédents films de Doug avec Emerson. Il devient maintenant réalisateur. Un petite merveille d'inventions visuelles!
The Mollycoddle (1920) Victor Fleming
Richard Mashall (DF) est l'héritier d'une grande famille américaine établi à Monte-Carlo. Sa personnalité s'est particulièrement 'ramollie' durant ce long séjour. Mais, il se trouve avec un groupe d'américains en vacances dont l'un des membres est un dangereux trafiquant (W. Beery)...
Le film commence en comédie et se termine en western avec des cascades impressionnantes comme cette bagarre entre Doug et Wallace Beery en haut d'un arbre! Superbe utilisation des décors naturels. Du rythme et de l'humour à revendre.
The Nut (1921) Theodore Reed
Charlie Jackson (DF) est un inventeur né et sa maison regorge de système sophistiqués. Mais, bien souvent ils s'enrayent et il doit essayer de réparer les catastrophes diverses...
C'est la dernière comédie pure de Fairbanks, réalisée après The Mark of Zorro. Pour conquérir sa belle, il invente des gags formidables. Il faut noter la présence de Charlie Chaplin dans le rôle d'un faux Chaplin.
Tout ça pour vous dire que ce coffret est un excellent remède contre la morosité ambiante. Et Douglas Fairbanks était un innovateur de premier plan dans les années 10. Courrez découvrir ces films!
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Le Masque de Fer (The Iron Mask, 1929) de Allan Dwan avec D. Fairbanks Sr.
Cette adaptation de Dumas condense Les Trois Mousquetaires, Vingt Ans Après et le Masque de Fer et permet à Douglas Fairbanks de retrouver le rôle de D'Artagnan, 9 ans après les Trois Mousquetaires. Un gros travail a été effectué sur les décors et costumes réalisés sous la supervision de Maurice Leloir, un illustrateur des romans de Dumas. Il s'agit du dernier film muet de Fairbanks et il contient même un prologue parlant. Comme toujours, il exécute des cascades halucinantes avec une légèreté et une maestria qui les font apparaîtrent comme de simples exercices. Le DVD Kino offre une copie restaurée de toute beauté qui met en valeur le travail remarquable de Henry Sharp (un collaborateur de Maurice Tourneur dans les années 20). Et, il y a en plus la partition orchestrale de Carl Davis. On sent une réelle nostalgie dans ce film comme un adieu au cinéma muet qui est en train de mourir en 1929. D'ailleurs, pour la première fois, Fairbanks meurt à l'écran avant de monter au ciel. Il n'a rien à craindre : il est immortel !
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The Private Life of Don Juan (1934, Alexander Korda) avec Douglas Fairbanks Sr., Merle Oberon, Benita Hume et Melville Cooper
Don Juan (D. Fairbanks) est adoré unaniment par toutes les femmes de Séville. Mais, elles ignorent qu'un jeune homme se fait passer pour lui. De son côté, Don Juan a vieilli et il est poursuivi par ses créanciers et une épouse tenace (B. Hume)...
Ce film de 1934 fut le chant du cygne de Douglas Fairbanks. Il était déjà une légende de son vivant et le scénario utilise habilement la personnalité de Doug pour le personnage de Don Juan. Je ne m'attendais pas à grand chose en regardant ce film d'Alexander Korda qui ne fut pas un succès à sa sortie. En fait, j'ai été très heureusement surprise par le ton décalé et l'utilisation du mythe de Don Juan. Le scénario est signé de Frederick Lonsdale, un excellent auteur anglais de comédies, et de Lajos Biro, un des collaborateurs habituels de Korda. Nous suivons les aventures d'un Don Juan qui a maintenant les tempes grisonnantes, quelques rides et qui doit faire attention à sa ligne. Lorsqu'il tente de séduire une jeune demoiselle, celle-ci lui fait remarquer qu'il pourrait être son père. Finalement, il est prisonnier de l'image qu'il a donné dans le passé. Les femmes sont amoureuses d'une certaine image de Don Juan telle qu'elle a été véhiculée par le théâtre et la littérature. Et le pauvre Don Juan n'arrive pas à être à la hauteur de son mythe. A cette époque-là, Douglas Fairbanks est également sur la touche. Bien qu'il ait fait quelques films parlants, aucuns d'entre eux ne lui a permis de retrouver son succès de l'époque du muet. Toujours athlétique, il est lui aussi obsédé par son physique et l'idée de rester 'jeune'. Le scénario ne manque pas de se moquer de cette obsession alors qu'il reçoit force massages. Dans sa vie privée, les choses ne vont guère mieux. Son mariage avec Mary Pickford part à vau-l'eau. Ils vont divorcer au moment de la sortie du film. Le film est donc à la fois un regard nostalgique sur une des plus grandes stars du cinéma ainsi qu'un hommage luxueux et humoristique. Le film est un écrin somptueux grâce aux superbes décors de Vincent Korda et à la cinématographie du français Georges Périnal qui se surpasse dans la beauté et la sophistication. Une volée de superbes créatures, toutes superbement photographiées parent le film, en particulier Merle Oberon dont l'étoile était en ascendance. Fairbanks montre son flair pour la comédie, un genre dans lequel il avait débuté avant de créer de toutes pièces le film de cape et d'épée. C'est d'ailleurs probablement pour cela que le public fut dérouté. Il s'attendait à retrouver le Fairbanks virevoltant de Zorro plutôt que ce héros désorienté face aux femmes. Une très heureuse surprise.
Criterion offre une superbe copie dans la collection Eclipse.