Le cinéma naphta coréen

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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bruce randylan
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Re: Le cinéma naphta coréen

Message par bruce randylan »

Ah le site de la KOFA n'est pas à jour. J'ai trouvé 3 autres blu-ray (que j'ai acheté du coup. :mrgreen: )

la Chanteuse de Pansori d'Im Kwon-taek :D
The last witness de Lee Doo-yong (qui possède un commentaire audio de Park Chan-wook)
People in the Slum de Bae Chang-ho
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bruce randylan
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Re: Le cinéma naphta coréen

Message par bruce randylan »

La section "classique" du FFCP consacre cette année un cycle sur l'acteur comique Koo Bong-seo récemment disparu au travers de 4 films (5 initialement prévus mais le dernier vient d'être annulé). Une bonne chose car les comédies coréennes des années 60's sont assez peu visibles (y compris sur la page youtube de la KOFA) même si ce ne sont logiquement pas des chef d’œuvres en puissance, plutôt des titres populaires et grand publics tournés à la pelle. Koo Bong-seo, vendu ici comme le Chaplin coréen, a plutôt l'air de se rapprocher du japonais Frankie Sakai ne serait-ce que par leur ressemblance physique. Mais c'est sur que Frankie Sakai ne parle pas trop au public lambda :mrgreen:

Le FFCP rediffuse un Im Kwon-taek que j'avais pu voir à la cinémathèque :
Désolé pour le dérangement (1969) : une petite comédie de mœurs où un quadra chassé de chez lui squatte la maison d'une ami de lycée. Plutôt amusant (sans être vraiment drôle... ou alors pas volontairement) avec une petite critique envers la corruption au quotidien et un discours assez progressiste. Une séquence assez "gonflée" ( :P ) et un final où Im part en vrille vers le burlesque surréaliste le temps de 5-10 minutes qui font regretter qu'il n'aille pas à fond dans ce registre.

Pour les découvertes :
Gentleman in his only suit (Kim Gi-pung - 1968)
Image

Un modeste portier ne possède rien si ce n'est un costume laissé par son défunt père. Un client américain lui donne en pourboire un ticket de loterie qui s'avère miraculeusement gagnant. Sauf que sa fiancée a glissé le billet dans la doublure de la veste paternelle et qu'un ami l'a emprunté sans lui demander.

Une sympathique variation du Million de René Clair (ici le billet vaut 10 millions de won) qui s'avère assez amusante grâce à ses comédiens attachants, une cadence plutôt rythmée, quelques idées visuelles et une esquisse discrète d'une comédie de mœurs pour un petit portrait de la société coréenne à la fin des années 60 et aux premières heures de la société de consommation. Le film s'amuse gentiment de la jalousie et la mesquinerie ambiante sans jamais vouloir être méchant ou grinçant. Le ton reste bon enfant à l'image du jeu de Koo Bong-seo et de nombreuses séquences en extérieurs qui offrent des vues intéressantes de la Corée de l'époque : des grands magasins en passant par les rue commerçantes jusqu'aux quartiers défavorisés. L'occasion de déployer une plaisante gamme chromatique.
Certaines péripéties sont bien trouvées (le jeu de mot sur la sonorité du numéro gagnant et "bigleuse" ; le beau-père de la fiancée du copain ; les 4 vérités au patron ; l'évanouissement en pleine rue devant le chiffonnier et toute la mêlée finale). On est très loin de Lubitsch et Capra bien-sûr mais le charme désuet marche plutôt bien même si on est content que le film ne dure que 80 minutes.

A man and a Gisaeng (Shim Wu-seob - 1969)
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Renvoyé de son travail pour y avoir mené des travaux de coutures, un homme accepte d'être engagé comme Gisaeng (l'équivalent des geisha coréennes) dans un établissement de luxe où le patron veut se moquer de clients lui reprochant des employées trop laides.

Cet opus est une comédie de travestissement, genre assez populaire à l'époque et dans lequel Koo Bong-seo officia avec un certain succès semble-t-il. En comparaison avec Gentleman in his only suit, on subit une grosse baisse qualitative pour un réalisation pour ainsi dire inexistante se contentant de filmer les acteurs. Point.

Le rythme et l'intérêt baissent donc fortement d'autant que les décors (intérieurs) manquent de variété et qu'on revient toujours au même lieux. Il reste donc les comédiens qui se déchaînent ici sans grande finesse mais avec une réelle générosité. Koo Bong-seo se fait d'ailleurs voler la vedette par un autre poids lourd du box-office Heo Chang-kang qui cabotine délicieusement.
L'humour n'est vraiment pas d'une grande subtilité et repose sur des situations de vaudeville sans grande originalité : la nouvelle Gisaeng fera chavirer la tête des habitués dont le patron indélicat qui sera ridiculisé à plusieurs reprises, les épouses trompées se révoltent, la soeur du héros est fiancée au fils de son "ennemi"...
Excepté la fin qui sous-entend une possible homosexualité, ça demeure très prévisible mais les comédiens jouent le jeu à fond et quelques moments décrochent quelques sourires, voire même rires comme Koo Bong-seo en jupe du dimanche.

Faut être indulgent cela dit, même si, j'aime bien la possibilité de découvrir des titres moins nobles et prestigieux et se faire une idée des divertissements prisés du public à cette période.
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Re: Le cinéma naphta coréen

Message par bruce randylan »

Dernier titre de ce petit hommage à Koo Bong-seo

The man who was crused to death by money (Shim Wu-seob - 1971)

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Un homme d'une soixantaine d'année d'origine modeste s'enrichit soudainement en vendant son terrain à des spéculateurs immobiliers. Sa fortune pose un problème : il lui faut une descendance ! Son épouse étant trop jeune, il prend donc une jeune maîtresse pour lui faire un enfant mais il demeure impuissant. Deux escrocs essayent de lui donner des traitements soi-disant miracles.

J'avais un peu peur de retrouver Shim Wu-seob derrière la caméra après mais cette nouvelle comédie s'avère plus réussie que A man and a Gisaeng en côtoyant une absurdité quasi-absurde par moment très proche du cartoon. Si l'humour n'est toujours pas très sophistiquée ni très dynamique, les situations échappent sont suffisamment gratinées pour qu'on ne sache pas dans quelle direction va aller l'histoire. Il y a d'ailleurs une forte dimension "film à skecth" avec les différents traitements rivaux proposés : un sur des méthodes traditionnels et une autre sur les nouvelles technologies.
Ce qui m'a constament surpris, c'est son côté très graveleux qui n'a pas l'air d'avoir offensé la censure pourtant très strict à l'époque. L'avantage de traiter de la comédie car mine de rien, on y parle polygamie, impuissance, pulsions sexuelles, adultère avec des gags assez stupéfiants comme les deux sidekicks devant sacrifier chacun une testicule pour composer un médicament (sans la moindre efficacité en plus) et qui donne lieux à un running gag bien crétin avec la réaction physique lorsqu'une femme désirable est croisée. :mrgreen:
Le dernier acte part même carrément en vrille quand le sexagénaire retrouve une libido envahissante et que ses 2 compères essaient de réduire à néant en lui tirant par exemple dessus au canon ! On ne sait d'ailleurs pas trop s'ils visent sa virilité en particulier ou s'ils cherchent à le tuer simplement !
Ce genre de moment donne une réelle saveur à un humour habituellement volontiers plus potache et basique avec des moments plus mécaniques ou dénués de timing. On peut avancer que Shim Wu-seob n'est pas vraiment doué pour mettre en scène une comédie mais The man who was crused to death by money a l'avantage d'être beaucoup moins statique que A man and a Gisaeng avec de nombreux extérieurs et des situations plus variées qui ont le bon sens de monter en progression dans le loufoque. Le mérite et l'originalité en viennent sans doute plus aux scénaristes donc.
Il va sans dire que les comédiens s'en donnent à cœur joie même si Koo Bong-seo est finalement en retrait et peu présent, laissant le champ à un Heo Chang-kang cabotin à souhait.

A voir donc pour ce côté irrévérencieux et par moment surréaliste qui aurait mérité un traitement plus rigoureux.


Sinon, et pour revenir à des films plus "nobles", le musée Guimet vient d'annoncer le contenu de son hommage à Shin Sang-ok en 14 films :D
http://www.guimet.fr/evenements/cinema/
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Re: Le cinéma naphta coréen

Message par Ben Castellano »

Rétrospectives Shin Sang-ok dès cette semaine aux 3 Continents à Nantes et au Musée Guimet.

http://www.3continents.com/fr/programme ... -coreenne/
https://www.sortiraparis.com/arts-cultu ... see-guimet
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Re: Le cinéma naphta coréen

Message par Ben Castellano »

Vu mes deux premiers Shin Sang-ok du coup, et ça m'a nettement moins intéressé que les deux Lee Man-hee et trois Kim Ki-young que j'ai pu voir.

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Dongsimcho- 1959
Amours secrets et contrariés entre une veuve et son créancier qui doit bientôt se marier, un mélo pas loin de Naruse mais en plus laborieux dans la narration... tout ce qui tient des allers-retours entre maison / bureaux et ville / campagne n'a pas la fluidité des maîtres japonais, même si la construction est similaire. J'ai du mal avec Choi Eun-hee également, je ne suis jamais touché par son personnage, son interprétation est assez théâtrale. Il reste quelques petites touches d'humour et deux moments d'ambiguïté entre rêve et réalité, aspects les plus intéressants.

Le locataire et la mère - 1961
On retrouve le même couple Choi Eun-hee / Kim Jin-Gyu, la première interprétant une veuve vivant avec sa fille comme pour le film précédent, mais sensée avoir 10 ans de moins. Le ton de ce film entre comédie pure et mélo est nettement plus original, mené notamment par une narration principale vue par le prisme d'une enfant, ce qui donne notamment une introduction très réussie. Les touches sociales (rapports maîtres et domestiques assez dynamiques avec deux histoires d'amour parallèles), l'environnement franchement rural et la dimension de cinéma populaire ont un vrai charme. Reste que l'aspect épisodique est un peu lâche, l'usage de la musique très lourde. Pour comparer une nouvelle fois la fibre mélo à son équivalente japonaise de l'époque, le sentimentalisme et le lacrymal y vont nettement plus franco. Et peu de choses marquent formellement, même s'il y a une vraie générosité.
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Re: Le cinéma naphta coréen

Message par bruce randylan »

Ben Castellano a écrit :Vu mes deux premiers Shin Sang-ok du coup, et ça m'a nettement moins intéressé que les deux Lee Man-hee et trois Kim Ki-young que j'ai pu voir.

Dongsimcho- 1959


Le locataire et la mère - 1961
Ah j'ai le premier en DVD et le vois le second logiquement vendredi au Musée Guimet. :mrgreen:

Si Shin Sang-ok est un cinéaste important pour l'évolution du cinéma coréen, c'est sûr qu'il reste très inégal et souvent plus intéressant thématiquement que visuellement. J'en ai vu 9 jusqu'ici et ceux de la fin des années 50 / début 60's sont très rudimentaires en terme de réalisation avec d'énormes problèmes de rythme ; à part les fleurs de l'enfer qui trouve un lyrisme inattendu.
Par contre, à la fin des 60's, et en mettant de côté les commandes alimentaires comme les films d'aviation et autres westerns, ça a l'air plus maîtrisé et je garde un bon souvenir de Eunuch avec une bonne intensité dramatique et Thousand Years Old Fox qui n'était pas dénué de charme dans sa seconde moitié.
Pour les films à venir , j'ai bon espoir pour Le riz dont j'ai vu quelques extraits avec du potentiel. Je suis très curieux du diptyque Yeonsan même si la durée fait forcément un peu peur.

C'est clair que la Servante de Kim Ki-young est à des années lumières au dessus. Je regrette d'avoir raté la rétro que la cinémathèque lui avait consacré en 2006 (je n'étais pas encore parisien) car je n'ai vu que deux autres films de lui, bien moins aboutis cela dit.

Pour rester sur Shin Sang-ok, j'ai découvert pour ma part L'arbre toujours vert / Evergreen tree (1961) que j'ai trouvé assez pénible en fait. C'était pourtant le film dont le cinéaste était le plus fier, disant qu'il avait réussi à capter l'âme de la Corée. D'ailleurs le film a plu des côtés de la frontière coréenne et rencontra un vif succès public.
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Il faut sans doute être friand des mélodrames languissant local pour apprécier ses 2h20 qui ne raconte pas grand chose avec une institutrice qui désire instruire les paysans des villages reculés totalement analphabètes, rencontrant rapidement un grand succès auprès des enfants.
Ça a beau être inspiré d'une histoire vraie, je ne suis pas convaincu que les péripéties du scénario soient très proches de la réalité. L'aspect plutôt positif de l'histoire est heureusement de ne pas en faire des caisses sur l'occasion japonaise qui n'intervient que durant le dernier acte, sans être trop envahissant en plus.
Pour le reste, bon sentiment, chantage émotionnel à tous les niveaux, interprétation qui rue dans les brancards, psychologie sans finesse, beaucoup de faiblesse dans la narration, des rebondissements peu crédibles... et gros mélo pour la fin !
La réalisation est assez incolore à part quelques jolis plans intégrant la nature ou les paysages avec un scope pas super bien exploité.

Le pire, c'est qu'au bout de 5 minutes, je me suis rendu compte que Im Kwon-taek en fait un remake en 1978 que j'avais déjà trouvé insupportable et l'un des rares de sa filmo que j'avais vraiment rejeté. La première moitié en est d'ailleurs très, très, très proche. Mais la fin partait dans une direction plus belliqueuse il me semble.
Et il n'y a rien de plus frustrant que de trouver le temps long devant un film et de constater qu'il est plus long que la durée annoncée dans le programme : 30 minutes de bonus :|
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Re: Le cinéma naphta coréen

Message par Ben Castellano »

bruce randylan a écrit :
Pour rester sur Shin Sang-ok, j'ai découvert pour ma part L'arbre toujours vert / Evergreen tree (1961) que j'ai trouvé assez pénible en fait. C'était pourtant le film dont le cinéaste était le plus fier, disant qu'il avait réussi à capter l'âme de la Corée. D'ailleurs le film a plu des côtés de la frontière coréenne et rencontra un vif succès public.
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Il faut sans doute être friand des mélodrames languissant local pour apprécier ses 2h20 qui ne raconte pas grand chose avec une institutrice qui désire instruire les paysans des villages reculés totalement analphabètes, rencontrant rapidement un grand succès auprès des enfants.
Ah bah j'ai justement vu Le Locataire et ma mère à la place de celui là, changement de programme de dernière minute aux 3 continents, sans doute un léger problème de calage dans la gestion des copies avec Guimet... Bon je ne regrette pas du coup! (et j'avais lu aussi que c'était le film dont le cinéaste était le plus fier)

J'ai effectivement un peu pensé par moments à quelques films nords coréens du coffret Wild Side devant les deux que j'ai vu
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Re: Le cinéma naphta coréen

Message par bruce randylan »

Ben Castellano a écrit : Le locataire et la mère - 1961
On retrouve le même couple Choi Eun-hee / Kim Jin-Gyu, la première interprétant une veuve vivant avec sa fille comme pour le film précédent, mais sensée avoir 10 ans de moins. Le ton de ce film entre comédie pure et mélo est nettement plus original, mené notamment par une narration principale vue par le prisme d'une enfant, ce qui donne notamment une introduction très réussie. Les touches sociales (rapports maîtres et domestiques assez dynamiques avec deux histoires d'amour parallèles), l'environnement franchement rural et la dimension de cinéma populaire ont un vrai charme. Reste que l'aspect épisodique est un peu lâche, l'usage de la musique très lourde. Pour comparer une nouvelle fois la fibre mélo à son équivalente japonaise de l'époque, le sentimentalisme et le lacrymal y vont nettement plus franco. Et peu de choses marquent formellement, même s'il y a une vraie générosité.
Ah j'ai plutôt bien aimé... Enfin raisonnablement on va dire.

C'est sûr que l'argument du scénario est un peu léger et n'est pas transcendé par la réalisation, contrairement à ce qu'aurait pu faire un Naruse par exemple (ou un Noboru Nakamura à un niveau plus modeste). La caméra de Shin est souvent illustrative et ne trouve pas souvent le détail, l'ellipse, une valeur de plan, un découpage qui viendrait créer la tension psychologique et dramatique.
Ça n'exclut pas un certain romantisme, et même un lyrisme pour quelques séquences. Le film n'est d'ailleurs jamais aussi réussi que quand il met en scène la frustration sexuelle et le désir refoulé des personnages.
Par contre, j'ai apprécié que le film conserve un regard plus léger, et ne s'engouffre pas dans la mélodrame qui aurait pu s'imposer facilement. La narration par la petite fille reste assez anecdotique et pas très rigoureuse dans son traitement (elle est absente d'une bonne moitié des séquences) tout en apportant régulièrement une véritable fraîcheur et une justesse évidente quand elle ne comprend pas pourquoi elle provoque la colère des adultes. Dans ce genre de film, les auteurs ont souvent tendance à rendre les enfants trop matures et compréhensifs du monde qui les entoure. Ça fait plaisir de constater que ce n'est pas le cas ici, d'où une certaine forme d'injustice dans son ressenti qui est assez bien retranscrit (la scène de la messe). L’interprétation est en tout cas de qualité et Choi Eun-hee oublie une partie de ses tics de jeux pour plus de naturel.
L'équilibre demeure tout de même précaire. Quand les éléments plus ou moins humoristiques, ou dédramatisant, sortent du récit, le film s'avère beaucoup plus plat et son académisme saute au yeux. Ca donne des moments de creux comme lorsque que la servante et le vendeur sortent du récit et ne peuvent plus intervenir comme contre-balancier avec une grosse baisse de régime d'une vingtaine de minutes.

Mais dans l'ensemble, je trouve la retenue du traitement bien dosée, attachante et finalement touchante avec une économie des dialogues qui évitent le surplus explicatif.

Pour ceux qui voudraient se faire une idée, on trouve 11 de ses films sur la page youtube de la Kofa, gratuit et VOSTA
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Message par bruce randylan »

Toujours dans cette rétro Shin Sang-ok

Madame white snake (1960) est l'une des innombrables variations du fameux conte chinois La légende du serpent blanc narrant l'histoire d'amour impossible entre un homme et une femme serpent qui prend forme humaine.
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C'est loin d'être la plus mémorable adaptation, la faute une nouvelle fois à une interprétation pas très fine et une réalisation bien trop plate. En sortant de la séance, on se faisait la remarque que le film semblait accuser 20 ans de plus que son âge réel tant la caméra est aride de toute vie. Il y a certes un manque de budget et de technique mais il y a aussi des maladresses qui peuvent avoir un charme désarmant comme ce ralenti sur une démarche "sensuelle" (plus féline que reptilienne) de Choi Eun-hee désireuse d'ensorceler sa proie.
L’interprétation est assez datée donc sans être trop "affectée" et à la rigueur, ça peut se justifier par sa dimension de conte/légende.
Je ne sais pas si c'est parce que je commence à connaître l'histoire et que j'y cherchais des comparaisons ou des variations, mais toujours est-il que je ne me suis pas forcément ennuyé malgré les articulations rouillées de la caméra. La seconde moitié fonctionne même plutôt bien, sans être loin de rivaliser avec l'émotion d'autre versions. On va plutôt dire que ça reste touchant.
Ca a aussi l'avantage de durer 1h30.

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Le riz (1963) est déjà plus recommandable sans être capable de se hisser au niveau de ses ambitions mais c'est déjà plus réussi qu'Evergreen Tree sur un sujet assez proche et tout autant personnel : le dévouement et l'intégrité d'un homme (et d'une femme) pour sauver son village de la misère. Il n'est plus question d'éducation mais de creuser un tunnel sous un montagne pour irriguer les plaines. On retrouve en plus les mêmes comédiens, y compris le rondelet "méchant" capitaliste.
Les thèmes et le monde rural sont assez proches mais heureusement dépossédés (en grande partie) de l'aspect chantage émotionnel : pas d'enfants, pas de maladies, pas d'amant séparés par de grandes distances...
Évidement, il y a tout de même une histoire d'amour qui faire face aux refus des parents et beaucoup d'épreuves pour que la ténacité des héros récolte leurs fruits... ou plutôt leur riz !

Cette ligne claire du scénario permet ainsi de se recentrer sur les personnages et leurs abnégations qui finissent par y trouver une réelle force, surtout Choi Eun-hee qui fait très peur au début du film en essayant de ressembler à une étudiante de 20 ans avec couettes et uniforme d'écolier. Et contre toute attente, plus le film avance, plus elle devient crédible. Comme si en prenant conscience de ses convictions sociales de son rôle, elle se dépareillait de ses tics de jeux pour tendre vers le même dénuement matériel.
Si la réalisation est tout a fait correct avec quelques extérieurs bien exploités, un honnête noir et blanc en scope, quelques moments moments à la limite de l'ironie (le deuxième couple se disputant et très proche du pastiche de mélodrame) et plusieurs scènes réussies, le Riz manque cruellement de l'élan qui transmettrait la ferveur communicatrice de l'avancée des travaux. La caméra est trop rivée au sol, le montage est dénuée nervosité, Il n'y a pas assez de mouvement, d'ampleur, d'accélération, d'un sentiment communautaire.
On est ainsi très loin de la réussite euphorisante du dernier acte deNotre pain quotidien de King Vidor.
Ce film de Shin Sang-ok, tout en possédant plusieurs qualités indéniables, ne décolle pas comme on le voudrait.
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Re: Le cinéma naphta coréen

Message par bruce randylan »

Samryong, le muet (Shin Sang-ok - 1964)

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Samryong est un homme muet, sourd (mais parvenant à lire sur les lèvres) et un peu simple d'esprit. Bien que dévoué à son maître, il ne supporte pas les mauvais traitement que celui-ci fait subir à sa jeune épouse.

Le dernier film découvert lors de ce petit hommage au cinéaste fut finalement le meilleur. Samryong, le muet est un bon film, un très bon film même et qui ne souffre de peu des défauts habituels de son cinéaste dans son ensemble : il est plutôt court (85 minutes), possède un bon dosage entre la légèreté et le drame, n'en fait pas trop dans le mélo et possède une excellente progression dramatique qui développe une impressionnante intensité durant le dernier tiers. C'est même d'un sadisme et d'une violence assez incroyable avec ce personnage du maître mari d'une brutalité stupéfiante, insultant et rouant de coups sa femme puis son serviteur avec une haine incontrôlable. De quoi penser qu'il y a un arrière fond politique dans cette représentation d'un certain pouvoir éminemment phallocrate. Ça va assez loin du coup, et contre toute-attente cela sert le film en allant dans la pure tragédie littéraire qui dépasse ainsi les simples conventions (il y a quelque chose de Quasimodo dans Samryong).
La réalisation de Shin Sang-ok est à la hauteur avec une réelle rigueur (notamment le découpage et le sens des extérieurs qui soulignent à chaque fois la psychologie), accompagnée d'un chouette scope noir et blanc. Ce n'a pas toujours été le cas mais on le sent ici pleinement investit par son histoire. Ses comédiens aussi d'ailleurs bien que Choi Eun-hee soit un peu trop vieille pour le rôle je trouve. Kim Jin-kyu dans le rôle titre est lui excellent et réussi à faire vivre intelligemment son personnage avec beaucoup de sensibilité. C'était la condition sine qua non pur que le film soit crédible et émouvant.

Malheureusement, je n'ai pas l'impression que le film soit sur la page Youtube de la Kofa.
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Re: Le cinéma naphta coréen

Message par bruce randylan »

Aussi découvert au FFCP 2019

Sweet dream (Yang Ju-nam – 1936)

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Petit moment historique avec le plus ancien film coréen toujours existant et qui évoque le désir de liberté d'une épouse qui se sent délaissée par son mari. Son comportement finit par excéder ce dernier qui la chasse de la maison. Elle ne tarde pas à trouver un amant et à s'installer dans un hôtel avec lui.
C'est ainsi un document précieux dans ce qu'il donne à voir des quelques extérieurs d'un pays sous occupation japonaise et qui commençait à se moderniser.
Évidement c'est un mélodrame, évoquant involontairement les pré-codes Warner par son mélange de décadence et de moralisme littéralement d'un autre siècle. Si la réalisation est un peu rigide – avec un symbolisme appuyé tel l'oiseau en cage – il y a un vrai souci du découpage qui refuse l'académisme. Les compositions de plans, notamment les plongées/contre-plongées amplifient la dramaturgie par exemple. C'est certes totalement désuet mais c'est loin d'être une simple curiosité pour cinéphiles et le film a indéniablement eu une descendance comme Madame Freedom qui en recycle pas mal d'éléments. Il est donc dommage que ce film soit en parti incomplet car sa narration n'est pas toujours facile à suivre, surtout avec sa réalisation rudimentaire.

Le film est dispo sur la page de la Korean Film Archive.
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Re: Le cinéma naphta coréen

Message par bruce randylan »

A la Fondation Pathé dans le cadre de la sortie d'un livre sur l'histoire des débuts du cinéma coréen

Le procureur et la maîtresse d'école (Yoon Dae-ryeong – 1948)

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Un orphelin vit dans une profonde misère avec sa grand-père malade. Culpabilisant de voir celle-ci si affaiblie, il sacrifie ses repas pour lui permettre de reprendre des forces. Sa situation ne tarde pas à attirer l'attention de son institutrice.

Tourné durant la courte période entre la fin de l'occupation japonaise et de la début de la guerre entre le nord et le sud, ce drame possède une approche néo-réaliste assez intéressante avec tournage en pleine rue dont quelques quartiers semi bidon-villes, en possédant donc un fond social assez marqué. Évidement le traitement n'est pas très subtil, entre chantage émotionnel, gros sabots et discours à « valeur éducative » dans un épilogue qui sent la commande d'un ministère (et c'est le cas). Pour autant sa valeur historique n'est pas négligeable et même si le réalisateur ne parvient pas à tirer vraiment parti de ses extérieurs, ce modeste film - souvent maladroit - possède quelque moments à la fibre humaniste indéniable qui ne cherche par ailleurs pas à jouer le manichéisme à tout prix. Ainsi, le bailleur du jeune héros et de sa grand-père n'est pas un monstre sans cœur. De la même manière et malgré ses facilités, la deuxième partie du film qui se déroule une quinzaine d'années plus tard présente aussi des idées progressistes assez louables dans sa volonté de compréhension envers les laissés pour compte, contraints de vivre en marge des lois.
Le film a vraisemblablement survécu dans une copie incomplète, le début étant très abrupte dans son exposition.

C'est un des gros reproches qu'il faut faire à cette séance, à savoir un accompagnent des plus que discutables. Kang Chang, l'auteur de ce livre sur les origines du cinéma coréen, est en effet mal considéré en Corée et est même accusé de plagiat. De plus son livre posséderait pas mal d'erreurs et de contre-sens. Pour cette séance, Kang Chang faisait aussi office de bonimenteur (Pyonsa dans la culturelle coréenne). Il n'a pas expliqué pourquoi le film était muet alors que la Corée faisait des films parlant depuis 10 ans (bande son perdue ? Incomplète ? Ou simplement retirée à la projection pour présenter un exemple de spectacle de Pyonsa ?), sachant que les crédits de la KOFA indique bien une restauration de la bande-son. Et puis, sa narration était assez problématique et trop anachronique. Si quelques commentaires ironiques pouvaient désamorcer certains clichés ayant mal vieillis, ses runnings gags et son humour graveleux (« oh qui a pété ?  Ça pue ici») me semblent être d'une incohérence totale avec le traitement très premier degré des coréens pour le mélodrame et la tragédie.
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