Edgar G. Ulmer (1904-1972)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Re: Edgar G. Ulmer (1904-1972)

Message par Miss Nobody »

Père Jules a écrit :C'est bizarre, tu soulignes à juste titre tout ce qui fait le prix de ce film que j'estime remarquable mais tu ne peux pas t'empêcher de faire la fine bouche. :)
Je crois que tu viens de mettre le doigt sur ce qui fait le charme de notre cher Demi-Lune. :)
Je propose d'ailleurs de lui octroyer un nouveau statut : "ce film est vraiment génial mais..." :mrgreen:
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Major Tom
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Re: Edgar G. Ulmer (1904-1972)

Message par Major Tom »

Oh non, pas les films noirs... :cry:

:mrgreen:
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Rick Blaine
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Re: Edgar G. Ulmer (1904-1972)

Message par Rick Blaine »

Père Jules a écrit :C'est bizarre, tu soulignes à juste titre tout ce qui fait le prix de ce film que j'estime remarquable mais tu ne peux pas t'empêcher de faire la fine bouche. :) Tu l'as dit, tout réside justement dans l'absence quasi totale de moyens, la "sécheresse technique" de l'ensemble, la fatalité qui s'abat sur le personnage principal (bon, c'est vrai, il n'a vraiment pas de pot). J'ai du mal personnellement à me projeter jusqu'à imaginer ce qu'il aurait pu donner entre les mains d'un réalisateur plus reconnu (le terme "exécutant" me gêne un peu concernant Ulmer, qui était tout de même bien plus que ça) -tu penses à qui ? Siodmak ? Wilder ?- car je trouve le film en l'état presque parfait. D'autant qu'il émane a posteriori de ce film une ambiance particulière lorsqu'on connait l'histoire de Tom Neal. Je n'ai pas pour habitude de m'intéresser aux "à-côtés", mais là franchement, la réalité rejoint tellement la fiction que Detour sonne bien plus qu'un simple film de série fauché et sans ambition.
Entièrement d'accord avec ça.
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Demi-Lune
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Re: Edgar G. Ulmer (1904-1972)

Message par Demi-Lune »

Père Jules a écrit :C'est bizarre, tu soulignes à juste titre tout ce qui fait le prix de ce film que j'estime remarquable mais tu ne peux pas t'empêcher de faire la fine bouche. :) Tu l'as dit, tout réside justement dans l'absence quasi totale de moyens, la "sécheresse technique" de l'ensemble, la fatalité qui s'abat sur le personnage principal (bon, c'est vrai, il n'a vraiment pas de pot). J'ai du mal personnellement à me projeter jusqu'à imaginer ce qu'il aurait pu donner entre les mains d'un réalisateur plus reconnu (le terme "exécutant" me gêne un peu concernant Ulmer, qui était tout de même bien plus que ça) -tu penses à qui ? Siodmak ? Wilder ?- car je trouve le film en l'état presque parfait. D'autant qu'il émane a posteriori de ce film une ambiance particulière lorsqu'on connait l'histoire de Tom Neal. Je n'ai pas pour habitude de m'intéresser aux "à-côtés", mais là franchement, la réalité rejoint tellement la fiction que Detour sonne bien plus qu'un simple film de série fauché et sans ambition.
Je fais la fine bouche tout simplement parce que dans ses limites le film me semble sympa, mais pas plus. Détour est intéressant sur un certain nombre de points mais son excellente réputation m'étonne quand même un peu, et ta défense me confirme que je suis à contre-courant. Car pour considérer que le film toucherait une sorte de perfection dans son domaine (qui est quand même un domaine archi-codé et balisé), il faudrait que j'y sente une sublimation, un talent qui tirerait les contraintes budgétaires vers le haut et transcende cette série B en quelque chose de véritablement accompli. C'est ce qui peut souvent se passer dans le genre fantastique, par exemple. Or, je ne trouve malheureusement pas que ce soit complètement le cas ici. Effectivement, ça aurait sans doute pu l'être avec Wilder ou Siodmak, des gens avec une personnalité artistique beaucoup plus affirmée, ne serait-ce qu'en termes esthétiques. Mais c'étaient des réalisateurs qui, de par leur position dans l'industrie et les budgets qu'ils avaient à gérer, ne jouaient pas dans la même cour, sans vouloir déconsidérer Ulmer. On sent dans Détour qu'il cherche tant bien que mal à se dépatouiller d'un budget rikiki (30 000 dollars !), seulement voilà, s'il mène efficacement sa barque je ne vois pas non plus grand-chose de formidable qui me ferait considérer son film, même dans ses limites, comme un exercice de film noir parfait. Ce n'est que mon avis, hein, ça n'engage que moi et vu le nombre de fans dans les parages, je vais finir par me faire lyncher. :mrgreen:
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Demi-Lune
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Re: Edgar G. Ulmer (1904-1972)

Message par Demi-Lune »

Major Tom a écrit :Oh non, pas les films noirs... :cry:

:mrgreen:
C'est un de mes genres préférés... :roll:
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Rick Blaine
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Re: Edgar G. Ulmer (1904-1972)

Message par Rick Blaine »

Demi-Lune a écrit : je vais finir par me faire lyncher. :mrgreen:
Je suis en train de préparer la corde... :mrgreen:

Je ne suis pas sur qu'un Wilder ou un Siodmak avec un plus gros budget, auraient fait "mieux" ou de plus accompli. Ils auraient certainement fait quelque chose de différent, c'est vrai, mais pas plus accompli.
Ici, grâce à son talent, Ulmer utilise ses moyens limités comme une arme, pour laisser place à l'inventivité d'une part, pour obtenir aussi une atmosphère singulière, tant la réalité rejoint la fiction comme l'a si bien exprimé Père Jules.
Demi-Lune a écrit :(qui est quand même un domaine archi-codé et balisé)
Par parenthèse, je ne suis pas d'accord avec ça non plus, le noir est un genre large, si large qu'il est d'ailleurs bien difficile de définir ce qui est dans le film noir. Ce genre n'est pas définit par son sujet, par son traitement esthétique, par sa situation géographique ou temporelle, mais par une certaine approche du destin ou de la morale, qui peut surgir de films très différents, suivant des voies parfois opposées. Il suffit par exemple de comparer Out of the Past et Nightfall, pourtant signés par le même auteur, pour s'en convaincre. Mais je m'éloigne d'Ulmer.
Dernière modification par Rick Blaine le 10 juil. 12, 18:11, modifié 1 fois.
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Re: Edgar G. Ulmer (1904-1972)

Message par AtCloseRange »

à Demi-Lune:
Je crois surtout que tu as tendance à ne pas prendre les films (ou alors tu te fies trop à certaines "hypes" - Scorsese en parle dans son documentaire sur le ciné Us) pour ce qu'ils sont dans leur contexte, celui d'une série B faite avec des moyens dérisoires.
A mon sens, ce type de film ne peut être jugé autrement, un peu comme les films d'Ida Lupino.
Je ne pense pas non plus qu'on puisse mettre ce Détour dans les grands films noir mais c'est un film ingénieux et original.
Je crois juste qu'il est toujours tentant de "défendre" de façon exagérée ce genre de film pour leur donner une visibilité qu'ils n'auraient pas sinon.
Pour moi aussi, le Ulmer ne vaut pas des films comme Gun Crazy ou The Big Combo même si là encore, l'économie n'est pas tout à fait la même.
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Demi-Lune
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Re: Edgar G. Ulmer (1904-1972)

Message par Demi-Lune »

Rick Blaine a écrit :Ici, grâce à son talent, Ulmer utilise ses moyens limités comme une arme, pour laisser place à l'inventivité d'une part, pour obtenir aussi une atmosphère singulière, tant la réalité rejoint la fiction comme la si bien exprimé Père Jules.
Ce qui veut dire que pour apprécier ce film à sa juste valeur, il faut connaître son histoire, je veux dire, celle de son comédien principal ? N'est-ce pas dans ce cas un aveu de faiblesse, si le spectateur n'a pas toutes les clés pour apprécier le film, s'il faut aller chercher des facteurs périphériques pour mieux en saisir la portée ?
Quant à l'inventivité d'Ulmer, je ne connais pas assez ce cinéaste pour me prononcer d'une manière générale ; disons que Détour ne m'en donne en tout cas pas un exemple très visible. C'est un film original mais plus par ses idées de scénario, pour moi.
Rick a écrit :
Demi-Lune a écrit :(qui est quand même un domaine archi-codé et balisé)
Par parenthèse, je ne suis pas d'accord avec ça non plus, le noir est un genre large, si large qu'il est d'ailleurs bien difficile de définir ce qui est dans le film noir. Ce genre n'est pas définit par son sujet, par son traitement esthétique, par sa situation géographique ou temporelle, mais par une certaine approche du destin ou de la morale, qui peut surgir de films très différents, suivant des voies parfois opposées. Il suffit par exemple de comparer Out of the Past et Nightfall, pourtant signés par le même auteur, pour s'en convaincre. Mais je m'éloigne d'Ulmer.
En fait, je suis d'accord avec ça, c'est un genre qui laisse beaucoup de latitudes, mais au sein, me semble-t-il cependant, de grands principes, de grands canons, qui se sont mis en place avec Walsh, Huston ou Wilder. Ceux-ci peuvent être scénaristiques (des personnages classiques : la femme fatale, le privé, le mec raté, etc.), spirituels (le poids de la fatalité, du désespoir, de la mort, de la complaisance à l'auto-destruction, l'importance du cadre urbain, la dimension policière, etc) et/ou esthétiques. Pour moi, il y a toujours une forme de constance qui domine ce genre - un jeu sur ces principes. Si Out of Past est différent de Nightfall, Out of Past reste cependant un film qui, par ses personnages, ses situations, se conforme justement à de nombreux stéréotypes du genre.
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Rick Blaine
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Re: Edgar G. Ulmer (1904-1972)

Message par Rick Blaine »

Demi-Lune a écrit :
Si Out of Past est différent de Nightfall, Out of Past reste cependant un film qui, par ses personnages, ses situations, se conforme justement à de nombreux stéréotypes du genre.
Oui, mais Nightfall beaucoup moins, pourtant il est "spirituellement" tout aussi noir que son prédécesseur. Ce que je veux dire par là, c'est que je trouve un peu injuste du coup de comparer systématiquement un film noir aux canons de Wilder, Siodmak, Huston ou autre, sachant qu'ils ont emprunté leur voie dans le genre, brillante dans leur cas, mais que ça ne définit en aucun cas un absolu auquel d'autres cinéastes qui s'y aventurent doivent être mesurés.
Demi-Lune a écrit :
Rick Blaine a écrit :Ici, grâce à son talent, Ulmer utilise ses moyens limités comme une arme, pour laisser place à l'inventivité d'une part, pour obtenir aussi une atmosphère singulière, tant la réalité rejoint la fiction comme la si bien exprimé Père Jules.
Ce qui veut dire que pour apprécier ce film à sa juste valeur, il faut connaître son histoire, je veux dire, celle de son comédien principal ? N'est-ce pas dans ce cas un aveu de faiblesse, si le spectateur n'a pas toutes les clés pour apprécier le film, s'il faut aller chercher des facteurs périphériques pour mieux en saisir la portée ?
Quant à l'inventivité d'Ulmer, je ne connais pas assez ce cinéaste pour me prononcer d'une manière générale ; disons que Détour ne m'en donne en tout cas pas un exemple très visible. C'est un film original mais plus par ses idées de scénario, pour moi.
Non, ce n'est pas ce que je veux dire. J'ai beaucoup apprécié Detour sans connaitre ni l'histoire de son auteur, ni ses conditions de production. et je connais très mal Ulmer.
Tel qu'il est, je l'ai trouvé très inventif, et je lui ai trouvé une atmosphère singulière que l'on peut, après coup, associer à ses conditions de productions. Conditions qui sont aussi souvent à l'origine de certaines réussites artistiques, cf les éclairages minimalistes d'Alton, ou dans un autre genre, les productions de Val Lewton.
Mais en aucun cas je ne juge un film, en bien ou en mal, en fonction de conditions extérieures.

Je trouve aussi que le sujet est bien exploité, et que sans être un de mes 10 films noirs préférés, Detour est une excellente réussite qui n'aurait peut-être pas été plus réussi avec plus de moyens ou avec un autre réalisateurs.

Mais ce n'est qu'une question de gout! :D Tu seras lynché, c'est tout... :mrgreen:
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Re: Edgar G. Ulmer (1904-1972)

Message par riqueuniee »

Patrick Brion, dans son livre sur le film noir, a d'ailleurs du mal à définir exactement le genre. Ou alors par défaut, en excluant certaines catégories : films à thèse, films de procès, biographies de gangsters...
Et il cite Detour dans son livre, en insistant sur le côté "impossibilité d'échapper à la fatalité", un thème très présent dans les films noirs.
Dernière modification par riqueuniee le 15 déc. 12, 11:38, modifié 1 fois.
daniel gregg
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Re: Edgar G. Ulmer (1904-1972)

Message par daniel gregg »

AtCloseRange a écrit :à Demi-Lune:
Je crois surtout que tu as tendance à ne pas prendre les films (ou alors tu te fies trop à certaines "hypes" - Scorsese en parle dans son documentaire sur le ciné Us) pour ce qu'ils sont dans leur contexte, celui d'une série B faite avec des moyens dérisoires.
A mon sens, ce type de film ne peut être jugé autrement, un peu comme les films d'Ida Lupino.
Je ne pense pas non plus qu'on puisse mettre ce Détour dans les grands films noir mais c'est un film ingénieux et original.
Je crois juste qu'il est toujours tentant de "défendre" de façon exagérée ce genre de film pour leur donner une visibilité qu'ils n'auraient pas sinon.
Pour moi aussi, le Ulmer ne vaut pas des films comme Gun Crazy ou The Big Combo même si là encore, l'économie n'est pas tout à fait la même.
Entièrement d'accord avec ACR, mais également Rick et Père Jules, à propos de ce qui pourrait s'apparenter à un délit de réputation.
La question n'est pas précisément, au moment d'aborder ce genre de film, de savoir s'il est à la hauteur de sa réputation, encore moins si les conditions de sa réalisation, et à fortiori de production, justifient cette posture iconique, même si, je te l'accorde, la tentation est grande.
Il faudrait plutôt penser naturellement le film dans son contexte, celle d'un genre qui, même parmi les spécialistes, n'a pas encore en 1945, engendré ses chefs d'oeuvre les plus aboutis (Siodmak a certes déjà livré Phantom lady et The strange affair of Uncle Harry, voire The suspect, mais il n'est pas encore parvenu à cette maturité du traitement stylistique et narratif exprimées dans The killers, Criss cross ou The file on Thelma Jordan, on pourrait dire la même chose d'Anthony Mann qui, en 1945, n'a signé "que" The great Flamarion, idem pour Fleischer).
Alors qu'en est t-il de la situation du film noir en 1945 ?
Ses oeuvres les plus marquantes, pour l'essentiel, sont des productions au budget confortable,n'ayant pas encore offert ce prétexte aux petits studios d'exprimer avec une liberté presque subversive une autre vision de l'Amérique, celle qui a précisément séduit la critique européenne, celle des laissés pour compte, des marginaux qu'on verra traiter avec un relief rarement vu dans le cinéma américain jusqu'ici.
A tel point que pour nombre de ses auteurs (Abraham Polonsky, John Berry entre autres), Hollywood sera impitoyable et amènera le genre vers une stylisation plus glamour et moins "corruptrice" de l'envers de la société américaine de l'après guerre.
Certes, Detour n'est pas un joyau brut du film noir, en tant qu'aboutissement stylistique et narratif, mais la force de son propos, ses parti pris sociétaux, et la liberté de ton compensent aisément et par la même, le désigne tout naturellement comme un jalon du genre.
Concernant l'inventivité d'Ulmer, outre The man from Planet X pour la science fiction, voire cet ovni que représente The naked dawn dans le western, autre genre apparemment codifié qui a laissé une liberté d'action infinie à ses artisans les plus talentueux. :wink:
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Re: Edgar G. Ulmer (1904-1972)

Message par riqueuniee »

La rétrospective Ulmer à la Cinémathèque permet de découvrir bien des raretés, comme les films qu'il réalisa dans la deuxième moitié des années 30 : films en yiddish (il est un des rares, sinon le seul, cinéate du genre à avoir opéré aussi dans le cinéma US classique), en ukrainien et même films à destination de la communauté noire (Moon over Harlem).
J'ai déjà vu deux films en yiddish Singing Blacksmith et Green Fields. Deux films au scenario assez minimaliste, qui décrivent (de façon sans doute un peu idéalisée) la vie des juifs en Russie ou Ukraine il y a un peu plus de 100 ans. Un témoignage nostalgique sur un mode de vie qui était en train de disparaître (en particulier en ce qui concerne les villages, c'est précisé dans le carton d'introduction -rajouté par la restauration de Green Fields). Les films , produits et réalisés aux USA, sont présentés dans des copies sous-titrées en anglais dès l'origine. Il est assez rare de pouvoir visionner ces films.
J'ai aussi vu Les hommes le dimanche, le film qu'il coréalisa en 1929 avec Robert Siodmak. Un documentaire scénarisé (les interprètes sont des Berlinois qui jouent leur propre rôle) par Billy (écrit Billie...) Wilder et Curt Siodmak, avec Eugen Schüfftan à la photo. Tous feront carrière aux USA...
Et aussi St Benny the Dip (1951), petite comédie sympathique sur trois escrocs qui échappent à la police en se déguisant en prêtres.
Dernier film visionné Daughter of Dr jekyll (1957). Une "suite" où il est surtout question de loup-garous... Un film dont l'ambiance rappelle assez celle des films des années 30 , sans acteurs connus , à part John Agar (vu entre autres dans La Charge héroïque)
bruce randylan
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Re: Edgar G. Ulmer (1904-1972)

Message par bruce randylan »

Bon, j'ai réussi à me faire une quinzaine de séance pour le moment.

Pas facile de trouver le temps d'en parler ici :cry:

Man from planet X (1951)
Une excellente série B de SF qui mérite sa petite réputation. Ulmer s'en sort admirablement avec son budget plus que limite avec son décor (celui de Jeanne d'Arc je crois) qu'il baigne dans un brouillard du meilleur rehaussé une belle photographie assez sombre. Une jolie ambiance qui utilise avec un certain talent l'épuration et le dépouillement pour appuyer le cœur de l'histoire : l’ambiguïté et le mystère sur la présence de cet extra-terrestre. Le scénario est à ce titre une belle réussite qui aurait d'ailleurs un meilleur développement car avec 70 minutes au compteur, certains passages sont trop vites expédiés. Mais le concept de garder le flou sur les motivations de ce voyageur de l'espace est une idée assez intelligente. La créature est très pertinente d'ailleurs : une présence inquiétante mais un regard qui porte une mélancolie et une tristesse qui fait qu'on le prend en pitié tout en redoutant ses actes.
C'est une parabole assez subtile en tout cas pour la période sur la peur de l'autre, le conditionnement et l'ouverture d'esprit.
Un des meilleur Ulmer sans aucun doute.

Etrange illusion (Strange illusion - 1945)
Une relecture intéressante de Hamlet transposé dans les années 50 qui garde la dimension fantastique (rêve prémonitoire et intriguant remplaçant le spectre du père décédé) en l'agrémentant d'un climat de film noir.
Malheureusement à part l'ouverture onirique (le rêve très graphique baignant lui aussi dans un immense brouillard), j'ai trouvé la mise en scène terme, un peu à l'image des acteurs qui ne sont pas du tout charismatiques et dont la psychologie est loin d'être satisfaisante à l'image du jeune héros qui se jette vraiment stupidement dans la gueule du loup en se faisant interné dans la clinique du futur beau-père pour l'espionner de l'intérieur.
Et puis le film repose sur un certains nombre de raccourcis qui manquent de crédibilité pour concevoir une intrigue palpitante et prenante.
Très alléchant sur le papier et stimulant durant 10 minutes mais c'est loin de remplir tous ces objectifs. Plaisant tout de même.

My Son, the hero (1943).
Pour voir que Ulmer a co-signé (officiellement le scénario), on est devant un film au final très impersonnel. C'est une comédie plutôt agréable en forme de vaudeville où un petit escroc divorcé et malchanceux essaye de faire croire à son fils militaire en permission quelques jours qu'il est un homme fortuné. Maison inoccupé, fausse nouvelle femme avec une fausse fille, boxer qu'il fait passer pour son majordome... Ce n'est vraiment pas subtil mais je dois reconnaitre que le rythme est soutenu, qu'on s'ennuie pas, que les acteurs semblent s'être bien amusés (Patsy Kelly est très amusante avec un bon timing), la mise en scène parvient à rester dynamique avec un travail sur le cadre et l'espace finalement sophistiquée. Et puis, le portrait du paternel éternel looser est également assez touchant. Après tout est très prévisible aussi.
Mineur dans la carrière d'Ulmer sans doute, mais il serait dommage de bouder son plaisir pour une comédie mené sans temps mort et loin d'être bâclé formellement.

L'incroyable homme invisible (The amazing transparent man - 1960)
La, par conter, c'est vraiment pas très bon malgré une ouverture qui laisse croire qu'on sera devant une série B efficace et percutante. Au bout de 15 minutes, on s'ennuie ferme malgré des acteurs qui ont la gueule de l'emploi. Mais le scénario est inexistant, comme les personnages en fait. Et puis la réalisation est franchement plate incapable d’insuffler un peu d’énergie dans un scénario qui ne manque pas pourtant de rebondissements. Quelques dialogues sont amusants celà dit.
Bien tristounet dans l'ensemble.
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
riqueuniee
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Re: Edgar G. Ulmer (1904-1972)

Message par riqueuniee »

Suite de la rétrospective avec trois autres films (tous apparemment inédits en France, il n'y avait pas de copie sous-titrée en français, mais le sous-titrage électronique de la Cinémathèque)
Natalka Poltavka et Cossacks in exile, deux adaptations d'opérettes ukrainiennes. Dans les deux cas, l'intrigue est minimaliste, prétexte à des chants et danses (les interprètes sont d'ailleurs parfois meilleurs chanteurs qu'acteurs). Les mélodies s'inspirent parfois de la tradition locale (avec même parfois l'apparition d'instruments locaux -et peut-être l'utilisation de mélodies traditionnelles), la mise en scène rajoute des danses traditionnelles. (beau travail sur les costumes, d'ailleurs)
Mention tout de même à la deuxième, dont la mise en scène est plus élaborée (il y a de très beaux plans, et même un peu d'action). A noter l'apparition de touches de couleurs (les deux films , qui sont de 37 et 38, sont en noir et blanc) dans le deuxième film : dans une scène d'incendie de village , les flammes sont en couleur.
Mention aussi parce que, musicalement, c'était très beau, avec certainement une influence de l'art lyrique de la fin XVIIIème début XIXème . La bonne surprise du lot, dans ces films en yiddish (je ne les ai pas tous vus, toutefois) ou en ukrainien.
Dans les deux cas, très bons chanteurs.
Films entièrement interprétés en ukrainien, avec sous-titrage d'époque en anglais. (uniquement pour les dialogues, pas pour les parties chantées, sauf les airs interprétés dans Cossacks... par une sorte de "barde" , qui servaient à commenter le film (et plus particulièrement sa toile de fond historique)
Puis Wife of Monte Cristo (1946), un film d'aventures librement inspiré du roman de Dumas (ce Monte-Cristo-là est plutôt un Zorro...), avec un personnage féminin plutôt original (pour l'époque). Intrigue bien menée, de l'action, mais le film se ressent parfois d'un budget qu'on devine pas colossal, de dialogues pas toujours top, d'une interprétation un peu inégale, et d'une conclusion bâclée (qui appellerait presque une suite). Par contre, très bonne direction artistique (décors et costumes ?et/ou photo ?- le générique est un peu sommaire) de Eugen Schuftan, qui travaillait déjà avec Ulmer sur Les hommes le dimanche en 1929.
Jeff Bailey
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Re: Edgar G. Ulmer (1904-1972)

Message par Jeff Bailey »

Pour ceux qui s'intéressent aux films yiddish d'Ulmer, j'ai rédigé un texte qui retrace également à grands traits l'histoire du cinéma yiddish (c'est après un premier paragraphe sur la traduction du yiddish en littérature) :

http://www.ataa.fr/blog/actualite-du-yiddish/
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