Conrad Veidt (1893-1943)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Ann Harding
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Conrad Veidt (1893-1943)

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Portrait de Conrad Veidt par Edward Steichen et en Jaffar dans The Thief of Bagdad (1940)

Je pense que ce merveilleux acteur allemand dont la carrière couvre trois décades mérite amplement un topic à lui tout seul. On retrouve chez lui la même présence magnétique des films expressionnistes des années 20 jusqu'au films de Powell et Pressburger où il illumine un Thief of Bagdad avec son regard vert. Ce n'est en rien un séducteur, mais, il a sans aucun doute bien plus de charisme que bien des charmeurs hollywoodiens. Je suis en train de revisiter certains de ses films du muet au parlant. C'est d'ailleurs un des rares acteurs du muet dont la carrière ne fut pas handicapée par l'arrivée du parlant. Il tourne en Allemagne, puis part en Angleterre à l'arrivée de Nazis et devient citoyen britannique. A la fin des années 20, il a fait un aller-et-retour pour Hollywood, le temps de tourner quelques bons films comme The Man Who Laughs (1928, P. Leni) et The Beloved Rogue (1927, A. Crosland). Il y retourne en 1940 pour terminer The Thief of Bagdad. Il meurt à Hollywood en 1943. Sa filmographie est d'une grande richesse: comédies musicales, drames, films d'aventures, etc. Cet acteur protéiforme, qui a tourné en Angleterre, en Allemagne, en France et en Amérique, mérite un coup de chapeau. Je veux seulement citer ici un extrait des souvenirs de Françoise Rosay qui le rencontra à Hollywood à la fin des années 20 (avant de jouer avec lui dans Le Joueur d'Echecs en 1937):
"Chez Emil Jannings, on rencontrait très souvent Conrad Veidt. Il m'a laissé un très grand souvenir, car c'était aussi un très grand artiste. Comme homme, il était assez bizarre. Il m'avait fait une peur épouvantable, le premier jour. Nous étions dans le double salon de Jannings et alors que je regardais la pièce, j'ai vu tout à coup une porte avec des rideaux entre lesquels il y avait une tête abominable qui me faisait des grimaces abominables. C'était la manière que Conrad Veidt avait trouvée pour se présenter. Il buvait pas mal, il aimait assez les drogues, il aimait surtout les femmes, les belles filles. Il était bizarre, bizarre, le meilleur des hommes sûrement. Il était très amoureux d'une très belle fille que j'ai d'ailleurs fait travailler. Elle était belle mais peu douée. Je dirais franchement que Conrad Veidt aimait aussi les messieurs, de temps en temps. Il était d'une grande gentillesse, mais quand il avait abusé de quelque chose, il redevenait bizarre... Chose curieuse, Gussy Holl, la femme d'Emil Jannings, avait été auparavant la femme de Conrad Veidt et elle l'aimait beaucoup... Un jour que je me trouvais seule avec Gussy Holl, je lui ai demandé carrément:
-Mais pourquoi avez-vous divorcé d'avec Conrad ?
-Je vais vous le dire. Je suis passée sur beaucoup de ses défauts et de ses caprices parce que je l'aimais. Mais, un jour, il m'a fait une chose que je ne lui ai pas pardonnée. Je chantais à ce moment-là au cabaret. Un soir, je le laisse à la maison et il me dit : "J'ai invité quelques amis, nous dînerons et nous t'attendrons." Or, ce jour-là, je venais de recevoir une robe que j'avais commandée à Paris. Le soir, après mon tour de chant, je rentre donc à la maison, et qu'est-ce que je vois ? Tous ces messieurs s'étaient habillés en femme. Et Conrad avait mis ma robe de Paris. Là, j'ai divorcé !
"

*******************
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Der Student von Prag (L'Etudiant de Prague, 1926) de Henrik Galeen avec Conrad Veidt et Werner Krauss

Balduin (C. Veidt), un étudiant pauvre, est un brilliant escrimeur. Il fait un pacte avec le sinistre Scapinelli (W. Krauss) qui lui donne un monceau de pièces d'or contre son reflet...

L'étudiant de Prague a fait l'objet d'au moins trois adaptations au cinéma. la première de Paul Wegener date de 1913 et cette version de 1926 fut suivie d'une version parlante (fort réussie) en 1935 avec Anton Walbrook. Cette histoire de pacte avec le diable rappelle les contes d'E.T.A. Hoffman. Un étudiant pauvre qui rêve d'une vie meilleure se retrouve manipulé par un envoyé du diable qui lui promet richesse et réussite contre un maigre salaire. En fait, Scapinelli (joué par un Werner Krauss en grande forme) s'empare de son reflet. Ce reflet ne lui paraît guère important à première vue. Mais, il se retrouve soudain confronté à son doppelgänger diabolique. Ce double tue un homme en duel et Balduin est accusé du meurtre. Balduin est acculé au suicide. Il tire sur son double pour le détruire et meurt. J'ai dû voir ce film passionnant sur une très vilaine copie Alpha Video qui est encore plus horrible que les DVD Bach Films. :evil: Néanmoins, j'ai pu apprécier la performance de Veidt en Balduin. Il projette son mal-être avec son talent habituel. Nous sommes dans les dernières années de l'expressionnisme. Le film montre que le cinéma allemand avait commencé à absorber les dernières techniques telles que la caméra subjective. Un film à revoir dans une meilleure copie.
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Ann Harding
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Re: Conrad Veidt (1893-1943)

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I Was a Spy (1933, Victor Saville) avec Madeleine Carroll, Herbert Marshall et Conrad Veidt

Durant la 1ère GM, en Belgique, Martha Cnockhaert (M. Carroll) accepte de travailler comme infirmière dans un hôpital tenu par les occupants allemands. Rapidement, elle accepte de transmettre des messages à la résistance...

Le cinéma anglais a toujours été friand d'histoire d'espionnage impliquant des femmes. En 1928, dans Dawn d'Herbert Wilcox, on découvrait le sort d'Edith Cavell, une infirmière britannique fusillée par les allemands pour espionnage. Le film avait créé beaucoup de remouds à l'époque et la fin avait même été censurée. En 1933, il semble que Victor Saville ait eu les coudées plus franches. Le film est également basé sur une histoire vraie. La belge Martha Cnockhaert a bel et bien été une espionne au service des anglais. Dans le film, c'est la blonde Madeleine Carroll qui incarne Martha qui réussit à s'insinuer dans les bonnes grâces des allemands en montrant un dévouement sans failles comme infirmière. Elle va aider Stephan (H. Marshall) a comprendre ce que les allemands préparent avec leur cylindres de gaz. Elle prend également de gros risques en suivant le Commandant Oberaertz (Conrad Veidt) jusqu'à Bruxelles dans l'espoir d'obtenir des informations sur la venue du Kaiser. Si elle échappe à la peine de mort après avoir été arrêtée, c'est grâce au sacrifice de Stephan qui prend sa place. La mise en scène de Victor Saville ne montre pas une grande personnalité. Mais, la reconstitution de la Belgique occupée est plutôt réussie. Conrad Veidt n'a qu'un rôle secondaire, mais il réussit une belle incarnation en villain retors et suave. Un film britannique sympathique.
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Re: Conrad Veidt (1893-1943)

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Quelle merveilleuse idée d'ouvrir un topic sur un des acteurs préférés ! :D Sans être spécialement beau, j'ai rarement vu quelqu'un d'aussi séduisant au cinéma. J'ai très peu vu de ses films parlants, mais il m'a toujours fait forte impression dans ses films muets : c'était un immense acteur.
Ann Harding a écrit :le temps de tourner quelques bons films comme The Man Who Laughs (1928, P. Leni) et The Beloved Rogue (1927, A. Crosland).
"Bons" films ? :shock: J'ai fait du Beloved Rogue mon film du mois dernier, tant j'ai été séduit par le scénario, l'interprétation et surtout une extraordinaire mise en scène. Si je ne l'avais pas vu, ce serait The Man Who Laughs qui aurait pris la première place : c'est un film bouleversant, grâce notamment à l'interprétation sans faille de Veidt et de Mary Philbin. Je crois qu'on peut même parler d'un véritable tour de force de la part de Veidt, car réussir à faire passer tant d'émotion en faisant oublier son visage grimaçant relevait de la gageure. La scène du début dans la neige est impressionnante.

Ann Harding a écrit :un extrait des souvenirs de Françoise Rosay qui le rencontra à Hollywood à la fin des années 20
La traversée d'une vie ?
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Re: Conrad Veidt (1893-1943)

Message par Ann Harding »

Oui, c'est bien un extrait de La Traversée d'une vie, un des meilleurs livres de souvenirs que j'ai pu lire.
Je crois que tu aimes The Beloved Rogue plus que moi. Il y a des cascades formidables, mais Barrymore m'a laissé assez froide. Il faut que je rapatrie ma critique de The Man Who Laughs. La voilà:

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The Man Who Laughs (L'Homme qui rit, 1928) de Paul Leni avec Conrad Veidt, Mary Philbin, Cesare Gravina et Olga Baclanova

Gwynplaine (C. Veidt) a été défiguré dans son enfance par un groupe de gitans auquel il a été vendu. Son visage est marqué par un rictus permanent. Il utilise cette infirmité dans un spectacle de foire tenu par Ursus (C. Gravina). Il a grandi avec Dea (M. Philbin) qui est aveugle et dont il est amoureux...

Cette production Universal du roman de Victor Hugo faisait suite au Hunchback of Notre-Dame (1923, W. Worsley) et au Phantom of the Opera (1925, R. Julian). Mais, Lon Chaney, qui avait été préssenti pour le rôle de Gwynplaine, était maintenant sous contrat avec la MGM et indisponible. Le producteur Carl Laemmle a donc importé d'Allemagne Conrad Veidt, qui avait précedemment joué dans Das Wachsfigurenkabinett (1924) du réalisateur Paul Leni. Le film appartient donc à cette veine du film d'horreur et de grosses productions historiques basées sur des romans célèbres qui faisait la fortune d'Universal à l'époque. Paul Leni est un bien meilleur réalisateur que Wallace Worsley et Rupert Julian. Il donne au film une ambiance expressionniste impressionnante. Il déplace sa caméra avec habilité dans le champ de foire et suit ses personnages avec une caméra mobile. Dans le rôle-titre, Conrad Veidt porte un maquillage du célèbre Jack Pierce qui créera plus tard le monstre de Frankenstein. Equipé de dentiers surdimensionnés avec un crochet à la commissure des lèvres, il offre un visage semi-monstreux qui ne lui permet aucune expression faciale autre que ce rictus. Néanmoins, Veidt étant un très grand acteur, il réussit à faire passer ses souffrances dans son regard intense et douloureux. Le film eut quelques problèmes avec la censure à cause de la scène torride où la duchesse Josyana (Olga Baclanova) tente de séduire Gwynplaine. La séquence conserve sa puissante sensualité avec une Baclanova en grande forme. Cette artiste russe figure aussi dans The Docks of New York (1928, J. Von Sternberg) où elle est également formidable. Il est bien dommage que la Universal ait voulu ajouter cette fin heureuse totalement déconnectée du reste du film. Mais, si vous regardez The Hunchback of Notre-Dame, vous constaterez aussi que Victor Hugo y est passablement malmené : Esmeralda devient le personnage central du film aux dépends de Quasimodo. Parmi les productions Universal des années 20, The Man Who Laughs est sans aucun doute une grande réussite. On retrouve aussi avec plaisir quelques grands seconds rôles du muet tels que Josephine Crowell en Queen Ann. Mais, c'est Conrad Veidt qui domine le film face à une Mary Philbin assez fade.
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Re: Conrad Veidt (1893-1943)

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Conrad Veidt est un acteur mythique, pourtant peu connu du grand public...
Dans le muet, il a incarné l'une des figures fantastiques les plus marquantes dans Das Cabinet des Dr. Caligari de Wiene en 1920, sans oublier qu'il faisait partie de ses comédiens qui jouaient plusieurs rôles dans un film...

Souvent dans des rôles d'assassins, de méchants, comme Raspoutine, par exemple.

Mais, pour moi, ses rôles les plus marquants sont Jaffar dans le merveilleux The Thief of Bagdad (où il est puissant) et bien sûr le nazi dans Casablanca, son avant-dernier rôle...
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Re: Conrad Veidt (1893-1943)

Message par joe-ernst »

Ann Harding a écrit :Oui, c'est bien un extrait de La Traversée d'une vie, un des meilleurs livres de souvenirs que j'ai pu lire.
Merci. Il est depuis longtemps dans ma wish list, alors je crois que je vais me décider à l'acquérir. :D
Ann Harding a écrit :The Man Who Laughs (L'Homme qui rit, 1928) c'est Conrad Veidt qui domine le film face à une Mary Philbin assez fade.
Je ne l'ai pas trouvée fade du tout, bien au contraire, réussissant même à donner une certaine épaisseur à un personnage qui en manque beaucoup. Elle est bien plus fade dans Le fantôme de l'Opéra... :|
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Re: Conrad Veidt (1893-1943)

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Moi je ne la trouve pas fade du tout, que ce soit dans ce film, ou dans Le fantôme de l'Opéra
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Re: Conrad Veidt (1893-1943)

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A Woman's Face (1941, G. Cukor) avec Joan Crawford, Melvyn Douglas et Conrad Veidt

Anna Holm (J. Crawford) est accusée de meurtre. Tour à tour tous les témoins défilent à la barre pour raconter la vie de cette femme défigurée durant son enfance...

Ayant vu récemment la version suédoise de 1938, En kvinnas ansikte de Gustav Molander, de cette pièce de Francis de Croisset, j'étais assez curieuse de voir comment ce mélo tiré par les cheveux avait été traité par Hollywood. D'emblée, le film de Cukor est infiniment mieux construit que celui de Molander. Il faut dire que le scénariste Donald Ogden Stewart a donné à cette histoire une substance qui est absente de la version suédoise. Les personnages, tels que celui du médecin et de Torsten Baring ont été considérablement renforcés et l'intrigue est reserrée. Tout d'abord le film est construit en flash-backs qui nous font découvrir peu à peu la personnalité d'Anna Holm par les yeux de ceux qui l'entouraient. Et puis, les personnages secondaires sont beaucoup intéressants que chez Molander. Il faut dire que chaque petit rôle est tenu par un pilier du 'character acting': Donald Meek, le serveur obséquieux, Reginald Owen en maître-chanteur, Marjorie Main, en féroce gouvernante ou Albert Bassermann en consul généreux. Je trouve que Crawford réussit à créer un personnage nettement plus crédible que Bergman. On croit dur comme fer à cette femme disgraciée qui en veut au monde entier jusqu'à ce qu'un homme jette un regard sur elle. Et c'est là aussi que le film gagne énormément, le personnage de Torsten Baring (joué à merveille par Veidt) apporte ambiguité et motivations aux actions d'Anna Holm. dans le film suédois, Baring n'était qu'un comparse. Stewart a éliminé un autre personnage, dont Bergman tombait amoureuse, au profit de Baring. Les relations de Crawford avec son chirurgien sont également plus intéressantes, bien que pas toujours bien développées. La fin du film est en fait plus satisfaisante chez Cukor que chez Molander, bien qu'on y sent une concession à la censure. Chez Molander, Anna après la mort de Baring (qu'elle n'a pas provoquée) décide de renoncer à celui qu'elle aime (un autre personnage éliminé chez Cukor) pour devenir missionnaire en Orient. Ce sommet de l'abnégation rendait le film encore irréel. Finalement, le film de Cukor -bien qu'imparfait- m'a intéressée de bout en bout alors que celui de Molander est resté bien plat. Il faut aussi citer la cinématographie de Robert Planck qui donne une saveur noire au film. Au total un bien meilleur film que la version suédoise de 1938.
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Re: Conrad Veidt (1893-1943)

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Deux films de Michael Powell avec Conrad Veidt que je revois toujours avec le même plaisir. 8)

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The Spy in Black (L'espion noir, 1938) de Michael Powell avec Conrad Veidt, Valerie Hobson, Sebastian Shaw et Marius Goring

Durant la première GM, le capitaine Hardt (C. Veidt) qui commande un sous-marin allemand est envoyé sur l'ile d'Hoy sur l'archipel des iles Orkney. Il doit y rencontrer une espionne qui doit lui fournir des informations sur la flotte britannique qui mouille non loin de là...

Ce film de Michael Powell marque sa première collaboration avec Emeric Pressburger comme scénariste. Le scénario, il faut le noter, est basé sur une histoire de J. Storer Clouston, l'auteur de His First Offence qui est à l'origine de Drôle de Drame (1937, M. Carné), ce petit chef d'oeuvre d'humour noir. Si je mentionne le film de Marcel Carné, c'est que le film de Michael Powell est également une délicieuse comédie d'espionnage avec un humour typiquement britannique. Conrad Veidt y tient un de ses plus beaux rôles au cinéma parlant. Avant de devenir l'archétype du Nazi dans les films Hollywoodien, Powell lui donne une chance de montrer son talent considérable -aussi bien dans l'humour que dans le drame- en Capitaine d'un sous-marin qui se retrouve espion sur une île britannique. Il est certes allemand, mais il est le héros du film. Et tout le public est derrière lui dans ses aventures face à la belle espionne incarnée avec énormément de talent par Valerie Hobson. Cette grande et mince jeune femme à l'allure patricienne et aux nerfs d'acier est la partenaire parfaite d'un Conrad Veidt tour à tour séducteur et impavide. Le récit est pimenté d'incursions de personnages fort amusants qui viennent stopper net les activités de nos espions. Il y a ce clergyman équipé d'un gigantesque phonographe qui débarque à l'improviste. Il remarque une médaille qu'il ne connait pas sur l'uniforme de Veidt. Celui-ci lui répond: "C'est la Croix de Fer, deuxième classe." Le clergyman légèrement interloqué : "Deuxième classe...mais, alors vous êtes prisonnier de guerre ?" Réponse de Veidt sortant un révolver: "Non, c'est vous qui l'êtes." :mrgreen: Il y aussi le très irritant révérant du village qui vient ennuyer les espions car ils sont en retard et le gigot va être trop cuit! :uhuh: Il y a une parfaite alchimie entre Veidt et Hobson qui flirte à fleuret moucheté avec des sous-entendus délicieux dans les dialogues. L'intrigue n'est pas en reste en terme de suspense, car Hobson est une espionne, mais à la solde de qui ? Nous l'apprendrons au cours du film. Le final est également une grande réussite où Hardt va être coulé par son propre sous-marin. Ce film délicieux est accompagné d'une musique de Miklós Rózsa qui débutait alors comme compositeur de musique de film. Un Powell qui est en tout point délectable et où Veidt n'a jamais été aussi séduisant.

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Contraband (Espionne à Bord, 1940) de Michael Powell avec Conrad Veidt, Valerie Hobson et Hay Petrie

Novembre 1939, le capitaine Andersen (C. Veidt) commande un cargo danois. Arrivé en vue des côtes anglaises, il doit se soumettre à la douane. Deux des ses passagers lui volent ses laissez-passers pour aller à terre. Il part à la poursuite de Mrs. Sorensen (V. Hobson) jusqu'à Londres...

La guerre a maintenant commencé, mais Powell reforme son couple vedette Hobson-Veidt pour une autre comédie d'espionnage qui se déroule dans le Londres de l'époque. Veidt est maintenant un capitaine danois de la marine marchande, issu un pays neutre. Il se retrouve embringuer dans une histoire d'espionnage avec la belle Mrs. Sorensen (V. Hobson), une danoise qui espionne pour les alliés. Le dialogue est un vrai bonheur avec un humour délicieux. Lorsque Veidt et Hobson se retrouvent prisonnier d'espions allemands, on demande à Veidt de décliner son identité. Il répond 'Andersen, Hans' et les espions répliquent du tac au tac qu'ils sont les Frères Grimm ! :mrgreen: Pour un film d'espionnage, nous sommes des univers assez inhabituels tels qu'un restaurant et une boîte de nuit. Veidt se retrouve ficelé avec Hobson dans un sous-sol non identifié. Il s'échappe et promet de revenir la chercher. Comme c'est le black-out, il ignore où elle se trouve et doit retrouver l'endroit grâce à la musique et aux bruits qu'ils ont entendus. Nous voyons donc notre espion d'occasion visiter toutes les boîtes de nuit de Soho à la recherche d'un joueur de banjo. Il est accompagné par une bande de serveurs danois qui lui prête main forte. Tout cela se termine sur une note humoristique quand Veidt assomme l'espion allemand avec un buste de Chamberlain, avec cette remarque : "On disait bien que c'était un dur." :uhuh: Inutile de dire que Veidt fait merveille dans ce rôle qui oscille entre humour et dérision. Une de mes scènes préférées est celle où il se met à chanter une chanson danoise accompagné par sa montre équipée d'une boîte à musique, une chanson bientôt reprise par Hobson et par tout le restaurant. Absolument délicieux.
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Re: Conrad Veidt (1893-1943)

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Dark Journey (1937) de Victor Saville avec Conrad Veidt, Vivien Leigh et Anthony Bushell

En 1918, à Stockholm, Madeleine Goddard (V. Leigh), une citoyenne suisse, tient un magasin de mode. Elle revient de Paris avec un lot de robes ; son travail sert de couverture à ses activités d'espionnage au profit des allemands. Un certain Baron von Marwitz (C. Veidt), un déserteur allemand, arrive à Stockholm pour faire la fête dans les boîtes de nuit...

Décidément, le cinéma anglais des années 30 adorait les films d'espionnage ! Comme dans ses prochains films avec Michael Powell, Veidt y est un personnage complexe, charmeur et mystérieux. Quant à Vivien Leigh, quelques années avant de devenir une star internationale avec Gone With the Wind, elle y incarne une jeune femme à l'air innocent qui se révèle être une espionne de haut vol. Elle convoie des informations de Paris à Stockholm grâce aux robes qu'elle transporte. Puis, elles fournit les informations recueillies aux allemands. En fait, elle va se révéler être un agent double qui a réussi à tromper les allemands. Le film est truffé de faux semblants. Le Stockholm de 1918 semble grouiller d'espions allemands, français et anglais. On ne sait plus d'où donner de la tête ! :mrgreen: Personne n'est tout à fait ce qu'il semble être. Quant à Veidt, il trompe bien son monde en passant pour un noceur qui fait la fête tous les soirs avec jolies filles et champagne à gogo. Mais, soudain, il rencontre la belle Madeleine et il oublie rapidement ses conquêtes faciles pour tenter de la séduire. Le film est rempli de retournements de situation qui tiennent en haleine. Mais, il faut bien reconnaître que Saville n'est pas un réalisateur aussi doué que Powell. Les scènes entre Veidt et Leigh n'ont pas tout à fait l'électricité de celles entre Veidt et Hobson. Néanmoins, c'est un film bien mené et qui fera le bonheur des fan de Vivien et de Conrad. Dommage que le film soit libre de droits, ce qui m'a valu une copie contretypée fort délavée, alors que les opérateurs sont Harry Stradling et Georges Périnal.
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Re: Conrad Veidt (1893-1943)

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Nazi Agent (1942, Jules Dassin) avec Conrad Veidt, Ann Ayars, Ivan F. Simpson et Dorothy Tree

Un immigré allemand Otto Becker (C. Veidt) tient une boutique de livres et de timbres à New York. Un jour, il reçoit la visite de son frère jumeau, Hugo (C. Veidt). Celui-ci, qui est consul d'Allemagne, veut qu'il devienne un agent au service des nazis. Otto refuse, mais Hugo menace de le dénoncer au service de l'immigration des Etats-Unis car son passeport est un faux...

Ce Nazi Agent est le premier long métrage de Jules Dassin. Conrad Veidt y joue un double rôle. D'un côté, il est le gentil et farouchement anti-nazi, Otto avec une barbe, de l'autre, il est le dangereux et menaçant Hugo qui un nazi pur jus. L'intrigue est assez typique des films américains de l'époque qui étaient réalisés pour faire prendre conscience aux américains du danger nazi. Comme toujours, ce sont des agents infiltrés aux Etats-Unis qui menacent le monde. On donne même à Conrad Veidt l'occasion de dire tout haut probablement ce qu'il pensait tout bas. Il dit à un des nazis que les 130 millions d'américains arriveront à détruire la pieuvre nazie. Contrairement à d'autres films de la période, Veidt a la chance de pouvoir interpréter un personnage sympathique. C'est d'ailleurs un film qui repose entièrement sur ses épaules. Otto réussit à empêcher son frère de l'assassiner froidement et c'est Hugo qui est tué. Otto réalise alors qu'il doit remplacer son frère auprès des autres espions de son réseau. Il prétend donc être son frère pour mieux les démasquer et les donner à la police. Le film se termine sur une note sombre car Otto décide de donner sa vie délibérément pour sauver une femme. Il retourne en Allemagne sachant qu'il mourra à l'arrivée. La dernière image réussit à être émouvante grâce au jeu subtil de Veidt. Sur la bateau, qui l'emmène vers la mort, il regarde pour la dernière fois la Statue de la Liberté. On est dans une vision de l'émigration à rebours finalement assez finaude pour faire réaliser aux américains leur chance d'être libres. Un film sympathique, qui se laisse voir grâce à la performance remarquable de Veidt.
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Re: Conrad Veidt (1893-1943)

Message par Ann Harding »

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Above Suspicion (1943, Richard Thorpe) avec Joan Crawford, Fred MacMurray, Conrad Veidt et Basil Rathbone

A Oxford, le professeur Richard Myles (F. MacMurray) vient d'épouser Frances (J. Crawford). Ils partent en voyage de noces en Europe. Mais, avant de partir, un ami de Myles, qui travaille au Foreign Office, lui demande contacter certains de leurs agents en Allemagne pour recueillir des informations cruciales sur une nouvelle arme. En tant que touriste en voyage de noces, il sera au-dessus de tout soupçon...

Cette comédie d'espionnage réalisée par Richard Thorpe est une bonne surprise dans la filmographie très inégale de ce réalisateur de studio. Contrairement au plat et médiocre The Unknown Man (1951), ce film possède rythme et humour. Joan Crawford et Fred MacMurray y font preuve de beaucoup de dynamisme et leur couple fonctionne parfaitement à l'écran. Il faudrait d'ailleurs réhabiliter une bonne fois pour toute l'excellent Fred MacMurray, si souvent sous-estimé. Il a réussi à être un partenaire à la hauteur face à Claudette Colbert, Barbara Stanwyck, Carole Lombard et Rosalind Russell. Un beau palmarès ! Le voyage de noces de Mr & Mrs Myles devient rapidement une suite de rencontres et d'enigmes en tous genres à Paris, puis dans le sud de l'Allemagne. On reconnait dans les seconds rôles la crème des supporting actors de la MGM: Arthur Shields, Reginald Owen ou Felix Bressart. Puis, il y a les deux protagonistes de choix que sont Basil Rathbone, toujours aussi inquiétant et retors, et Conrad Veidt, en agent infiltré. Ce fut le dernier rôle de Conrad Veidt qui mourut peu de temps après le tournage. Son rôle est assez sacrifié, mais, il réussit à donner le meilleur de lui-même dans les quelques scènes où il apparaît. Il danse un tango endiablé avec une dame d'âge mûr, avec jubilation. Le film s'inspire du style hitchcockien, particulièrement pour la scène de meurtre durant un concert (le Concerto pour piano N°1 de Liszt) où le tireur attend un coup du percussionniste sur la grosse caisse pour tirer en toute discrétion. Cette séquence était déjà présente dans la première version de The Man Who Knew Too Much (1934). Il est difficile d'identifier qui est responsable de la qualité et du dynamisme de ce film, mais Robert Planck derrière la caméra a certainement a yvoir de même que le réalisateur et producteur britannique Victor Saville. Une petite fantaisie d'espionnage très sympathique. Le film est dispo en Warner Archive dans une très belle copie.
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Re: Conrad Veidt (1893-1943)

Message par someone1600 »

un excellent acteur que je n ai vu que dans casablanca et nazi agent

par contre tu me donne bien envie avec tes avis sur les films d espionnage
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Re: Conrad Veidt (1893-1943)

Message par Watkinssien »

someone1600 a écrit :un excellent acteur que je n ai vu que dans casablanca et nazi agent

par contre tu me donne bien envie avec tes avis sur les films d espionnage
Je te conseille aussi fortement The Thief of Bagdad ! :wink:
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Re: Conrad Veidt (1893-1943)

Message par Ann Harding »

someone1600 a écrit :un excellent acteur que je n ai vu que dans casablanca et nazi agent

par contre tu me donne bien envie avec tes avis sur les films d espionnage
Les deux Powell que je mentionne valent le détour, crois-moi! :wink: C'est un plaisir de tous les instants. 8)
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