Adapté du poème de Virgil « L’Enéide » (une bonne référence littéraire fait toujours son effet et, en plus, ça évite au scénariste de trop se creuser le ciboulot), LES CONQUERANTS HEROIQUES s’intéresse aux pérégrinations des Troyens et en particulier du musculeux Enée, demi-dieu né des amours d’un mortel et d’Aphrodite. Enée est d’ailleurs considéré comme le fondateur légendaire de Rome puisqu’ancêtre de Romulus et Remus, une parenté dont se réclamait également Jules César. Cependant, LES CONQUERANTS HEROIQUES n’adapte qu’une partie de « L’Enéide », supprimant les nombreuses péripéties connues par les Troyens après la chute de la cité (arrivée à Carthage, visite des Enfers, etc.) pour débuter au moment où la tribu nomade s’installe dans le Latium, région centrale de l’Italie où sera plus tard fondée Rome.
Outre Steve Reeves, alors star incontournable des péplums les plus prestigieux depuis l’inaugural LES TRAVAUX D’HERCULE, le film donne la vedette à Giacomo Rossi-Stuart (OPERATION PEUR) et Gianni Garko (SARTANA) dans le rôle du vilain Turnus. Le producteur Giorgio Venturi (alias Giorgio Rivalta) dirige la mise en scène (il ne signa que trois longs-métrage) tandis qu’Albert Band s’en octroie tout le crédit au générique de la version américaine dont il signa l’adaptation.
Moins épique et spectaculaire que LA GUERRE DE TROIE, le long-métrage demeure cependant de bonne facture et bénéficie d’un budget conséquent qui le distingue de la masse des séries B « péplum » sorties à la même époque. Si la première partie demeure intimiste et se conforme aux clichés inhérents au genre avec sa petite bande d’opprimés soumis à la tyrannie d’un despote, le dernier acte se veut plus grandiose et propose quelques batailles efficaces entre les antagonistes en présence. On note d’ailleurs quelques scènes intéressantes, notamment celle où les épouses et enfants des Troyens assiégés ramassent, au péril de leur vie, les flèches tombées sur le champ de bataille pour les apporter aux archers défendant les murailles. Malheureusement, le film souffre aussi de longueurs (une durée de 105 minutes ne parait pas excessive pour ce genre de production mais LES CONQUERANTS HEROIQUES tire souvent à la ligne), de quelques flashbacks (issus de LA GUERRE DE TROIE) pas toujours bien intégrés à l’intrigue et de dialogues pauvrement écrits. Cela rend l’entreprise quelque peu boiteuse en dépit de ses indéniables qualités : on est passé à côté d’un incontournable du péplum italien pour n’avoir, au final, qu’un bon péplum. Ce qui n’est déjà pas si mal au milieu des dizaines de sous-produits fauchés proposés à la même époque.
Plus intimiste que son prédécesseur, LES CONQUERANTS HEROIQUES demeure donc un péplum de bonne facture, réalisé avec un certain souci de réalisme et un minimum d’ambitions. Le tout se regarde avec plaisir et saura contenter les amateurs du genre, lesquels pourront ensuite poursuivre (en quelque sorte) cette histoire en visionnant le HELENE DE TROIE de Ferroni ou le ROMULUS ET REMUS de Corbucci.